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EN cette fin du mois d’août, j’ai reçu plusieurs lettres
curieusement semblables. Elles disent : « dans le Nouvel Observateur
du 22 au 28 août, l’article de Michel Bosquet intitulé
La loi des Robots semble avoir été écrit pas votre
Père, mais quelque quarante ou cinquante ans plus tard ! ».
Et c’est bien vrai. Jacques Duboin a dit en substance, mais avant que
les faits ne soient flagrants pour tous : « attention, l’automatisation
de la production va bouleverser les économies développées.
Il faut s’y adapter avant d’en pâtir ». D’où ses
propositions d’une économie distributive assurant à tous
des revenus à vie, un partage équitable du travail et
une durée du temps libre croissant justement grâce à
cette automatisation des moyens de production.
Ses thèses ont enthousiasmé une foule de gens, dont la
plupart ont été séduits par la simplicité
et la logique de ses déductions, d’autres par l’aspect plus humain
et plus « épanouissant » de la société
qu’elles entraînent forcément.
Maintenant qu’il est devenu évident, pour une majorité
de gens informés, que les années qui viennent vont encore
plus radicalement que par le passé bouleverser toutes nos habitudes
sur le travail, on voit grossir le nombre de gens qui arrivent enfin
à notre conclusion première : il faut réduire le
temps de travail de chacun, en le partageant entre tous.
Curieusement, la suite logique de nos propositions ne semble pas venir
facilement à l’esprit de ceux qui découvrent enfin dans
quel sens l’évolution des techniques nous pousse. ils voient
que le travail humain nécessaire pour faire produire par les
machines ce dont nous avons besoin, diminue. Ils voient qu’avec les
robots dont le nombre va inévitablement augmenter à toute
allure, la quantité des produits obtenus croît. Mais ils
ne voient pas que si les revenus des travailleurs restent proportionnels
à leur temps de travail, ils ne leur procureront pas le pouvoir
d’achat correspondant à la production ! Ils ne comprennent pas
que, comme le dit Bosquet : « à cause des robots, les dogmes
les mieux enracinés de la science économique sont battus
en brèche ».
*
Le journaliste du Nouvel Observateur ne semblait pas, en mars dernier,
avoir adopté notre conception du revenu social, contre-partie
logique de la réduction du temps de travail, parce que, écrivait-il
alors dans les Temps modernes : « il remplace ou complète,
selon les cas, l’exploitation par l’assistance, tout en perpétuant
la dépendance, l’impuissance et la subordination des individus
vis-à-vis du pouvoir central ». Une telle remarque montre
de façon évidente qu’il raisonnait dans la logique du
système capitaliste où le vrai pouvoir, le plus fort de
tous (nos gouvernants actuels en font l’expérience) est le pouvoir
économique des marchands. Ce pouvoir qui a pour objectif principal
de « produire les consommateurs dont le système industriel
a besoin pour écouler ses produits » ! Or c’est justement
cette logique-là que le système distributif inverse. On
y produit non plus pour vendre, avec toutes les servitudes et l’esclavage
que ceci implique, mais pour satisfaire les besoins des membres de la
société qui, parce qu’ils sont les consommateurs, sont
directement les gérants d’un système sans profits.
Il n’y a pas « assistance » quand tous les membres de la
société sont traités selon les mêmes normes.
Un travailleur à la retraite se considère-t-il aujourd’hui
comme un assisté ? N’est-il pas normal que, dès lors qu’on
fournit sa contribution à la société, celle-ci
vous considère comme un membre à part entière et
vous remette normalement cette part ?
Impuissance ? Quelle est aujourd’hui la « puissance » du
travailleur sur le marché du travail ? Est-ce que le consommateur,
poussé par des publicités (puissantes) à acheter
n’importe quoi pour qu’un autre puisse vendre, dispose d’une réelle
puissance pour déterminer ce qui doit être produit ? L’économie
distributive confère au contraire le pouvoir du choix, par la
consommation, à tous les membres de la société.
La « subordination » des individus ? Comment subordonner,
et à qui, les individus d’une société qui disposent
du temps et des moyens pour s’informer, s’instruire, se cultiver ?
Ce n’est pas facile d’imaginer une société sans profit
quand on vit dans un monde où il règne en maître
depuis des générations. Mais il était tout aussi
inimaginable, il y a seulement un siècle, qu’un jour le travail
soit désacralisé ! Et pourtant, sur ce point, Michel Bosquet
va plus loin que certains de nos amis qui s’estiment « distributistes
» mais qui n’imaginent pas une société qui ne remettrait
pas une prime aux meilleurs travailleurs* ! Il a compris que la «
mutation » dont parlait J. Duboin, amène l’homme à
se définir par ce qu’il fait dans son temps libre plutôt
que pendant son temps de participation à la production. Il sent
que l’éthique de la célérité, de la ponctualité,
du « on n’est pas là pour s’amuser », éthique
que l’école n’a cessé d’inculquer aux enfants depuis l’invention
des manufactures est en voie de disparition. Mais la glorification de
l’effort, de la vitesse, du rendement sur laquelle se sont fondées
les sociétés industrielles a laissé une marque
profonde dans les esprits. Car si l’éthique du rendement s’effondre,
Bosquet, que deviendra la hiérarchie sociale et industrielle
? Sur quels impératifs pourra s’appuyer l’autorité de
ceux qui commandent ? A sa propre question, le Journaliste du Nouvel
Obs répond avec nous qu’ils devront traiter les travailleurs
(lui, hélas, dit encore « les salariés »)
comme des personnes autonomes et obtenir leur coopération plutôt
que d’exiger leur obéissance. Nous ajoutons que ceci se fera
dans la société distributive parce qu’elle sera constituée
de membres disposant des mêmes moyens, donc vraiment libres et
égaux en droits.
*
A l’heure où le discours de notre Premier ministre à
l’Assemblée, d’une part, et la dernière encyclique du
Pape d’autre part, s’accordent pour dire qu’il faut donner la priorité
à l’homme sur le travail, nos amis « distributistes »
doivent sentir que nous ne sommes plus
seuls à prêcher dans le désert, que l’utopie dont
on nous a si facilement accusés devient réalité.
* Voir la « Tribune libre » de ce même numéro.
Régler ses achats sans argent liquide, ni chèque, c’est
ce qui convient le mieux à la mise en pratique de la monnaie
de consommation que nous préconisons. Eh bien justement ce mode
de règlement va être testé à partir du printemps
prochain, à Caen, où une « carte à mémoire
» sera distribuée à 50 000 habitants qui le souhaiteront.
Ils pourront l’utiliser dans l’un des deux cents magasins de la ville
équipés de la machine enregistreuse spécialement
conçue.
Son utilisation n’est pas compliquée, note le journaliste qui
en décrit le fonctionnement dans « Ouest - France »
: l’usager négocie avec sa banque un pouvoir d’achat mensuel,
en fonction de ses revenus (en économie distributive, ce pouvoir
d’achat mensuel sera le montant du revenu social). Le chiffre adopté
est alors mémorisé dans « une puce » montée
dans l’épaisseur du plastique. A concurrence de cette somme,
le titulaire peut effectuer n’importe quel paiement. Le détaillant
vérifie qu’il dispose du pouvoir d’achat suffisant. Si oui, la
somme correspondant à l’achat en est soustraite par la machine,
en même temps qu’elle est portée sur un autre compte.
Conséquences : plus de transports de fonds, plus de « chèques
en bois », disparition des tâches de contrôle, et
l’enregistrement automatique des opérations réduit considérablement
toutes les opérations de gestion. Enfin, utilisable avec un numéro
de code, cette carte exclut tous les risques de vol.
L’expérience de Caen, complétant l’opération-test de Lyon, va durer dix-huit mois... et la France pourra être le premier pays à généraliser ce système... vite adaptable à l’économie distributive ensuite.
(Information transmise par H. Muller).
L’opposition (la nouvelle) et la presse à sa solde voudraient nous faire croire que la situation économique s’aggrave depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir. Comme si en 4 ou 5 mois on pouvait réparer les dégâts de plus de 8 000 jours de gouvernement de la droite ! Bien sûr, le dollar a, certains jours, été coté à plus de 6 francs ; mais, aux alentours de 5,50 il est revenu au niveau qu’il avait en août 1969 après la dévaluation réalisée par le gouvernement ChabanDelmas. Et à ce moment-là les taux d’intérêts américains étaient loin d’approcher ceux pratiqués aujourd’hui. Les autres monnaies européennes n’ont pas été épargnées non plus. Et, même en Suisse, la hausse du coût de la vie a été de 1,5 % au mois d’août. Quant au chômage, il gagne du terrain partout, aussi bien au Royaume-Uni, qu’aux Etats-Unis ou en Allemagne Fédérale où il a progressé de 49 en un an. Alors, attendons encore un petit peu avant de porter des jugements définitifs !
*
Bien que l’économie distributive ne figure pas (pas encore, hélas) au programme du gouvernement Mauroy, on peut cependant trouver quelques raisons d’espérer : le Premier ministre propose, par exemple, d’offrir aux jeunes qui terminent leur service national des contrats (volontaires) de six mois ou un an pendant lesquels ils pourront se consacrer à des travaux d’intérêt public (eaux et forêts, animation de communes, coopération, ...) . Les intéressés toucheraient un salaire d’environ 1 000 francs par mois et seraient logés et nourris. C’est déja un premier pas vers le Service Social prôné en économie distributive.
*
Pierre Mauroy est d’ailleurs bien conscient des problèmes qui nous attendent. Il disait dans son discours devant l’Assemblée Nationale, lors du débat sur la motion de censure déposée par l’opposition : « La crise ne se résoudra pas d’elle-même. Elle ne sera surmontée qu’au prix d’une formidable adaptation industrielle et d’une mutation sociale. Il revient aux héritiers des premiers prolétaires jetés au pied des machines à vapeur de réussir l’émancipation que permet la nouvelle révolution technologique. La France peut ouvrir la route. Nous le lui devons. C’est pourquoi nous sommes déterminés à conduire le changement... »
*
Et moi dont le nationalisme a toujours été plus que chancelant,
je dois bien reconnaître que l’exemple donné par la France
peut être important : c’est ainsi que lors de la dernière
réunion de l’Assemblée Européenne (15-17 septembre),
les élus ont souligné la faillite des politiques menées
jusqu’à présent par les gouvernements nationaux (politiques
monétaristes, en général). Et, fait nouveau, ils
ont affirmé que « la politique de lutte contre l’inflation
doit être subordonnée à la politique de lutte contre
le chômage ». Le Commissaire chargé des affaires
sociales,-a déclaré « De toute évidence la
plupart des ministres ont compris que nous ne sortirons pas de la récession
en poursuivant les politiques actuelles. (...) Si nous continuons d’étrangler
nos économies, comme nous le faisons actuellement, nous réduirons
la production, les investissements, le nombre d’emplois, et, loin de
réduire l’inflation, nous l’aggraverons. » .
Plusieurs propositions de réduction de la durée du travail
ont été proposées au cours de la session.
*
Evidemment de telles prises de position ne font pas plaisir à
tout le monde. C’est ainsi que le « Wall Street Journal »
du 9 septembre écrit :
Les dirigeants français ne se contentent pas « comme nous
avions été tentés de le penser au début
», de « quelques gestes socialistes » avant «
de retourner à la politique économique pragmatique qui
avait caractérisé la Cinquième République
».
« Les actions et déclarations de M. Delors et de ses collègues
nous persuadent rapidement du contraire ».
Mais le « Wall Street Journal » ferait mieux de s’interroger
sur le bien fondé de la politique économique de Reagan
car, selon un rapport publié le 20 août par le bureau officiel
des statistiques des EtatsUnis, le revenu moyen avant impôt des
Américains a diminué de 5,50 pour cent en 1980. C’est
le recul le plus important enregistré depuis
1974.
*
Quant à nous, réjouissons-nous car malgré tout, nos idées font leur chemin : dans la rubrique « Idées » du « Monde » du 5 septembre, on pouvait lire dans un article intitulé « Les temps nouveaux » : « Ainsi la création de temps libre répond-elle à une double nécessité, économique et sociale. Economique, car face aux progrès technologiques, aux dépéri-, ses sociales que représente l’indemnisation du chômage, il n’y a pas d’autre solution que de partager l’emploi en réduisant la durée du travail. Nécessité sociale aussi, car on ne peut accepter la division entre une France au travail qui croule sous des horaires toujours aussi lourds et une France condamnée à l’inactivité forcée. »
Actualité
LA victoire électorale remportée par les socialistes
et leurs alliés n’est pas encore, loin s’en faut, la victoire
du socialisme. Passée la période euphorisante des premières
mesures, devraient apparaître les séquelles de la réaction
en milieux conservateurs : durcissement des prix, licenciements, crédit
raréfié, blocage des investissements, approvisionnements
difficiles, la population étant invitée à subir,
sans murmurer, une dure discipline venant démentir les promesses
électorales. En matière de finances, la règle du
jeu restant ce qu’elle est, le socialisme réformiste ne fait
pas de miracles. Les capitaux se font rares. Ils s’investissent dans
les valeurs refuges l’or, la terre, la pierre, les antiquités,
les collections et oeuvres d’art, ou bien ils prennent le large en dépit
des contrôles.
Telle est donc l’image seconde du socialisme. Les pays de l’Est ont
mis trente années à sortir du ghetto diplomatique, à
faire démarrer une économie qui n’est toujours pas intégralement
socialiste et moins encore communiste. Ils continuent à combattre
les subversions intérieures, à s’armer contre l’extérieur
pour préserver les acquits de leur régime. Ce qui s’est
passé au Chili après l’accession d’Allende au Pouvoir,
préfigure ce qui attend tout pays tenté de se libérer
du joug des Oligarchies, des multinationales et de leurs lobbies, détenteurs
du pouvoir économique mondial. Conquérir le pouvoir politique
est une chose. Le conserver en est une autre quand il reste à
réduire à merci un pouvoir économique tentaculaire,
diffus, rusé, moins facile à appréhender, à
apprivoiser qu’un électorat perméable à la propagande.
Il est des questions que n’ont guère abordées les socialistes
: le coût des nationalisations, l’ampleur de la fiscalité,
les prix, les conséquences et les modalités d’application
d’un impôt sur le capital, sur les patrimoines, sur les sociétés.
Il sera difficile à un gouvernement socialiste d’éviter
une montée des prix, même si un contrôle, forcément
dérisoire, doit s’exercer épisodiquement sur un certain
nombre d’entre eux. On ne contrôle pas dix millions de prix et
des millions de points de vente. Les rétentions de marchandises,
normales en l’occurrence, entraînent, sinon la création
d’un marché parallèle, du moins une série de hausses
incontrôlées au niveau du négoce, du petit commerce
et des prestataires de services. Il semble exclu qu’un gouvernement
tel, opérant dans un environnement hostile, puisse acquérir
la maîtrise des prix avant d’avoir socialisé l’ensemble
de la production et de la distribution à tous les stades.
Il serait pareillement illusoire d’accréditer la perspective
d’un allègement de la pression fiscale au niveau du consommateur.
Intégralement comptabilisée dans les prix, la fiscalité
d’entreprise ne fait que glisser à travers ceux-ci pour atteindre
les personnes et ménages émargeant à salaires,
allocations et pensions. Les « indépendants » relevant
des professions libérales, commerciales ou artisanales, s’arrangent,
en effet, pour inclure, à leur tour, dans leurs propres prix,
ou en fraudant, la charge fiscale imputée à leur personne
ou à leurs activités. Ce fait ne continuerait-il pas d’échapper
aux théoriciens du socialisme réformateur qui laissent
entendre que seuls, les possédants les mieux nantis seraient
pénalisés par la réforme fiscale sur laquelle s’articule
l’essentiel du programme socialiste ?
Ni le capitalisme d’Etat, ni l’utopique communisme sans prix ni monnaie,
deux formules socialistes inséparables d’une centralisation bureaucratique,
n’apportent une réponse satisfaisante à l’aspiration générale
vers un changement radical des genres de vie. Tout changera en revanche
lorsqu’à bout d’expédients, ceux-là qui nous veulent
tant de bien finiront par admettre qu’il n’est qu’une révolution
économique pour changer la vie.
C’est à une tout autre formule qu’ont à se rallier les
victimes de la malchance dressées contre le capitalisme et ses
succédanés. Le modèle social - communautaire *
avec ses nouveaux usages monétaires, sa MONNAIE DE CONSOMMATION,
ouvre la voie à une révolution fort différente
de toutes les autres : une révolution économique avec
moins de 4 % de perdants qui, malgré tout, conservent de fort
beaux restes, une révolution sans hiatus de production, sans
rupture dans les approvisionnements extérieurs, chacun continuant
d’assurer sa tâche au mieux de ses compétences, de sa disponibilité
physique ou intellectuelle, sa sécurité garantie.
La clé en est forgée. Si les socialistes refusent de s’en
saisir, si les possédants d’aujourd’hui négligent pareillement
de l’utiliser, il ne reste plus alors qu’à s’enfouir la tête
et les yeux dans le sable, attendre cet autre Deus ex machina qui, jusque-là,
a seul réussi à remettre en selle, pour un temps, le vieux
système : la guerre qui assainit à la fois les marchés
et les professions, la guerre qui restaure la rareté garante
des profits, la guerre qui évacue les surplus industriels, métallurgiques
et miniers, la guerre qui résorbe le chômage et ouvre aux
entreprises de fructueux débouchés lorsqu’il s’agit de
détruire puis de reconstruire ce ce que les armes ont anéanti.
* H. Muller pense à l’économie distributive. N.D.L.R.
SOIT DIT EN PASSANT
ÉTIEZ-VOUS sur les Champs-Elysées, le 14 juillet dernier
avec toute la famille, le grand-père (qui a fait 14-18), la tante
Honorine et le cousin Jules, pour voir défiler l’armée
française ? Moi non plus. Mais si j’en crois les journaux, les
radios et la télé, c’était un spectacle impressionnant.
Manquait pas un bouton de guêtre, comme aurait dit Mac-Mahon.
La « force tranquille » qui, à l’image du nouveau
président, se dégageait de cette troupe en marche - une,
deux ! - aux accents retrouvés de la vraie Marseillaise en imposait
aux spectateurs les plus désabusés. De quoi donner à
réfléchir à l’ennemi héréditaire,
toujours à l’affut du défaut de la cuirasse s’il lui prenait
la fantaisie de venir nous marcher sur les orteils. Qu’on se le dise.
Nous voilà rassurés, mais il était temps de réagir.
La crise économique, cette maladie du monde moderne qui, depuis
un demi-siècle déjà - mais oui ! - venue d’Amérique
avec le phylloxéra, le pou de San José et le coca-cola,
ravage les pays industrialisés, gagne maintenant la planète
tout entière. Personne, aujourd’hui, ne peut se croire à
l’abri de ce fléau mystérieux qui a résisté
jusqu’ici à tous les remèdes miracle des plus illustres
thérapeutes, chez nous, à ceux du professeur Barre. Pourtant,
tout espoir n’est pas perdu.
Le réveil soudain de l’armée française auquel tous les parisiens ont pu assister de visu le 14 juillet dernier, avec la mise en chantier de notre septième sous-marin nucléaire, en est le signe encourageant.
On pouvait craindre, en effet, que le nouveau ministre des Finances
à la recherche du fric qu’il lui manque pour acheter du pétrole,
rembourser les caisses de retraite en déficit, payer les indemnités
de chômage et les excédents agricoles, avant de pressurer
une fois de plus le bon contribuable, allait faire des coupes sombres
dans le budget de l’armée - pardon, de la défense nationale
- sous prétexte que nous n’avons plus d’ennemi héréditaire.
C’était l’occasion ou jamais. Eh bien non, ce sera pour une autre
fois. Réflexion faite, un ennemi héréditaire, en
cherchant bien, ça peut se trouver.
Il y a quelques années de cela le délégué
du Portugal à l’O.N.U. obtint un succès de tribune pour
avoir, au cours d’une réunion sur le désarmement, lancé
aux défaitistes ces paroles devenues historiques :
« Et si les Martiens attaquaient une humanité réduite
à des lance-pierre une fois que le désarmement sera devenu
une réalité ? ».
Oui, au fait. Eh bien je puis rassurer aujourd’hui le délégué
du Portugal, si par hasard il lit ces lignes. Les Martiens peuvent débarquer,
on les attend de pied ferme. Mais ce n’est pas, rassurez- vous, avec
des lance-pierre qu’on va les accueillir. L’avertissement de ce Portugais
que l’on prenait pour un hurluberlu a été salutaire. Il
a donné à réfléchir à tous les pacifistes
bêlants comme à tous nos stratèges d’état-major,
toujours en retard d’une guerre, qui se sont si brillamment illustrés
au cours du dernier casse-pipes.
Je dois dire, et il fallait le dire, que les difficultés croissantes
que rencontre notre pays, comme tous ses voisins proches ou lointains
en pleine dépression économique et soumis aux jeux alternés
de l’inflation et du chômage, n’ont pas découragé
les grosses têtes qui nous gouvernent devant le nouvel effort
financier exigé pour répondre le cas échéant
à une menace des extra-terrestres. Au contraire. A défaut
d’ennemi héréditaire, dont l’espèce, comme celle
du « libéral inguérissable », est en voie
de disparition, le Martien était bon à prendre. Même
au sérieux. Le nouveau redressement définitif que l’on
nous mijote en ce moment à Matignon fût-il aussi provisoire
que les précédents, était à ce prix.
C’est que, dans le monde déboussolé de cette fin du XXe
siècle, alors que les progrès des sciences et des techniques
dans tous les domaines ont permis à l’homme, « Cet arrière
neveu de limace qui inventa le calcul intégral et rêva
de justice » (*), d’aller dans la Lune et même sur Mars,
de vaincre la maladie et la souffrance, de faire reculer la mort, de
créer
l’abondance et de faire du Socialisme qui n’était hier qu’une
utopie, une réalité, dans ce monde devenu une poudrière,
on continue à se massacrer avec entrain, tandis que des millions
d’êtres humains oubliés de l’abondance meurent de faim.
Et la noble industrie du casse- pipes toujours florissante, devenue
le ballon d’oxygène du capitalisme moribond, lui assure une survie
momentanée en continuant d’enrichir les croque-morts.
Jusque-z’à-quand ?...
(*) Jean Hamburger : « Un jour un homme ».
DEJA présents dans l’industrie, les robots vont assurer, dans les années à venir, une part toujours croissante de la production de biens. Les grandes entreprises s’équipent ou vont s’équiper dans un proche avenir. C’est ainsi que Général Motors a l’intention de consacrer plus d’un milliard de dollars d’ici 1990 à l’installation de 14 000 robots. Pour mieux juger de l’importance de cette décision on rappellera que l’industrie américaine toute entière ne possède actuellement guère plus de 3 500 robots en service. La fabrication des robots devient une activité importante investissant des sommes colossales dans la recherche et le développement. De nouvelles entreprises s’y intéressent et on sait que le géant IBM a des projets dans ce domaine.
UN ROBOT, C’EST QUOI ?
Il ne faut pas croire que les robots utilisés à présent
sont doués d’intelligence au même titre que les humains.
Ils ne peuvent qu’accomplir une tâche précise, simple,
toujours la même. Bien sûr, ils n’ont pas d’états
d’âme, travaillent jour et nuit, ne réclament pas d’augmentation
et ne tirent pas au flanc. Mais ils sont incapables de résoudre
le moindre problème. Prenons le cas d’un robot qui alimente en
pièces une machine quelconque. Ces pièces lui parviennent
sur un tapis roulant. Si l’une des pièces a bougé sur
le tapis, le robot est incapable de changer son mouvement pour la prendre.
Il la laissera passer.
Les robots les plus simples ont un bras commandé par une série
de contacts électriques. Le déplacement qu’effectue le
robot a été décomposé en trajets commandés
chacun par un contact. Un tel robot ne pourra jamais accomplir que le
même geste. Si on veut lui faire faire autre chose il faut le
démonter entièrement et le reconstruire. Les robots de
la nouvelle génération, par contre, sont commandés
par une mémoire électronique dont on peut changer le programme.
On change ainsi la fonction.
L’AVENIR
On s’active beaucoup dans les laboratoires de recherche à trouver
des systèmes qui permettent à un robot de voir ou de sentir
les objets. C’est possible en théorie grâce à des
caméras reliées à un ordinateur où l’image
transmise par la caméra est comparée à une image
type. A partir de là il faut programmer le robot pour qu’il réagisse.
On n’en est pas encore là.
Nous sommes donc encore loin des robots imaginés dans les films
de science fiction. Ceux qu’on rencontre dans les usines sont bien plus
modestes. De plus ils ne peuvent servir que dans un ensemble de machines
automatisées conçues en fonction d’eux. Certains accomplissent
des tâches plus complexes que d’autres. C’est, par exemple, le
cas des robots effectuant la soudure par points des carrosseries d’automobiles
ou la peinture de ces mêmes carrosseries. Des tâches qu’aucun
humain ne regrettera de ne plus faire.
LES ROBOTS ET L’EMPLOI
S’il n’y a pas davantage de robots en service à l’heure actuelle,
ce n’est pas parce que les syndicats s’opposent à leur venue.
Ce qui freine leur prolifération, c’est leur coût. Dans
ce domaine comme ailleurs la rentabilité est la règle.
Même si le prix d’un robot se révèle accessible
pour un industriel il ne lui sert à rien d’en acheter si le reste
de sa production n’est pas automatisée. Dans ce cas, de profondes
transformations sont nécessaires qui coûtent horriblement
cher.
Un robot ne perçoit pas de salaire, c’est vrai. Pas plus que
d’avantages sociaux. Mais il coûte de l’argent car il s’use. Il
faut donc payer son entretien et prévoir son remplacement. Les
comptables considèrent, cependant, qu’un robot s’amortit en deux
ans, ce qui est peu. Malgré tout, tant qu’un patron n’est pas
certain qu’un robot va représenter une économie il s’abstiendra
d’en acheter.
On peut affirmer pourtant que les robots vont être de plus en
plus nombreux dans les usines, car les coûts salariaux ne cessent
de croître. Quel sera l’effet de cette évolution sur l’emploi
? Les ouvriers spécialisés, au moins certains d’entre
eux, vont se tirer d’affaire car on aura besoin d’eux pour apprendre
aux robots à travailler. Qui mieux qu’eux connaît la tâche
à accomplir, qui peut mieux surveiller les machines ?
L’ouvrier non qualifié, par contre, risque fort de perdre son
emploi. Les plus touchés seront sans doute les travailleurs les
moins jeunes donc les moins aptes à apprendre des tâches
nouvelles. Les syndicats s’opposeront peutêtre avec succès
à l’entrée de robots dans certaines usines, mais ils.
ne pourront empêcher que les industriels d’autres pays s’équipent
et finalement leur usine fermera n’étant plus compétitive
et ils perdront leur emploi. On ne peut même pas vraiment espérer
qu’ils trouveront du travail en construisant des robots car, déjà,
certains robots sont fabriqués par d’autres robots.
*
Alors mieux vaut se réjouir de l’arrivée de ces machines qui libèrent l’homme de tâches répétitives ou pénibles. Il faut cependant en tirer les conséquences qui s’imposent et redistribuer les tâches. C’est ce qu’on répète depuis longtemps dans « La Grande Relève ».
LORSQU’UNE automobile marche de plus en plus mal parce que son vieux
moteur est usé, la solution ne consiste pas seulement à
changer de conducteur, mais surtout à avoir un conducteur qui
aura la lucidité de changer de moteur !
Le vieux moteur usé, c’est l’ECONOMIE DE MARCHE CAPITALISTE.
Que celle-ci comporte des moyens de production privés, nationalisés
ou étatisés, ou même en autogestion, cela ne change
rien au problème de fond. Le capitalisme d’Etat qu’on veut nous
faire croire « socialiste » fonctionne aussi mal ou presque
que le capitalisme soit- disant « libéral ». (Le
renard libre dans le poulailler libre).
NON, CE N’EST PAS LA « CRISE », MAIS L’EFFONDREMENT DEFINITIF
D’UN SYSTEME ECONOMIQUE DEVENU INADAPTABLE AU PROGRES TECHNIQUE GRANDISSANT.
TOUTE ACTIVITE OBLIGATOIRE ET INUTILE EST DE L’ESCLAVAGE... Or, en économie
de marché privée ou étatisée qui s’effondre,
on ne peut pas supprimer ce fantastique gaspillage d’énergie
et la pollution grandissante engendrés par LES TRAVAUX INUTILES
ET NUISIBLES sans provoquer du chômage visible.
Chaque machine remplace beaucoup plus de main-d’oeuvre qu’il en a fallu
pour la construire. CELA DEVRAIT NOUS LISERER DE PLUS EN PLUS DU TRAVAIL
OBLIGATOIRE (et non du « travail » volontaire librement
choisi pour notre épanouissement).
Mais s’obstiner en économie marchande à rétribuer
les travailleurs en se basant sur le temps de travail d’abord, tandis
que la machine rend ce travail humain de moins en moins nécessaire,
conduit à multiplier les activités inutiles et nuisibles
sous prétexte de RENTABILITE et de « PLEIN-EMPLOI »
en, produisant à outrance n’importe quoi, n’importe comment,
dans une « expansion » ou « croissance » monstrueuse
qui détruit la nature et l’homme : hypertrophie de la bureaucratie
et de la paperasserie, la camelote qui s’use vite exprès, les
intermédiaires en surnombre, la publicité... la production
la plus nuisible, celle des armements, ... soit pour le tout environ
75 % des activités !
LA CREATION DE L’ESCLAVAGE PRODUCTIVISTE EST EN MEME TEMPS UN CANCER
QUI RONGE LA TERRE.
Voilà pourquoi il est devenu INDISPENSABLE d’accomplir une grande
mutation économique. CE NE SONT DONC PLUS LES ENTREPRISES QUI
DEVRONT DISTRIBUER ;LE POUVOIR D’ACHAT, mais un organisme qui, lui,
sera INFORMÉ de la quantité de production et de services
destinés à la consommation et qui pourra ainsi répartir
en connaissance de cause un REVENU SOCIAL A VIE POUR TOUS sans tenir
compte du temps de travail global nécessaire, mais seulement
de la quantité de choses utiles que les machines font de plus
en plus à notre place. Tel est Ie principe de base d’une économie
véritablement socialiste qui n’existe encore nulle part dans
le monde. Et L’ECONOMIQUE PRIME LE POLITIQUE.
La nouvelle économie qui s’impose, comportant une monnaie socialiste
non capitalisable, à l’abri de toute spéculation et de
l’inflation (plus de monnaie de singe !) a été mise en
lumière en France par un grand socialiste, le sociologue Jacques
DUBOIN.
Nous avons maintenant un Président et une assemblée socialistes
disposant d’une majorité absolue, niais ce n’est pas encore une
victoire ! Si en effet les socialistes se contentent de faire marcher
le « vieux moteur », de gérer une économie
de marché plus ou moins nationalisée, alors la «
crise » continuera inexorablement avec son chômage visible
ou camouflé (travaux inutiles), son inflation et la pollution
grandissante provoquée par l’absurde croissance qui a déjà
commencé à perturber sérieusement les saisons,
triste résultat d’une accumulation constante de bioxyde de carbone
dans l’atmosphère. (L’industrie mondiale et ses produits consomment
6 FOIS PLUS D’OXYGENE que l’ensemble du règne animal - homme
compris*.
SOCIALISTES, DEVENEZ OU REDEVENEZ SOCIALISTES ! Sinon vous ne ferez
pas mieux que par exemple vos homologues britanniques, les travaillistes,
dont l’échec a abouti au retour des conservateurs... et ça
va toujours plus mal... Vous avez maintenant le temps et les moyens
pour réaliser enfin l’idéal de Jean JAURES ; ne trahissez
pas l’espoir que vous avez fait naître parmi une population qui
en a « ras le bol » de cette société dominée
par le veau d’or... En cas d’échec vous n’aurez pas d’excuses
et alors ceux qui ont déjà fait preuve de leur incapacité
reviendraient tôt ou tard en force, qualifiant votre gestion capitaliste
de « socialiste » pour nous faire croire, à cause
de vous, qu’il n’y a pas de socialisme valable.
LE MOMENT EST VENU D’INSTAURER LE VERITABLE SOCIALISME INDISPENSABLE
A LA SURVIE DE L’ESPECE.
* Voir A. Ducrocq « Le roman des hommes ».
Réponses à G. Krassovsky
...« J’ai lu avec plaisir et intérêt l’article de
Georges Krassovsky
« L’économie distributive, est-ce pour demain ? ».
Je partage ses craintes et observations, mais je crois que nous devons
aller plus loin : l’homme et la femme sont des matériaux qui
doivent devenir plus humains ; c’est le sens de l’évolution,
je pense. Quant à l’économie distributive nous la vivons
sans nous en rendre compte, sans nous en apercevoir. C’est ainsi que,
il y a 5 ou 6 ans, Georges Krassovsky en suivant son chemin de pèlerin,
est passé à Villemur et y a fait une conférence
sur l’écologie. Les enfants des écoles ont été
invités à assister à la réunion avec projection
d’un film et diapositives. Toute la population communale a pu profiter
de la distribution de son savoir en matière écologique.
Dans cet immense pétrin qu’est l’Univers, nous allons vers un
devenir que nous ne connaissons pas. Quand on réfléchit
sur ce que nous étions il y a quelques milliers d’années,
on s’aperçoit que nous ne sommes pas finis... Comment le serions-
nous dans un univers infini ? Le soleil, l’eau, la terre nous sont donnés
gratuitement par la nature, seul ce que touche l’homme est conditionné,
pollué... il s’imagine maître de tout diriger et qu’il
peut couper, briser impunément... Certes, il coupe et brise plus
souvent qu’il n’arrange dans le domaine du vivant du moins. Son égoïsme
peut le perdre et nous
perdre. Nous avons maintenant la dernière réalisation
ou trouvaille sensationnelle : la bombe à neutrons, qui va supprimer
tous les « com...battants », il ne restera plus que les
lumières.., de la ville... vide !
Ces peuples nantis capables de déverser sur des populations affamées,
des vivres (lait, fruits, légumes, vin, etc...) qu’il serait
plus humain de distribuer, c’est certain. »
Réponses à G. Krassovsky
Parmi les personnes qui ont plus ou moins vaguement entendu parler
de l’économie distributive, la croyance que les partisans de
celle-ci pensent TOUS qu’elle doit s’accompagner d’une égalité
des revenus est un obstacle sérieux à la propagation des
idées distributistes.
Aussi est-il important de poser la question sur ce sujet.
D’abord cette croyance est erronée : tous les distributistes
ne sont pas d’accord avec l’idée de nivellement des revenus.
En ce qui me concerne, je considère que : Primo - La VERITABLE
EGALITE ne consiste pas en revenus et temps de travail égaux,
mais en la possibilité égale pour TOUS de construire son
bonheur en tenant compte au maximum de la DIVERSITE DES BESOINS ET DESIRS
parmi les individus,
Secundo - La base fondamentale du socialisme distributif, celle qui
lui permet de mettre fin à la « crise », à
l’effondrement dans le chaos, c’est simplement la dissociation entre
la distribution des revenus et le TEMPS DE TRAVAIL GLOBAL des hommes
: LE TEMPS DE TRAVAIL ET NON PAS SA QUALIFICATION.
La Commune de 70 avait adopté un éventail des revenus
de 1 à 5.
Il me paraîtrait donc néfaste que le mouvement distributiste
adopte une position d’ensemble sur ce problème qui concerne les
aspirations de la totalité d’une population et non seulement
les désirs d’un petit groupe d’idéalistes.
Parmi les consommateurs, il y a deux extrêmes.
D’une part les voraces, avides et agités, ambitieux, les insatiables
dont parle Georges Krassovsky, qui sont disposés à un
acharnement au travail pour acquérir des biens matériels...,
d’autre part les sages à la pointe de l’évolution qui
ont compris que le plus grand, le plus durable bonheur réside
surtout en la recherche des biens spirituels (moraux et intellectuels)...
Ce n’est pas nouveau ! Déjà dans l’antiquité Epicure,
entre autres, constatait une tendance majoritaire à gâcher
sa vie dans des luttes stériles pour l’acquisition des biens
matériels, des honneurs et des pouvoirs.
IL NE FAUDRA DONC PAS QU’EN ECONOMIE SOCIALISTE LES SAGES SOIENT CONDAMNES,
COMME C’EST TROP SOUVENT LE CAS EN REGIME CAPITALISTE « LIBERAL
», A PARTICIPER A UNE PRODUCTION DE BIENS MATERIELS SUPERFLUS
PARCE QU’UNE MAJORITE PAUVRE EN ESPRIT OU CONDITIONNEE NE CONÇOIT
QUE LA RICHESSE EN AVOIR. Ce serait encore une dictature des avides
agités qui, foulant aux pieds le bonheur de certains, n’aurait
rien à voir avec une égalité dans le sens noble
du terme.
Pour résoudre au mieux ce problème au sein d’un socialisme
distributif, je propose 3 secteurs qui se partagent l’ensemble du pouvoir
d’achat :
1°) Dans les pays suffisamment industrialisés, un MINIMUM
VITAL DECENT serait attribué à tout individu qui ne désire
pas travailler (chacun en naissant a droit à sa part de l’héritage
collectif constitué par les immenses possibilités de production
technologiques que des générations de chercheurs et de
producteurs nous ont léguées).
2°) Un REVENU SOCIAL DE BASE identique pour tous exigerait en contre
partie l’accomplissement d’un SERVICE SOCIAL DE TRAVAIL de 2 à
3 heures par jour en moyenne.
3°) Des REVENUS COMPLEMENTAIRES et des PRIMES D’EMULATION seraient
attribués à des activités dont les difficultés
physiques ou intellectuelles et la durée devraient être
compensés par des avantages en pouvoir d’achat pour pouvoir être
acceptées librement par un nombre suffisant de personnes.
Ces trois catégories de revenus sociaux seraient intégrées
par définition au sein d’une économie authentiquement
socialiste car ils seraient tous les trois distribués, non pas
par des entreprises, mais par un organisme informé de la quantité
TOTALE de production-services et qui pourrait ainsi répartir
en connaissance de cause une somme TOTALE de pouvoir d’achat proportionnelle
à cette production avec une marge de sécurité suffisante,
et cela tout-à-fait en indépendance du temps TOTAL de
travail de l’ensemble des producteurs. Ceci n’empêcherait absolument
pas que la TOTALITÉ de pouvoir d’achat ainsi déterminée
puisse être répartie entre les individus en tenant compte
de leurs qualifications professionnelles et de leur temps de travail
INDIVIDUEL lorsque celui-ci dépasserait régulièrement
la norme de 2 à 3 heures par jour en moyenne.
Bien sûr, avec ce mode de répartition il y aurait des différences
notables, limitées raisonnablement, entre les « niveaux
de vie » matériels ; mais au moins celles ou ceux qui posséderaient
plus ne seraient plus des parasites souvent nuisibles comme cela est
fréquemment le cas en régime capitaliste : plus de spéculateurs
et d’affairistes de toutes sortes, plus de bureaucrates inutiles ! Ceux
qui voudraient plus travailleraient plus en qualité ou en quantité
(1).
Dans notre société de gaspillage, 30 % environ des activités
sont inutiles : il est difficile de faire mieux !!... En économie
distributive (où il n’y a plus d’impôts) les possibilités
actuelles de l’informatique réduiront au maximum la paperasserie
et la bureaucratie : il ne sera plus nécessaire de maintenir
des réglementations compliquées pour conserver des emplois
à des chômeurs camouflés.
On peut de prime abord se demander s’il ne serait pas préférable
de conserver un secteur important de l’économie sous forme de
capitalisme sauvage, coexistant avec un secteur socialiste. Mais alors
nous devons nous poser ces questions :
1°) Dans le secteur capitaliste, ce serait les entreprises qui distribueraient
le pouvoir d’achat. Celles-ci étant en concurrence, les impératifs
de la rentabilité et de la compétitivité les obligeraient
à diminuer au maximum leurs prix de revient en payant leur personnel
le moins possible (c’est surtout de cette manière que les Japonais
exportent actuellement leur chômage VISIBLE, et en utilisant le
plus possible le progrès technologique de manière à
ce qu’une automation élimine le maximum de main d’oeuvre indispensable,
diminuant ainsi le nombre de salaires à donner.
Que deviendraient les éliminés ?... Iraient-ils de plus
en plus grossir le nombre des partisans d’une vie simple avec beaucoup
de temps libre au, détriment de leur avidité matérielle
?
2°) La rentabilité, la recherche du gain maximum. pousseraient
inévitablement à une expansion ou croissance industrielle
polluante.
Je suis bien d’accord avec Georges Krassowsky pour qu’un contrôle
d’ordre écologique IMPOSE des limites à la croissance...
Mais serait-il en mesure de les imposer face à une toute puissante
aristocratie financière du secteur capitaliste capable d’acheter
des consciences politiques et de devenir - de rester - les maîtres
occultes de l’Etat ?
Ceci est capital pour l’avenir de toute vie sur la Terre.
En économie véritablement socialiste, l’imposition indispensable
d’une limite à la production générale serait facilitée
par la suppression d’une publicité mensongère, tyrannique
et abrutissante qui pousse les moutons à la surconsommation,
3°) En économie socialiste intégrale, il y aurait
un équilibre permanent indispensable entre la quantité
de monnaie disponible et la quantité de production/services qui
met la monnaie socialiste à l’abri de toute spéculation
et de l’inflation.
Si on admet un secteur capitaliste où des entreprises QUI NE
CONNAISSENT QUE LEURS SEULES PRODUCTIONS distribuent des revenus n’importe
comment, comment éviter que la pagaille monétaire ainsi
créée aille anéantir l’ordre socialiste ?
Nous ne voulons plus de monnaie de singe fondante !
En résumé : comment une économie de marché
(privée, nationalisée ou. étatisée et même
autogestionnaire) qui ne peut plus fonctionner à l’échelle
mondiale, qui s’effondre visiblement partout, comment une telle économie
pourrait-elle mieux se comporter dans des secteurs où on voudrait
la conserver ?... Car ne l’oublions pas : non, ce n’est pas la «
crise », mais l’effondrement définitif d’un système
économique devenu inadaptable au progrès technique grandissant.
Oui, l’économie distributive n’est plus seulement un beau rêve
d’idéaliste, ELLE EST DEVENUE UNE NECESSITE.
Enfin parlons de la paix... Quand on parle de socialisme, on pense le
plus souvent à Karl Marx. Oui, c’est vrai, Marx avait bien précisé
qu’il faudrait rapidement sortir de l’économie marchande MAIS
SANS AUTRE PRECISION ; or cela n’a pas été réalisé
dans les pays dits « communistes » qui sont en réalité
des capitalismes d’Etat.
Mais combien savent qu’un sociologue français, Jacques DUBOIN
a mis en lumière la nouvelle économie véritablement
socialiste qui s’impose aujourd’hui ? Combien savent qu’un Anglais,
le major DOUGLAS, a lancé le mouvement CREDITISTE, distributiste,
qui s’est propagé au Canada... qu’aux Etats-Unis le grand précurseur
du véritable socialisme fut Edward BELLAMY (1850-1898) et qu’actuellement
l’économiste américain Gérard PIEL prêche
une économie distributive dans son pays ? On pourrait encore
citer le Prince Kropotkine...
Non, l’instauration d’un socialisme mondial ne pourra pas être
considérée comme la victoire d’un bloc sur un autre, mais
comme une CONVERGENCE vers une autre société qui n’existe
encore nulle part dans le monde.
(1) Les partisans d’une égalité des revenus pourront toujours considérer cette proposition comme s’appliquant à une période transitoire plus ou moins longue...
Réponses à G. Krassovsky
Ce socialisme authentique ne s’inspire que de l’intérêt
général. Il reconnaît à chaque citoyen un
droit au travail, mais ce travail est obligatoire car la rente est immorale
et il faut supprimer l’intérêt de l’argent.
Dans le système capitaliste, aussi invraisemblable que cela puisse
paraître, le premier souci n’est pas de produire des biens de
consommation utiles, mais bien celui de réaliser un maximum de
profits ! Toutes ses normes, politiques, économiques, morales,
etc., sont fonction de la rareté des produits. Or nous sommes
au seuil d’une véritable mutation, entraînée par
les progrès immenses du machinisme, qui font disparaître
la rareté.
D’autres réponses à l’article intitulé « l’économie distributive, est- ce pour demain ? » de notre numéro précédent, nous sont parvenues et d’autres vont suivre. Le débat n’est donc pas clos, nous le poursuivrons dans le prochain numéro, avant d’entamer une nouvelle discussion.
On peut lire dans « Le Miroir du Centre » (1) un article intitulé « Paroles à crier pour que la Terre puisse encore tourner » dont nous extrayons les lignes suivantes :
...« Paris se croit encore le nombril de l’art parce qu’il y
a eu la place du Tertre, livrée aujourd’hui aux pasticheurs et
Saint-Germain- des Prés où trônent à présent
les riches devantures du consommer à-tout-rompre. Quant à
ceux qui font du livre, ils attendent que les poètes soient morts
depuis 50 ans au moins pour publier à bon compte leurs ouvres
complètes.
» Poètes, nous sommes la résistance à un
ordre imbécile (2) où on nous prône l’intérêt
de la bombe à neutrons qui détruit les hommes sans détruire
les biens matériels.
» Notre honneur de poètes est de crier ce que notre conscience
et notre intelligence savent, quand bien même un ordre établi
s’arrange pour étouffer nos voix. Aujourd’hui, avec peu de moyens,
nous pouvons reproduire nos textes et nous sèmerons des graines
d’idées neuves parce que nous nous orga nisons et parce que nous
avons la foi et non le souci de nos intérêts. La rentabilité
telle que la conçoit le marchand n’est pas de notre
ressort. »
Michelle MEYER
Nous sommes de moins en moins seuls à dénoncer les effets néfastes de la recherche de la rentabilité. Il est indéniable qu’une prise de conscience se manifeste dans les milieux les plus divers. Ils ne reste plus à tous ceux qui refusent l’ordre établi qu’à étudier sérieusement les thèses que nous défendons et, les ayant comprises, à les diffuser autour d’eux afin qu’un courant d’opinion grandissant puisse exiger de nos élus l’instauration rapide de l’économie distributive qui, seule, supprime la rentabilité et transforme l’économie de marché en économie des besoins.
(1) Numéro 152, juillet-sept 1981.
(2) Souligné dans le texte.
André Dumas, président de la revue « Des investigations
psychiques et des recherches théoriques expérimentales
de la survivance humaine », expose :
« Nous prétendons qu’il n’est pas rationnel, mes chers
politiciens, que trente cinq mille enfants meurent chaque jour de sous-alimentation
(Comité français de l’UNICEF) tandis que chaque année
la communauté économique européenne dépense
225 millions de francs pour détruire fruits et légumes
afin de maintenir les cours (le dieu profit). En France (1974) 250 mille
tonnes de pommes de terre ont été détruites.
Chaque année plus de cent mille enfants deviennent aveugles par
manque de vitamines A (comité précité) alors que
les frigorifiques de l’Europe communautaire regorgent d’un excédent
de 300 mille tonnes de produits laitiers à propos desquels on
discute en Haut Lieu sur l’art et la manière de les faire disparaître.
Les laiteries des Etats-Unis déversent à l’égoût,
chaque année, dix millions de tonnes de petit lait dont les protéines
pourraient nourrir 8 millions d’êtres humains. Nous disons que
nous sommes dans un monde sans boussole dans lequel l’homme est assez
génial pour aller sur la Lune et assez stupide pour oeuvrer chaque
jour à sa propre destruction et à celle de sa planète
où la matière gouverne l’esprit... »
Bloc-Notes
« Notre seul combat : sauver de la famine et de la mort tous
ceux qui, comme nous, ont le droit de vivre. »
Le cinquième colloque sur la faim s’est tenu le 26 juin dernier
à Paris, avec une participation accrue et fort encourageante
d’associations diverses, nationales et internationales.
Le Directeur de l’Information de l’O.N.U. ouvrit la séance par
un magistral exposé sur les possibilité d’aide aux pays
en voie de développement et sur l’action nécessaire des
associations non gouvernementales dans l’orientation des projets de
développement. Il rappela l’exemple scandaleux du manioc exporté
par les pays pauvres, au détriment de la santé de leurs
populations, pour nourrir le bétail des pays riches, et souligna
que l’O.N.U. se préoccupe de plus en plus de rechercher des experts
capables d’une action efficace et convenablement adaptée aux
réalités locales.
Le rôle d’un tel expert fut clairement défini ensuite par
un homme de terrain, M. J. NOLLE, qui a lui- même formé
des paysans africains, vite devenus ses amis, afin de leur apprendre
à réparer seuls le matériel agricole dont ils ont
besoin. Au cours de la discussion qui suivit des exemples furent donnés
faisant ressortir la nécessité d’une réelle connaissance
des besoins et des moyens locaux, faute de quoi on peut assister à
un véritable gaspillage des fonds de secours, malgré la
meilleure bonne volonté.
Le débat fit alors ressortir la nécessité de toucher
le plus vaste public possible car les véritables problèmes
du Tiers-Monde sont trop ignorés des populations ouvrières
et rurales.
Monsieur Garnier met l’accent sur ce qu’on appelle « les excédents
» agricoles et donne lecture de l’article premier du projet de
In établi contre les destructions et propose que l’ensemble de
ce projet soit transmis pour étude à nos législateurs.
Il souligne que ceci regarde tous les contribuables car les produits
retirés du marché sont indemnisés avec leur argent.
Il leur appartient donc de demander que ces « excédents
» ne soient plus détruits, mais distribués à
ceux qui en ont besoin, tandis que parallèlement tout est fait
pour amener le Tiers-Monde à se suffire à lui-même
et prendre sa destinée en main.
Monsieur Laudrain rappelle la nécessité de donner un caractère
législatif aux actions ponctuelles afin d’accroître leur
efficacité et aboutir à une véritable et indispensable
solidarité humaine.
Des questions pratiques sont ensuite débattues : coût des
transports des hommes et du matériel destinés à
aider le Tiers-Monde. On apprend par exemple qu’en Inde la douane réclame
une taxe du tiers de la valeur des produits et médicaments expédiés
gratuitement dans ce pays ! Il faut, dit M. Blanchet, intervenir auprès
des pouvoirs publics pour obtenir la gratuité de tels transports.
Des exemples ponctuels sont alors évoqués et il est décidé
d’organiser une collecte de livres scolaires destinés à
améliorer les conditions d’enseignement au Zaïre.
Tout ceci ne témoigne que trop partiellement de l’action entreprise
par la Liaison et Action contre la Faim, action qui s’annonce courageuse,
efficace et dynamique et à
laquelle nos lecteurs auront très certainement à coeur
de participer la prochaine réunion de travail est prévue
pour le samedi 26 septembre à 9 h 30, salle 310 E 44 de l’Université
Paris 7, au 4 place Jussieu, 75005 Paris.
Bloc-Notes
Un sympathisant de nos analyses, militant écologique particulièrement spécialisé dans une expérience de démocratisation de l’Alimentation Saine nous a transmis des textes personnels dont nous extrayons ce qui suit :
Même si certains ECOLOGISTES oublient d’être ECOLOGIQUES,
c’est-à-dire de commencer par mettre en pratique, par vivre eux-mêmes
un mode de vie qu’elles ou ils
jugent bon, voire vital, pour un maximum de leurs concitoyennes et concitoyens,
on peut peut-être caractériser ainsi ce mode de vie, cette
sensibilité socio-politique :
• une remise en cause de l’ALIMENTATION qui privilégie l’assimilation
de produits obtenus sans l’aide d’aliments synthétiques ;
• une remise en cause de l’HYGIENE PHYSIQUE qui privilégie
l’usage des médecines naturelles ;
• une remise en cause de l’HYGIENE MENTALE qui privilégie
dans la journée des moments de relaxation ;
• une remise en cause de la PRODUCTION et de la CONSOMMATION
qui privilégie ce qui est durable et le plus possible réalisable
et réparable par celle ou celui qui l’utilise ;
• une remise en cause de LA LIBERTE, L’EGALITE ET LA FRATERNITE
MONDIALES
qui privilégie le respect des culture et des cadres de vie naturels
en refusant d’accaparer pour un usage majoritairement « mimonde
» les richesses de la planète Terre existantes ou productibles
;
• une remise en cause du concept de « DEMOCRATIE »
qui privilégie la démocratie directe (avec ou sans ordinateur)
toujours précédée d’une large information contradictoire
en réduisant au maximum la démocratie représentative,
c’est-à-dire à partir d’élu(e)s ;
• une remise en cause de l’UTILISATION DE LA NATURE (matières
premières, faune, flore, etc.) qui privilégie le respect
et l’usage parcimonieux de toutes les richesses de la planète.
Tous les lecteurs de « La Grande Relève » seront
les bienvenus à LA BOUTIQUE ECOLOGIQUE qui n’est pas une épicerie
de maintenant, qui n’est pas non plus un magasin diététique,
mais plutôt une EPICERIE DE DEMAIN, une entreprise prototype,
où l’on essaie de proposer au prix le plus bas possible de l’Alimentation
saine quasi toujours « bio » - dans un souci de démocratisation
rapide de cette nourriture.