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Actualité
LA victoire électorale remportée par les socialistes
et leurs alliés n’est pas encore, loin s’en faut, la victoire
du socialisme. Passée la période euphorisante des premières
mesures, devraient apparaître les séquelles de la réaction
en milieux conservateurs : durcissement des prix, licenciements, crédit
raréfié, blocage des investissements, approvisionnements
difficiles, la population étant invitée à subir,
sans murmurer, une dure discipline venant démentir les promesses
électorales. En matière de finances, la règle du
jeu restant ce qu’elle est, le socialisme réformiste ne fait
pas de miracles. Les capitaux se font rares. Ils s’investissent dans
les valeurs refuges l’or, la terre, la pierre, les antiquités,
les collections et oeuvres d’art, ou bien ils prennent le large en dépit
des contrôles.
Telle est donc l’image seconde du socialisme. Les pays de l’Est ont
mis trente années à sortir du ghetto diplomatique, à
faire démarrer une économie qui n’est toujours pas intégralement
socialiste et moins encore communiste. Ils continuent à combattre
les subversions intérieures, à s’armer contre l’extérieur
pour préserver les acquits de leur régime. Ce qui s’est
passé au Chili après l’accession d’Allende au Pouvoir,
préfigure ce qui attend tout pays tenté de se libérer
du joug des Oligarchies, des multinationales et de leurs lobbies, détenteurs
du pouvoir économique mondial. Conquérir le pouvoir politique
est une chose. Le conserver en est une autre quand il reste à
réduire à merci un pouvoir économique tentaculaire,
diffus, rusé, moins facile à appréhender, à
apprivoiser qu’un électorat perméable à la propagande.
Il est des questions que n’ont guère abordées les socialistes
: le coût des nationalisations, l’ampleur de la fiscalité,
les prix, les conséquences et les modalités d’application
d’un impôt sur le capital, sur les patrimoines, sur les sociétés.
Il sera difficile à un gouvernement socialiste d’éviter
une montée des prix, même si un contrôle, forcément
dérisoire, doit s’exercer épisodiquement sur un certain
nombre d’entre eux. On ne contrôle pas dix millions de prix et
des millions de points de vente. Les rétentions de marchandises,
normales en l’occurrence, entraînent, sinon la création
d’un marché parallèle, du moins une série de hausses
incontrôlées au niveau du négoce, du petit commerce
et des prestataires de services. Il semble exclu qu’un gouvernement
tel, opérant dans un environnement hostile, puisse acquérir
la maîtrise des prix avant d’avoir socialisé l’ensemble
de la production et de la distribution à tous les stades.
Il serait pareillement illusoire d’accréditer la perspective
d’un allègement de la pression fiscale au niveau du consommateur.
Intégralement comptabilisée dans les prix, la fiscalité
d’entreprise ne fait que glisser à travers ceux-ci pour atteindre
les personnes et ménages émargeant à salaires,
allocations et pensions. Les « indépendants » relevant
des professions libérales, commerciales ou artisanales, s’arrangent,
en effet, pour inclure, à leur tour, dans leurs propres prix,
ou en fraudant, la charge fiscale imputée à leur personne
ou à leurs activités. Ce fait ne continuerait-il pas d’échapper
aux théoriciens du socialisme réformateur qui laissent
entendre que seuls, les possédants les mieux nantis seraient
pénalisés par la réforme fiscale sur laquelle s’articule
l’essentiel du programme socialiste ?
Ni le capitalisme d’Etat, ni l’utopique communisme sans prix ni monnaie,
deux formules socialistes inséparables d’une centralisation bureaucratique,
n’apportent une réponse satisfaisante à l’aspiration générale
vers un changement radical des genres de vie. Tout changera en revanche
lorsqu’à bout d’expédients, ceux-là qui nous veulent
tant de bien finiront par admettre qu’il n’est qu’une révolution
économique pour changer la vie.
C’est à une tout autre formule qu’ont à se rallier les
victimes de la malchance dressées contre le capitalisme et ses
succédanés. Le modèle social - communautaire *
avec ses nouveaux usages monétaires, sa MONNAIE DE CONSOMMATION,
ouvre la voie à une révolution fort différente
de toutes les autres : une révolution économique avec
moins de 4 % de perdants qui, malgré tout, conservent de fort
beaux restes, une révolution sans hiatus de production, sans
rupture dans les approvisionnements extérieurs, chacun continuant
d’assurer sa tâche au mieux de ses compétences, de sa disponibilité
physique ou intellectuelle, sa sécurité garantie.
La clé en est forgée. Si les socialistes refusent de s’en
saisir, si les possédants d’aujourd’hui négligent pareillement
de l’utiliser, il ne reste plus alors qu’à s’enfouir la tête
et les yeux dans le sable, attendre cet autre Deus ex machina qui, jusque-là,
a seul réussi à remettre en selle, pour un temps, le vieux
système : la guerre qui assainit à la fois les marchés
et les professions, la guerre qui restaure la rareté garante
des profits, la guerre qui évacue les surplus industriels, métallurgiques
et miniers, la guerre qui résorbe le chômage et ouvre aux
entreprises de fructueux débouchés lorsqu’il s’agit de
détruire puis de reconstruire ce ce que les armes ont anéanti.
* H. Muller pense à l’économie distributive. N.D.L.R.