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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 793 - octobre 1981 > Les lendemains de la victoire

 

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Les lendemains de la victoire

par H. MULLER
octobre 1981

LA victoire électorale remportée par les socialistes et leurs alliés n’est pas encore, loin s’en faut, la victoire du socialisme. Passée la période euphorisante des premières mesures, devraient apparaître les séquelles de la réaction en milieux conservateurs : durcissement des prix, licenciements, crédit raréfié, blocage des investissements, approvisionnements difficiles, la population étant invitée à subir, sans murmurer, une dure discipline venant démentir les promesses électorales. En matière de finances, la règle du jeu restant ce qu’elle est, le socialisme réformiste ne fait pas de miracles. Les capitaux se font rares. Ils s’investissent dans les valeurs refuges l’or, la terre, la pierre, les antiquités, les collections et oeuvres d’art, ou bien ils prennent le large en dépit des contrôles.
Telle est donc l’image seconde du socialisme. Les pays de l’Est ont mis trente années à sortir du ghetto diplomatique, à faire démarrer une économie qui n’est toujours pas intégralement socialiste et moins encore communiste. Ils continuent à combattre les subversions intérieures, à s’armer contre l’extérieur pour préserver les acquits de leur régime. Ce qui s’est passé au Chili après l’accession d’Allende au Pouvoir, préfigure ce qui attend tout pays tenté de se libérer du joug des Oligarchies, des multinationales et de leurs lobbies, détenteurs du pouvoir économique mondial. Conquérir le pouvoir politique est une chose. Le conserver en est une autre quand il reste à réduire à merci un pouvoir économique tentaculaire, diffus, rusé, moins facile à appréhender, à apprivoiser qu’un électorat perméable à la propagande.
Il est des questions que n’ont guère abordées les socialistes  : le coût des nationalisations, l’ampleur de la fiscalité, les prix, les conséquences et les modalités d’application d’un impôt sur le capital, sur les patrimoines, sur les sociétés. Il sera difficile à un gouvernement socialiste d’éviter une montée des prix, même si un contrôle, forcément dérisoire, doit s’exercer épisodiquement sur un certain nombre d’entre eux. On ne contrôle pas dix millions de prix et des millions de points de vente. Les rétentions de marchandises, normales en l’occurrence, entraînent, sinon la création d’un marché parallèle, du moins une série de hausses incontrôlées au niveau du négoce, du petit commerce et des prestataires de services. Il semble exclu qu’un gouvernement tel, opérant dans un environnement hostile, puisse acquérir la maîtrise des prix avant d’avoir socialisé l’ensemble de la production et de la distribution à tous les stades.
Il serait pareillement illusoire d’accréditer la perspective d’un allègement de la pression fiscale au niveau du consommateur. Intégralement comptabilisée dans les prix, la fiscalité d’entreprise ne fait que glisser à travers ceux-ci pour atteindre les personnes et ménages émargeant à salaires, allocations et pensions. Les « indépendants » relevant des professions libérales, commerciales ou artisanales, s’arrangent, en effet, pour inclure, à leur tour, dans leurs propres prix, ou en fraudant, la charge fiscale imputée à leur personne ou à leurs activités. Ce fait ne continuerait-il pas d’échapper aux théoriciens du socialisme réformateur qui laissent entendre que seuls, les possédants les mieux nantis seraient pénalisés par la réforme fiscale sur laquelle s’articule l’essentiel du programme socialiste ?
Ni le capitalisme d’Etat, ni l’utopique communisme sans prix ni monnaie, deux formules socialistes inséparables d’une centralisation bureaucratique, n’apportent une réponse satisfaisante à l’aspiration générale vers un changement radical des genres de vie. Tout changera en revanche lorsqu’à bout d’expédients, ceux-là qui nous veulent tant de bien finiront par admettre qu’il n’est qu’une révolution économique pour changer la vie.
C’est à une tout autre formule qu’ont à se rallier les victimes de la malchance dressées contre le capitalisme et ses succédanés. Le modèle social - communautaire * avec ses nouveaux usages monétaires, sa MONNAIE DE CONSOMMATION, ouvre la voie à une révolution fort différente de toutes les autres : une révolution économique avec moins de 4 % de perdants qui, malgré tout, conservent de fort beaux restes, une révolution sans hiatus de production, sans rupture dans les approvisionnements extérieurs, chacun continuant d’assurer sa tâche au mieux de ses compétences, de sa disponibilité physique ou intellectuelle, sa sécurité garantie.
La clé en est forgée. Si les socialistes refusent de s’en saisir, si les possédants d’aujourd’hui négligent pareillement de l’utiliser, il ne reste plus alors qu’à s’enfouir la tête et les yeux dans le sable, attendre cet autre Deus ex machina qui, jusque-là, a seul réussi à remettre en selle, pour un temps, le vieux système : la guerre qui assainit à la fois les marchés et les professions, la guerre qui restaure la rareté garante des profits, la guerre qui évacue les surplus industriels, métallurgiques et miniers, la guerre qui résorbe le chômage et ouvre aux entreprises de fructueux débouchés lorsqu’il s’agit de détruire puis de reconstruire ce ce que les armes ont anéanti.

* H. Muller pense à l’économie distributive. N.D.L.R.

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