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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 793 - octobre 1981 > Aux armes, citoyens !

 

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SOIT DIT EN PASSANT

Aux armes, citoyens !

par G. LAFONT
octobre 1981

ÉTIEZ-VOUS sur les Champs-Elysées, le 14 juillet dernier avec toute la famille, le grand-père (qui a fait 14-18), la tante Honorine et le cousin Jules, pour voir défiler l’armée française ? Moi non plus. Mais si j’en crois les journaux, les radios et la télé, c’était un spectacle impressionnant. Manquait pas un bouton de guêtre, comme aurait dit Mac-Mahon. La « force tranquille » qui, à l’image du nouveau président, se dégageait de cette troupe en marche - une, deux ! - aux accents retrouvés de la vraie Marseillaise en imposait aux spectateurs les plus désabusés. De quoi donner à réfléchir à l’ennemi héréditaire, toujours à l’affut du défaut de la cuirasse s’il lui prenait la fantaisie de venir nous marcher sur les orteils. Qu’on se le dise.
Nous voilà rassurés, mais il était temps de réagir. La crise économique, cette maladie du monde moderne qui, depuis un demi-siècle déjà - mais oui ! - venue d’Amérique avec le phylloxéra, le pou de San José et le coca-cola, ravage les pays industrialisés, gagne maintenant la planète tout entière. Personne, aujourd’hui, ne peut se croire à l’abri de ce fléau mystérieux qui a résisté jusqu’ici à tous les remèdes miracle des plus illustres thérapeutes, chez nous, à ceux du professeur Barre. Pourtant, tout espoir n’est pas perdu.

Le réveil soudain de l’armée française auquel tous les parisiens ont pu assister de visu le 14 juillet dernier, avec la mise en chantier de notre septième sous-marin nucléaire, en est le signe encourageant.

On pouvait craindre, en effet, que le nouveau ministre des Finances à la recherche du fric qu’il lui manque pour acheter du pétrole, rembourser les caisses de retraite en déficit, payer les indemnités de chômage et les excédents agricoles, avant de pressurer une fois de plus le bon contribuable, allait faire des coupes sombres dans le budget de l’armée - pardon, de la défense nationale - sous prétexte que nous n’avons plus d’ennemi héréditaire. C’était l’occasion ou jamais. Eh bien non, ce sera pour une autre fois. Réflexion faite, un ennemi héréditaire, en cherchant bien, ça peut se trouver.
Il y a quelques années de cela le délégué du Portugal à l’O.N.U. obtint un succès de tribune pour avoir, au cours d’une réunion sur le désarmement, lancé aux défaitistes ces paroles devenues historiques :
« Et si les Martiens attaquaient une humanité réduite à des lance-pierre une fois que le désarmement sera devenu une réalité ? ».
Oui, au fait. Eh bien je puis rassurer aujourd’hui le délégué du Portugal, si par hasard il lit ces lignes. Les Martiens peuvent débarquer, on les attend de pied ferme. Mais ce n’est pas, rassurez- vous, avec des lance-pierre qu’on va les accueillir. L’avertissement de ce Portugais que l’on prenait pour un hurluberlu a été salutaire. Il a donné à réfléchir à tous les pacifistes bêlants comme à tous nos stratèges d’état-major, toujours en retard d’une guerre, qui se sont si brillamment illustrés au cours du dernier casse-pipes.
Je dois dire, et il fallait le dire, que les difficultés croissantes que rencontre notre pays, comme tous ses voisins proches ou lointains en pleine dépression économique et soumis aux jeux alternés de l’inflation et du chômage, n’ont pas découragé les grosses têtes qui nous gouvernent devant le nouvel effort financier exigé pour répondre le cas échéant à une menace des extra-terrestres. Au contraire. A défaut d’ennemi héréditaire, dont l’espèce, comme celle du « libéral inguérissable », est en voie de disparition, le Martien était bon à prendre. Même au sérieux. Le nouveau redressement définitif que l’on nous mijote en ce moment à Matignon fût-il aussi provisoire que les précédents, était à ce prix.
C’est que, dans le monde déboussolé de cette fin du XXe siècle, alors que les progrès des sciences et des techniques dans tous les domaines ont permis à l’homme, « Cet arrière neveu de limace qui inventa le calcul intégral et rêva de justice » (*), d’aller dans la Lune et même sur Mars, de vaincre la maladie et la souffrance, de faire reculer la mort, de créer
l’abondance et de faire du Socialisme qui n’était hier qu’une utopie, une réalité, dans ce monde devenu une poudrière, on continue à se massacrer avec entrain, tandis que des millions d’êtres humains oubliés de l’abondance meurent de faim.
Et la noble industrie du casse- pipes toujours florissante, devenue le ballon d’oxygène du capitalisme moribond, lui assure une survie momentanée en continuant d’enrichir les croque-morts.
Jusque-z’à-quand ?...

(*) Jean Hamburger : « Un jour un homme ».

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