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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 793 - octobre 1981 > Diversifions

 

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Réponses à G. Krassovsky

Diversifions

par J. LEBLAN
octobre 1981

Parmi les personnes qui ont plus ou moins vaguement entendu parler de l’économie distributive, la croyance que les partisans de celle-ci pensent TOUS qu’elle doit s’accompagner d’une égalité des revenus est un obstacle sérieux à la propagation des idées distributistes.
Aussi est-il important de poser la question sur ce sujet.
D’abord cette croyance est erronée : tous les distributistes ne sont pas d’accord avec l’idée de nivellement des revenus. En ce qui me concerne, je considère que : Primo - La VERITABLE EGALITE ne consiste pas en revenus et temps de travail égaux, mais en la possibilité égale pour TOUS de construire son bonheur en tenant compte au maximum de la DIVERSITE DES BESOINS ET DESIRS parmi les individus,
Secundo - La base fondamentale du socialisme distributif, celle qui lui permet de mettre fin à la « crise », à l’effondrement dans le chaos, c’est simplement la dissociation entre la distribution des revenus et le TEMPS DE TRAVAIL GLOBAL des hommes  : LE TEMPS DE TRAVAIL ET NON PAS SA QUALIFICATION.
La Commune de 70 avait adopté un éventail des revenus de 1 à 5.
Il me paraîtrait donc néfaste que le mouvement distributiste adopte une position d’ensemble sur ce problème qui concerne les aspirations de la totalité d’une population et non seulement les désirs d’un petit groupe d’idéalistes.
Parmi les consommateurs, il y a deux extrêmes.
D’une part les voraces, avides et agités, ambitieux, les insatiables dont parle Georges Krassovsky, qui sont disposés à un acharnement au travail pour acquérir des biens matériels..., d’autre part les sages à la pointe de l’évolution qui ont compris que le plus grand, le plus durable bonheur réside surtout en la recherche des biens spirituels (moraux et intellectuels)... Ce n’est pas nouveau ! Déjà dans l’antiquité Epicure, entre autres, constatait une tendance majoritaire à gâcher sa vie dans des luttes stériles pour l’acquisition des biens matériels, des honneurs et des pouvoirs.
IL NE FAUDRA DONC PAS QU’EN ECONOMIE SOCIALISTE LES SAGES SOIENT CONDAMNES, COMME C’EST TROP SOUVENT LE CAS EN REGIME CAPITALISTE « LIBERAL  », A PARTICIPER A UNE PRODUCTION DE BIENS MATERIELS SUPERFLUS PARCE QU’UNE MAJORITE PAUVRE EN ESPRIT OU CONDITIONNEE NE CONÇOIT QUE LA RICHESSE EN AVOIR. Ce serait encore une dictature des avides agités qui, foulant aux pieds le bonheur de certains, n’aurait rien à voir avec une égalité dans le sens noble du terme.
Pour résoudre au mieux ce problème au sein d’un socialisme distributif, je propose 3 secteurs qui se partagent l’ensemble du pouvoir d’achat :
1°) Dans les pays suffisamment industrialisés, un MINIMUM VITAL DECENT serait attribué à tout individu qui ne désire pas travailler (chacun en naissant a droit à sa part de l’héritage collectif constitué par les immenses possibilités de production technologiques que des générations de chercheurs et de producteurs nous ont léguées).
2°) Un REVENU SOCIAL DE BASE identique pour tous exigerait en contre partie l’accomplissement d’un SERVICE SOCIAL DE TRAVAIL de 2 à 3 heures par jour en moyenne.
3°) Des REVENUS COMPLEMENTAIRES et des PRIMES D’EMULATION seraient attribués à des activités dont les difficultés physiques ou intellectuelles et la durée devraient être compensés par des avantages en pouvoir d’achat pour pouvoir être acceptées librement par un nombre suffisant de personnes.

Ces trois catégories de revenus sociaux seraient intégrées par définition au sein d’une économie authentiquement socialiste car ils seraient tous les trois distribués, non pas par des entreprises, mais par un organisme informé de la quantité TOTALE de production-services et qui pourrait ainsi répartir en connaissance de cause une somme TOTALE de pouvoir d’achat proportionnelle à cette production avec une marge de sécurité suffisante, et cela tout-à-fait en indépendance du temps TOTAL de travail de l’ensemble des producteurs. Ceci n’empêcherait absolument pas que la TOTALITÉ de pouvoir d’achat ainsi déterminée puisse être répartie entre les individus en tenant compte de leurs qualifications professionnelles et de leur temps de travail INDIVIDUEL lorsque celui-ci dépasserait régulièrement la norme de 2 à 3 heures par jour en moyenne.
Bien sûr, avec ce mode de répartition il y aurait des différences notables, limitées raisonnablement, entre les « niveaux de vie » matériels ; mais au moins celles ou ceux qui posséderaient plus ne seraient plus des parasites souvent nuisibles comme cela est fréquemment le cas en régime capitaliste : plus de spéculateurs et d’affairistes de toutes sortes, plus de bureaucrates inutiles ! Ceux qui voudraient plus travailleraient plus en qualité ou en quantité (1).
Dans notre société de gaspillage, 30 % environ des activités sont inutiles : il est difficile de faire mieux !!... En économie distributive (où il n’y a plus d’impôts) les possibilités actuelles de l’informatique réduiront au maximum la paperasserie et la bureaucratie : il ne sera plus nécessaire de maintenir des réglementations compliquées pour conserver des emplois à des chômeurs camouflés.
On peut de prime abord se demander s’il ne serait pas préférable de conserver un secteur important de l’économie sous forme de capitalisme sauvage, coexistant avec un secteur socialiste. Mais alors nous devons nous poser ces questions :
1°) Dans le secteur capitaliste, ce serait les entreprises qui distribueraient le pouvoir d’achat. Celles-ci étant en concurrence, les impératifs de la rentabilité et de la compétitivité les obligeraient à diminuer au maximum leurs prix de revient en payant leur personnel le moins possible (c’est surtout de cette manière que les Japonais exportent actuellement leur chômage VISIBLE, et en utilisant le plus possible le progrès technologique de manière à ce qu’une automation élimine le maximum de main d’oeuvre indispensable, diminuant ainsi le nombre de salaires à donner.
Que deviendraient les éliminés ?... Iraient-ils de plus en plus grossir le nombre des partisans d’une vie simple avec beaucoup de temps libre au, détriment de leur avidité matérielle  ?
2°) La rentabilité, la recherche du gain maximum. pousseraient inévitablement à une expansion ou croissance industrielle polluante.
Je suis bien d’accord avec Georges Krassowsky pour qu’un contrôle d’ordre écologique IMPOSE des limites à la croissance... Mais serait-il en mesure de les imposer face à une toute puissante aristocratie financière du secteur capitaliste capable d’acheter des consciences politiques et de devenir - de rester - les maîtres occultes de l’Etat ?
Ceci est capital pour l’avenir de toute vie sur la Terre.
En économie véritablement socialiste, l’imposition indispensable d’une limite à la production générale serait facilitée par la suppression d’une publicité mensongère, tyrannique et abrutissante qui pousse les moutons à la surconsommation,
3°) En économie socialiste intégrale, il y aurait un équilibre permanent indispensable entre la quantité de monnaie disponible et la quantité de production/services qui met la monnaie socialiste à l’abri de toute spéculation et de l’inflation.
Si on admet un secteur capitaliste où des entreprises QUI NE CONNAISSENT QUE LEURS SEULES PRODUCTIONS distribuent des revenus n’importe comment, comment éviter que la pagaille monétaire ainsi créée aille anéantir l’ordre socialiste ?
Nous ne voulons plus de monnaie de singe fondante !
En résumé : comment une économie de marché (privée, nationalisée ou. étatisée et même autogestionnaire) qui ne peut plus fonctionner à l’échelle mondiale, qui s’effondre visiblement partout, comment une telle économie pourrait-elle mieux se comporter dans des secteurs où on voudrait la conserver ?... Car ne l’oublions pas : non, ce n’est pas la «  crise », mais l’effondrement définitif d’un système économique devenu inadaptable au progrès technique grandissant. Oui, l’économie distributive n’est plus seulement un beau rêve d’idéaliste, ELLE EST DEVENUE UNE NECESSITE.
Enfin parlons de la paix... Quand on parle de socialisme, on pense le plus souvent à Karl Marx. Oui, c’est vrai, Marx avait bien précisé qu’il faudrait rapidement sortir de l’économie marchande MAIS SANS AUTRE PRECISION ; or cela n’a pas été réalisé dans les pays dits « communistes » qui sont en réalité des capitalismes d’Etat.
Mais combien savent qu’un sociologue français, Jacques DUBOIN a mis en lumière la nouvelle économie véritablement socialiste qui s’impose aujourd’hui ? Combien savent qu’un Anglais, le major DOUGLAS, a lancé le mouvement CREDITISTE, distributiste, qui s’est propagé au Canada... qu’aux Etats-Unis le grand précurseur du véritable socialisme fut Edward BELLAMY (1850-1898) et qu’actuellement l’économiste américain Gérard PIEL prêche une économie distributive dans son pays ? On pourrait encore citer le Prince Kropotkine...
Non, l’instauration d’un socialisme mondial ne pourra pas être considérée comme la victoire d’un bloc sur un autre, mais comme une CONVERGENCE vers une autre société qui n’existe encore nulle part dans le monde.

(1) Les partisans d’une égalité des revenus pourront toujours considérer cette proposition comme s’appliquant à une période transitoire plus ou moins longue...

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