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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 68 - 24 février 1939

 

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N° 68 - 24 février 1939

Au fil des jours   (Afficher article seul)

Encore le problème des matières premières   (Afficher article seul)

L’industrie provençale   (Afficher article seul)

Biologie... du monde   (Afficher article seul)

Une communication de M. André Siegfried à l’Académie des Sciences Morales et Politiques   (Afficher article seul)

Choses et Autres   (Afficher article seul)

L’Abondance et l’Empire   (Afficher article seul)

Abondance de richesses   (Afficher article seul)

Notre candidat à la Papauté   (Afficher article seul)

Destruction de richesses   (Afficher article seul)

Vie des sections   (Afficher article seul)

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Au fil des jours

24 février 1939

Cette fois nous entrons dans la phase frénétique. Les armements augmentent à une cadence de plus en plus rapide. L’Angleterre double son programme d’armement...

Comme par hasard, le nombre des chômeurs a considérablement augmenté en Grande-Bretagne. Il est passé de 1.541.197 à 1.888.445 en une seule année.

Quand se rendra-t-on compte que les armements ralentissent à peine la marche croissante du chômage ?

***

La folie gagne les Etats-Unis. Eux aussi vont fabriquer des instruments pour distribuer la mort. C’est, parait-il, plus simple que de distribuer ce qui fait vivre les hommes...

Aux Etats-Unis, les chômeurs ont passé de 7.706.206 à prés de dix millions et demi en l’espace d’un an. Voilà les magnifiques résultats de la deuxième expérience Roosevelt. Qu’en pensent ses admirateurs français ?

***

Car la seconde expérience, qui a coûté beaucoup plus cher que la première, est en train d’échouer lamentablement comme nous l’avons toujours annoncé.

Le président Roosevelt a fait en grand la politique de la rareté. Ses destructions de produits alimentaires et ses restrictions de production battent tous les records.

Alors le président Hoover relève la tête. C’est qu’en sa qualité de conservateur il n’a pas osé faire ce qu’a exécuté d’un coeur léger le grand réformateur Roosevelt !

***

Surveillez attentivement ce qui va se passer aux Etats-Unis. Les deux expériences Roosevelt se terminent par un chômage accru, une misère plus grande, un budget de plus en plus déséquilibré. Il n’est pas possible qu’un réveil brutal ne se produise sous peu car l’idée de l’abondance fait son chemin aux Etats-Unis, et certains journaux y consacrent tous les jours de longs articles.

***

Car cette bonne abondance aura le dessus, n’en doutez pas. Aux hurluberlus qui la nient encore, demandez, donc s’il n’y a pas abondance d’armements ?

***

On va dépasser bientôt le chiffre de 750 milliards par an. Et encore on camoufle un grand nombre de dépenses qui devraient faire partie de la rubrique armements. Mais dépenser dans le monde, et par an, quelque 750 milliards pour distribuer la mort, n’est-ce pas la preuve que les dirigeants de l’économie ne savent plus du tout où ils nous entraînent ?

***

Car, aujourd’hui, la situation est bien simple : Si l’on persiste à rester dans le régime économique et social actuel, on ne pourra ni augmenter les armements, ni les arrêter, ni s’en servir, sans tout faire sauter.

Avez-vous réfléchi à tout le bien qu’on aurait pu réaliser, même en régime capitaliste, en consacrant ces 750 milliards chaque année à construire de belles maisons, à répandre le bien-être partout et à faire disparaître la misère ? Le régime actuel s’y serait ruiné comme il se ruine à fabriquer des armements, mais il aurait fini en beauté, dans l’allégresse et la réconciliation générales. Au lieu de cela, il fabrique la mort avec l’espoir idiot d’y survivre.

***

« Nouvel-Age » nous demande à qui appartiennent les moyens de production en régime d’abondance. Cher confrère, ouvrez l’un quelconque des vingt ouvrages (livres et brochures) du D.A.T. et vous serez fixé. Vous ne poseriez plus des questions stupides dont la réponse a été donnée mille lois pour une. On ne vous a pas attendu, car vous arriviez de trop loin.

***

Il est entendu que les Français aux idées avancées sont opposés au fascisme. Nous comprenons admirablement ce sentiment. Mais le fascisme n’étant que la phase autoritaire que revêt le capitalisme lorsque son automatisme ne fonctionne plus, pourquoi les Français aux idées avancées s’entêtent-ils à rester dans le régime ? Pourquoi ne réclament-ils pas, avec nous, les réformes de structure ?

Mais pas les réformes tie structure qui convenaient peut-être en 1848, mais celles qui sont indispensables en 199 ?

***

Le dernier redressement lait son petit bonhomme de chemin. L’or rentre, les impôts aussi ! On oublie de dire que ces derniers ont été augmentés de quelque dix milliards. S’extasier parce que les rentrées sont un peu plus fortes, c’est se moquer du monde.

En attendant, les drames de la misère se multiplient partout. Pardon, ce sont les drames de la neurasthénie !

On devient de plus en plus neurasthénique quand on ne peut ni trouver du travail, ni nourrir ses enfants.

***

Le loyer de l’argent baisse tous les jours davantage. L’argent va être pour rien. Reste à savoir s’il vaudra beaucoup plus.

***

La livre anglaise donne des signes

de fatigue manifestes. Chut ! On va nous expliquer que c’est l’or qui va monter. Un économiste ne vient-il pas d’écrire un article de dix colonnes pour expliquer que la situation économique de l’Angleterre était hors de pair ?

Son chômage aussi. Sa balance commerciale aussi. Ses impôts aussi. Ses armements encore bien davantage.

***

La Belgique a de la peine à constituer un ministère. Le chômage belge a passé de 91.993 en 1937 à 135.847 en 1938. Allons, pour un petit pays, ce n’est déjà pas trop mal. Qu’en pense l’illustrissime économiste Baudhuin qui, de temps en temps, vient réchauffer le zèle de ses confrères français ?

***

Le mouvement corporatiste prend de l’ampleur et gagne, paraît-il, en profondeur. C’est d’une logique indiscutable. Sur le radeau de la Méduse, la corporation des survivants désignait tous les jours celui qui devait faire les frais du repas de la journée. La corporation diminuait ainsi de tous ceux qui étaient mangés. Avis aux enthousiastes qui s’imaginent qu’ils mangeront toujours les autres et ne figureront jamais au menu de la corporation.

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Encore le problème des matières premières

par J. DUBOIN
24 février 1939

J’Y reviens et je m’en excuse : mais c’est parce qu’il n’est pas encore résolu. Et si quelqu’un déclare que cela ne l’intéresse pas, je lui demande si la guerre l’intéresse ? Car si, l’un de ces jours, la planète est en feu parce qu’on utilisera les armements qu’on fabrique à raison de 750 milliards par an, je parie notre déficit budgétaire contre un sou qu’on dira aux rescapés  : c’est parce qu’on n’avait pas réglé le problème des matières premières

*

LE régler est donc une question de vie ou de mort, même pour ceux que le problème ne passionne pas parce qu’ils ne le comprennent pas.

Alors je voudrais dire deux mots des projets de règlement qui surgissent de côté et d’autre.

Dans la « République », Emile Roche demande la convocation d’une conférence internationale. C’est placer la charrue avant es boeufs, car que diront les gouvernements à leurs délégués ?

Charles Rist conseille de revenir aux échanges internationaux. C’est dire à un cul-de-jatte de sauter l’obstacle. Si les échanges internationaux étaient possibles, le problème des matières premières ne se poserait pas.

Elbel, Albert Bayet, Delaisi penchent pour le troc agrémenté de règlements où interviennent des organismes financiers existants ou à créer. Hélas, le troc n’est possible que dans des cas exceptionnels, car, si l’on veut bien y réfléchir, le commerce international a toujours revêtu, en fait, la forme du troc et c’est le solde de la balance commerciale qui se réglait en espèces. Si le troc était possible, le Dr Schacht serait encore en fonction, car il savait le pratiquer mieux que personne. Voulez-vous un exemple qui fait saisir la difficulté du troc ?

Mettons-nous à la place des Allemands chez qui le problème des matières premières est peut-être plus angoissant que partout ailleurs, car il n’y a que les serins de l’économie politique pour plaisanter les Allemands de se contenter de l’ersatz pour combler le vide de leurs matières premières. Croit-on que c’est pour leur plaisir que les Allemands se privent de beurre, de viande et mangent un pain grossier ? C’est pour leur plaisir qu’ils fabriquent du caoutchouc et de l’essence synthétiques ?

On m’objectera que s’ils faisaient moins de canons, ils auraient plus de beurre. Mais cet argument est un simple enfantillage. Les Allemands fabriquent des canons pour la même raison que tous les autres peuples : uniquement pour lutter contre le chômage

Sans les armements, les Allemands auraient 7 millions de chômeurs. Or, comme les dirigeants allemands ne veulent pas de réformes de structure, ils continuent à fabriquer du matériel de guerre qui occupe les hornnies et permet de ranimer un peu toute l’économie.

En réalité, l’Allemagne ne peut acheter les matières premières qui lui manquent, parce qu’elle ne possède pas de devises étrangères. Elle ne peut pas acheter de la laine à l’Argentine en lui donnant des marks. Les Argentins ne cèdent leur laine que contre des pesos. Or, comment se procurer des pesos si l’Allemagne ne vend pas quelques chose à l’Argentine ? Et l’Argentine fabrique elle-même ce que l’Allemagne serait si heureuse de lui vendre. Résultat : l’Allemagne ne vend pas quelque chose à l’Argentine, et l’Argentine garde sa laine dont elle n’a que faire.

Arrivons au troc. Il est infiniment plus difficile que l’achat et la vente. En effet, il faut trouver une contre-partie désirant précisément ce que vous offrez et capable de vous donner ce dont vous avez besoin. C’est presque toujours la quadrature du cercle.

Ainsi l’Allemagne avait, hier, besoin de 800.000 quintaux de blé. Au même moment l’Office du blé en France cherchait à se débarrasser d’environ vingt millions de quintaux prétendus excédentaires parce qu’on n’avait pas pu les vendre chez nous. Comment réaliser le troc ? En acceptant de recevoir gratuitement de l’Allemagne des machines ou de l’armement ? Mais le gouvernement français ne pouvait accepter des machines car il eût été obligé de les revendre en France. Vous entendez d’ici les protestations indignées et légitimes des constructeurs français obligés de licencier leur personnel devant la concurrence ! Quant à accepter de l’armement, on n’y est pas encore tout à fait décidé.

Alors le troc était impossible. L’Allemagne chercha ailleurs et découvrit la Roumanie. C’est le seul pays qui voulait bien accepter des produits manufacturés en contre-partie de son excédent de céréales.

*

MAIS la Roumanie à s’équipe son tour comme le font tous les pays du monde. Et qui les équipe ? Ce sont les pays industrialisés qui fournissent n’importe quel outillage pour se procurer les matières premières qui leur manquent. On voit que, de jour en jour, le problème devient de plus en plus insoluble par les voies du commerce international et par la voie du troc pur et simple. On voit aussi que les pays neufs s’outillent à toute allure et à des conditions de bon marché vraiment inespérées.

*

DEUX mots encore sur les matières premières elles-mêmes que la nature a réparties dans le monde sans se soucier des frontières politiques que les hommes ont tracées sur les cartes. Bien entendu, je parle des matières premières telles qu’elles sont exploitées aujourd’hui, c’est-à-dire en vue d’une vente devant procurer un profit. Les quantités que l’on sort sont de plus en plus réduites, car c’est la politique de restriction des trusts internationaux et des ententes industrielles qui l’exige.

La houille que consomme le monde entier est extraite pour un tiers du territoire des Etats-Unis. L’Empire britannique s’adjuge encore un quart de la production mondiale. Vous voyez ce qui reste pour les autres pays de la planète.

Pour le pétrole, c’est pire encore. 60 % de la production mondiale sortent des puits des Etats-Unis. Et cependant le pétrole est d’une consommation obligatoire partout où il y a des moteurs automobiles.

Le plomb est extrait pour 43 % de l’Empire britannique, et pour 20 % des Etats-Unis.

L’étain vient des Etats-Unis pour 42 %, et des Pays-Bas pour 16 %. La France sort de son sol 1 % de la production mondiale.

Le caoutchouc provient de l’Empire britannique pour 60 %. Les Pays-Bas viennent ensuite avec 37 %. Vous voyez la portion congrue à laquelle est condamné le reste du monde.

Les arachides proviennent pour 62 % de l’Empire britannique. Ensuite vient la France avec 14 %.

Pour le blé, le coton, le café, le seigle, la viande, le vin, nous savons qu’on détruit des stocks un peu partout dans le monde.

*

QUAND on considère que les Etats-Unis viennent en tête pour la production de presque toutes les matières premières, doit-on s’étonner si presque tout l’or du monde prend le chemin des Etats-Unis ? L’or va prendre la place des matières premières, et les pays qui manquent de matières premières, comme l’Allemagne, n’ont plus d’or du tout.

Et si l’on redistribuait l’or, comme quelques économistes attardés le proposent, tout l’or distribué reprendrait à nouveau le chemin des Etats-Unis, car il servirait à acheter des matières premières,

*

CE n’est pas l’or qu’il faut distribuer, ce sont les matières premières elles-mêmes. A cet égard, je ne retraiterai pas le sujet qui a été déjà étudié ici même plusieurs fois.

Je mets simplement en garde contre les planistes qui ne tarderont guère à apporter à cette question toute la confusion dont ils sont capables.

Et aux gens qui nous regardent comme des phénomènes ou des hurluberlus nous répondons ceci : en vertu de quelle loi naturelle ou divine (à votre choix) les hommes seraient-ils condamnés à ne distribuer à leurs voisins que des obus et des gaz asphyxiants ? La mort, toujours la mort, et jamais la vie ?

Pourquoi ne consacre-t-on pas les 750 milliards annuels à fournir des matières premières à ceux qui n’en ont pas ?

Mais c’est tout le procès du régime que nous faisons là, et cela nous amène aux réformes de structure dont nos adversaires ne veulent pas.

Heureusement qu’on ne demande pas à tout le monde son avis.

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L’industrie provençale

par G. PATEY
24 février 1939

L’industrie provençale a fait, l’an dernier, l’objet d’une communication de la Chambre de commerce de Marseille qui constate la disparition progressive de ses débouchés.

A la suite de cette communication, nous nous sommes livrés à une enquête auprès des différents corps de métiers, enquête dont les conclusions sont les suivantes

DANS L’INDUSTRIE CERAMIQUE, la clientèle locale s’est grandement réduite depuis quelques années, probablement du fait de la diminution du pouvoir d’achat de chacun.

La clientèle extérieure (Amérique du Sud, Afrique, Levant, Extrême-Orient, et même Australia) s’amenuise également du fait de l’outillage grandissant des pays jadis importateurs qui s’organisent pour produire eux-mêmes les articles qu’ils importaient.

Il en résulte que, sur une soixantaine d’usines autrefois florissantes, quelques-unes seulement subsistent à grand’peine, marchant au ralenti.

EN MINOTERIE. - La richesse de cette industrie provenait surtout du fait que de grandes quantités de céréales étaient importées de divers pays (principalement de Russie et d’Australie) pour être travaillées à Marseille et réexpédiées sur les pays du proche Orient et en Afrique.

Or, à l’heure actuelle, les pays comme ta Turquie, la Grèce, l’Egypte, etc., se sont équipés et traitent eux-mêmes leurs propres récoltes, ainsi que les céréales que nous importions pour leur revendre sous forme de farine, et dont les cargaisons s’arrêtent maintenant au Bosphore ou au canal de Suez.

Nos installations ne peuvent plus traiter que les produits locaux destinés à la consommation locale ou à peu près.

Il en résulte que, rien qu’à Marseille, quatorze minoteries ont dû fermer leurs portes.

DANS L’HUILERIE. - Quoique moins touchée que la céramique ou la minoterie, cette industrie souffre également beaucoup de l’équipement des pays jadis importateurs.

Pour pouvoir se maintenir, cette industrie se voit obligée de perfectionner ses installations dans le but de diminuer le prix de revient de sa production.

A cet, effet, l’industrie marseillaise de l’huilerie adopte en ce moment le procédé dit « par solvants ». Cette technique nouvelle pernet, d’une part, une économie de main-d’oeuvre d’autre part un rendement maximum en une seule opération.

Il en résulte l’élimination des industries suivantes : fabrication des « scourtins » ; traitement des tourteaux par le sulfure de carbone ; triturations. De plus, cela élimine une partie de l’entretien mécanique et supprime complètement la fabrication de certaines machines. La situation de ces trois industries a été cause de la fermeture, dans la proportion de un sur deux, des établissements qui fabriquaient des machines destinées à ta fabrication des tuiles, des briques, etc., ainsi que de la fermeture de la plus importante maison d’installations de minoteries.

Elle a été la cause partielle de a fermeture de trois ateliers de constructions métalliques, cette industrie vivant surtout de la construction d’usines et de leur entretien. Ceux de ces ateliers qui ont pu se maintenir se sont équipés avec des postes de soudure électrique, en vue de diminuer leurs prix de revient.

Or, la mise en service d’un poste de soudure électrique dans la construction métallique (charpente et serrurerie), élimine : les poinçonneuses et les perceuses, les compresseurs, les marteaux-pneumatiques, les chauffe-rivets et, éventuellement, la soudure autogène.

Elle élimine également, en plus du personnel employé à l’utilisation de cet outillage, le personnel de fabrication de ce même outillage désormais inutile. De plus, l’achat d’un poste de soudure électrique coûte vingt fois moins cher que le matériel que ce poste permet de supprimer.

Il est de toute évidence que les ouvriers libérés du travail par ces industries ne vont pas trouver nécessairement à s’employer dans d’autres ;

ils ne vont pas être employés par cette importante raffinerie de sucre qui vient de licencier un nombreux personnel pour lui substituer des machines automatiques destinées à certains travaux comme l’empaquetage, par exemple ;

ni par cette grande brasserie qui doit fermer ses portes incessamment ;

ni par cet important atelier de construction de matériel de chemin de fer qui licencie également une partie de son personnel.

Etc., etc.

Tous ces exemples, choisis parmi tant d’autres parce que très caractéristiques, donnent une idée de la situation économique à l’échelle locale, et, par suite, à l’échelle nationale...

Ils viennent à l’appui de la constatation faite déjà maintes fois, contrairement à l’affirmation de nos économistes, aussi « surannés que distingués », que l’homme libéré par la machine n’est plus réemployé que très partiellement à la fabrication de la machine.

De tout temps, le chef d’entreprise qui a acheté une machine a payé du même coup :

et les rémunérations de tous les individus qui ont contribué à la fabrication de cette machine,

et les rémunérations de tous les individus qu’elle va remplacer.

De plus, l’industrie de la fabrication des machines applique, dans sa technique, au fur et à mesure de leur création, les nouveaux procédés et inventions appliqués dans les autres industries.

Certaines nouvelles machines suppriment toute une gamme d’autres machines et, par suite, des industries connexes.

Plus encore, l’Homme est même évincé en partie de son rôle de surveillant de machines, par l’application de nouvelles inventions telles que la télémécanique, la cellule photo-électrique, le gyroscope, et le sera encore un peu plus par l’emploi prochainement vulgarisé de la télévision, et de la commande à distance sans fil.

D’autre part, l’ancienne soupape de sûreté « l’émigration », n’est plus qu’un souvenir. En effet, les cinquante-cinq millions d’émigrants que l’Europe a envoyés peupler l’Amérique, l’Australie, et, partiellement, l’Afrique, entre 1800 et 1914, ont essaimé dans ces contrées et leurs descendants, non seulement ont fermé leurs frontières aux chômeurs du vieux continent, mais encore tentent d’exporter vers l’Europe leurs produits et objets manufacturés.

La machine installée à Chicago, et la vigne plantée en Oranie, ont libéré du travail un grand nombre d’Européens qui ne retrouveront plus jamais à s’employer, et dont le nombre grandit chaque jour, inéluctablement, le chômage entraînant le chômage par la raréfaction des consommateurs.

La retraite des vieux travailleurs actuellement à l’étude, et devant être appliquée « dans le régime », au moment où les questions budgétaires sont de plus en plus difficiles à résoudre par suite de la situation économique, elle-même inextricable (dans le régime) , ne pourra être, par sa modicité inévitable, qu’un ridicule palliatif à la situation paradoxale que nous venons de décrire si incomplètement, et qui réclame impérieusement une solution.

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Biologie... du monde

par G. LARRAZET
24 février 1939

L’Italie réclame la Tunisie ! L’Allemagne demande des colonies ! La France ne veut plus qu’une chose  : qu’on lui fiche la paix ! L’Angleterre veut garder son empire financier et l’Amérique son empire industriel ! Les petites nations frémissent devant leurs maîtres éventuels ! La Russie est plus mystérieuse que jamais ! Le japon veut la Chine ! Les Occidentaux également ! Les politiciens disent blanc : les événements répondent noir ! Les prestiges s’esbrouffent à qui mieux mieux, et chacun fait la parade de ses armes comme les journaux font la parade de leur publicité. Les armées en campagne sont devenues des campagnes de presse ! Car il y a quelque chose de changé : on craint par-dessus tout les foules (encore civiles) et leur prochaine étape psychologique qui les verra passer du stade subjectif et sentimental au stade rationnel et objectif. Car les foules sont prises dans l’évolution des choses, et ces choses évoluent vers l’organisation du Monde. La vérité apparaîtra bientôt, en dépit des censures rationalisées, par le simple fait que la multiplicité et le rythme des mensonges officiels conduit à leur recoupement, même dans l’esprit des corvéables les plus endurcis.

A la minute précise où tout semble perdu et où chacun se demande si vraiment le chantage à la guerre ne serait pas un besoin de guerre chez certains, il est peut-être vrai qu’un tel cataclysme n’est plus compatible avec l’évolution fatale des nations vers une organisation physiologique. Ces nations ne seraient plus assez indépendantes les unes des autres pour alimenter leur guerre à des sources matérielles et spirituelles distinctes. Elles ressembleraient aux membres de la fable, en révolte contre l’estomac qui les nourrit, et qui doivent demander à un cœur commun le sang qui les anime.

Malheureusement les armements apparaissent comme la seule transition économique probable et possible entre un Monde qui vend et un Monde qui distribue. Ils sont la tumeur nécessaire qui préserve d’un chômage universel le régime sortant. Force est donc de les justifier à tout prix aux yeux des multitudes dont l’éveil conscient et sans doute prochain donne des cauchemars aux derniers polichinelles qui président encore nos ultimes impuissances.

D’où ce souci de nous entourer d’un réseau fébrile d’enfantillages sentimentaux avec tirages de cheveux, promesses de fessées, et postillonnages dans la figure. Jamais l’opinion publique ne doit cesser de frémir pour la carcasse ou le mobilier. On obtient ainsi, avec les derniers rendements d’impôts, l’inertie stuporeuse qui la fait se tenir tranquille et l’éloigne quelque temps de sa prise de conscience ineluctable.

Car de jour en jour, dans notre chair de citoyens du Monde, il nous pousse un système nerveux qui finira bien par découvrir qu’il lui faut un cerveau. Notre sensibilité n’est encore que médullaire, socialement parlant. Les hommes ont la moelle de leur patries respectives, mais il leur manque encore le cerveau de leur patrie commune. Alors que dans le domaine scientifique on peut dire que notre « peau » n’est même plus la Terre, mais l’Univers, dans le domaine social nous en sommes toujours à la revolte des membres contre l’estomac, c’est-à-dire assez loin d’une individuation correspondante.

Mais cette dernière vient à grands pas, car il faut qu’elle vienne. Elle est dans l’ordre d’une évolution fatale des esprits par rapport à la leçon toujours plus aiguë des phénomènes économiques. D’ailleurs, tous les organismes vivants ne commencent-ils pas par la moelle et le réflexe avant d’arriver à l’encéphale et à la raison. Cet état médullaire est frappant dans les rapports actuels de nation à nation. Ainsi quand la botte italienne veut exprimer qu’elle a « l’estomac dans les talons » faute de nourriture, elle lance un coup de pied dans l’Espagne (en éraflant la Tunisie) pendant que ses journalistes « crachent sur la France ». Des réactions aussi primitives se produisent au laboratoire lorsqu’on excite la peau d’un batracien en expérience : il rue et il crache. Dans le même ordre d’idées, si vous éperonnez un porc-épic, il se contractera sur sa circonférence en attendant des jours meilleurs. C’est à peu près ce que fait la France avec son empire lorsque la botte romaine vient lui chatouiller le nombril.

Socialement, donc (ou mieux intersocialement), nous en sommes à l’ataxie. Un ataxique est un monsieur qui voit avec désespoir ses membres s’entre-choquer et se meurtrir parce qu’il lui manque les moyens techniques, anatomiques ou physiologiques, de la coordination. C’est exactement le cas du Monde actuel.

Alors, de quels moyens techniques manquons-nous ? N’y a-t-il pas la coordination des trusts, avec leurs « nerfs » sensitifs et moteurs allant des coffres-forts aux gouvernements et vice-versa ? Mais si coordination il y a, on ne voit pas très bien l’utilité d’un cancer coordonné au sein d’un organisme qui ne l’est pas. Le cancer n’est ni chair ni cerveau. C’est de la pourriture dynamique dont la vitalité se suicide au fur et à mesure qu’elle tue.

Le moyen technique qui manque aux hommes du siècle présent est le même que celui qui a fait évoluer ceux des siècles passés. C’est un vocabulaire, avec des images à la mesure exacte des faits objectifs. La Révolution est là, et c’est parce qu’elle est là que le vocabulaire de l’Abondance est censuré de partout, malgré les efforts de nos groupes encore minoritaires (pas pour longtemps). La coordination des perceptions économiques par les chiffres des bilans et des dividendes a permis le développement de la société échangiste et capitaliste. Chiffres et bilans étaient le vocabulaire des postes de commande, vocabulaire de spécialistes et d’initiés, ardu, rébarbatif pour les autres, et qui conférait à une minorité la puissance consciente et le commandement. Désormais, la coordination des conceptions économiques par le vocabulaire de l’Abondance donnera à ceux qui l’emploieront la conscience de leur puissance et le commandement de leur conscience. Ce vocabulaire, tout le monde peut le comprendre, et c’est là une seconde révolution. Il suffit seulement, maintenant, de pouvoir le faire connaître. Tout s’éclaire lorsque, au lien d’appeler le malaise mondial « Fascisme » ou « Démocratie » selon que la fièvre prend la forme d’une excitation délirante ou d’une anémie syncopale, on adopte le terme lumineux de « crise de l’Abondance », qui révèle du même coup la cause du mal et son remède nécessaire. Alors, et alors seulement, on pent parler d’agir et d’avoir foi dans la vie. Car la vie n’est pas qu’un instinct, elle est aussi une intelligence des instincts. Et c’est cela qui nous empêche d’applaudir aux mascarades éréthiques, sinon hérétiques, de Mussolini et d’Hitler. Ils ne représentent ni la vie qui doit être, ni la vie qui sera et que tous les peuples désirent.

La Médecine a fini par vasouiller à force de percevoir les symptômes de trop de maladies. Elle commence à se renouveler maintenant qu’elle s’efforce de mieux concevoir les causes de la santé. Or, les conceptions de l’Abondance sont au corps social ce que la médecine causale est au corps humain.

Il s’agit donc d’un passage du stade réceptif et sentimental au stade conceptif et rationnel. La dispersion doit céder le pas à la coordination.

Ceux qui nous proposent le choix entre le « Fascisme » et la « Démocratie » sont tout juste dignes de la quatrième page de leurs journaux. Ils nous disent à peu près ceci : « Voulez-vous crever d’un cancer ou d’anémie pernicieuse ? » Ils oublient seulement que le cancer lui-même comporte les prémisses d’une anémie pernicieuse. Ce sont des rebouteux et des « faisans ».

Les Français, qui par ailleurs sont si « moyens » ont parfois quelque supériorité. C’est quand ils font la « moyenne » des choses dans leur esprit.

Or, nous autres du D.A.T. ou des J.E.U.N.E.S., qui sommes Français, et très moyennement Français dans la proportion où nous nous estimons citoyens du Monde, nous proclamons l’avènement de la « moyenne » idéologique dans le Monde Social, grâce au vocabulaire de l’Abondance.

L’inégalité de potentiel ou de masse des peuples ou des races, loin de servir de point d’appel aux instincts de destruction, ne peut désormais que servir les forces de synthèse ou de création, car tout le monde est « dans le même sac ».

Suivons l’exemple magnifique de la science et de la technique où bat déjà notre cérébralité commune. Cette dernière nous donne une personnalité aussi vaste que l’Univers, de gré ou de force, consciemment ou inconsciemment.

Regardez donc dans un oculaire de microscope ou de télescope ! Vous y constaterez la fraternité des choses sous la forme d’une « moyenne » idéologique. En effet, dans le champ de ces appareils d’analyse, les soleils, qui sont immensément grands, se montrent à la mesure des mouvements browniens qui sont immensément petits. Une image moyenne, véritable formule optique, préside à des valeurs qu’il y a 100, ans on aurait crues inconciliables. De tels rapprochements, si denses de possibilités créatrices, ont dû attendre pendant des siècles la venue des instruments d’optique modernes.

Parallèlement, sur le plan social, ces instruments d’analyse existent. Ce sont les « théories » de l’Abondance. Il suffit d’y jeter un coup d’oeil pour saisir la transition qui unit, dans notre esprit, l’optique microscopique de la rareté actuelle aux impératifs planétaires d’une organisation de l’Abondance.

C’est pourquoi, malgré l’impudique cacophonie de nos maitres-brailleurs, nous continuons d’avoir la foi.

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Une communication de M. André Siegfried à l’Académie des Sciences Morales et Politiques

24 février 1939

M. André Siegfried, membre de l’Institut, a fait une communication qui a paru au Journal officiel du 13 décembre 1938 sur la révolution industrielle et ses répercussions sur les problèmes de notre temps.

Nous en donnons ci-dessous quelques extraits :

Des générations entières ont, dans le passé, traversé l’existence avec la conscience d’appartenir à un ordre social stable et presque permanent. Nous avons aujourd’hui l’impression de vivre dans une crise, sans cesse renaissante, qui ne se liquide pas. Les plus âgés possèdent encore, grâce au souvenir, la notion de la stabilité, mais c’est une notion que les jeunes ignorent à peu près totalement. Il y a eu des périodes de l’histoire où l’incertitude du lendemain était aussi angoissante : il n’y en a certainement pas eu au cours desquelles les conditions, le décor même de la vie aient si soudainement changé. Nous sommes impliqués dans une révolution dont la portée est sans doute plus grande encore que nous ne l’imaginons, révolution non seulement politique et sociale, mais humaine.

M. André Siegfried analyse alors rapidement la crise de liquidation de la guerre, la crise cyclique, la crise européenne, pour aboutir enfin à dire :

Ne faut-il pas cependant aller plus profond ? Au delà de ces trois crises, si manifestes, n’en est-il pas une quatrième, plus générale, qu’on pourrait appeler la crise de la révolution industrielle ? J’entends par là celle qui résulte des transformations immenses que provoquent, dans la vie des hommes de notre temps les nouvelles méthodes de production issues du machinisme. Nous sortons ici du domaine économique proprement dit, car il va s’agir de répercussions humaines pratiquement sans limites. Il ne s’agit pas non plus d’un rythme de développement que nous puissions aisément mesurer, car cette fois le rythme n’est ni décennal, ni d’un quart ou même d’un demi-siècle. La révolution industrielle a pris naissance, en effet, dans la seconde moitié du dix-huitième siècle, mais c’est seulement depuis le début du vingtième, à vrai dire depuis la fin de la guerre, qu’elle commence à dérouler pleinement ses effets.

De cette crise, qui englobe et dépasse toutes les autres, la portée est immense, et le ferment qu’elle contient est, à proprement parler, révolutionnaire. Elle fait craquer sous nos yeux l’armature, plusieurs fois millénaire, que nous avons reçue de nos pères. Bien plus, nous commençons à apercevoir qu’elle met en cause et va nécessiter la révision des rapports de l’homme avec la nature, avec la société, avec la cité. La religion elle-même semble devoir être impliquée dans cette dangereuse aventure qui ébranle du même coup l’équilibre des continents et des races. La crise de liquidation de la guerre, celle de la baisse des prix, celle de l’hégémonie européenne, n’apparaissent plus, sous cet angle nouveau, que comme des phénomènes relativement superficiels recouvrant un trouble combien plus profond. La crise de la révolution industrielle, si nous admettons de lui donner ce nom, dépasse à vrai dire le domaine de l’histoire proprement dite : ce qui commence, ce n’est sans doute rien moins qu’un âge nouveau de l’humanité ; il faut en parler comme on ferait, par exemple, du passage du paléolithique au néolithique. Peut-être pourrait-on l’appeler I’âge américain ?

Après quoi, M. André Siegfried reprend la conférence-maison — que nos lecteurs connaissent bien — ou, du moins, il en donne de larges extraits :

Depuis les temps de la préhistoire jusqu’au dix-neuvième siècle, les progrès accomplis par l’humanité ont été splendides, mais les méthodes de production avaient en somme peu changé. Dans les transports, l’évolution, de César à Napoléon, paraît minime : tous deux circulaient dans des voitures rapides traînées par des chevaux et Napoléon n’allait sans doute pas beaucoup plus vite. D’autre part, durant cette longue, longue période, c’est l’outil qui demeurait l’instrument essentiel, la condition de toute fabrication. Il y a là tout un âge préindustriel, qui a duré infiniment longtemps et qui survit du reste largement encore, à supposer même qu’il ne continue de régir la majorité des humains : qu’on pense à la Chine, à l’Inde, aux noirs de l’Afrique, aux Indiens du Nouveau-Monde !

Une adaptation, non pas séculaire, mais plusieurs fois millénaire, de l’humanité à ce mode de production s’était opérée, au point de modeler, de façon quasi indélébile, le caractère, les habitudes, les réactions physiques et morales des hommes : elle résultait, elle résulte encore, des relations intimes qui s’étaient établies entre l’individu et l’outil. L’outil, prolongement de l’énergie musculaire, est un serviteur de l’homme, mais il l’éduque en même temps : il y a collaboration, car l’artisan est maître de son outil, dont l’usage lui fournit l’occasion d’une constante leçon. « Il y a cinquante ans que je fais des sabots, disait un humble travailleur de village, dont on m’a rapporté le propos, et ils ne m’ont pas encore dit leur dernier mot. »

Nous avons tous connu de ces artisans, aujourd’hui en train de disparaître sans être remplacés, et c’est avec une sorte de mélancolie que nous voyons passer cette civilisation de l’outil, que les siècles avaient lentement et puissamment constituée, avec sa technique, sa morale du travail, son esthétique propre, son outillage, dont l’origine se perdait dans la nuit des temps.

Dans cet âge de I’humanité, dont les traits essentiels seront demain périmés, soulignons que les facteurs géographiques étaient dominants. Du fait de la lenteur extrême des communications, l’homme s’adaptait nécessairement au sol, dans la dépendance étroite où il se trouvait des conditions du milieu. Le type du paysan est né de cette adaptation, et l’on peut dire, toutes proportions gardées, que les racines qui le retiennent sur la terre qu’il cultive sont aussi fortes que celles qui fixent l’arbre sur son terrain. L’âge de l’outil, qui est aussi celui du paysan, devait donc conduire à la constitution d’unités géographiques accentuées, dont la personnalité répondait en somme à la semi-passivité de l’homme vis-à-vis de la nature. La plupart des sociétés humaines vivent encore, même de nos jours, dans des conditions de cet ordre. Hors d’Europe, les Etats-Unis, les Dominions britanniques, qui relèvent désormais d’un autre type de civilisation, sont encore malgré tout des exceptions ; mais nous n’avons qu’à regarder autour de nous pour apercevoir que plusieurs des paysanneries européennes en sont encore à cette étape où la formation sociale dépend étroitement de la géographie.

C’est dans ce régime social, peut-être dix ou vingt fois millénaire, que la machine fait irruption. Le machinisme, considéré comme système, c’est la conquête et la mise au service de l’humanité des forces élémentaires de la nature. A l’outil, simple prolongement du bras ou du pied, il s’agit désormais de substituer une énergie complètement dissociée de l’effort humain. Peu importe, du reste, que ce soit la vapeur, l’électricité, le pétrole, la chute d’eau, le vent, ou même l’énergie tirée des marées, ou de la chaleur solaire : ce qui compte, c’est l’utilisation des forces naturelles, à la place du pénible effort des muscles. Et c’est par là que la machine et l’outil n’ont, en somme, en dépit de certaines apparences, rien de commun.

Ainsi défini, le machinisme est sans doute aussi vieux que la civilisation : le moulin à eau, le moulin à vent, le bateau à voiles lui-même doivent être considérés comme relevant de lui. Le Thibétain de légende, qui, dit-on, avait eu l’idée géniale de brancher un moulin à prières sur une chute d’eau, était assurément un précurseur de la machine. Cependant, c’est sans hésitation, dans la seconde moitié du dix-huitième siècle qu’il faut placer la naissance de l’âge nouveau. On le voit apparaître alors en Europe occidentale, notamment en Angleterre ; la machine à vapeur en marque symboliquement le début, et tout le développement industriel du dix-neuvième siècle, qui confirme l’Europe dans son hégémonie planétaire, part de là. Il faut toutefois attendre le vingtième siècle pour trouver, aux Etats-Unis, le système pratiqué pour la première fois conformément à une vue d’ensemble vraiment consciente, avec toute sa signification et toute sa portée : et voilà pourquoi nous avons cru pouvoir parler d’« âge ». américain.

On ne voit pas bien pourquoi l’Amérique viendrait jouer un rôle particulier. Les Américains sont des Européens qui ont émigré et fait souche de l’autre côté de l’Atlantique. Ils ont appliqué en grand des procédés scientifiques qui ne leur appartiennent pas en propre, et, s’ils ont pu le faire, c’est qu’ils n’avaient rien à démolir, pas même à amortir les techniques antérieures.

Mais écoutons encore M. André Siegfried :

Les conséquences sociales, les répercussions humaines de ces méthodes nouvelles, surtout quand on les pratique sans ménagement et, pour ainsi dire, agressivement, sont illimitées. Au premier rang figure la position de l’homme vis-à-vis de la machine. L’outil, avons-nous dit, est individuel, éducateur ; l’artisan, qui embrasse facilement I’ensemble de son travail, est en mesure d’en contrôler le rythme, étroitement lié à la force qu’il dépense. Mais la machine, elle, est collective, incompatible au fond avec une activité strictement individuelle ; l’ouvrier est le serviteur, le servant, pourrait-on dire, d’un outillage fonctionnant selon un rythme qui lui est propre et dont on a l’impression qu’il est implacable, ou, d’un mot plus exact encore, inhumain. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’avoir vu marcher la chaîne aux usines Ford ou même d’en avoir, au cinéma, suivi la spirituelle critique dans le film Les Temps Nouveaux, de Charlie Chaplin. « L’Homme est la mesure des choses, avait cru pouvoir dire le Grec Protagoras. » Le dirait-il aujourd’hui en Amérique ? Ce n’est plus le travailleur, dans l’usine moderne, détermine le rythme du travail : il faut qu’il suive la machine, dans une course épuisante où il n’est plus que l’appoint d’une force extérieure, captée et réglée en dehors de lui.

M. André Siegfried, lui, au moins, n’a pas peur des mois et, au risque de troubler le sommeil de ses collègues de l’Institut, il parle de révolution.

La révolution est partout dans cette liquidation brusque d’un passé qui ne disparaît pas progressivement, mais qui s’effondre en chutes heurtées, comme un mur dont les pans tomberaient, les uns après les autres. Après un demi-siècle d’inventions et de découvertes fulgurantes, qui ont pratiquement supprimé la distance, renouvelé complètement les conditions d’utilisation de l’énergie, mis en contact direct les sociétés humaines les plus éloignées les unes des autres, la nécessité s’impose de réviser presque toutes nos notions antérieures, comme si une humanité nouvelle était en train de naître.

La géographie apparaît comme la première vaincue dans ce renversement des relations entre l’homme et la nature. Hier encore, l’action du milieu pouvait être considérée comme le facteur décisif dans la formation sociale, car la nature s’imposait trop évidemment à la faiblesse de l’homme. Le fait nouveau de notre époque, sensationnel et bien fait pour enivrer, je dirai presque : pour intoxiquer l’imagination, c’est la prétention de la volonté humaine, armée d’une technique invincible, de dominer la nature, en la violentant s’il le faut. L’influence du milieu géographique s’affaiblit de ce fait, et, par suite — la remarque est grosse de conséquence — la notion de la répartition géographique perd quelque chose de son importance, naguère encore fondamentale. Chaque découverte nouvelle tend à réduire la dépendance des hommes à l’égard du sol : nous assistons à une sorte de volatilisation de la distance qui, en fait, ne compte plus ; le transport de l’énergie permet à l’usine de se désolidariser topographiquement des mines de charbon ; il devient même possible de créer, par exemple dans les filatures de coton, des climats artificiels. II s’ensuit que les industries peuvent désormais se fixer à peu près où elles veulent sans être prisonnières, comme autrefois, de ressources locales étroitement limitées. Si le produit synthétique doit devenir une réalité pratique, les nations seront libérées des limitations qu’impérieusement leur imposait la nature du sol. Qui ne sent que la face du monde peut en être totalement modifiée ? Le groupement industriel du XIXe siècle, fondé presque entièrement sur la solidarité géographique de l’industrie du charbon, ne devrait-il pas notamment être revisé ? Il est permis de penser que la crise de l’Europe est due, en grande partie, au fait que cette révision est en train de s’accomplir.

Puis, en fort bons termes, il parle de l’insuffisance intellectuelle de nos contemporains.

Nous sentons enfin qu’une crise morale résulte, pour tous les hommes, de ces progrès torrentiels qui, manifestement, les dépassent. On est tenté de parler à la fois de la grandeur et de la misère de l’homme moderne. Nous connaissons son orgueil déchaîné, la conscience qu’il a de sa toute-puissance technique. Sentiments qui s’expliquent en somme, puisque l’ingénieur résout tous les problèmes de son ressort, selon des méthodes efficaces dont le succès parait ne pas connaître les limites. Mais, observation devenue banale, le progrès moral est en retard sur le progrès technique, à supposer qu’il n’y ait pas recul. Si l’ingénieur, disions-nous, résout tous les problèmes qui lui sont posés, le politique, l’industriel considéré en tant que patron, le moraliste, se sentent au contraire désemparés et vraiment inférieurs devant les problèmes qui naissent sous leurs pas beaucoup plus vite qu’ils ne peuvent les résoudre et même les comprendre. Sur la longue route de la destinée humaine, les uns et les autres, comme les Curiaces de la fable, n’en sont pas au même point.

Chose plus paradoxale encore, c’est chez le même individu que les différentes parties de l’être ne sont pas également évoluées. On n’est même pas intégralement contemporain de soi-même  ! On trouverait sans doute, chez plus d’un parmi nous, une sensibilité du XIXe, à côté d’une technique du XXe, et peut-être des superstitions du moyen-âge... L’adoption généralisée de l’équipement matériel contemporain le plus perfectionné n’est qu’un signe trompeur de progrès : le demi-sauvage se sert de la radio, de l’auto, de l’avion, comme vous et moi et même avec plus d’empressement peut-être, mais pensez-vous que sa culture profonde en soit modifiée ?

C’est pourquoi cette victoire sur la nature, dont nous parlions tout à l’heure, n’est pas sûrement une victoire totale et définitivement acquise. Le facteur technique est obéissant, mais, au moment même où nous constatons le triomphe mécanique le plus éclatant, la civilisation recule, en revenant à des procédés économiques, à des mœurs politiques, qu’il n’est pas excessif de taxer de barbares. C’est comme si la nature se vengeait, en nous faisant payer le prix des avantages qu’elle nous a laissé conquérir.

Hélas ! M. André Siegfried n’ose pas encore, lui non plus, conclure à l’abondance. Justifiant ainsi le reproche qu’il adresse aux esprits de ne pas savoir évoluer, il termine assez tristement :

...Le prestige de cette épopée, qui donne à l’espèce humaine une puissance jusqu’alors insoupçonnée, ne saurait nous voiler la menace qu’elle implique, même si le matérialisme foncier de ces réalisations splendides fait appel à toutes les ressources de la mystique pour enrôler les hommes dans une collaboration dont l’orgueil les enivre. Si les méthodes nouvelles, qui décuplent, qui centuplent notre puissance, doivent être retenues — et il est impossible qu’elles ne le soient pas c’est donc bien une esthétique, une morale, une politique nouvelles qu’il est grand temps de mettre sur pied si l’on veut sauver l’homme, considéré en tant qu’individu. Dans l’enthousiasme de la production, la plupart des gens semblent oublier que, derrière la production, il y a l’homme. De ce point de vue, le problème moral ne change pas, il demeure à travers les siècles avec une permanence qui ne faiblit pas. C’est le chapitre, trop oublié, des « Devoirs envers soi-même ». Ne faudrait-il pas, pour conclure, se référer à la parole fameuse : « Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat » ?

Conclusion étrange, n’est-il pas vrai ? Car que vient faire le sabbat dans l’affaire ? Etait-ce pour permettre à ses collègues de faire, comme le chien de l’Evangile, et retourner tranquillement... à leurs petites occupations ?

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Choses et Autres

24 février 1939

Un journal du matin donne tous les matins à ses lecteurs une petite leçon d’économie politique. Le texte en est publié en première page et en caractères gras, comme les paroles de l’oracle.

Dernièrement on pouvait lire ceci : Tous les économistes enseignent que, pour qu’un pays vive et prospère, il faut que ses manuels donnent 2.000 heures de travail par an !

Et voilà I Bien entendu on ne donne pas le nom des économistes qui enseignent de pareilles inepties. Car nous ne croyons même pas nos orthodoxes capables de dire qu’un ouvrier doit fournir 2.000 heures de travail manuel par an. Pourquoi pas 2.100 ou 1.900 ? Pour faire quel travail ? Pour fournir quelle production ?

Jamais un économiste ne s’est permis d’énoncer une pareille bourde, car enfin il est clair qu’on travaillait beaucoup plus il y a deux cents ans, et que l’outillage dont un pays dispose joue bien un petit rôle dans l’affaire.

2.000 heures par an, jusqu’à la fin des siècles et dans tous les pays !

Voilà ce qu’on a l’audace d’imprimer en premiere page, en l’an de grâce 1939 !

Et des milliers de lecteurs iront répéter ce bobard comme autant de perroquets.

Pour s’assurer de la docilité des lecteurs à avaler les choses les plus énormes, le dit journal a ouvert une rubrique : nos lecteurs nous écrivent...

C’est certainement la lecture la plus réjouissante que vous puissiez vous offrir. Les lettres signées « un vieux lecteur » battent, bien entendu, tous les records de la sottise.

Si le régime économique pouvait être remis d’aplomb par des mensonges, il y a longtemps qu’il se porterait commue le Pont-Neuf.

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Le camarade René Belin, secrétaire général adjoint de la C.G.T., écrit dans Syndicats qu’il faut se méfier des thèses connues et commodes sur l’abondance ; et des gens qui ont perdu le contact avec les réalités.

Il devrait se renseigner auprès de M. René Belin, administrateur délégué de Lorraine-Diétrich, qui, sans perdre contact avec les réalités, a trouvé le chemin de l’abondance.

***

Notre ami Joseph Dubois fait une belle et intéressante conférence à Lille. Un auditeur, en particulier, donnait des signes manifestes de compréhension totale, car il fit observer très justement que tout ce qu’il venait d’entendre était bien triste pour le régime actuel.

Ensuite un planiste vint exposer le fameux plan des planistes pendant un bon quart d’heure. L’auditeur, qui avait compris, demanda une seconde fois la parole pour dire mélancoliquement que si tout cela était bien triste pour le régime, il ne voyait nullement la nécessité de faire de plus un stage à Charenton.

Qui se douterait, à voir l’apathie actuelle des gens, que nous vivons en ce moment une période fabuleuse de l’humanité ?

Les gens continuent à se bousculer pour conserver leurs petits avantages, et chacun agit comme si la situation actuelle devait s’éterniser. Pourquoi cette apathie ? C’est le résultat des apéritifs, de la grande presse, de la radio, et de la Loterie Nationale. Comme abrutissement collectif, il est difficile d’imaginer mieux.

Et quand l’un de ces mollusques ambulants fait le geste de s’éveiller, c’est pour entendre un planiste qui lui bourre encore le crâne.

Alors il se rendort bien vite après lecture des journaux du soir...

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Henri-Claude, dans Libération, dit du plan Pichot tout ce qu’il mérite. Sous le nom d’organisation professionnelle, c’est le retour à la corporation. Pourquoi pas à l’empire romain ?

Comme la profession exigera de moins en moins de personnel, elle créera toujours moins de pouvoir d’achat. Alors à qui vendra-t-on les produits de la profession réorganisée ?

Sous une forme discrète, l’organisation de la profession c’est le trust. On élimine les concurrents les plus faibles, ou l’on interdit l’accès de la profession aux nouveaux venus.

C’est tourner le dos aux réalités et on est surpris que Pichot se soit laissé circonvenir à ce point. Combattre les trusts et être partisan des ententes industrielles parait être le comble du confusionisme.

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Liberation, l’organe des J.E.U.N.E.S. a maintenant beaucoup de tenue. On sent qu’elle est rédigée par des gens sérieux qui savent ce qu’ils écrivent.

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Frossard est parti sur le thème facile ; il nous faut 5.OO0 avions. Avec quoi Frossard les paiera-t-il ? Où trouvera-t-il des crédits ? dans la quatrième dimension ?

Il est puéril de nous donner l’exempIe de l’Allemagne, car nous sommes encore des libéraux confits dans l’orthodoxie, alors que, sous le rapport de la production, Hitler a déjà envoyé promener la monnaie libérale et le régime des comptes. Toute la force des totalitaires se mesure à la distance qui les sépare de l’orthodoxie. Et tout en convenant que le régime totalitaire est très loin de notre idéal et qu’il n’a rien de définitif, nous sommes obligés de reconnaître, qu’au point de vue économique, il est en avance, sur nous.

On se rappelle que le Sénateur-Colonel Fabry a fini par reconnaître que, si l’on était en guerre, on réussirait bien à construire cinq mille avions. C’était avouer, sans s’en douter, qu’on envoie promener l’orthodoxie toutes les fois que le salut du pays l’exige. Alors qu’attend-on aujourd’hui ? Et pourquoi Frossard, qui s’est prétendu socialiste, a-t-il déjà oublié qu’un régime socialiste peut créer ce qu’il veut parce qu’il ne se soucie pas du profit ?

***

M. Charles Rist sombre clans la maladie de l’or ! Il n’y a pas assez d’or... Il écrit froidement cela au moment où l’or n’a jamais été aussi abondant. Cher Monsieur Rist, l’or va prendre la place des matières premières dans les pays qui possèdent de tout, comme les Etats-Unis, et qui peuvent vendre des matières premières à ceux qui ont encore de l’or. Mais les Etats-Unis ont tellement d’or qu’ils le stérilisent. Et les Etats-Unis battent tous les records du chômage alors que, possédant bientôt tout l’or du monde, ils devraient connaître la folle prospérité.

L’or ne circule plus parce que les échanges ne s’effectuent plus. L’or n’a jamais servi qu’aux échanges. Vous dites qu’il n’y a pas assez d’or, alors que vous devriez dire qu’il n’y a pas assez d’échanges. Mais cette constatation vous obligerait à désapprendre ce que vous enseignez...

Alors vous préférez renchérir sur les fantaisies des frères Guillaume ou de M. Coutrot qui traitent l’économie par I’algèbre... Après eux, on peut tirer l’échelle.

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ACTUALITÉS

L’Abondance et l’Empire

Les conférences de la salle Poissonière
par R. DUMONT
24 février 1939

Bien qu’une récente proposition de loi ait pour objet de décerner au successeur de M. Lebrun le titre de « Président de la République et de l’Empire français », je préfère personnellement au terme d’Empire couramment employé, qui implique l’idée de commandement, de subordination à la Métropole, le terme de Fédération qui se rapproche plus du « Common wealth » britannique, de l’idée de collaboration et d’association. Mais les faits seuls importent. De par le monde se constituent de plus en plus des économies impériales : les accords d’Ottawa, nos Conférences « Impériales » les favorisent. Tandis qu’en 1928 la part des colonies dans notre commerce extérieur oscillait entre 12 et 13 %, à l’importation comme à l’exportation, elle s’élève en 1936 à 28,5 % de nos importations et 33 % de nos exportations.

Jules LECLERC

Président-fondateur des « Compagnons de l’Abondance » qui aident puissamment notre mouvement.

Âme de la propagande du D.A.T., il se dépense sans compter pour organiser les conférences de la salle Poissonnière, dont le succès grandit tous les jours. Prépare un cours sur l’économie politique moderne, où nos camarades s’efforceront d’envoyer le plus d’auditeurs possible.

L’insuffisance de l’équipement. — Mais ce n’est là qu’une face du problème, la seule étudiée communément. On ne se préoccupe pas assez de la part de la production coloniale destinée à élever le niveau de vie des indigènes, à supprimer la sous-alimentation. Si nous sommes entrés dans l’abondance dans tous les pays supérieurement équipés, et particulièrement en Europe Occidentale et en Amérique du Nord, il ne faut pas oublier que les conditions de production sont restées très primitives dans la plupart de nos colonies.

Toute l’Afrique Occidentale et Centrale ignore même l’usage de la charrue attelée, et ne cultive qu’à la houe à bras. Partout où I’on peut entretenir du cheptel, la seule introduction de la petite charrue permet d’augmenter surface cultivée et rendement et de faire rapidement disparaître la sous-alimentation. Cette introduction est commencée, mais trop timidement. Les ministères de l’Agriculture et des Colonies sont toujours traités par les Finances en parents pauvres, les crédits leur sont chichement mesurés. Les cadres techniques sont insufisants en nombre (6 entomologistes pour lutter contre les dégâts faits par les insectes aux cultures dans nos colonies tropicales, 225 dans les colonies anglaises) ; ils sont dotés de crédits et de moyens de travail médiocres et sont trop subordonnés aux services administratifs dont la compétence technique peut être à juste titre suspectée.

L’Indochine et l’Afrique du Nord utilisent une charrue primitive, mais ne disposent que d’un cheptel insuffisant, par suite de l’absence de cultures fourragères.

Jean MAILLOT

Secrétaire général du D.A.T. et l’infatigable conférencier que nos camarades entendent chaque fois avec un nouveau plaisir, car il trouve moyen de rendre ses exposés toujours plus vivants. Il a résolu le tour de force de tenir la tribune pendant plus de deux heures, sans que faiblisse l’attention de ses auditeurs. Quant aux contradicteurs, leur nombre décroît rapidement car il leur oppose autant de logique que de bonne humeur.

Il y a ainsi d’énormes possibilités non mises en valeur par suite de l’insuffisance de l’équipement général, particulièrement accentué dans le domaine agricole. Tandis que les Anglais investissaient des centaines de milliards dans leurs possessions, nous préférions équiper les armées de l’Europe Centrale. Il faudrait inaugurer une véritable politique de paysannat et d’agriculture indigènes pour accroître la production des cultures vivrières et assurer le riz ou le mil quotidiens.

Production et répartition. — Mais - ici comme ailleurs - il n’y a pas que le problème de la production, mais surtout celui du pouvoir d’achat. Car si certaines de nos colonies africaines ne produisent pas assez pour leur alimentation, l’Indochine nous envoie chaque année près de 5 (1938) à 6 millions (1937) de quintaux de riz. L’ensemble des colonies (Indochine surtout) nous fournit 6 (1937) à 7 (1938) millions de quintaux de maïs : importations de céréales pour l’alimentation du bétail contre lesquelles protestent les agriculteurs français, surtout quand on a plus de vingt millions de quintaux de blé en excédent. La sous-alimentation qui règne dans le delta du Tonkin et dans le Nord-Annam surpeuplés, pourrait disparaître demain si les indigènes n’étaient obligés de vendre trop de grains pour payer leurs impôts et leurs produits industriels. De même pour l’Afrique du Nord qui nous envoie en moyenne 2 à 3 millions de quintaux de blé, un million de quintaux d’orge, dont elle pourrait consommer la plus grande partie si elle en avait les moyens.

Il faudrait d’abord financer la consommation, et j’ai été heureux au Congrès International du Crédit agricole de Naples de faire admettre le principe du crédit de consommation aux agriculteurs indigènes après chaque mauvaise récolte. Quelle hérésie pour un économiste orthodoxe qu’un crédit non utilisé à l’équipement, à la production ou au commerce

C’est cependant le seul moyen de les alimenter en assurant la continuité de la culture. Un progrès a été réalisé par la distribution des grains par les sociétés indigènes de prévoyance, qui les revendent an consommateur 5 à 10 centimes le kilog de plus qu’ils ne les ont payés au producteur.

Un autre pas dans la voie de l’économie distributive a été fait l’automne dernier par le gouvernement général de l’Algérie qui a revendu le grain d’orge 10 francs le quintal en dessous du prix de revient. Pour donner à cette politique de la consommation l’amplitude nécessaire, il faudrait, comme pour l’enseignement, une large contribution de la Métropole. C’est le moyen de faire une politique impériale qui ne soit pas impérialiste ; et cela vaut mieux que d’entasser canons sur avions.

L’industrialisation et les cultures vivrières. — J’ai dit l’obligation de vendre pour acheter des produits industriels. On ne soulignera jamais trop les obstacles mis par nos industriels à l’équipement de nos colonies. Les exportations d’Afrique Occidentale sur France se font en franchise pour les matières premières et produits alimentaires, mais les produits fabriqués paient la douane. On a multiplié les obstacles à l’installation d’huileries en A. O. F. On a interdit à la firme Bata d’installer en Cochinchine une fabrique de chaussures : et pourtant le « nhaqué » ou paysan annamite, ne pourra jamais acheter de chaussures faites à Fougères. L’industrialisation est particulièrement urgente en Indochine, dans le Tonkin surpeuplé, à cause de son éloignement et de sa situation démographique.

L’indochinois sous-alimenté ne peut consommer son riz, faute de pouvoir d’achat, alors, on l’envoie en France où personne ne conteste plus l’abondance céréalière ! Comme première mesure, il faudrait instituer un organisme

de répartition des céréales dans l’ensemble France-Colonies ; à condition que sa préoccupation essentielle ne soit pas la réduction de la production. Si on peut dès maintenant faire diparaître totalement de France la sous-alimentation quantitative en cultivant un demi-million d’hectares de blé de moins qu’aujourd’hui, il faut encore aux colonies viser à un large développement des cultures vivrières, et demander aux services techniques et administratifs de mettre le développement de ces cultures au premier plan de leurs préoccupations.

Le ravitaillement de la Métropole. — Si nous devions étudier ce problème dans le cadre d’une stricte « autarcie » impériale, nous verrions certaines difficultés à tirer de nos colonies la totalité des textiles, par exemple, dont nous avons besoin. Mais c’est vers le développement des échanges internationaux, assurant une répartition rationnelle des différentes productions dans les régions qui sont le mieux adaptées par leurs conditions naturelles et humaines, qu’il faut s’orienter. Dans ce cadre élargi, les possibilités de production de nos colonies sont largement suffisantes pour correspondre à nos besoins.

Nous n’importons des colonies que 4 % du coton et 6 % de la laine que nous utilisons, mais la production lainière peut être largement augmentée en France, en Afrique du Nord et en A.O.F., celle du coton dans toutes nos colonies tropicales, spécialement en A.O.F., en A.E.F., au Cambodge, et même en Afrique du Nord où les conditions démographiques sont plus favorables, mais où le cotonnier est près de la limite nord de la culture. Nous sommes mal placés pour le jute, mais beaucoup mieux pour le sisol, et pour beaucoup de fibres actuellement secondaires, mais susceptibles de remplacer un jour les fibres-reines.

La production du café colonial est en progrès rapides, surtout à Madagascar ; nous avons importé de nos colonies 17 % de notre consommation en 1936, 21 % en 1937, 28 % en 1938. Nous aurons quelque mal à produire en quantité suffisante le café Arabica exigé par le consommateur français délicat. Ce n’est pas aux lecteurs de « L’Abondance » qu’il est besoin de rappeler l’importance des destructions de café au Brésil, des restrictions d’emblavements de coton en A.O.F.

L’Indochine arrive aujourd’hui à nous fournir 40 % du thé que nous buvons ; son arome et ses qualités hygiéniques sont bien supérieurs à ceux du thé de Ceylan. Elle pourra dans l’avenir fournir l’Algérie et la Tunisie qui en consomment chacune autant que la Métropole, et le Maroc qui, avec 7 millions d’habitants, en demande 6 fois plus.

Déjà est entrée en vigueur entre planteurs hollandais et anglais, une convention internationale de restriction de la production du thé ; à laquelle nos planteurs d’Indochine seront sans doute invités à adhérer dès qu’ils voudront vendre sur le marché mondial.

Les productions excédentaires. — Avec les oléagineux, nous abordons le type des productions qui ont émigré des pays tempérés vers les régions tropicales. Nous cultivions en France, en 1860, 200.000 hectares de colza, près de 100.000 hectares d’oeillette et de navette, plus de 100.000 hectares d’olivier. Seule, cette dernière culture a gardé quelque importance, grâce à des primes de soutien qui l’empêchent de succomber devant la concurrence nord-africaine. Car si nous sommes mal placés pour les textiles, nous le sommes remarquablement pour les oléagineux. Sans la malheureuse guerre d’Espagne, les oléiculteurs tunisiens auraient déjà eu quelque mal à écouler leur production et cherché le salut dans l’utilisation pour le graissage des automobiles ; heureusement pour le consommateur que l’huile d’olive convient assez mal à cette utilisation.

L’arachide se développe au Sénégal, au Soudan, au Niger. Si on la cultivait à la charrue attelée en remplacement de la houe, nous satisferions l’an prochain à tous nos besoins : nous en sommes déjà très près.

Nous produisons suffisamment d’huile de palme et de palmistes. À une commission réunie l’an dernier « pour réduire le déficit de la balance commerciale », les producteurs français de matières grasses ont demandé la limitation des importations au niveau actuel, alors que ces huiles peuvent se substituer dans une large mesure au coprah que nous importons en partie de l’étranger. On se demande ce qu’aurait fait une commission réunie pour « accroître le déficit, etc. » .

Nous pouvons aussi développer les plantations de cocotier en Océanie, dans le Sud-Indochinois, et bien d’autres régions. Le lin, que nous importons d’Argentine, peut nous être fourni par le Maroc, Madagascar et l’Indochine, qui peuvent aussi produire le ricin ; quoique l’utilisation de cette huile pour le graissage des moteurs d’avions soit sans doute appelée à diminuer.

Nous importons chaque année un milliard d’oléagineux ; en quelques années, nous pourrions arriver à nous suffire pour presque tous ces produits.

En 1931, nous produisions dans nos colonies 6 % des bananes importées. Depuis 1937, nous ne mangeons plus que des bananes françaises ; mais notre consommation est tombée de 225.000 tonnes en 1932 à 180.000 tonnes. L’octroi, impôt de consommation, ainsi appelé parce qu’il est dirigé contre la consommation, grève lourdement (0,75 par kilo régime entier) ce fruit qui devrait être essentiellement démocratique. En outre, par décret du 31 décembre 1938 :

« Il ne pourra être alloué des prêts ou subventions aux organismes coopératifs de production et de vente... répartis entre les producteurs au prorata des quantités de bananes qui n’auront pas été expédiées sur le marché de la Métropole. (Bulletin quotidien du ministère des Colonies, Actes du pouvoir central.)

Ainsi, on évitera l’abondance sur le marché français de ce fruit dont les possibilités de production dans nos colonies sont très grandes, mais dont le plafond de consommation en France n’est pas atteint, et dépasse même de beaucoup le chiffre de 1932. Avec une organisation rationnelle de la production, des transports et de la répartition, on devrait vendre une belle banane 0,25 au détail.

Pour le caoutchouc, on vient de célébrer, cette année, la réalisation par l’Indochine de l’approvisionnement total de la Métropole. Dès l’an prochain, elle exportera sur le marché mondial. Aussi, « un décret reconduit, jusqu’au 31 décembre 1943, l’application à l’Indochine du régime de restriction édicté par la Convention Internationale pour la réglementation et l’exportation du caoutchouc, signée à Londres le 7 mai 1934... » (Bulletin quotidien du ministère des Colonies, 20 janvier 1939.)

Sans commentaires...

Nous produisons, en Côte d’Ivoire et an Cameroun, prés du double de la consommation française de cacao. Le marché du cacao est, lui aussi, terriblement encombré, en pleine abondance. Que d’ennuis allons-nous encore avoir de ce côté !

Nous produisons suffisamment de manioc et de tapioca.

Pour la vanille, le poivre et nombre d’épices, nous dépassons largement la consommation française.

Les colonies ne nous fournissent que 16 % de notre consommation de sucre, car on les a limitées à ce taux, mais les possibilités de production sont plus élevées. On n’a, pas plus qu’en France, le droit d’y établir de nouvelles sucreries, donc d’étendre la culture dans des zones qui pourtant conviennent, comme les périmètres irrigués par les grands barrages-réservoirs d’Algérie. On a ainsi créé en faveur des producteurs actuels des sortes de charges héréditaires leur réservant le monopole de la production. Il était pourtant rationnel que les cultures se déplacent progressivement vers les régions les mieux situées, comme les primeurs qui ont émigré vers la Provence, le Roussillon, l’Algérie, puis la région de Casablanca au Maroc, et même le Souss, sur a côte au sud d’Agadir. On contingente étroitement les importations de primeurs marocaines pour ne pas concurrencer les légumes français, même quand ceux-ci ont été en grande partie détruits par les gelées de la Noël dernière.

La proportion des agrumes - oranges, mandarines, citrons, grape-fruit - en provenance de nos colonies augmente rapidement 23 % en 1936, 37 % en 1937. On plante fiévreusement au Maroc et en Algérie, et bientôt, on arrivera à satisfaire la consommation actuelle. Celle-ci a passé, en pleine crise, de 150.000 tonnes en 1931 à 300.000 en 1936.

Déjà, à la Conférence « Impériale » de 1934-1935, on se préoccupait de contingenter les plantations sur la base de la consommation de 1931-1932 : et elle a doublé depuis. On vient d’instituer au ministère de l’Agriculture un Comité national des Agrumes, dont l’objet principal sera la limitation des plantations. Or, l’Angleterre, avec la même population, en consomme le double, 600.000 tonnes. Nous pourrions aisément arriver à en manger au moins autant que les Anglais. Les recommandations des hygiénistes modernes insistent sur la nécessité d’accroître la consommation des fruits et des légumes.

Il faut organiser notre production coloniale en partant de la nécessité d’améliorer le niveau de vie et particulièrement l’alimentation des populations coloniales les plus défavorisées d’abord. puis des populations métropolitaines. Il nous faut pour cela pratiquer une véritable politique de l’alimentation, de la consommation. À ce moment seulement, nous pourrons réellement prétendre avoir rempli dans nos colonies notre mission civilisatrice.

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Abondance de richesses

24 février 1939

Abondance de chaussures

La production totale des bottines, souliers et pantoufles aux Etats-Unis a atteint, pour les onze premiers, mois de 1938, le chiffre de 358.348.931 paires, soit près de 400 millions pour une année.

Reste à savoir si les 12 millions de chômeurs ont tous chaussure à leur pied.

L’abondance de charbon

Jadis l’Angleterre expédiait son charbon dans le monde entier. Actuellement, elle subit la concurrence des charbons australiens, sud-africains, indiens, chinois, japonais et indochinois. Ces charbons viennent concurrencer jusqu’en Europe les charbons anglais, allemands et belges.

Avant-guerre, le trafic charbonnier à travers le canal de Suez se montait en moyenne à 1.100.000 tonnes. Il est tombé à 473.000 tonnes en 1937 et à beaucoup moins en 1938.

Nous avons trop de lard

Aussi nous efforçons-nous d’en faire profiter nos voisins en leur consentant des réductions appréciables. A partir du 14 février, il sera, en effet, alloué aux exportateurs de lards et poitrines salés de porc une allocation forfaitaire fixée à 1 franc par kilogramme de ces produits. Un même exportateur peut exporter ainsi 10.000 kilos tous les dix jours.

Comme les choux s’accommodent fort bien avec le lard..., à quand la prime pour l’exportation des choux ?

La récolte de blé en 1938

Nous sommes définitivement fixés sur les chiffres de la récolte de blé de la campagne 1938. Les déclarations rectifiées de récolte ont élevé ce chiffre à 97 millions 1/2 de quintaux.

Destruction de pommes

M. Geistdoerfer est un député breton qui s’était plaint que 150.000 tonnes de pommes aient été perdues en Bretagne l’année dernière. Nous avions écrit que ce député n’avait jamais entendu parler de l’Abondance car il vote toutes les mesures de restriction de production qui sont proposées pour assainir les marchés.

Notre journal lui étant tombé sous les yeux lui a paru incompréhensible !

Il nous invite à tremper plusieurs fois notre porte-plume dans l’encrier avant d’écrire.

Car ce sympathique représentant du peuple en est resté à la plume d’oie. Il ne connaît pas plus le stylo que l’Abondance.

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Notre candidat à la Papauté

24 février 1939

Nous serions reconnaissants à MM. les membres du sacré collège de bien vouloir porter leurs suffrages sur le cardinal Pacelli. A notre connaissance, c’est le seul qui ait eu le courage jusqu’ici de poser nettement le problème économique que le monde moderne doit résoudre au plus vite.

Plaçons encore une fois sous les yeux du lecteur les belles paroles que le cardinal Pacelli a prononcées le 13 juillet 1937 du haut de la chaire de Notre-Dame de Paris

« Une organisation économique gigantesque a étonné le monde par le fantastique accroissement de la production, et des foules immenses meurent de misère en face de ces producteurs qui tsouffrent souvent d’une détresse non moins grande, faute de la possibilité d’écouler l’excès monstrueux de leur production.

« Une savante organisation technique a semblé rendre l’homme définitivement maître des forces de la nature et, dans l’orgueil de sa vie, devant les plus sacrées lois de la nature, l’homme meurt de la fatigue et de la peur de vivre. Et lui, qui donne à des machines presque l’apparence de la vie, il a peur de transmettre à d’autres sa propre vie, si bien que l’ampleur toujours croissante des cimetères menace d’envahir de tombes tout le sol laissé libre par l’absence de berceaux. »

Nous votons pour le cardinal Pacelli !

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Destruction de richesses

24 février 1939

La guerre à la céréale noble

22 pays se sont réunis à Londres, le 13 janvier, afin d’entrer en guerre contre la production de blé jugée par eux excessive. Les représentants de ces pays se sont séparés, sans aboutir, mais en jurant de se réunir plus tard, et de ne pas se séparer cette fois-là sans avoir tordu le cou à cette hideuse apparition : l’Abondance de blé.

Les restrictions apportées à la culture du coton aux Etats-Unis

Le ministre de l’Agriculture des États-Unis vient de fixer la surface à cultiver en coton.

Elle s’élèvera à 26,4 millions d’acres contre 34,4 millions en 1937. Le Sud participera sur ce chiffre pour 23,3 miLlions d’acres.

475.000 acres précédemment cultivés en coton vont être réservés à d’autres cultures.

En Argentine on jette le vin à la rivière !

Par ordre de la commission des prix rattachée au ministère de l’Economie de la République Argentine, on a jeté à la rivière près de Mendoza 70 millions de litres de vin et près de San-Juan 22 millions de litres.

(Les Echos.)

Avis aux clochards !

Restriction de la culture du thé aux Indes

En application de la convention internationale de restriction de la culture du thé, l’lndian control Act 1938 vient d’être établi, qui interdit toute exportation de thé sans licence et qui fixe la quote-part de chacune des différentes plantations. Il est de plus interdit d’établir de nouvelles plantations ou d’étendre des plantations existantes.

On espère ainsi protéger les prix sur le marché intérieur, prix qui sont de beaucoup inférieurs à ceux pratiqués sur Ies marchés internationaux.

Les démolitions d’usines dans le Nord

On démolit actuellement, à Amiens, l’usine du Petit-Saint-jean. A Courrières, la brasserie Rigoullet-Breton.

Fermeture d’une verrerie

La manufacture de glaces d’Aniche, qui occupait 800 ouvriers, vient de se trouver dans l’obligation de licencier son personnel. En l’avisant de cette mesure, elle ajouta qu’elle ne pouvait fixer la date de réouverture qui reste subordonnée à l’écoulement des stocks.

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Notre activité

Vie des sections

24 février 1939

PARIS

3, 10e ET 11e SECTIONS. - Permanence tous les jeudis, 20 h. 30. Café Terminus, place de la République.

5e ET 13e SECTIONS. - Mardi 28 février, au Café de la Mairie, place d’Italie (angle avenue des Gobelins), grande réunion de propagande, avec Jean Maillot.

Adhérents, abonnés et lecteurs, amenez-nous vos amis.

5e, 6e, ET 7e SECTIONS. - Prière aux adhérents de régler sans retard leur cotisation de 1939 pour alléger le travail du trésorier.

Merci !

14e SECTION. - Des réunions ont lieu le 3e jeudi du mois, à 20 h. 30, Café Le Commerce. 49, avenue d’Orléans.

17e SECTION. - Permanence tous les vendredis, de 19 à 20 heures, 47, rue de Miromesnil.

Les camarades n’ayant pas encore versé leurs cotisations 1939 sont priés de se mettre en règle dans le plus bref délai, afin de faciliter le travail du trésorier de la section.

UN GROUPE DE « L’ABONDANCE » A L’ECOLE NORMALE SUPERIEURE.

Sur l’initiative de notre camarade Albert Chabanon, un groupe de « L’Abondance » vient de se constituer rue d’Ulm.

Sa première réunion aura lieu le lundi soir, 27 février, au Centre de Documentation sociale de l’école ; à cette réunion prendront la parole : notre président, J. Duboin ; le professeur Langevin et notre secrétaire général, J. Maillot.

Voilà un excellent début de propagande qui doit connaître le succès.

BANLIEUE

INTERSECTION BANLIEUE-OUEST. - Réunion tous les vendredis, à 20 h. 30, Palais de la Danse, 3, boulevard Voltaire, à Asnières.

ARGENTEUIL. - Permanence tous les dimanches, à 10 h. 30, Café de la Gare. Réunion le 1er vendredi du mois, à 20 h. 30, Café de la Gare.

BESSANCOURT. - Permanence au Café Rolland, Grande-Rue de Paris.

CLICHY. - Permanence le 1er lundi et le 3e mardi du mois, à 20 h. 30, 115, rue Henri Barbusse.

GARCHES-SAINT-CLOUD. - Permanence au Café de la Porte Jaune, rue Pasteur, à Saint-Cloud.

LA COURNEUVE-QUATRE-ROUTES. - Permanence tous les mercredis, 17 h.30, Café de la Renaissance, 107, route de Flandre.

ERMONT - EAUBONNE. - Ordre du jour. - La section Ermont-Eaubonne du D. T. A., en réunion mensuelle à Eaubonne, le jeudi 16 février 1939, au courant de la proposition déjà faite au siège par le camarade Delanoy consistant en l’envoi de conférenciers en province, estimant que la propagande quotidienne et intensive effectuée de cette façon serait d’un rapport certain pour notre mouvement, et assurerait un nouvel essor à la diffusion de notre organe,

Demande instamment que ce projet soit porté la connaissance de tous les membres par la voie du journal « L’Abondance », et qu’il leur soit fait appel pour concourir à sa réalisation

Considère d’ailleurs que la participation personnelle qui pourrait leur être demandée serait infime et compatible avec les ressources actuelles de chacun.

MASSY. - Permanence le 1er dimanche du mois, à 15 heures, au Café des Deux-Gares, 1, rue Jeanne-d’Arc.

PETIT-CLAMART. - Nous rappelons aux camarades n’ayant pas encore versé leur cotisation 1939, que le montant de l’adhésion au D. T. A. est fixé à 30 fr. en raison des hausses qui ont sévi durant l’année écoulée. La section continue de recevoir des adhésions par versements échelonnés sur 4 mois, à raison de 7 francs 50 par mois.

Nous avons décidé également, à titre d’essai, de créer un abonnement de propagande au compte de la section au prix de 3 francs pour 6 numéros. Afin de permettre la diffusion de nos idées chez des personnes qui hésitent à payer notre journal 1 franc.

Nous vous demandons donc de nous envoyer vos amis qui seraient susceptibles de s’abonner S l’essai et, par la suite. de continuer lire notre journal.

La propagande individuelle étant la meilleure en raison des événements actuels, nous devons la développer le plus possible.

Nous vous demandons aussi de continuer à nous aider dans la mesure de vos moyens en renouvelant votre adhésion et vos versements volontaires facultatifs.

Avec nos remerciements, recevez, cher camarade, nos cordiales salutations. Le secrétaire-trésorier : Marcel Prevelle, 347, rue des Prés.

RADIO-FRANCE, - Radio-France devient : Section des Radios-Volontaires de l’Abondance - R. V. A. - Animateur : Poncin, 82, route de la Garenne, Petit-Clamart (Seine).

La Section R. V. A. distribue périodiquement un bulletin : « Le Trait d’Union des Radios-Volontaires de l’Abondance », à toutes les personnes qui participent aux frais de ce tirage, appartenant ou non à la Section.

VILLEMOMBLE. - Mercredi 29 mars, au Casino, avenue Detouche, à 21 heures précises, soirée cinématographique et conférence : film : « Records 37 », merveille de science et de poésie ; conférence : « Les vraies richesses ». Orateurs : René Dumont, maître de conférence à l’Institut agronomique ; Jean Decroix, vice-président du D. A. T. Place réservée : 3 fr. Pour la facilité du contrôle, prière de se présenter à 20 h. 45 à l’entrée de la salle.

VIROFLAY. - Réunion le 2e mercredi du mois, à 20 h. 30, Salle Municipale, 85, avenue Gaston-Boissier. Renseignements à P. M. Niclot, 3, square Vauban.

CITROEN-GRENELLE. - Permanence les 1er et 3e mardis du mois, à 17 heures, Bal de la Marine, 1, place Fernand-Forest.

ClTROEN-JAVEL. - Permanence les 1er et 3e vendredis du mois, à 17 heures, Chope Terminus, 1, place Balard.

SECTION FARMAN - RENAULT. - Compte rendu de la réunion de propagande du 16 janvier 1939. - A la Brasserie « Unic », 100, boulevard Edouard-Vaillant, à Billancourt, notre camarade Jean Maillot, ayant rappelé brièvement les causes purement économiques de la grande détresse nationale et internationale actuelle, développa longuement, devant une assemblée attentive, le merveilleux avenir qui s’offre à nous et indiqua plus spécialement les moyens de transition à employer d’urgence pour aboutir, sans cataclysme, au régime de l’Abondance.

Très applaudi, notre camarade Jean Maillot sut convaincre son auditoire.

FERODO. - Permanence tous les mercredis suivant le 1er et le 15 du mois, à 17 h. 30, Au bon coin, 81, rue de la Chapelle à Saint-Ouen.

TEPRINA. - Permanence et bibliothèque tous les vendredis, à 18 h., Bar des Fleurs, 14, rue Delambre.

QUATRIEME REPUBLIQUE. - Nos camarades se sont rendu compte que le programme de la 4e République, qu’expose Raymond Martin dans certaines réunions, n’a aucun rapport avec les réformes de structure réclamées par le D. A. T. Nous tenons cependant à le préciser pour certains auditeurs étrangers qui paraissent heureux d’établir une confusion.

PROVINCE

CAVAILLON. - La permanence et la bibliothèque fonctionnent tous les mardis, de 18 h. 30 à 20 heures, Café et Nouvel Hôtel de la Care. Tout don de livres traitant de questions économiques et sociales est accueilli avec plaisir.

LA CIOTAT. - Il a été décidé qu’une permanence serait tenue au siège, 5, boulevard Jean-Jaurès, au 1er étage, à droite.

Tous les mardis, de 18 h. 30 à 20 heures.

Les 1er et 3e mercredis de chaque mois, de 20 h. 30 à 22 heures.

MARSEILLE. - Assemblée générale du 8 janvier 1939. - Après avoir évoqué la disparition de nos amis Meyer, Prévost, Formiat, survenue au cours de l’année, le sécrétaire donne le compte rendu de la dernière assemblée générale et expose le compte rendu moral de l’année écoulée ; parmi les faits saillants soulignés, rappelons l’étude sur les groupements français, de Reybaud. Il est rappelé qu’au cours du Congrès de Paris fut signalée la position financière défavorable du journal. Voirrier expose ensuite l’activité manifestée sous toutes ses formes par la section conférences, articles de camarades parus dans les revues et journaux régionaux, affiches, le succès remporté par la conférence Maillot au « Comœdia ». etc. Rimli fait ensuite l’exposé de la situation de la trésorerie de la section, qui s’avère nettement favorable ; il est regretté cependant que les ressources limitées dont nous disposons ne nous permettent pas d’avoir un local ; toutefois, il est rappelé que la question n’est nullement abandonnée et que nous sommes toujours à l’affût d’une occasion intéressante.

Quitus de gestion est voté à l’unanimité au bureau sortant.

Il est ensuite procédé à la formation du nouveau bureau, qui est ainsi constitué :

Président : Voirrier ; vice-president Reybaud ;

Trésorier : Rimli ; trésoriers adjoints : Suspuy, Perrier ;

Secrétaire : Patey ; secrétaire adjoint : Bassière ;

Responsables au journal : Mlle Bloch, Manetti.

Responsables aux livres : Revert, Trabuc.

Conférence. - Le dimanche 12 mars 1939, à 9 heures du matin, au cinéma « Rialto », rue Saint-Ferréol, grande conférence par Jacques Duboin, qui traitera de l’économie de l’Abondance.

Notre camarade Elysée Reybaud, ingénieur, prendra la parole.

MARSEILLE. - Permanence tous les lundis, de 18 à 20 heures, Palais de la Chope, 18, boulevard Garibaldi. Tous les livres du D.A.T. sont en vente au siège.

NANCY. - Permanence le 2e samedi du mois, à 18 h. 30, Brasserie des Dom, 46, rue des Dominicains,

ROCHEFORT-SUR-MER. - Pour tous renseignements, s’adresser 101, rue du 14 Juillet.

SECTION LYONNAISE. - Le Bureau a décidé qu’une réunion mensuelle aurait lieu tous les deuxièmes vendredis du mois. Lieu et heure annoncés par la voix de la presse lyonnaise. Nous insistons auprès des abonnés pour obtenir leur adhésion à la section, la difference n’étant que de cinq francs, ce qui nous permettrait d’intensifier notre propagande ; les événements actuels prouvant que nous avons raison.

Notre devoir nous commande un effort impérieux pour hâter l’ère de l’Abondance.

Renseignements et adhésions : Cafe Tony, 26, quai de Retz, à Lyon.

A NOS ADHERENTS ET SYMPATHISANTS DU SUD-EST. - Une série de causeries sur le sujet : « La paix ne peut s’édifier que dans l’abondance » est en préparation, notamment à Orange. Aix. Arles, etc.

Nous prions tous nos amis ou lecteurs isolés qui voudraient apporter leur appui pour l’organisation d’une causerie, soit dans ces villes, soit dans toute autre localité du Sud-Est, de se mettre directement en rapport avec M. M. Gamet, boulevard Jean-Jaurès, 5, à La Ciotat (telephone : 157), afin de prendre toutes dispositions utiles.

TROYES. - Compte rendu de la conférence organisée par « Le droit au travail », à Troyes, le 11 février 1939. - C’est devant une assistance nombreuse, et l’on peut dire réellement intéressée par les questions économiques (car deux réunions politiques avaient d’autre part attiré une partie de notre auditoire habituel) que notre camarade Jean Maillot a fait un exposé, sur le thème suivant : « Les revendications coloniales des pays totalitaires en face du problème de l’Abondance. »

Pour présenter ce problème, il a d’abord exposé d’une façon générale, mais concise, les problèmes de la situation économique ou autrement dit, ce qu’on appelle la crise ; puis passant aux revendications coloniales, il démontra clairement que même si satisfaction leur était donnée, les problèmes économiques ne s’en trouveraient nullement résolus et que de nouvelles revendications d’un autre ordre se trouveraient à nouveau présentées par ces mêmes pays, la solution du problème ne résidant que dans un changement complet de régime.

Continuant son exposé, Maillot en arriva à expliquer ce qu’il entend par régime d’économie distributive, expliquant comment une monnaie gagée sur la production permettrait enfin à chacun de vivre dans un régime d’abondance.

Devant son auditoire extrêmement attentif, il expliqua comment il entendait passer d’un régime dans un autre, en commençant par l’organisation de la retraite des Vieux, la création d’un office centralisateur des renseignements de la production et le mécanisme de la distribution. Il dit comment il concevait le service social et comment l’esprit de celui-ci différerait de l’esprit fonctionnariste du régime libéral.

Passant ensuite au contrôle des changes et à la nationalisation des moyens de production, il exposa qu’il ne s’agissait pas de changer les gérants, mais de réformes de structure profondes.

Son exposé terminé, la parole fut donnée à la contradiction. Seules des précisions furent demandées à notre camarade, lequel y répondit avec clarté.

Les thèmes des questions furent les thèmes habituels : menace des pays totalitaires et défense nationale, comparaison avec le régime socialiste de l’U.R.S.S. ; position de notre groupement en face des partis politiques, et on eut même le plaisir de voir Jean Maillot nommé provisoirement président du Conseil.

A tous, il sut démontrer que les questions posées trouvaient automatiquement leurs solutions dans le régime d’économie d’Abondance et la réunion prit fin devant un auditoire enchanté d’une telle conférence et heureux d’être documenté sur notre programme.

La section a enregistré quelques nouvelles adhésions et ce que nous pouvons regretter, c’est que de telles conférences ne soient pas faites dans chaque ville de France.

Incontestablement, si un effort pouvait être envisagé dans ce sens, nos idées iraient beaucoup plus vite et la solution serait bien plus proche.

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