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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 67 - 24 janvier 1939

 

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N° 67 - 24 janvier 1939

Au fil des jours   (Afficher article seul)

Les temps sont proches   (Afficher article seul)

Quelques nouveaux économistes distingués   (Afficher article seul)

Notre but   (Afficher article seul)

Pour hâter l’ère de l’abondance   (Afficher article seul)

L’empire colonial   (Afficher article seul)

Les Européens vus hors d’Europe   (Afficher article seul)

Progrès technique   (Afficher article seul)

Destruction de richesses   (Afficher article seul)

La retraite des vieux travailleurs   (Afficher article seul)

Abondance de richesse   (Afficher article seul)

Communiqués du Centre   (Afficher article seul)

Points de vue et manière de voir   (Afficher article seul)

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Au fil des jours

14 mai 2006

Rentrée du Sénat M. Damecour préside et déverse sur ses auditeurs tous les lieux communs : retour à là confiance, retour de l’or, redressenient définitif, hausse de la Bourse, etc., etc. Pas un traître mot sur la misère qui grandit et encore moins sur la détresse des vieux travailleurs. M. Damecour a 92 ans, et pour lui la retraite des vieux, c’est le Sénat. Il a été copieusement applaudi.

***

Rentrée de la Chambre M. Edouard Herriot a fait un beau discours. Toute l’habileté de ce tribun consistant à placer un adjectif inattendu à côté d’un mot usuel, il a, cette fois-ci, proclamé la nécessité d’une production héroïque !

Que diable cela peut-il bien vouloir signifier ? Est-ce une allusion la production de guerre ? Mais on lui consacre déjà, chaque année, une somme égale à huit fois le budget de la France d’avant-guerre. Si cette production n’est pas encore assez héroïque, nous ne -comprenons plus. S’agit-il de la production du blé ? M. Edouard Herriot a la chance de présider sans écouter ce qu’on dit à la tribune, car il paraît ignorer que la Chambre ne vote que des lois pour raréfier les denrées : loi du 24/12/34 pour la dénaturation du blé ; loi du 16/4/35 ordonnant le massacre des bovins excédentaires ; loi du 23/3/36 restreignant la fabrication des chaussures et bien d’autres limitant la culture des betteraves, des agrumes, des tomates, etc..., etc... M. Edouard Herriot ignore le décret-loi du 30/3/35 ordonnant l’arrachage de vignes, celui du 30/10/35 limitant la mouture de la farine ; celui du 30110/35 limitant l’industrie de la soie celui du 21/11/35 et celui du 24/5/38 limitant la pêche maritime et obligeant les pécheurs à user de filets aux mailles assez espacées pour que le poisson puisse s’évader tout seul ; celui du 31/11/38 contingentant les récoltes de chicorée celui du 9/3/38 sur le rhum ; celui du 17/6/38 organisant -la distillation du blé aux frais des autômobilistes ; celui du 17/6/38 limitant la mouture de la semoule ; celui du 23/12/37 et du 17/5/38 transformant en alcool le vin excédentaire ; tous les décrets interdisant l’entrée des produits agricoles étrangers, etc...

Tant que M. Edouard Herriot n’aura pas dénoncé ces folies, nous hausserons les épaules quand il nous parlera de production héroïque.

En revanche, il a salué l’auguste vieillard du Vatican. Le temps, n’est plus où M. Edouard Herriot faisait tenir tout son programme politique dans la suppression (le l’ambassade auprès du Vatican. Ou M. Edouard Herriot manque de suite dans les idées, ou il pense un peu beaucoup à l’élection présidentielle de mai prochain.

Pas un mot dans ce discours des privations des vieux travailleurs. Elles sont cependant héroïques !

***

Savez-vous ce que M. Chamberlain est allé faire à Rome ? Savez-vous ce qu’il a dit à Paris ? Savez-vous ce qu’il a décidé -avec Mussolini ? Non ? Alors tant que les peuples laisseront quelques hommes décider de leur avenir, ils ne devront pas être surpris si on les jette les uns contre les autres.

***

La Société des Nations vient de faire connaître le montant des deponses annuelles d’armement dans le monde : 604 milliards de francs. Ce chiffre mesure le degré de la folie dont sont atteints les dirigeants du monde entier, comme aussi l’importance de la chute subie par le régime capitaliste en douze mois.

***

Au nom de la non-intervention, les Italiens prétendent remporter victoires sur victoires en Espagne. Et si nous secourions leurs malheureuses et innocentes victimes, Mussolini a déclaré qu’il mettrait tin à la nonintervention. Les paroles n’avaient plus de valeur, voilà que les mots n’en ont plus non plus.

***

Les correspondants de guerre accrédités chez Franco, par notre grande presse indépendante, nous en donnent pour notre argent. Des rouges, par centaines de milliers, sont régulièrement écrabouillés. A la veille de chaque assaut victorieux, on nous dépeint le recueillement touchant des guerriers qui vont entendre la messe. Ils prient Celui qui a dit : tu ne tueras pas !

***

Qui donc nous expliquera ce que les armées italiennes cherchent en Espagne ? Transformer les rouges en chair à pâté ? Mais il existe des rouges beaucoup plus authentiques dans d’autres parties du monde. Pourquoi donner la préférence ( ?) à nos voisins ?

***

L’opinion courante en France est que l’Angleterre est le dernier bastion de l’ordre capitaliste. C’est la raison pour laquelle nous nous abritons sous son aile. La secousse que vient de subir la livre devrait ébranler cette confiance. Que diraient nos conservateurs si l’Angleterre donnait le signal des réformes de structure ?

***

Surveillez aussi ce qui se passe en Allemagne. L’annexion des territoires autrichiens, bohémiens et autres ne remet pas debout l’économie de la « rareté ». Cest comme si Paris annexait la Seine-et-Oise : Les Parisiens n’en, seraient pas plus riches pour cela

***

Pour le moment, l’Allemagne troque de l’outillage contre les matières premières qui lui manquent. En voyez-vous les conséquences ? C’est que les pays neufs s’équipent aujourd’hui dans des conditions inespérées de rapidité et de bon marché. L’abondance envahit rapidement toute la planète.

***

Le Dr Schacht ne dirige plus l’économie du Reich. C’est signe que le libéralisme est bien malade et qu’on va faire un pas vers les réformes de structure.

***

Un journal du matin se réjouit, en premiere page, du compromettant de ces temps derniers qui, en compromettant la récolte du blé, va permettre d’assainir le marché (sic). Il ajoute que, peut-être, le prix du pain pourra baisser. De sorte que si le gel avait duré et qu’il n’y ait pas eu de récolte du tout, le pain aurait été pour rien. N’est-il pas vrai ?

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Les temps sont proches

par J. DUBOIN
24 janvier 1939

Oui, le moment des grands bouleversements arrive à grands pas dans le monde. La Société des Nations vient de révéler que les armements atteignent 604 milliards par an pour tous les pays. Il y a quelques mois à peine, nous parlions d’un milliard par jour que nous trouvions déjà fantastique. Voyez à quelle cadence le mouvement s’accélère !

*

Rien n’est plus curieux que la mine de nos adversaires ! « Quelle horreur, disent-ils, alors que tous ces milliards pourraient être si utilement employés à améliorer le bien-être des hommes ! » Or, à qui la faute ? répondons-nous.

Depuis 10 ans, l’équilibre est définitivement rompu entre l’offre des marchandises et la demande solvable. La preuve en est qu’on réduit la production par- tous les moyens légaux et illégaux ; aussi bien chez nous que dans tous les pays modernement équipés.

Au lieu d’accepter le fait, et réaliser les réformes de structure qui s’imposent pour que tout le monde vive dans le bien-être, on s’entête à conserver le beau régime capitaliste, alors qu’il ne peut subsister momentanément qu’en fabriquant des armements à outrance.

Car je vous supplie d’écouter ceci : en régime capitaliste la production étant la source de tous les revenus, et cette source n’étant plus assez abondante pour acheter les produits offerts, quel est le problème à résoudre ? Il consiste à trouver une production nouvelle, créant, elle aussi, des revenus, mais dont les produits n’iront pas augmenter le stock de ceux qui sont déjà offerts.

Vous aurez beau chercher, vous ne trouverez plus que les armements pour répondre à cette double condition créer des salaires et des profits à ceux qui les fabriquent, sans augmenter les stocks des produits agricoles et des articles manufacturés.

C’est la raison pour laquelle, l’Allemagne, industrialisée à outrance, fut la première à armer. Tous les gouvernements ne tardèrent pas à suivre son exemple, chacun racontant à ses nationaux que des armements massifs étaient nécessaires pour se protéger contre les armements du voisin.

De fil en aiguille, les armements ont atteint le chiffre astronomique de 604 milliards par an. Et voilà le président Roosevelt qui se met, lui aussi, à faire fabriquer des canons, des mitrailleuses, des forteresses, des chars, des gaz, des sous-marins et des cuirassés.

Pour l’instant, ces fabrications de guerre pulvérisent des milliards en une pluie de revenus qui viennent grossir le fleuve des revenus sortant de la production et dont tes eaux sont -de plus en plus basses. Si les armements devaient être vendus au public, il y a longtemps qu’on aurait assaini leur marché, comme celui du blé, du vin, du sucre, des betteraves, du poisson, des chaussures, de la farine, des agrumes, des tomates, etc...

*

Mais, malgré cet appoint exceptionnel, le revenu national continue à baisser dans tous les pays modernement équipés. En France, sa chute fut de 50 % en 6 ans, disait récemment le président du Conseil. C’est exact, si on la mesure avec le même étalon monétaire, car le nôtre a changé trois fois pendant ce même laps de temps !

*

Alors de deux choses l’une : ou l’on arrêtera les armements : c’est alors quarante millions de nouveaux chômeurs, une baisse catastrophique du revenu national, la mort sans phrases de notre régime économique et social - ou l’on continue cette course effrénée dans ce cas crédits budgets et monnaies sauteront partout dans un gigantesque feu d’àrtifice, saluant l’effondrement brutal du régime- économique et social actuel.

Donc, dans les deux cas le résultat est le même.

J’écarte volontairement l’hypothèse où les hommes seraient assez fous pour vouloir utiliser ces armements gigantesques et détruire tout ce qui existe.

Concluez ! En Allemagne, le Dr Schacht abandonne la partie. C’est signe que le régime capitaliste - dans ce pays - vient de perdre son dernier bastion.

Le Dr Schacht, par le troc, s’était procuré des matières premières en fournissant du matériel de guerre aux peuples qui n’en étaient pas encore saturés. Mais le point de saturation est atteint.

*

Malgré tout, les hommes d’Etat au pouvoir dans tous les pays, ferment volontairement ou involontairement les yeux et les oreilles. Comme des somnambules, ils répètent : Travaillez ! Travaillez ! Ne comprendront-ils donc jamais qu’il est impossible de travailler d’une manière productive dans le régime actuel, et que, le seul travail possible, c’est de préparer la mort des hommes, des femmes et des enfants ?

Ils ne me croient pas ! Alors qu’ils m’expliquent pourquoi toutes les frontières sont actuellement hermétiquement fermées aux travailleurs, alors qu’elles sont largement ouvertes aux touristes ?

Oui, d’immenses pays, comme le Canada, l’Australie, rie veulent plus recevoir de travailleurs, alors qu’ils pourraient faire vivre une population trente fois supérieure à la leur.

Ailleurs, on jette à la porte des israélites ; et, dans un pays que nous connaissons bien : les ouvriers étrangers.

Où voulez-vous qu’ils aillent puisque personne ne veut les recevoir ?

Et vous supposez que cela peut durer ?

Si le hommes au pouvoir le comprennent : en avant pour les réformes de structure qui permettront enfin de travailler à des choses utiles !

Et, s’ils ne le comprennent pas : qu’ils s’en aillent, car, indignes de conduire les peuples, ils les acculent à la grande inconnue. Comment vont réagir des masses intoxiquées d’une folle propagande de mensonges, de haines et d’inepties ?

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Quelques nouveaux économistes distingués

24 janvier 1939

Quelques nouveaux économistes distingués. Après ces messieurs de l’Institut et de l’Académie française qui, presque tous, nous ont donné le moyen de rétablir le regime capitaliste sur des bases solides, c’est maintenant le tour des militaires.

C’est notre confrère Le Journal qui a la spécialité des économistes militaires II vient d’en lancer trois, coup sur coup.

D’abord le général Azan nous a sorti tous les lieux communs de l’économie libérale sans s’être donné la peine de les comprendre lui-même. Ce fut pénible.

Ensuite, le général Maurin, qui fut quelque temps ministre de la Guerre, on ne sait plus bien dans quel cabinet. Ce personnage trouva le moyen de cumuler sa retraite de général, son traitement de ministre et des émoluments variés comme conseiller technique de grandes maisons d’armement. Ce c..... de Maurin, disait-on de lui dans l’armée. Un vrai débrouillard, sauf en économie politique où ses debuts furent tout simplement piteux. D’ailleurs, son patron semble l’avoir congédié.

Enfin, le général Weygand, de l’Académie française, s’il vous plaît, et administrateur, du Suez, par-dessus le marché. Ayant réglé son propre problème économique d’une manière particulièrement brillante, le voilà qui se mêle de donner des conseils grandiloquents. Il réussit déjà à dire le minimum de choses dans le maximum de mots, genre qui convient particulièrement à un économiste distingué pour vieilles douairières.

N’oublions pas le colonel- sénateur Fabry, qui réclame à cor et à cri 5.000 avions. Il affirme, qu’on les fabriquerait bien vite en temps de guerre. Mais jamais l’idée ne lui viendrait de chercher pourquoi certaines productions sont possibles en temps de guerre, et impossibles dans le régime capitaliste du temps de paix. Il préfère laisser entendre que la guerre a du bon, ce qui, nous le savons, est très loin de sa pensée.

Si nous nous avisions de parler de choses militaires, ces quatre glorieux retraités éclateraient d’indignation. Alors, que vien- esd questions ent-ils faire dans qui n’ont jamais été de leur com- pétence ?

***

Dans un journal du malin, on ne possède pas le général Weygand ancien cavalier, mais on dispose de M. Paul Cavallier qui s’intitule president de la Chambre de commerce de Nancy, pour que lions sachions d’avance ce qu’il Va dire : il se propose de remettre la France debout, ce qui signifie qu’il va essayer de faire ressusciter le passe.

II a pris le problème économique sous la forme didactique, son premier article étant consacré au sujet suivant : Qu’est-ce que la consommation ?

Pour approfondir un pareil mystère, ii nous prouve longuement qu’il a consulté plusieurs dictionnaires et que M. de la Palice n’a plus aucun secret pour lui. Il découvre enfin que nous souffrons de sousconsomm ation.

Bravo, avonsnous pensé, voilà un président de Chambre de commerce qui a des lueurs !

M. Paul Cavallier a cherché les -raisons de la sousconsomm ation, et il en a découvert un grand nombre pour arriver enfin à celle-ci : l’insuffisance du pouvoir d’achat !

Il nous rappelle ce maire de prorince qui, recevant Louis XVIII dans sa commune, s’excusait de ne pas avoir fait tirer le canon en son honneur. Sire, lui disait-il, cette émission fâcheuse a de multiples raisons que je vais vous énumérer. La dixième raison était que la commune ne possédait pas de canon...

- Il fallait commencer par celle-là, remarqua le roi, elle est péremptoire.

L’insuffisance du pouvoir d’achat suffit à expliquer pour quoi les consommateurs n’achètent pas, cher monsieur Paul- Cavallier.

Après ce brillant début, le président de la Chambre de commerce de Nancy retombe dans l’ornière : il faut de la confiance ; il faut aussi que la population augmente, etc...

Tout cela, paraît-il, fera augmenter le pouvoir d’achat !

Son second article nous explique les mystères de la production. C’est un peu à l’usage des enfantsde l’école primaire, car n’importe quel producteur moyen en sait autant que le président de la Chambre de commerce de Nancy.

Notre président, au passage, signale la folie de l’augmentation des salaires. Sur ce point, nous sommes d’accord avec mi, du moins tant qu’on reste en regime capitaliste. Mais, quelques bnes plus loin, il tombe dans la même grossière erreur en écrivant textuellement la solution : courageuse consisterait à augmenter la production, sans loucher aux salaires. Augmenter la production, mais à qui la vendre, si le pouvoir d’achat de la masse n’a pas augmenté ?

Ceci n’arrête pas une seconde notre homme qui conclut, vous l’avez deviné, a l’augmentation de la production pour nous sortir de tous nos ennuis. Travailler et travailler de plus en plus,

Certes, il n’a pas tort, mais il oublie de dire que ce programme n’est possible qu’à condition de sortir du régime capitaliste afin de s’évader du cercle vicieux qu’il a dénoncé lui-même.

Mais notre président n’en souffle pas un traître mot, de sorte que nous lui répliquons ceci en votre qualité de président de la Chambre de commerce de Nancy. vous devez être - nous l’espérons du moins - industriel ou commerçant ; alors, donnez l’exemple vous-même augmentez voire production. Embauchez des chômeurs dont nous avons toute une collection à votre disposition... Comme vous vous en garderez bien, nous vous classerons parmi les sophistes, les menteurs et les imbéciles, car c’est ainsi que le président appelle les gens qui ne sont pas de son avis. Et il tombe sur ce pauvre Renaudel pour avoir dit qu’il faut prendre l’argent là où il est. Nous avions pris cola pour un truisme, mais notre président trouve que c’est criminel, digne d’un voleur ! Nous attendions alors que notre président nous expliquât comment on peut prendre l’argent là où il n’est pas. Mais, pour la première fois de sa vie il resta muet comme une carpe.

Tout compte fait, M. Paul Cavallier n’est qu’un économiste distinué de plus ; assez mal embouche au demeurant, comme vous venez de le constater.

Et si nous lui consacrons ces lignes, c’est à cause du titre dont il fait suivre son nom : il ne faut pas que les braves gens s’y laissent prendre.

***

Dans les Annales de la Société d’Economie Politique n° 8, on peut lire ceci :

« Le professeur Louis Baudin remarque que la théorie du pouvoir d’achat, malgré les critiques justifiées dont elle, est l’objet, est d’une étonnante vitalité. Il constate qu’en dépit des échecs subis par tous les réformateurs, la théorie du pouvoir d’achat est toujours soutenue avec succès, il déplore le fait que l’économiste soit obligé de combattre des erreurs qu’ il croyait avoir détruites et qui renaissent perpétuellement. »

Pauvre professeur ! Il a raison de dire que la théorie du pouvoir d’achat est inapplicable en régime capitaliste. Elle n’a même été imaginée que pour montrer l’impuissance du régime capitaliste. Mais ce n’est pas ce que pense le professeur Louis Baudin. qui ne voit dans cette thèse que l’importance du rôle que joue le consommateur, et il ne veut jamais entendre parler de cette horreur !

Vive l’orthodoxie ! Les consommateurs, on les ignore ! Leur pouvoir d’achat n’intéresse pas les économistes.

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Notre but

24 janvier 1939

L’ABONDANCE (La Grande Relève des Hommes par la Science) est l’organe du Droit au travail dans l’Abondance, association groupant des camarades venus de tous les coins de l’horizon politique.

Ils se sont unis parce qu’ils ont pris conscience que, depuis 1929-1930, le chômage des hommes l’est plus un accident, mais un état définitif provoqué par les progrès inouïs réalisés par toutes les techniques de la production, n est donc vain de vouloir résorber le chômage, qui n’est que la rançon des peuples supérieurement évolués.

Cette rançon les oblige à transformer l’ordre social existant avant qu’il ne s’écroule dans la plus atroce guerre civile ou étrangère.

Mais cette disparition progressive du travail a la plus bienfaisante des contre-parties : c’est que l’Abondance de produits utiles à tous tes hommes a fait son entrée dans le monde. La preuve indéniable que l’Abondance existe n’est-elle pas qu’on s’évertue à la détruire dans le fol espoir de rétablir un ordre de choses irrémédiablement périmé ? Le passé ne ressuscitera Pas pour faire plaisir aux derniers bénéficiaires de la Rareté.

Les camarades du Droit au Travail expliquent à tous les hommes de bonne foi que le mécanisme économique actuel veut que la misère des chômeurs entraîne, par la paralysie croissante des échanges, la ruine de toutes les classes sociales, même de celles qui s’imaginent vivre égoïstement et longtemps dans tin secteur momentanément privilégie.

Notre devise est à chacun sa part do travail, à chacun sa part de loisirs, à chacun sa part, dans les richesses produites grace à un patrimoine qui est la propriété de toutes les générations.

Nous invitons instamment les hommes et femmes de coeur à se joindre d’urgence à nous afin de faire comprendre à tous que la misère actuelle dans l’Abondance n’est qu’un défi au bon sens et que nous sombrerons tous dans la misère, si nous ne réalisons pas les réformes nécessaires pour vivre tous heureux dans l’Abondance.

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Pour hâter l’ère de l’abondance

A NOS CAMARADES !
par J. DUBOIN
24 janvier 1939

Chacun de nos camarades se rendit compte que des événements extérieurs ou intérieurs peuvent rapidement se produire, rendant toute propagande impossible ? Et que les problèmes que noue discutons ici peuvent brusquement se poser dans un pays où trop de gens sont encore à des milliers de lieues de la solution logique et inéluctable ?

Alors, combien de tempe passerons. nous dans l’affreux désordre des esprits et des choses ?

C’est pour cela que notre propagande devrait être intensifiée tant qu’elle est encore possible ; notre journal lu par beaucoup plus de lecteurs ; notre librairie vidée de ses livres et brochures.

Ce qui nous manque, ce n’est pas du dévouement, car notre journal n’a jamais coûté un sou à sa rédaction.

Ce qui nous manque C’EST DE’ L’ARGENT POUR LA PROPAGANDE.

Alors, que ceux qui le peuvent, nous aident par tous leurs moyens. L’heure n’est plus aux apéritifs pour ceux qui ont compris le tragique du moment.

L’heure est de préparer les esprits, le plus vite possible, à la société de l’abondance afin qu’elle s’édifie dans le minimum de temps.

A l’apathie actuelle des gens va succéder la colère aveugle. Montrons à ces égarée que l’âge d’or peut s’ouvrir demain.

Tous au travail du débourrage des crânes !

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L’empire colonial

par R. CHABRIDON
24 janvier 1939

Je lis toujours avec le plus grand pIaisir les articles de M. Fauchère dans l’Agriculture Nouvelle.

Ce qui me vaut aujourd’hui de pouvoir vous parler du coton.

Que notre camarade Dumont m’excuse. Je n’ai pas l’envie et encore moins les possibilités d’empiéter sur son « domaine ».

Les nécessité de la « crise » m’ont conduit à organiser chez moi une sorte de petite autarcie domestique (il faut bien suivre la mode) et qui consiste dans l’installation de lapins, canards, pigeons et autres volailles délectables.

Naturellement je nage en plein « prix de revient », car vous concevez aisément que tout le problème consiste à obtenir le maximum de beaux et succulents sujets, avec le minimum d’argent.

D’où ma lecture chaque samedi de cette petite revue trés intéressante et accessibie aux pires profanes. Témoin mon cas.

Dans le numéro du 14 janvier 19, M. Fauchère soulève le voile de ce qu’il appelle très justement la « complexité du problème colonial ».

J’ai noté bien souvent - dit-il - tous les dangers d’une concurrence excessive qui se développerait entre l’agriculture métropolitaine et celle des colonies.

Le gouvernement s’en préoccupe ; Il y a près d’une année qu’il a chargé le conseil national économique de dresser un programme dont la réalisation devrait atteindre le double but de réduire considérablement le déficit de noire balance commerciale et d’atténuer, en attendant de pouvoir la supprimer complètement, la concurrence que font aux productions agricoles do la métropole certains postes de l’agriculture coloniale.

D’où l’idée au ministre des Colonies d’établir un plan quinquennal pour le développement aux colonies de certaines matières premières et denrées que nous achetons à l’étranger. Et M. Fauchère de remarquer :

Ces questions sont d’ailleurs, en général, beaucoup moins simples qu’on ne le croit dans le grand public.

Nous achetons à l’étranger près de 3OO.OOO tonnes de coton et pour cela nous déboursons, chaque année, entre 2 milliards et 3 milliards de francs.

Le coton ne concurrence, en réalité, aucune production métropolitaine, alors que l’on mette tout en œuvre pour récolter rapidement, dans les colonies, la quantité de coton dont nous avons besoin.

Malheureusement, quand on examine le problème de près, il présente tout de suite des difficultés sérieuses.

D’abord, il y a déjà fort longtemps que nous nous préoccupons de favoriser la culture du coton dans l’empire français.

On en a produit en Algérie, dans le passé. Aujourd’hui, on en récolte en Afrique-Occidentale, en Afrique-Équatoriale, en Indochine, en Syrie, etc., etc...

Au total, une vingtaine de mille tonnes , c’est-à-dire la quinzième partie environ de nos besoins.

En Afrique-0ccidentale, depuis une quinzaine d’années, on a réalisé des

travaux considérables pour irriguer la vallée du Niger et y rendre possible la culture du coton.

Ce qui nous gêne surtout, c’est le bas prix de cette matière première. L’Algérie a produit du coton, et du très beau, il y a dix ou douze ans, parce que les prix s’en datent éle- vés à un niveau qui laissait une marne bénéficiaire raisonnable aux récoltants. Depuis. la baisse des cours du coton a été si profonde que les agriculteurs algériens ont perdu tout intérêt à en cultiver.

Et voilà le drame !

Pourtant, il faut en sortir et M. Fauchère pense que le Centre africain se prèterait mieux à cette culture.

Le naturel du Congo a moins de besoins que le colon algérien, mais il y a les distances et un aménagement qui menace d’être long.

A supposer que l’on réussisse, aurons-nous atteint la Terre promise ?

Ce n’est pas sûr, car notre auteur continue :

Or, une inconnue troublante pèse

sur le marché de cette matière première. C’est le stock considerable que détiennent lei producteurs américains et qu’ils conservent parce que des subventions d’un total d’environ 10 milliards de francs leur sont accordées à cet effet.

Il est question de supprimer ces

subventions et de jeter sur le mar ché mondial tout le coton stocké aux États-Unis ; nous assisterions alors à un effondrement du prix qui compliquerait encore la question à notre point de vue particulier.

Je donne ces précisions pour montrer aux lecteurs de l’Agriculture Nouvelle que les questions posées par la coordination des agricultures métropolitaines et coloniales ne sont pas aussi simples qu’on le suppose.

Ces questions sont aussi insolubles pour le coton que pour le café, l vin, le blé, etc.,

L’Abondance - telle l’épouse du brave Boubouroche - en fait voir de toutes les couleurs à notre bon vieux régime, qui avait tout prévu, sauf cela.

La Nature ayant vraiment abusé de la situation cette année, on va être obligé de se fâcher et déjà l’annonce est faite de la constitution d’un « Comité du blé ».

Attendons la lin de ses travaux et la promulgation du décret supprimant tes tracteurs en Beauce, imposant la culture eu crochet du dixième au maximum de la superficie, la récolte à la faucille, l’égrenage à la main, le transport à dos d’homme, etc., etc...

Heureusement, nous possédons d’énergiques et incorruptibles sénateurs qui ne sa laisseront pas conter fleurette par cette plantureuse fille qu’est l’Abondance.

Cela durera jusqu’au sour où les hommes se décideront à faire cet effort herculéen consistant à comprendre que si autrefois le coton a servi à créer du profit, aujourd’hui il menace de ne plus servir qu’à vétir les individus - ce qui, somme toute, n’est pas une catastrophe aussi terrible qu’on le croit.

Il faudra, bon gré mal gré, substituer à l’ancien système juridique du « Profit » presque disparu un nouveau système juridique du « besoin ».

Mais cela manque de la complexité requise par nos cerveaux broussailleux de 1939.

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Les Européens vus hors d’Europe

par J. RHINI
24 janvier 1939

Rien n’est meilleur que de juger les choses dun peu loin. Un de nos amis, qui vient d’un long voyage dans l’Amérique du Sud, nous adresse les lignes éloquentes qu’on va lire :

Quand j’étais sur l’autre bord de l’Atlantique, j’ai bien observe les Européens. Que petits êtres malfaisants et cruels nous sommes.

Férus de conservatisme social, les Anglais ont fait à l’Allemagne concession sur concession pour empêcher l’instauration outreRhin d’un régime socialiste. Mais les dé Us causes à leur négoce par le dumping sans precedent que constituent les affaires de troc réalisées par ce pays, les obligent à se départir de cette attitude, ils constituent à leur tour une formidable caisse de compensation avec laquelle ils vont tenter de reconquérir les marchés perdus. L’entreprise est rude, car l’Allemagne vient de remettre dans la sienne, qui s’épuisait, les 100 milliards « repris » des Juifs. S’il le faut, on aura recours à une nouvelle dévaluation de la livre. Vous savez que cette monnaie a déjà perdu 7 %, puisque l’or coûte maintenant 150/ l’once.

Leur offensive est épaulée par

les Etats-Unis qui, à la Conférence de Lima, s’efforcent de ramener vers eux les courants commerciaux que la même politique allemande de compensation a détournée à son profit.

Ce n’est pas cela qui ranimera les affaires dans le monde ni diminuera les risques de guerre.

Une partie des Allemands rêvent de l’Ukraine et de ses riches terres à blé. D’autres, plus ambitieux, tournent les yeux vers Bagdad et Delhi. Ni les uns ni les autres ne songent évidemment que, s’ils trouvaient là des avantages commerciaux, ce serait surtout an détriment de l’économie russe ou de l’économie britannique.

En attendant, comme il faut vivre, eu échange de produits agricoles qu’ils reçoivent de la Yougoslavie, de la Turquie, du Brésil, de l’Afrique du Sud et d’autres pays, ils fournissent les machines et les canons dont ces nations ont besoin pour compléter, leur industrialisation et leur armement. C’est dire que ce précieux troc n’aura que courte vie et contribue fort heureusement à l’accroissement de la production mondiale.

L’Italie avait besoin de l’Abyssinie. Elle y trouverait des matières premieres et des débouchés. Aussi clairvoyants que les conservateurs anglais et aussi favorables, au progrès social, nos conservateurs lui en ont fait cadeau. Chacun sait qu’elle nous en est très reconnaissante et que son économie restaurée est florissante.

Il est toutefois à regretter que la City ne veuille pas lui offrir ses coffres, car elle y trouverait des capitaux qui lui permettraient de développer la production de sa nouvelles colonie.

Elle aussi se livre à un dumping désespéré et pour s’en défendre, le Chili, pour ne citer que le dernier cas, vient de fixer 70 % des importations de 1937 le pourcentage des importations permises en 1938.

Bientôt les industriels français qui acclament le président du Conseil parce qu’il a brisé la dernière grève, le loueront moins lorsqu’il les convoquera pour leur imposer un contrôle inquisitorial seul capable de leur permettre de résister à l’expansion commerciale allemande et italienne. Et, s’ils rechignent : « Comment voulez-vous que je puisse vendre des canons au Brésil ? leur dira Schneider. Ce n’est pas Krupp qui vend ses canons aux Brésiliens. C’est le gouvernement allemand. »

Voilà l’Europe !

Ah ! nos dirigeants sont de grands hommes !

Ecoutez-les. « Moi, crie l’un de sa voix courroucée, j’ai relevé mon pays et l’ai bardé d’acier. Nous sommes 80 millions maintenant sur un sol trop exigu et trop pauvre. Encore un effort, et nous dépasserons la population de la Chine. ».

« Moi, hurle l’autre, regardez-moi. J’ai fait mieux que mon partenaire. Pour me mettre en appétit, j’ai mangé l’Abyssinie. Et maintenant qu’en Espagne j’ai un pied, je vais boire la Méditerranée. »

Ailleurs, les chefs ont un talent moins bruyant et moins spectaculaire. Cependant, à tous, la presse, propriété de leurs amis, prépare un bel enterrement et une belle légende.

Mais, si on les place sur le plan humain, le seul qui compte, quelle petitesse, quelle incapacité !

Sont grands des hommes qui, pour ranimer une économie défaillante, l’assoient sur l’armemerit et la maintiennent dans un corset d’acier ? Sont grands des hommes qui se réjouissent d’exercer la forme d’activité la plus ignoble 4e toutes, celle qui consiste à fabriquer des armes ? Sont grands des hommes qui donnent celles-ci à des gamins de 16 ans ?

Allons donc ! Ces reîtres ne sont pas de notre époque, car ils ne rêvent que de déplacer telle ou telle frontière, de prendre telle ou telle colonie.

Sciemment ou inconsciemment aveugles, ils ne se rendent pas compte que le problème n’est pas posé sur le plan politique. Il est posé sur le plan, économique.

Ne pourrait-on, ailleurs qu’à Campos, au Brésil, décupler la production des choses utiles ? Là-bas, en 1936, par une année de sécheresse, en irriguant, on a produit 162 tonnes de canne à sucre par hectare alors qu’a côté, la zone négligée ne rendait que 13 tonnes à l’hectare. Mille exemples d’une telle fécondité pourraient être donnés et leur nombre serait doublé si, au lieu de se contenter de mettre en exploitation à peine plus de la moitié des terres arables de la planète, on voulait approcher du rendement optimum de productivité que celle-ci offre aux humains.

Si les doctes économistes le notre époque en doutent, qu’ils délèguent le moins sot d’entre eu et je le conduirai à l’intérieur du Brésil et du Venezuela, dans la vallée de l’Amazone et de la Magdalena ; puis nous traverserons l’Afrique Centrale, gagnerons Madagasear et l’Australie ; de là passant par Bornéo, visiterons Sumatra. Ce sera ensuite l’Indochine, le Siam, la Birmanie, la vallée du Gange et de l’Indus. Et, remontait vers le Nord, nous rentrerons par la Sibérie, la Chine et le Canada.

Et dans ces pays, par l’irrigation ou le drainage, si c’est nécessaire, les miracles de Campos et des marais Pontins (vous vous souvenez que le rendement de blé à l’hectare y est de 90 hectolitres) se multiplieront.

Des hommes préparés et volontaires pour les travaux nécessaires, qu’on me prouve qu’on ne les trouverait pas dans les trente millions de chômeurs que compterait l’Europe, si nous démobilisions. (Je ne parle. même pas des onze millions de chômeurs américains.)

Et quant à leur préparation, l’Allemagne a pu employer le plus grand nombre de ses 6 millions de chômeurs dans les industries de l’armement après un apprentissage de quelques semaines, car les machines modernes exigent peu de force et peu de connaissances techniques. Elle n’a pas hésité, du reste à en enlever plusieurs millions à leur famille pour les envoyer à l’atelier ou sur le chantier, quelquefois éloigné de cinq cents kilomètres. Ne vient-elle pas de renouveler l’expérience avec les 600.000 chômeurs autrichiens ?

D’autres seraient vite capables d’installer partout eau, gaz, électricité, salle de bain, frigidaire, T. S. F., et d’embellir villes et campagnes.

Des capitaux ? Savez-vous que, nous seuls, Européens, dépensons par jour plus de 1.000 millions de francs pour préparer la mort ? On ne pourrait en trouver le cinquième pour amener à la vie heureuse les populations de ces immenses pays et les nôtres, aujourd’hui encore en partie vouées à la misère et inonder la planète de produits de toutes sortes ?

Des richesses incommensurables résulteraient donc de l’emplol intelligent de ces millions d’hommes retirés des casernes et des arsenaux et de cet argent aujourd’hui si mal dépensé.

Au lieu d’étudier le problème de la distribution de ces richesses, ces mêmes pontifs continuent à enseigner que ce sont là vues de l’esprit, que l’abondance n’a encore qu’un caractère de virtualité.

Ils parlent redistribution de l’or quand tout le métal sera bientôt à New-York ; stabilisation des monnaies, quand tous les budgets sont en déficit. Chimères !

Ils sont hostiles à l’autarcie. Moi, j’en suis partisan. Tant que les besoins réels des hommes ne sont pas satisfaits, il n’y aura jamais trop de champs cultivés ni de cheminées d’usines.

Que faire ? Déterminer les besoins réels des hommes par pays, exciter la production dans la mesure nécessaire non seulement pour les satisfaire, mais pour avoir des éléments de troc avec les autres pays, régler entrées et sorties de produits par le monopole du commerce extérieur, maintenir aux producteurs un pouvoir d’achat suffisant, augmenter celui des consommateurs par la distribution de bons de consommation - je ne parle pas à dessein de papier monnaie, car, évidemment, la monnaie de l’avenir n’aura plus guère de rapports avec ce que nous appelions monnaie -, établir un régime déjà amorcé en Allemagne, mais, au lieu de l’orienter vers la rareté, parce qu’elle ne peut faire autrement dans le régime actuel du monde, l’orienter vers l’abondance, échanger produits abondants contre produits abondants ou matières premières. Et, si tel pays n’a rien à offrir, compléter gratuitement ses besoins reels.

Je connais les objections : les producteurs crieront à la ruine. Ne les y mène-t-on pas rapidement sans leur donner une contre-partie suffisante ? Dans un monde où régnerait l’abondance, la fortune serait-elle encore si nécessaire ?

Mais les monnaies sautent, c’est la destruction de la propriété individuelle, le contrôle par l’Etat de toutes nos activités.

Est-ce que ce ne serait pas à cela que nous assistons ?

Les monnaies ne s’avilissent-elles pas ? les patrimoines indivduels ne disparaissent-ils pas ? Le contrôle de l’Etat ne s’étend-il pas tous les jours ? Vous êtes bien d’accord. Ce sont là indiscutables constatations de fait, conséquences de la politique que nous suivons. Alors que risquons-nous à en changer ?

Jamais les gens n’accepteront cela ?

Qui sait. Nous verrons si les producteurs préféreront « se faire rouer la peau » pendant la prochaine dernière et préparer la spoliation brutale de leurs héritiers.

Qui imposera ces mesures ?

Nous, les bourgeois européens, si nous le voulons, car, unis, nous pouvons imposer notre volonté au monde. Si nous n’avons ni l’intelligence ni l’énergie pour y réussir, de quel droit de naissance ou de fortune prétendons-nous diriger ? Nous devons disparaître pour céder la place à de plus, aptes.

Nous ne devons pas nous résigner à la guerre, car bientôt ce sera l’implacable alternative. Je sais, Ce crime est par certains prémédité, par d’autres ardemment attendu, n’est-ce pas, messieurs les Argentins, les bien nommés ?

Eh oui ! Vingt millions de mnors. Autant de chômeurs de moins. OLinais ce. sont aussi des conssommateurs en moins. Des ruines, c’est du travail. Oui, mais grâce à la machine, U serait terminé en trois ans. Des débouchés provisoires. Oui, mais peu avantageux, car les prix seraient limités.

Une nouvelle guerre ne résoudrait pas le problème devant lequel nous sommes placés. Pendant sa durée, tous les pays nonveaux venus à l’industrie, et il sont nombreux, je vous assure, développeraient encore leurs moyens de production. Rappelez-vous qu’en 1914, le Brésil comptait 7.572 entreprises industrielles. 5.940 surgirent de 1914 à 1919 ! Lorsque la tuerie prendrait fin, l’asphyxie mortelle qui, par notre faute, envahit l’Europe, serait encore plus complète. Et la vengeance exercée par les survivants sur la personne et les biens de leurs dirigeants ne ressusciterait les morts ni ne diminuerait les ruines.

Si nous l’envisageons quand même, de grâce faisons-la tout de suite. Pourquoi maintenir plus longtemps dans l’angoisse des millions d’hommes, de femmes et d’enfants, enlever tout charme à leur vie ? Vous, les rodomonts, qu’attendez-vous pour commencer ? Depuis le temps que la France vend du minerai de fer à l’Allemagne, que celle-ci vend à l’AngIeterre des machines pouf fabriquer des munitions et lui installe des usines à produire des gaz asphyxiants, nous devrions être prêts. Profitons de ce qu’il fait bon en ce moment sur les bords de la Méditerranée pour y envoyer le plus possible de soldats, d’avions et de sous-marins. Démontrons au monde, par l’absurde et par l’horreur, que nous nous trompons et que nous trompons les peuples en poursuivant le fantôme du profit tué par l’abondance.

Messieurs les dirigeants de l’Europe, vieilles canailles bourgeoises ou jeunes aventuriers primaires, nous sommes des misérables, et ceux à qui vous obéissez pour prolonger l’agonie d’un régime qui meurt sont à peine plus méprisables que vous. Prenons garde. Nous, les bourgeois d’Europe, rappelons-nous l’exemple de la noblesse française qui, au XVIIIe siècle, lança’ aussi le pays dims ces jeux d’enfants qu’étaient les guerres d’alors, dans le vain espoir d’échapper aux sacrifices inéluctables. L’heure peut sonner où les peuples révoltés par le spectacle de nos contradictions, de notre désarroi et de notre impuissance demanderont des comptes. Et ceux-là se régleront sur des places que nous, Français, appelons de la Concorde seulement quand les têtes aux cervelles trop petites ont été emportées.

10 décembre 1938

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Progrès technique

24 janvier 1939

Emballages métallisés

Lorsque des revues techniques présentent des machines modernes elles ne donnent plus de ienseignements permettant d’établir avec certitude l’économie de main-d’œuvre réalisée.

Est-ce que les collaborateurs de ces revues auraient peur de divulguer des chiffres qui apporteraient des arguments au réquisitoire impitoyable qu’à chaque instant le régime capitaliste prononce contre lui-même ?

A ceux qui veulent ignorer les causes du chômage et qui ne veulent pas se rendre compte que la concurrence effrénée des moyens de production nous rapproche tous les jours de la realisation de l’Abondance, je dédie cette phrase recueillie dans le n° 104 de la Revue de l’Aluminium.

« On ne peut évidemment songer à rechercher la diminution des prix [1] que dans la voie de réduction de frais de fabrication, notamment des manipulations, par une production mécanique intensive eu vue de l’obtention d’un prix aussi infime que possible. »

Cette conception que les militants de l’Abondance ont assez exposée est illustrée par une nouvelle série de machines qui viennent de révolutionner la technique de l’emballage de la patisserie sèche et des bonbons, marchandises sujettes à détérioration rapide par suite de l’humidité.

Après cinq arts de mise au point, les Etablissements Moutin, à Grenoble, spécialisés dans les fabrications d’emballages métallisés en feuilles d’aluminium peuvent assurer depuis la fin de l’année 1938, par des moyens entièrement mécaniques :

1° L’impression des feuilles d’aluminium en plusieurs couleurs à raison de 8.000 feuilles à l’heure ;

2° Le gaufrage ;

3° Le collage ;

4° La fabrication des secs et sachefs, dans leur présentation définitive, à raison de 800 sachets à la minute, 48.000 à l’heure.

La Biscuiterie Brun, de Grenoble également. dont la production peut atteindre 400 tonnes par jour assure, par des procédés identiques, l’emballage des petits beurres, sans aucune manipulation, à raison de 40 paquets de 3 douzaines par minute.

(Revue de l’Aluminium, n°104, sept.-oct. 1038.)

Et alors je pose la question : quel pouvoir d’achat, en régime capitaliste, peut absorber une telle production ?

Extraction de la houille

Aux mines de Marbach (Sarre) l’extraction de la bouille par « Skip » permet une production de 390 tonnes-heure pouvant être portée à 432 tonnes-heure.

(Génie Civil n°22 du 26-11-38.)

Culture du café

La production de café aux Colonies françaises (Afrique Equatoriale) qui était de 5.O00 tonnes en 1928 est passée à 50.O00 tonnes en 1938 et pourra atteindre 80.000 tonnes en 1940.

(Communication de M. Auguste Chevalier l’Académie des Sciences, le 17-1O-38. Technique Moderne, n° 24 du 15-12-38.)

A quand la destruction du café en France ?

Pièces de machines

La « National Broach and Machine Co » de Détroit U.S.A. utilise une fraiseuse verticale pour tournage de pièces ; cette machine permet de fabriquer des arbres de bottes de vitesse de 210 mm. de long à raison de 144 pièces à l’heure ; un homme peut conduire 2 machines.

(Génie Civil, n° 18 du 20-10-38.)

Travaux publics - Construction de routes

Un nouveau procédé de préparation de chaussées sans apport de matériaux vient d’être réalisé en Australie où son emploi trouve son utilité pour l’établissement de routes travers les grandes étendues du continent australien où les matériaux d’empierrement font défaut ou sont d’un prix très élevé.

Il s’agit d’une machine qui par la combustion de gaz de gazogène permet d’obtenir une température variant entre 400 et 1.350° et de brûler le sol meuble sur lequel doit être établie la route , la machine a une largeur de 2 m. 6O et une longueur de 10 mètres, la combustion interne du sol s’effectue oui, une profondeur de 0 m. 15 ; il suffit de passer derrière la machine le rouleau et la goudronneuse pour avoir une route parfaite. La vitesse de la machine servie par 3 hommes peut atteindre en service 24 mètres à l’heure.

(Genie Civil, n° 2-4 du 10-12-38.)

Le progrès dans les travaux de terrassement

En 1861, pour le percement du tunnel du Mont-Geais, on se sert pour la première fois de l’air comprimé.

En 1870, premiere apparition sur un chantier d’une grue à vapeur munie d’une benne preneuse.

En 1875, application d’une grue de ce genre pour la récupération en mer des trésors de la flotte espagnole coulée en rade de Vigo.

En 1880. apparition de la première pelle mécanique à vapeur et des excavateurs à godets.

En 1903, apparition du premier tracteur à chenille appliqué à une grue à vapeur.

En 1916, introduction du tracteur à chenille à vapeur par l’armée américaine.

En 1923, application pratique à l’agriculture du tracteur à chenille.

En 1930, application en France aux travaux de terrassement du port de Gennevilliers de tracteurs à chenilles attelés à des remorqueurs tombereaux.

En 1935, application du dernier mode de terrassement en surface au moyen de tracteur à grande puissance attelé à des décapeuses ou scrapers d’une capacité allant jusqu’à 18 m3 au lieu de 200 à 300 litres. Ces scrapers de 18 m3 ne peuvent malheureusement pas être emploés en France, leur encombrement étant trop important pour le gabarit français.

L’application de ces engins modernes a fait baisser considérablement les délais d’exécution des travaux ainsi que le prix de revient.

Ainsi, pour ne donner qu’une idée approximative, on peut admettre qu’en 1934, un terrain d’aviation de 100 hectares, représentant 60.000 m3 de terre à enlever demandait 8 mois de travail et coûtait 20 francs le mètre cube.

Aujourd’hui, et malgré les dévaluations successives, le même travail demande 3 mois et coûte 10 francs le mètre cube.

Le progrès technique dans la fabrication du chocolat

Pendant longtemps le respect des traditions a empêché la modernisation des procédés de fabrication du chocolat.

Il n’en est plus de même maintenant et, comme toutes les fabrications, celle du chocolat a obéi aux lois de la production moderne. Que ce soit la torréfaction. le broyage des fèves, le broyage du sucre, le mélange du cacao et du sucre, la préparation des pâtes, la températion ou le moulage, toutes ces opérations sont à peu près automatiques et se signalent pas une réduction presque complète de Ia main-d’œuvre, l’absence d’ouvriers spécialisés ; la main-d’oeuvre n’intervenant que pour assurer l’alimentation en matières premières.

Cette économie de main-d’œuvre atteint pratiquement 60 à 70 % par rapport à d’anciennes installations. L’économie de force motrice, d’eau et de vapeur peut atteindre 20 à 40 %.

La chasse au prix de revient

Depuis quelques semaines l’énergie électrique seule va pouvoir assurer le trafic des trains sur tout le parcours Paris-lrun.

La consommation annuelle du courant de traction sur les chemins de fer d’intérêt général atteindra 65O millions de kws environ, ce qui correspond à une économie de 1 million et demi de tonnes de charbon.

Cette électrification permet de réduire de 50 % les frais de traction. Elle facilite la tâche du mécanicien et... supprime le chauffeur.

Ainsi va le progrès. Toujours plus d’hommes retiés du cycle des échanges, et la mort pour tous si nous ne transformons pas le régime.

Ce qui n’empêchera pas le déficit des chemins de fer de continuer à s’élever chaque année d’un certain nombre de milliards.

Une blanchisserie géante

A Liverpool, en Angleterre, on vient de terminer l’aménagement électrique d’une blanchisserie géante occupant 1.500 ouvriers et ouvrières.

Des machines cylindriques de 1 m. 37 de diamètre et de 3 m. 30 de longueur permettent de laver en une seule fois 720 draps ou 1.200 chemises en 1 heure.

Son chiffre d’affaires hebdomadaire est de 4.500 livres, soit 761.000 francs.

Une imitation de soie avec du pétrole !...

En Amérique, la « Colonese Corporation » fabrique dans une de ses usines de Virginia une fibre artificielle capable de rivaliser avec la soie japonaise, en partant des produits vinyliques, sous-produits du pétrole !...

La culture en armoires

La culture des plantes fourragères et en particulier du maïs dans les tiroirs de vastes armoires est pratiquée avec succès depuis un an en Pologne où elle permet, en plein hiver, de donner au bétail du fourrage frais. Chaque armoire comporte dix tiroirs de 4 mètres carrés et assure l’alimentation journalière de 20 vaches laitières.

Les graines, puis les racines, lorsque la germination est achevée, sont constamment arrosées avec une solution d’engrais azotés, potassiques et phosphatés. La température est réglée de façon activer la poussée et à donner t chaque armoire métallique, qui représente un capital assez élevé, un maximum de rendement économique.

Machines à statistique et assurances sociales américaines

L’instauration des assurances sociales aux Etats-Unis va nécessiter un travail de bureau considérable, car il conviendra d’enregistrer près de 40 millions de salariés.

Le bureau central de Boston occupe déjà 4.000 employés secondés par 600 « robots » ou machines à statistique, qui sont louées au gouvernement par l’ « International Business Corporation ».

Comme travail manuel, l’employé n’a qu’à porter sur la fiche individuelle le nom de l’assuré, le reste et fait par la machine à statistique rabot, que ce soit le calcul, l’enregistrement ou le classement.

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[1] Il s’agit des prix de fabrication d’emballages métalliques pour biscuits secs.

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Destruction de richesses

24 janvier 1939

La guerre des producteurs

Les Syndicats agricoles du Sud-Est demandent que soit instituée une carte agricole donnant aux personnes exerçant la profession agricole, l’exclusion de toute autre, la possibilité de vendre des produits maraîchers sur les marchés et à des commerçants patentés.

Défense dorénavant à la femme du cantonnier de porter au marché sa douzaine d’oeuf ; ses 15 salades ou ses rillettes pour l’échanger contre de l’argent.

La lutte de classe est dépassée, c’est fa lutte finale entre producteurs.

Destructions de pommes à cidre

Pour détruire l’excédent considérable de pommes à cidre et de poires, le contingent de distillation a été augmenté de 125.000 hectolitre ; dont 100.000 hectos d’alcool de pommes ou de poires et 25.000 hectos d’alcool de cidre qui seront payés au prix de 600 francs l’hecto d’alcool pur.

Afin d’enrayer la consommation des pommes, des poires et des raisins, il est fortement question d’instituer sur ces fruits des droits d’octroi de 40 francs par quintal, suivant en cela l’exemple de la Ville de Marseille.

La Ville de Paris espère ainsi diminuer le déficit de son budget de 100 millions !!!

Qui veut acheter une ferme !

Poursuivant avec une ténacité jamais démentie l’accélération dos contradictions économiques de notre beau régime, le Ministère de l’Agriculture prépare le réédition d’un bulletin qui contiendra par régions toutes indications utiles, concernant la nature et l’étendue de, exploitations agricoles qui leur sont signalées, ceci afin de contribuer à la remise en culture des petites et moyennes exploitations agricoles vacantes ou délaissées.

Les propriétaires ou les notaires qui seraient désireux de faire inscrire tous ces renseignements sont priés de les adresser au Ministère de l’Agriculture, 38, boulevard Raspail, Paris (7e).

Ceci sans doute pour y cultiver du blé, de la vigne, de la chicorée, des choux-fleurs, ou pour y planter des pommiers !...

La ronde des hannetons

Introduisez des hannetons dans une cage en verre par un orifice dégarni de perte. Voue les verrez voler et tournoyer dans fous les sens et se heurter sans cesse à la paroi vitrée. Pas un seul ne trouvera l’orifice de sortie à l’air libre. Les hommes ressemblent à des hannetons. Témoin leur affolement devant l’abondance qui leur fait punir d’une amende de 2.000 francs net par hectare :

1° Tout cultivateur qui ensemence des superficies supérieures à celles consacrées par les usages locaux de l’assolement ;

2° Tout cultivateur qui cultive du blé sur une terre qui a déjà porté cette céréale l’année précédente, sauf dans les régions où cette pratique est de tradition mais sous réserve d’une surface de I’ hectare pour l’alimentation familiale

3° Tout cultivateur qui augmente les superficies ensemencées.

Voici les hommes de nouveau affolés par une autre crainte, celle d’avoir une mauvaise récolte en 1939.

Les calamités atmosphériques qu’ils imploraient sont venues à leur secours. Les gelées de décembre sont graves.

Dans certaines régions, 80 % des semis sont détruits ! Aussi les Agriculteurs de France, par l’intermédiaire de leur Président, M. Cournault, Sénateur, s’empressent-ils de demander du secours au ministre de l’Agriculture appelant son attention sur cette situation extrêmement grave qui va peser sur toute notre économie, et lui demandant de supprimer toute dénaturation, exportation, etc.

Il importe en outre, disent-ils, que toutes les mesures utiles concernant l’approvisionnement en semences de blés de printemps soient prises.

Notre ministre de l’Agriculture n’a pas fini d’être obsédé.

Mais les hommes ressemblent aux han

netons, ils se cognent partout et n’aperçoivent pas l’ouverture qui les ferait déboucher dans la civilisation d’abondance.

Ils en mourront tous.

Encore un cartel

Après ceux du cuivre, de l’étain, du zinc, de l’acier, des produits chimiques, de la porcelaine, du sucre, etc., etc. Voici le dernier né, celui du plomb.

L’abondance détruisant le profit, dans le régime, l’accord a pour but naturellement, de raréfier le produit de 5 à 10 % pour commencer. Mais quel mal ont eu les producteurs pour arriver à cet accord ! Ils avaient commencé leurs conversations dès le 21 juillet 1935.

Ajoutons que le nombre de concessions d’exploitations de plomb ou métaux connexes est, pour la France, de 150.

Sur ce nombre, 4 mines seulement étaient exploitées en 1937...

(« Journée Industrielle », 10-11-38.).

Après le café, le cacao

Nous assistons en ce moment, dans la Nigeria anglaise et dans la colonie de la Côte de l’or à quelque chose d’analogue à ce qui s’est passé au Brésil avec le café : on va détruite du cacao.

La raison ? Il s’était formé en Afrique Occidentale un consortium international d’acheteurs de cacao qui, au lieu de se concurrencer aux enchères, décidèrent de se réunir et d’imposer leurs prix aux planteurs.

Il en résulta bientôt une baisse de près dc 60 shillings au quintal anglais ; les producteurs se réunirent à leur tour et devant ce fait refusèrent de vendre leur cacao ; en même temps ils boycottèrent toutes les marchandises de provenance européenne : on ne vend plus et on n’achète plus.

Or, la Nigeria et la Côte de l’or produisent à peu près la moitié de la consommation mondiale de cacao. Jusqu’à présent les planteurs ont amassé un stock de prés de 120.000 tonnes de cacao, dont une partie serait brûlée prochainement.

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ACTUALITÉ

La retraite des vieux travailleurs

LES CONFÉRENCES DE LA SALLE POISSONNIÈRE
par J. DECROIX
24 janvier 1939
« Le problème comptable ne doit plus et ne peut plus dominer le problème humain. »

Jean DECROIX.

J’écrivais, dans le dernier numéro de l’Abondance, une conclusion mélancolique d’Atkinson sur la vieillesse.

« Il n’y a guère de répit, pour les vieillards. Dès qu’ils perdent leur force et que leur caractère s’aigrit, les sévices et la mort fondent sur eux. »

D’où vient cet implacable destin ? Comment se fuit-il que, par un ahurissant paradoxe, les civilisations les plus rudimentaires se trouvent en parallèle sur cette voie douloureuse avec celles qui ont évolué magnifiquement ?

La raison en est que tous les groupements humains ont été domines, jusqu’à nos jours par la rareté des richesses.

Des profondeurs de Néanderthal jusqu’à nos jours, le destin de l’homme sur ce globe a été de rechercher des collaborations, d’équilibrer des systèmes, de faire oeuvre d’imagination, pour augmenter sans cesse la production des choses utiles et tenter de combler une consommation toujours imparfaite, jamais satisfaite.

Toute admission dans une collectivité humaine comportait l’acceptation tacite d’y apporter sa collaboration, pour accroître les moyens de vivre de ce groupement. Aussi bien, tout ce qui vivait dc la collectivité, sans rien offrir en échange, était-il considéré comme parasite. Si les sociétés ont nourri - parfois même après les avoir appelés - certains de ces parasites, ces derniers leur apportaient des satisfactions d’un ordre contestable, mais qui compensaient pour elles le sacrifice qu’elles s’imposaient.

Les Vieux ont suivi cette évolution. Dans la période totémique, le chef de famille a droit de vie et de mort stir le groupe qu’il commande. Dès qu’un fils est assez grand pour éveiller sa jalousie, l’Ancêtre le chasse ou le tue. En retour, dès qu’il faiblit, il voit se dresser un male plus jeune qui l’abat et règne à sa place.

Le système du cocotier, des peuplades retardées dans leur évolution, répond toujours au même principe, qui veut que soit sacrifiée toute inutilité.

Cependant, les vieux ont su tempérer cette inéluctable loi en prolongeant leur pouvoir physique limité dans le temps, par un ascendant. moral affirmé sur les membres de leur groupe.

Leur expérience fut appréciée pour la liquidation des situations difficiles traversées par le clan. Ce furent les conseils sur la conduite des chasses, des combats, les soins relatifs aux blessures, aux maladies, la connaissance des simples ; plus tard, avec l’éveil d’une angoisse mystique, la liaison entre les puissances occultes et l’inquiétude humaine. Une somme de connaissances de différentes valeurs permit enfin aux Vieux d’offrir des « utilités » à la collectivité et de se maintenir ainsi en accord avec le pacte social . ...

C’est une situation analogue qui. assurait la subsistance de ta génération précédant celle de nos Vieux actuels. Ces derniers pensaient - comme leurs aînés que l’expérience, chèrement acquise, de leur métier leur permettrait de continuer à être utiles dans un coin de l’atelier ou du bureau. Et, grâce à cette utilité, d’ouvrir le même droit dont avait bénéficié leurs prédécesseurs à une consommation réduite, mais suffisante.

Ils avaient aussi hérité de l’instinct d’épargne, et, durant leur vie actives ils avaient réservé pour l’avenir des possibilités de consommation chiffrées par les arré. rages de valeurs mobilières ou le produit de la capitalisation des versements effectués à une caisse de retraites. Ce désir de sécurité du lendemain était si grand dans notre pays que la France était devenue, par son épargne, le Banquier du Monde.

Voyons maintenant à quelle situation une civilisation, aussi brillante par certaines faces, a pu conduire ses Vieux collaborateurs, lesquels avaient joué franc jeu avec ses lois et gardé une confiance aveugle, hélas ! en ses institutions.

***

Les Vieux furent les premières victimes d’une technique nouvelle de la production, qui libère chaque jour plus de travailleurs.

La précision de cette technique rend sans objet le capital d’expérience amassé péniblement dans une vie de travail. Aussi bien, y a-t-il rupture brutale avec le destin supportable des générations précédentes. Il n’y a plus de petit coin, pas plus dans l’atelier qu’au bureau, on la présence des Vieux peat encore offrir quelque utilité.

Il leur reste, heureusement, pensez-vous, le produit de leur épargne. Cette dernière va, au moins, sauver la fin de leur vie du cauchemar de la misère.

Las, une autre déception, écrasante d’amertume, allait s’abattre encore sur cette même génération. La montée du coût de la vie, répondant à la dévaluation du

franc, rendait stériles les efforts et les privations de toute une vie humaine.

La révolution dans les moyens de produire engloutissait le capital épargné par les Vieux et l’avilissement de l’unité monétaire eu rendait les produits ridiculement faibles, quand le capital n’avait pas disparu.

L’Etat lui-même s’incline devant les faits qu’il a déterminés par l’émission de fausse monnaie. Il constate la faillite du principe capitalisation en accordant à ses fonctionnaires retraités une majoration de pension, « prélevée sur les ressources annuelles de son budget ». Nos politiciens ouvrent, du même coup, le droit à toutes les autres catégories de Français au même bénéfice compensateur.

La vie de l’épargne française ne devait pas, eu effet, se réfugier obligatoirement dans les caisses de retraites des administrations publiques. Son devoir était, hurlait-on de partout, de féconder les sources de la production

D’ailleurs, si nous prenons un salarié prévoyant, qui avait confié au 3 0/0 perpétuel de l’Etat français son épargne péniblement acquise, que constatons-nous ?

Cet homme, avant la guerre, s’était tenu le raisonnement suivant : Avec trois francs par jour, je pus assurer ma subsistance dans ma vieillesse. Ma vie sera modeste, mais suffisante. Chaque fois que il achèterai trois francs de rente j’ aurai assuré une journée de mes années de viellesse. Si je puis répéter cette opération trois cent soixante-cinq fois, mes vieux jours seront assurés définitivement.

En travaillant avec acharnement, en ayant la chance d’éviter maladies et accidents, en multipliant les privations, notre salané a acheté ses 1.095 francs de rente annuelle. Il les touche toujours. Mais le franc valait 322 milligrammes d’or quand notre épargnant offrait son argent à I’État contre un titre de rente. Actuellement, le franc vaut 27 milligrammes d’or. Il s’appelle toujours le franc ; cependant, l’Etat acquitte ses dettes avec une unité près de douze fois pins faible.

Que peut faire, actuellement, notre épargnant avec ses trois francs-Reynaud par jour ?

Ainsi, le travail est refusé aux Vieux et leur épargne est pulvérisée par les transformations économiques.

Le calice n’est pas vidé. Si la sécurité que les hommes croyaient trouver dans un morceau de métal précieux était un leurre ; si leurs calculs sur le maintien de leur utilité à la production était une erreur, pouvaient-ils, en dernier ressort, compter sur la charité ou une compensation tardive des services rendus.

Hélas ! La raréfaction de la clientèle, privée par le chômage de ses moyens d’ achat, oblige le producteur à une compression sévère du prix de revient. Donc, moins que jamais peut-on tolérer d’inutilités ou même d’utilités, réduites.

On supprime alors les rentes minuscules qu’on faisait aux vieux collaborateurs de la Maison. On commet cet acte aux terribles conséquences, avec le même regret qu’on a éprouvé à « remercier », en détournant les yeux, le vieil ouvrier que, pendant cinquante années, on a vu dans son usine. On sait que l’on fait une chose dont on est moins que fier, mais c’est la loi de la Jungle, et le problème comptable domine chaque jour davantage le problème humain.

Puis, l’on pense qu’après tout l’initiative privée ne peut pas tout assumer. L’Assistance Publique doit faire son office.

***

Depuis 1789, il faut constater que les conceptions en matière d’assistance ont change.

Délaissant l’idée de charité chrétienne pour faire appel à l’idée de justice sociale, la Révolution échaffauda un système de secours publics concentré dans les mairies de l’Etat et demandant ses ressources à l’impôt.

Ce système aboutit à la Loi du 10 janvier 1849, qui est toujours la charte de l’Administration générale de l’Assistance Publique à Paris.

Poursuivant l’étude qui nous intéresse, nous voyons que le sort des Vieux est lié à l’application de la Loi d’Assistance du 14 juillet 1905, dite « Loi d’Assistance obligatoire aux vieillards, aux infirmes et aux incurables privés de ressources ».

Pour en bénéficier, il faut avoir la nationalité française ou appartenir à une nation ayant passé avec la France une convention d’assistance réciproque. Il faut être âgé de 70 ans ou atteint d’une infirmité, d’une maladie incurable rendant incapable de subvenir par le travail aux nécessités de l’existence.

Enfin, il faut être privé de ressources.

Quant à l’importance des secours attribués, disons tout de suite qu’en décembre 1938, dans les conditions les plus favorables, un assisté de la Ville de Paris a pu toucher 185 francs et bénéficier d’une allocation exceptionnelle de charbon de 30 francs.

Ainsi, avec un peu plus de 200 francs dans le mois, il a fallu au vieil assisté payer sa chambre d’hôtel et faire face à son entretien quotidien. Dans les quartiers périphériques de Paris, il faut compter environ 40 francs par semaine pour un ignoble cabinet meublé non chauffé.

Le loyer absorbe donc presque totalement les ressources de l’Assistance, et chaque matin le problème de l’alimentation, du chauffage et de l’entretien est posé à l’assisté.

Leurs solutions ne peuvent dépendre, bien entendu, que de la charité. Aujourd’hui, c’est une voisine qui a pu obtenir un pot-au-feu et qui apporte un bol de bouillon et une tranche de viande. Demain, ce sera un « bon ce fourneau » qui permettra au maiheureux de consommer un repas chaud au centre de distribution, Le jour suivant, une distribution charitable et publicitaire à la fois fera la joie des « sans travail » chez un boucher du quartier. Enfin, quand la charité privée n’aura rien donné, il restera l’ultime ressource des casernes militaires, de celles des pompiers de Paris, distribuant le trop-plein de leurs marmites, et des soupes populaires aux tristes cortèges.

Le problème du chauffage n’est pas moins tragique, et les basses températures que nous venons de subir fixent rapidement sur son caractère.

L’assisté ne peut compter sur les deux ou trois secours exceptionnels votés à Paris dans la saison froide. L’allocation de décembre, dont j’ai parlé plus haut, qui fut décidée dans la pé. node des grands froids, n’était pas encore distribuée au début janvier.

Il faut pourtant se chauffer et cuire 1c aliments. C’est alors le guet des camions laissant échapper, aux cahots de la route, quelques morceaux du précieux cornbustible. C’est la recherche du bois d’emballage, des cageots abandonnes sur les marchés, de tout ce qui petit brûler. C’est aussi, sur les quais, l’exploration autour des péniches, du coke utilisable dans les monceaux de mâchefer.

Quant aux vêtements, c’est la supplique renouvelée pour recevoir un manteau ou une paire de chaussures. C’est la visite des enquêteurs, les questions des agents de l’administration au logeur, à la concierge, aux voisins, aux commerçants. C’est la publicité de sa misère, l’avilissement de sa personnalité. C’est aussi le nécessaire moyen de répartition d’une Administration qui ne peut satisfaire à toutes les demandes !

Mais vous étonnerez-vous encore de découvrir dans votre journal que certains vieux préfèrent ouvrir le gaz, un soir où le courage est à bout, quand la Compagnie ne l’a pas encore coupé ?

Voilà donc le tableau sincère, connu, toléré, admis par notre organisation sociale pour les éléments dénués de ressources.

C’est, au plus juste, la prime d’assurance payée par la société pour éviter les réflexes, toujours dangereux, des affamés.

***

C’est aussi, jeunes gens, l’heureuse perspective d’avenir qui vous est réservée quand, d’ècheion en échelon, vous tomberez dans la zone de misère d’où l’on ne peut plus s’évader.

Vieux travailleurs et chômeurs confondus avec les éléments trouhies ou paresseux, vous voyez diminuer avec angoisse et colère le nombre de « charges » auquel vous aviez droit. On veut ainsi vous décourager de la « paresse » et vous engager à reprendre un emploi.

Comme s’il ne tenait qu’à vous !

On ne peut pourtant pas ignorer votre sort douloureux, vos démarches répétées, vos efforts infructueux pour trouver du travail.

Sont-ils paresseux, les 32.664 chômeurs du bâtiment (bois et pierre) à qui l’Office départemental de la Seine ne peut offrir qu’une seule et unique place ?

Sont-ils des exploiteurs, les 26.21 employés de commerce et de bureau qui n’ont trouvé, au même Office centralisateur, que 25 postes à satisfaire ?

Et l’alimentation, avec ses 16.543 demandes pour 9 offres ?

Et les transports, avec 11,775 demandes et aucune offre ?

Et le vêtement, avec 11,824 demandes et 13 offres ?

Et les cuirs et peaux, l’industrie du livre, les industries chimiques, les textiles, toutes les activités humaines, enfin, pour aboutir aux « travaux divers de manoeuvres », avec 54.713 demandes d’emplois et une offre de travail ?

Lisez régulièrement, dans le Bulletin municipal Officiel de la Ville de Paris, le supplément qui traduit la situation du marché du travail. Cette statistique vous permettra d’endiguer bien des bêtises sur le « dynamisme » amoindri des travailleurs français.

Elle vous permettra aussi de refouler la mauvaise foi de ceux qui spéculent sur l’ignorance des masses pour prolonger de quelques mois ce qu’ils croient être leur intérêt.

***

Nous avons fait ensemble le point de la situation actuelle des vieux. Nous avons constaté qu’il n’y avait pas seulement un problême des Vieux, posé tel qu’il l’a toujours été, dans toutes les civilisations basées sur la rareté de la production. Ce n’est plus l’inévitable échéance biologique qu’il s’agit de prévoir et d’équilibrer.

Le problème des Vieux n’est plus, de nos jours, qu’une face de celui que posent des techniques neuves qui se passent de l’homme, qui le refoulent des centres où l’on produit.

Mais nos civilisations établies, dominées par la rareté des choses utiles aux hommes, exigent de ces derniers, dans leurs statuts millénaires, le travail quotidien.

Si l’homme ne travaille pas, il n’a pas de salaire. II ne peut donc pas consommer ce qui a été produit.

Les vieux, comme les jeunes à qui le travail est refusé, sont donc condamnés, par le progrès scientifique, à ne plus pouvoir acheter, c’est-à-dire à mourir de faim.

Il faut donc condamner le progrès, juguler la science ou remplacer ce qui s’oppose à la distribution de ce que les machines produisent à la place des hommes.

Car, dans la mesure où l’on se passe de l’homme, de sa peine de ses efforts en les remplaçant par des actes mécaniques, on produit plus mais on consomme moins. Les machines ne demandent pas de salaires, ni de sursalaire familial ; on n’a donc plus les moyens d’acheter ce qu’elles ont produit.

ACHETER et VENDRE sont des portes ridiculement étroites et qui se resserrent chaque jour.

Le circuit des formidables richesses créées par l’intelligence humaine se heurte et s’accumule stérilement devant ces deux goulets.

Allons-nous continuer à nous imposer cet étranglement atroce quand il suffit de faire sauter les portes pour libérer le flot généreux des satisfactions humaines ?

Vous souvenez-vous des consignes ridicules qui fermaient partiellement les portes de Paris, en 1914, avec quelques chevaux de frise extraits des musées médiévaux ? Ou appaisait alors l’opinion publique fiévreuse avec de pareils anachronismes.

On l’endort encore de nos jours avec des mesures d’un caractère aussi grossier, sur le plan économique et social.

Cependant, la vérité achève de dessiller les yeux des plus obstinés. Demain, tout le monde exigera le régime de l’Abondance et affirmera avoir toujours été le fervent disciple de toujours Duboin.

En attendant, dès ce soir, des Vieux s’en vont vers leur dernière demeure. D’autres suivront, après avoir distillé une atroce misère et maudit le jour de leur naissance.

Le Vieux ne peuvent plus, ils ne doivent plus attendre.

Les moyens leur permettant de consommer selon le standing d’un homme du vingtième siècle doivent sortir des Caisses publiques.

Le droit à la vie doit primer l’hypocrite problème comptable, en lequel personne ne croit plus. On repousse la fumisterie d’un équilibre budgétaire obtenu par le bourrage des crânes et l’escroquerie officielle des dévaluations.

Hier on a su faire des milliards pour tuer.

On fait aujourd’hui des milliards pour tuer demain.

Je demande qu’on fasse, de la même manière, les milliards qui doivent nourrir ceux qui restent.

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Abondance de richesse

par LE LISEUR
24 janvier 1939

« L’équipement du monde »

En route vers l’autarcie

La France étant tributaire de l’étranger pour la fourniture de certains articles de caoutchouc manufacturés tels que le fil, le ruban, etc... on apprend que cette fabrication est désormais bien organisée dans une usine qui se trouve à Feysin, dans l’Isère.

La Roumanie a importé, en 1937, 1.210 tonnes de rayonne en provenance de l’Allemagne et de l’Italie, mais, comme la production locale se développe rapidement, il est probable que les importations de 1938 ne dépasseront pas 600 tonnes.

La Grèce, depuis deux ans, s’efforce d’assurer l’autarcie du pays et de développer particulièrement l’industrie chimique. La production industrielle, en 1937, dépasse de 9% celle de 1986, et de plus de 54% celle de 1928.

Pérou. - Un projet dc construction d’une fabrique d’azote a été proposé au gouvernement péruvien. Cette usine fabriquera de l’ammoniaque, de l’acide nitrique, des explosifs. Des recherches sont également faites en vue de fabriquer des antiseptiques et des colorants.

Yougoslavie. - Un projet de grande centrale hydro-électrique à édifier sur le Dvina fait actuellement l’objet de l’étude du ministère du Commerce et de l’industrie.

La Bulgarie, la Yougoslavie et la Roumanie sont les pays de l’Europe orientale qui développent le plus leur industrie. L’Allemagne est leur principal fournisseur. Le rythme de leur équipement s’accélère sans cesse.

(Extrait de la Journée industrielle.)

Au Maroc. l’industrie locale des conserves de poissons a évincé les conserves françaises.

La spécialisation locale des vins de liqueurs a évincé les vins français.

L’importation des ciments français est presque nulle devant le développement de l’industrie locale.

Les importations françaises de savon décroissent sans cesse. On assure que les nuisons marseillaises curaient vendu leurs marques aux usines locales.

La conséquence est que les compagnies de navigation sont de plus en plus dépourvues de fret à l’aller.

La Roumanie, qui nous achetait de la bonneterie en grosse quantité, est devenue exportatrice à son tour, et n’est plus notre cliente.

La hollande cultive en serre chaude des raisins de table, des pêches, des tomates, des concombres, des laitues, clos haricots, des chouxfleurs, des épinards, etc...

Et voilà pourquoi l’Abondance aura le dernier mot.

L’abondance des pommes

En première page d’un journal du matin, un article de M. Geistdœrfer, où ce député signale que la récolte des pommes a été excédentaire à un point presque catastrophique (sic).

150.000 tonnes de pommes ont été perdues.

Tout l’article est consacré à abondance, mais si jamais M. Geistdœrfer entend parler de l’Abondance, il ouvrira des yeux étonnés et s’écriera que c’est une utopie, etc...

Car nous supposons que M. Geistdœrfer, député, ne siège jamais au Palais-Bourbon. Il ignore donc qu’on a voté, à l’occasion du budget, tout un ensemble de mesures pour raréfier les denrées agricoles.

Nous ne pouvons lui offrir qu’une consolation : c’est qu’ils sont neuf cents aussi obtus que lui !

En route vers l’abondance

Nous ne dépeindrons pas à nos lecteurs les ennuis endurés par les producteurs de coton du monde entier.

Le souci dc la vérité nous interdit cependant de leur cacher plus longtemps que la France a mis en oeuvre un plan de développement du coton qui en triplera à peu près sa propre production d’ici 1943.

La France va de même augmenter la production, dans ses colonies, des oléagineux, du sisal, du cacao, du tué, du caoutchouc.

Quant au café, le Brésil, notre principal fournisseur, ne pourra plus, dans 5 ans, l’échanger chez nous contre d’autres marchandises, car nous nous suffirons à cette date, d’où 1 milliard et demi d’économie. (Tant pis pour le Brésil et sa monnaie.)

Nous échangeons actuellement pour 600 millions de fruits et pour plus d’un milliard de pâte à papier avec d’autres pays. Nous aurons bientôt tout cela chez nous.

Bien entendu, quand nous aurons tous ces produits aussi abondants que les pommes en Normandie, nous ferons appel, par voie de concours, aux meilleurs techniciens destructeurs, afin de dénaturer, résorber, assainir, dans les meilleures conditions et en employant des mots nonveaux, si possible.

A ce moment, des économistes brevetés tous pays nous chanteront encore les louanges de l’économie échangiste.

L’Abondance submergera le monde

Car telle est la volonté de l’humanité.

En Californie, l’Association des Producteurs de Fruits a entrepris l’étendue des rue-sures de protection des fruits contre la gelée nocturne  : 7 millions de dollars dépenses ont sauvé la valeur de 64 millions de dollars de récoltes.

Après de nombreux essais on s’est arrêté à des emplois de torches à bec renversé, alimentées au pétrole et donnant une vive lumière jaunâtre d’un pouvoir calorique intense.

Des essais similaires sont poursuivis en France dans la vallée du Rhone.

Tôt ou tard l’Abondance vaincra, mais sa contre-partie sera l’effondrement de la monnaie smut sa forme actuelle.

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Notre activité

Communiqués du Centre

24 janvier 1939

CONVOCATION

La prochaine réunion des Présidents de sections aura lieu le vendredi 17 février, à 21 heures. 44, rue de Rennes, sans convocation particulière.

Il est rappelé à tous nos camarades que les cours de conférenciers ont lieu à chacune de ces réunions.

COTISATIONS 1939

Nous demandons à nos camarades adhérents au D. A. T. de nous verser leur cotisation 1939 sans attendre une lettre de rappel. Ils faciliteront le travail et la vie de notre groupement en venant nous la régler ou en nous l’envoyant par chèque postal à notre compte Droit au Travail. Paris 918-66.

Il est rappelé que la cotisation de 1939 est de 30 francs pour les membres adhérents ; 60 francs pour les membres actifs ; 190 francs pour les membres fondateurs.

A NOS MEMBRES

Nos services d’administration et de propagande ayant un besoin urgent de personnel (rédacteurs, secrétaires, stenodactylos et employés de bureau ayant bonne écriture), nous prions ceux de nos camarades disposant de quelques heures par semaine de vouloir bien venir nous aider. Nous les en remercions d’avance. Ecrire, téléphoner ou se présenter au Centre.

JOURNAL

Les invendus des kiosques de Paris sont mis gratuitement â la disposition des camarades qui veulent en assurer la distribution, les frais de port étant toutefois à leur charge.

Il est rappelé, d’autre part, qu’à chaque tirage, un certain nombre d’exemplaires de propagande sont cédés à nos camarades au prix de numéros de 4 pages, 15 fr. le cent pris au Centre, et 20 fr, envoyés par poste (minimum 50).

CORRESPONDANCE.

Nous rappelons à nouveau à nos camarades que toute correspondance doit être adressée au « Droit au Travail », 47, rue de Miromesnil. Paris (8e), sans spécification de personne.

Nous remercions par avance les sections qui voudront bien faciliter notre travail en ne traitant qu’un sujet par lettre : abonnements. comptabilité, propagancle, librairie, service presse, documentation, etc...

REUNIONS.

Il est demandé aux présidents de section de Paris et de la banlieue de ne pas fixer de reunions le mardi, jour choisi pour les réunions du Bureau Permanent, atm de permettre aux militants pourvus de postes responsables de ne pas délaisser l’activité dans leurs sections respectives.

ISOLES.

Les camarades isolés qui voudraient bien assurer la liaison avec le siege, à titre de correspondants régionaux, en vue de prise do contact avec les isolés, sont priés de vouloir bien écrire au siege.

COURS DE CONFERENCIERS.

Il est rappelé que les inscriptions doivent être faites le plus tôt possible.

Il est du plus grand intérêt pour tous ceux qui peuvent être appelés à prendre la parole, même en petite réunion, de suivre ces cours.

TRIBUNE DE L’ABONDANCE

Nous demandons à nos camarades de vouloir bien suivre ces réunions d’informations de la salle Poissonnière. C’est la meilleure école de propagande. (Voir les dates en 1e page.)

SOUSCRIPTIONS « ABONDANCE ».

Toutes les sections ont reçu en communication, conformément a la décision du « Bureau Permanent » du 11 octobre, la lettre de notre camarade Poncin.

Un certain nombre d’entre elles ont déjà répondu à cet appel. Elles trouveront leurs noms, ainsi que le montant de leurs souscriptions. sous la rubrique « Pour hâter l’ère de l’abondance », au fur et à mesure des versements.

Nos vifs remerciements à ces premiers souscripteurs.

AVIS.

Les sections ont reçu une lettre du Bureau Permanent, les avisant que le texte de toutes pétitions, projets de communications, etc.. doit être soumis au siège, 48 heures avant tout envoi.

Prière de prendre bonne note de cette lettre.

CONFERENCES.

Nos camarades Deïro, Bouygues, Delannoy, Duplessis sont à la disposition des présidents de section pour prendre la parole dans nos réunions, écrire au Centre.

SECTIONS D’ENTREPRISES.

Notre camarade Pons est à la disposition des sections d’entreprises pour assurer des réunions.

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Points de vue et manière de voir

24 janvier 1939

M. Barthe est content

Et nous en fait part dans un article paru le 22 décembre :

Il avait promis aux vignerons, dont il est l’ardent défenseur, qu’il ferait payer leur vin type 9° 15 fr. 80 à 18 francs le degré hecto. Or, il est à 16 francs actuellement. Mais, en faisait jouer un article n° 8 appartenant aux vignerons et qui les rend maîtres absolus du marché tout comme un vulgaire comptoir capitaliste, il leur garantit que lentement, mais sûrement, le degré hecto montera à 18 francs.

M. Barthe se frotte les mains, car cette hausse aura lieu malgré 8 millions d’hectolitres excédentaires. Il est également très content, car la destruction des excédents ne coûtera rien au budget. Ce sont ses clients, les vignerons, qui en feront les frais en prélevant sur leur caisse de réserve les sommes nécessaires.

Où M. Barthe exagère, c’est quand, joyeux d’annoncer le degré à 18 francs, il prétend que la législation viticole garantit le vigneron et le consommaleur contre toute spéculation. Contre toute spéculation peut-être, contre la hausse, non.

M. Barthe est représentant du peuple. Il est inscrit à l’Union socialiste républicaine. Il représente et défend fort bien les intérêts particuliers des producteurs vignerons.

Il est républicain.

Il croit être socialiste.

Il est à 100 lieues du socialisme.

Incorrigibles !

En l’an de grâce 1939, nos économistes distingués n’ont pas fait le plus petit effort pour sortir de l’ornière. Voici textuellement ce qu’écrit M. René Pupin dans un journal financier :

« 1° 1853-1914 : augmentation de 200 milliards-or ; soixante ans de progression ininterrompue et de mieux-être consolidé, confirmé par les statistiques de consommation ;

« 2° 1914-1935 : quatre ans de guerre, quatre ans de crise économique et la dévaluation de 1928 se traduisent par un recul ou une perte de fin milliards-or ;

« 3° 1936-1938 : trente mois de crise sociale font une brèche de 115 milliards-or dans la fortune française, déjà entamée au cours de la période précédente.

« ... Sachant. cela, le devoir de chacun est tracé : élargir toujours davantage le plan, de l’économie libre et féconde en ramenant les activités et les charges de l’Etat à des proportions compatibles avec la vie positive d’un grand pays que la nature avait comblé à son berceau. »

Avez-vous compris ? C’est tout juste si l’on n’affirme pas que la France était plus riche en 1853 qu’en 1939 !

Alors à quoi a servi le travail des français, cher M. Pupin ?

Pourquoi, refusons-nous les travailleurs étrangers qui s’offrent à venir nous aider, si nous sommes aussi pauvres que vous le dites ?

Ignorez-vous donc, cher Monsieur Pupin, que la France n’a jamais été aussi riche qu’aujourd’hui ? Jamais elle n’a eu de ces récoltes excédentaires que le Parlement s’efforce de résorber à nos frais.

Jamais il n’y a eu plus de forces motrices disponibles, plus d’ouvriers cherchant vainement du travail, plus d’usine si admirablement équipées qu’on détruit leur matériel, comme dans les tissages du Nord.

M. René Pupin ne voit d’autre richesse dans un pays que le poids d’or qui est enterré dans les caves de sa banque d’émission. A ce compte-là, les Etats-Unis devraient jouir d’une prospérité inouïe, puisqu’ils vont avoir bientôt tout l’or du monde. Cependant la misère y bat tous les records connus et le chômage atteint 12 millions d’hommes.

Et l’Allemagne, à entendre M. René Pupin, ne serait pas à redouter, puisqu’elle n’a plus d’or !

Que ces sottises puissent encore s’étaler 10 ans après la fameuse crise cyclique, c’est à désespérer du bon sens de nos compatriotes.

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