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Editorial
Enfin, nous avons accès à la télévision...
Notre demande auprès de la Tribune Libre de FR3, formulée
en novembre 1980, et présentée en février dernier,
vient d’être acceptée. Nous allons enregistrer dans quelques
jours et l’émission est programmée pour passer de 18 h
55 à 19 h 10 un soir entre les 7 et 22 septembre prochains. La
date exacte n’est pas encore décidée.
J’ai dû rédiger un texte qui résume l’essentiel
de nos thèses, nos analyses et nos motivations, et qui soit suffisamment
condensé pour être dit en 15 petites minutes ! Ce n’est
pas facile.
Voici des extraits de ce texte, qui se présente sous la forme
d’un dialogue. Il pourra servir à tous ceux de nos lecteurs qui
nous aident à répandre nos propositions autour d’eux,
saisissant pour cela toutes les occasions qu’ils trouvent lors de réunions
familiales, professionnelles... ou estivales.
***
QUI SOMMES-NOUS ?
- Nous sommes des gens scandalisés. Des gens qui ne peuvent
pas supporter l’idée que les deux tiers de l’humanité
soient dans la misère la plus noire, alors qu’on saccage les
immenses richesses de la Terre, que notre planète est littéralement
pillée par l’ignorance des uns et la cupidité des autres.
Nous sommes outrés de savoir que des millions d’enfants meurent
de faim tandis que le monde dépense chaque minute un million
de dollars pour fabriquer des armes diaboliques, capables de faire tout
sauter, et nous avec.
- Cette misère sévit surtout dans les pays en voie
de développement.
- En voie de délabrement plutôt. Mais cette misère
à côté de tant de possibilités existe aussi
dans les pays industrialisés. Rien qu’en France, on estimait
l’an dernier à deux millions le nombre de gens dans la misère...
Et pourtant, la France est si riche, certaines récoltes y sont
souvent si abondantes, que les producteurs en détruisent pour
maintenir les prix !
- Mais si les prix s’effondrent, c’est la faillite des producteurs...
- Eh oui. J’ai même souvent entendu soutenir que c’était
très bien de vendre des armes parce que ça permet de faire
travailler les Français ! Ça fait tourner l’économie,
ça permet d’équilibrer notre budget, etc. on dit ça
aussi des choses qu’on fabrique de telle façon qu’elles durent
peu : il faut vite les renouveler, alors ça fait marcher le commerce...
- C’est pourtant vrai. Vous le contestez ?
- Nous disons que lorsque les règles économiques aboutissent
à de pareilles aberrations, eh bien, ces lois, il faut les changer.
Jacques Duboin a été le premier économiste au monde,
à notre connaissance, à avoir eu le courage de tirer cette
conclusion, qui pourtant nous paraît du plus élémentaire
bon sens. Il a su ne pas oublier que les lois financières qui
régissent les monnaies, ces monnaies qui règlent les relations
économiques, n’ont pas toujours existé. Elles sont nées
de l’usage quand elles étaient nécessaires. Elles ont
permis notre développement. Et on s’y est tellement habitué
que la plupart des gens s’imaginent qu’elles sont immuables ! Or elles
sont devenues nuisibles. Elles creusent chaque jour le fossé
entre riches et pauvres, elles nous mènent à la catastrophe.
C’est la preuve qu’elles ont fait leur temps et qu’il est urgent d’en
changer. Quoi, tous les jours on vous annonce de nouveaux changements,
on vous parle de nouvelle philosophie, de nouvelles moeurs, même
de nouvelle cuisine ! Pourquoi pas envisager de nouvelles lois économiques
mieux adaptées à notre époque ? Les économistes
seraient les seuls à manquer d’imagination ?
Il y a pratiquement cinquante ans que J. Duboin a prévu la crise
que nous traversons. Il l’a annoncée. Il avait même écrit
qu’une seconde guerre mondiale risquait d’éclater pour retarder
l’échéance. Et c’est ce qui s’est produit. Maintenant
la crise est à nouveau bel et bien là. Ne croyez pas qu’il
a vu tout cela dans une boule de cristal. Il s’est contenté d’observer
les faits et de chercher à les comprendre, avec bon sens. Et
c’est comme ça qu’il en a déduit les mesures à
prendre et qui constituent nos propositions d’une économie distributive.
QU’EST-CE QUEL’ECONOMIE DISTRIBUTIVE ?
- Nous partons de l’idée que
tout ce qui est techniquement possible doit
l’être, si nécessaire, financièrement.
|
Autrement dit, nous entendons faire passer
la nécessité avant la rentabilité.
|
C’est pourquoi l’économie distributive, nous l’appelons aussi
l’économie des besoins.
- En quoi consiste-t-elle, pratiquement ?
- Je crois que pour vous l’expliquer, le plus simple est de montrer
comment elle se déduit de l’observation des faits. Il faut comprendre
quelle est cette crise, d’où elle vient, où elle nous
mène.
- Dites-nous d’abord « ce qu’on appelle la crise ».
- Dans les pays industrialisés, les deux mamelles de la crise
sont le chômage et l’inflation.
***
LE CHOMAGE
- Le chômage est la conséquence logique, inévitable,
donc prévisible, des efforts accomplis par l’homme depuis qu’il
est sur terre pour alléger son travail face à la nécessité
de se nourrir, de se vêtir, de s’abriter, de s’informer, etc.
Après des milliers et des milliers d’années de lentes
améliorations, l’homme a réussi, depuis moins d’un siècle,
à mettre au point des machines qui aujourd’hui font le travail
à sa place. Le chômage est le résultat de la loi
du moindre effort.
Ça s’est fait très vite en regard de toute l’histoire
de l’humanité. Songez qu’au point de vue des moyens techniques,
Louis XIV était logé à la même enseigne que
les Pharaons : ils disposaient des mêmes moyens pour construire
une maison, labourer un champ, se déplacer. Tout a changé
hier, avec l’invention de la machine à vapeur. Les premiers chemins
de fer, et puis surtout grâce à la découverte de
l’électricité, du moteur à explosion, de l’aviation,
puis des avions à réaction, de la radio, de la télévision,
des satellites. Songez que le transistor est aujourd’hui dépassé,
les circuits intégrés, les microprocesseurs bouleversent
tout et tout va encore changer plus vite dans les années qui
viennent. C’est une révolution tellement rapide qu’on ne réalise
pas. On ne voit pas que nous assistons à un changement de civilisation.
Je devrais dire : c’est une mutation : La Grande Relève des hommes
par la science. Il faut y adapter nos lois économiques et financières.
Tout change autour de nous SAUF les lois économiques. Les économistes
manquent vraiment d’imagination !
- Mais la relance de l’économie que proposent les économistes
de gauche est destinée à réaliser le plein emploi
?
- Le plein emploi est désormais une utopie, à ranger avec
les vieilles lunes. On peut parfaitement accroître la production
sans résoudre le problèmes du chômage : les usines
tournent à moins de 80 % de leurs possibilités. Voyez
l’agriculture : en France, au début du siècle, la moitié
de la population travaillait dans le secteur agricole. Aujourd’hui,
il n’y en a plus que 10 %. Et la production n’a pas baissé ;
elle n’a cessé de croître. Maintenant, c’est au tour des
usines de licencier. Et la production ne ralentit pas dans les mêmes
proportions. Et le secteur des services ne créera plus assez
d’emplois : les banques s’informatisent, la bureautique va remplacer
partout secrétaires, dactylos, comptables... C’est irréversible.
Depuis des dizaines d’années, la production croît en même
temps que le chômage.
- Alors, il faut taxer les entreprises qui se modernisent et revenir
au travail manuel ?
- Ah ! il y a évidemment une possibilité : on réaliserait
le plein emploi en mobilisant tout le monde pour balayer les rues avec
une brosse à dents. Non, ce n’est pas sérieux, on ne remonte
pas le temps ! Et il serait absurde de se priver des loisirs que la
machine nous offre ! Il faut au contraire utiliser au maximum les moyens
techniques, pour en profiter.
L’ère des loisirs fait son entrée
dans le monde par la porte basse du chômage.
|
Il faut adapter nos règles économiques et financières
de façon à ce que les robots que nous avons su inventer
ne nous conduisent plus comme c’est le cas aujourd’hui, à la
misère dans l’abondance, mais soient au contraire véritablement
pour les êtres humains leur libération : un facteur d’épanouissement.
- La semaine de 35 heures que propose la Gauche ne va-t-elle pas
résoudre le chômage né de l’augmentation de la productivité
?
- La diminution du temps de travail s’impose, de façon évidente.
Mais elle pose le problème financier : les machines n’achètent
pas ce qu’elles produisent. Et les hommes et les femmes qui n’ont plus
de travail n’ont plus les moyens d’acheter ce que les machines fabriquent.
Celui qui ne travaille plus ruine qui voudrait
vendre.
|
Et les producteurs, ne pouvant plus vendre, détruisent leur
production, ou la ralentissent pour maintenir les prix. Car ce qui est
abondant n’est pas cher. Il y a quelques mois, par exemple, nous avons
dénoncé des destructions de pommes de terre en Bretagne.
Songez qu’à l’heure actuelle, on ne produit que pour vendre.
Aux yeux d’un économiste, ou d’un entrepreneur, un être
humain qui n’a pas d’argent ne compte pas. Il n’existe pas...
Nous n’existons, pour l’économie, que proportionnellement à
notre porte-monnaie. C’est aberrant !
- Alors que proposez-vous pour résoudre le chômage ?
- Eh bien, vous voyez qu’il faut dissocier travail et revenus. Nous
disons que tout le monde, homme ou femme, quel que soit son âge,
quelle que soit son activité, doit toucher régulièrement
un revenu, un pouvoir d’achat qui soit sa part de la production générale.
C’est ce que nous appelons le revenu social :
Un revenu social est versé régulièrement
à tout individu, de la naissance à la mort.
|
L’INFLATION
- Et le problème de l’inflation, comment l’analysez-vous
?
- L’inflation... c’est un mot qui a fait couler d’autant plus d’encre
et de salive que les économistes ne sont pas toujours d’accord
sur sa définition... Ce qui ne va pas, .c’est que notre monnaie,
notre soidisant « étalon de valeur » n’a plus de
sens. C’est du vent. Jusqu’au 2 août 1914, un franc était
échangeable contre un grain d’or, microscopique. Maintenant,
même ce grain de poussière d’or, c’est fini. La monnaie
n’est plus basée sur rien de réel. Elle l’est sur la confiance.
Vous parlez d’un étalon ! Enfin, vous avez bien vu ce qui s’est
passé à la Bourse au lendemain de l’élection de
F. Mitterrand : les valeurs françaises ont chuté d’un
seul coup de 30 %. Vous n’allez pas me dire que du jour au lendemain,
la France avait perdu ses terres cultivables, ou ses usines, ni rien
de ce qui fait sa vraie richesse, car la vraie valeur des choses, c’est
leur utilité. Notre monnaie ne représente plus rien.
- Alors avec quel argent les versez-vous ces revenus ?
- Avec une monnaie gagée sur l’ensemble de la production, biens
et services. Une monnaie de consommation, qui s’annule quand elle a
servi, comme un ticket de métro. En distribuant ainsi un pouvoir
d’achat total égal à ce qu’il y a à acheter, il
n’y a plus de risque d’inflation.
- Mais cette monnaie, comment la fabriquer ?
- Exactement comme font aujourd’hui les banques : elles créent
bien plus de monnaie que la Banque de France ne fabrique de billets.
On ouvrira un compte à chacun, régulièrement crédité.
Et on continuera à payer avec des chèques ou avec des
cartes de crédit. Ou même avec des billets qu’on oblitère
à l’usage et qui ne reservent pas comme les timbres. C’est devenu
très facile.
- Mais si tout le monde est payé, même sans rien faire,
personne ne voudra plus travailler ?
- Il s’agit d’un contrat : chaque membre de la société
distributive devra assurer sa part de travail, selon ses capacités,
selon les besoins et selon l’état des moyens techniques. Ainsi
tout progrès de la productivité réduira la durée
du travail indispensable que nous appelons le Service Social. Et je
ne vois pas pourquoi on travaillerait mieux pour enrichir un patron
que pour être utile à la société.
- Et le reste du temps ?
- Vous ferez ce qui vous plaira, sans souci de profit. Vous échapperez
au souci que votre activité soit rentable, qu’elle vous rapporte
de l’argent. Le revenu social débarrasse chacun de cette recherche
du profit qui nous mine.
- Et qui décidera de la production à réaliser
?
- Les consommateurs eux-mêmes : on produira en fonction de ce
qui aura été consommé et de ce qui aura été
demandé. Le choix des consommateurs sera transmis par les détaillants.
- Parce que les commerçants continueront à exister,
comme aujourd’hui ?
- Bien sûr, sauf qu’ils ne risqueront plus la faillite. Ils auront
pour rôle d’informer les consommateurs et de tester leurs besoins.
Mais leurs conseils ne seront plus influencés par une publicité
intéressée qui gonfle les prix de revient et qui pousse
à la consommation. Et cela réduira le gâchis actuel.
Et les armements, vous croyez qu’on continuerait cette course suicidaire
si elle ne rapportait plus d’argent à personne ? Dans le socialisme
distributif, le travail n’est pas un but, c’est un moyen. Le but, c’est
l’épanouissement humain.
***
INTERVENTION DE JEAN MAILLOT *
Le bref exposé que vous venez d’entendre résume essentiellement
l’examen objectif de faits dont chacun peut constater la réalité.
De cette analyse découlent tout naturellement des conclusions
qui ne sont pas du domaine du rêve, de l’utopie, comme certains
veulent le faire croire, mais simplement de la logique même. De
nombreuses questions vous viennent certainement à l’esprit, des
objections également. Nous aurons, je l’espère, la possibilité
de vous apporter nos réponses.*
Pour conclure, je veux simplement vous dire combien je me sens humilié
dans ma dignité d’homme d’être condamné chaque jour,
chaque heure, à supporter le désolant spectacle qu’offre
ce monde complètement déboussolé.
Alors que nous possédons, quelle que soit notre couleur de peau,
le bien le plus précieux, notre terre, nous le saccageons à
une vitesse croissante. L’homme blanc à la recherche de son profit
se conduit avec une rare sauvagerie envers la nature et envers le tiersmonde
qu’il affame et exploite sans souci. Ne croyez pas que l’on puisse impunément
continuer ainsi. A ce rythme les ressources naturelles s’épuisent
et nous nous apprêtons à nous battre comme des chiens enragés
pour accaparer ce qu’il en restera et à en priver les plus faibles.
Mais leur patience aussi aura ses limites.
Arrêtons ce gaspillage insensé, cessons de perdre notre
vie à mille travaux inutiles et autres activités nuisibles.
Seule la volonté de produire pour les besoins réels et
non pour un « marché » aux mille facettes illusoires
peut nous apporter à tous une vie aisée dans la sécurité
et la paix.
Bien que plus de deux mille mesures aient été prises ces
quarante dernières années tant sur le plan économique
que social pour tenter d’étayer nos sociétés industrielles
fissurées de toute part, elles n’en sont pas moins au bord de
l’écroulement.
C’est la nature même du régime qu’il faut changer, c’est
passer de l’échange à la distribution.
Héritiers des générations passées, nos connaissances
accumulées et à venir non seulement nous le permettent,
mais nous y obligent. Et comme c’est principalement aux chercheurs de
toutes disciplines que nous en sommes redevables, je veux que vous reteniez
ce qu’a dit l’un des plus grands d’entre eux, Albert Einstein :
« Une nouvelle façon de penser est essentielle si l’humanité
veut survivre et se mouvoir vers des plans plus élevés.
»
Oui, nous pouvons penser autrement, il suffit de ne plus marcher vers l’avenir à reculons, les yeux fixés sur le passé..
Oui, nous pouvons survivre, il suffit de ne plus écouter les financiers et businessman de tous acabits, qui n’ont dans la cervelle qu’une machine à calculer et à la place du coeur un porte-monnaie.
Oui, nous pouvons nous mouvoir vers des plans plus élevés, car chacun de nous porte en lui, cachée peut-être mais présente, cette petite étincelle qui fait de l’homme l’unique animal de la création qui a levé les yeux vers le ciel pour se l’expliquer, qui a inventé le calcul intégral et qui rêve de justice.
Je vous en conjure, réfléchissez à ce que vous
venez d’entendre, aidez-nous à préparer les esprits à
concevoir cette société dans laquelle les besoins matériels
étant assurés pour tous, les besoins culturels deviendront
essentiels.
Je souhaite ardemment que ce soit de notre pays que parte l’appel à
toutes les nations pour que l’entrée de l’humanité dans
l’ère nouvelle se fasse à la suite d’une sage réflexion
et d’efforts communs et non après un chaos meurtrier.
* lignes paru dans le numéro 792 : EMISSION - OMISSION
Dans notre dernier numéro, nous avons publié le texte
préparé pour l’émission télévisée
de Tribune Libre. Il commençait par un exposé de nos thèses,
présenté sous forme de dialogue, et se terminait par une
intervention de Jean Maillot. Mais, au moment de la mise en page, un
paragraphe entier a sauté, si bien que nos lecteurs ont peut-être
eu du mal à comprendre le lien entre les deux parties. Voici
ce qui manquait :
INTERVENTION DE JEAN MAILLOT
« Le bref exposé que vous venez d’entendre résume
essentiellement
l’examen objectif de faits dont chacun peut constater la réalité.
De cette analyse découlent tout naturellement des conclusions
qui ne sont pas du domaine du rêve, de l’utopie, comme certains
veulent le faire croire, mais simplement de la logique même. De
nombreuses questions vous viennent certainement à l’esprit, des
objections également. Nous aurons, je l’espère, la possibilité
de vous apporter nos réponses. »
Et Jean Maillot concluait par le texte que nous avons reproduit.
En fait, le peu de temps qui nous était imparti, nous a contraint
à abréger très sérieusement ces textes.
EN se laissant mourir de faim à la prison du Maze, dans la banlieue de Belfast, capitale de l’Irlande du Nord, Bobby Sands et ses compagnons ont échoué dans leur entreprise. Ils voulaient obtenir le statut de prisonnier politique pour eux-mêmes et leurs compagnons républicains arrêtés et condamnés pour terrorisme. Leur froide résolution et leur courage ont, cependant, fortement impressionné l’opinion mondiale qui aurait désormais peine à comprendre que les gouvernements britanniques et irlandais ne parviennent pas à résoudre rapidement un conflit qui dure depuis maintenant douze ans.
UN PEU D’HISTOIRE
Pour beaucoup, ce conflit est une guerre de religion. Il a, en fait,
d’autres causes et l’opposition farouche des Protestants et des Catholiques
n’en est qu’un aspect. Tout a commencé au XIIe siècle
lorsque, sous le règne de Henry II, des aventuriers anglais pénétrèrent
sur le territoire irlandais et s’emparèrent de terres que les
tribus locales, mal organisées et politiquement divisées
n’étaient guère à même de défendre.
Dans cette conquête, l’avantage revenait aux Anglais.
Cette situation s’aggrava considérablement lorsque, sous le règne
d’Henry VIII, le roi aux six épouses, l’Angleterre rompit bruyamment
avec la Papauté et fonda sa propre église.
L’hostilité profonde qui opposa la cour d’Angleterre à
Rome se reporta sur l’Irlande, depuis toujours profondément catholique
romaine, et, pour mieux asseoir leur domination, Henry VIII puis sa
fille Elisabeth I entreprirent de convertir les Irlandais à l’anglicanisme.
Comme on l’imagine aisément, les Irlandais résistèrent
farouchement pour défendre leur foi et identifièrent leur
enthousiasme renforcé pour le catholicisme avec leur haine passionnée
des Anglais. Les nouveaux colons, d’autre part, identifièrent
le protestantisme avec leur domination raciale.
La suite de l’histoire de l’Irlande est le récit d’une longue
série de rébellions aussi sanglantes qu’inefficaces. Les
divers soubresauts qui agitèrent l’histoire politique et religieuse
de l’Angleterre ne manquèrent pas de rejaillir sur l’Irlande
dont la population soutint toujours les catholiques contre les protestants.
La querelle entre Anglais et Irlandais fut encore envenimée par la pitoyable situation économique où se trouvait l’Irlande face à la prospère Angleterre qui trouvait dans sa voisine un autre territoire où appliquer sa politique mercantiliste d’exploitation. Le peu d’industrie qu’avait l’Irlande disparut avec l’entrée des produits anglais au XIXe siècle. Les paysans irlandais cultivaient des terres, qui ne leur appartenaient souvent plus, au bénéfice d’un propriétaire étranger qui exportait le blé et laissait la pomme de terre comme alimentation de base. Aussi, lorsque en 1845, la récolte de pommes de terre fut détruite par une maladie la famine s’installa, faisant un million et demi de morts pendant qu’un autre million d’Irlandais s’expatriaient, formant une véritable diaspora. Beaucoup partirent aux Etats-Unis d’où leurs descendants continuent à soutenir les mouvements d’opposition aux protestants.
Affaiblie, la résistance irlandaise mit longtemps à obtenir des résultats tangibles et ce ne fut qu’en 1921, après un soulèvement brutal et brutalement réprimé en 1916, qu’une solution politique fut apportée. Elle consacrait la partition de l’île. D’une’ part, une République libre mais encore mal dégagée de l’influence britannique, d’autre part un bastion britannique, partie intégrante du Royaume Uni, l’Irlande du Nord ou Ulster.
LE PRESENT
C’est là que va se jouer la tragédie. Jusqu’en 1968,
coexistent deux communautés quasi autonomes. D’un côté,
les « unionistes » en qui les « républicains
» voient les descendants des conquérants, de l’autre les
catholiques (ou républicains) en qui les « loyalistes »
voient des séparatistes qui veulent détacher l’Ulster
de la Couronne.
La bourgeoisie protestante contrôlait l’économie et maintenait
sa domination grâce à un système politique archaïque.
Les terres furent appropriées, les Irlandais de souche, donc
catholiques, étant chassés des meilleures terres qui ne
se vendaient qu’à d’autres fermiers protestants. Dans le même
temps, les lois écartaient les catholiques des professions libérales
et du monde des affaires. L’éducation, bien sûr, était
pratiquement accessible aux seuls protestants au niveau des lycées
et des universités. Le système se justifiant idéologiquement
par l’esprit d’entreprise des protestants et la paresse des catholiques.
Les convulsions auxquelles nous assistons depuis 1968 sont celles d’une
société bizarre dont les structures s’effondrent sous
la poussée de l’évolution. La République d’Irlande,
l’un des Dix du Marché Commun, est désormais pour la Grande-Bretagne
un partenaire économique plus intéressant que l’Ulster
dont l’industrie reposait en grande partie sur des chantiers navals
aujourd’hui bien malades. Mais la Couronne ne peut pas lâcher
ainsi des protestants qui se réclament d’elle ni paraître
céder au terrorisme. C’est, cependant, dans des négociations
réalistes entre les gouvernements de Dublin et de Londres que
réside probablement la solution du problème.
Dans le numéro précédent de la G.R., je m’indignais
de la position prise par les Américains à l’Assemblée
Mondiale de la Santé au sujet de l’adoption d’un code de conduite
international sur la commercialisation du lait en poudre.
J’étais pessimiste : la Chambre des Représentants vient
de condamner l’attitude de la délégation américaine.
Nous avons aussi appris que le chef de la délégation américaine
à Genève avait été contraint de retirer
sa candidature au poste de secrétaire d’Etat adjoint aux Droits
de l’Homme pour avoir accepté des fonds de la firme Nestlé.
Comme quoi, il y a quand même une morale aux Etats-Unis !
*
Et pourtant, le gouvernement des Etats-Unis ne donne guère l’exemple
en matière de moralité : il souhaite un assouplissement
de la loi réprimant la pratique des pots de vins versés
à l’Etranger. Que voulez-vous, il faut exporter à tout
prix ! Donc, l’administration Reagan souhaite assouplir le « Foreign
Practices Act » voté en décembre 1977, qui interdit
aux firmes américaines d’offrir des « cadeaux » aux
fonctionnaires ou dirigeants politiques des pays où elles opèrent.
Cette loi avait été votée après l’affaire
du Watergate, après plusieurs gros scandales, comme les pots
de vins versés par Lockheed, qui avait fait trembler le monde
politique italien, coûté son poste à un Premier
ministre japonais et compromis le Prince Bernhard des Pays Bas. Le Congrès
Américain, voulant moraliser ces pratiques, obligea les exportateurs
américains à tenir des comptes très précis
de leurs transactions à l’étranger. Le moindre paiement
destiné à obtenir un marché était sanctionné
par de très fortes amendes et des peines pouvant atteindre cinq
ans de prison.
Cette loi a rendu malades les exportateurs américains qui n’osaient
cependant pas trop s’en plaindre sous l’administration Carter. Mais,
depuis la victoire du libéral éclairé Reagan, plusieurs
sénateurs républicains veulent proposer l’abolition de
cette loi car, disent-ils, ça gêne les exportations. Et,
comme vous le savez, là où il y a de la gêne, il
y a pas de plaisir !
Mais rassurez-vous, les sénateurs en question se défendent
de prôner la corruption. Ouf, on a eu chaud !
*
Encore quelques fauts faits à la gloire du libéralisme
économique aux Etats-Unis, depuis deux ans, une centaine de pêcheurs
de crevettes vietnamiens, ayant dû quitter leur pays, se sont
installés dans deux petits ports de la baie de Galveston au Texas.
Ils ont fait des affaires prospères et sont devenus des concurrents
sérieux pour les pêcheurs texans. Ça ne pouvait
pas continuer comme ça.
Première étape : le responsable des pêcheurs texans,
ancien G.I. au Viet-Nam, accuse les nouveaux venus d’être infiltrés
par des agents communistes (horreur suprême au pays de la liberté
!).
Deuxième étape : deux bateaux vietnamiens sont incendiés.
Mais ça ne suffit toujours pas à décourager les
pêcheurs vietnamiens. Le chef des pêcheurs locaux déclare
que les crevettes se font rares et que la baie de Galveston ne peut
plus nourrir autant de monde. Alors, il invite le KU KLUX KLAN (eh oui,
ça existe toujours « ) à « venir soutenir la
cause de ses compatriotes ». D’où diverses manoeuvres habituelles
du Ku Klux Klan : croix incendiées devant les maisons des Vietnamiens,
menaces de mort contre un Texan qui avait accepté d’abriter des
bateaux vietnamiens dans son bassin, ... Pas dégonflés,
les Vietnamiens ont porté l’affaire devant la justice et un juge
fédéral a décidé que « les Vietnamiens
avaient le droit de rester et qu’ils resteront ». Il a en outre
ordonné que tout pêcheur blanc ou tout membre du Ku Klux
Klan qui refusera cette décision soit jugé pour outrage
au Tribunal. Saluons le courage du juge. Mais l’histoire est révélatrice
de la mentalité qui anime les adeptes du libéralisme économique.
*
Encore un problème pour les économistes distingués
: aux EtatsUnis, malgré l’augmentation féroce des taux
d’intérêts, la croissance est repartie. La science économique
enseigne pourtant que lorsque les taux d’intérêts s’accroissent,
l’activité économique diminue parce que le crédit
est cher. Eh bien ça n’est plus vrai ! Dépassant toutes
les prévisions, le P.N.B. des Etats-Unis a augmenté en
termes réels de 8,4 % au cours du premier trimestre 1981. C’est
le meilleur taux observé depuis deux ans.
Encore un coup dur pour la science économique. Celle là
même qui proclame que l’on combat l’inflation en réduisant
l’activité économique. Voyez ce que ça donne au
Royaume-Uni, par exemple, où le chômage atteint maintenant
10,6 de la population active, soit plus de deux millions et demi de
personnes. Et l’on prévoit que le chômage touchera plus
de trois millions de personnes l’hiver prochain en Grande-Bretagne.
C’est là encore un grand succès des économistes
classiques qui inspirent Mme Thatcher.
Moralité : il faut recycler tous les économistes et leur
apprendre l’économie distributive !
Le grand savant et philosophe évolutionniste dont on célèbre
cette année le centenaire de la naissance (1er mai 1881), a soutenu
dans toute son oeuvre qu’il y a un sens de l’évolution, qui est
« complexification », qu’avec l’homme, l’évolution
devient consciente et de plus en plus « auto- dirigée »,
« l’artificiel prolongeant et relayant le naturel, le social prenant
valeur d’ultra-organique » ; il voyait dans l’Histoire le prolongement
du développement biologique, et dans l’Invention Sociale l’épanouissement
de l’invention biologique », laquelle est corrélative de
l’évolution psychique.
L’une et l’autre ont fourni à l’être vivant, à travers
les processus évolutifs, des moyens de plus en plus perfectionnés
pour se libérer des mécanismes et des automatismes, pour
échapper aux contraintes du milieu (variations de température
ou limitations de l’espace), pour obtenir une plus grande efficacité
avec une dépense d’énergie décroissante. En bref,
l’évolution est une conquête progressive du plus-être
et de la liberté, au dépens du déterminisme et
de la fatalité. Et toute aventure humaine, malgré ses
fréquents reculs, est une marche générale dans
la même direction : l’histoire du travail et celle de la technique
en sont une éloquente illustration.
Au cours des diverses manifestations par lesquelles sera célébrée
son oeuvre, on parlera sans doute beaucoup de ses conceptions théologiques,
de ses travaux paléontologiques et de sa thèse de l’évolution
convergente, mais il n’est pas certain que l’on évoquera l’idée
du « temps libre » qu’il avait parfaitement exprimée,
comme en témoignent les passages suivants de son oeuvre :
« ...L’énergie libre ici considérée n’est
rien autre chose que la quantité d’activité humaine (à
la fois physique et psychique) rendue disponible par les deux progrès
conjugués de l’entraide sociale et de la mécanique. Comme
j’ai eu l’occasion de le dire et de redire, rien n’est plus injuste,
ni plus vain que de protester et de lutter contre le chômage grandissant
auquel nous conduit inexorablement la machine. Sans les multiples automatismes
qui se chargent de faire travailler « tout seuls » les divers
organes de notre corps, aucun de nous, évidemment. n’aurait les
"loisirs" de créer, d’aimer, de penser - les soins
de notre "métabolisme" nous absorbant tout entiers.
Semblablement (et toute part faite aux troubles liés à
l’utilisation d’une main-d’oeuvre trop brusquement relachée),
comment ne pas voir que l’industrialisation toujours plus complète
de la terre n’est rien autre chose que la forme humano-collective d’un
processus universel de vitalisation qui, dans ce cas comme dans tous
les autres, ne tend, si nous savons nous y orienter convenablement,
qu’à intérioriser et à libérer ? »
(« La place de l’homme dans la nature », éditions
du Seuil, écrit en 1949.)
*
* *
« ... Je pense au phénomène du chômage qui inquiète tellement les économistes mais qui, pour un biologiste, est la chose la plus naturelle du monde : il annonce le dégagement de l’énergie spirituelle ; deux bras libérés, c’est un cerveau libéré pour la pensée... » (« L’activation de l’énergie », éditions du Seuil, écrit en 1947.)
*
* *
Lorsque la théorie de l’évolution englobe ainsi les problèmes sociaux, les problèmes politiques, les problèmes de civilisation, le « temps libre », qui vient d’entrer dans le vocabulaire politique avec la création d’un ministère qui porte ce nom, prend une haute signification. Il ne s’agit plus de l’exploitation touristique des « loisirs ». C’est le début d’une prise de conscience que les buts et les moyens de l’évolution humaine ne résident pas dans la « création d’emplois », chère à nos gouvernants anciens ou nouveaux, mais dans la conquête d’un « temps libre » de plus en plus important, condition essentielle d’évolution ultérieure, de vie intellectuelle, de création artistique et d’épanouissement spirituel et moral.
« Le Monde compte aujourd’hui plus de 30 millions de chômeurs
et leur nombre ira toujours en augmentant. En effet, le Progrès
Technique permet aux entreprises d’utiliser un machinisme de plus en
plus perfectionné qui « libérera » de leur
travail des ouvriers et des employés chaque jour plus nombreux.
Ainsi s’aggravera de façon constante le Cercle Vicieux de la
« récession »
Quelqu’un cesse de travailler, Quelqu’un cesse d’acheter...
Quelqu’un cesse d’acheter, Quelqu’un cesse de vendre...
Quelqu’un cesse de vendre, Quelqu’un cesse de fabriquer...
Quelqu’un cesse de fabriquer, Quelqu’un cesse de travailler...
On m’objectera que mes conclusions étaient vraies hier, où
l’homme privé de son travail était livré à
son malheureux sort, mais qu’elles sont fausses aujourd’hui car les
chômeurs sont secourus. Ils reçoivent, en effet, une indemnité
de chômage qui leur donne un « Pouvoir d’Achat » à
peu près suffisant pour subvenir à leurs besoins essentiels.
Mais les « indemnités de chômage » ne tombent
pas du ciel !
Ce maigre « Pouvoir d’Achat » que l’on donne au chômeur,
il a fallu le prélever, sous forme de Taxes et Impôts,
dans la poche des consommateurs qui ne sont pas encore sortis du circuit
normal de l’économie.
Donc, avec chaque nouveau chômeur qu’engendre le Progrès
Technique, disparaît le Pouvoir d’Achat d’un consommateur... et
la récession s’aggrave. » -
Les lignes que vous venez de lire sont extraites d’un rapport que j’ai
publié il y a près de 50 ans (fin 1933). Ce rapport m’avait
été demandé par Gaston Bergery, député
de Mantes, dont quelques interventions à la Chambre firent alors
sensation.
Avant de devenir cinéaste, en 1942, j’ai été, en
effet, pendant plus de 15 ans, de 1926 à 1941, industriel et
commerçant. Je me suis passionné pour les problèmes
economique qui se posaient sans cesse dans le monde, et j’ai «
vécu », tant à New-York qu’à Londres et à
Paris, les méfaits inimaginables de la Première Grande
Crise Mondiale.
Elle sévissait alors dans presque tous les pays avec une violence
bien supérieure à celle de la crise actuelle... et, je
ne sais pourquoi, personne ne paraît aujourd’hui vouloir s’en
souvenir.
Peut-être est-ce parce que personne n’a trouvé le remède-miracle
pour en sortir.
Les plus grands économistes ont été de cafouillage
en cafouillage, proposant toujours des remèdes qui étaient
pires que le mal. C’est ainsi qu’en France, le Cabinet Pierre Laval
bloqua net tout ce qui subsistait encore d’activité économique
dans le pays en instaurant sa démentielle « Déflation
» (1). Aux Etats-Unis, Roosevelt et son « Brain - Trust
» accouchaient du « New Deal » en partant dans un
sens diamétralement opposé. Ils adoptèrent une
politique joyeusement inflationniste rendant ruineuse toute thésaurisation.
Leur slogan était : « Bye now ! ». Ce « mot
d’ordre » était soutenu et commenté, dans toute :
la presse des U.S.A. par une campagne expliquant aux consommateurs qu’en
dépensant leur argent, avant même de l’avoir gagné
(ventes à crédit), ils aideraient à faire repartir
la machine économique et que cela aurait comme heureux résultat
de garantir leur emploi et d’en créer de nouveaux. Cela avait,
aux yeux de tous, l’apparence d’un raisonnement sain... et, dans un
premier temps, cela fit repartir les affaires... Mais les résultats
à moyen terme furent très décevants car, aussitôt
après le redémarrage de tout le système économique,
une nouvelle vague de ce damné « progrès technique
» - qu’aucune force humaine ne pourra jamais endiguer - fut à
nouveau génératrice de chômage et commença
à amorcer l’infernal « cercle vicieux » de la récession.
C’était, hélas, inévitable !... Les mêmes
causes - auxquelles on n’avait rien changé - produisaient nécessairement
les mêmes effets.
Non, ce n’est pas comme on le croit souvent, Roosevelt et son «
Brain Trust » qui ont sauvé l’économie américaine...
c’est la deuxième- guerre mondiale.
Non, dans aucun pays ravagé par la crise il n’y eut un homme
à la hauteur de la situation qui ait tenté quelque chose
de nouveau, de sensé, pour sortir les pays dits civilisés
de l’abominable et étouffant marasme dans lequel ils croupissaient.
Et pourtant il y eut en France un homme compétent, clairvoyant
et lucide : Jacques DUBOIN. Il avait compris les vraies causes du mal
dont souffrait le monde entier. Mieux, il en avait découvert
et révélé le seul remède. Mais, comme toujours
dans l’histoire des hommes, quand un être exceptionnel et désintéressé
voit très tôt, très juste et très loin, il
parvient difficilement à se faire entendre de ceux qui, détenant
le pouvoir et se croyant infaillibles, décident de la vérité
!
Jacques Duboin publia en 1932 « La Grande Relève des hommes
par la machine ». Je l’ai lu et relu dès sa parution. Je
viens de relire encore ce livre admirable où l’auteur analyse
de façon limpide et irréfutable les vraies causes de cette
première catastrophe économique et tout ce qu’il y exprime
est d’une actualité stupéfiante. A chaque chapitre on
constate que ce sont aujourd’hui les mêmes causes qui produisent
les mêmes effets... Et, comme il y a 50 ans, les plus grands experts
en économie se refusent encore à admettre les conclusions
évidentes de Jacques DUBOIN.
Personne n’a pourtant mieux que lui démontré que la situation
sans issue dans laquelle s’enlisaient presque toutes les nations du
monde, tenait au fait que leur régime économique de structure
échangiste était, dans ses principes mêmes, tout
à fait inadaptable à l’ère de production abondante
où le progrès technique venait de les faire entrer. Personne
n’a mieux que lui. exprimé que la seule solution efficace pour
tout harmoniser consiste à remplacer l’économie échangiste
par une économie distributive.
NECESSITE D’UNE EXPERIENCE DE TRANSITION
Nous voici donc fixés. Il n’existe au mal dont nous souffrons
qu’un seul remède : abandonner l’économie échangiste
et la remplacer par une économie distributive.
C’est ce que l’on appelle communément « un remède
de cheval I ». Et il est peut-être bon de se rappeler que
Molière écrivait : « Presque tous les hommes meurent
de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies ».
Bien sûr, tous les lecteurs de « La Grande Relève
» - et avec eux beaucoup de Français pas tout à
fait idiots - sont certains que si une fée bienfaisante consentait
à transmuer, d’un coup de sa baguette magique, notre économie
actuelle en une économie distributive idéale, tout irait
pour le mieux dans le meilleur des mondes.
J’ai malheureusement perdu l’adresse de cette fée !
Or, parmi beaucoup de problèmes majeurs que poserait la transformation
radicale de toutes les structures économiques, le fait qu’en
1981 les économies de toutes les nations occidentales sont étroitement
solidaires...
Le fait que leurs peuples sont farouchement attachés aux principes
de l’économie capitaliste parce qu’elle leur a, dans le temps,
apporté parfois quelques bienfaits, et ils s’accrochent désespérément,
encore aujourd’hui, à ce régime dont ils crèvent,
parce que leur banquier leur répète qu’il n’y en a pas
de meilleur... Tout cela rend tout à fait impossible (il faut
en être conscient) d’obtenir d’un gouvernement quel qu’il soit,
le moindre geste dans ce sens.
Même si cette « réforme de structures » était
imposée par la plus redoutable des dictatures, cette « révolution
économique » demanderait des années avant d’être
efficace, des années pendant lesquelles règnerait une
confusion et des troubles faciles à imaginer.
Et je suis tout à fait certain qu’en exposant simplement nos
solutions incontestables et parfaites mais tout à fait inapplicables
aujourd’hui, à des hommes politiques très ouverts aux
idées nouvelles, et même à un économiste
intelligent qui consentirait à « ouvrir les yeux »
(il y en a sans doute un quelque part !), je suis tout à fait
certain que nous ne serons pas suivis.
Il importe donc, selon moi, de rechercher et de mettre au point une
« expérience d’économie distributive » limitée
à un petit groupe représentant à peine 10 % de
la population française, un petit, groupe d’hommes et de femmes
que le hasard paraît avoir mis à dessein sur notre chemin,
un groupe finalement pas si petit que ça, puisqu’il se compose
actuellement de 1 800 000 travailleurs, travailleuses et cadres sans
emploi.
Or, justement, ce groupe crée à nos dirigeants et à
leurs économistes des tas de soucis, des tas de problèmes...
et je parierais bien que si on leur proposait une solution acceptable
de ce problème-là ils nous prêteraient une oreille
attentive.
Mais, qu’est-ce que nous leur proposerons, au juste ?
Ça, vous l’apprendrez prochainement en lisant fidèlement
et assiduement « -La Grande Relève ».
(1) Jacques DUBOIN a fait avec beaucoup d’esprit, la critique de la « Déflation » prônée par Pierre Laval, dans « En route vers l’Abondance », premier vol., p. 147.
Pour la plupart des hommes, qu’ils soient dirigeants ou dirigés,
le mécanisme le plus difficile à comprendre est le fonctionnement
de l’argent (de la monnaie et du crédit). Les hommes admettent
le pouvoir de l’argent sans essayer de comprendre pourquoi ils sont
mystifiés depuis des millénaires. Quelle insulte à
leur intelligence dont ils sont si fiers ! En effet, l’argent ne sert
pas à vivre, mais à détruire, mais pour bien le
comprendre, il faut avoir un profond éveil de conscience.
L’argent n’est sorti que de personnes avides de pouvoir et de luxe,
avides de richesses, avides d’exploiter... Le système financier
est donc une organisation mystificatrice, voilà le fait qu’il
faut vous mettre en tête 24 heures sur 24.
Il faut que vous sachiez que les céréales ne poussent
pas avec de l’argent, que les fruits ne mûrissent pas avec de
la monnaie et que l’eau ne coule pas grâce au crédit. Ces
richesses naturelles appartiennent à tous sans qu’il soit besoin
de les payer.
L’argent est instauré de façon à ce que vous ne
puissiez pas profiter de l’abondance des produits, mais de façon
à profiter aux exploiteurs.
Pourquoi trouve-t-on plus facilement de l’argent en temps de guerre
qu’en temps de paix ? Interrogez-vous, vous aurez sûrement la clé
de ce mystère.
En temps de paix, on ferme des usines qui produisent des biens utiles,
par manque d’argent ou manque de crédit.
En temps de guerre, les usines qui travaillent pour l’armement ne manquent
jamais de crédit.
L’argent-papier est-il si difficile à fabriquer ? Concluez !
Soit dit en passant
LA fête est finie. Les lampions sont éteints. Le Chant
du Départ a succédé à la Marseillaise, la
France a trouvé un nouveau président et la commune de
Chanonat un nouveau garde-champêtre en remplacement de l’ancien
atteint par la limite d’âge.
La fête est finie mais la vie continue. On s’est bien amusé,
maintenant, fini de rire et de rêver. Il faut passer aux choses
sérieuses. Et d’abord, pour les élus, tenir les promesses
faites dans le feu de la compétition durant cette longue campagne
électorale.
On voulait du changement ? Le moment est venu. Et c’est ça qui
va nous changer un peu. Avouez que si le nouveau président s’avisait
de tenir ses promesses au lieu de les mettre au placard, et qu’on n’en
parle plus, ce serait quand même une surprise.
La surprise ne sera pas encore pour cette fois, même si le gouvernement
issu du dernier scrutin, dans un bel élan de générosité,
accorde une augmentation du SMIC, comme on donne un os à Médor
pour le renvoyer dans sa niche. Médor se mettra à grogner.
Et peut-être à mordre.
Alors, on ne pourra jamais gouverner en France ? Si, mais il faudra
que cela change autrement qu’en paroles.
Voilà déjà un demi-siècle, comme disait
je ne sais plus quel tribun en mal d’éloquence, que « le
char de l’Etat navigue sur un volcan ». Rien ne va plus. L’inflation,
qui réduit sans cesse le pouvoir d’achat de ceux qui ont encore
un emploi, et le chômage, qui condamne à la misère
et au désespoir ceux qui l’on perdu, ces deux fléaux du
monde moderne, en dépit de toutes les promesses, de tous les
beaux discours et de tous les plans de redressement garantis par des
économistes patentés, ne sont pas encore vaincus.
Voilà pourquoi les princes qui nous gouvernent se réveillent
un beau matin princes qu’on sort. Devant la défaillance du pouvoir,
le citoyen moyen serait incliné à penser que nos hommes
d’Etat et tous ceux qui aspirent à le devenir sont des bons à
rien et qu’il y aurait intérêt - notre orgueil national
dût-il en souffrir - à aller chercher ailleurs, en y mettant
le prix, le sauveur que toute la France attend.
Une telle humiliation, rassurez- vous, nous sera épargnée.
Ailleurs, demandez à Michel Jobert, cela ne va pas mieux que
chez nous, et les mêmes problèmes se posent dans tous les
pays dits civilisés qui n’ont trouvé d’autre parade à
leurs difficultés qu’en se livrant entre eux à une guerre
économique sans merci.
Devons-nous désespérer ? Alors, à quoi bon continuer
à jouer à ce jeu de dupes que l’on appelle les élections
et dont l’électeur est l’éternel cocu ? A quoi bon se
fier aux promesses de représentants qui, une fois élus,
et ils le savent, seront incapables de les tenir ? Mais que l’on y prenne
garde, le découragement ce n’est pas la résignation. Si
le nouveau président, dont je ne suspecte pas les bonnes intentions,
ne veut pas finir dans la peau d’un garde-champêtre comme son
prédécesseur, il aurait intérêt, aux rares
heures de loisir que lui laissent les lourdes obligations du pouvoir,
à s’informer, s’il ne l’est déjà, d’une forme de
socialisme - ça ne sortira pas de la famille - appelée
le Socialisme de l’Abondance, réputé comme étant
une utopie par M. Alfred Sauvy, ce qui est plutôt un compliment,
et dont on ne parle guère à Sciences Po. Mais il n’est
jamais trop tard pour s’instruire.
Il découvrirait alors, ce que les grosses têtes d’oeuf
de Matignon et autres pontifes de l’économie ont toujours voulu
ignorer, que les causes profondes de la crise qui secoue la planète
ont pour origine les progrès foudroyants des sciences et des
techniques du XXe siècle. Que l’abondance succédant brusquement
à la rareté a mis la pagaille sur les marchés abandonnés
par les chômeurs victimes de la machine, et rend caduque la loi
de l’offre et de la demande en ébranlant les colonnes du Temple.
Le Temple, dont on s’efforce tant bien que mal à colmater les
fissures, ne s’en relèvera pas.
Le nouveau président a sept ans devant lui pour réfléchir
et, les causes du mal étant connues, apporter enfin un remède
au chômage et à l’inflation. Mais le plus tôt sera
le mieux.
Quant à l’ancien président, que l’on entendait encore,
en pleine campagne électorale, déclarer sans rire : «
Je suis un libéral inguérissable, une variété
unique en voie de disparition », son cas me paraît désespéré.
Que voulez- vous qu’on en fasse ?
On pourrait le mettre au château de Vincennes où il y a un musée. Et puis, le zoo n’est pas loin.
L ’OPINION courante semble s’être résignée, comme
à une fatalité, à la concurrence internationale,
alors qu’elle est la source de tant d’incohérences, de gaspillages
et d’injustices. Et l’on persiste à parler, sans qu’il soit question
d’abolir un principe aussi contraire à tout « ordre »
digne de ce nom, d’un « nouvel ordre économique mondial »...
Pour ma part, je crois possible de concevoir sur les bases suivantes
et sans attendre qu’une transformation profonde ait eu lieu à
l’intérieur des différents Etats, une organisation non
concurrentielle de l’économie mondiale, qui s’inspire des structures
coopératives.
Les nations, groupées en une Communauté, ne pratiquent
plus les échanges bilatéraux : les produits exportés
par elles sont « vendus » à la Communauté,
à qui elles « achètent » ce qu’elles désirent
importer. En dernier ressort, c’est la Communauté qui fixe les
prix. Des conventions spéciales pourraient permettre d’avantager
les pays pauvres.
Il paraît avantageux de recourir, pour ce double mouvement «
vertical » des marchandises, à une monnaie de consommation
mondiale, qui ne peut être utilisée qu’une fois : chaque
Etat reçoit, en échange des produits qu’il a livrés,
des sommes qui lui permettront de régler ses importations. La
monnaie mondiale n’est pas convertible en monnaie nationale. Des organismes
nationaux, contrôlés quand ce sera possible par les consommateurs,
devront assurer la rémunération des producteurs en monnaie
nationale et introduire dans le circuit de distribution, selon des méthodes
qui varieront nécessairement d’un pays à l’autre, les
produits importés.
Cette Communauté Internationale Coopérative a la faculté
de conseiller à ses membres les productions les plus utiles,
en tenant compte des intérêts de toutes les populations,
et en particulier des plus déshéritées. Elle constitue
en quelque sorte l’ébauche d’un pouvoir économique supranational
où les décisions seraient prises dans l’optique des consommateurs.
Très souple, le système peut être appliqué à un nombre variable de nations, et se limiter tout d’abord à un certain nombre de produits. Toute opération concernant les armements doit être exclue.
Il semble que les problèmes de l’économie mondiale, auxquels
le « Résumé de nos thèses » ne consacre
pas une seule ligne, aient été quelque peu négligés
par notre mouvement. Je souhaiterais qu’un projet soit mis à
l’étude, pour être proposé à titre de mesure
transitoire, car il s’agit là de problèmes qui exigent
une solution dans l’immédiat. Et peut-être le plan que
je viens d’esquisser serait-il susceptible de servir de base de discussion.
La publication d’un tel projet ne pourrait de toute évidence,
et même s’il n’avait pour le moment aucune chance d’être
pris en considération par les gouvernements, que favoriser la
diffusion de l’ensemble de notre doctrine.
Giscard avait introduit dans son baratin électoral, la suggestion :
« Tous les Français propriétaires ! » C’était
alléchant. Et il débitait un blablabla selon lequel, s’il
était réélu, les facilités s’ouvriraient
pour que chacun de nous accède à la propriété
de son deux pièces kitchenette et même, à celle
de sa résidence secondaire.
Tout ça c’était royalement bidon. Voici la pénible
réalité : un décret du 14 avril 1981 augmente les
tarifs des notaires, lesquels n’avaient guère besoin de cette
manne puisque leurs honoraires sont, non pas fixes comme de vulgaires
salaires, mais indexés sur le coût de la vie et même
mieux, puisqu’ils sont bénéficiaires d’un pourcentage
sur l’objet de la transaction.
Ce sont précisément ces pourcentages qui sont majorés
; alors que « Le Point » et des organes syndicaux ont révélé,
l’an passé, que des notaires gagnaient 700 000,00 F par mois
!
L’acquéreur d’un important immeuble d’un million de francs paiera
1 % à son notaire (majoration de 3,26 %).
Le candidat à la propriété d’un modeste lot de
100 000 F paiera non pas 1 %, ni 1,5, ni 2 %, ni même 2,26 % comme
auparavant, mais bien 2,56 %, c’est-à-dire une augmentation giscardienne
de 11,82 %. Le modeste supporte un taux quatre fois plus élevé
que le riche ! On voit par ce détail, malheureusement incontestable,
que le gazouillis du croqueur de diamants, n’avait rien à voir
avec le décret qu’il signait en coulisse.
Il reste aux remplaçants à renverser la vapeur : 1 % pour
les pauvres, 5 % pour les riches acquéreurs et exonération
totale des petits héritages, création d’un barème
vraiment progressif, surtaxe pour l’héritage échouant
à un individu déjà fortuné, propositions
de 75 % des notaires eux-mêmes, ainsi que nous le signale «
informations notariales » (B.P. 5, 19230 Pompadour).
CRI d’alarme accrédité par l’équipe présidentielle
sortante, aux lendemains de ses spéculations boursières
sur le franc et les valeurs mobilières (qui chutèrent
soudain de 20 %), à propos des mesures sociales prises par ses
successeurs. Car, ce ne sont pas les milliers de milliards d’armements,
ce n’est pas la politique de dévaluation qui anéantissent
l’avoir du petit épargnant, qui acculent les uns à la
faillite, et jettent les autres au chômage. Non !...
Ce sont, paraît-il, les secours sociaux : l’augmentation du S.M.I.C.,
de la retraite des vieux, de l’allocation logement, les secours de chômage,
la préservation des retraites !
Un aveuglement si systématique, une si absurde ineptie, relèvent
de la malfaisance sociale, et nous donnent la mesure de l’incompétence
des augures mis au rebut ; ce sont aussi un avertissement sur la nécessité
urgente de nous préserver définitivement de l’office de
leurs émules.
Au moment où une tentative de relèvement du pouvoir d’achat
général est projetée, à l’instant où
s’amorcent quelques pas en direction d’un socialisme distributif (acceptation
du principe de répartition des revenus sociaux sans contrepartie
de travail fourni), des réformes financières radicales
vont s’imposer pour tenir en échec les fossoyeurs du socialisme.
Et d’abord le contrôle absolu de la monnaie par la transformation
de la monnaie capitalisable, en une monnaie de consommation, émise
par l’Etat en fonction de la production.
Le marasme prédit aux Françaispourra, alors, se traduire
par unepossibilité équitable de consommation des biens
et services par tous.Les hommes pourront enfin
accéder aux biens qu’ils produisent et que l’équipement
technique réalisera toujours plus pour eux.
Une véritable solidarité des participants à la
tâche commune pourra alors se concevoir : tous auront le bénéfice
entier de leurs efforts.
Ruine ! Ruine ! Ruine ! clament les thuriféraires des privilégiés
aux abois.
Non ! Espoir de vie pour tous !