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AED _Archives_ Articles > N° 777 - avril 1980

 

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N° 777 - avril 1980

Le mondialisme s’impose   (Afficher article seul)

Pour une évolution constructive   (Afficher article seul)

Au fil des jours   (Afficher article seul)

Economie distributive et fédéralisme   (Afficher article seul)

C’est arrivé demain...   (Afficher article seul)

Sécurité ? Mensonge !    (Afficher article seul)

France, ta police fout le camp !   (Afficher article seul)

Parlons impôts...   (Afficher article seul)

Une pétition nationale : pour un débat démocratique sur l’énergie.   (Afficher article seul)

L’élimination des déchets radioactifs   (Afficher article seul)

Du côté de Plogoff...   (Afficher article seul)

Contre les exportations d’armement   (Afficher article seul)

Initiatives   (Afficher article seul)

Un tract : parlons de liberté   (Afficher article seul)

Extraits de « Fraternité Eurafricaine »   (Afficher article seul)

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Le mondialisme s’impose

par M.-L. DUBOIN
avril 1980

IL n’y a heureusement pas que les guerres qui sont devenues mondiales au 20e siècle ! Le développement des transports, leur rapidité et leur extension, les facilités de communication ont très vite élargi les possibilités de connaissance et de compréhension entre les hommes, à tel point qu’il est aujourd’hui impossible à un citoyen quelconque qui apprend les nouvelles par la télévision de se sentir parfaitement indifférent devant la misère et le malheur qui s’acharnent sur tant de ses semblables.
Même s’il estime qu’il n’est pas responsable de cette misère, il ne peut plus ne pas se sentir concerné par elle. La course au profit que mènent les gros industriels de notre société a engendré un déséquilibre catastrophique à l’échelle de toute la planète dont l’avenir même s’en trouve aujourd’hui compromis. Non seulement sur le plan physique, la pollution industrielle menaçant au plan mondial l’atmosphère qui nous protège, mais bien aussi sur le plan humain : on ne peut imaginer que des millions et des millions d’individus vont continuer à se laisser piller de toutes leurs ressources au profit de quelques-uns, sans jamais se révolter. Et comment une telle révolte pourrait-elle se faire sans violence ?
Alors que nous sommes tous concernés par le déséquilibre mondial, ceux à qui rapporte le pillage entretiennent un certain nombre de mythes, destinés à maintenir le plus longtemps possible le système économique criminel auquel ils doivent tout. Ces mythes sont de tous ordres et ils sont aujourd’hui si solidement ancrés dans les cerveaux qu’il faut beaucoup de courage pour les dénoncer.
C’est ce courage que manifeste l’auteur d’un livre remarquable, convaincant et fort documenté, qu’il faut absolument lire, faire lire, partout et à tout prix. Il s’agit de l’ouvrage de Franz Foulon, intitulé sans ambages : « UN ECOLOGISTE ACCUSE : nous sommes tous des salauds  », publié à Bruxelles par Nature et Survie.

LE MYTHE ECOLOGIQUE

Franz Foulon rappelle les méthodes de destruction des richesses naturelles, telles que les a dénoncées René Dumont, cet infatigable lutteur, celui qui a le plus combattu pour la conservation des ressources mondiales et l’amélioration du sort des populations affamées : les bonnes terres sont accaparées par les riches qui ne les exploitent pas toujours, ou mal, tandis que les paysans dépossédés sont réduits «  à cultiver les pentes où se déclenche, irrévocablement, le mécanisme de l’érosion des terres. L’absence d’humus et de sa capacité de rétention des eaux rendent, à la période de la mousson, les inondations catastrophiques ». C’est le cas en Inde, c’est le cas en Thaïlande depuis l’arrivée des « conseillers » américains », en 1959. La même chose se produit dans la Sierra équatorienne où 15 % au moins des pentes sont totalement ravagées. En Afrique, rappelle Dumont, la France intervient « militairement quand les populations rurales se révoltent contre les abus dont elles sont victimes. Il en fut ainsi au Tchad, depuis 1968, puis au Zaïre, puis au Gabon. Pourquoi soutenons-nous ces gouvernements qui écrasent les paysans pauvres ? Parce qu’ils nous autorisent à piller les réserves naturelles du Tiers-Monde ». Le sort des paysans des goulags n’est pas meilleur. « En Union Soviétique, au Cambodge, les paysans sont maltraités. Les pays socialistes ne sont nulle part socialistes ». Tandis que l’Occident, dénonce Franz Foulon, « ne laisse passer aucune occasion d’affaiblir le Tiers-Monde » ; il rappelle l’exemple de la Révolution verte, née au Mexique en 1943, à l’initiative d’agronomes de la Fondation Rockfeller, qui voulaient aider les paysans à vaincre la faim dans le Tiers-Monde. Cette Révolution verte souleva un immense enthousiasme. Mais, finalement, à qui profita-t-elle  ?
La réponse est sans ambiguïté : aux firmes agro-alimentaires, qui furent sur place, « curieusement », en même temps qu’arrivèrent les semences nouvelles (1).
Un obstacle majeur s’est dressé devant les paysans pauvres : le prix des engrais. D’après les délégués de la fondation Rockfeller, il devait baisser devant l’affluence de la demande. Déception ! la hausse des engrais azotés fut vertigineuse et les cultivateurs du Tiers-Monde ne purent nourrir suffisamment leurs récoltes. L’engrais fut accaparé et stocké par les gros fournisseurs américains en attendant de nouvelles hausses de prix, tandis que le président Carter faisait supprimer 20% des emblavures !

L’ECHEC DE RENE DUMONT

René Dumont fut aux côtés de Jacques Duboin lors de ses premières conférences. Depuis, accaparé par sa lutte spécifique, en temps qu’agronome, pour la sauvegarde des ressources naturelles, il perdit de vue la cause de tous les méfaits qu’il dénonçait : la recherche du profit. L’échec, en 1966, de son projet de création d’une Agence mondiale de développement alimenté par un impôt international de solidarité (1 à 3 % des revenus des Etats, suivant leurs moyens) aurait dû la lui rappeler. Pourquoi cet échec ? Franz Foulon résume  : parce qu’« il est vain de vouloir protéger la Nature, pour en dispenser les fruits équitablement à tous les hommes, sans modifier de fond en comble les structures fondamentales de l’économie qui la détruit ».
Cet échec prend tout son sens aujourd’hui quand on compare les buts que proposait R. Dumont à son Agence mondiale, avec l’utilisation qui est faite par la Communauté Européenne de son budget, lui-même constitué par 1% du montant des ressources propres des Etats membres : elle consacre près de 70 % de ses recettes à la couverture des dépenses agricoles, dont près de 27 milliards de francs français (nouveaux) sont destinés à... lutter contre la mévente du lait ! L’écoulement de chaque litre de lait produit « en plus » coûte à la collectivité européenne 84 % du prix payé au producteur (2) . Et on paie les paysans pour détruire leurs vaches laitières en affirmant, comme a le culot de le faire F.O. Gundelach (3) , que l’aide en produits laitiers est limitée... « par les habitudes alimentaires des pays en voie de développement qui ont à leur disposition des graisses végétales  ». Quelles habitudes alimentaires, Monsieur le Vice- Président, ont les millions d’enfants qui meurent de faim ?
« Ce système économique, responsable de la dévastation et des gaspillages des ressources de la Nature comme des conditions de vie misérable que sont celles des populations condamnées à subsister sur des terres érodées, épuisées, désertifiées, c’est le libéralisme économique  » rappelle Franz Foulon, auquel il urge de substituer un autre système, l’économie distributive, que l’auteur résume à la fin de son livre.

CES MYTHES QUI NOUS PARALYSENT

Auparavant, il dénonce un autre des mythes obstinément entretenus, le mythe démographique selon lequel la croissance des populations pauvres est un phénomène inexplicable et contre lequel il faut lutter par le contrôle des naissances. Cette croissance résulte précisément de la pauvreté des populations concernées, comme l’a scientifiquement démontré le Pr. Josué de Castro. La lutte contre la démographie galopante passe ainsi par la lutte contre la faim et par l’abolition du système économique responsable de cette faim.
Puis Franz Foulon dénonce le mythe religieux, selon lequel l’Eglise se place toujours du côté de ceux qui souffrent ou lutte contre toutes les injustices ; il dénonce le mythe de l’Etat militaire, car l’armée est à la dévotion des gros industriels pour qui la paix est indésirable : « La poursuite d’un système fondé sur la guerre est jugée préférable à un système fondé sur la paix » et ses dangers économiques.

UN LIVRE A FAIRE LIRE

Le livre de Foulon est trop riche, trop dense pour être seulement résumé. Il faut le lire pour en retenir une foule d’arguments et de solides références en faveur de nos thèses. Et il faut le faire lire en insistant non seulement, comme le fait Foulon, sur l’argument logique, à savoir que l’économie distributive est le système économique imposé par les moyens techniques dont nous pouvons jouir au 20e siècle, mais aussi sur l’argument humain : il repose sur une monnaie non thésaurisable, ce qui entraîne une foule de conséquences essentielles  : il supprime le profit, il supprime le marché. Il libère donc les échanges humains de l’intérêt mercantile. Il met ainsi fin à l’exploitation de l’homme par l’homme, à la lutte entre classes ou entre peuples. Il donne enfin aux mondialistes la possibilité de réaliser leurs projets fraternels par la création d’organismes mondiaux veillant à la justice entre les peuples et à la satisfaction de leur réel épanouissement. En un mot il rend possible le socialisme en ce monde.

(1) Le mécanisme en a été analysé par Susan George dans son livre « Comment meurt l’autre moitié du monde ».
(2) Précisions données par F.O. Gundelach, Vice-Président de la Commission des Communautés Européennes, chargé des questions agricoles.
(3) « Le Monde » des 2-3 mars 1980.

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AGRICULTURE ET ECONOMIE

Alors que les ministres de l’Agriculture des Neuf pays de la C.E.E. viennent d’échouer devant ce qu’on ose appeler le problème de la surproduction agricole, Jean Mestrallet estime que la distribution de revenus à tous ceux qui ont besoin de cette production sans avoir l’argent pour l’acheter est un excellent moyen d’introduction pour l’économie distributive : il pourrait constituer une « mesure transitoire » vers cette économie des besoins.

Pour une évolution constructive

par J. MESTRALLET
avril 1980

C’EST à partir des excédents agricoles et des autres produits de grande consommation que l’on peut suggérer une mesure transitoire. Il suffit, pour cela, de reprendre le projet établi par André Barillon, voilà une vingtaine d’années :
- augmentation progressive mais substantielle des bas revenus, en commençant par les « économiquement faibles » ;
- financement de cette augmentation par l’expansion monétaire et non par l’impôt.

« Que l’on ne crie pas à l’inflation ! Car en ne recourant pas à l’impôt, on peut véritablement bloquer les prix. Alors qu’en utilisant l’argent des contribuables à des fins multiples, pour stocker les invendus ou augmenter ses pensionnés et fonctionnaires, l’Etat provoque la hausse des prix. Inévitablement, les entreprises font passer les impôts dans les prix de vente  ».

J’en profite pour adresser une mise en garde aux agriculteurs  : qu’ils ne s’imaginent pas, surtout, résoudre leurs problèmes en augmentant les prix à la production ! Dans les conditions actuelles, ils ne peuvent qu’accroître la mévente. Seuls en bénéficieront les très grands exploitants à la marge bénéficiaire confortable.
Pour soulager un peu l’agriculture, il n’y a guère qu’un moyen  : diminuer la mévente, en augmentant la consommation.

Or, qui va augmenter sa consommation ? Certainement pas les hauts revenus.
Ce sont les gens qui se privent aujourd’hui... mais il faut leur en donner les moyens financiers.
Peut-être faudra-t-il quand même, pendant la période transitoire, opérer un réajustement des prix à la production ? C’est possible, sous réserve qu’il ne soit pas multiplié par le commerce et que la hausse des faibles revenus se poursuive jusqu’à disparition de la misère.
Elle entraînera du même coup une amélioration des revenus des agriculteurs. Ce qui est juste, car c’est une honte d’en voir autant réduits au S.M.I.C. ou à moins encore !...

On ne peut pas dire à l’avance combien durera la période transitoire. Elle aura une grande importance, car elle conditionnera la mise en place de l’Economie Distributive dans ses grandes lignes.
Quel que soit, d’ailleurs, le projet qui succédera au régime actuel, ses auteurs sont condamnés à réussir vite. Les premières mesures doivent apporter des progrès immédiats, sous peine d’échec. Celle que nous proposons offre l’avantage de ne rien bousculer, tout en améliorant fortement la situation. Il en résultera un climat favorable aux changements ultérieurs  : les intéressés pourront- ils refuser de maintenir et d’accroître l’amélioration ?

Comment fonctionnera l’économie une fois le nouveau régime en place ? Il est difficile de le dire à l’avance : comme le prévoyait Jacques Duboin, cela dépend de la situation à ce moment.
Mais nul besoin d’éterniser le débat là-dessus, de tomber dans cette manie politique des discussions sans fin. On peut, et on doit, imaginer des structures, sans pour autant les figer. Une fois adoptées, elles doivent fonctionner un certain temps pour savoir si elles marchent bien. Si c’est le cas on les maintient, sinon, on les modifie ou on les remplace. C’est une habitude à prendre en politique, comme on expérimente en sciences.
Il s’agit là d’un principe général. Pour l’agriculture, comme pour le reste, il faudra la participation active des intéressés eux-mêmes. En premier lieu, ils doivent bien savoir ce qu’ils veulent :
- une augmentation, ou un maintien de leur revenu ;
- la garantie de ce revenu ;
- un allègement de leur travail ?

Il est possible aujourd’hui d’obtenir les trois, mais pas n’importe comment. Les paysans ont droit aux loisirs comme les autres. Mais, comme nous l’avons vu, cela exige plus de monde à la campagne.
On pourrait s’inspirer de la méthode utilisée dans la Loire (voir G.R. de janvier), ou des G.A.E.C. (Groupements Agricoles d’Exploitation en Commun). Nous y reviendrons.

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Au fil des jours

par J.-P. MON
avril 1980

En 1973, au Brésil, afin de dissimuler l’ampleur de l’inflation, M. Delfi Netto, super-ministre des Finances, n’avait pas hésité à corriger l’indice du coût de la vie en le basant sur les prix théoriques fixés par le gouvernement et non ceux constatés sur le marché.
Il semble bien que M. Netto ait fait école. Et ce n’est pas R. Barre qui dira le contraire.

*

« Les années 80 seront marquées par de prodigieuses modifications des techniques de production. Nous ne pouvons pas en rester à un système social déjà ancien ».
Cette déclaration presque révolutionnaire en cette période de grisaille généralisée n’émane pas d’un syndicat dit de gauche mais de F. Ceyrac, président du C.N.P.F. Mais n’ayez pas de fausses joies, il n’en est pas encore à l’économie distributive.
Comme tant d’autres, il fait une analyse correcte de la situation économique, mais il en tire des conclusions farfelues.
Ceyrac considère l’industrie comme le « fer de lance » du développement. II pense qu’une fois le secteur industriel développé, « le secteur tertiaire se développera ensuite, et tout seul. Quant à l’importance à donner aux emplois d’utilité collective, elle demeure marginale ».
F. Ceyrac se moque du monde. Il sait très bien que l’industrie ne crée plus d’emplois et que le tertiaire débauchera bientôt tout autant que le secondaire. Quant aux emplois d’utilité collective, dont nous avons tant besoin, ils n’intéressent pas M. Ceyrac car ils ne sont pas générateurs de profit.

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Parmi les « moteurs » du développement industriel, on nous parle souvent de l’industrie automobile mais tous les économistes sérieux s’accordent à prévoir une grave crise à brève échéance dans ce secteur. (Nous vous en parlerons en détail dans un de nos prochains numéros). Pour le moment, voici ce que déclarait le patron d’une grande société française
« Il n’y a pas de miracle, les emplois que nous créerons dans le Nord se traduiront par une compression, au moins équivalente, dans la région parisienne. Comment opérer autrement alors que la défense de notre compétitivité exige non seulement le plafonnement mais la diminution de nos effectifs ».

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« L’usage croissant de la micro- électronique dans les bureaux et les usines va lourdement contribuer à l’aggravation du chômage en Europe de l’Ouest, à moins que les gouvernements ne changent radicalement leur politique de l’emploi ».
Telle est la principale conclusion d’un rapport effectué par l’institut des syndicats européens sur l’impact de la micro-électronique sur l’emploi.
Le rapport cite un certain nombre de secteurs (horlogerie, télécommunications, ...) où l’emploi a fortement chuté ces dernières années du fait de l’introduction de la micro-électronique.

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En Belgique, pour « sauver » la sidérurgie, l’Etat et le secteur privé vont investir l’équivalent de 5 milliards 700 millions de francs français d’ici à 1985 et procéder à 3 920 suppressions d’emplois. Moyennant quoi la production pourrait passer de 17 à 20 millions de tonnes par an.
Que le gouvernement et le patronat nous racontent des sornettes sur le développement industriel et le plein emploi, je le comprends fort bien pour des raisons évidentes de profit. Mais je suis atterré de lire le même type d’inepties dans la presse syndicale (de gauche). Jugez vous-même :
Dans le numéro de septembre- octobre 1979 de « Cadres CFDT » on pouvait lire dans un article intitulé « Réorienter la croissance pour résorber le chômage » :
« S’abstenir, comme on l’a proposé plus haut, d’accélérer artificiellement le processus de substitution de capital au travail et réformer dans ce but le mode de financement de la Sécurité sociale, c’est aussi un moyen d’économiser l’énergie tout en accroissant le volume de l’emploi. En effet les machines consomment de l’énergie importée et rare pendant que des travailleurs sont là, en chômage, offrant une énergie qui se perd par refus de l’utiliser ».
Autrement dit, au lieu de mettre un tigre dans son moteur », monsieur le cadre de la CFDT préfère faire tirer sa voiture par des chômeurs. Dans les pays sous-développés il y a des pousse-pousse !
Au lieu de réclamer le plein emploi, les cadres CFDT feraient mieux d’exiger le plein revenu pour tous.

*

Belle victoire du gouvernement conservateur britannique : depuis qu’il gère les affaires de la Grande-Bretagne, le taux d’inflation annuel est passé de 9,3% à 18,4% et, comme en France, Mme Thatcher attribue cette hausse à l’augmentation du prix du pétrole. C’est assez plaisant quand on sait que la Grande-Bretagne exporte du pétrole, que ce pétrole est extrait et raffiné par des compagnies anglaises nationalisées qui ont aligné le prix du baril sur celui des pays de l’OPEP !

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TRIBUNE LIBRE

Economie distributive et fédéralisme

par P. HERDNER
avril 1980

LA nature même des relations qu’établit le système distributif entre le pouvoir national et les individus comporte le risque d’une centralisation excessive. Une bureaucratie paralysante aboutirait à un grave échec tant sur le plan économique que sur le plan humain. Heureusement, il est possible de tempérer la rigueur de la planification par la diversité et la souplesse propres aux structures fédérales.
Voici les avantages du fédéralisme :
- Grâce à une connaissance exacte des problèmes qui se posent à leur niveau, les pouvoirs locaux sont à même de leur trouver les solutions les plus valables, tout en évitant les lenteurs administratives.
- Les individus, associés aux décisions à prendre, contrôlent efficacement des autorités élues qui restent « à l’échelle humaine » ; celles-ci à leur tour, mieux qu’un pouvoir plus lointain, exercent les contrôles nécessaires sur l’exécution du travail.
- L’ambition de créer, sur le plan local, une oeuvre exemplaire est un stimulant incomparable ; on s’intéresse peu à une entreprise qui est entièrement dirigée d’en haut.
- Enfin le fédéralisme et ce n’est pas le moindre de ses avantages, permet aux pouvoirs locaux ou régionaux d’expérimenter les modalités diverses des nouvelles structures. Il permet aussi d’inclure ultérieurement dans un ensemble plus vaste les expériences qui auraient pu être tentées sur des territoires d’étendue restreinte.

Je tiens à préciser que sur deux points au moins je me sépare nettement d’un certain fédéralisme d’inspiration proudhonnienne. Pour ses adeptes, le pouvoir d’en haut aurait surtout pour fonction de coordonner les initiatives émanant des niveaux inférieurs et d’arbitrer les conflits, ce qui affaiblit exagérément le lien fédéral. Et ils jugent que le fédéralisme, étant par lui-même la révolution totale, suffirait à définir une conception révolutionnaire de l’économie ; en fait, ils envisagent de fédérer des groupes de producteurs, en formant des organisations professionnelles, dont le souci majeur ne saurait être l’intérêt général. Je pense au contraire que la souveraineté des consommateurs implique nécessairement pour l’ensemble du système une certaine cohésion, et qu’il s’agit pour nous d’insérer le principe fédéraliste dans la conception préalablement définie du socialisme distributif.

Or il existe une sorte de convergence naturelle entre fédéralisme et économie des besoins. Celle-ci peut être représentée schématiquement par une collectivité restreinte dont les membres actifs, répartis entre diverses unités de production, assurent l’approvisionnement. Il est donc facile d’adapter à la relation consommateurs-producteurs, telle qu’elle apparaît dans ce schéma, le principe fédéraliste d’un partage des pouvoirs entre une collectivité et les groupes dont elle se compose : l’ensemble des consommateurs aura le pouvoir d’orienter la production et de répartir les biens entre tous les individus, actifs et non-actifs ; mais chacune des unités de production sera autonome, c’est-àdire libre de décider de son organisation interne et de ses méthodes de travail, et elle pourra dans certains cas au moins être propriétaire des installations, des instruments et du sol.
Des problèmes un peu plus complexes vont se poser à nous si nous tentons d’appliquer la même conception d’ensemble à une surface tant soit peu étendue.

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Soit dit en passant

C’est arrivé demain...

par G. LAFONT
avril 1980

Il y avait du monde, ce matin- là, sur la Grand’Place de Saint Céré, et pas seulement des péquenots, quand M. le Président de la République, précédé de la fanfare municipale et du corps des sapeurs pompiers en tenue de gala, arriva devant le monument érigé par souscription nationale à la gloire de l’enfant du pays, Pierre Poujade, au pied duquel l’illustre papetier soi-même l’attendait rouge de confusion.
On était - comme le temps passe ! - en avril 1988. Giscard terminait son deuxième septennat, et comme il se trouvait bien à l’Elysée il ne voyait pas d’inconvénient, si les FrançaisesFrançais le lui demandaient gentiment, à y rester encore sept ans de plus. Juste le temps de juguler l’inflation et de résorber le chômage.
Mais faisons un petit retour en arrière...
Dix ans auparavant, alors que la France, en plein essor économique se lançait pour le sprint final dans le peloton de tête de la compétition internationale, avec à peine deux millions de chômeurs et un déficit budgétaire de quelques petits milliards de francs, la crise de l’énergie survenait sans qu’on l’ait vue arriver, pour ruiner tous nos espoirs.
Un ayatollah en délire qui se mettait à prêcher la guerre sainte, les émirs d’Arabie qui fermaient leurs robinets, il n’en fallait pas plus pour semer la panique et transformer le redressement définitif en récession et la récession en pagaille générale.
La crise. L’or flambait, la Bourse baissait. Le prix du pétrole était devenu prohibitif. On n’en était pas encore arrivé au point critique annoncé par un mauvais plaisant de voir le litre de super atteindre le prix du beaujolais nouveau. Mais on n’en était pas loin. Du reste, on ne trouvait déjà plus de beaujolais nouveau. Peut-être le mettait-on dans les bagnolles.
La situation devenait préoccupante. Mais pas encore désespérée. On pouvait à la rigueur attendre des jours meilleurs en chantant « a ira mieux demain ». Mais’ les élections présidentielles approchaient. Et pour Giscard, entreprendre une campagne électorale dans un tel climat politique avec, en plus, la casserole des diamants de Bokassa accrochée au derrière, c’était courir au désastre.
Il fallait pourtant en sortir. On cherchait. Un matin, dans sa salle de bains. comme Archimède, un économiste distingué eut une soudaine illumination.
Il faut, se dit-il, exporter pour vivre. Mais pour exporter il faut produire. Pour produire il faut du pétrole. Et pour payer le pétrole qu’on n’a pas il faut exporter. Or, puisque nous n’avons pas de pétrole en France, mais tout de même quelques idées, il ne reste plus qu’une solution faire notre pétrole nous-mêmes.  »
L’idée était lancée. Faire du pétrole ? Facile. La matière première ne manquait pas chez nous. On en trouvait partout, dans la mer, dans l’air, dans la terre, les broussailles, le varech, la bouse de vache - mais si -, la betterave, et dans le topinambour.
Et c’est Pierre Poujade, alors en voie de recyclage, qui allait donner le coup d’envoi de la campagne nationale pour le nouveau carburant, en roulant à 120 km à l’heure avec l’envoyé spécial du JOURNAL DU DIMANCHE dans une bagnolle alimentée au jus de topinambour. Et tout le pays a suivi.
Du Nord au Midi, de l’Est à l’Ouest, la France s’est couverte de topinambours. Partout le rhizome miraculeux, si longtemps dédaigné, surgissait des terres fraîchement labourées, des landes incultes, des garrigues abandonnées. On ne voyait plus que çà, au bord des routes, dans les squares publics, aux balcons et aux fenêtres. Jusque sur les Champs-Elysées, où M. Chirac, le maire d’alors (1), le faisait garder par des C.R.S. armés.
Quelques mois plus tard, en avril 1981, Giscard, après avoir annoncé que la récolte du topinambour estimée en équivalent pétrole, suffirait non seulement à couvrir nos besoins énergétiques, mais serait largement excédentaire, se faisait triomphalement réélire Président de la République...
... Ce fut une belle cérémonie dont tout Saint-Géré se souvient encore aujourd’hui. Après le discours du Président, le dépôt d’une gerbe de topinambours au pied du monument, l’exécution de la Marseillaise, version Giscard, par la fanfare municipale, la foule se dispersa, tandis que sonnaient les douze coups de midi.
Mais la journée n’était pas finie pour Giscard. Le programme comportait encore, selon l’usage, une visite chez des autochtones qui lui offraient un gueuleton. A la pensée que Saint-Céré n’est pas loin de Sousceyrac (un des fleurons de la gastronomie française), il sourit et hâta le pas.
Il ne fut pas déçu. Ses hôtes, tout fiers de recevoir le Président de la République, avaient bien fait les choses. Au milieu de la grande table recouverte d’une nappe blanche trônait un énorme plat de topinambours. De quoi régaler une compagnie de C.R.S.
Il fallait bien résorber les excédents.

(1) Ça m’a échappé !

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Sécurité ? Mensonge !

par R. CARPENTIER
avril 1980

JE suis toujours très désabusé de ne pouvoir crier au travers de mon poste de télévision un démenti sur les mensonges éhontés dont la diffusion officielle nous rebat les oreilles ; comme ce fut le cas encore une fois aux dossiers de l’écran le mardi 12 février à 20 h 30 sur le sujet de la « sécurité dans les villes  ». L’insécurité est un produit de l’inégalité économique donc de la société de profit. Comment peut-on dans ce cas lutter contre la criminalité ? C’est quasiment impossible sans changer de société.

Les gouvernants et tous les tenants du pouvoir disent que le renforcement des effectifs de police assurera la santé des particuliers. Ce n’est pas vrai. Les forces de répression sont créées pour sévir contre les opposants politiques au régime. lis se fichent pas mal des délinquances criminelles, des truands et autres gangsters parce que les criminels de droit commun ne sont pas dangereux pour la stabilité du gouvernement et des institutions capitalistes. Quand ils attaquent une banque ou commettent un crime c’est là un fait divers sans grande importance juste bon à justifier l’existence des policiers, ainsi que des magistrats d’ailleurs. Alors que les révolutionnaires, tous les contestataires et penseurs non conformistes qui haïssent la société capitaliste sont pour eux autrement dangereux en voulant renverser le régime marchand, écraser l’injustice sociale et supprimer l’inégalité économique. Voilà les véritables raisons de l’augmentation des effectifs de police !

Qu’ils ne viennent pas nous dire qu’ils s’inquiètent de la montée criminelle dans la société. C’est de la poudre jetée aux yeux des bonnes consciences qui pètent de peur. Je dirai même qu’un cambriolage spectaculaire, voire un assassinat crapuleux, est bien venu dans les milieux officiels, dans un moment de trouble social parce qu’il canalise l’esprit populaire et détourne l’attention des gens - les journaux à grand tirage y aidant - des problèmes sociaux et des agissements impopulaires des gouvernants. La sécurité des gens passe au second plan ; mais la leur est autrement plus importante, leurs avoirs, leurs privilèges, ne sauraient souffrir qu’on envisage de les supprimer un jour. C’est la raison pour laquelle des criminels de droit commun sont peut-être condamnés à la prison, mais les révolutionnaires, tous les opposants au régime capitaliste sont non seulement inquiétés, tracassés, arrêtés mais très souvent torturés et parfois même jusqu’à ce que mort s’ensuive. Nous le voyons nettement dans tous les pays totalitaires, à l’Ouest comme à l’Est et d’une façon générale dans tous les pays du monde où est installé le capitalisme ou l’Etat. La répression politique passe au premier plan des préoccupations des gouvernants. Ils doivent étouffer les cris de révolte des démunis, des déshérités pour sauvegarder leurs possessions, leurs privilèges.

Aujourd’hui dans nos sociétés aux technologies avancées, créant l’abondance, les différences sociales, les inégalités économiques, sont tellement aberrantes qu’il apparaît nettement à tout esprit éclairé qu’il est possible de passer du régime marchand à la société distributive. Et cela leur est d’autant plus insupportable que leurs réactions deviennent plus sauvagement répressives.
Mais qu’ils le veuillent ou non, un jour viendra où toutes les sociétés de profit disparaîtront, malgré les formes de répression qui n’empêcheront pas l’Egalité Economique de s’instaurer, et du même coup la disparition de toute criminalité et l’inutilité de toutes les polices.

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France, ta police fout le camp !

par H. de JOYEUSE
avril 1980

Les fonctionnaires retraités du Ministère de l’Intérieur renâclent. Dans « Police Nouvelle  » (organe du Syndicat National des policiers en civil) de novembre 1979, on lit :

« Monsieur Bonnet appartient à cette prestigieuse phalange du « libéralisme avancé » dont la politique sociale consiste à privilégier les privilégiés et à maintenir dans la pauvreté les moins favorisés. Compte tenu de cet état de fait. on ne peut que douter du «  libéralisme » des libéraux et nous ne manquerons pas de le rappeler à la veille de 1981. Voyez-vous, M. Bonnet, les retraités sont sentimentalement attachés à l’honneur des hommes, à la parole donnée. En conséquence, ne vous étonnez pas si, dans deux ans. les 10 millions de retraités proclament lors de l’élection présidentielle « n’importe lequel, mais pas le intime ».

Quant aux actifs, ils rouscaillent contre la militarisation de la police. Le même Bonnet ayant décidé de prendre sous son chapeau le recrutement des Enquêteurs, parmi d’anciens militaires, dans la proportion de 85 % !

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Chronique de l’Elysée-Palace

Propos recueillis par Jacques VEAU (ex BONHOMME) Français Moyen et rapportés par E.R. BORREDON.

Parlons impôts...

par E.R. BORREDON
avril 1980

Je vais vous parler aujourd’hui de l’impôt sur le revenu des personnes physiques, l’I.R.P.P.
Vous avez reçu en leur temps les feuilles de déclarations et vous les avez adressées, dûment et régulièrement remplies et signées au Centre des Impôts dont vous dépendez.
Nous avons pris soin cette année de les rendre plus attrayantes et vous avez certainement apprécié la couleur verte des fêtes de chapitre rappelant agréablement la proximité d’un printemps précoce. Evidemment. les feuilles que vous recevrez en automne par l’intermédiaire de votre percepteur seront plutôt grises, mais nous n’y sommes pas encore et chaque chose en son temps.
Cet impôt sur le revenu. je le connais bien, l’ayant manipulé tout au long de ma carrière d’Inspecteur des Finances, puis en qualité de ministre de ces dernières. Je dois avouer aujourd’hui que je suis l’un des principaux responsables des mesures qui ont transformé une contribution à l’origine destinée à répartir entre tous les citoyens de notre pays une participation plus équitable aux dépenses nationales, en un véritable piège à contribuables.
A ma place, Coluche n’aurait pas manqué de réduire à sa première syllabe ce dernier vocable. Et c’eut été justice.
Que s’est-il donc passé pour que ce qui aurait dû n’être qu’un prélèvement sur les revenus excédant le nécessaire se soit transformé en un impôt frappant essentiellement en définitive la majorité des petits et moyens salaires, et cela, en contradiction formelle avec le principe d’après lequel il avait été instauré ?
Eh bien ! c’est que. sous sa forme actuelle, il est devenu l’impôt du nombre et. à ce titre, plus facile à collecter.
D’une part, en effet, la plupart des assujettis ont suffisament de soucis quotidiens à prendre en considération pour s’appesantir sur ce tracas supplémentaire.
D’autre part, les contraintes de l’assiette et du recouvrement leur interdisent toute défense efficace. Les salariés étant parfaitement connus des services de l’assiette.
Toute omission des éléments du « train de vie » (loyer, voitures, yatchs, chevaux de course) dans la déclaration souscrite entraîne une amende de 500 francs. Par contre, et je peux vous l’assurer en toute sincérité, en matière de diamants, aucune amende n’est prévue.
Et tout retard dans le règlement entraîne une majoration de 10 % !
Tout cela concourant à fournir au budget national une source de recettes bien commode et saris aléas qu’il aurait été insensé de ne pas exploiter.
C’est que moi-même et mes collaborateurs administratifs n’a. tons pas manqué de faire, sans la moindre vergogne.
Jugez-en !
Le produit de l’I.R.P.P. est passé de 12 milliards en 1960 à 38 milliards en 1970.
Il sera de 116 milliards en 1980.
Dans le même temps le nombre des assujettis a été multiplié par 3, passant de 5 millions à 15 millions environ, c’est-à-dire à la grande majorité des salariés dont la moitié ne dispose pas d’un salaire mensuel supérieur à 3 000 francs !
Mais pour rendre plus supportable aux travailleurs un prélève. ruent auquel il leur est impossible de se soustraire, nous avons eu l’astuce d’intensifier avec un grand renfort de publicité la chasse à la fraude fiscale.
Bien sûr, il y a quelques bavures et, si le gros gibier a tous les moyens de se défendre et y par. vient fort bien. le petit, par contre, perdu dans le maquis des textes réglementaires, volontaire. ment présentés sous une forme complexe dont l’interprétation le dépasse, en vient quelquefois à recourir au suicide.
Je le déplore, évidemment.
Mais ils ne sont pas très nombreux.
Par contre, il y a là une compensation psychologique pour les assujettis salariés qui, eux au moins, ne courent pas le même risque.
L’I.R.P.P. représente à lui seul de 20 à 25 % environ des recettes du budget national.
Peut-on dans ces conditions envisager une réforme qui le rendrait plus équitable dans son assiette et dans sa répartition  ?

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Une pétition nationale : pour un débat démocratique sur l’énergie.

par M.-L. DUBOIN
avril 1980

Une de nos lectrices de la région lyonnaise nous transmet un appel pour signer une pétition nationale. Cet appel provient de plusieurs organisations départementales (CFDT, CSF, CSCV, RG, PS, PSU, Amis de la Terre, UFC, MAN, Comité Malville, FEN, et Ligue des Droits de l’Homme).
Il rappelle tout d’abord que sans aucun débat au Parlement, ni bien sûr dans le pays, le gouvernement a fait adopter en Conseil des Ministres un programme tout-nucléaire, présenté comme un impératif : on doit lui sacrifier tout bon sens et tout sens critique. Le tract rappelle fort bien que, si l’argument utilisé a été la « crise du pétrole », cette décision est cependant le couronnement d’efforts déployés en coulisse par un groupe de gros intérêts... à forte pression.
Ayant énuméré les dangers du tout-nucléaire, tant sur le plan de la santé que sur le plan social, ce texte propose concrètement quelques sérieuses économies d’énergie dans l’industrie, elles pourraient aller jusqu’à 50 % sans diminuer la production, dans les transports, en donnant pour les personnes, la priorité aux transports en commun et, pour les marchandises la priorité au rail.
Citons :

le rail consomme 6 fois moins d’énergie
occupe 4 à 5 fois moins de surface au sol
engendre 10 fois moins de pollution
est 100 fois moins meurtrier
que la route

Coût social du kilomètre voyageur en région parisienne :
transport collectif : 1,669 F.
voiture particulière : 3,780 F.

Il réclame, avec justesse, que tout soit mis en oeuvre pour une production d’énergie qui soit la plus diversifiée possible... et se réjouit à l’idée que ceci créerait 250 000 emplois...
Comme tous les syndicats et les partis politiques, fussent-ils de gauche, les signataires de ce texte voient hélas dans le travail et la création d’emplois un véritable idéal !
Exigeons avec eux qu’un véritable débat démocratique soit enfin ouvert sur la politique énergétique. Mais souhaitons que ceci permette de débattre aussi sur l’utilité des emplois existants ou à créer, sur la finalité de la production réalisée.
Est-ce du travail pour tous et toute la vie jusqu’à épuisement, ou un revenu décent assuré pour tous qu’il faut exiger  ?

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L’élimination des déchets radioactifs

par P.-N. ARMAND
avril 1980

L’élimination des déchets radioactifs, résultat inévitable des Centrales nucléaires, pose un problème crucial. Moyennant quelques yens réévalués, le Japon a trouvé, seul, la solution : il les exporte en France, où ils sont « traités » aux risques et périls du destinataire, à La Hague (Calvados).
Les Suisses, qui semblent aussi maladroits que quiconque en ce domaine, pensaient avoir trouvé une solution semblable en expédiant en Hollande les déchets de leur Centrale de Beznau, en échange du paiement en FS. Hélas, 54 fûts contenant ces dangereux déchets, qui devaient être immergés au large des Pays-Bas, ont fait retour à l’expéditeur. Mal conditionnés, ils avaient provoqué de la contamination dans le port d’ljmuiden (NL). Les Suisses ont reconnu que des erreurs s’étaient produites successivement lors des travaux de conditionnement, puis au stockage intermédiaire, enfin à l’emballage définitif à Würrenlingen. Chaque fois du liquide radioactif a été libéré. La Direction de Beznau a déclaré que seulement 20 fûts avaient fuit parce que l’on avait, en quelque sorte, économisé sur le ciment par rapport à l’eau. Quant aux 34 autres, ils ont été endommagés, car peu solides, les secousses les ont détériorés, ou parce que manipulés un peu rudement par les dockers ( ?). La Division de Sécurité (DSN) conclut son rapport en soulignant qu’il n’y a eu aucune victime, les déchets étant faiblement radioactifs et suggère, pour l’avenir, de nouvelles précautions. Notamment, placer ces fûts tête en bas, avant le voyage, ce qui paraît le fin du fin de la sécurité.
Les Hollandais, qui ont déjà expédié un millier de fûts helvètes dans leurs flots, ont renoncé à la recette de Francs suisses cette année et, on ne sait pourquoi, ont procédé à l’immersion annuelle 1979 de leurs propres déchets au large des côtes d’Irlande. Ils auraient économisé du fuel, en procédant à ces immersions en baie de Seine... moyennant quelques Florins.

(Source « Gazette de Lausanne », 13-7-79)

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Nous publions ci-dessous la lettre ouverte au Président de la République, que nous a transmise une de nos lectrices, Micheline Weis :

Du côté de Plogoff...

par M. Weis
avril 1980

Monsieur,
La relation des sévices gouvernementaux sur le site et la commune de Plogoff et ses environs, la semaine dernière, vient renforcer la certitude ressentie par un nombre croissant de citoyens et citoyennes contribuables, face à l’arbitraire d’Etat en matière d’option des énergies. Sévices qui traduisent en outre et de façon cynique le mépris d’un pouvoir centralisé à l’égard d’une région et de son droit d’autodétermination économique et culturelle.
A l’appui des droits pleinement légitimes de la population bretonne concernée, nous pouvons citer les arguments d’évidente compétence de M. Haroun TAZIEFF, repris ce Jour encore dans l’émission de Claude VILLERS sur FRANCE-INTER. Arguments démontrant, outre le gaspillage éhonté des énergies depuis l’époque de la « promotion » du pétrole jusqu’au « tout-électrique - tout-nucléaire » - démontrant clairement la TOUTE-PUISSANCE des GROUPES DE PRESSION (non seulement français mais multinationaux) sur les élus de la Nation.
Les chocs de Plogoff font ressortir une vérité criante : derrière les choix d’E.D.F. s’installent les intérêts d’une oligarchie technocratique uniquement animée par une volonté de PROFIT. volonté au demeurant aveugle quant aux conséquences ultérieures des actes qui en découlent. La répression honteuse des forces dites de l’ordre sur le site de Plogoff prouve encore ceci : les dirigeants d’un Etat prétendu démocratique agissent en valets des puissants groupes de pression de la haute finance inter-multinationale, dont les bénéfices colossaux ne reposent que sur l’existence de consommateurs. Il est antidémocratique que .soit menée DE FORCE une prétendue enquête d’utilité publique dans de pseudo-mairies annexes et mobiles à la face des pouvoirs locaux élus légitimement. Est encore bafouée toute notion de démocratie lorsqu’une population concernée est traitée en MINEURE, que nulle information honnête ne lui es ! fournie en regard d’une décision énergétique QUI LA CONCERNE, et que des escadrons de gendarmerie investissent plusieurs communes pour que s’opère LE DELIT DE DROIT REPUBLICAIN que constitue la décision gouvernementale en l’occurence.
Pour toutes ces raisons, il est du devoir de chaque Français. de chaque Française, de se porter solidaire. à Plogoff comme partout ailleurs où cet arbitraire sévit, DE TOUTE INITIATIVE émanant d’une réelle autodétermination. Le soutien à la promotion d’énergies nouvelles, naturelles et indéfiniment renouvelables, s’impose de toute évidence. Toutes créations en ce sens (biomasse, force hydraulique, éolienne, géothermie, solaire, houille et autres fort nombreuses) recevront notre appui concret. De plus, il y aura, à leur réalisation, occasion de création d’emplois résorbant le chômage forcé qui est le fruit de toute société technocratique au delà des dimensions humaines. .société de profit méprisant l’ETRE pour satisfaire servilement les fallacieuses valeurs de l’AVOIR... et de la PUISSANCE.

Pierre CATTIER - Micheline WEIS

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Contre les exportations d’armement

par M.-L. DUBOIN
avril 1980

Edmond Kaiser, fondateur de « Terre des Hommes  », a fait du 24 décembre au 11 janvier derniers une grève de la faim contre les exportations d’armes de la Suisse.
Marco Panella et Emma Bonino, députés européens, ont restreint, depuis le 1er janvier, à 700 calories par jour leur consommation alimentaire pour obtenir la multiplication par 5 du budget de la Communauté Européenne affecté au développement du Tiers-Monde.
Jean-Louis Vidal a commencé le 28 janvier une grève de la faim dans, explique-t-il, « le but d’alerter les Françaises et les Français des profits et des massacres » dont sont responsables nos exportations d’armes. La France, qu’on dit terre d’accueil, est le premier exportateur d’armes du monde, par habitant. Ces actions, ajoute-t-il, en Suisse, en Italie, en France doivent mettre l’opinion face à la responsabilité qui incombe à chaque individu  : les dépenses mondiales en armement sont 2 700 fois plus élevées que celles destinées au maintien de la paix. Il demande à tous de soutenir son action en écrivant dans le même sens que lui au Chef de l’Etat. Voici des extraits de sa lettre dans laquelle il demande que toute information relative au commerce des armes soit diffusée (ce qui nécessite l’abolition d’une circulaire de R. Galley de mars 1974) et que soit élaborée la planification relative à la reconversion des industries d’armements :
« Nous progressons socialement, en partie, grâce à la quantité d’armes que la France peut vendre, à leur qualité et à leur précision. Notre « qualité de la vie » est fonction, en partie, du nombre de massacrés que lu France peut nous offrir... Et nous marions allègrement l’honneur de la France... avec son potentiel d’horreurs.
...Devons-nous continuer à être complices des massacreurs  ?
Si ce n’est pas nous qui en vendons, d’autres en vendront à notre place ? Ainsi raisonnaient les marchands d’esclaves ! ».

Chaque voix qui s’élève peut sauver une vie, conclut J.-L. Vidal.

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Depuis plusieurs années, notre ami Ernest Barreau adresse à un journal régional des articles s’inspirant de nos thèses. Ces articles sont reproduits sous sa signature, dans cet hebdomadaire, sans jamais être tronqués.
Faute de place, nous ne pouvons publier que des extraits, pris à différentes dates de parution.

Initiatives

par E. BARREAU
avril 1980

• Le Courrier de Paimbœuf (8 février 1974)

LA FOIRE D’EMPOIGNE

Ernest Barreau passe en revue quelques scandales le Prix « Bride Abattue », la Villette, les vins de Bordeaux, le Téléphone, etc., et il conclut :

« L’homme n’est ni bon, ni mauvais, niais vivant dans un système économique anachronique, dans une société où la monnaie est un peu comme la carotte devant le baudet ! Où cette monnaie profite, les inégalités économiques et sociales ne font que s’accentuer. Son comportement n’est que la résultante du milieu ambiant ».
...« Pour l’homme, nécessité oblige, la foire d’empoigne fait le reste et sert les plus rusés. C’est bien plus le procès d’un système que celui d’individus. Pour aspirer à sa plénitude, une vie de qualité ne peut exister que dans une société où les inégalités économiques auront disparu, dans une société où l’argent sera serviteur et non maître, l’économie distributive avec son revenu social satisferait pleinement à ces exigences. »

• Le Courrier de Paimbœuf (15 mai 1976)

QUALITE DE LA VIE

« Rendement et rentabilité ne peuvent faire bon ménage avec une vie de qualité... La qualité de la vie n’échappe pas à cette conclusion. La monnaie doit être au service de la production. sans en être le moteur, le facteur intrinsèque, sinon nous aurons bien d’autres surprises, de désagréments. »

• Le Courrier de Paimboeuf (30 avril 1977)

MISERE DANS L’ABONDANCE

« Manquer du nécessaire en 1977 alors que les magasins regorgent de marchandises, comment cela est-il possible à l’heure où nous vivons, c’est-à-dire en pleine abondance ? (Abondance de biens vitaux et utiles), alors que les mass-média déploient journellement leur tapageuse publicité. » ...« Assainir les marchés, afin de sauvegarder le profit, telle est la nécessité d’un système économique, qui ne conçoit l’homme qu’au travers de son portefeuille c’est-à-dire en fonction de sa capacité solvable ! »
...« L’estomac d’un nanti est-il fabriqué différemment de celui d’un pauvre ? A ce niveau n’ont-ils pas les mêmes besoins  ? Le véritable socialisme ne
passe-t-il pas tout d’abord par l’égalité économique  ? Cette égalité représentée par une monnaie de consommation, celle-là même qui manque aujourd’hui aux économiquement faibles. Ceux qui parlent tant de justice sociale, avec application toujours repoussée, feraient oeuvre utile en potassant la question. »

Faute de quoi d’autres draines similaires viendront s’ajouter à la liste des drames de la misère dans l’abondance !

• Le Courrier de Paimbœuf (17 décembre 1977)

A PROPOS DU CHOMAGE

« Qu’est-ce donc que le chômage ? Sinon la résultante de la révolution mécanicienne, laquelle renvoie aux calendes grecques le vieux concept du travail musculaire de l’homme. Sans crainte de démenti. le plein emploi est impossible, car le chômage croît en même temps que les productivités, l’automatisation atteindra de plus en plus d’industries, n’en déplaise aux inconditionnels du travail.
 » A ce mal chronique de nos sociétés d’argent, toutes les solutions jusqu’à présent préconisées, ne sont que cautères sur jambes de bois.
 » La solution ? Puisque la machine produit à la place de l’homme, ne doit-il pas vivre des produits de la machine ?
 » Pour cela, il devient nécessaire et indispensable de dissocier ces deux éléments : travail et revenu. Y avez-vous pensé ?
 » Ce n’est plus de production qu’il s’agit, mais bel et bien de distribution. »

• Le Courrier de Paimbœuf (4 janvier 1980)

ÇA IRA MIEUX... DEMAIN ?

« ... Le temps passe, les hommes aussi, sans pour cela qu’apparaisse l’aube de ces lendemains tant déclamés, pourquoi ?
 » Parce que... on se refuse à faire le pas salvateur, celui qui consisterait à remplacer l’économie de marchés par une économie des besoins socialement utiles (économie distributive) la production étant largement résolue.
 » ... La cybernétique ne conduit-elle pas à l’usine sans ouvriers. dans le tertiaire, aux bureaux sans bureaucrates ? Dès lors la pilule du plein emploi relève du burlesque et, suite aux critères invoqués. le chômage doit se transformer en loisirs, le travail partagé. la sécurité matérielle, la garantie des ressources du lendemain assurées à tous, sinon ces lendemains que l’on repousse sans cesse n’existeront pas. Comme l’humour n’a jamais tué, disons que demain n’est qu’inconsistant.  »

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J. Pennaneac’h a profité d’une réunion du Comité Social régional des pays de Loire pour adresser une lettre au président de ce comité, contenant quelques réflexions de bon sens. Il y suggère ironiquement que pour réaliser le plein-emploi que tout le monde recherche on pourrait mobiliser les chômeurs pour compter les grains de sable des plages ou labourer les champs avec une fourchette. Il amène ainsi sa conclusion que seuls sont à créer les emplois utiles et non ceux qui servent à fabriquer une force de frappe contre un ennemi à trouver.

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Jean Leblan diffuse inlassablement des tracts qu’il rédige et tire lui-même.
Voici, en résumé, celui qu’il a composé sur la liberté :

Un tract : parlons de liberté

par J. LEBLAN
avril 1980

LORSQU’ON parle de liberté, on ne se préoccupe guère de la définir. Elle est le plus souvent entendue comme la faculté de pouvoir exprimer son opinion dans tous les domaines, sans risque de représailles, de pouvoir élire des représentants à tous les niveaux, de pouvoir faire grève au cours de luttes revendicatives.
Il est évident que la liberté implique avant tout que les besoins vitaux soient satisfaits. Il ne faut pas oublier cette condition essentielle et primordiale.
Mais cette condition étant supposée réalisée, un autre aspect de la liberté, pourtant fondamental, est généralement laissé dans l’ombre, même par les plus grands syndicats, qui réclament toujours, inlassablement, le plein emploi par la « croissance », ou « l’expansion », ce cancer qui empoisonne notre civilisation.
Pourtant, la liberté, c’est d’abord les loisirs.
C’est bien en période de loisir que l’on peut choisir les activités capables de favoriser au mieux l’épanouissement de notre personnalité. Mise à part une petite fraction des emplois, celle où le travail est une activité créatrice (art sincère, recherche, scientifique, organisation...), le travail salarié de routine, plus ou moins répétitif et monotone, n’est pas autre chose que de l’esclavage, c’est-à-dire l’opposé de la liberté.
Une organisation économique et sociale sera d’autant plus libre qu’elle sera d’abord capable de procurer des loisirs à ceux qui le désirent, en mettant pour cela les machines au service de l’homme.
Les activités de loisir ne manquent pas à l’esprit humain  : culture littéraire, scientifique, historique, philosophique, artistique, jardinage et bricolage, spectacles, sports et jeux (une simple partie de belote demande à l’individu plus d’initiative que bien des emplois). Les enfants, lorsque la société de surconsommation imposée aujourd’hui n’a pas encore mutilé leur personnalité, savent en général imaginer les activités qui leur évitent l’ennui. Mais il arrive que l’accumulation d’années de travail obligatoire ait pour effet d’émousser toute imagination et donc supprime cette faculté de savoir se trouver une activité intéressante. Ainsi l’aliénation au travail aboutit-elle à cette triste condition d’amoindrissement mental, et les loisirs de la retraite se transforment en ennui. Quel dommage et quel gâchis !

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ILS Y VIENNENT !

Extraits de « Fraternité Eurafricaine »

par G. STEYDLÉ
avril 1980

« Constatant que l’Europe occidentale est passée d’une économie de pénurie à une économie d’abondance, ils considèrent que dans une économie d’abondance, besoins et consommation deviennent des choix culturels. Ils estiment donc possible et souhaitable de substituer aux notions de consommation et d’accumulation, donc de profit, jusqu’à présent considérées dans nos sociétés comme l’unique moteur de l’économie, les notions de responsabilité et de service offert par l’individu à la collectivité, service qui serait apprécié à sa juste valeur et équitablement rétribué.

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Art. 24. - La solidarité consiste en ce que la société doit assurer à chaque citoyen la satisfaction de ses besoins matériels et culturels dans les limites compatibles avec le niveau et les conditions du développement économique.

Art. 25. - Au nom de la solidarité, chaque citoyen doit participer à l’effort collectif pour davantage de bien-être et de plus-être dans la mesure de ses capacités et dans le cadre de la loi, en échange de quoi il percevra un revenu. Ce revenu, compris entre d’une part un revenu mensuel minimum garanti (R.M.M.G.) et d’autre part un revenu mensuel maximum toléré (R.M.M.T.) sera fixé par la loi.

Art. 26. - Le droit de propriété consiste en ce que tout homme est maître de disposer à son gré de ses revenus ou des biens qu’il a acquis grâce à ceux-ci. L’usage abusif de ce droit conduisant à la désintégration du corps social et à l’oppression, des limites lui sont assignées.  »

Envoi de N. LECONTE.

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