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« La Grande Relève » revient de
très loin. Et elle n’est pas encore tout à fait sauvée
d’une entreprise délibérée d’en suspendre définitivement
la publication. Le dernier numéro (737, de juillet dernier) était
prêt, chez l’expéditeur (l’entreprise « La Quotidienne
», 37, rue du Chemin Vert à Paris) pour être envoyé
à temps de façon à ce que les abonnés l’aient
avant les grands départs en vacances.
Mais pour empêcher à tout pris cette expédition,
les journaux ont été purement et simplement subtilisés
chez le routeur ! Nous avons été obligés d’envoyer
par nos propres moyens la totalité (insuffisante) des «
bouillons ». Ainsi la plupart des abonnés ont reçu
un exemplaire, même si c’est, hélas !, avec un mois de
délai.
En leur exprimant ici nos excuses pour ce retard, je crois que je ne
peux pas cacher aux lecteurs la vérité, car ils y ont
droit, aussi invraisemblable qu’elle apparaîtra peut-être
à certains.
Qui veut supprimer la « Grande Relève », comment
et pourquoi ?
Qui ? Celui qui l’avait accaparée progressivement, après
que Jacques Duboin ait renoncé, vu son âge et le déclin
de ses forces, à en rédiger l’éditorial : Charles
Loriant.
Comment ? D’abord très adroitement. Charles Loriant est venu tout
simplement se joindre à l’équipe de rédaction formée
entre autres de : Marcel Dieudonné, Madame Wittwer, Marcel Dubois,
Raymond Meurisse, le général Lasserre, etc... Puis, se
substituant délibérément à Madame Euvrard
qui assurait alors la liaison entre cette équipe et J. Duboin,
C. Loriant est intervenu pour se faire envoyer à son domicile
personnel les textes destinés au journal. Il a ainsi fait office
de rédacteur en chef et s’est permis, à ce titre, diverses
censures qui n’ont pas toujours été appréciées
par les rédacteurs. La plupart de ceux-ci ont réagi en
cessant leurs envois. Les autres ont ensuite été «
mis à la retraite » du journal par le nouveau maître.
Cette manoeuvre aurait pu être explicable si elle avait été
destinée à renouveler l’équipe de rédaction
en la rajeunissant. Mais il faut se rendre à l’évidence
que telle n’était pas l’intention de son auteur. Aucune équipe
n’a été reconstituée et ceci explique pourquoi
les derniers numéros contiennent tant de reproductions d’articles
parus auparavant dans différents périodiques, avec parfois
plusieurs années d’intervalle.
La mort du fondateur du journal a posé la question de sa succession.
Jacques Duboin a laissé à ce sujet un testament incontestable
mais qui ne correspondait pas aux vues de C. Loriant, qui s’est, par
conséquent, opposé à sa publication. Et pour être
sûr qu’il ne pourrait être publié dans le numéro
spécial consacré à la vie et à l’oeuvre
de J. Duboin (qui devait être le n° 736 de juin), celui qui
se prétend son successeur décida tout simplement qu’il
n’y aurait plus de « Grande Relève ». Et il fit tout
pour cela.
Ni ma Mère ni moi ne pouvions accepter que les dernières
volontés de mon Père soient ainsi bafouées, ni
même que soient détournés le montant des abonnements
en cours et les sommes versées à la souscription «
Pour que vive la Grande Relève ». Cette attitude révoltante
était indigne de ceux à qui J. Duboin a tant apporté.
Il restait alors TROIS JOURS pour rédiger un numéro, à
temps pour être distribué avant le 1er août. Ce court
délai ne nous permettait pas de faire appel à tous ceux
qui, bien que disposés à nous aider, n’étaient
au courant de rien et pour la plupart, loin de Paris. De plus, Charles
Loriant, par lettre recommandée et sous peine de me poursuivre
en Justice, me fit toute une liste d’interdictions : « en aucun
cas, le journal ne peut se référer au M.F.A..., il ne
peut être question de porter mention du siège du M.F.A...,
ni de toute rubrique « Vie du M.F.A. » ou « Vie des
G.S.E.D. », etc... ».
Tout en estimant ceci absurde, nous avons préféré,
dans l’immédiat, en tenir scrupuleusement compte pour éviter
un procès aussi stupide qu’inutile. Avec toutes ces difficultés
à surmonter, sortir le numéro était une gageure.
Nous avons réussi, à quatre. Et nous nous réjouissions
déjà d’avoir tiré La Grande Relève d’un
mauvais pas.
C’était, hélas ! sous-estimer la détermination
de C. Loriant ! Celui-ci n’hésita pas à aller chez le
routeur et, par intimidation, à se faire remettre les journaux
prêts à partir.
Et ce n’est pas tout. Il n’hésita pas plus, en même temps,
à m’intenter un procès au nom ( ?) et aux frais du M.F.A.,
en demandant au Tribunal de Paris de mettre le journal sous séquestre
! Le procès en référé fut fixé au
6 août. Il était ainsi définitivement exclu que
le journal soit distribué dans les délais.
Bien entendu, Charles Loriant fut débouté de sa demande
absolument sans fondement. Ce jugement a confirmé mon droit de
diriger la rédaction de « La Grande Relève ».
Le Juge lui intima même l’ordre exprès de restituer au
plus vite les journaux qu’il avait osé emporter, sous peine d’être
poursuivi pour vol.
Que croyez-vous qu’il fit ? Aussi incroyable que cela soit, le 25 août
les journaux n’étaient toujours pas rendus. Nous ne disposions
donc que des « bouillons », prévus comme à
l’habitude aux fins de propagande. C’est pourquoi nous avons entrepris
de les expédier, découpant et rédigeant les bandes
d’envoi à la main, et en les affranchissant au tarif fort car
nous ne pouvions pas ainsi bénéficier du tarif réduit
attribué au routeur. Comme devoir de vacances, ce ne fut ni agréable,
ni rapide, ni économique. De plus, nous n’avons pas eu assez
d’exemplaires pour tous les abonnés.
***
Reste la troisième question : pourquoi ? Charles Loriant l’a annoncé lui-même incidemment au Comité Directeur du M.F.A. : il veut lancer SON propre journal. II n’est pas encore bien fixé sur le titre. Aux dernières nouvelles ce serait soit « Feu Vert », en reprenant ainsi celui de J. Godeau, soit « Tous Ensemble ». Ce journal ne ressemblera pas à La Grande Relève, telle que l’a conçue et si bien maintenue pendant plus de quarante ans Jacques Duboin. Ce qui devrait pourtant prouver que la formule était bonne. Non. D’après les termes mêmes de D. Rochereau, c’était un « torchon ». Le nouveau journal doit être l’organe de ralliement de tous les groupuscules que C. Loriant a entrepris de réunir, espérant ainsi devenir, probablement, le leader incontestable des contestataires. Et s’il y parvient avant les prochaines élections présidentielles... qui sait ? Il aurait su faire tellement mieux que R. Dumont !
***
Je ne voudrais dissuader qui que ce soit d’entreprendre un travail utile. Et si C. Loriant croit qu’un nouveau journal est nécessaire à rassembler les diverses associations auxquelles il s’intéresse, qu’il entreprenne de le lancer, avec ses amis. C’est son affaire. Mais attention : que ce ne soit pas « La Grande Relève » qui en fasse les frais ! Ses abonnés et tous ceux qui versent à la souscription « Pour que vive la Grande Relève » n’accepteraient pas que leurs versements soient détournés. Et on n’a pas idée de décider ainsi de les mettre devant le fait accompli ! D’autre part, La Grande Relève, sous sa forme originelle, avait fait ses preuves. Elle a survécu même à la dernière guerre. Combien d’autres périodiques d’opinion ont réussi ce tour de force ? La Grande Relève avait su garder une large audience, compte tenu de son domaine très spécifique. Elle peut encore faire un travail utile de propagande pourvu qu’elle s’ouvre plus largement à tous ceux qui sont prêts à agir pour un avenir meilleur, plus intelligent, mieux adapté aux moyens de notre époque, en un mot à tous ceux qui veulent continuer l’oeuvre impulsée par son fondateur. Les conditions économiques, mieux que jamais encore, nous donnent raison. Ce n’est pas le moment d’abandonner le meilleur outil de propagande que nous possédons. C’est au contraire celui de consacrer un maximum d’efforts pour en augmenter la diffusion.
***
L’union faisant la force, il est évident que nous aurions tout à gagner d’un rassemblement des contestataires, à condition bien sûr, que celui-ci se fasse dans le but de réclamer avec nous l’économie distributive. car c’est à notre avis la seule façon de mettre fin aux contraintes absurdes et nuisibles de la société contestée par ces groupuscules. Malheureusement, l’expérience que me donnent mes contacts professionnels avec les étudiants, me fait prévoir deux gros écueils à ce ralliement. Le premier résulte d’un défaut dont ces jeunes n’ont hélas pas le monopole : ils ne sont pas enclins à prêter attention à d’autres façons de voir que les leurs. Leur refus de certains aspects de la société constitue pour eux un préalable à l’élaboration d’un programme de société. Ainsi ne sont-ils pas prêts à écouter des propositions constructives. Le second obstacle provient d’une qualité qui compense largement ce défaut et que C. Loriant a bien tort de sous-estimer : c’est leur refus de se laisser guider. On n’impose plus, surtout depuis Mai 68, son point de vue, si bon soit-il, aux jeunes. Et je crois que les moins jeunes ont eu l’exemple du fascisme pour comprendre les dangers qu’il y a à confier le destin d’une société, quelle qu’elle soit, à un leader, fut-il un meneur de foule, prodigue en mirifiques promesses. Ce besoin de juger, de décider, de fixer soi-même son programme est un incontestable progrès. Ceci explique que les associations que C. Loriant veut rassembler, entendent chacune conserver le droit à l’autodétermination de ses buts et de ses méthodes. Ainsi leur réunion ne peut-elle venir que d’elles-mêmes et personne ne doit espérer la leur imposer, fut-ce avec les meilleures intentions du monde.
***
Ce désir de juger par soi-même en refusant toute pression se situe parfaitement dans la ligne que doit suivre notre action de propagande. Ceux qui ont vraiment compris le message humaniste de Jacques Duboin savent bien qu’on ne saurait présenter l’économie distributive comme on lance un nouveau produit sur le marché, ou comme le programme trop précis d’un nouveau parti politique ou d’un nouveau syndicat. Notre action se situe sur un autre plan parce qu’elle répond à un besoin bien plus fondamental. Elle consiste d’abord et avant tout à aider nos contemporains à comprendre l’absurdité économique dans laquelle ils vivent et, pour cela, il leur faut s’affranchir de bien des idées reçues ou inculquées dans un but intéressé. Nous n’avons pas mieux à faire que de les aider à démolir un mur de préjugés qui les entoure, les submerge et les aveugle. Car nous savons bien que lorsqu’ils seront arrivés à voir les choses de leurs propres yeux, à juger par eux-mêmes et à chercher en toute objectivité quel est le régime économique qui est le mieux adapté à notre époque et à nos moyens, ils n’auront plus aucun mal à comprendre l’économie distributive. Nous pourrons alors la leur présenter comme une suggestion, en les laissant libres d’imaginer mieux. Et nous sommes libres de douter qu’ils y parviennent !
Ici, un aveugle qui va droit vers le précipice.
Là, des jeunes gens, sur le bon chemin, hésitent à
marcher main dans la main.
QUI FAUT-IL AIDER ?
***
Que faut-il pour contribuer efficacement à
cette véritable libération des esprits ?
D’abord un gros effort personnel et certaines qualités : de la
psychologie pour deviner les blocages de l’interlocuteur : elle s’acquiert
avec l’expérience ; du bon sens : c’est, dit-on, la chose du
monde la mieux partagée ; de la persévérance :
la certitude de faire oeuvre utile et la preuve quotidienne que nous
sommes sur la bonne voie nous l’apportent.
Et puis il nous faut à tous l’outil exactement adapté
qu’était et que doit redevenir la « Grande Relève
» : ses colonnes doivent nous apporter le soutien théorique,
la documentation qui nous permet d’actualiser nos arguments, et le moyen
de concerter nos efforts.
Alors ne jetons pas le manche après la cognée !
L’émission de Louis Bériot, sur France
Inter, « Questions pour un Samedi », était consacrée
le 18 septembre à l’inflation.
Les questions posées par les auditeurs témoignaient du
grand désarroi des Français devant ces questions financières.
Les auteurs de cette émission m’ayant semblé faire preuve
d’objectivité, j’ai passé, moi aussi mon message au téléphone
: « Pourquoi vouloir juguler l’inflation ? Celle-ci est inhérente
au système : d’une part on cherche toujours à augmenter
la production, d’autre part, on emprunte pour investir. Quand on emprunte,
il faut rembourser plus qu’on a reçu, pour faire vivre la banque,
donc il faut produire plus, vendre plus cher et c’est le cycle infernal.
Il n’y aurait qu’un moyen de faire suivre le pouvoir d’achat, à
ce même rythme : supprimer la monnaie actuelle et distribuer une
nouvelle monnaie, non thésaurisable celle-là, créée
proportionnellement à la production et ne servant qu’une seule
fois pour l’acheter ».
Ce message n’est pas passé sur l’antenne. Censure ?
Notre bonne presse ne cesse de nous vanter les mérites
et les performances économiques de la République Fédérale
Allemande mais nos brillants économistes passent sous silence
un phénomène gênant pour la validité des
théories savantes (scientifiques, disent-ils !) qu’ils professent
: le nombre de chômeurs continue d’augmenter en R.F.A. malgré
la hausse de la production (2,6 % de chômeurs en plus en juin
1976 pour une progression industrielle de 1 % le même mois).
Selon les experts de I’O.C.D.E., l’expansion allemande doit se poursuivre,
mais cette croissance économique ne permettra pas de réduire
sensiblement le chômage ; la persistance probable d’un chômage
relativement important est l’un des problèmes les plus préoccupants
que les responsables de la politique économique aient à
résoudre.
Qui parmi les économistes français ou allemands s’apercevra
le premier qu’il s’agit là d’un phénomène normal
dû aux progrès technologiques ?
Si les Français n’arrivent pas les premiers ils sont inexcusables
: ils disposent depuis longtemps des oeuvres de J. DUBOIN !
Il va falloir les traduire en Allemand pour aider nos bons voisins à
y voir plus clair.
***
Depuis le début de l’été l’on
n’entend parler que de la sécheresse et de ses conséquences
sur le revenu des agriculteurs. Le Gouvernement s’est engagé
à maintenir le revenu des agriculteurs au moins au niveau de
1975.
Bravo, c’est un premier pas vers l’Economie Distributive !
Mais les marchands de parapluies et d’imperméables se plaignent,
eux aussi, d’avoir moins vendu que lors des étés précédents
et réclament des compensations.
Il faut, bien sûr, les leur accorder.
Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Il ne faut pas que
le Gouvernement se borne à aider les seuls agriculteurs et marchands
d’imperméables ; il doit aussi assurer un pouvoir d’achat constant
à toutes les autres catégories sociales du Pays, sans
oublier les étudiants, les retraités, les handicapés,
les personnes du troisième âge, etc...
Tout cela coûte fort cher, direz- vous. C’est vrai, mais nous
avons les moyens de payer : savez-vous que le montant des capitaux français
« réfugiés » dans les coffres suisses s’élève
à 390 milliards de nouveaux francs ?
De quoi assurer de substantiels revenus aux chômeurs et agriculteurs
victimes de la sécheresse !
***
Dans « France-Soir » du 11 septembre 1976 :
« Au menu de BARRE et PINAY des recettes pour faire baisser les
prix ».
Nous voilà rassurés : si M. Barre suit l’exemple de M.
Pinay nous sommes sauvés : l’inflation est morte, une fois de
plus !
Tout le monde se souvient en effet de la façon dont les prix
baissèrent lors des passages de M. Pinay dans divers gouvernements
de la IVe ou de la Ve République. Sa meilleure trouvaille est
sans conteste celle qui, en 1960, a consisté à diviser
les prix par 100. Malheureusement, M. Pinay divisa aussi les revenus
par 100 ; ce qui ne changea rien à rien.
Soyez sérieux, MM. de « France- Soir », et dites-nous
plutôt de combien ont augmenté les prix en francs constants
depuis le dernier passage de M. Pinay dans un gouvernement.
Au moment où nous mettons sous presse, M. Raymond Barre garde encore jalousement inédit son secret pour juguler l’inflation. Nous ne pouvons donc pas le commenter dans les détails. Mais à quoi bon ? Nous savons bien qu’on n’arrête pas l’inflation parce qu’on n’arrête pas le progrès. A moins de changer la définition de la monnaie, précisément pour la lier directement à la production.
Voici comment Jacques DUBOIN expliquait l’inflation, il y a 17 ans, dans son Bulletin économique « Réflexions d’un Français moyen », en octobre 1959. Quelle actualité pourtant !
Quand M. Pinay se félicite d’avoir jugulé
l’inflation, on suppose qu’il s’imagine qu’elle était devenue
très dangereuse. S’il a pu la vaincre si facilement. c’est qu’elle
ne l’était pas. Elle ne le devient, en effet, que si le pays
souffre d’une pénurie de marchandises à vendre : les consommateurs
se les disputent alors, et s’il y a trop d’argent en circulation, les
prix montent en flèche ! On s’en est bien aperçu pendant
la guerre lorsque la pénurie donna naissance au marché
noir.
Mais qui peut soutenir que la France manque aujourd’hui de produits
? Si c’était le cas, les producteurs dépenseraient-ils
des milliards en publicité ? S’efforceraient-ils d’écouler
leurs stocks à crédit ?
Rappelons que l’inflation monétaire, c’est-à-dire l’augmentation
rationnelle des moyens de paiement, a toujours été une
impérieuse nécessité dans les pays dont l’économie
est en expansion. En se développant, les échanges exigent
plus de monnaie pour s’effectuer facilement. Et la monnaie ne tombant
jamais du ciel, il faut bien qu’on la fabrique...
Je répète que toutes les monnaies du monde n’ont jamais
cessé de se déprécier au cours de l’Histoire, les
nations ayant toujours été obligées de les dévaluer
pour satisfaire les besoins d’une économie qui progressait et
d’une population qui augmentait. Aucune monnaie n’a échappé
à cette nécessité, même celles qui étaient
en or et en argent ! Elles font aujourd’hui figure de monnaies idéales
en raison de leur prétendue stabilité ! Quelle erreur,
le petit lingot qui leur servait de gage n’a jamais cessé de
s’amenuiser
D’abord, la monnaie précieuse n’échappait pas à
l’inflation, car, des mines d’or et d’argent, on extrayait chaque année
du minerai dont la plus grande partie servait à frapper de la
monnaie, ce qui augmentait le stock des pièces en circulation.
Ensuite, cette Inflation était encore insuffisante pour les besoins
de la production et de la consommation, puisque les Rois procédaient
à de multiples dévaluations monétaires que les
économistes appellent des mutations.
Prenons l’exemple de notre franc, fils de la livre- tournois, et petit-fils
de la livre carolingienne. Cette aïeule était en argent
et pesait 491 grammes. Au XIIe siècle, la livre carolingienne
est devenue la livre- tournois qui, sous Philippe-Auguste, ne pesa plus
que 84 grammes.
Sous Jean-le-Bon (5 déc. 1360), on frappa une monnaie nouvelle,
baptisée franc, qui pesa 3 grammes 88 milligrammes d’or fin.
Quant à la livre-tournois, elle continua de fondre, car, sous
Louis XVI (1786), elle ne pèse plus que 4 grammes 1 /2 d’argent.
Enfin une livre tournois (augmentée de 3 deniers) se transforma,
le 27 mars 1803, en franc de Germinal an XI, dont le poids en argent
était de 4 grammes 1/2, et en or de 290 milligrammes.
Que les pièces fussent en or ou en argent, les Rois de France
les ont toujours dévaluées par le même procédé
: ils décidaient que telle pièce d’or qui vaut 6 francs
en vaudra désormais 24, et celui qui devait verser 4 pièces
pour s’acquitter d’une dette, n’en versera plus qu’une seule qui s’appellera
une pièce de 24 francs. Toutes les nations européennes
en ont ainsi usé : on changeait la valeur numérique des
monnaies.
De la Révolution française à 1914, le franc de
Germinal an XI se déprécia à nouveau d’environ
60 %, mais la première guerre mondiale enterra définitivement
toutes les monnaies précieuses : l’or et l’argent ne circulant
plus dans aucun pays civilisé. Désormais c’est la monnaie
de papier (billet de banque) et la monnaie bancaire (purement comptable)
qu’on utilise absolument partout. Les échanges se sont alors
intensifiés beaucoup plus rapidement qu’autrefois.
Est-il utile d’ajouter que la monnaie, sous ses deux nouvelles formes,
continua de se déprécier de plus belle ?
***
Pour abréger, n’examinons que la période contemporaine de janvier 1940 au 30 juin 1959 (19 années 1/2). Voici les nations dont la monnaie fut dévaluée de plus de 90% :
Israël | 90% |
France | 91,2% |
Turquie | 91,6% |
Espagne | 93,3% |
Allemagne fédérale | 94,3% |
Argentine | 94,8% |
Italie | 96,8% |
Chili | 97,1% |
Autriche | 97,3% |
Paraguay | 97,6% |
U.R.S.S | 98,3% |
Allemagne de l’Est | 98,3% |
Tchécoslovaquie | 98,7% |
Japon | 98,9% |
Indonésie | 99% |
Albanie | 99,5% |
Bolivie | 99,7% |
La France, on le voit, n’est pas la nation qui cède le plus à la « facilité »...
***
Toutes les autres nations dévaluèrent
leur monnaie de 10 à 90%, à l’exception d’un tout petit
nombre dont la politique financière, empreinte d’une grande sagesse,
leur a permis de maintenir, sans défaillance, la stabilité
monétaire.
Ce sont : La République Dominicaine, le Salvador, le Guatémala,
Haïti, Honduras, Libéria, Panama, et le Venezuela.
On pourrait ajouter les Etats-Unis à condition de ne pas oublier
que le dollar s’est déprécié d’un peu plus de 60%
depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
***
Il faudrait donc finir par reconnaître que la
dévaluation des monnaies est une conséquence du progrès
économique. Elle favorise les débiteurs en leur permettant
de se libérer en donnant une valeur moindre que celle qu’ils
ont reçue. En apportant ainsi la libération des vieilles
dettes, elle agit comme l’abaissement du taux de l’intérêt,
ou, si l’on préfère, comme un amortissement du capital.
Sans la dépréciation continue des monnaies, comment les
Etats, qui sont les gros débiteurs du monde, pourraient-ils s’acquitter
de leurs dettes dont le poids devient prodigieux ?
Inclinons-nous pourtant devant le fier courage de MM. Jacques Rueff
et Antoine Pinay qui, par la vertu sublime d’une virgule, se proposent
d’arrêter un courant dont l’origine remonte à l’invention
des premières monnaies !
Le 2 août, la télévision française
a commencé à diffuser sur « Antenne 2 », à
18 h 15, une émission originale et qui s’annonce très
intéressante, du producteur-réalisateur Armand Panigel,
sur les « Chroniques du temps de l’ombre », véritable
encyclopédie de la Résistance Française de 1940
à 1944, qui comprendra une série de trente films de 26
minutes se suivant quotidiennement, sauf le samedi.
Etant donné que lors des deux premières émissions,
il m’avait été donné de constater deux lacunes
qui me paraissaient regrettables, parce qu’elles concernaient deux faits
historiques non négligeables, j’ai estimé devoir les porter
à la connaissance de M. Armand Panigel.
Et cela, essentiellement, parce que l’un des événements
oubliés m’autorisait à tenter d’obtenir que justice soit
rendue à Jacques Duboin en démontrant que s’il fut un
précurseur aujourd’hui connu dans le domaine de l’économie
pour sa conception originale d’une ECONOMIE DISTRIBUTIVE - dont l’embryon
se développe d’ailleurs sous la forme des allocations et indemnités
diverses - il fut un précurseur indiscutable, mais ignoré
à la fois par les journalistes, les historiens (militaires et
civils) et les responsables politiques, dans le domaine de la défense
nationale, QUATORZE ANS avant le Général de Gaulle.
Je vous donne ci-dessous la copie des lignes essentielles de ma lettre
à M. Armand Panigel :
« Lorsque j’ai entendu, dans vos premières « chroniques
des temps de l’ombre »,
- d’une part, la réflexion de M. Pierre Boutang sur l’impréparation
de l’Armée française qui subit la défaite de Mai
1940 ;
- d’autre part, l’évocation de l’attaque de la flotte française
de Mers-el-Kebir par la flotte anglaise, le 3 Juillet 1940, je me suis
pris à regretter vivement de n’avoir pas porté à
la connaissance de l’historien Henri MICHEL plus tôt que je ne
l’ai fait, les deux témoignages précisés ci-après
dont il aurait pu faire état, ainsi qu’il me l’a écrit.
Bien qu’il n’y ait guère de chance pour que vous soyez en mesure
de les mettre à profit avant la fin de l’émission en cours,
je crois devoir vous faire part des renseignements que j’ai communiqués
à M. Henri MICHEL et de l’appréciation qu’il a portée
sur mes témoignages.
Témoignage sur les responsables de l’impréparation des
armées françaises à la veille de la guerre
de 1939-1940.
C’est le 5 juillet dernier que j’ai écrit ce qui suit à
M. Henri MICHEL :
« Comme j’ignore si vous avez eu connaissance en son temps (1922)
- ou même après lorsque vous avez étudié
les causes qui furent à l’origine de la déroute des armées
françaises en juin 1940 - de la séance de la Chambre des
Députés du 14 mars 1922, je n’hésite pas à
vous faire parvenir la copie du texte du discours nue prononça
le jeune et courageux député de la Haute-Savoie Jacques
DUBOIN lors de la discussion du projet de loi sur l’organisation de
la Défense Nationale déposé par le gouvernement.
Albert SARRAUT étant Président du Conseil et André
MAGINOT ministre de la Guerre. Cette copie est constituée par
les dix papes de l’appendice du livre de J. Duboin « LIBERATION
» (économique) 2e édition, de 1946. Ce texte a été
vérifié par moi sur les pages 784 à 788 du Journal
Officiel n° 30 du 15 mars 1922.
J’ai d’autant moins hésité à m’adresser à
vous que peu de temps après l’émission des « Dossiers
de l’écran » du 3 juin 1970, sur la « Bataille de
France ». à laquelle il avait pris part, le colonel LE
GOYET, alors chef du service historique de l’Armée, a eu avec
moi un entretien au château de Vincennes, au cours duquel il m’avoua
ignorer l’événement que constituait le discours de Jacques
Duboin à la Chambre des Députés le 14 mars 1922.
Or, c’est en général la Chambre des Députés
du FRONT POPULAIRE de 1936 et les gouvernements de l’époque qui
ont été tenus pour responsables de la défaite de
1940. En fait, il apparaît à la lecture des réactions
suscitées par les propositions de modernisation de l’armée
faites par Jacques Duboin et restées sans suite (motorisation
: création d’un corps de chars d’assaut), que la responsabilité
de l’impréparation de notre armée en 1940 INCOMBE avant
tout à la Chambre des Députés de 1922, dite Chambre
« bleu horizon » et au Président du Conseil Albert
Sarraut ainsi qu’au ministre de la Guerre André Maginot.
En m’accusant réception de mon envoi, M. Henri MICHEL m’écrivait
le 6 juillet : « ces textes contiennent une information tout à
fait neuve pour moi. Vous avez bien raison de souligner son importance
».
Aussitôt après la fin de la première partie de l’émission
télévisée sur la Bataille de France, évoquée
ci-dessus, j’avais demandé à M. Armand Jammot de profiter
de la deuxième partie annoncée pour informer les téléspectateurs
sur l’importance de la séance de la Chambre du 14 mars 1922 et
la part de responsabilité qu’elle avait dans la défaite
de 1940, mais il n’en a rien fait. Il n’a même pas eu la courtoisie
de me faire accuser réception de ma lettre. C’est pourquoi, dans
un article de « La Grande Relève » de janvier 1971-
reprenant le titre d’un livre célèbre de PIERREFEU je
n’hésitais pas à affirmer avec force à l’adresse
d’Armand Jammot, que « Plutarque a menti »... par omission.
A propos de cet article, nous rappellerons sommairement qu’au cours
des débats gui suivirent la projection du film des « Dossiers
de l’écran » de 1970, op avait fait observer avec raison,
que du fait de l’avance prise par l’Allemagne dans son réarmement,
il était beaucoup trop tard en 1936 pour pouvoir espérer
réaliser le projet de réorganisation de l’armée
française présenté par Paul REYNAUD conçu
sur les bases des conceptions que le Colonel de Gaulle avait exposées
en 1934 dans son livre au titre malheureusement mal choisi « Vers
lune armée de métier ». Mais. assez curieusement,
s’il n’était pas trop tard le 14 mars 1922, quatorze ans avant
le projet DE GAULLE - PAUL REYNAUD de 1938 il était beaucoup
trop tôt lorsque le jeune député Jacques Duboin
eut le mérite et le courage d’affronter une Chambre des Députés
en majeure partie hostile, pour s’efforcer de faire comprendre à
ses collègues qu’il était temps de renvoyer dans l’agriculture
les chevaux de la cavalerie et de créer une armée moderne
sur la base des conceptions nouvelles, nées de l’expérience
de la guerre, qui avait été développées
depuis la fin du conflit par celui qui fut, en 1915, le « père
des chars d’assaut » : le Général ESTIENNE, sous
les ordres duquel Jacques Duboin avait servi au front comme capitaine
après s’être engagé volontairement en 1914, alors
qu’il était classé « réformé ».
A ceux de ses collègues qui l’interrompaient et lui demandaient
ce qu’il entendait par une armée moderne, il répondait
: « c’est une armée qui se reconnaît à l’odorat,
elle sent le pétrole et ne sent pas le crottin. C’est une armée
où le moteur mécanique joue le principal rôle ».
Au cours des débats, le rapporteur du projet de loi, le Colonel
Fabry, déclara : « notre collègue Duboin peut apparaître
ici, peut-être comme un précurseur, mais ce sera le seul
reproche que l’on hourra lui adresser. Il va beaucoup trop vite ».
On sait comment on alla par la suite si lentement dans la modernisation
de l’armée qu’elle partit en guerre sans une seule division blindée
véritable, mais avec de nombreuses divisions de cavalerie montée.
J’en viens maintenant à l’autre témoignage, celui de Mers-el-Kebir,
qui fut d’ailleurs le premier dans le temps.
Le 10 août 1940, à ma table de restaurant de l’hôtel
thermal, à Vichy, le Général de l’Armée
de l’air BERGERET, qui arrivait de Turin où il était Président
de la délégation française à la Commission
d’armistice - et qui devait devenir peu après Secrétaire
d’Etat à l’Air du gouvernement de Vichy - a déclaré
ce qui suit que j’ai rapporté de Londres en mars 1943, puis à
Alger en 1944 au juge d’instruction : « Les boches (sic) ont cent
pour cent de chances de gagner la guerre, c’est le moment pour la France
de jouer la bonne carte, c’est-à-dire de faire la guerre à
l’Angleterre avec les boches ».
Un moment après il ajouta :
« J’ai acquis la conviction à Turin que l’affaire de Mers-el-Kebir
a été voulue et montée par les boches qui ont réussi
à faire croire aux Anglais que la flotte française était
sur le point de sortir de sa base, ce qui devait inciter la flotte anglaise
à l’attaquer ».
En me remerciant le 16 juin de mon témoignage, M Henri MICHEL
m’écrivait :
« Vos souvenirs rejoignent le compte rendu que l’ambassadeur BULLITT
a envoyé à ROOSEVELT le 1er Juillet 1940 (avant Mers-el-Kebir)
d’une conversation qu’il avait eue aven Darlan à La Bourboule.
Darlan avait déclaré que l’Angleterre était battue,
que les Anglais étaient tellement lâches qu’ils capituleraient
au premier bombardement ».
Général Robert LASSERRE.
MAO
Ce « géant du socialisme » a, par
la violence et par une dictature sanglante, discipline tout un peuple
qui avait besoin plus de nourriture que de liberté et qui a été
heureux de travailler durement, de lutter âprement et de marcher
au pas sous la férule des adjudants du « Grand timonier
», puisqu’ils pouvaient ainsi manger à leur faim, se vêtir
d’uniforme et s’abriter sous un toit.
Sa révolution était indispensable et méritoire,
faisant d’un peuple voué à la misère et aux épidémies,
une nation en voie de développement.
Mais son action peut-elle être un enseignement pour un pays comme
le nôtre, qui a dépassé depuis longtemps le stade
de l’évolution maoïste du peuple chinois ? Aurait-il été
capable d’améliorer le sort des Français ?
Je livre à la méditation des lecteurs quelques citations
de Mao, matière à se livrer à toutes les exégèses,
à la lueur de notre actualité.
- « La révolution n’est pas un dîner de gala. Elle
ne se fait pas comme une pauvre littéraire, un dessin, une broderie.
Elle ne peut pas s’accomplir avec autant d’élégance, de
tranquillité et de délicatesse ou avec autant de douceur,
d’amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité
d’âme. C’est un acte de violence par lequel une classe chasse
l’autre. Le pouvoir est au bout du fusil ».
- « Un communiste ne doit en aucun cas s’estimer infaillible,
prendre des airs arrogants, croire que tout est bien chez lui, et que
tout est mal chez les autres ».
- « Les cadres jouent un rôle décisif dans les nations,
et il faut en prendre grand soin ».
- « Les officiers et les soldats doivent obéir aux ordres
dans tous leurs actes ».
- « Moins de troupes, mais de meilleures, et simplifier l’administration
».
- « En ce qui concerne nos dépenses budgétaires,
nous devons avoir pour principe l’économie ».
- « Ce qui compte réellement dans le monde, c’est d’être
consciencieux ».
PORTUGAL : Les Socialistes au pouvoir.
M. Mario Soarès a annoncé le 9 septembre
un certain nombre de mesures pour relancer la productivité et
l’expansion au Portugal.
Evoquant la réforme agraire, la « gestion ruineuse »
de certaines unités collectives, il a souligné l’intention
de son gouvernement de ne pas laisser des considérations politiques
« hypothéquer l’avenir de cette réforme »
et sa décision de restituer les terres dont l’occupation n’a
pas été légalisée.
Pour éviter « l’effondrement à bref délai
», M. Soarès a insisté sur la nécessité
d’un « travail dur et de la discipline » et manifesté
l’intention de combattre l’absentéisme dans les entreprises nationalisées
: il cite l’exemple des chantiers navals, entreprise de 10 000 ouvriers
« soi-disant révolutionnaires » ou 2 500 absences
sont enregistrées chaque jour. Il a également critiqué
la « furie revendicative » de certaines catégories
de travailleurs stimulés par certains partis.
CUBA : Les privilèges.
En 1971, un pont aérien de trois jours autorisé
par Castro permit aux opposants de quitter l’île. Cependant pour
retenir les chefs d’entreprise, les ingénieurs, les intellectuels
nécessaires à la réalisation du Plan, il eut l’idée,
pas très idéologiquement marxiste, de créer ce
qu’on appela les « salaires historiques » à leur
intention. Certains de ceux-ci dépassent 2 500 pesos, soit 10
000 de nos francs par mois, en plus du logement dans l’une des somptueuses
villas spoliées aux Américains.
Ces avantages en argent ne sont d’ailleurs pas uniquement accordés
aux spécialistes d’un secteur économique, mais aussi aux
zélateurs les plus fidèles du régime.
Pour se faire une idée de ces avantages, il faut savoir que le
salaire minimum garanti est de 833 pesos, soit à peu près
400 francs par mois, qu’un flacon de mousse à raser équivaut
à un salaire moyen d’une semaine (ce qui explique peut-être
le nombre des « Barbudos »), une paire de chaussures vaut
35 pesos, un imperméable 40 pesos.
Mais les Cubains ne payent pas d’impôt sur le revenu ; on se contente
d’alimenter le budget par une cascade d’impôts indirects qui accablent
tous les produits et services.
Lectures
Voici un livre, « Une Suisse au-dessus de tout
soupçon » par J. Ziegler (au Seuil), que quiconque prétendant
savoir ce qu’est le capitalisme devrait avoir lu. Il est édifiant.
Sans les références citées, qui, elles, sont au-dessus
de tout soupçon, beaucoup seraient tentés de croire les
chiffres exagérés.
On y apprend que le peuple suisse, constitué par seulement 0,03
% (trois pour dix mille) de la population mondiale se classe au second
rang parmi les peuples les plus riches du monde. Il détient même
le premier marché mondial de l’or et de la réassurance,
il est la troisième puissance financière de la planète.
La patrie du coucou est aussi celle des « seigneurs de la finance
» qui, grâce à leurs 4 000 banques contrôlent
des sommes dix fois supérieures au budget de la Confédération.
Les bénéfices réalisés en 1974 par trois
de ces banques s’élèvent à 517 millions de francs
suisses, c’est-à-dire plus de cent milliards de nos anciens francs.
La Suisse abrite 447 sociétés multinationales contrôlant
1 456 filiales (dont la société responsable de la catastrophe
récente de Seveso).
L’impérialisme suisse joue le rôle de receleur en recueillant
les capitaux étrangers, leur permettant ainsi d’être soustraits
au fisc de leurs pays d’origine et bien qu’une telle exportation soit
interdite. Le Portugal a perdu ainsi, entre avril 1974 et avril 1975,
plus d’un milliard d’escudos. Plus de 15 milliards de dollars fuyant
l’Italie ont été déposés à Lugano
entre 1964 et 1974. « Environ 400 000 Français possèdent
un compte numéroté en Suisse, soit « plus de 390
milliards de nouveaux francs » ; (répartis entre un million
de chômeurs, cela ferait 39 millions d’anciens francs pour chacun
d’eux), etc., etc... L’ex-empereur d’Ethiopie, Hailé Sélassié
fit transférer des centaines de milliers de kilos d’or pendant
des dizaines d’années. Le Honduras connut en 1974 une situation
difficile à cause de transferts massifs des profits de l’oligarchie
déposés dans les banques étrangères, notamment
suisses, installées à Panama. Tandis que les peuples vietnamiens
et cambodgiens vivaient une agonie terrifiante, le Général
Thieu et le Maréchal Lon-Nol essayèrent de faire parvenir
en Suisse 16 tonnes d’or... et y parvinrent probablement.
Mais toutes ces transactions sont couvertes par le secret bancaire,
qui, lui, est sérieusement réglementé et préservé.
Ainsi depuis des décennies, le gouvernement de la République
de Saint-Domingue essaie-t-il, en vain, de récupérer les
quelques 500 millions de dollars « transférés »
par les fils de l’ancien dictateur Trujillo. Des centaines de familles
juives ne parviennent pas à retrouver ce que des parents ont
déposé en Suisse au moment de la montée du nazisme.
Le gouvernement algérien ne peut pas toucher le « trésor
du F.L.N. », les 50 millions de francs suisses des cotisations
des travailleurs algériens déposés à la
banque commerciale arabe de Genève par Khidder.
Ziegler montre ensuite comment les capitaux en fuite servent au «
financement des entreprises les plus aventureuses et les plus lucratives
d’une mince oligarchie ». La destruction de ce système
« non seulement n’affecterait pas l’économie suisse mais...
rendrait une partie de leurs chances de vie à des dizaines de
millions d’hommes... ». Son rôle dans l’étranglement
lent et méthodique du peuple chilien apparaît avec logique
et clarté.
Ce livre est une source de documentation pour qui voudrait montrer par
quel mécanisme l’impérialisme capitaliste impose ses modèles
politiques aux peuples du Tiers Monde. « La dette des pays en
voie de développement a pris des dimensions astronomiques...
Ces tendances apparaissent dans les chiffres des crédits à
l’exportation suisse pour 1970 : de nouveaux crédits furent accordés,
d’une valeur de 97 millions de francs, tandis que 250 millions de francs
faisaient le trajet retour (Tiers Monde-Suisse), représentant
les intérêts des crédits antérieurs. Les
remboursements ne sont pas inclus dans ces chiffres. »
Dans sa conclusion, Ziegler nous rejoints parfaitement : « L’impérialisme
répand ses ravages à travers le monde à une vitesse
effrayante. Ici et là, le seul moyen d’en guérir est l’aide
concertée d’hommes et de femmes décidées à
briser le règne du capital et de la marchandise, d’abolir la
misère et le mensonge et de transformer leurs vies défigurées
en un destin collectif chargé de sens ».
Cette étude sérieuse, résultat d’un long travail
remarquablement documenté, nous conforte donc dans l’idée
que le système économique prime tout... hélas !
N’en déplaise à certains écologistes.