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Editorial
Le réveil de notre journal semble entraîner celui de ses lecteurs. Parmi ceux-ci, nombreux sont ceux qui m’ont fait part, avec leurs encouragements, de leurs efforts personnels, se remémorant avec nostalgie les activités militantes des sections avant et après la guerre, les brillantes conférences hebdomadaires suivies de débats animés, etc... Beaucoup reconnaissent que leur propre ardeur s’est considérablement atténuée, certains se contentant de prolonger leur adhésion, d’autres essayant en plus, à titre individuel, de nouer des contacts avec des personnalités françaises ou étrangères susceptibles de posséder une certaine ouverture d’esprit. Tous cependant restent convaincus d’être sur le bon chemin et, prêts à continuer notre combat de propagande, éprouvent le besoin de dresser un bilan : quels sont, à l’heure actuelle, nos moyens d’action ?
*
Nous sommes peu nombreux. Surtout si nous ne comptons
que ceux qui se font connaître pour venir militer ouvertement
à nos côtés. Mais les plus grands mouvement d’idée
débutent forcément ainsi, il n’y a pas lieu de s’en étonner
ni de chercher, comme le font certains camarades, à en rendre
des tiers responsables. C’est ainsi que quelques-uns seraient enclins
à se servir de l’expérience « Tous ensemble »
qu’ils considèrent comme un échec, pour en conclure qu’il
n’y a rien à faire comprendre aux jeunes. D’autres parlent de
la « conspiration du silence » pour en déduire qu’il
n’y a rien à faire du tout.
Analysons de plus près ces deux jugements décourageants.
Il ne m’appartient pas ici de faire le procès de « Tous
ensemble ». Mais il est certain que cette opération ne
peut pas être classée comme un échec complet, car
il est impensable que les écologistes raisonnables ne se rendent
pas compte à quel point la qualité de la vie sur terre
est faussée par la recherche du profit. Leur combat passe ainsi
logiquement par le nôtre, et cela ne peut qu’apparaître
enfin aux yeux de tous. Si certains parlent d’échec, il ne peut
s’agir que du point de vue des méthodes de propagande, de la
recherche et du choix des arguments. C’est au vu du peu d’approbation
au référendum posé sur cette question en mars 1975
(moins de 5% d’accord) que la discussion aurait dû être
ouverte au M.F.A.. Ne doutons pas qu’elle le sera enfin lors du prochain
congrès national.
Quant à la conspiration du silence, elle ne date pas d’hier puisque
le mot est de J. Duboin. Mais au lieu d’en conclure au renoncement,
il est plus constructif de chercher à comprendre les mobiles
qui animent les « conspirateurs », pour mieux les déjouer.
Ils appartiennent à deux catégories : ceux qui ont compris
et ceux qui n’ont pas compris.
Les premiers agissent parce qu’ils ont calculé que l’économie
distributive leur ferait perdre un pouvoir, ou un prestige, bref, un
privilège qui passe à leurs yeux avant la justice et même
la vie de leurs semblables. Ils sont peu nombreux, mais constituent
un obstacle primordial parce qu’ils tiennent les rênes de notre
société. Heureusement nous avons un allié tout
puissant contre eux : le mal incurable qui mine le système capitaliste
sur lequel ils s’appuient.
Reste la foule de tous ceux qui n’ont pas compris, ou mal compris, ou
qui n’ont jamais entendu nos arguments. A qui la faute ? Faut-il raisonner
comme cet instituteur qui déclare que tous ses élèves
sont des ânes quand ils ne comprennent pas ses explications ?
Il y a des ânes, c’est vrai. Mais il y a aussi des élèves
dont personne n’a cherché à ouvrir l’esprit. Et il y a
ceux qu’on a conditionnés pour raisonner comme des ânes,
au besoin à coups de bâton. Enfin, il y a de mauvais professeurs...
Quand il n’y aura plus que les vrais ânes à n’avoir pas
compris, alors seulement nous pourrons estimer être au bout de
nos efforts. Pas avant !
Il est, hélas, évident que la pauvreté de nos moyens
publicitaires est un handicap dans une société où
même les idées se mesurent en millions de francs ! Je n’en
veux pour preuve que l’aspect que prennent désormais les campagnes
électorales : à voir les deux brillants candidats qui
se disputent la Maison-Blanche, il apparaît bien que le choix
ne s’est pas fait sur le critère de l’intelligence.
A l’instar du renard de La Fontaine devant les raisins qu’il ne peut
atteindre (« ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats
»), plaçons plus haut nos moyens de propagande.
Nous sommes obligés de remplacer la quantité des moyens,
qui nous manque, par la qualité de nos productions. C’est un
effort immense à faire, mais qu’il appartient à tous de
partager.
*
A l’actif de notre bilan, et c’est énorme, il y a la démonstration quotidienne de la vérité de nos arguments. Notons d’abord que l’économie distributive s’instaure sans crier gare par une multitude d’allocations et de subventions diverses qui étaient impensables il y a seulement 50 ans (et qu’est-ce que ces 50 ans dans l’histoire de l’homme !). Il y a ce fait, évident aujourd’hui, que les problèmes économiques priment tous les autres. Et pourtant, ,que de sarcasmes ont accueilli Jacques Duboin quand il a été le premier à le montrer ! Il y a cette course contre la montre que veulent gagner certains écologistes conscients, face à une industrialisation poussée sans discernement pour le seul profit de quelques-uns. Il y a cette vérité indéniable de la croissance simultanée du chômage et de la production. Il y a enfin ce mur sur lequel butent depuis si longtemps nos économistes les plus distingués : l’inflation, que leurs mesures draconiennes n’épongent pas mieux que le seau d’un enfant n’assèche la mer. En un mot, c’est l’actualité économique et sociale qui est notre meilleure source d’encouragements. Il nous appartient de savoir en tirer parti.
*
Le moyen le plus sûr dont nous disposons à
l’heure actuelle, c’est notre journal. Il s’agit donc non seulement
de le garder, mais de faire tout ce que nous pouvons pour qu’il soit
le meilleur possible. C’est par sa qualité, et par elle seulement,
qu’il peut augmenter son audience. Face à un tel but, il paraît
bien futile d’opposer des querelles de personnes. Seule la qualité
rédactionnelle, la valeur des arguments, la richesse de la documentation,
l’actualité et la portée des informations doivent être
prises en considération. Nous ne sommes pas parfaits et nous
ne le deviendrons pas, surtout dans ce monde qui rend fou. Mais essayons
au moins de garder suffisamment de raison pour ne pas perdre l’un de
nos meilleurs et plus solides outils.
Malheureusement, on ne s’improvise pas journaliste du jour au lendemain.
Il ne suffit pas d’avoir du talent et de bonnes choses à dire.
Il faut en plus se donner beaucoup de mal pour les écrire, de
la façon la plus claire, la plus concise, la plus attrayante
possible. Il existe quelques règles simples, comme se choisir
un sujet et s’y tenir, suivre un plan (introduction, développements,
conclusion), éliminer le superflu et les répétitions,
se relire et se faire lire en sollicitant des critiques. Accepter, au
besoin, de tout recommencer... Rien n’est déshonorant dans un
tel travail. Combien de fois ai-je vu mon Père mécontent
d’une première, d’une seconde, d’une nième rédaction,
remettre à nouveau l’ouvrage sur le métier !
C’est à son talent, à ses efforts personnels, et à
ceux qui avaient su l’aider avec le même courage, que «
La Grande Relève » doit d’avoir survécu à
tant de difficultés. Nous ne la redresserons que si nous sommes
capables de trouver encore plus de gens courageux acceptant une telle
tâche.
Cette tâche n’est d’ailleurs pas ingrate. Il n’y a rien de tel
pour comprendre les choses à fond que de s’atteler à les
bien expliquer.
*
Dans le domaine de la presse écrite, le stade suivant serait évidemment de publier de bons ouvrages en librairie. Mais devant le nombre croissant des publications, il faut reconnaître que pour être lu, un livre doit, soit bénéficier d’une énorme publicité, telle celle gratuitement accordée au Président de la République, soit posséder de très brillantes qualités d’originalité, d’actualité, de clarté. En attendant qu’un nouveau talent se révèle, nous avons avec l’oeuvre de Jacques Duboin un atout remarquable que nous aurions bien tort de ne pas exploiter à fond. Je ne crois pas qu’il soit opportun d’essayer de rééditer et faire lire toute son oeuvre. Elle est évidemment trop volumineuse, et certains passages ont forcément perdu de leur actualité. Par contre, certains éditoriaux de « La Grande Relève » et des bulletins « Réflexions d’un Français Moyen », toujours très actuels, pourraient être relus avec intérêt. On peut donc envisager une réédition sélective des passages les plus représentatifs et les plus actuels, en un seul volume, dont le lancement pourrait peut-être coïncider, ce qui serait un atout publicitaire, avec le centenaire de la naissance de l’auteur. Le travail de sélection à faire sur l’oeuvre de Jacques Duboin est énorme, demande beaucoup de temps et de soin. Je suis prête à l’entreprendre. Mais j’ai besoin d’aide.
*
Les conférences d’autrefois nous ont été
très profitables. D’abord parce que nous avions de brillants
conférenciers. Et puis parce que la télévision
n’avait par envahi comme aujourd’hui, la majorité des foyers.
Elle fascine, à l’heure actuelle, la population. Elle se substitue
souvent aux conversations en famille, aux soirées entre amis,
aux veillées paysannes et, même, ce qui est encore plus
grave, à toute réflexion personnelle. Ainsi, ce qui devrait
être une agréable détente occasionnelle, et un remarquable
moyen de se cultiver, de découvrir le monde et de réfléchir
aux problèmes de notre époque, devient un instrument de
conditionnement des masses entre les mains de ceux qui en ont le monopole.
Il nous reste l’espoir que sa médiocrité entraîne
la lassitude qui succède souvent à l’euphorie de la nouveauté.
Ou bien que sa gestion revienne un jour à des esprits animés
de meilleurs principes.
Ceci entraîne pour nous deux conséquences : il n’y a plus
qu’en périodes électorales qu’on peut espérer organiser
avec succès des conférences- débats. Dans ce but,
il convient donc de préparer de bons orateurs, connaissant à
fond leur sujet et l’art de parler en public. Nous pouvons, d’autre
part, envisager une espèce de « recyclage » de certains
d’entre nous en prévoyant d’avoir l’occasion de faire un jour
une émission télévisée. Car en ce domaine
plus encore peut-être qu’en tout autre, la propagande ne s’improvise
pas. Elle demande un travail qui s’étudie, se prépare
longtemps à l’avance, se met au point avec des gens du métier
connaissant à fond les techniques, les trucs et les effets. Là
encore nous avons beaucoup à faire si nous ne voulons gâcher
aucune possibilité.
*
La faiblesse de nos effectifs nous oblige à
nous sentir tous concernés par la propagande. Donc à participer
tous à cet effort vers la qualité. C’est dans notre petite
sphère qu’il faut la préparer, en perfectionnant chacun
nos moyens personnels. L’heure n’est plus de remettre à d’autres
le soin d’agir à notre place. Et nous avons tous des talents
variés à exploiter, même si cela demande un très
gros effort de rigueur de pensée, des lectures arides, de la
persévérance, etc... voire même de la modestie.
Nous avons tous, autour de nous, quotidiennement, l’occasion d’amener
des proches, parents, compagnons de travail, relations diverses, à
réfléchir. Mais il nous appartient de soigner la façon
d’aborder avec eux le dialogue pour le mener opportunément sur
notre sujet. Là encore l’improvisation est dangereuse. Une erreur
psychologique peut mener à un échec plus grave que l’ignorance.
Il faut savoir préparer le terrain, analyser les motivations
de l’interlocuteur, ses blocages et ses manies. Il faut prendre soin
de le préparer à comprendre, avant de lui présenter
une solution. Je crois, par exemple, que si l’enthousiasme nous emporte
au point de décrire un véritable pays de Cocagne, sans
chômage, sans impôts, sans crimes crapuleux, etc., à
quelqu’un à qui on a omis de faire comprendre, au préalable,
pourquoi et comment de nouvelles bases d’échanges entre les hommes
sont possibles et nécessaires, il ne faut pas s’étonner
d’entendre traiter les « abondancistes » d’utopistes, donc
de doux dingues...
*
Nous avons conscience d’être arrivés à un tournant décisif dans notre action. Jamais les faits économiques n’ont mieux crié la justesse de nos analyses. Demain la gauche au pouvoir peut nous ménager une meilleure audience. Sommes-nous prêts à faire l’effort individuel nécessaire pour être à la hauteur de la tâche que nous nous sommes fixée ?
En relisant J. Duboin
Le dynamisme de la pensée caractérise Jacques Duboin. C’est pourquoi la lecture de ses ouvrages par les responsables des organisations politiques et syndicales leur serait particulièrement profitable.
Ouvrons ce merveilleux petit livre que Jacques Duboin
a intitulé « L’économie distributive s’impose »,
nous y lisons :
« Sachez qu’un économiste « distingué »
est inentamable. Qu’il soit de droite ou de gauche, il entend faire
accepter pour loi naturelle, donc applicable en tous temps et en tous
lieux, des hypothèses provisoires qui permettent d’expliquer
le passé, mais qu’il faut abandonner sous la pression de phénomènes
nouveaux...
» Pour commencer, il faut faire abandonner la conception d’un
ordre social immuable. On s’imagine à tort que le capitalisme
- que j’appellerai le système des prix-salaires-profits - s’identifie
à certain ordre naturel, et que le mieux qu’on puisse faire est
de diminuer les excès ou les mauvais effets des lois naturelles
qui le régissent.
» Un nombre incalculable de gens ignorent que la société
humaine n’a jamais rien de définitif ; elle n’est pas statique
comme elle fut longtemps en Egypte, en Chine et ailleurs. Elle se transforme
selon la manière dont les hommes se divisent le travail, c’est-à-dire
selon les progrès réalisés par les techniques de
production. Ces progrès obligent les hommes à vivre d’une
manière différente, donc à changer leurs institutions,
leurs moeurs, leurs façons de penser, bref tous leurs rapports
sociaux... ».
1929 - 1974
Cet enseignement doit être constamment présent
en nous- mêmes. Il nous évitera, par exemple, l’erreur
qui consiste à appliquer à la crise actuelle l’analyse
faite pour celle de 1929 et les précédentes. Celles-ci
furent des crises de surproduction (ou plus exactement de sous-consommation
par manque de moyens solvables) qui se caractérisèrent
toutes par l’écroulement des prix, l’effondrement des profits
et un chômage étendu.
La crise actuelle se caractérisa dès sa naissance, et
continue à se caractériser, non pas par un effondrement
des prix mais par leur hausse généralisée. Cette
« inflation » ne provoqua nullement le chômage ; celui-ci
résulta des mesures prises par le gouvernement en vue de freiner
l’expansion
économique.
Nul lecteur de Jacques Duboin n’ignore que la rareté des produits
est, dans ce régime, la condition du profit et l’une des conditions
essentielles de toute hausse des prix. La crise actuelle serait-elle
donc, contrairement aux précédentes, une « crise
de rareté » ?
N’oublions pas que, depuis 1930, les gouvernants capitalistes
ont appris à lutter contre l’abondance ; la pratique de «
l’assainissement des marchés » leur est devenue coutumière.
Ce régime fabrique la rareté pour... fabriquer le Profit.
Mais la recherche du profit incite, par ailleurs, les entreprises à
développer leurs moyens de production en vue d’augmenter leur
chiffre d’affaires. Alors elles empruntent aux banques les crédits
d’investissements qui leur sont nécessaires...
Jacques Duboin a dévoilé depuis de nombreuses années
cette forme d’escroquerie économique que sont les créations
monétaires des banques. En période d’investissements accélérés
(c’est-à-dire d’expansion économique) ces créations
se multiplient et se chevauchent ; le résultat, c’est que LES
LIQUIDITES MONETAIRES AUGMENTENT PLUS VITE QUE LA PRODUCTION NATIONALE
car il faut le plus souvent plusieurs années avant qu’une entreprise
nouvelle soit en mesure de jeter sur le marché une production
équilibrant les crédits bancaires obtenus.
Il y a donc bien, cette fois encore, une « surproduction » mais ce n’est plus, comme en 1929, une surproduction offerte à la consommation publique mais seulement une surproduction de monnaie qui provoque ce déséquilibre entre l’offre et la demande qui caractérise toutes les crises économiques du capitalisme.
Jacques Duboin a intitulé l’un de ses livres « LES YEUX OUVERTS ». Ouvrons bien les nôtres !
Soit dit en passant
Gabriel Lafont collabora de très longues années, sous cette rubrique, à « La Grande Relève », pour les plus grands délices de nos lecteurs. Remercions-le avec joie d’avoir bien voulu reprendre sa plume pour nous.
Depuis que je paie des contributions - ça fait
déjà un bout de temps - et que, curieux de savoir où
passe mon fric, j’épie du coin de l’oeil les princes qui nous
gouvernent et prétendent gérer les affaires du pays, j’ai
assisté avec un émerveillement toujours renouvelé
à je ne sais combien d’exercices de haute voltige appelés
redressements définitifs, à commencer par la première
stabilisation du franc entreprise par Poincaré, le sauveur d’alors.
Brillante opération qui amputait notre glorieuse monnaie nationale
des quatre-cinquièmes de sa valeur, et qui fut saluée
par tous les économistes distingués comme un chef-d’oeuvre
de technique monétaire. Au point qu’il fallut la renouveler plusieurs
fois par la suite. Rien que pour le plaisir.
Bien que le nouveau plan de redressement, tout aussi définitif,
du professeur Barre ne soit pas accompagné, cette fois, d’une
dévaluation - mais tous les espoirs sont encore permis - tout
porte à croire qu’il aura le même succès que les
précédents.
Ce changement dans la continuité, ou cette continuité
dans le changement, comme dirait Giscard d’Estaing, qui est la marque
de la société libérale avancée, a quelque
chose de rassurant. Où irions-nous, je vous le demande, si quelque
hurluberlu au pouvoir s’avisait tout à coup qu’il y a quelque
chose qui ne tourne pas rond dans notre système économique,
et même dans la petite tête de nos hommes politiques ? Et
que tous les remèdes classiques que l’on applique au grand malade
sont autant de cataplasmes sur une jambe de bois ? Il pourrait en conclure,
cet hurluberlu, qu’il serait temps enfin, passant de l’homéopathie
à la chirurgie, d’en venir au socialisme distributif. De quoi
frémir.
En attendant, la Société Libérale Avancée continue son petit bonhomme de chemin à reculons. On ranime le franc défaillant avec des cachets d’aspirine, on augmente le prix de la vignette-auto, on invite le bon peuple à retrousser ses manches et à se serrer la ceinture, et la fête continue.
Jusqu’à quand ?
Jusqu’au jour où un nouveau sauveur, succédant
à M. Barre ou à un autre, mais qui, ayant découvert
un remède miracle contre l’inflation, nous sortira de la... enfin,
vous voyez ce que je veux dire.
Mais j’y pense, ce sauveur, on l’a peut-être sous la main...
Voici quelques semaines, Mme Alice Saunier-Seïté,
secrétaire d’Etat aux Universités, entourée du
professeur Balout, directeur du Musée de l’Homme, du colonel
de l’Armée de l’Air en grand uniforme, de l’Ambassadeur d’Egypte
en tenue de gala, et de la Garde Républicaine au garde-à-vous,
recevait sur l’aéroport du Bourget un illustre personnage à
sa descente d’avion. C’était Ramsès II.
Ramsès II n’était pas en très bon état,
à ce qu’il semble. C’est pourquoi - et c’est tout à l’honneur
de la France - il est venu se faire soigner chez nous où une
vingtaine de savants appelés à son chevet vont essayer
de lui refaire une santé ; ou tout au moins le retaper un peu
pour le rendre plus présentable.
Si la science y parvient, ce que je souhaite ardemment, pourquoi ne
le garderions-nous pas chez nous, Ramsès II ? Hein ?... Pas au
Musée de l’Homme. A Matignon.
Ramsès II, en effet, d’après ce qu’on raconte, serait
ce pharaon qui, voici plus de 3 000 ans - comme le temps passe ! - à
l’époque des vaches grasses et des vaches maigres, sauva l’Egypte
à la fois de la surproduction et de la famine, réalisa
le plein emploi en construisant des pyramides et jugula du même
coup l’inflation. Il devait avoir un truc.
Si Ramsès Il s’en sort grâce aux savants français,
il faut le garder à tout prix. M. Barre n’en sera pas vexé,
j’espère.
En raison des liens séculaires qui unissent la France à
l’Egypte, M. Anouar et Sadate ne peut pas nous refuser ce cadeau.
En échange on lui refilera Antoine Pinay.
A l’anxiété, à l’insécurité
collective, des remèdes divers sont proposés. Groupements
idéologiques, syndicats, partis, exaltent et cultivent leur clientèle :
- les premiers sur une société altruiste, idéalement
évoluée,
- les seconds, sur le salariat à perpétuité
par le plein emploi,
- les derniers sur l’amélioration des revenus
par l’arrêt de l’inflation et, à la fois, du chômage,
dans le cadre « Prix-Salaires-Profits »...
Certains, pleins de généreuses aspirations, demandent
le sacrifice momentané de catégories sociales pour l’exemple,
pour créer un état de fait et entraîner la collectivité
vers les réformes fondamentales. C’est exaltant, le sacrifice,
mais pas courant, et, en conséquence, il s’épuise vite,
sa proposition reste aléatoire.
Ce qui est moins attrayant, mais qui est positif, parce qu’il correspond
à une réalité économique, c’est : LA REVENDICATION
DE REVENUS DISSOCIES D’UN TRAVAIL FOURNI.
Analysons le problème :
Nous voyons nos Gouvernants se muer en commis-voyageurs à l’exportation,
se lancer à corps perdu dans les armements, les grands travaux
: activités productrices de biens non commerciables dans le pays,
mais créant des revenus indispensables pour l’écoulement
de la production utile qui, de plus en plus mécanisée,
dispense de moins en moins de revenus pour son acquisition.
Ces mesures s’avérant insuffisantes face à l’évolution
plus rapide encore des techniques productives, la Banque, pour sa part,
développe le crédit qui, par son agio onéreux,
accroît l’écart entre les salaires et les prix.
Malgré l’inflation aussi fluctuante qu’artificielle, l’abondance
des biens subsiste, nous submerge.
Que se stoppe l’accentuation crédits-travaux non productifs et
c’est le blocage des échanges, de l’économie elle- même.
Est-ce irrémédiable ?... Non !
Le suicide collectif ne s’accepte que sous l’emprise de nécessités
implacables.
Est-ce le cas ?... Non plus !
Nous avons au contraire : abondance de biens et un équipement
productif prometteur d’abondance plus grande encore. Il nous suffit
de créer les revenus correspondant au volume de cette production
pour la répartir.
Les mesures de survie du capitalisme, sous la pression de notre potentialité
productive, sont quelque peu anarchiques ; l’adaptation est douloureuse,
confuse.
La sauvegarde du profit passe par l’échange lucratif.
Au stade actuel de notre productivité, le passage à la
consommation des biens produits ne peut plus être lucratif que
par l’apport de revenus ne créant pas de biens destinés
au marché ; c’est-à-dire de revenus restant disponibles
pour l’écoulement de biens de consommation commercialisés.
Depuis nombre de décades nos gouvernements successifs, sous l’égide
de la Banque, l’ont parfaitement compris :
Pour diminuer l’écart entre la valeur de la production offerte
et le pouvoir d’achat qu’elle libère, ils se sont appliqués,
soit à raréfier les produits destinés au marché
(opération dénommée « Assainissement du marché
»...) - soit à créer des revenus d’appoint
par : la production d’armements,
les exportations onéreuses, grands travaux, subvention aux investissements,
à la construction, etc., pour fermer le cycle : production utile
- consommation, libérateur du « profit-tabou ».
A ces revenus créés par une production inutile, ruineuse
par son impact sur la dévaluation de la monnaie, annihilant sa
capitalisation même, nos augures consentirent l’aide directe,
mais parcimonieuse, à la consommation sous forme d’allocations
et subventions sans contre-partie de travail - Retraites, prestations
familiales, de logement, de chômage, aide à l’habitat,
secours aux économiquement faibles, aux handicapés, ristourne
aux rentiers, etc.
Ce principe de revenus sans contre-partie de travail fourni, adopté
pour la pérennité du profit échangiste lui-même :
" démontre que la création de cette forme de revenus
est une nécessité pour l’écoulement des biens produits
;
" amorce le nouveau mode de répartition de ces revenus
(leur distribution).
" implique que la création de ces revenus soit assurée
et contrôlée par l’Etat en fonction du volume total de
la production de biens et services réalisés.
Nous cheminons lentement vers une Economie Distributive, mais, si le
chemin tracé est irréversible, n’appartient-il pas aux
impatients dont nous faisons partie, de l’élargir, d’en faire
une avenue directe, d’en supprimer les détours ? Car, le capitalisme
ne s’y oriente qu’à son corps défendant ; ses managers
font la rafle, ils plument hâtivement la collectivité au
passage.
Par leurs privilèges du crédit, de battre monnaie, ils
tiennent la consommation en laisse.
La résistance de la puissance financière chancelle ; le
coup de pouce de la grande masse de la collectivité réduite
à la portion congrue, malgré notre potentialité
d’abondance, nous entraînerait à une « Economie des
besoins », sans attendre la faillite totale du profit.
Le problème actuel est donc de faire face à la diminution
des revenus dégagés par la production, par le développement
des revenus sociaux.
Nos voisins d’outre-Atlantique, dont l’équipement productif plus
automatisé dégage encore moins de revenus en regard de
leur production, sont parvenus à ce stade critique :
Après le secours de chômage à 90% du salaire, pour
tout chômeur ; la retraite calculée sur les dix années
où le salaire était le plus élevé ; l’allocation
a toute femme à l’âge de la retraite, n’ayant pas même
participé à la production ; se profile pour les mois qui
viennent : le salaire garanti à tout homme ou femme dans l’âge
de la période active.
Ces réformes sociales sont inscrites dans l’évolution
économique elle-même ; tant il est vrai qu’il ne nous appartient
pas de faire longtemps échec aux techniques qui bousculent nos
structures économico-sociales conçues au siècle
dernier.
Pourquoi faire les sourds alors que la collectivité entière
ne peut qu’y gagner sécurité et bien-être ?
Serons-nous longtemps à la remorque de nations fief du du capitalisme,
nous qui prétendons être le berceau de l’émancipation
sociale ?
Au socialisme idéaliste, au socialisme de voeux, doit succéder
leur réalisation : LE SOCIALISME DISTRIBUTIF.
AVANÇONS-EN L’HEURE !
Un conte pour enfants
Le plateau verdoyait sous un ciel lumineux. Dans les
arbres qui ployaient sous leur charge de fruits, les oiseaux chantaient
et se poursuivaient dans l’allégresse qu’engendrait l’air frais
de ce matin d’été.
Ecolier en vacance, Pierrot se promenait, tenant d’âne main une
pomme mûre qu’il croquait à belles dents tandis que de
l’autre il semblait accroché au bras de son gigantesque grand-père
tel un singe à une branche maîtresse.
Tout lui souriait et il s’étonnait de voir que les habitants
du pays, qui saluaient son aïeul au passage, n’avaient pas l’air
de participer à l’euphorie générale qu’entonnait
la nature.
- Dis grand-père pourquoi les gens, ici, sont-ils si tristes
?
Le géant ne répondit pas tout de suite et se contenta
de bougonner à la première récidive de celte question
qui semblait l’embarrasser.
Devant l’insistance de Pierrot il s’arrêta et tendant un doigt
vengeur vers un édifice tout rose aux lignes élancées
le faisant ressembler à une immense corole, il se décida
à prendre sa question en considération.
- Tu vois ce réservoir qui nous cache une partie du ciel, là-bas,
ce béton disgracieux qui jure dans le paysage ?... c’est de lui
que nous vient tout le mal...
L’émotion l’étreignait trop fort, il ne put poursuivre
et se contenta de conclure par ces mots :
- C’est toute une histoire que je te conterai plus tard quand tu seras
grand.
- Pourquoi plus tard, dit l’enfant : il y a donc des passages interdits
aux moins de 18 ans dans ton histoire ?
- Non, mais tu ne comprendrais pas. - Tu crois ? Dis toujours, on verra
bien.
Il y eut d’abord un long silence, puis l’aïeul se décida
enfin à accéder au désir du « petit ».
- Et bien voilà... Je vais essayer d’être simple.
Du temps où j’avais ton âge, il n’y avait pas d’eau sur
ce plateau. On allait la chercher tout en bas dans la plaine. Elle se
vendait dix sous la jarre.
Seul le père Simon avait un puits très profond d’où
il tirait, avec une chaîne enroulée à un tambour
mu par une grande manivelle, de quoi boire et arroser son jardin. Il
faisait des envieux et on le chahuta tant qu’il finit un jour par céder
à la pression populaire. Il embaucha les cent gars les plus solides
du village leur offrant cinq sous pour chaque jarre qu’ils tiraient
et que, lui, vendait six sous.
On ne manqua pas de le traiter de profiteur mais les maraîchers
et les travailleurs y trouvèrent quand même leur compte.
C’était le bon vieux temps. Tout le monde avait du travail et
nos jardins, bien arrosés, fournissaient assez de produits pour
nourrir toute la population.
Malheureusement un gars venu de la grand’ville, un beau matin, acheta
la terre du père Simon et eut l’idée d’installer une pompe
à moteur et ce réservoir de stockage. L’eau se mit à
couler dans les caniveaux que c’en était une bénédiction.
La payant à l’ouverture des vannes elle revenait, d’après
les calculs des experts, dix à vingt fois moins cher qu’autrefois.
Tout faisait donc présager une nouvelle ère de prospérité.
Hélas ! le moteur faisant le travail de près de cent hommes,
ce résultat était obtenu avec le concours de deux seuls
ouvriers juste nécessaire pour surveiller et entretenir la pompe
et manoeuvrer les vannes. Les légumes et les fruits devinrent
encore plus abondants chez nos maraîchers. Mais nos travailleurs
réduits pour la plupart au chômage n’avaient plus d’argent
pour les leur acheter. Ils furent contraints de descendre chercher du
travail dans la plaine, où ils furent rejoints par les ouvriers
agricoles en surnombre sur des terres remises en jachères. Rapidement
le plateau se dépeupla et il ne resta plus que les vieux.
Mais le travail, là-bas aussi, commença à manquer
et on vit revenir peu à peu tous ces jeunes, la rage au coeur.
Les uns voulaient détruire ce moteur et le réservoir objets
de leur malheur, les autres ne parlaient que de s’en emparer pour les
utiliser à leur seul profit.
Ce sont ces derniers qui l’emportèrent.
L’eau se remit à couler dans les caniveaux pendant quelque temps
mais cessa rapidement car les maraîchers n’avaient pas d’argent
pour l’acheter au prix qu’en demandaient les nouveaux distributeurs.
Ces derniers avaient beau expliquer qu’ils avaient, eux aussi, des besoins
élémentaires à satisfaire et une famille à
nourrir, ils n’en passaient pas moins pour de paresseux fonctionnaires
se mettant à cent pour faire le travail d’un seul homme.
- Mais grand-père, dit l’enfant, au « bon vieux temps »
comme tu dis, ils étaient aussi cent à tirer de l’eau
et tout semblait s’équilibrer. Est-ce parce qu’ils ont plus d’eau
encore avec moins d’effort que tous ces gens sont mécontents
?
- Non, mon gars, il paraît que nous sommes atteints d’une grave
maladie qui s’appelle l’inflation et que pour s’en guérir il
faut se restreindre.
- Se restreindre parce qu’il y a trop d’eau et qu’on peut espérer
de très belles récoltes ?
- Je t’avais bien dit que ce n’était pas une histoire pour enfant.
A quoi bon direz-vous rappeler des vérités
premières, tellement évidentes !
Tout simplement parce que plus personne ne les a présentes à
l’esprit, enfouies qu’elles sont, depuis des décennies, sous
l’accumulation des scories de la « Pub » commerciale ou
politique. Submergés d’informations tendancieusement déformées,
le crâne bourré des slogans les plus ineptes, nos contemporains
n’ont plus ni jugement sain, ni même le plus simple bon sens.
C’est pourquoi il convient, en cette période cruciale et déjà
électorale, de leur rafraîchir la mémoire et de
les amener à de saines réflexions.
*
- Pour quoi les hommes sont-ils donc sur Terre ?
Mais tout simplement pour y vivre ! Ils travaillent alors pour se procurer
tout ce qui leur permet d’exister et ce le mieux possible.
*
- Une grand loi guide l’activité des êtres
: la loi du moindre effort !
Ils ont donc cherché, et trouvé, les moyens de diminuer
leur peine tout en augmentant la production des richesses.
*
- Ce but est aujourd’hui atteint au delà de
toute espérance !
Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Hélas
! trois fois hélas !
Dans l’ère de l’Abondance, les régimes économiques
et politiques demeurent ceux de la Rareté.
*
- Nous avons atteint le point de rupture.
Au moment où il devient de moins en moins nécessaire,
notre Constitution nous garantit le « Droit au travail Partis
politiques et syndicats emboîtent le pas !
Automatisation et plein emploi » sont antinomiques. C’est un pari
stupide !
*
- Le Contrat social est donc rompu !
Alors, chez les « dirigeants », c’est la panique !
Pour sauver le régime capitaliste, celui des « salaires-prix-
profits », c’est la fuite en avant ! Pour créer des emplois,
l’expansion coûte que coûte (c’est le cas de le dire !).
Où trouver l’argent sans lequel le capitalisme ne sait rien faire
? Qu’à cela ne tienne, on en fabrique, et à qui mieux
mieux ! L’Etat, de son côté, avec une machine à
imprimer, les banques du leur, avec un encrier et un porte-plume ! Et
vogue la galère !
Juste retour des choses, dans ce régime où tout doit être
rare pour avoir un prix, ce sont les monnaies qui n’en ont plus !!!
*
Alors ?
- à la « production pour le Profit » doit tout naturellement
succéder la « production pour les besoins » (ce qui
à l’origine était justement son objet) ;
- au « marché du Travail » : le Service Social ;
- à la monnaie dite précieuse : la monnaie de consommation
;
- à l’économie marchande : l’économie distributive
- à l’abrutissement : la Culture.
*
Que ceux qui prétendent avoir une autre solution le disent, nous serons toute ouïe ! A condition toutefois que ce ne soit pas une c... bêtise. Ce dont nous ne serions d’ailleurs nullement surpris.
Dans un petit village près de Troyes, huit
personnes, dont cinq enfants, périssent dans l’incendie de leur
maison. (Les journaux du 11-10-76).
« La maison était faite de matériaux très
inflammables. Il s’agissait d’une construction plus que vétuste,
aux murs de craie, réparée au fil des années et
des besoins à l’aide de bois, de vieilles tôles de récupération,
de fins grillages et dont le toit était recouvert de toiles goudronnées.
(Le Parisien Libéré).
Cette description que l’on retrouve dans l’AURORE et dans LE FIGARO
n’est suivie d’aucun commentaire dans ces journaux.
Mais à gauche, direz-vous ? Nous y arrivons.
En effet, dans l’HUMANITE, on s’insurge. Lisez plutôt sous le
titre :
« Drame de la misère près de Troyes. Huit morts,
dont cinq enfants, dans l’incendie d’un logement-taudis ». Nous
vous faisons grâce des détails de cet horrible drame. Voici
les conclusions que l’on peut lire ensuite :
« Il est difficile, en présence de telles conditions de
vie, d’évoquer la fatalité ou l’accident, tant le drame
a des racines profondes dans l’injustice sociale ».
Nous félicitons l’HUMANITE pour sa position courageuse quant
à ce malheureux événement. Mais nous aurions aimé
trouver dans ses colonnes des solutions pour accéder à
la justice sociale. Par exemple, par la suppression de l’Economie de
Marché, en sortant du cadre du système Prix-Salaires-
Profits (Capitalisme), l’abolition du Salariat et du Patronat. Bien
sûr, il faut dénoncer les effets néfastes du Capitalisme,
mais sans oublier d’en saper les fondements et d’informer les Français
sur les cause réelles des désordres, drames et misères
découlant du régime économique actuel. Autrement
dit, nous pensons qu’il est inutile de parler d’injustice sociale, si
l’on n’est pas décidé à supprimer la misère
et non, seulement, à la soulager.
La justice sociale ne peut s’accommoder de l’économie capitaliste
ou échangiste dispensatrice de la rareté et de l’insécurité.
Par contre, son règne verrait rapidement le jour dans une économie
des besoins, distributive de l’abondance, permettant à chacun
d’entre nous de s’épanouir pleinement dans la SECURITE DE TOUS
LES JOURS.
Mais de cela l’HUMANITE ne parle jamais !
Pour en revenir à cet affreux drame, il est à présumer
que c’est par insuffisance de pouvoir d’achat que cette famille fut
contrainte de construire petit à petit sa maison et qu’elle ne
put se payer le luxe, pour ce faire, d’utiliser des matériaux
par trop onéreux pour ses maigres ressources.
Jacques Duboin aimait à répéter, avec preuves à
l’appui, que « Les prix montent par l’ascenseur et les salaires
par l’escalier ». Il en sera toujours ainsi si nous ne nous décidons
pas à nous séparer d’un système économique,
financier et monétaire, périmé, lequel n’est pas
adapté aux progrès fulgurants de la science et des techniques
et qui ne peut qu’engendrer désordres, drames et misères
Etranger
Dans son numéro du 13 septembre 1976, la revue
américaine BUSINESS WEEK attire notre attention sur un phénomène
paradoxal : les capitaux sont abondants, mais les investisseurs se dérobent
comme le montre l’état pitoyable des Bourses mondiales. Dans
les grands pays industrialisés les investissements sont nettement
inférieurs au niveau de 1973, ce qui pourrait bien compromettre
la reprise économique.
En conséquence, les entreprises ouvrent moins d’installations
nouvelles, achètent moins de matériel et freinent la recherche
de nouveaux produits. Bien sûr, certaines retirent des profits
de la reprise qui se manifeste et que les gouvernements ont souvent
déclenchée artificiellement en aidant les consommateurs.
Ces profits, les entreprises s’en servent pour équilibrer leurs
bilans et accroître leurs réserves (dans la crainte d’une
nouvelle crise), mais pas à investir. De plus, seules les firmes
qui inspirent confiance, celles qui ont « les reins solides »,
parviennent à attirer des capitaux. A ce jeu, les petites entreprises
pourraient fort bien disparaitre (c est le Sous-Secrétaire américain
au Trésor qui le dit !). Dernier point : le prix des biens d’équipement
croit plus rapidement que le prix de vente des produits qu’ils servent
à fabriquer. Les compagnies réagissent en relevant le
seuil de rentabilité des nouveaux projets (jusqu’à 30%).
Tous ces phénomènes inflationnistes poussent les entreprises
à adopter une croissante lente si bien que les usines ne tournent,
en moyenne, qu’à 75% de leur capacité.
On voit mal, dans ces conditions, comment la production pourrait se
développer rapidement pour permettre une baisse des prix et la
création de nouveaux emplois.
Lectures
Je me propose d’entreprendre ici l’analyse des deux
derniers livres de Roger Garaudy : « l’Alternative » publié
chez R. Laffont en 1972 et « Le projet espérance »,
sorti cette année.
Ces deux ouvrages qui m’ont enthousiasmée me paraissant une telle
mine de réflexion que je ne pense pas qu’il soit suffisant d’en
parler dans cette rubrique, même en plusieurs fois. Il faudrait
que tous ceux qui peuvent se les procurer en entreprennent la lecture
afin qu’une sérieuse discussion de fond, que j’ai déjà
amorcée avec l’auteur, puisse se poursuivre ici. J’ai conscience
de faire là à M. Garaudy, que je ne connais pas, une publicité
gratuite, mais je pense que nos lecteurs ne m’en voudront pas quand
ils auront fait la découverte enrichissante de ce travail courageux.
« L’alternative » est introduite par ces mots :
« Notre société est en train de se désintégrer
».
« Une transformation fondamentale est nécessaire ».
« Elle ne peut s’accomplir par les méthodes traditionnelles
».
Une crise de cette ampleur, pour être résolue, exige plus
qu’une révolution : une mutation radicale non seulement du régime
des propriétés et des structures du pouvoir, mais de la
culture et de l’école, de la religion et de la foi, de la vie
et de son sens ».
Ce livre commence par le problème de la jeunesse qui est apprécié
dans toute sa profondeur. Ce n’est plus un problème de lutte
entre les générations ou de prise de conscience politique.
Il y a un refus, par la jeunesse, de tout avenir octroyé, de
toute subordination de la vie à la technique, au lieu de subordonner
la technique à l’homme.
En lisant l’analyse critique des structures du capitalisme, j’ai cru
retrouver la plume de Jacques Duboin. Nos lecteurs n’auront donc aucun
mal à comprendre comment « l’absence de finalité
humaine dans l’économie et dans la société en général
découle du principe même du capitalisme ».
« Comment a-t-on pu aboutir à une telle désintégration
de la société et de l’homme ? » demande R. Garaudy,
qui répond : « Par la souveraineté du marché
happant dans ses mécanismes le travail, la terre et l’argent
».
Le « suspense » atteint pour nous un maximum quand il parait
annoncer le système distributif par ces mots : « Ce n’est
pas seulement la notion du marché qui est condamnée mais
celle du salariat qui en découle »... « le développement
actuel des sciences et des techniques de production exige que le travail,
manuel ou intellectuel, cesse d’être une marchandise ».
Malheureusement, on lit ensuite : « Il ne s’agit nullement de
supprimer le marché, mais au contraire de sauver les valeurs
nées du marché ». Ce qui paraît contenir une
certaine contradiction.
On voit donc que tout ceci amène une discussion fondamentale
qui, j’en suis certaine, peut être très fructueuse pour
tous. II semble manquer fort peu au socialisme autogestionnaire de Garaudy,
pour rejoindre parfaitement le nôtre. Nous y reviendrons donc.
Une fois de plus, les Etats-Unis nous montrent la
route à suivre :
A partir de 1979, la semaine dans l’industrie automobile ne sera plus
que de quatre jours !
Les ouvriers de l’automobile qui bénéficient déjà
d’un congé annuel de 33 jours en auront désormais 40.
Qui plus est, le salaire de base des ouvriers a été majoré
et bénéficiera d’une augmentation automatique liée
aux hausses du coût de la vie ; le fonds spécial d’assistance
aux chômeurs sera relevé et les primes versées aux
pensionnés pour compenser les effets de l’inflation seront augmentées.
Selon les experts, cet accroissement du prix de la main-d’oeuvre devrait
inciter les compagnies à faire un plus grand effort d’automatisation,
c’est-à-dire à substituer des machines à l’homme.
Ces mêmes experts prévoient que d’ici 1990 la production
automobile augmentera de 47 % mais que l’emploi dans cette industrie
ne progressera que de 5 %.
Quelle belle illustration des théories de J. DUBOIN !
*
L’O.N.U. vient de publier une étude du professeur
LEONTIEV, Prix Nobel d’Economie, sur « l’Avenir de l’Economie
Mondiale ».
Cette étude montre que, malgré l’accroissement de la consommation
de minerais, les ressources disponibles pourront satisfaire la demande
dans le cadre d’une expansion rapide et que la pollution pourra être
contrôlée sans gêner l’expansion. Selon LEONTIEV,
les obstacles à la croissance de l’économie mondiale sont
politiques, institutionnels plutôt que physiques.
C’est ce que nous avons toujours dit !
*
Une initiative à méditer : celle de
LEROY-SOMER GUINARD (pompes) qui se décentralisent en mettant
en place à la campagne des unités de production à
dimensions humaines, avec l’ambition avouée de « faire
de ces usines le prototype même de la future société
industrielle en matière d’auto-organisation ».
A l’usine de Neuvy-Saint Sepulchre (Indre) le travail à la chaîne
a été supprimé ; la responsabilité complète
d’un ensemble ou d’un sous-ensemble est confiée à un groupe
de 3 ou 4 personnes. La parcellisation des tâches disparaît
et l’expérience montre que le temps d’usinage est identique et
que la qualité est grandement améliorée.
Les ouvriers décident avec la direction des problèmes
d’intérêt général (horaires souples, formation
du personnel, extension de l’usine, ...). Bien sûr, on parle encore
de profit (comment pourrait-il en être autrement en économie
capitaliste ?) mais l’expérience mérite d’être suivie,
et perfectionnée... dans le cadre d’une économie distributive.
*
Lors du récent Forum organisé par l’EXPANSION,
François MITTERAND a tenté de rassurer les chefs d’entreprise
qui l’interrogeaient sur le programme de l’Union de la gauche, en affirmant
qu’il n’était pas question de toucher à l’économie
de marché.
Espérons qu’il ne s’agit là que de propos électoralistes.
Car, si la Gauche ne fait pas preuve de plus d’imagination en matière
économique, et cela dès son accession au pouvoir, nous
nous retrouverons bien vite dans la situation actuelle.
*
Décidément la Lumière ne nous
viendra pas du Nord !
L’Académie Royale de Suède vient en effet d’attribuer
le Prix Nobel d’Economie à Milton FRIEDMAN, professeur à
l’Université de Chicago. Et le professeur Friedman est le chef
de file de ce qu’on appelle « l’Ecole Monétariste »
qui proclame la suprématie de la monnaie sur l’économique.
Cette théorie, crédo des économistes américains
du début du siècle, s’est effondrée avec le fracas
que l’on sait, lors de la grande crise des années 30. Ce qui
n’empêche pas M. Friedman, apôtre du libéralisme
absolu et de l’économie de marché, de la reprendre à
son compte comme s’il ne s’était rien passé.
Consolons-nous cependant, car, plus conscient que ceux qui l’ont primé,
le professeur Friedman n’hésite pas à se qualifier lui-même
d’homme du XIXe siècle !
Faites - si vous pouvez - un tas de 1 700 millions
de tonnes, un autre de 2 300 millions de tonnes, un troisième
de 370 millions de tonnes et vous aurez à peu près le
volume des déchets qu’accumulent en un an les Américains,
du fait de leur industrie minière, de leur production agricole
et des rejets industriels et communaux.
Des experts de l’Institut de la Vie (quel joli nom...) réunis
à Orléans, se sont demandés si l’on ne pourrait
pas faire autre chose de ces tas perdus pour tout le monde.
85 % DE TRAVAIL EN MOINS...
C’était une idée. Ces savants ont découvert
qu’on pourrait retirer de ce tas pas mal de produits. Les ordures ménagères,
à elles seules, toujours aux U.S.A., fourniraient environ 7 500
millions de dollars de matières diverses, comprenant une gamme
impressionnante de métaux. Et encore, si l’on n’en récupérait
que la moitié.
En faisant mieux, on y retrouverait 85% de produits récupérés
et on pourrait se contenter d’extraire du sol 15% seulement des produits
de base que nous nous tuons à exiger aujourd’hui des hommes corvéables
à merci et d’une terre qui n’en peut plus !
ET SI L’ON FAISAIT DE L’INUSABLE ?
Mais il y a mieux. Au lieu de fabriquer des objets
qui se dégradent en un rien de temps - et qui vont, eux aussi,
aux ordures - si on les faisait aussi durables que possible, si l’on
construisait, par exemple, des voitures deux fois plus solides (ce ne
serait pas un gros effort...) la réduction du gaspillage actuel
de notre société démente serait plus que spectaculaire
: ce serait une révolution !
Les savants en question nous ont rappelé que la Terre est une
petite boule isolée dans le ciel, dont les ressources sont comptées.
Aussi le mythe de la croissance illimitée est-il en passe de
devenir une dangereuse absurdité.
D’autres l’avaient déjà dit, mais les puissants du jour,
du haut de leurs trônes en carton, nous avaient invités
à en rire. Au lieu d’en vouloir sottement toujours davantage,
on devrait avant tout, ont-ils dit, rechercher un équilibre dont
la rupture menace de causer notre perte...
COMME UN DEFAUT...
Mais voilà : cette sage détermination - et cette récupération de tout ce que nous gaspillons - aurait toutefois comme un défaut. En effet, elle ne favoriserait pas la formation des grandes fortunes, ni celle des privilèges d’une minorité de profiteurs qui sont avant tout d’abominables destructeurs.