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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 1067 - juillet 2006

 

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N° 1067 - juillet 2006

Au fil des jours   (Afficher article seul)

Quelques chiffres pour faire des comparaisons...

La grande braderie du service public continue   (Afficher article seul)

Même méthode, et pour obéir aux mêmes directives. Mais les protestations contre ces mesures arbitraires et rétrogrades n’étant pas une exception française, pourquoi la presse a-t-elle occulté ce qui se passe dans les universités grecques ?

La politique de l’énergie : un choix de société.    (Afficher article seul)

Jean-Claude Laroche montre pourquoi il faut cesser de fonder la politique de l’énergie sur la concurrence. Un tel choix de société doit être programmé, et la puissance publique doit pouvoir au moins y contrôler les investissements.

2010, Odyssée de quel espace ?    (Afficher article seul)

Jean Mathieu constate que notre belle planète a de plus en plus de mal à nous supporter, non pas que nous soyons insatiables, mais parce que notre système économique nous pousse à l’être : polluant nos esprits, il dévoie nos comportements.

La politique des armements   (Afficher article seul)

Toujours cette même politique des armements   (Afficher article seul)

Jean-Pierre Mon montre que la politique armée que mènent les États-Unis depuis la fin de la seconde guerre mondiale est bien celle contre laquelle Jacque Duboin tentait de prévenir ses lecteurs... en 1936 !

Pour qui sonne le glas ?   (Afficher article seul)

Le livre d’Yves Paccalet a pris Philippe Robichon à la gorge et l’a décidé à se battre plus que jamais pour aider à ce que l’humanité sorte du cauchemar où elle est plongée.

Bonnes vacances !   (Afficher article seul)

Caroline Eckert relate les efforts d’un chercheur effaré par ses découvertes et pris entre son “devoir de discrétion” et son souci de révéler de très graves délits de pollution.

Chômage, obésité, changements climatiques, même combat !   (Afficher article seul)

Paul Vincent tire la leçon de quelques unes de ses expériences vécues.

À Madame Royal et à quelques autres candidats à la candidature...   (Afficher article seul)

Gérard-Henri Brissé leur demande si ils ou elles sont prêts à adapter la distribution des revenus aux moyens de production dont nous disposons.

Même en année électorale, le service public de la radio doit être impartial   (Afficher article seul)

Pour que Radio France soit impartiale et donc que l’émission de France Inter, Là-bas si j’y suis, ne soit pas supprimée.

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Chronique

Au fil des jours

par J.-P. MON
2 juillet 2006

Le plus grand déficit de l’histoire

Selon l’économiste américain Paul Krugman, le déficit commercial total des États Unis atteignait en 2005 près de 900 milliards de dollars [1]. Si on y inclut la valeur des entreprises possédées par des étrangers, la dette internationale du pays est 1.000 milliards de dollars plus élevée que le chiffre officiel. Depuis la fin des années 1980, les Américains n’ont pas cessé de s’endetter. Rien que depuis 1999, ils ont emprunté plus de 3.000 milliards de dollars. Ils ont de moins en moins d’actifs et de plus en plus de dettes, si bien que le déficit de leur balance courante atteint 6,5% de leur produit intérieur brut. Dans le cas d’un pays émergent, les opérateurs des marchés financiers commencent à paniquer quand le déficit atteint 5 ou 6%, mais comme les Américains sont au centre du système financier mondial le montant de leur dette est apprécié différemment. Bien que leur dette externe soit supérieure d’environ 30% à leurs actifs, les revenus qu’ils tirent de ces derniers sont supérieurs aux intérêts (2%) qu’ils paient pour leur dette. Cette situation privilégiée dure depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Ils bénéficient aussi du fait que presque toute leur dette est libellée en dollars alors que leurs actifs sont aux deux tiers libellés en monnaies étrangères (euros, francs suisses, yens, ...). Dans ces conditions, une dépréciation du dollar a pour effet de réévaluer leurs actifs alors que la valeur de leur dette ne change pas. En continuant à accepter cette “règle”, les banques centrales asiatiques, qui financent la presque totalité du déficit américain, prennent un risque considérable sur les taux de change. Mais elles sont coincées : si elles cherchaient à diminuer ce risque en diversifiant leurs avoirs, elles subiraient des pertes importantes [2].

Subventions agricoles

Selon une étude de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) publiée le 21 juin, les pays membres ont versé à leurs agriculteurs en 2005, 225 milliards d’euros de subvention. Ce qui constitue, en moyenne, 29% du revenu des agriculteurs (dans la période 1986-88 ce pourcentage était de 37%). Une étude plus fine montre que la proportion des aides dans le revenu des agriculteurs est de 32% dans l’Union européenne, 16% aux États Unis et seulement 5% Australie. Les agriculteurs les plus aidés sont ceux de Suisse (68%), de Norvège (64%), de Corée du Sud (63%). L’étude de l’OCDE préconise de « rompre le lien entre l’aide et la production » en orientant davantage les subventions vers « le développement durable et le bien-être des communes rurales ».

À quand la rupture du lien entre travail et revenu ?

500.000

C’est, d’après l’étude annuelle publiée par la banque américaine Merril Lynch et la société de services informatiques française Capgemini [3], le nombre dont s’est accru en 2005 le “club” des très riches du monde qui compte désormais 8,2 millions de membres. Leur fortune cumulée atteint 26.400 milliards d’euros, en hausse de 8,5% par rapport à 2004. On compte 21% de millionnaires de plus en Corée du Sud, 19,3% en Inde et 7,4% de plus en Russie. En France le nombre de grandes fortunes a augmenté de 3,5% en un an et atteignait 367.000 membres fin décembre 2005. Il faut noter que les résidences principales et le patrimoine non financier (œuvres d’art, yachts...) de ces très riches ne sont pas pris en compte dans ces calculs de fortunes.

Le groupe des “ultra-riches”, ceux qui possèdent plus de 30 million de dollars, a, lui, augmenté de plus de 10% en 2005. On en compte environ 85.400 dont 12.200 sont Nord-Américains.

Les salaires des PDG

Une enquête réalisée sur 200 grandes compagnies par le cabinet américain Clark consulting révèle qu’en moyenne, la paie annuelle d’un PDG aux États-Unis est de 9,4 millions d’euros, soit une hausse de 27% en 2005, après une hausse de 30% en 2004. Le champion est Ray Irani, patron d’Occidental Petroleum avec 52 millions d’euros.

En France [4], les PDG des entreprises du CAC 40, ont touché en moyenne 5,6 millions d’euros en 2004. Précisons qu’en ce qui concerne les stocks options, les bénéficiaires prennent généralement une assurance de sorte que si les cours de la Bourse ont baissé au moment où ils veulent revendre leurs actions, ils sont indemnisés par leur compagnie d’assurance !

Selon le rapport annuel du groupe TF1,son patron Patrick Le Lay a perçu 2,19 millions d’euros en 2005 (y compris les avantages en nature et jetons de présence perçus au sein des groupes Bouygues et Colas). Le vice président, Etienne Mougeotte, a touché, lui, 1,6 millions d’euros.

Retraite additive !

D’après le “Document préparatoire à l’assemblée générale du 20 avril 2006”, six membres du directoire de Vivendi vont bénéficier, en plus de leur retraite conventionnelle, d’une “retraite additive”. Les provisions liées à ces avantages s’élèvent à 2,2 millions d’euros en 2005, soit 360.000 euros par personne en moyenne.

Contraste

L’endettement des ménages français a atteint un niveau record en 2004 [5]. Il représente 64% du revenu disponible brut et 435% de l’épargne brute en 2005. C’est « le niveau le plus élevé jamais observé en France », précise la Banque de France. Cet endettement a augmenté de 10,5% en 2005 contre 9,9% en 2004.

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[1] New York Times, 29/04/2006.

[2] Le Monde, 14/06/2006.

[3] Le Monde, 23/06/2006.

[4] Le Nouvel observateur, 13-19 /04/2006.

[5] Le Monde, 24/05/2006.

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Actualité

La grande braderie du service public continue

par M.-L. DUBOIN
2 juillet 2006

Après celle de la retraite, après celle de la santé, et comme celle d’une majorité de services publics [1], la privatisation de l’enseignement est en route. Et la même méthode (déjà décrite dans l’édito de décembre 2003, GR 1038) est employée. Dans un premier temps, le budget de ces services est tellement réduit qu’ils sont mis, en quelques années, dans l’incapacité de fonctionner correctement. L’opinion est alors mûre pour croire que pour redresser la situation, leur privatisation s’impose, et d’urgence. Dans le deuxième temps, des lois sont passées pour rendre cette transformation irréversible. Et quand c’est fait, au troisième temps de la valse, le public en découvre, à ses dépens, toutes les conséquences.

Pour ne prendre qu’un exemple entre mille dans l’enseignement primaire, citons une petite commune, celle de Saint Michel de Plélan, dans les côtes d’Armor. Fin du premier temps : en 1995, l’inspection académique ferme l’école communale, les 39 enfants sont obligés de se trouver une école ailleurs... Deuxième temps, l’article 89 de la loi du 13 août 2004 (ah, ces lois prises ... en douce en août... !) oblige la commune à financer l’école privée du coin (ce qui est, du même coup, un retour en arrière sur la laïcité, qui reste pourtant, en principe, un fondement de notre République)...

L’enseignement supérieur et la recherche fondamentale sont à la fin du premier temps : la situation est telle que l’activité principale des personnels a cessé d’être l’enseignement et la recherche, elle est devenue la course aux crédits parce que l’État leur a supprimé ceux dont ils ont besoin. Ceci a, évidemment, des effets sur leurs résultats et le niveau des universités françaises sera bientôt assez bas. On va en tirer argument pour affirmer que c’est parce que leur fonctionnement est resté public, donc archaïque. Elles seront comparées aux universités américaines, sans dire que ces dernières tirent profit de l’enseignement qu’avaient reçu ailleurs (par exemple dans nos universités publiques) les chercheurs qu’elles attirent en leur offrant des moyens corrects. Alors la privatisation de l’enseignement supérieur sera présentée sous le vocable “d’autonomie des universités” et l’opinion sera mûre pour l’accepter, aveuglément, c’est-à-dire sans en soupçonner les lourdes conséquences pour les générations futures.

Ces mesures résultent de la politique adoptée par les gouvernements, au sein de l’OMC, sur la libération du commerce des services (AGCS), et qui est ainsi poursuivie malgré tous les assurances qu’elle ne serait pas appliquée à l’enseignement...

En fait, ces bouleversements, que le discours libéral appelle “modernisation”, sont menés contre vents et marées, dans toute l’Union européenne. En Grèce, par exemple, l’enseignement supérieur en est au deuxième temps : le gouvernement grec vient d’entreprendre de modifier la Constitution afin de pouvoir privatiser les Universités, et il prépare une loi pour lui permettre de créer des établissements universitaires privés, d’appliquer les critères de la gestion privée aux Facultés, d’y restreindre la possibilité de repasser les examens, et en plus, de supprimer “l’asile universitaire”, cette règle qui soumettait jusqu’ici l’intervention de la police sur les campus à l’accord du Conseil de l’université.

Alors, depuis le début du mois de mai, des milliers et des milliers d’étudiants manifestent contre cette décision. Au point que pas moins de 354 départements académiques en grève étaient occupés à la mi-juin.

Or, le 8 juin, la police a réprimé la protestation avec une violence qui a rappelé celle qui sévissait sous la dictature des colonels. Et justement, la constitution grecque sur laquelle le gouvernement revient maintenant, c’est la chute de cette dictature qui avait permis de l’élaborer. En faisant ce rapprochement, on mesure à quel point la violence de la répression contre ceux qui dénoncent ce retour en arrière, est ressentie comme un drame.

Et la portée de ce drame s’étend bien au-delà quand on constate le silence observé par les médias sur ces évènements, malgré leur durée et leur signification. Il apparaît ainsi que la presse des autres pays européens, journaux, télévisions, et radios, dont le rôle est d’informer, censurent, en fait, toute information qui pourrait montrer que la résistance contre ces mesures libérales n’est pas une exception française.

Ainsi rien n’est écrit, rien n’est montré, rien n’est dit sur le fait que dans d’autres pays, d’autres citoyens européens rejettent la façon dont l’Europe est construite à coups de mesures antisociales et antidémocratiques, qui vont à l’encontre de leurs aspirations.

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[1] Et pour la radio publique, ce n’est pas mieux, voir pages 14-15 pour réagir.

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Lectures

La politique de l’énergie : un choix de société.

par M.-L. DUBOIN
3 juillet 2006

Depuis plusieurs années, nos lecteurs ont, grâce en particulier aux articles de Jacques Hamon [1], été sensibilisés à la détérioration du climat et alertés sur l’urgence de changer notre façon d’utiliser les sources énergétiques de la planète. Ils pourront trouver une synthèse de ces problèmes dans Le défi énergétique, un petit livre [2] que vient de publier Jean-Claude Laroche : en une quarantaine de pages, cet ingénieur des Techniques avancées y fait le point sur les techniques et dresse le bilan des possibilités dans le domaine de l’énergie.

Et il y joint une réflexion essentielle : peut-on, dans ce monde qui est de plus en plus soumis à la rentabilité financière, laisser aux technocrates et aux financiers le soin de définir la politique énergétique ? Il s’agit là d’un choix de société, car il a des conséquences pour tous les peuples de la planète et pour toutes les générations à venir.

Ces dernières décennies, la politique a consisté à s’appuyer sur l’ouverture des marchés, la concurrence étant présentée comme la meilleure garantie d’efficacité, de transparence et de prix. Notre auteur est en mesure d’en dresser un premier bilan. Et il est éloquent. C’est un accablant constat d’échec à tout point de vue, les résultats étant tout le contraire de ce qui était attendu.

*

La toute récente actualité lui en apporte la confirmation. En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, par exemple. Pour respecter le protocole de Tokyo (ce qui n’est qu’un minimum), l’Union européenne devrait les avoir réduites de 8% en 2010 par rapport à 1990, or l’Agence européenne de l’environnement vient d’annoncer, le 22 juin, qu’elles ont augmenté de 0,4% entre 2003 et 2004 ! Autre exemple, celui du transport des marchandises, qui est une consommation d’énergie parmi les plus polluantes en gaz à effet de serre. Le commerce maritime mondial était de 2,5 milliards de tonnes en 1970, il est passé à 6,1 milliards ! En France, les émissions de CO2 ont été multipliées plus que six fois entre 1960 et 2000.

Et pour transporter quoi ? Le journaliste Stéphane Lauer a mené l’enquête pour le quotidien Le Monde : la dose de lait, les fruits et la matière plastique qui constituent un pot de yaourt parcourent en moyenne neuf mille kilomètres avant d’arriver dans nos réfrigérateurs. Les poires en provenance d’Argentine sont vendues moins cher au grossiste, malgré les frais de transport, que celles qui sont produites en Europe. Les fraises chinoises sont offertes en France à meilleur prix que les fraises du Périgord, alors que leur acheminement exige 20 fois plus d’équivalent pétrole ! La délocalisation de la production des jeans a pour effet d’émettre près de la moitié de leur poids de CO2 ! Quelle est l’utilité de tous ces transports, sont ils absolument nécessaires, compte tenu des dégâts qu’ils causent ? La question de savoir s’ils doivent encore augmenter est-elle seulement posée ?

Non, toutes ces aberrations résultent de la volonté injustifiée de développer le commerce international en spécialisant les zones de production dans le monde.

Ces politiques publiques mènent, comme au temps de la guerre froide, une véritable lutte contre la planification, au détriment du combat contre l’épuisement des ressources et de la lutte contre l’effet de serre. Et, en outre, elles ne se sont pas dotées des outils nécessaires pour affronter les difficultés à venir.

Devant de tels défis, la réduction de nos dépenses énergétiques individuelles s’avère dérisoire. C’est une action publique qui est urgente : il faut repenser l’ensemble de la politique énergétique et il faut en décider ensemble pour qu’elle soit réaliste et efficace.

*

L’un des grands mérites de l’ouvrage de Jean-Claude Laroche est de faire des propositions, de montrer des pistes, par exemple la création d’un pôle public de l’énergie, l’État reprenant le contrôle de certaines décisions-clés (notamment les décisions d’investissements) que prennent les conseils d’administration des entreprises énergétiques. Ce pôle public français serait alors un point d’appui pour la constitution d’un pôle industriel européen, contrôlé par la puissance publique, sécurisant l’approvisionnement énergétique de l’Europe et susceptible d’avoir des actions d’ampleur pour protéger l’environnement. Et il lui serait alors possible, sur cette base, d’assurer d’autres missions, telles que des transferts de technologie vers les pays en développement.

Toutes ces propositions méritent un débat qui soit réellement ouvert au niveau européen. Un tel débat aurait un intérêt supplémentaire, celui de permettre de réorienter la construction européenne sur des bases plus politiques et plus sociales que celles qui ont été rejetées par référendum.

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[1] Voir GR 1020, 1024, 1036, 1042, 1064.

[2] aux éditions de Paris, 140 pages, 15 euros

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Réflexion

2010, Odyssée de quel espace ?

par J. MATHIEU
3 juillet 2006

Vis-à-vis de la planète bleue qui servit de berceau à tout ce qui vit, nous voici redevables d’un lourd héritage. Elle a de plus en plus de mal à nous supporter, cette jolie planète, car nous n’avons de cesse de la détériorer, de l’épuiser, de la rendre invivable. Proliférer ne serait encore qu’un moindre mal voire un certain plaisir. L’insoutenable, c’est qu’en plus, nous ne cessons jamais d’accumuler des choses, et d’y travailler à perdre toute raison, comme les pontonniers de la rivière Kwai.

Sommes-nous insatiables à ce point ?

Pas sûr. Car le vrai mobile est ailleurs.

Pour le système économique qui induit ce comportement, l’objet produit importe moins que la monnaie qu’il véhicule : profit pour les uns, salaire pour les autres, si possible pour faire fortune, du moins pour “gagner sa vie”. D’où l’obligation de ne jamais ralentir la noria des transactions marchandes, et, au-delà d’un productivisme bienfaisant, l’abreuver par n’importe quelle activité de gaspillage comptabilisée.

L’insatiable, c’est le système, et nous n’en sommes que les servants.

Ainsi est-ce toujours par obligation de monnayer quelque chose, que nous en arrivons à vendre des engins de massacre dans des pays qui par ailleurs crient famine. Que nos grands armuriers, nos bétonneurs de rivages, ou nos petits dealers d’escaliers, cessent de “faire des affaires”, et voilà que surgit ce qu’on appelle “la Crise”, et que, dans notre pays de cocagne, les écoliers se mettent aussi à jeûner parce qu’ils n’ont plus l’argent des tickets de cantine.

Que prescrire pour tenter d’enrayer cette dynamique tumorale d’abondance et de misère dont on ne cesse plus de déplorer les métastases (voire les kamikazes) ?

Quel avenir reste possible ?

Sans devoir renoncer à l’efficace émulation de la libre entreprise, il faudrait pour le moins mettre un terme à cette croissance à tout va qu’on se contente de justifier par l’absurde nécessité de créer du travail.

L’obligation grandissante de s’employer à nuire pour s’assurer un revenu paralyse l’entendement, au point qu’aucune morale, laïque ou religieuse, n’y peut résister. Comment enseigner encore la probité dans une société où la finalité du savoir débouche sur un marketing forcené visant à tirer profit de toutes les vanités, les faiblesses, les vices et les violences ? Il apparaît évident qu’un autre mode de distribution des tâches et des revenus s’impose, pour nous affranchir de cet engrenage corrupteur qu’on n’ose même plus appeler “le progrès”.

Du reste, si les milliards de pauvres se mettaient effectivement à œuvrer pour égaler les millions de nantis qu’on leur donne en exemple sur nos téléviseurs, bien peu de notre ciel bleu serait encore respirable.

Alors certes, on préfèrerait pour 2010 une odyssée plus bucolique, avec de gentils écolos défendant les petits oiseaux et les grosses baleines contre les vilains chasseurs. Malheureusement, la pollution sociale en cours va de pair avec celle dont on empeste la nature. Et ce dont notre planète doit être soulagée pour sauvegarder son espace, c’est de l’infernal comportement prédateur de l’espèce dominante à travers des institutions intrinsèquement périmées.

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D’il y a 70 ans...

La politique des armements

par J. DUBOIN
3 juillet 2006

Voici que tous les peuples se mettent à réarmer, et chacun accuse tous les autres d’avoir commencé. Cette fièvre gagne les États-Unis et l’Angleterre, jusqu’ici restés dans des limites raisonnables, mais qui échelonnent maintenant des programmes d’armement sur plusieurs années.

Ceci n’empêche nullement chaque gouvernent de se prétendre plus pacifique que son voisin et le Chancelier Hitler de rapprocher ses troupes pour nous offrir vingt-cinq années de paix.

Si les gouvernements font de pareilles déclarations, c’est, je crois, qu’elles correspondent à la secrète pensée de tous les peuples. À part quelques trublions qui rêvent plaies et bosses pour leurs concitoyens, la masse des gens aspirent à la paix et cherchent beaucoup plus les moyens de vivre que l’occasion de tuer leurs semblables.

Alors, cette folie d’armements à outrance ? Elle s’explique fort bien dans les grands pays modernement équipés où le nombre des chômeurs va grandissant. On sait que les dirigeants de l’économie n’ont pas encore compris que l’on ne pouvait pas avoir à la fois un prodigieux outillage industriel et du travail pour tous les hommes. Chacun de ces grands pays souffre donc de la fameuse crise, qui se traduit, comme nous le savons bien, par la baisse du pouvoir d’achat de tous ses nationaux.

Il faut donc trouver quelque chose qui puisse procurer du travail et par conséquent créer de la capacité d’achat. Mais ce quelque chose ne doit pas venir puiser ensuite dans le réservoir de la capacité d’achat déjà existante.

Comprenons-nous bien. Si l’État, pour ranimer l’économie, donnait 500 millions de francs à un constructeur d’automobiles, celui-ci fabriquerait des autos et créerait des salaires, des appointements, des impôts, des revenus, etc., bref, de la capacité d’achat. Mais cet industriel serait obligé de vendre ces autos afin de pouvoir continuer à en fabriquer. Les vendre à qui ? Aux consommateurs dont le pouvoir d’achat est déjà en baisse ? Le remède serait pire que le mal.

Si l’État donne ces 500 millions pour avoir de l’armement, il va bien créer momentanément de la capacité d’achat sans en détruire, puisque ces armements n’ont pas besoin d’être vendus au public.

L’opération ranime donc l’économie nationale pour un temps, c’est-à-dire pendant le temps où l’on exécute ce programme d’armement.

Évidemment, direz-vous, c’est au détriment de la collectivité puisque celle-ci fait les frais de ces commandes. Vous avez raison : mais il est facile de faire payer la collectivité car on ne la consulte pas. C’est beaucoup plus aisé que de trouver un client.

Finalement, cela aboutit au même résultat, mais on s’en aperçoit moins vite.

Et cette considération est de toute première importance pour les gouvernements qui vivent au jour le jour. Voici donc la raison économique de ces armements à outrance que l’on entreprend simultanément dans tous les pays atteints par la crise.

Mais on ne peut pas armer indéfiniment.

Un moment va venir où l’on sera saturé et sursaturé d’armements de tous genres...

Alors, il faudra bien s’en servir et les distribuer gratuitement de l’autre coté des frontières ?

Oui, peut-être, car les hommes sont si bêtes ? ! !

Raison de plus pour faire comprendre que ce “trop plein” dont ils souffrent n’a qu’à être transformé en choses utiles qu’on distribuera au dedans des frontières. On fera du bien-être au lieu de faire du carnage.

Préfèrent-ils le carnage ?...

Personne ne peut répondre, mais tout le monde doit agir comme si les hommes étaient susceptibles de comprendre.

(Reproduit de GR 12, du 1 au 15 avril 1936).

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...à aujourd’hui

Toujours cette même politique des armements

par J.-P. MON
3 juillet 2006

D’après un rapport de l’Institut international de Stockholm de recherche pour la paix (Sipri), le total des dépenses militaires mondiales s’élevait en 2005 à 1.118 milliards de dollars, soit 173 dollars par habitant de la planète [1]. Ce montant est en augmentation de 3,4% par rapport à 2004 et de 34% en dix ans. Les 15 pays les plus “dépensiers” contribuent à 84% du total. Loin derrière les États-Unis, premiers sans surprise, le Royaume Uni, la France, le Japon et la Chine, atteignent, chacun, environ 4 à 5% du montant global. Ces 1.118 milliards de dollars constituent un record d’autant plus surprenant que le nombre de conflits ne cesse de diminuer depuis la fin de la “guerre froide”, terminée maintenant depuis plus de quinze ans, et que selon le Sipri, il n’y a eu “seulement” que 17 conflits importants en 2005, la zone la plus conflictuelle étant l’Asie.

Que se passe-t-il donc ?

En 1989, l’Union soviétique, empire rival des États Unis de l’après seconde guerre mondiale, jeta l’éponge car non seulement elle ne pouvait plus soutenir la compétition militaire mais aussi parce que, dans un grand revirement, elle renonça a son idéologie. Peut-être pour la première fois dans l’histoire, le monde n’était plus menacé par de grands conflits militaires. Il n’y avait plus sur terre aucune nation capable d’inquiéter sérieusement les États Unis. Mais l’absence de tout ennemi les mettait dans une situation embarrassante. Car, s‘ils se voyaient toujours « comme des impérialistes qui ne veulent que le bien de la planète : la démocratie, la liberté l’harmonie... ne tuant les gens ni pour la gloire ni pour l’argent mais pour rendre le monde meilleur » [2], ils ne savaient pas de qui il fallait protéger le monde. Il fallait “inventer” de nouveaux ennemis !

Un peu d’histoire

En 1910, le PIB des États Unis dépassait déjà celui de la Grande Bretagne, ce qui en faisait la première puissance économique du monde. Mais cela ne suffisait pas au président Woodrow Wilson qui rêvait de faire des États-Unis la plus grande puissance militaire de la planète. La Grande guerre allait lui en donner l’occasion. Malgré la promesse qu’il avait faite lors de sa campagne pour les élections présidentielles de 1912 de maintenir l’Amérique hors de la guerre [3], il voulait y entrer, car il estimait qu’il n’était glorieux d’en rester à l’écart. D’abord, si les États Unis y participaient, elle ne serait plus confinée à l’Europe et deviendrait une guerre mondiale. Ensuite il lui donnerait une noble ambition, celle de libérer le monde de la tyrannie [4] et dans ce monde meilleur, l’Amérique deviendrait une puissance hégémonique.

Finalement, la guerre se termina 18 mois après l’intervention des États-Unis mais le monde n’en fut pas plus en sécurité ni en démocratie, bien au contraire. Le deuxième quart du siècle vit éclore plus de dictatures que jamais.

L’explosion de la dette

Au cours de la première guerre mondiale, la dette fédérale américaine bondit de 3 à 26 milliards de dollars. Les présidents Harding et Hoover en remboursèrent 16 milliards. Mais vinrent ensuite la grande dépression de 1929, Roosevelt et la seconde guerre mondiale, et en 1945, la dette fédérale se montait à 260 milliards. Alors se produisit un événement extraordinaire : la guerre ne se termina pas. Elle se prolongea sous la forme d’une “guerre froide” avec des poussées de fièvre : guerre de Corée, du Viet-Nam... La dette étatsunienne continua de croître. Sous Ronald Reagan, elle passa de moins de 1.000 milliards de dollars en 1980, à 2.700 milliards à la fin de son mandat. Avec la fin de la guerre froide, on aurait pu s’attendre à un allègement. Mais les habitudes ont la vie dure et lorsque G.W. Bush arriva au pouvoir, la dette se montait à 5.700 milliards de dollars. On pouvait penser qu’un conservateur comme G.W. Bush ferait tout pour rembourser la dette de l’État : la nation était en paix et tout laissait attendre un budget en excédent. C’est bien ce que promit G.W. Bush au Congrès en 2001 en présentant son budget. « Cette nuit là, dit Paul O’Neill, Bush, debout, devant la nation, dit quelque chose que les membres bien informés du gouvernement savaient fausse » [5]. En prenant cet engagement, Bush ne faisait que suivre l’exemple de générations de républicains qui ont toujours promis des budgets en équilibre... mais qui ont pu continuer à faire des dettes,... grâce à la guerre. Et, depuis 1917, les guerres ont toujours semblé arriver lorsqu’on en avait besoin.

En 2001, il y eut l’attentat du 11 septembre contre les Tours jumelles et contre le Pentagone. Quelques heures plus tard, G.H. Bush annonça une nouvelle guerre : la guerre contre le terrorisme, une guerre contre un ennemi qu’on ne pouvait pas localiser sur une carte, une guerre qui pouvait durer indéfiniment. « Jamais auparavant on n’avait déclaré une guerre contre une tactique. C’était comme si on déclarait la guerre à un blocus naval ou à un combat le dimanche ! » [2]. Les anciens empires avaient fait la guerre à leurs ennemis... ou à leurs amis. L’administration Bush, elle, ne faisait pas la guerre à quelqu’un en particulier mais à tout le monde en général car n’importe quelle force combattante utilise la terreur à un moment ou à un autre. Qui plus est, on peut donner de la terreur la définition que l’on veut et elle est inacceptable... tant qu’elle reste infructueuse : « Un terroriste qui réussit gagne le droit de prendre le thé avec la reine d’Angleterre » [2].

Mais le plus important pour les Républicains au pouvoir est que cette guerre contre le terrorisme est une guerre qui peut durer indéfiniment. Maintenant les dépenses et les dettes peuvent continuer à jamais. Dans les 24 mois qui suivirent, l’administration Bush alourdit les dettes de la nation d’un montant supérieur à la dette qui avait été accumulée dans les 200 premières années de l’existence des États-Unis.

Mais le monde d’aujourd’hui n’est plus celui de 1917. C’est le monde que Wilson a contribué à faire. Si les États-Unis sont encore un empire, ils ne sont plus une puissance “montante”. Ils sont dans la situation où se trouvait la Grande-Bretagne à la veille de la première guerre mondiale. Fin 2004, les banques centrales de Chine et du Japon détenaient environ 1.000 milliards de dollars en bon du trésor américain. Désormais l’économie “courante” des États-Unis dépend de la “bienveillance“ de ces banques centrales. “Heureusement” qu’il reste les armements ! « Les Américain achètent leurs babioles en Chine mais leurs chars sont fabriqués chez eux » [2].

On a vu que combien Jacques Duboin avait raison d’avertir des dangers d’une telle politique. Espérons que l’histoire ne se répétera pas !

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[1] Le Monde, 14/06/2006.

[2] W. Bonner and A. Wiggin, Empire of debt, ed. Wiley, 2006.

[3] Ce qui était le souhait de la majorité des Américains.

[4] Woodrow Wilson, Address to Congress asking for a declaration of war, 02/04/1917.

[5] Ron Suskind, The price of loyalty : George W. Bush, the White House, and the Education of Paul O’Neill, Simon and Schuster ed. 2004.

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Lectures

Pour qui sonne le glas ?

par P. ROBICHON
3 juillet 2006

Pour qui sonne le glas ? - Il sonne pour vous ! répondait déjà le grand poète anglais John Donne à la fin du XVIème siècle. Et c’est exactement ce qu’Yves Paccalet, compagnon de Cousteau, journaliste-écrivain amoureux de la nature et de la planète nous annonce aujourd’hui. Dans un petit livre rouge [1] titré “L’humanité disparaîtra, bon débarras”, il crie sa détresse de voir la terre massacrée. Car il sait de quoi il parle : il a parcouru la terre en tous sens, comme la mer, il en a vu et raconté les merveilles et il en voit aujourd’hui les blessures irréversibles. Son livre n’est hélas pas seulement le bilan des misères du monde naturel : il est aussi le constat féroce de la bêtise et de la malveillance de “l’homo sapiens demens”, espèce dominante, vis à vis de cette terre qui appartient à tout le vivant et qu’il épuise, défigure pour lui seul. Il prédit même sa disparition.

Il cite Sigmund Freud, qui avait pressenti ce qui risque de nous arriver : « Les hommes d’aujourd’hui ont poussé si loin la maîtrise des forces de la nature, qu’avec leur aide il leur est devenu facile de s’exterminer mutuellement jusqu’au dernier. Ils le savent très bien, et c’est ce qui explique une bonne partie de leur agitation présente, de leur malheur et de leur angoisse » [2].

Ni Freud, ni nous mêmes, n’avions pu prévoir qu’un poète fou de la beauté du monde au point de l’avoir célébrée dans plus de cinquante ouvrages, nous entraînerait un jour dans son cauchemar.

Car il vaut mieux vous prévenir : le livre de Paccalet est d’une lecture presque insoutenable.

« Ce que nous appelons notre “civilisation” ressemble à un chancre. Nous envahissons, nous dévastons, nous salissons l’air, l’eau, l’humus fertile, les mers, les prairies, les forêts, les marais, les montagnes, les déserts et les pôles ; demain la Planète Mars... Nous menons à l’agonie Gaïa, le superorganisme qui nous inclut. Du même coup, nous nous précipitons dans le néant. »

Ce qui pourrait nous sauver ? Il le dit dans une interview accordée récemment à Patrice van Eersel [3] : une frugalité drastique !

En sommes nous collectivement capables ?

Yves Paccalet s’asperge de désespoir et y met le feu... Son livre est un sacrifice public. Vous le refermerez, comme l’auteur de ces lignes, avec une boule dans la gorge. Si Paccalet nous a provoqués, il a gagné : à le lire on devient résolu à se battre encore plus qu’avant.

Passée la désolation, en effet, vient la colère : elle est mobilisatrice.

Alors, le glas ? Non... le tocsin !

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[1] publié chez Arthaud 198 pages, 15 euros.

[2] Malaise dans la civilisation

[3] Nouvelles Clés

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Il est peut-être bon de souligner qu’il ne s’agit pas ici de gâcher des vacances bien nécessaires, ni de désepérer de l’humanité ! Mais de tenter de voir les choses telles qu’elles sont et de comprendre pourquoi on en est là.

Bonnes vacances !

par C. ECKERT
3 juillet 2006

Chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), Frédéric Ogé s’est vu confier la mission de dresser l’inventaire des sites français pollués. La liste s’allongeant à une vitesse bien supérieure aux attentes du donneur d’ordre, il s’est trouvé, écrit-il, « confronté au problème du respect de l’obligation de discrétion et des principes de transparence et de précaution ». Il s’est alors intéressé aux questions de déontologie et du devoir des chercheurs vis-à-vis des citoyens.

Ce travail a notamment donné lieu à sa participation à un ouvrage collectif [2] et à la publication d’un petit livre fort instructif [3].

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Tout commence en 1988. Le ministère de l’Environnement, qui a alors à sa tête Dominique Voynet, s’engage dans la production d’un inventaire des sites pollués, avec le souci de les réhabiliter. « Mais le ministère ignore à l’époque l’étendue de ce qu’il va découvrir » [3]. En effet, F. Ogé se rend très vite compte que « depuis la fin du XVIIème siècle, les usines et les entreprises les plus diverses ont pris la nature pour une poubelle, déversant en toute liberté les surplus toxiques et les déchets douteux autour de leurs bâtiments, souvent même dans les terrains voisins » [3]. Alors qu’elle est encore en cours d’élaboration, le ministère juge, dès le début, la liste trop longue. Il en publie donc une autre, une sorte de palmarès. Mais celle-ci s’étoffe, elle aussi, très vite, le nombre de sites retenus passant « d’une centaine au début des années 1990 à 896 le 7 novembre 1997 » [1].

Entre temps, F. Ogé avait affiné sa méthode. À partir de 1992 il abandonne le concept de « site pollué » pour celui de « site potentiellement pollué » car ce dernier « permet de laisser ouvert le champ de la réflexion et de la recherche » [1]. De prime abord toute carrière ou tout site ayant servi de lieu d’implantation à une industrie polluante est un « site potentiellement pollué » et non, comme voudraient le faire décréter certains experts, un « site historiquement industrialisé ».

Un important travail préliminaire de dépouillement d’archives et de bibliographie, pour établir l’histoire de chaque parcelle, avait conduit à constater qu’une forte proportion de ces sites, soit 80 %, sont pollués. Une enquête de terrain permet ensuite de déterminer si ces sites sont effectivement pollués ou non. Et cette enquête n’a fait que confirmer ce qui était pressenti. C’est « entre 300.000 et 400.000 sites dans l’Hexagone [qui] sont fortement suspectés de contenir des produits indésirables, voire franchement toxiques » [3], ce qui est bien au-delà du chiffre de quelques centaines publié par le ministère.

Bien que son travail soit soumis à confidentialité, Frédéric Ogé, conscient des intérêts inconciliables des différents partenaires (collectivités territoriales, ministère de l’environnement, Directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement ...) ambitionne de contribuer « à une meilleure gestion ou protection de l’environnement » [1], il voit, au-delà, d’autres enjeux, non moins importants que la santé et l’aménagement du territoire. Ces enjeux expliquent certainement que le ministère oppose une fin de non-recevoir lorsque des étudiants, des collectivités ou des associations lui demandent le rapport qui lui a été remis.

C’est ce qui a conduit l’auteur à publier lui-même certaines informations, considérant que son « obligation de dénoncer un délit » [1], et le délit de pollution existe dans le droit pénal, prévalait sur son « devoir de discrétion » [1].

« Soyons clairs : toutes les régions de France sont concernées et aucune n’est privilégiée » [3] lit-on dans l’avant-propos du livre où les vingt-deux régions de France sont passées en revue. Et sa lecture est vraiment ahurissante. Les grandes zones urbaines y occupent bien sûr une place de choix. Mais les lieux de villégiature se sont pas épargnés.

C’est pourquoi un florilège des sites répertoriés ne sera relaté qu’après l’été.

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[2] “La responsabilité des scientifiques”, sous la direction de Jean-Paul Terrenoire, Edition L’Harmattan.

[3] “Sites pollués en France”, par Frédéric Ogé et Pierre Simon, Edition Librio, 2004, 2 euros.

[1] “Responsabilité, engagement et éthique d’un chercheur”, par Frédéric Ogé, dans CAES Magazine, n°64, 7-8/2002.

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Témoignage

Chômage, obésité, changements climatiques, même combat !

par P. VINCENT
3 juillet 2006

Le chômage, comme l’obésité ou le changement climatique, est une conséquence de notre type de société :

Pour l’ouverture d’un nouveau magasin à Dijon, IKEA avait 188 postes à pourvoir. Si on ne sait combien de candidats envoyèrent leur CV, on sait qu’il en fut convoqué 1947. Seulement 740 d’entre eux s’étant présentés, certains aussitôt fustigèrent les 1207 qui n’avaient même pas fait l’effort de tenter leur chance. Parmi les 740 d’abord soumis à une présélection sur des tests écrits, 410 furent retenus pour des tests de comportement dans des situations réelles de conditions de travail et il en resta 310 qui eurent d’après Le Parisien du 25/8/2005, accès à un entretien personnel. Naturellement IKEA embaucha les 188 dont il avait besoin, pas un de plus, c’est-à-dire un sur quatre qui s’étaient présentés, en en laissant sur le carreau dont les mérites étaient certainement très proches.

Au fait, à quoi cela eût-il servi qu’il s’en soit présenté 1207 de plus ?

Mais l’on se trouve ici dans un cas atypique où l’employeur n’a pas été très regardant au niveau des CV et a choisi délibérément de perdre du temps et de l’argent à tester de façon très consciencieuse un nombre superfétatoire de candidats par rapport à ses besoins effectifs. Sans doute faut-il y voir une arrière-pensée publicitaire. Il est plus courant que nombre de CV soient écartés du premier coup d’œil sans que leurs expéditeurs soient même gratifiés d’un accusé de réception, un document qui leur est pourtant indispensable pour justifier du sérieux de leur recherche d’emploi. Cela pourra achopper déjà sur leur nom ou leur prénom, leur date de naissance ou bien leur adresse, et si l’employeur a reçu dix fois plus de CV qu’il n’a de postes à pourvoir, il ne perdra pas son temps à lire le reste. Face à cette situation, il est dérisoire de voir apporter comme aide à des chômeurs, parfois de haut niveau, des conseils pour mieux rédiger leur CV. On devrait au moins également en rendre gratuits le photocopiage et l’envoi par la poste pour qu’ils puissent en expédier dix fois plus. Cela leur ferait passer le temps, et pourrait améliorer leur moral s’ils arrivaient à croire que cela allait décupler leurs chances. En réalité, l’envoi d’un plus grand nombre de CV ne ferait pas plus diminuer globalement le nombre de chômeurs que l’achat d’un plus grand nombre de billets de loterie les vendredis 13 n’a d’incidence sur le nombre des gagnants. Etre chômeur est en soi démoralisant. Alors qu’on ne cherche pas en plus à tous les culpabiliser. Dans l’exemple précédent il y en a 188 qui s’y étaient mieux pris que les autres, tant mieux pour eux, mais la règle du jeu étant qu’il fallait de toutes façons en rejeter 740 - 188, les autres étaient-ils tous pour autant coupables ? Responsables de ne pas avoir été les meilleurs, oui sans doute, comme moi d’avoir échoué au concours d’entrée à Polytechnique, mais responsables du niveau de chômage, certainement pas. Et de quelle autre façon auraient-ils donc dû s’y prendre pour être parmi les lauréats ?

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Avec son dernier film “Le couperet”, sorti début janvier 2005, Costa Gavras n’a pas connu le succès habituel. On voudrait que ce fût pour des raisons morales. En effet, l’histoire qu’il nous racontait était celle d’un supercadre désespéré d’être depuis trop longtemps au chômage et qui, soucieux du bonheur des siens, supprimait l’un après l’autre les trois seuls autres spécialistes existant au monde susceptibles de poser leur candidature au poste qu’il convoitait. Cette méthode volontariste pour s’assurer un emploi est encore heureusement peu utilisée, mais sans aller jusqu’à vouloir exterminer tous ses concurrents, comment aimer un prochain avec lequel vous êtes dans une situation de rivalité ou de conflit permanent ? Ceux qui déclarent que c’est la loi de la nature (d’autres appellent cela la loi de la jungle) prétendent pourtant par ailleurs que nous ne sommes pas des animaux comme les autres.

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J’ai pour ma part connu une époque où chercher un emploi n’était pas plus stressant qu’il ne l’est aujourd’hui de chercher un endroit où passer ses vacances. On pouvait attendre calmement que se présentât une proposition correspondant à vos goûts et, si l’on s’était trompé ou que l’on vous avait trompé, il était toujours temps de se raviser et de chercher autre chose. On ne s’entendait pas dire comme aujourd’hui qu’il ne faut pas faire le difficile et l’on ne se sentait pas obligé d’accepter n’importe quoi. C’était une époque où par contre les patrons acceptaient n’importe qui. Ce sont eux qui faisaient venir ces immigrés qu’on considère maintenant inutilisables. Je me rappelle en 1952 mon premier voyage en avion, bien sûr à titre professionnel, quand, repartant d’Alger dans un Bréguet Deux Ponts (130 passagers - 320 km/h), celui-ci s’étant présenté en bout de piste pour amorcer son décollage, une masse grisâtre s’était soulevée du sol et s’était dirigée vers nous. Il s’agissait de dizaines d’hommes, un simple balluchon sur l’épaule, qui avaient été aussitôt entassés je ne sais comment dans le pont inférieur, sans doute dans la partie habituellement réservée au fret. Je ne m’étais même pas demandé à l’époque dans quelles conditions s’étaient effectuées leurs formalités d’embarquement. Habitant une région frontalière avec la Belgique, j’en avais tant vu quelques années auparavant monter au front puis, les plus chanceux, défiler comme prisonniers sous escorte allemande, que leur venue en France me semblait naturelle et ne devoir donner lieu à aucun contrôle. Cette idée ne m’est venue que récemment à l’esprit compte tenu du contexte actuel. Et quand on parle aujourd’hui d’immigration “subie”, cela me fait sourire, mais cela peut ne pas faire sourire ceux que l’on est allé chercher, quelquefois très loin, d’abord pour défendre la France, puis pour nous aider à la reconstruire.

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Lorsqu’en 1939 on a mobilisé tous les hommes valides, hormis quelques spécialistes maintenus à leur poste sous le vocable d’“affectés spéciaux”, que ce soit chez Renault, dans les arsenaux ou les fabriques de munitions, on a envoyé travailler à leur place des femmes ayant des CAP de coiffeuse ou de couturière. Quand un peu plus tard la police de Vichy ou les Allemands ramassaient des jeunes assujettis au Service du Travail Obligatoire, on les embarquait pour les usines allemandes sans leur avoir demandé leur CV. Et, au lendemain de la guerre, non seulement les patrons faisaient venir comme main d’œuvre « toute la misère du monde », mais ils se la disputaient âprement. Malgré des ententes de façade pour essayer d’éviter une escalade des salaires, j’ai vu dans la sidérurgie lorraine comment Schneider et de Wendel se fauchaient en douce leur personnel, faisant établir des certificats de travail de complaisance par des entreprises complices pour pouvoir quand même jurer de leur loyauté l’un envers l’autre. En ce qui concerne les cadres, ils allaient les draguer dans les Grandes Ecoles avant même qu’ils n’aient passé leurs examens de sortie, leur envoyaient des billets de chemin de fer en 1ère classe pour venir visiter leur usine, les attendaient eux-mêmes à la gare et les invitaient à déjeuner.

On estimait à cette époque que c’était les hommes qui faisaient la richesse des entreprises, et dans une Société de recherche comme celle qu’avait créée Jean Bertin, j’ai entendu le patron tenir ce raisonnement impensable aujourd’hui : « Notre chiffre d’affaires baisse : il va falloir de nouveau embaucher ».

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La “mobilité” telle qu’elle se présentait il y a cinquante ans, la “séparabilité” comme l’appelle aujourd’hui la patronne du Medef, moi j’ai adoré. Dans la sidérurgie lorraine où j’avais commencé à travailler à la fin de mes études, j’ai été licencié au bout d’un an suite à un différend resté très courtois et l’on m’a aussitôt rendu ma liberté tout en m’accordant sans discussion le paiement de trois mois de préavis non effectués. Un mois plus tard je retravaillais dans les ateliers parisiens d’un constructeur de matériel cinématographique avec un salaire supérieur, qu’en plus j’ai donc cumulé pendant deux mois avec mon précédent salaire. Cette deuxième expérience ne durera encore qu’un an. Cette fois ce fut moi qui démissionnais, ayant trouvé plus intéressante une place qui m’était proposée en banlieue parisienne, dans ce qui ne s’appelait pas encore le 93, chez un équipementier de l’industrie automobile. Là je parvins à me stabiliser pendant douze ans, vu que c’était un poste commercial non sédentaire où on me laissait une grande autonomie et que mon évolution salariale me paraissait également satisfaisante. Lorsque j’en voulus néanmoins partir, on fit jouer la clause de non-concurrence, ce qui ne me dérangea guère vu que j’avais en tête de changer complètement d’activité. Ce qui par contre m’arrangea beaucoup, c’est que durant cette période de non-concurrence imposée d’un an on continua de me verser à titre compensatoire la moitié de mon salaire. J’avais alors choisi de travailler avec le statut de VRP comme représentant industriel multicarte et je me constituai un panel évolutif de six à huit sociétés que je représentais simultanément. Etant donné cette façon particulièrement agréable de travailler, avec en somme des patrons à temps partiel dont je n’étais vraiment dépendant d’aucun, je fus très peu pressé de partir en retraite, et il m’est arrivé encore longtemps après d’accepter pour le plaisir quelques missions ponctuelles de la part d’anciens employeurs qui étaient restés des amis.

Si c’est cette mobilité-là que demain le gouvernement et le Medef vous offrent à la place du CPE, surtout n’hésitez pas !

Mais la mobilité actuellement proposée aux salariés n’est pas celle des dirigeants de grandes entreprises dont les indemnités de départ (jamais pour eux on n’emploie le terme de licenciement) leur permettraient parfois de rester sans travail pendant des siècles.

Ceux-ci se sentiraient néanmoins très malheureux s’ils ne retrouvaient pas rapidement un autre job.

Contrairement à ce que certains prétendent, c’est aussi le souhait de la plupart des chômeurs d’en bas, à qui cela est hélas beaucoup plus difficile.

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Alors qu’il s’agit seulement d’histoires de ma génération, j’ai l’air d’avoir voulu raconter la vie au Paradis Terrestre ! Quelle faute avons-nous donc commise, nous les anciens, pour que les jeunes en semblent durablement chassés ? En tout cas je suis témoin qu’il peut exister une Société sans chômage dans laquelle chacun exercerait l’activité qui lui plairait et choisirait ses employeurs. Et c’est, je l’espère, ce qu’ils connaîtront à nouveau un jour, si possible en trouvant des solutions plus originales que celle de proclamer l’état de guerre pour rendre la solidarité obligatoire ou de tout casser pour redonner durablement du travail. Est-ce leur demander de croire au Père Noël ? C’est bien en cette Société radieuse que les adjurait de croire Jacques Chirac dans son best-seller “La France pour tous” publié en 1994, lorsque lui-même cherchait un emploi de Président de la République : ce magnifique programme, il a eu douze ans pour l’appliquer...

Ce qu’il a fait depuis douze ans malheureusement n’y ressemble guère. Était-il de mauvaise foi lorsqu’il faisait ces promesses ? Ou bien est-il inéluctable que n’importe quel dirigeant politique, parvenu à la tête de n’importe quel État, se sente paralysé face à la toute puissance du système économique qui en fait régit le monde, ou préfère pactiser avec lui ?

Rapporteur des Nations Unies pour le droit à l’alimentation, Jean Ziegler constate que de 1992 à 2002, soit en dix ans, le produit mondial brut a doublé et le commerce mondial triplé, mais que le bénéfice en est de plus en plus mal réparti et que la situation des plus pauvres ne va pas en s’améliorant, preuve que la mondialisation ne nous apportera pas automatiquement le bonheur. Il nous montre que nous vivons dans un monde reféodalisé, illusoirement sécurisé au prix de dépenses militaires démentielles malgré la fin de la guerre froide, et où 500 multinationales contrôlent 52% de ce produit mondial brut.

En face, des fronts de résistance s’élèvent : à Porto Alegre les 160.000 personnes du dernier Forum social représentaient plus de 8.000 mouvements divers. Le signal de la révolte viendra-t-il d’un chef indien d’Amérique Latine devenu chef d’Éat ? Ou bien cette révolte diffuse, mondialisée, mais qu’une internationale communiste n’est plus là pour orchestrer, sera-t-elle quand même capable d’enclencher un processus révolutionnaire ?

Jean Ziegler cite, en guise de réponse, le poète espagnol Antonio Machado, disant de “l’homme qui marche” : « il n’y a pas de chemin, le chemin se fait en marchant ». [1]

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[1] L’Humanité Dimanche, 8-14/6/2006.

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Tribune libre

À Madame Royal et à quelques autres candidats à la candidature...

par G.-H. BRISSÉ
3 juillet 2006

Le Parti Socialiste a diffusé son projet qui n’est pas encore une charte gouvernementale et encore moins une réitération de l’ex-Programme commun de la Gauche.

Tout au plus édicte-t-il quelques orientations en forme de socle commun de réflexion auquel devront se référer les nombreux candidats à la candidature du Parti Socialiste.

D’autres contributions viendront sans doute s’y ajouter, telles les réflexions du Parti Communiste Français, des Écologistes, des militants de l’ultra-gauche et autres altermondialistes, rassemblés, par delà les divisions sur la marche à suivre.

Une préoccupation commune relie tous ces aspirants de gauche et du centre à la magistrature suprême : éviter de se retrouver dans la situation peu enviable qu’ils ont dû affronter à la précédente échéance, en avril 2002, où le second tour avait embrayé directement sur l’extrême droite et contraint les électeurs de gauche à voter massivement pour le candidat de la majorité de droite.

Mais l’Histoire se répète rarement selon le même schéma.

Aujourd’hui, si l’on se fie aux sondages (mais sont-ils crédibles, ou n’apparaissent-ils que comme une photographie de l’instant), une candidate se détache nettement dans le peloton de tête, à savoir Madame Ségolène Royal. Elle demeure volontairement dans le flou, y compris en matière de politique internationale, mais décoche quelques flèches en direction de son parti en n’hésitant pas à évoquer « la souffrance » des citoyens au regard des difficultés de leur vie quotidienne, de l’augmentation du coût de la vie non compensée par des hausses de salaires ou de retraite, y compris dans le cadre de la loi sur les 35 heures. Elle met en exergue les problèmes d’insécurité. En bref, elle ose énoncer tout haut ce qu’une grande majorité de citoyens pense tout bas et voit sa cote de popularité monter dans les sondages, en partie grâce à cette liberté de ton.

J’aimerais poser à Madame Royal quelques questions qui concernent l’existence quotidienne de ces millions de gens « qui souffrent » et qui ont le sentiment de n’être pas entendus et encore moins écoutés par ce qu’un ancien Premier ministre avait qualifié de « microcosme politique ».

Une prise de conscience

On sait qu’aujourd’hui, le travail, considéré comme un tout, n’est plus ce qu’il était il y a encore un demi-siècle, qu’étant encore perçu par le plus grand nombre comme une contribution citoyenne à la vie en société, il a évolué vers la précarité contrainte, engendré des inégalités de traitement et de revenus. D’où la disparité croissante entre les modalités d’un emploi, qui s’effiloche, et dont la valeur au sein des entreprises se déprécie, et des revenus tirés vers le haut d’une manière scandaleuse en faveur d’une minorité de privilégiés (actionnaires de grosses sociétés, bénéficiaires de stock options, spéculateurs financiers, par exemple) et une majorité de salariés, de retraités, qui ne perçoivent que des miettes et doivent recourir à toutes sortes d’artifices pour joindre les deux bouts.

Ces réalités commencent enfin à être perçues comme telles par certains milieux de la mouvance politicienne. C’est ainsi que, tout récemment, neuf clubs de réflexion proches du PS ont dénoncé « une nouvelle forme de crise de la redistribution », dénonçant à cet égard, « les ravages du libéralisme », d’un capitalisme qui « développe des désirs plus qu’il ne les satisfait », ainsi que « la place de l’argent dans nos sociétés par rapport au don », l’émergence d’une « économie sociale et solidaire » mais qui ne saurait constituer une voie alternative car elle utilise les mécanismes du capitalisme « pour assurer son existence » [1] .

Je souligne l’effort de ces clubs ou mouvements de pensée en marge des grands partis politiques pour approfondir la réflexion. Mais je regrette que ces analyses ne débouchent pas sur des orientations et des actions politiques concrètes. Ces neuf clubs, qui ont pignon sur rue, ne vont pas jusqu’au bout de leur logique : l’introduction dans le circuit monétaire d’une monnaie de consommation spécifique (le franc ?) ne pouvant pas servir à la spéculation mais seulement à acquérir des produits ou services largement disponibles sur le marché (contrairement aux biens dits de luxe ou de demi-luxe, rares donc chers) et s’épuisant au fur et à mesure de son utilisation. L’inventaire de ces produits ou services, parfois en surproduction ou voués à la destruction, n’est pas plus compliqué à établir et à mettre à jour que la comptabilité matière d’un hypermarché...

Une première question aux candidats

Tous les citoyens sans exclusive devraient avoir accès à un revenu garanti. Un crédit devrait être régulièrement inscrit sur un compte spécifique et leur être accessible sous forme d’une carte de crédit. Son montant diminuerait au fur et à mesure de son utilisation et serait régulièrement et périodiquement rechargé en fonction des stocks ou disponibilités, réels ou potentiels. Le succès ou l’échec de cette formulation dépend de son mode de conception : substitut à des revenus pré-existants, ou nouveau complément de revenus ?

Ce faisant, on introduit un nouveau pouvoir d’achat, étant bien entendu que seraient exclus du revenu social garanti les productions ou services “gadgets”, la nouvelle société de consommation s’accommodant mal des artifices engendrés par l’ultra-libéralisme. La production serait ainsi régulée en fonction des besoins exprimés et non l’inverse.

Il est bien évident que le problème majeur généré par notre système économique n’est plus la production des biens et des services. Nous avons surmonté l’ère de la pénurie contrainte. Le développement des techniques, l’évolution accélérée des outils de communication permettent une productivité accrue, en quantité, en qualité, en rapidité.

Tout projet à vocation socialisante, par delà les discours populistes ou démagogiques, doit s’adapter à ces nouvelles donnes. J’aimerais connaître, à cet égard, le point de vue de Madame Royal, et aussi celui d’autres candidats à la candidature pour le scrutin présidentiel.

Le problème de l’adéquation de la production à la consommation, hors des sentiers battus de la planification autoritaire et d’un ultra-libéralisme débridé, constitue la préoccupation première des plus humbles, des classes moyennes fiscalement surimposées, en bref de tous ceux qui souffrent et qui souhaitent qu’un peu de justice sociale et d’équité soient enfin introduites dans cette société.

La droite est sensible à cette suggestion, comme le prouvent les opinions parfois courageuses exprimées par Madame Christine Boutin, députée de la majorité, laquelle a énoncé une variante de revenu garanti avec son projet d’une allocation universelle, actuellement évaluée à 300 euros [2] par bénéficiaire.

Mais comme dit l’adage populaire la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a, alors on aimerait savoir exactement sur quels critères s’appuie le calcul d’une allocation universelle, alors que parallèlement des milliards de dollars ou d’euros partent régulièrement en fumée par le jeu stérile de la spéculation.

Qui doit faire quoi ?

Les valeurs d’entraide, de solidarité vraie, d’édification de structures de communautés ouvertes, ne doivent pas être l’apanage du “charity-business” pour pallier les dégâts de plus en plus visibles, sur nos sociétés, sur l’environnement, de la dictature des marchés. Elles doivent relever d’une impulsion humaniste, voire humanitaire, donnée aux niveaux les plus élevés, comme transfiguration des esprits autant que transformation des structures.

Je suggère que les associations caritatives, et autres organisations non gouvernementales, ayant déjà en la matière une longue expérience et un savoir-faire, s’associent étroitement aux organisations écologistes, de consommateurs, etc. pour déléguer des représentants au sein d’un grand Syndicat National d’Usagers et de Consommateurs (SNUC), chargé d’élaborer et de superviser l’instauration du revenu garanti, avec sa contrepartie sociale, un pacte anthropo-politique ou, pour faire plus simple, de contrat civique. Le Conseil économique et social pourrait être chargé d’une étude de faisabilité et de simulation de ce projet, qui devra s’intégrer à un programme politique plus globalisant.

Il est évident que je réserverai mes votes en faveur de celui (ou celle) qui énoncera un idéal et présentera un programme cohérent qui soient en adéquation avec ces propositions...

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[1] Le Monde, 20 /6/2006.

[2] NDLR : Rappelons que le dividende universel de Mme Boutin est un revenu mensuel remplaçant toutes les actuelles allocations, et qui, financé par REdistribution, n’atteindrait progressivement ce montant de 300 euros qu’au bout de cinq ans.

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Action, pétition

Même en année électorale, le service public de la radio doit être impartial

31 juillet 2006

Radio France est encore un service public, c’est donc un espace médiatique qui n’a pas pour but celui qui a été décrit par le patron de TF1, Patrick Le Lay, comme consistant à préparer les cerveaux humains pour les rendre disponibles aux annonceurs de publicité.

Ce service public, qui se doit d’être politiquement neutre et impartial, est pourtant en proie à de curieux remaniements, comme s’il s’agissait d’y mettre en place des journalistes capables de préparer les cerveaux des auditeurs à voter plutôt dans un sens que dans un autre.

Son actuel président est Jean-Paul Cluzel, Inspecteur général des finances, longtemps collaborateur de Jacques Chirac, intime d’Alain Juppé et récemment reconverti au sarkozysme. Il n’a pas fait mystère, dans un entretien au Figaro Magazine, de ses idées « de droite, catholiques et libérales ».

Depuis son arrivée, marquée par une brutale reprise en main provoquant le départ de personnalités emblématiques comme Pierre Bouteiller et Jean-Luc Hees, c’est près de 400.000 auditeurs qui ont quitté France Inter en moins de deux ans. Après le 29 mai 2005 en particulier, 250.000 auditeurs environ ont quitté l’antenne et n’y sont pas revenus. Il est vrai qu’au cours de la période qui a précédé la campagne pour le référendum sur la constitution européenne, la tranche dite du “7/9” (entre 19 à 21 heures) s’est distinguée par un soutien déchaîné et sans contrepartie au OUI.

Dans le même temps l’émission de Daniel Mermet, « Là-bas si j’y suis », gagnait 45.000 nouveaux auditeurs.

Cette émission a donc une excellente audience. Estimée à 500.000 auditeurs, elle est l’une des rares qui soit en augmentation à France-Inter.

Et pourtant, un premier bruit a d’abord couru, selon lequel cette émission, qui passe actuellement à 17 heures, allait être placée à 15 heures, c’est-à-dire dans une tranche horaire qui est deux fois moins écoutée, quelle que soit la radio.

Et aux dernières nouvelles, elle serait complètement supprimée à la rentrée de septembre... !

Non justifiée par un manque d’audience, cette suppression est donc une manifestation de mépris, non seulement envers l’équipe qui anime cette émission, mais aussi envers le public qui, de toute évidence, appréciait de pouvoir, grâce à elle, être « à l’écoute de la différence ».

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Pour que cette voix de résistance ne soit pas étouffée, comme tant d’autres, une pétition est proposée sur Internet.

On peut la signer sur le site http://www.la-bas.org/petition /index.php ?petition=5

Installée depuis le 16 juin à 23 heures, elle avait déjà recueilli, en neuf jours, ce 25 juin au soir, 103.143 signatures.

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