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AED La Grande Relève Articles N° 1067 - juillet 2006 > Toujours cette même politique des armements

 

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Toujours cette même politique des armements

par J.-P. MON
3 juillet 2006

D’après un rapport de l’Institut international de Stockholm de recherche pour la paix (Sipri), le total des dépenses militaires mondiales s’élevait en 2005 à 1.118 milliards de dollars, soit 173 dollars par habitant de la planète [1]. Ce montant est en augmentation de 3,4% par rapport à 2004 et de 34% en dix ans. Les 15 pays les plus “dépensiers” contribuent à 84% du total. Loin derrière les États-Unis, premiers sans surprise, le Royaume Uni, la France, le Japon et la Chine, atteignent, chacun, environ 4 à 5% du montant global. Ces 1.118 milliards de dollars constituent un record d’autant plus surprenant que le nombre de conflits ne cesse de diminuer depuis la fin de la “guerre froide”, terminée maintenant depuis plus de quinze ans, et que selon le Sipri, il n’y a eu “seulement” que 17 conflits importants en 2005, la zone la plus conflictuelle étant l’Asie.

Que se passe-t-il donc ?

En 1989, l’Union soviétique, empire rival des États Unis de l’après seconde guerre mondiale, jeta l’éponge car non seulement elle ne pouvait plus soutenir la compétition militaire mais aussi parce que, dans un grand revirement, elle renonça a son idéologie. Peut-être pour la première fois dans l’histoire, le monde n’était plus menacé par de grands conflits militaires. Il n’y avait plus sur terre aucune nation capable d’inquiéter sérieusement les États Unis. Mais l’absence de tout ennemi les mettait dans une situation embarrassante. Car, s‘ils se voyaient toujours « comme des impérialistes qui ne veulent que le bien de la planète : la démocratie, la liberté l’harmonie... ne tuant les gens ni pour la gloire ni pour l’argent mais pour rendre le monde meilleur » [2], ils ne savaient pas de qui il fallait protéger le monde. Il fallait “inventer” de nouveaux ennemis !

Un peu d’histoire

En 1910, le PIB des États Unis dépassait déjà celui de la Grande Bretagne, ce qui en faisait la première puissance économique du monde. Mais cela ne suffisait pas au président Woodrow Wilson qui rêvait de faire des États-Unis la plus grande puissance militaire de la planète. La Grande guerre allait lui en donner l’occasion. Malgré la promesse qu’il avait faite lors de sa campagne pour les élections présidentielles de 1912 de maintenir l’Amérique hors de la guerre [3], il voulait y entrer, car il estimait qu’il n’était glorieux d’en rester à l’écart. D’abord, si les États Unis y participaient, elle ne serait plus confinée à l’Europe et deviendrait une guerre mondiale. Ensuite il lui donnerait une noble ambition, celle de libérer le monde de la tyrannie [4] et dans ce monde meilleur, l’Amérique deviendrait une puissance hégémonique.

Finalement, la guerre se termina 18 mois après l’intervention des États-Unis mais le monde n’en fut pas plus en sécurité ni en démocratie, bien au contraire. Le deuxième quart du siècle vit éclore plus de dictatures que jamais.

L’explosion de la dette

Au cours de la première guerre mondiale, la dette fédérale américaine bondit de 3 à 26 milliards de dollars. Les présidents Harding et Hoover en remboursèrent 16 milliards. Mais vinrent ensuite la grande dépression de 1929, Roosevelt et la seconde guerre mondiale, et en 1945, la dette fédérale se montait à 260 milliards. Alors se produisit un événement extraordinaire : la guerre ne se termina pas. Elle se prolongea sous la forme d’une “guerre froide” avec des poussées de fièvre : guerre de Corée, du Viet-Nam... La dette étatsunienne continua de croître. Sous Ronald Reagan, elle passa de moins de 1.000 milliards de dollars en 1980, à 2.700 milliards à la fin de son mandat. Avec la fin de la guerre froide, on aurait pu s’attendre à un allègement. Mais les habitudes ont la vie dure et lorsque G.W. Bush arriva au pouvoir, la dette se montait à 5.700 milliards de dollars. On pouvait penser qu’un conservateur comme G.W. Bush ferait tout pour rembourser la dette de l’État : la nation était en paix et tout laissait attendre un budget en excédent. C’est bien ce que promit G.W. Bush au Congrès en 2001 en présentant son budget. « Cette nuit là, dit Paul O’Neill, Bush, debout, devant la nation, dit quelque chose que les membres bien informés du gouvernement savaient fausse » [5]. En prenant cet engagement, Bush ne faisait que suivre l’exemple de générations de républicains qui ont toujours promis des budgets en équilibre... mais qui ont pu continuer à faire des dettes,... grâce à la guerre. Et, depuis 1917, les guerres ont toujours semblé arriver lorsqu’on en avait besoin.

En 2001, il y eut l’attentat du 11 septembre contre les Tours jumelles et contre le Pentagone. Quelques heures plus tard, G.H. Bush annonça une nouvelle guerre : la guerre contre le terrorisme, une guerre contre un ennemi qu’on ne pouvait pas localiser sur une carte, une guerre qui pouvait durer indéfiniment. « Jamais auparavant on n’avait déclaré une guerre contre une tactique. C’était comme si on déclarait la guerre à un blocus naval ou à un combat le dimanche ! » [2]. Les anciens empires avaient fait la guerre à leurs ennemis... ou à leurs amis. L’administration Bush, elle, ne faisait pas la guerre à quelqu’un en particulier mais à tout le monde en général car n’importe quelle force combattante utilise la terreur à un moment ou à un autre. Qui plus est, on peut donner de la terreur la définition que l’on veut et elle est inacceptable... tant qu’elle reste infructueuse : « Un terroriste qui réussit gagne le droit de prendre le thé avec la reine d’Angleterre » [2].

Mais le plus important pour les Républicains au pouvoir est que cette guerre contre le terrorisme est une guerre qui peut durer indéfiniment. Maintenant les dépenses et les dettes peuvent continuer à jamais. Dans les 24 mois qui suivirent, l’administration Bush alourdit les dettes de la nation d’un montant supérieur à la dette qui avait été accumulée dans les 200 premières années de l’existence des États-Unis.

Mais le monde d’aujourd’hui n’est plus celui de 1917. C’est le monde que Wilson a contribué à faire. Si les États-Unis sont encore un empire, ils ne sont plus une puissance “montante”. Ils sont dans la situation où se trouvait la Grande-Bretagne à la veille de la première guerre mondiale. Fin 2004, les banques centrales de Chine et du Japon détenaient environ 1.000 milliards de dollars en bon du trésor américain. Désormais l’économie “courante” des États-Unis dépend de la “bienveillance“ de ces banques centrales. “Heureusement” qu’il reste les armements ! « Les Américain achètent leurs babioles en Chine mais leurs chars sont fabriqués chez eux » [2].

On a vu que combien Jacques Duboin avait raison d’avertir des dangers d’une telle politique. Espérons que l’histoire ne se répétera pas !

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[1] Le Monde, 14/06/2006.

[2] W. Bonner and A. Wiggin, Empire of debt, ed. Wiley, 2006.

[3] Ce qui était le souhait de la majorité des Américains.

[4] Woodrow Wilson, Address to Congress asking for a declaration of war, 02/04/1917.

[5] Ron Suskind, The price of loyalty : George W. Bush, the White House, and the Education of Paul O’Neill, Simon and Schuster ed. 2004.

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