LA photo reproduite ci-dessus, en couverture, est celle
d’un portique élévateur pneumatique sur rail. Quatre élévateurs
semblables à celui-ci et trois autres flottants ont été
récemment mis en service à Rotterdam. Chacun de ces élévateurs
a un débit d’environ 1 000 tonnes à l’heure. Ainsi pour
décharger une cargaison de 40 000 tonnes de céréales,
prise à titre d’exemple, il faut, d’après la revue «
Industrie et Technique », seize heures de travail, à raison
de DEUX ouvriers par élévateur. Pour imaginer ce que cela
représente, sachez qu’une telle cargaison, transportée
en wagons, formerait un train de 20 kilomètres de long !
Et on s’étonne qu’il y ait croissance du chômage ?
Celui-ci a atteint son record : 1 300 000 chômeurs recensés
en France, près de 17 millions pour l’ensemble de la zone O.C.D.E.
La plus forte croissance est enregistrée au Canada, en Finlande,
en Espagne et en Italie. Et même les pays comme le Japon, la Suède
et la Norvège dont le taux est faible, ont vu ce taux augmenter
ces dernières années. Il y a donc bien lieu de reconnaître
qu’il ne s’agit pas, pour la France, en particulier, d’un accident que
notre barreur saura vite réparer grâce à notre courage
et à notre abnégation, mais bien, comme nous ne cessons
de l’annoncer, d’un chômage structurel. Il résulte de l’évolution
des moyens de production et il touche tout le secteur de l’entretien
de la vie matérielle (1) . Les moyens modernes permettent d’assurer
cette vie, à condition de s’organiser pour utiliser au maximum
les machines et leurs automatismes les plus récents, ce qui implique
un autre système de gestion des biens.
Les moyens le permettent, mais les hommes s’opposent, consciemment ou
non, à cette possibilité. D’abord parce que beaucoup d’entre
eux sont incapables de revenir sur une idée bien enracinée
qui fit d’eux des esclaves : « honte à celui qui ne travaille
pas »... (sauf s’il a hérité d’un capital bien géré
par d’autres !). Ensuite parce que, remettre en cause le principe que
tout salaire nécessite sa peine, oblige à remettre aussi
en question la règle du jeu capitaliste : distribuer une monnaie
gagée sur la production et destinée à permettre
à tous d’en profiter dès lors qu’elle existe, c’est enlever
à l’argent son rôle sacré. IMPOSSIBLE !
Pourtant, comme il est beau le rôle qu’a joué dans ce système
la loi si âprement défendue du marché : P.-N. Armand
nous révèle, références à l’appui,
le commerce de cadavres de bébés (2) ;
H. de Joyeuse a constaté que des menaces de mort sont proférées
envers quiconque oserait pénétrer, sauf pour acheter,
dans un parc de voitures d’occasion (3) ; R. Roche a vu des communistes
convaincus oublier tout idéal dès lors qu’ils ont eu accès
à une « classe supérieure » de capitalistes
(4) . Marcel Dubois analyse parfaitement (5) cette dégradation
de la personne humaine dont le mercantilisme de notre société
est responsable. On pourrait indéfiniment en donner d’autres
exemples : je lisais récemment un article de la revue de la Société
Française d’économie rurale dans laquelle F. Clerc analysait
les conséquences possibles de l’entrée de trois pays méditerranéens
dans le Marché Commun. Pas une fois n’apparaît l’ombre
d’un souci de progrès pour le consommateur. La pire des craintes
est une baisse des prix de certains produits. On pourrait pourtant espérer
qu’au XXe siècle, l’Europe soit capable de se concerter pour
mieux organiser sa production ; qu’elle planifie pour produire en s’adaptant
aux conditions géographiques : tel pays, en raison des qualités
de son sol et de son climat fournira primeurs ou raisin, tel autre cultivera
endives, betteraves ou céréales. Mais non, c’est toujours
le profit qui fait la loi et on continuera à faire pousser à
l’eau chaude des tomates sans goût en Hollande !
Allons, rassurons-nous, France-Soir a trouvé les responsables
de la « crise » et nous allons donc être sauvés
de la « catastrophe chômage ». Un éditorial
fracassant (6) démontre que la faute incombe à notre système
d’enseignement. Il paraît que nous devrions former beaucoup moins
de
têtes bien faites » mais beaucoup plus de techniciens immédiatement
« rentables »... pour l’industrie. Autrement dit, il faut
apprendre très tôt aux jeunes un métier donné
et un seul, une technique et un savoir-faire en vigueur et adaptés
aux appareils qui existent. Et si demain leur outil et leur savoir-faire
sont démodés, ce qui est inévitable et tout le
monde devrait le savoir, tant pis pour eux ?
Qu’en pensent aujourd’hui les mineurs qui n’ont connu que la mine ?
Qu’en pensent les licenciés de plus de trente ans qui ont tant
de peine à se « recycler » ?
Au moment où s’ouvre enfin l’ère des loisirs !
(1) « Quel chômage, quel plein emploi ? ». G.R. n°
761.
(2) « Hitler, économiste distingué, fait école
», p. 3.
(3) « Avis, danger de mort... », p. 3.
(4) « De la propriété », p, 4,
(5) « Les mains sales », p, 9.
(6) De G. Farkas, du 17 novembre 1978.
PERSONNE au monde, aujourd’hui, n’ignore que durant
le dernier conflit international, les Nazis ont entassé des millions
d’individus dans des Camps de la mort. Une fois exterminés, d’une
tacon ou d’une autre, ces malheureux servaient encore à l’économie
de guerre allemande. Leur pauvre cadavre était cuit et cette
graisse humaine servait à faire du savon et des corps gras car
la pénurie régnait.
Actuellement, on procède de même chez nos voisins britanniques
dont on connaît les difficultés économiques. Afin
que rien ne se perde et en vertu du principe que toute source de profit
doit, en système capitaliste, être exploitée, un
gynécologue londonien de Harley Street, vend les bébés
tués, dans sa clinique, avant naissance, à une usine de
produits chimiques. Après traitement cette matière première
de qualité juvénile est métamorphosée en
cosmétiques et... encore en savon. De luxe il est vrai.
Ces faits ont été constatés, sur place, de visu,
par Suzanne Kentish et Michel Lichfield, dont les témoignages
ont été consignés dans un ouvrage de 284 pages
« Babies for burning » qu’ils sont parvenus à faire
éditer hors d’Europe, aux Editions Paulines 3965 Est, Bvd Henri
Bourassa, Montréal H1H, 1L1 Québec. (Traduction française
sous le titre « Bébés au feu », prix 40 F
port inclus).
Nul doute que cet exemple, financièrement rentable et qu’aucune
instance morale, civile ou religieuse n’a trouvée déplaisante,
sera suivi et que nos élégantes pourront bientôt
se tartiner le minois, et le restant, à la graisse de bébé
avorté.
Si l’on oppose la rareté à l’abondance, c’est parce qu’un produit utile possède une grande valeur d’échange tant qu’il reste rare, et perd sa valeur d’échange en devenant abondant. Et comme sans valeur d’échange aucun profit n’est possible, on combat l’abondance, faussement dénommée surproduction, dans l’espoir que le produit utile devenu rare, retrouvera une valeur permettant de l’échanger avec profit.
(Extrait de « Rareté et Abondance », 1945)
*
Dès que les moyens de production atteignirent un potentiel rendant l’abondance inévitable mais diminuant parallèlement les profits, le licenciement d’une masse énorme de travailleurs devint définitif, parce que les offres d’emplois se raréfièrent dans toutes les branches de la production. Il s’en suivit une baisse rapide et continue du revenu national ; et ce phénomène inconnu, agissant comme une force sourde et sournoise, eut des répercussions économiques amenant la destruction inévitable de toute notre organisation sociale. - Par quel procédé ? Par la rupture de l’équilibre comptable au sein de millions de familles dont l’existence a été complètement bouleversée.
(Extrait de « Rareté et Abondance », 1945)
DU communisme, et même du socialisme, émane
une peur, ancrée dans la conscience populaire : celle de perdre
sa propriété. L’homme au couteau sanglant entre les dents
délogerait férocement les gens paisibles, les expulserait
de leur habitation, de leur petite entreprise et les jetterait à
la rue. Ces gens seraient alors assujettis à travailler sans
contre-partie sous le joug d’une collectivité aveugle et sans
aveu. Dans un tel paysage il fallait être le dernier des parias
pour adhérer au parti communiste, mais Dieu sait combien ces
parias étaient innombrables en 1920.
En cette année 1920, mon oncle, ouvrier parisien, acquérait
un petit terrain particulièrement bon marché de 250 m2,
lequel faisait partie d’un morcellement non viabilisé situé
dans la grande banlieue. Ç’avait donc été au vu
d’une annonce parue dans « L’Humanité » qu’il effectuait
cet achat et il y mettait toutes ses économies et tout son coeur.
Les acheteurs des cinquante lots du lotissement étaient tous
communistes.
Quelques années plus tard, la plupart des heureux bénéficiaires
avaient construit leur petite bicoque en bois ou en dur à la
sueur de leur front et en se saignant aux quatre veines, et habitaient
là. Ils étaient devenus « des propriétaires
» avec le jardinet soigneusement cultivé... les fleurs...
idéal énorme à l’époque pour de petits salariés
parisiens.
Tous, doucement, du rouge passèrent au rose... et d’aucuns virèrent
au jaune bon teint.
Giscard d’Estaing le sait quand il pousse le peuple vers l’accession
à la propriété en 25 années de dettes. Il
veut voir de moins en moins de locataires et de plus en plus de propriétaires
de petit pavillon ou d’appartement : honnête moyen de faire baisser
le nombre d’électeurs orientant leur scrutin du côté
gauche. De Gaulle poursuivait une vue parallèle lorsqu’il préconisa
la « participation » : les minuscules et dérisoires
porteurs d’actions de l’entreprise, comme les gros actionnaires, votent
à droite. Telles sont les vertus de la propriété.
La propriété est la chose la plus naturelle qui soit.
Elle est inscrite dans la Nature. On la décèle en observant
les comportements de la plupart des espèces animales. Des oiseaux
défendent leur nid, leur arbre, leur espace d’action et n’empiètent
guère sur ceux des voisins. L’aigle se sent le maître de
son aire. Les lapins possèdent leur propre terrier et la plupart
des mammifères assurent leur domaine vital.
Si l’homme se complaît à participer à des activités
de groupe, un moment vient toujours où le besoin se fait sentir
de retrouver son chez-soi, sa famille, l’intimité et la sécurité
du home et, si la possibilité s’en présente, de pouvoir
se réfugier dans son coin personnel de solitude. Même en
vie collective monastique chacun possède sa cellule où
il peut dormir et penser seul.
La nécessité impérieuse des choses bien à
soi est immanente, légitime et intouchable.
D’évidence, cela continuera d’être aussi vrai quand l’homme
aura surmonté le capitalisme et accédé à
une société distributive et lisse lui permettant enfin
de réaliser pleinement sa vie. Il aura, pour ce faire, abandonné
les fausses valeurs, les fausses préciosités, la finance,
lesquelles permettaient aux gros propriétaires de spéculer
et d’amasser toujours davantage au détriment du plus grand nombre.
Le régime distributif rendu nécessaire par l’abondance
ne supprime pas la propriété. Au contraire, il la généralise.
Et cela il faut le dire fortement, le faire savoir à la ronde.
Il se pourrait en effet que des esprits naturellement portés
à admettre le bien-fondé de cette voie se trouvent arrêtés
dans leur élan par une crainte innée, confuse, irraisonnée
de se voir dépossédé par la société
de l’abondance. Cela n’est pas. D’ailleurs Jacques Duboin a écrit
: « Ainsi chacun devrait posséder une demeure spacieuse,
élégante, confortable, où il soit possible de s’isoler
pour lire, étudier, ou simplement réfléchir ».
(« Rareté et Abondance », page 260).
C’est certain : le droit imprescriptible à la propriété
individuelle sera inscrit en toutes lettres dans la Constitution de
l’Economie Distributive. La propriété sera même
héréditaire et l’Etat en garantira les modalités
d’application.
Soit dit en passant
Quand il s’est installé à l’Hôtel
Matignon, en octobre 1976, succédant à Jacques Chirac,
parti en claquant la porte et en laissant le pays dans l’état
que vous savez, Raymond BARRE, présenté alors comme le
« meilleur économiste français », avait un
large sourire devant les caméras, un moral en béton armé,
l’air sûr de lui, une assurance tous risques et, dans sa serviette,
un plan de redressement définitif.
C’était le nouveau sauveur. Mais le bon, cette fois. Fini le
temps de la politique politicienne, des marchands de rêve et d’illusions,
des prestidigitateurs de foire et des bricoleurs de statistiques. Avec
M. le professeur d’économie de réputation mondiale, à
ce qu’on disait, on allait voir ce qu’on allait voir. On a vu.
Deux ans ont passé. Raymond Barre est toujours là - du
moins à l’heure où j’écris ces lignes - olympien,
imperturbable, mais le moral quelque peu ébranlé, dit-on
dans son entourage, le sourire de plus en plus crispé, et le
plan de redressement en question de moins en moins définitif.
C’est que ça ne tourne pas aussi rond que certains voudraient
nous le faire croire dans la meilleure des sociétés libérales
avancées dirigée par le meilleur économiste. La
crise qui sévit en France comme dans tous les pays modernes,
et que l’on traite depuis un demi-siècle avec des cachets d’aspirine,
n’est toujours pas surmontée. Et l’entrée de l’Espagne,
du Portugal et de la Grèce dans le marché commun va poser
quelques problèmes aux économistes distingués et
à leurs experts. Et donner des insomnies aux chefs de gouvernement,
même à M. Raymond Barre qui n’avait pas besoin de cette
complication supplémentaire.
il a assez de soucis en ce moment, cet homme, avec l’inflation, le chômage,
les excédents agricoles, les chefs d’entreprise qui mettent la
clef sous la porte, - les canards boiteux, quoi ! - la grogne, la rogne,
Giscard qui fait la gueule, et aussi les sondages.
Pas fameux, les sondages, pour le monsieur de Matignon. Selon l’IFOP
de juillet dernier, 52 % des Français se déclaraient plus
ou moins mécontents de la politique pratiquée par le Premier
ministre. Et ca donne à réfléchir, même si
les élections sont encore éloignées. Pas à
Raymond Barre. C’est tout réfléchi pour lui. Il y a longtemps
qu’il a arrêté sa politique, établi son plan. Et
il s’y tient. Il n’y reviendra pas. Si quelqu’un se croit plus malin...
Justement. Dans l’opposition, et même dans la majorité,
il se trouve des amateurs qui se sentent pousser des ailes, et même
un destin national et que l’envie démange de prendre la place
pour montrer au monde leurs talents de société.
Alors, ça remue un peu partout. On commence à douter des
chances de succès de notre Premier ministre et de sa politique,
d’après les premiers résultats. Et il vaudrait mieux ne
pas attendre la catastrophe pour renvoyer le professeur à l’école
du soir.
Giscard d’Estaing y songe, chuchote-t-on dans l’entourage du président.
Va-t-il virer le Premier ministre comme un vulgaire Chirac et chercher
un nouveau sauveur pour nous préparer à l’an 2000 ? Ça
doit pouvoir se trouver.
Tenez : Jacques BLANC.
Jacques Blanc, si vous ne le connaissez pas, ce qui est bien possible
après tout, est président de l’U.D.F. et secrétaire
général du P.R. C’est sur sa carte de visite. Ce qui l’autorise
à proférer des paroles historiques que les journalistes
en mal de copie recueillent aussitôt pour en régaler leurs
lecteurs.
Or, si j’en crois le magazine « V.S.D. » du 26 juillet,
Jacques Blanc a déclaré : « Dès que je vois
Giscard, je suis comme Popeye avec ses épinards, regonflé
à bloc ».
Voilà l’homme qu’il nous faut.
Vous rigolez ? Selon le « Figaro » du 28 juillet, la Commission
Européenne préconise l’arrachage de cent mille hectares
de vignobles dans les pays du marché commun, dont la France,
because l’excédent de vin, en vue de l’élargissement de
la C.E.E. Cette plaisanterie nous coûtera la bagatelle de 5 milliards
de francs.
Et qu’est-ce qu’on mettra à la place de nos vignes ? On ne sait
pas encore. On ne va tout de même pas y planter de la betterave
?
Ne cherchez pas. M. Jacques Blanc a trouvé : des épinards
!
Si avec ça on n’est pas regonflé à bloc, c’est
à désespérer.
Alors, Popeye au pouvoir !
Depuis que « le danger collectiviste » est écarté, le gouvernement affiche chaque jour davantage son « libéralisme économique », seul capable, d’après M. Barre, de nous sortir de « la crise ». Et vive la liberté des prix et le blocage des salaires ! Tout cela permet aux entreprises de faire de confortables bénéfices. Rhône-Poulenc, par exemple, avoue un résultat net après impôt de quinze milliards de centimes, compte tenu des pertes du secteur textile. Comme quoi ce n’est pas la crise pour tout le monde...
*
Le libéralisme économique réserve
pourtant à certains quelques déboires : en Israël,
il y a un peu plus d’un an, le gouvernement conservateur de M. Beghin
décidait de se débarrasser des structures économiques
dirigistes qui fonctionnaient depuis vingt-neuf ans et qui, selon les
nouveaux gouvernants, menaient le pays à la ruine.
S’inspirant largement des thèses de Milton Friedman, le monétariste
à tout crin, conseiller financier du gouvernement Pinochet, Beghin
décidait de libérer les prix, de bloquer les salaires,
de faciliter les exportations, de réduire la consommation et
ne cachait pas son rêve de faire d’Israël « la Suisse
du Proche Orient ».
Un an après on peut faire le bilan de cette politique : l’inflation
au lieu de se réduire (à 12 % avait dit le ministre !)
s’accélère et atteindra 50 % en 1978, les exportations
stagnent, les importations augmentent et Israël n’est pas devenu
une place financière internationale. Le gouvernement n’a jamais
autant imprimé de billets de banque et le déficit de la
balance des paiements selon toutes les prévisions s’aggravera
de près de 400 millions de dollars cette année.
Au fait, j’allais oublier de vous dire que M. Barre est un grand admirateur
de Milton Friedman.
*
A en croire M. Friedman et la plupart des économistes
libéraux, la monnaie conditionne toute l’économie. Nos
lecteurs savent depuis longtemps qu’il n’en est rien et que la monnaie
on peut la créer comme on veut quand on en a besoin. Un exemple
récent vient de nous en être donné une fois encore
: au mois de septembre dernier, le Fonds Monétaire International
a décidé de créer environ trente deux milliards
de droits de tirage spéciaux (DTS). En émettant des DTS,
on ne fait pas autre chose que mettre en circulation des dollars, des
deutschemarks, des francs, des livres sterlings, des yens, etc...
Alors, « Pourquoi manquons- nous de crédits ? »
*
La presse de M. Hersant (Le Figaro, France-Soir, l’Aurore,
... et j’en passe) ne manque pas une occasion de nous terroriser en
nous abreuvant de pages entières sur la montée de la délinquance...
Ce qu’elle ne nous dit pas, cette bonne presse gouvernementale, c’est
que la délinquance d’affaires (ou délinquance économique)
coûte à la société deux cent fois plus que
les vols dans les grands magasins et 5 000 fois plus que les hold-up.
Quant à la fraude fiscale effectuée au préjudice
de l’Etat, elle était estimée en 1975 à environ
45 milliards de nouveaux francs. Et encore n’est-ce là qu’une
évaluation minimale.
Comme on le voit, cela laisse loin derrière le coût de
la criminalité traditionnelle.
Ces chiffres sont tirés de l’article « Justice, Sécurité,
Progrès » écrit par L. Lammers dans « Energies
» (N° 1142 du 17-1178) qui précise que les condamnations
prononcées en 1975 pour infractions financières, fiscales
et douanières ne représentent que 1,7 % des condamnations
d’ordre pénal. Quant aux amendes, on sait qu’elles font toujours
l’objet de réductions ou de remises pures et simples. Il est
vrai que le genre de fraude que nous venons d’évoquer n’est pas
le fait des manoeuvres légers !
*
Le gouvernement se demande comment organiser la régression
progressive des capacités de production de la construction navale.
Et comme d’habitude, cher contribuable, pour qu’on produise moins, il
faudra payer. Il vous faudra débourser quarante cinq milliards
de centimes pour que les chantiers navals français acceptent
de construire neuf cargos pour la Pologne. C’est le prix qu’il faut
payer pour être compétitif !
Autrement dit, nous allons subventionner la flotte polonaise.
Consolons-nous, nous aurons ainsi fourni du travail pour un peu plus
d’un an aux travailleurs des chantiers navals. Les armateurs français,
eux, ne sont pas grès chauds pour passer des commandes de navires.
Ils n’arrivent pas à se décider malgré les promesses
gouvernementalees d’une très importante aide financière.
Après tout, ils ont peut-être des navires en nombre suffisant,
ces gens-là !
Et s’ils ne commandent rien, ça ne nous coûtera peut-être
rien ?
UNE RUBRIQUE POUR CEUX QUI PERDENT PATIENCE...
Nous poursuivons ici une revue de textes, envoyés le plus souvent par nos lecteurs, et qui montrent que les idées défendues ici depuis plus de quarante ans sont enfin reprises de tous côtés. Nous ne sommes donc plus des utopistes isolés !
" « La Vie » (5-12-6-1978)
ORDINATEURS : UN NOUVEL AGE POUR L’HOMME
« Une révolution a éclaté.
Sans bruit. Et pourtant ! les effets de la multiplication des ordinateurs
miniatures et bon marché se font déjà sentir. Là
où il fallait, il y a quinze ans, une pièce entière
pour loger un ordinateur, il suffit aujourd’hui d’une petite armoire.
Le règne de la machine à tout faire, et qui le fait moins
cher que l’homme, vient de commencer.
L’automatisation rend moins pénible le travail de l’homme, permet
de produire plus et plus vite des opérations effectuées
au milliardième de seconde. Elle devrait donc déboucher
sur une amélioration générale du niveau de vie
et de la qualité de la vie...
Ordinateur signifierait-il chômage ? La nouvelle informatique
nous prépare-t-elle une administration sans fonctionnaires et
une industrie sans ouvriers, tout comme le tracteur a entraîné
une agriculture sans paysans ? Il faut imaginer, dès maintenant,
une nouvelle manière de vivre (diminution de la durée
du travail, création d’emplois liés à la qualité
de la vie et au développement des activités culturelles,
etc.) qui prenne en compte ce bouleversement de notre vie sociale.
Peut-on échapper à cette nouvelle révolution économique
? Non, répond Simon Nora...
Des solutions, le Rapport Nora n’a pas la prétention d’en donner.
Mais il a le mérite de nous faire prendre conscience d’un avenir
qui sera très vite présent. Nous n’aurons pas à
accepter ou à refuser la révolution de l’informatique.
Elle s’impose, par les faits, comme un engrenage.
Notre choix portera sur les manières de nous y adapter, et de
l’adapter à nos besoins. Pour qu’elle soit au service de l’homme.
Et non le contraire. Il est temps d’y prendre garde. Si nous savons
la maîtriser, elle peut être un considérable facteur
de progrès. »
Philippe GENET
(Envoi de Mme PRACH)
" « La Croix » (21-7-1978)
POUR UN REVENU SOCIAL GARANTI
« La course au profit, avec l’agiotage qu’elle
entraîne, fait perdre de vue que la production doit être
réalisée pour satisfaire les besoins des hommes, qui doivent
avoir un droit de regard sur les rouages de l’économie et ne
pas abandonner ce soin à une faction.
Le droit à la subsistance (droit à la nourriture, à
un habillement et à un logement décents) doit être
garanti à toute personne physique, de l’aube au crépuscule
de sa vie, quels que soient sa naissance, sa position sociale, son travail.
Il n’est pas normal que dans un pays « développé
» comme le nôtre, plus de deux millions de personnes survivent
encore dans un état d’indigence chronique et ne parviennent pas
à équilibrer leur budget alimentaire.
Le développement du machinisme et de l’automatisation, lié
à la miniaturisation des outillages, entraîne un abandon
de plus en plus large des tâches manuelles simples et répétitives,
voire les plus pénibles, une réduction progressive des
postes de travail disponibles, donc un chômage croissant. A moins
de revenir à l’âge des cavernes, ce processus est irréversible
et ne fera que s’accélérer dans l’avenir.
La nécessité s’imposera donc de dissocier de plus en plus
largement les revenus du travail, de s’orienter vers une forme raffinée
d’économie distributive.
Il est désormais possible d’allouer à chacun un revenu
social garanti, avec une priorité aux économiquement faibles
: jeunes, étudiants, personnes âgées, handicapés,
chômeurs, etc. La valeur de ce revenu garanti serait indexée
sur le volume des biens de « grande consommation » et des
services disponibles ou susceptibles d’être mis rapidement à
la disposition de tous.
Le pouvoir d’achat de chaque citoyen serait donc fonction de l’analyse
d’une simple « comptabilité matière » permettant
de connaître quasi instantanément, région par région,
en particulier grâce au calcul électronique, l’état
des stocks et des biens disponibles ou en mesure d’être livrés
sur le marche dans le plus bref délai.
Ces biens dits « de grande consommation », par référence
aux biens dits de « luxe » ou de « demi- luxe »,
accessibles selon les critères de l’économie de marché,
seraient distribués par le truchement d’une monnaie de consommation
non thésaurisable, c’est-à-dire détachée
de toute référence spéculative à l’étalon-or
ou, à défaut, de l’étalon-dollar. Sa valeur se
référerait exclusivement au volume des biens réellement
ou potentiellement disponibles à court terme.
Chaque citoyen recevrait donc un double revenu un revenu social garanti,
sous la forme d’une monnaie de consommation distribuée dans tous
les établissements bancaires ou les centres de sécurité
sociale, dans la limite d’un crédit ouvert en permanence au compte
de chacun ; un revenu de complément, correspondant sensiblement
aux revenus actuels (salaires, participation financière aux entreprises,
etc.) et permettant d’acquérir des biens de luxe ou demi-luxe,
par définition rares sur le marché, donc plus chers.
Le travail se transformera en service social chaque personne étant
tenue de participer, à temps complet ou partiel, selon ses capacités
et ses aptitudes, à la production et aux services, aux activités
de création et de recherche, la formation permanente, avec ses
filières d’épanouissement personnel ou d’adaptation professionnelle,
prenant ainsi le pas sur l’oisiveté forcée consécutive
au chômage.
Car, en fin de compte, la finalité d’une économie qui
se veut politique n’est-elle pas de produire pour l’homme, rien que
pour l’homme, mais aussi pour tous les hommes ? »
Gérard BRISSÉ
(Envoi de M. PIZZOLI )
N.D.L.R.- M Biache nous prie de rappeler qu’il est de ceux qui nous ont signalé l’article de R. Barjavel cité dans le n° 761.
Lectures
RENE SEDILLOT est l’auteur de nombreux ouvrages sérieux
d’Histoire et d’Economie. Il a fait paraître récemment,
chez Fayard, un important volume intitulé : « Histoire
des Socialismes ». Il y expose l’extraordinaire profusion des
théories, des expériences et, surtout, des réalisations
multiformes qui se réclament du socialisme.
Il ressort de cette analyse que le vrai socialisme n’existe nulle part,
ce que Jacques Duboin et ses disciples ont toujours soutenu, mais que
le mot Socialisme est chargé de tellement d’espoirs qu’il est
employé pour couvrir même son contraire !
René Sédillot démontre également que l’usage
d’une monnaie non gagée sur la production permet le trafic et
l’épargne. Elle n’est donc pas compatible avec le socialisme
véritable car elle devient rapidement le support d’un capital.
« Qu’on le veuille ou non », écrit l’auteur, en conclusion
de son ouvrage exhaustif, « la monnaie- marchandise c’est l’argent.
Et l’argent c’est le pouvoir de l’argent qui conduit tôt ou tard
au règne de l’argent. Le Socialisme, s’il emprunte à l’économie
de marché le premier de ses instruments se condamne à
l’avance à n’être qu’un pseudo- socialisme. »
*
UN OUBLI
Cela n’apprendra rien aux partisans d’une Economie
Distributive mais pourra, toutefois, les conforter dans leurs convictions.
Nous regrettons seulement que René Sédillot, parmi les
nombreuses théories qu’il étudie pertinemment, n’ait pas
cité une seule fois l’Economie Distributive, qui constitue précisément
le vrai socialisme. Et que, même dans son index copieux, le nom
de Jacques Duboin ne figure pas.
C’est une lacune à combler dans les prochaines éditions
de cet ouvrage par ailleurs si documenté.
Si seulement vous pouviez comprendre
Que les machines sont pour servir
Et non pour vous asservir
Vous pourriez alors vous défendre.Et si seulement vous pouviez voir
Que le chômage est conséquence
De l’incalculable abondance
Vous changeriez enfin l’histoire.Si seulement vous n’aviez plus peur
De voir en face les différences
De rejeter vos ignorances
Vous feriez jaillir le bonheur.Et si seulement vous agissiez !...
Ne vous laissez plus circonscrire
Et dépêchez-vous de grandir
Pour rénover l’humanité.
SOCIETE mercantile : aucun adjectif ne saurait mieux qualifier l’ensemble de réflexes conditionnés qui régissent la quasi-totalité de nos comportements individuels et sociaux. Aucun ne justifie mieux les rejets parfois forcenés émanant principalement d’une jeunesse dont les conditions matérielles d’existence sont pourtant, dans l’ensemble, incomparablement supérieures à celles de la grande majorité de leurs aînés.
LES INCORRIGIBLES
Il est pourtant curieux de constater qu’en dépit
de ces réactions, des modes écologiques plus ou moins
sincères, du caractère souvent dramatique et irréversible
de certaines pollutions, il existe de nombreux individus assez cupides
pour toujours choisir le profit à court terme, quelles qu’en
soient les conséquences, et assez stupides pour montrer clairement
le bout de l’oreille.
A titre d’exemples, parmi beaucoup d’autres, rappelons-nous les véhémentes
protestations qui n’ont jamais manqué de saluer les contournements
routiers de certaines villes où la paralysie circulafoire avait
pourtant dépassé les limites du supportable, tant au point
de vue qualité de la vie qu’à celui de la sécurité
pure et simple. Chaque fois, des commerçants épouvantés
à l’idée d’une diminution de leurs chiffres d’affaires
multipliaient protestations et pétitions, jusqu’au jour où
ils se rendaient compte de la fausseté de leurs calculs, la tranquillité
retrouvée facilitant le plus souvent la venue de la clientèle.
Nul doute que, dans le cas contraire, il n’eussent fini par l’emporter.
Les mêmes constatations peuvent être faites lorsque certaines
municipalités créent des zones piétonnières,
permanentes ou temporaires. C’est ainsi qu’à Alençon se
déclencha un véritable tollé, alors que la décision
s’accompagnait pourtant d’une restauration complète des lieux
pour redonner au centre ville son cachet d’autrefois et remettre en
valeur la cathédrale Notre-Dame et son entourage. Nous pouvons
citer également le cas de certaines stations balnéaires,
telles Hossegor, où la simple mise à sens unique d’un
pont totalement bloqué en juillet-août au mépris
des règles les plus élémentaires de sécurité,
donna naissance cette année à d’innombrables pétitions
lancées par de courageux anonymes irresponsables prétendant
exprimer le sentiment de toute une population...
LE SALAIRE DE L’IVRESSE
Mais il y a beaucoup mieux encore. Et c’est ainsi que France-Inter, dans une émission de 20 h 00, de la mi-août, retransmit sans sourciller les récriminations véhémentes d’un bistrotier accusant les contrôles routiers d’être à l’origine d’une sensible diminution de ses ventes de petits verres. Peu lui importait les milliers de morts et de blessés imputables chaque année aux conducteurs éméchés, pourvu que son tiroir-caisse soit bien garni. Tant pis également pour le déficit de la Sécurité Sociale contre lequel il ne doit pourtant pas manquer, en tant que contribuable, de vociférer de la belle manière ! A moi les gros sous et tant pis si les autres en crèvent... France-Inter ne fit d’ailleurs aucun commentaire : on s’habitue à tout ! Comment s’étonner si devant une telle dégradation du comportement d’individus se prétendant adultes, les jeunes n’éprouvent que du dégoût à l’égard du pourrissement de la société et se sentent de furieuses envies de tout casser, sans se rendre compte d’ailleurs de la totale inefficacité de leur attitude ?
LES MERCENAIRES DU PETROLE
De même, qu’ont donc pu penser les jeunes à l’écoute de l’émission de FR3 le 26 mai dernier consacrée aux pétroliers navigant sous pavillon de complaisance ? Après avoir rappelé que ces derniers regroupent 60 % de la flotte mondiale, le présentateur nous a expliqué le pourquoi de cette situation reconnue comme cause essentielle des dernières grandes marées noires. Elle permet, par exemple, d’utiliser un équipage de 24 hommes appartenant à 16 nationalités différentes, ne se comprenant pratiquement pas les uns les autres, et opérant sous les ordres d’« officiers » n’ayant en fait aucun diplôme valable. Ces équipages, recrutés surtout à la Bourse aux marins de Rotterdam, sont sous-payés (900 F par mois), n’ont pas le droit de grève, effectuent 48 heures de travail continu coupé seulement de 3 repas, et au bout de 30 jours en mer « bénéficient » de 3 jours de congé au lieu des 16 jours prévus par les conventions internationales. Les visites de sécurité des navires ne sont pas effectuées, et même des bâtiments à limite d’usure, désarmés dans leur pays d’origine, sont réarmés sous ces pavillons véreux. Pas d’impôt sur le revenu et une seule société par navire pour éviter tout recours en cas d’accident, et voilà l’explication d’un scandale qui dure depuis des décennies, au nez et à la barbe de gouvernements impuissants ou complices s’inclinant, ici comme ailleurs, devant les diktats de la Finance.
LES ENFANTS MAL ELEVES
Et je crois que ceci nous permet de comprendre la
cause profonde d’un mal qui fait couler beaucoup d’encre et auquel le
journal « Marie-France » d’août 1978 consacrait une
enquête d’Elisabeth Morel. Cette dernière, après
avoir rappelé que les bonnes manières existent même
dans le monde animal et constituent, selon les travaux de Konrad Lorenz,
des rites protecteurs de l’espèce, se demande pourquoi l’homme
d’aujourd’hui les rejette et les trouve périmées alors
qu’elles sont essentielles à la cohésion sociale et, au-delà
de conventions parfois désuètes, sont presque toujours
chargées d’une intention altruiste. Elle n’apporte aucune réponse
à sa question, se contentant de souhaiter que, par l’exemple
et l’auto-éducation, nous sachions aider nos enfants à
les pratiquer dans le respect de la personne humaine. Eh bien, si la
jeunesse d’aujourd’hui nous apparaît mal élevée,
c’est probablement en grande partie parce que les bonnes manières
étaient le symbole même d’une certaine bourgeoisie cramponnée
à ses privilèges financiers, totalement soumise aux impératifs
mercantiles, incapable d’offrir de véritables idéaux à
ses enfants trop chéris. C’est à cause des mains sales
de leurs parents que tant de jeunes « fils de famille »
ont rejeté en bloc l’organisation sociale et ses plus solides
valeurs traditionnelles sans rien apporter de constructif en échange.
C’est à cause de sa mauvaise conscience économique collective
que toute une classe a pu assister sans le moindre réflexe de
défense à son autodestruction, et si nous avions réussi
à mettre en place dans les années 1950 les structures
de l’Economie des Besoins, il est à peu près certain que,
sans éviter les classiques conflits de génération,
nous aurions aujourd’hui une jeunesse consciente des possibilités
de son avenir et prête à utiliser ses forces neuves à
d’autres fins que les violences destructives.
Il est évidemment trop tard pour effacer les conséquences
de tant d’années de laxisme. Mais aucune réorientation
valable de notre jeunesse ne pourra être accomplie sans une prise
de conscience lucide de la nécessité absolue de nous laver
les mains.
Initiatives
POUR le penseur, il est bien triste de voir un pays
s’enfoncer dans l’irresponsabilité et dans le désastre.
Il est pénible de constater le laisser-aller dans tous les domaines
et, à tous les niveaux. Il est bien triste de savoir que tout
pourrait être fait pour procurer aux hommes une vie saine, mais
que rien de valable ne sera fait.
Nous vivons dans la confusion générale de la production-répartition-consommation.
Notre système économique est complètement déréglé,
vieillot et inadapté à notre époque de la technique
poussée à outrance. Nous vivons dans un système
qui empêche le développement de la saine pensée.
Notre civilisation avilie ne peut plus résoudre les problèmes
essentiels que sont les pollutions, les encombrements et les lenteurs
administratives.
Nous vivons dans le gaspillage le plus éhonté : gaspillage
de matières premières, gaspillage de denrées alimentaires,
gaspillage d’énergie humaine afin de continuer à fabriquer
des objets futiles, médiocres et inutiles servant à grossir
les profits.
Notre sang est chargé de tous les poisons répandus dans
les aliments et dans l’environnement. Notre cerveau enregistre plus
d’informations accessoires qu’essentielles. Nous respirons à
longueur de journées les gaz toxiques que nous gratifient toutes
les usines qui s’acharnent à fabriquer des objets inutiles. Et
nous serons bientôt obligés de respirer les déchets
gazeux radioactifs des centrales nucléaires.
S’il fallait poursuivre l’énumération des erreurs et des
nuisances causées par le mental humain, on n’en finirait pas
!
Je sais Monsieur Tindemans, qu’à la tête du gouvernement,
vous faites de sérieux efforts. Je sais aussi que votre bonne
volonté est sincère. Mais je ne vois pas comment vous
pourrez venir à bout de l’inflation et du chômage, pour
ne parler que de ces deux problèmes. Je ne vois pas comment vous
pourrez changer les structures existantes qui sont les résultats
des sécrétions de notre système économique
qui maintient l’homme dans l’irresponsabilité, dans la pauvreté
ou dans l’esclavage doré. Est-il possible que les hommes puissent
se complaire dans pareille absurdité, pareille désorganisation
?
Notre système économique devrait faire place à
une économie de raison basée sur une économie non
spéculative, non thésaurisable.
La monnaie devrait devenir un instrument d’équilibre entre la
production et la consommation et non une vulgaire marchandise avec laquelle
s’amusent les faiseurs d’inflation.
La solution se trouve donc dans le changement de notre système
monétaire lequel à présent complique à plaisir
la vie des hommes.
Dès lors, il ne s’agit plus de construire sans discernement des
voitures et des objets inutiles. Il s’agit tout simplement de construire
des hommes et d’ériger une économie de raison, Les hommes
pourront-ils enlever les oeillères qu’ils conservent depuis si
longtemps, et pourront-ils faire preuve de pensée réfléchie
? Je le crains.
Dans l’état actuel des choses, ma longue réflexion et
les tests que j’ai faits me démontrent qu’ils ne le pourront
pas. Le 1er septembre 1972, je vous avais écrit pour vous féliciter
des mesures courageuses que vous aviez prises concernant la protection
des oiseaux.
Comme je voudrais, Monsieur Tindemans, que vous puissiez prendre des
mesures valables pour guider le pays vers une économie de raison
et vers la pensée réfléchie.
Entre temps, je vous prie de croire à mes pensées les
meilleures.
La presse se pose une question :
- Cette idole, la monnaie, qu’est-ce que c’est ?
Et de s’aventurer à une définition qui va donner des sueurs
froides aux pratiques de « l’Ecureuil ».
Oyez un peu : « Une monnaie, c’était jadis un poids de
métal, ce fut ensuite une équivalence de métal,
ce n’est plus aujourd’hui qu’une abstraction » (R. Sédillot).
Suivons l’aventure ! - Le témoignage d’une grand-mère
bourguignonne de la belle époque où le franc valait alors
son pesant d’or (1890), nous rappelle que 14 sous (0,70 F d’avant la
transformation du franc en un centime), valait une livre de lard. Un
petit calcul nous révèle que ces 14 sous, économisés,
à notre intention, par notre vénérable aïeule,
ne nous permettraient d’acheter aujourd’hui que 0,5 g de porc «
aux hormones ». Epargnez ! Epargnez ! Vous ne contribuerez pas
à propager le cholestérol...
- Et il restera des produits que vous pourrez exporter, suggère
l’employé de banque à la mine avisée. Coup double,
voyez-vous : victoire sur le mauvais état physiologique, et «
assainissement du marché », quand le profit n’est pas en
bonne santé.
Coup triple même, l’agio lucratif, prélevé au passage
par les banques, leur permet, après la main-mise sur les moyens
de production, la capture de l’appareil de distribution.
Le circuit production-consommation semble fermé ; ça devrait
tourner rond. Mais le 0,5 g de lard ne permet plus de gras profits,
et il faut fabriquer de la monnaie qui réduira encore la portion
du valeureux épargnant à 0,05 g ou 0,005 g... de couenne
de lard.
L’avenir cependant nous sourit. Pour preuve, ce matin, au courrier,
« l’Ecureuil » me propose de jouer à sa loterie de
quartier. Je peux gagner 1 lot d’épargne de 100 F (200 000 sous).
L’avisé préposé de mon compte bancaire surenchérit
par circulaire : « Une nouvelle exonération fiscale est
possible à compter de 1978. Vous pouvez déduire de votre
revenu imposable une somme de 5 000 F investie en actions françaises.
Cette déduction peut vous permettre d’économiser jusqu’à
3 000 F sur vos impôts à payer. »
C’est alléchant. Et mon tiercé ?... mon loto ?... Tous
veulent nous faire gagner de l’argent-abstraction.
« Epargnez !... Epargnez !... Tentez votre veine, des fonds vous
en aurez toujours moins. »
A quel veau d’or se vouer désormais ?
Ne vous laissez pas aller au coup de Barre ; la monnaie sombrante ne
préfigure-t-elle pas la monnaie de consommation, gagée
sur la production elle-même ?
Étranger
C’EST le Fonds Monétaire International qu’on
désigne ainsi puisque, de l’aveu général, ses activités
profitent surtout aux pays industriels. Conçu par le Britannique
Keynes (lui- même !) et l’Américain White, il a été
adopté dans son principe dès 1944 par ses fondateurs dans
l’espoir de stabiliser les taux de change sur le marché international.
Il a pour but de fournir des crédits à court et moyen
termes à ceux de ses membres (tous les pays sauf ceux de l’Est)
qui éprouvent des difficultés à équilibrer
leur balance des paiements. La Grande-Bretagne et la France ont fait
souvent appel à lui.
Il fonctionne comme une espèce de cagnotte géante où
les pays déposent des fonds dont les autres membres peuvent disposer,
en cas de besoin, sous certaines conditions qu’il serait fastidieux
d’énumérer. La contribution de chaque membre reçoit
le nom de quota versé en monnaie nationale si bien que les coffres
du FMI renferment des marks et des yens précieux mais aussi des
pesos argentins (ou cubains) et des sols péruviens dont pas grand
monde ne veut.
Les quotas sont fixés au moyen d’une formule complexe où
entrent pour beaucoup l’importance économique et politique du
pays. Ils servent de base au calcul de la somme que le dit pays peut
emprunter. De sorte que ce ne sont pas forcément les membres
qui ont les plus grands besoins qui peuvent obtenir les prêts
nécessaires. Les pays les moins développés sont
souvent obligés de se servir ailleurs. C’est bien le club des
riches.
Chaque pays verse un quart de son quota en or ou en dollars américains
et le reste en monnaie locale. S’il veut tirer des devises étrangères
du FMI il doit déposer une quantité équivalente
de sa propre monnaie, mais l’opération de tirage et de remboursement
est soumise à des règles compliquées qui limitent
singulièrement les possibilités.
Les années passant, le FMI a élargi ses activités
pour développer les liquidités internationales dont les
échanges ont si grand besoin, et sa principale réalisation
en ce domaine a été la création des Droits de Tirages
Spéciaux (ou DTS) qui sont venus accroître les possibilités
d’emprunt offertes par les Droits de Tirage Ordinaires (DTO) évoqués
plus haut. En 1970, 1971 et 1972 des crédits, pour un montant
global de 9,5 milliards de dollars ont été ouverts aux
membres en proportion de leurs quotas (on ne prête qu’aux riches)
. Plus avantageux en cela que les DTO, les DTS sont mis automatiquement
à la disposition des emprunteurs. Bien sûr, ils n’existent
que sur le papier et ne peuvent être transmis que d’un membre
à un autre. ils ne peuvent donc servir à l’achat de biens
et de services mais les membres peuvent se les échanger contre
des devises. Ainsi, si la France a un déficit dans ses échanges
avec l’Allemagne, elle peut lui transférer une partie de ses
DTS contre des marks que les importateurs français pourront acheter
afin de régler leurs dettes.
Il était clair, dès le début, que ces DTS allaient
muer un rôle de plus en plus important dans le système
international sans toutefois remplacer l’or. Il n’est donc pas étonnant
que les experts du FMI aient accru, à la fin du mois de septembre
dernier, les ressources du Fonds de 20 milliards de DTS, soit l’équivalent
d’environ 25 milliards de dollars (au cours du change en vigueur à
cette date !) .
On peut s’inquiéter de cette croissance de la masse monétaire
internationale à un moment où la tempête souffle
sur les marchés des changes emportant vers le bas le dollar pendant
que le mark et le yen s’envolent, à la grande tristesse de !’Allemagne
et du Japon qui voient leur compétitivité s’affaiblir.
A l’exception des Etats-Unis, les pays industrialisés s’efforcent
de pratiquer la rigueur monétaire et d’avoir une balance des
paiements équilibrée, au prix d’un chômage important
puisqu’ils n’y parviennent qu’en augmentant leur productivité
donc en obtenant davantage d’un plus petit nombre de travailleurs. Craignant
de voir leur balance se détériorer, l’Allemagne, la Suisse
et le ,lapon se gardent bien de relancer leurs économies. Pendant
ce temps, les Etats-Unis laissent s’effondrer leur dollar ce qui leur
permet d’exporter à meilleur compte, de relancer leur économie
et de réduire le chômage. Du moins pour un temps. Quant
aux Japonais qui réussissent merveilleusement au grand jeu de
la concurrence tout le monde leur en veut. Où est donc la morale
dans tout cela ? Et si seule la morale était en cause on pourrait
encore se faire une raison.
Soucieux de savoir à quoi est utilisé
l’argent que nous demandent les services publics, Marcel Chefdhomme
a obtenu une réponse qui montre la multiplication des complications
gestionnaires que l’économie distributive rendraient inutiles.
... La Compagnie d’Electricité et de Gaz, la Compagnie des Eaux
vous envoient des factures sur lesquelles on vous indique que vous avez
consommé X quantité (vous pouvez le vérifier en
regardant votre compteur) et qu’à X francs l’unité, vous
aurez à payer telle somme. Bravo !
Mais attention, ce n’est pas tout aussi simple que cela.
On vous indique bien d’autres choses, et vous ne trouverez pas une personne
sur mille capable de vérifier sa facture.
Qui connaît le prix unitaire ?
Qui connaît les abonnements hors taxe ?
Qui connaît le montant de la TVA ?
Qui connaît la taxe locale (qui varie avec chaque commune).
Quel contrôle le consommateur a-t-il sur le prix unitaire ?
Combien de personnes peuvent perdre leur temps à faire ces vérifications
?
Toutes ces indications, pour quoi faire ?
J’ai voulu le savoir.
Voilà, ci-après, la réponse que j’ai reçue :
Monsieur,
Nous avons bien reçu votre lettre du ... Certes, la simplification
que vous nous proposez allègerait considérablement nos
services et le temps passé par nos abonnés à lire
nos factures.
Malheureusement, nous devons être en règle avec toutes
les obligations administratives, ce qui nous oblige à préciser
la nature de chaque service, taxe ou redevance que nous devons ajouter
à notre prix d’exploitation. De plus, chacun de ces éléments
obéit à une fiscalité souvent différente.
Nous étudions actuellement une nouvelle présentation qui
permettra une lecture plus aisée mais qui, hélas, contiendra
encore un détail long et parfois fastidieux.
Veuillez agréer...