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SOCIETE mercantile : aucun adjectif ne saurait mieux qualifier l’ensemble de réflexes conditionnés qui régissent la quasi-totalité de nos comportements individuels et sociaux. Aucun ne justifie mieux les rejets parfois forcenés émanant principalement d’une jeunesse dont les conditions matérielles d’existence sont pourtant, dans l’ensemble, incomparablement supérieures à celles de la grande majorité de leurs aînés.
LES INCORRIGIBLES
Il est pourtant curieux de constater qu’en dépit
de ces réactions, des modes écologiques plus ou moins
sincères, du caractère souvent dramatique et irréversible
de certaines pollutions, il existe de nombreux individus assez cupides
pour toujours choisir le profit à court terme, quelles qu’en
soient les conséquences, et assez stupides pour montrer clairement
le bout de l’oreille.
A titre d’exemples, parmi beaucoup d’autres, rappelons-nous les véhémentes
protestations qui n’ont jamais manqué de saluer les contournements
routiers de certaines villes où la paralysie circulafoire avait
pourtant dépassé les limites du supportable, tant au point
de vue qualité de la vie qu’à celui de la sécurité
pure et simple. Chaque fois, des commerçants épouvantés
à l’idée d’une diminution de leurs chiffres d’affaires
multipliaient protestations et pétitions, jusqu’au jour où
ils se rendaient compte de la fausseté de leurs calculs, la tranquillité
retrouvée facilitant le plus souvent la venue de la clientèle.
Nul doute que, dans le cas contraire, il n’eussent fini par l’emporter.
Les mêmes constatations peuvent être faites lorsque certaines
municipalités créent des zones piétonnières,
permanentes ou temporaires. C’est ainsi qu’à Alençon se
déclencha un véritable tollé, alors que la décision
s’accompagnait pourtant d’une restauration complète des lieux
pour redonner au centre ville son cachet d’autrefois et remettre en
valeur la cathédrale Notre-Dame et son entourage. Nous pouvons
citer également le cas de certaines stations balnéaires,
telles Hossegor, où la simple mise à sens unique d’un
pont totalement bloqué en juillet-août au mépris
des règles les plus élémentaires de sécurité,
donna naissance cette année à d’innombrables pétitions
lancées par de courageux anonymes irresponsables prétendant
exprimer le sentiment de toute une population...
LE SALAIRE DE L’IVRESSE
Mais il y a beaucoup mieux encore. Et c’est ainsi que France-Inter, dans une émission de 20 h 00, de la mi-août, retransmit sans sourciller les récriminations véhémentes d’un bistrotier accusant les contrôles routiers d’être à l’origine d’une sensible diminution de ses ventes de petits verres. Peu lui importait les milliers de morts et de blessés imputables chaque année aux conducteurs éméchés, pourvu que son tiroir-caisse soit bien garni. Tant pis également pour le déficit de la Sécurité Sociale contre lequel il ne doit pourtant pas manquer, en tant que contribuable, de vociférer de la belle manière ! A moi les gros sous et tant pis si les autres en crèvent... France-Inter ne fit d’ailleurs aucun commentaire : on s’habitue à tout ! Comment s’étonner si devant une telle dégradation du comportement d’individus se prétendant adultes, les jeunes n’éprouvent que du dégoût à l’égard du pourrissement de la société et se sentent de furieuses envies de tout casser, sans se rendre compte d’ailleurs de la totale inefficacité de leur attitude ?
LES MERCENAIRES DU PETROLE
De même, qu’ont donc pu penser les jeunes à l’écoute de l’émission de FR3 le 26 mai dernier consacrée aux pétroliers navigant sous pavillon de complaisance ? Après avoir rappelé que ces derniers regroupent 60 % de la flotte mondiale, le présentateur nous a expliqué le pourquoi de cette situation reconnue comme cause essentielle des dernières grandes marées noires. Elle permet, par exemple, d’utiliser un équipage de 24 hommes appartenant à 16 nationalités différentes, ne se comprenant pratiquement pas les uns les autres, et opérant sous les ordres d’« officiers » n’ayant en fait aucun diplôme valable. Ces équipages, recrutés surtout à la Bourse aux marins de Rotterdam, sont sous-payés (900 F par mois), n’ont pas le droit de grève, effectuent 48 heures de travail continu coupé seulement de 3 repas, et au bout de 30 jours en mer « bénéficient » de 3 jours de congé au lieu des 16 jours prévus par les conventions internationales. Les visites de sécurité des navires ne sont pas effectuées, et même des bâtiments à limite d’usure, désarmés dans leur pays d’origine, sont réarmés sous ces pavillons véreux. Pas d’impôt sur le revenu et une seule société par navire pour éviter tout recours en cas d’accident, et voilà l’explication d’un scandale qui dure depuis des décennies, au nez et à la barbe de gouvernements impuissants ou complices s’inclinant, ici comme ailleurs, devant les diktats de la Finance.
LES ENFANTS MAL ELEVES
Et je crois que ceci nous permet de comprendre la
cause profonde d’un mal qui fait couler beaucoup d’encre et auquel le
journal « Marie-France » d’août 1978 consacrait une
enquête d’Elisabeth Morel. Cette dernière, après
avoir rappelé que les bonnes manières existent même
dans le monde animal et constituent, selon les travaux de Konrad Lorenz,
des rites protecteurs de l’espèce, se demande pourquoi l’homme
d’aujourd’hui les rejette et les trouve périmées alors
qu’elles sont essentielles à la cohésion sociale et, au-delà
de conventions parfois désuètes, sont presque toujours
chargées d’une intention altruiste. Elle n’apporte aucune réponse
à sa question, se contentant de souhaiter que, par l’exemple
et l’auto-éducation, nous sachions aider nos enfants à
les pratiquer dans le respect de la personne humaine. Eh bien, si la
jeunesse d’aujourd’hui nous apparaît mal élevée,
c’est probablement en grande partie parce que les bonnes manières
étaient le symbole même d’une certaine bourgeoisie cramponnée
à ses privilèges financiers, totalement soumise aux impératifs
mercantiles, incapable d’offrir de véritables idéaux à
ses enfants trop chéris. C’est à cause des mains sales
de leurs parents que tant de jeunes « fils de famille »
ont rejeté en bloc l’organisation sociale et ses plus solides
valeurs traditionnelles sans rien apporter de constructif en échange.
C’est à cause de sa mauvaise conscience économique collective
que toute une classe a pu assister sans le moindre réflexe de
défense à son autodestruction, et si nous avions réussi
à mettre en place dans les années 1950 les structures
de l’Economie des Besoins, il est à peu près certain que,
sans éviter les classiques conflits de génération,
nous aurions aujourd’hui une jeunesse consciente des possibilités
de son avenir et prête à utiliser ses forces neuves à
d’autres fins que les violences destructives.
Il est évidemment trop tard pour effacer les conséquences
de tant d’années de laxisme. Mais aucune réorientation
valable de notre jeunesse ne pourra être accomplie sans une prise
de conscience lucide de la nécessité absolue de nous laver
les mains.