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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 1057 - août-septembre 2005

 

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N° 1057 - août-septembre 2005

Vox clamantis in deserto ?   (Afficher article seul)

Le problème de l’emploi fait actuellement l’objet de tant de débats et de tant de déclarations que MARIE-LOUISE DUBOIN tente, une fois de plus, d’expliquer le sens de “la grande relève” et de ses conséquences, qu’on refuse toujours de regarder en face.

Au fil des jours   (Afficher article seul)

PAUL VINCENT trouve dans l’actualité de quoi étayer les arguments précédents.

Quel modèle ???   (Afficher article seul)

JEAN-PIERRE MON fait le tour des modèles discutés, l’anglo-saxon et le danois, mais il n’oublie pas ... le catalan.

Spécialistes ou fumistes ?   (Afficher article seul)

PAUL VINCENT traite de l’art d’avoir toujours raison, même avec mauvaise foi.

Faudrait quand même pas trop décoder   (Afficher article seul)

Canal+ et l’étudiante de Nanterre : suite du feuilleton, la leçon à en tirer.

La Poste et le coton équitable …   (Afficher article seul)

CAROLINE ECKERT doute que ce soit vraiment du coton “équitable” qui va habiller les factrices.

Lettre ouverte   (Afficher article seul)

JACQUES HAMON s’adresse au Premier secrétaire du PS.

Questionnaire pour construire ensemble le colloque Monnaies et Solidarités   (Afficher article seul)

Invitation et questionnaire à remplir pour l’organiser.

Un pas en avant, trois en arrière   (Afficher article seul)

HENRI DU PERTHOIS découvre des vérités sur le “trou“ de la sécurité sociale.

Incohérence et désinformation   (Afficher article seul)

Vers un renouveau citoyen   (Afficher article seul)

ROGER WINTERHALTER se félicite de la détermination des alternatifs d’Alsace après le Non.

La monnaie solidaire : système d’échange, et moyen de créer du lien social.   (Afficher article seul)

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ÉDITORIAL

Vox clamantis in deserto ?

par M.-L. DUBOIN
août 2005

Un fidèle abonné m’écrit : « conversant récemment avec une amie, professeur d’économie en lycée, au demeurant fort ouverte et très sympathisante des mouvements de gauche, j’ai été surpris de découvrir qu’elle n’avait jamais entendu parler de Jacques Duboin. » Ce lecteur poursuit par une suggestion : « Ne serait-il pas possible de diffuser une information, par exemple par l’intermédiaire d’une association de profs d’éco, s’il en existe ? » Il soulève là un problème désespérant, en me rappelant la réponse que m’a faite récemment René Passet à qui je demandais si une réédition de l’œuvre de Duboin permettrait de mieux faire connaître ses analyses et nos propositions, en particulier auprès des intellectuels, voire des économistes. Désabusé vis à vis de ses pairs, il m’a répliqué : « Ils ne le liront pas » et ajouté : « mais ils sont capables de dire qu’ils le connaissent dès qu’ils ont eu un livre, fermé, sous les yeux. »

*

La lecture du livre consacré à l’allocation universelle qui vient de sortir, confirme, hélas, cette conviction. Car ses auteurs trouvent dans le mouvement “distributiste” « des idées qui, certes, s’approchent d’un revenu universel mais, ajoutent-ils, comme dans les écrits du romancier Bellamy, il y est étroitement associé à un substantiel service social obligatoire qui en fait un salaire uniforme plutôt qu’un revenu de base universel. » Vanderborght et Van Parijs ignorent donc magistralement le contrat civique, et, en présentant le service social de Duboin comme un emploi forcé, ils en font, sans l’ombre d’un scrupule, et en deux lignes, un épouvantail. Ce livre apporte, une quinzaine de pages plus loin, une autre preuve que la réflexion pessimiste de René est pertinente ; il apparaît en effet que ses auteurs se sont contentés de lire la “quatrième de couverture” du livre publié en 1999 par l’Harmattan et reproduisant des textes de Duboin arbitrairement choisis. Cette “4 éme de couverture” était en effet si mal rédigée qu’on pouvait en comprendre que le souci de Duboin était d’entretenir la pénurie pour maintenir les cours ! Pour tomber dans un tel panneau [1] en reprenant pareille énormité, il faut vraiment n’avoir rien lu de lui. C’est pourtant ce qu’ont fait les auteurs de L’allocation universelle puisqu’ils écrivent que Duboin, comme Douglas, était « soucieux de prévenir... les crises de surproduction qu’entraînerait la croissance de la productivité. » Après quoi ils émettent une critique de l’idée de distribution de pouvoir d’achat qui prouve qu’ils ont choisi, comme tant d’autres, hélas, d’ignorer, superbement, tout des questions monétaires.

Faudrait-il en conclure que nous prêchons dans le désert et désespérer de voir nos idées se répandre ? Pas du tout. Car il faut aussi voir le côté positif des choses. Et il y en a un de formidable dans ce livre : c’est qu’après avoir prouvé qu’ils ignorent pratiquement tout des analyses et des propositions distributistes ... eh bien ses auteurs les redécouvrent ! Et ils les exposent ! On lit en effet ceci vers la fin du livre : « En supprimant les entraves capitalistes au développement des forces productives, l’organisation socialiste de la production engendre l’abondance [sic] nécessaire à l’instauration d’une société dans laquelle le travail requis pour satisfaire les besoins de chacun se sera tellement réduit... que chacun sera disposé à l’effectuer spontanément selon ses capacités, sans qu’une rémunération ne soit nécessaire pour l’y inciter. » Certes, le mot abondance est employé sans assez de précision, surtout dans ce qui suit : « Pour distribuer [sic] intégralement le produit selon les besoins plutôt que selon les contributions, il faut certes avoir atteint le stade ultime de l’abondance [sic], mais on peut imaginer une réalisation graduelle de cet idéal, chaque génération distribuant [sic] les revenus autant que possible selon les besoins, sous la contrainte que l’incitation matérielle à contribuer suffise à engendrer une production totale capable de satisfaire les besoins fondamentaux de tous. » Mais ils arrivent presque au contrat civique ! Et plus loin, nos Messieurs Jourdain du distributisme ajoutent : « À la limite, c’est l’entièreté du produit national qui peut être distribuée selon les besoins. » Donc ils y viennent, mais sans voir que ceci impose de repenser la nature de la monnaie !

*

Il faut reconnaître que faire comprendre l’ensemble de nos analyses et des propositions qui en découlent est une vraie gageure. Non seulement elles touchent à tout, mais elles demandent une totale remise à plat de bien des idées reçues. Il est donc bien plus facile de les rejeter a priori que de faire l’effort de s’y plonger. Et il y a mille façons de ne pas vouloir nous entendre, et des prétextes faciles : nous ne sommes pas diplômés en économie, nous n’avons pas le langage des spécialistes, et ce que nous expliquons n’est pas vraiment conforme à ce qui est officiellement enseigné ! S’ajoutent à cela les idées fausses ou imprécises qui traînent, propagées soit par des gens de mauvaise foi parce que nos analyses les dérangent, soit par des gens de bonne foi, parce qu’ils ne les ont pas toutes approfondies, ou qui les déforment en croyant bien faire, ou qui tout simplement, sont maladroits [2].

En fait, nous défendons quelques principes généraux qui sont destinés à adapter l’économie à la mutation dont nous avons pris conscience, c’est ce qui donne à nos propositions un aspect “révolutionnaire”. Et de là vient la difficulté. Car nous ne pouvons être compris que par ceux qui sont capables de concevoir l’importance de cette “grande relève”. Mais ils sont rares, tout simplement parce que c’est une réalité difficile à avaler... En tout cas, l’expérience montre que tant que la nécessité n’en est pas ressentie par un interlocuteur, on perd son temps à lui expliquer en détails ce que pourrait être une économie différente.

*

C’est par le problème de l’emploi et du chômage que cette nécessité peut être le mieux abordée.

Il faut rappeler que notre système économique a été conçu à l’époque de la rareté, quand il s’agissait de produire le plus possible pour faire face aux menaces constantes de pénurie, et que le travail de tous était pour cela nécessaire. Qu’en continuant à raisonner comme si on était encore dans l’ère de la rareté, on débouche dans le productivisme, c’est-à-dire qu’on pousse à la croissance alors que celle-ci est devenue extrêmement dangereuse. Il faut montrer que cette logique mène aussi à vouloir créer des emplois pour que le système perdure, quitte à produire n’importe quoi de nuisible, de stupide, de souvent dangereux. Les exemples sont innombrables, donc faciles à trouver...

La difficulté de l’exposé réside dans l’idéologie du travail, ou de l’emploi. Occuper un emploi est la condition imposée par le système économique actuel, et depuis plus de deux siècles, pour avoir de quoi vivre. Mais on a su mettre dans la tête de la plupart des gens que c’est la preuve que leurs qualités sont reconnues. Alors ils ne font pas de différence entre accepter d’occuper un emploi pour faire n’importe quoi, et n’exercer d’activité que s’ims en voient l’utilité, qu’elle soit rentable ou pas. Ils n’ont pas le choix !

Il faut expliquer que tout a changé à partir du moment où les nouvelles techniques utilisées ont fait que la production des biens essentiels a pu augmenter tandis que la main-d’œuvre qu’elle emploie diminuait.

Depuis ce tournant de l’Histoire, les biens de première nécessité, les denrées alimentaires par exemple, peuvent être produits en grandes quantités avec beaucoup moins de travailleurs. Ce qui fait baisser leur prix. C’est la logique du marché : produits en petites quantités, ils ne trouvent pas preneurs à des prix suffisants pour bien payer la main d’œuvre et générer des profits. Ils ne sont donc désormais “rentables” que s’ils sont produits par de très grandes entreprises, ayant de grands moyens et employant peu de monde, produisant en très grandes quantités et à grande échelle. Les plus petites entreprises, ayant moins de moyens, n’étant plus compétitives, sont ainsi, dans cette même logique, exclues du marché.

Beaucoup de gens en sont conscients et le déplorent. Mais sans en voir l’autre aspect, pourtant aussi lourd de conséquences humaines. C’est que toute l’économie mondiale se trouve, de ce fait réorientée, qu’elle change complètement d’objectif.

Avant, dans l’ère de la rareté, il allait de soi que la production des biens primaires était l’objectif prioritaire. Cette nécessité occupait la majorité des gens et les faisait vivre. Mais depuis que ce but naturel, de l’économie a définitivement cessé d’être “rentable”, cet objectif a, hélas, aussi cessé d’être considéré comme primordial. Et, au mépris de ceux qui n’ont plus de quoi vivre, la satisfaction des besoins vitaux fait place désormais à la nécessité d’assurer une rente à quelques investisseurs de grande envergure. Là encore, c’est la logique du marché qui s’exerce. C’est ce détournement des finalités de l’économie que nous dénonçons quand nous parlons de “passage de l’ère de la rareté à l’ère de l’abondance”. En soulignant bien que le fait de conserver, dans ces conditions nouvelles et complètement différentes, le principe capitaliste de recherche de la rentabilité, mène, logiquement mais dramatiquement, à préférer produire n’importe quoi et n’importe comment, parce que ça rapporte plus et plus vite, plutôt que d’assurer d’abord l’essentiel, veiller à ce que personne ne soit privé de moyens de vivre.

*

Sans entrer dans le détail, on peut décrire les étapes de cette transformation, de la Grande Crise et du chômage massif des années ‘30 à la Seconde Guerre mondiale, dont les destructions ont ouvert les Trente Glorieuses. Puis les dérèglementations du début des années ‘80 qui ont permis aux marchés financiers de mettre la mondialisation à leur profit, par l’intermédiaire des entreprises qu’ils choisissent, et à la marchandisation d’atteindre maintenant tous les domaines. Montrer comment les gouvernements, perdant la main, ont été mis au service des entreprises, dont la prospérité (pas celle de leurs salariés) passe pour signifier la réussite de leur pays, même si leur compétitivité s’exerce aux dépens des habitants, des ressources et de l’environnement.

Et souligner que le résultat est une catastrophe. Depuis que le monde sait produire plus que suffisamment pour satisfaire tous les besoins vitaux, les richesses produites sont de plus en plus mal partagées. La pauvreté non seulement n’est pas résorbée mais elle s’accroît. Une minorité a mis à son profit l’usage des nouvelles techniques et accapare l’essentiel des richesses produites, pille les ressources de la planète et les conditions de vie des générations futures sont compromises.

On en conclut qu’il faut changer les règles du jeu.

C’est parce qu’on peut produire sur commande qu’il faut cesser de laisser produire n’importe comment, avec pour seul impératif des “retours sur investissements”. Il faut désormais pouvoir décider sciemment pour qui on produit, pour satisfaire quels besoins ou quels désirs de luxe, en utilisant quels moyens, sachant avec quelles conséquences pour l’environnement, quelles ressources non renouvelables la génération vivante s’attribue, et quelle part de son activité elle consacre à préparer la planète pour les générations futures.

Que ces questions essentielles soient enfin posées et qu’elles puissent être sérieusement et démocratiquement résolues, c’est l’objectif de nos propositions d’une économie distributive, incluant contrats civiques et monnaie non circulante gagée sur la production.

- *** -

La Grande Relève aura 70 ans à la fin de l’année. Cette preuve de sérieux est encourageante. Mais pour que notre journal poursuive sa route, il faut que ses lecteurs participent un peu plus à sa rédaction, qu’ils y relatent leurs expériences et acceptent plus souvent de participer à la réflexion.

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[1] Mise devant le fait accompli, j’ai essayé de prévenir pareille confusion par un article de la GR (avril 1999, p. 3). Ce ne fut donc pas suffisant, puisque le tort est avéré. Fallait-il lancer un procès contre l’auteur et l’éditeur responsables de ctte publication ? En tout cas, il faut en tirer la leçon : pour connaître la pensée d’un auteur, il ne faut pas se fier à des résumés ou à des présentations par des tiers. Il faut aller à la source, même si cela demande de sérieux efforts.

[2] Je pense ici à une sorte de “bande dessinée” qui date de plus de cinquante ans. Ce qu’elle explique n’est pas faux, mais les dessins datent énormément, et les exemples choisis, tout autant. Ils sont tellement démodés qu’au premier coup d’œil, ils font fuir, surtout les jeunes. Mais beaucoup d’anciens militants préfèrent les utiliser plutôt qu’adapter leurs propos à l’actualité. (et malgré notre travail, dans ces colonnes, pour les y aider).

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CHRONIQUE

La collecte de Paul Vincent vient à point pour illustrer “le grand tournant” dont il est question dans l’article précédent :

Au fil des jours

par P. VINCENT
août 2005

RICHESSE ET PAUVRETÉ

Faisant un peu de classement dans mes coupures de journaux, je tombe sur cette info du Monde [1] : en arrondissant à quelques centaines de millions près, les plus grosses fortunes de France se situent comme suit :

 Bernard Arnault, 14 milliards d’euros,
 Liliane Bettencourt, 12,
 famille Mulliez, 10,
 familles Dassault et Pinault, 6 chacune.

Soit en tout une cinquantaine de milliards d’euros.

C’est sans doute grâce à de telles performances que la France arrive à bien se situer globalement par rapport à la richesse mondiale.

À titre comparatif, on notera que les pays les plus riches de la planète, après de longues tergiversations, n’ont réussi à aligner que 50 milliards de dollars (soit 20% de moins que ces 50 milliards d’euros) pour venir en aide à l’ensemble des plus pauvres.

Misère des États, pourrait-on croire, par rapport aux fortunes privées, ce qui ferait dire aux hommes politiques (une fois qu’ils sont élus) qu’ils ne peuvent rien y faire ?

- Quand on regarde les dépenses militaires et autres gaspillages, on s’aperçoit que les États, et même, hélas,les États pauvres, trouvent plus facilement l’argent qui leur manque par ailleurs. Dans ce domaine, la volonté des politiques ne semble plus se heurter à la résistance des intérêts privés. On croirait même qu’ils se trouvent en accord.

AVERTISSEMENT AUX NOUVEAU-NÉS [2]

À son entrée en fonction, Thierry Breton dressait un constat alarmiste. Pas suffisamment pour alarmer le gouvernement, qui continue à alourdir à marche forcée le passif de la succession pour les générations futures.

Dans un sursaut nationaliste et antilibéral inattendu, il a failli intégrer Danone dans leur futur patrimoine, mais en même temps il continue de vouloir les livrer aux nouveaux féodaux du système capitaliste pour ce qui est de leur accès aux autoroutes, au gaz, à l’électricité, à la distribution du courrier (etc. ? mais oui, il reste encore à privatiser : on pourrait privatiser les prisons, dont la restauration est déjà sous-traitée, ou les usines d’armement et arsenaux de la marine, puisqu’on achète déjà nos avions de combat à un marchand de journaux... lequel a pu devenir le plus grand patron de presse grâce aux bénéfices réalisés sur les avions que lui commande en notre nom son ami notre Président absolu, quand tel est son bon plaisir). En ce qui concerne la privatisation de GDF, voici des propos relevés dans Marianne [3] : « Trouveriez-vous normal d’acheter ce qui vous appartient ? ... c’est une appropriation d’un bien sans l’accord des propriétaires au seul profit de quelques-uns.

Aussi choquante, l’augmentation exorbitante des tarifs du gaz, destinée uniquement à rendre la mariée encore plus belle, puisque GDF est bénéficiaire. Finalement, les citoyens paient pour embellir une vente d’un bien dont eux-mêmes sont dépossédés.

En quelque sorte, ils paient pour se faire voler ! »

En ce qui concerne la privatisation d’EDF, je lis par ailleurs dans Le Canard Enchaîné [4] : « L’augmentation de capital d’EDF (environ 10 milliards) lui servira ainsi à constituer une provision pour le versement de dividendes à ses nouveaux actionnaires. Leur montant est déjà fixé noir sur blanc dans le plan triennal d’EDF : 3,7 milliards en trois ans, soit trois fois ce que l’entreprise versait en moyenne à l’État. Une privatisation à dividende garanti, on n’arrête pas le progrès. » Après la rente Pinay et l’emprunt Giscard, il fallait faire preuve de beaucoup d’imagination pour trouver aussi bien.

Et pendant que l’on essaie d’en attirer certains par des montages financiers alléchants, on matraque encore un peu plus les petits épargnants en abaissant le taux de rémunération (ne prononçons plus le mot intérêt !) de leurs livrets de Caisse d’Épargne au niveau, voire au-dessous du taux d’inflation (à ce point, ce n’est même plus une aumône). Mais ce traitement scandaleux réservé à la France d’en bas ne date malheureusement pas d’aujourd’hui et je ne l’ai vu condamné dans aucun programme électoral.

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[1] du vendredi 8 juillet 2005.

[2] ce qui suit est un prolongement de l’article de notre précédent numéro (GR 1056, p.13)

[3] de la semaine 23 - 29/07/2005

[4] du 20 juillet 2005

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ACTUALITÉ

Quel modèle ???

par J.-P. MON
août 2005

Dans le dernier numéro de la GR, je montrais combien les efforts des gouvernements de droite ou de gauche qui se sont succédé, ont échoué dans leur combat pour “l’emploi”. Les journalistes, pas plus imaginatifs que les politiques, nous abreuvent de comparaisons avec les pays qui, suivant les analyses des organismes internationaux capitalistes, comme l’OCDE, le FMI, réussissent, selon les critères libéraux (ça va de soi !) bien mieux que la France.

C’est ainsi, par exemple, que Le Monde Économie du 25 janvier dernier titrait sa Une : « Emploi : le cancre français lorgne sur ses voisins ». Suivait un magnifique histogramme en trois dimensions et en couleurs donnant les taux d’emploi, hommes et femmes, des populations en âge de travailler (15-64 ans) dans neuf pays de l’Union européenne. Le champion était le Danemark, suivi par les Pays-Bas et la Suède, la France étant la lanterne rouge. Juste au-dessous de cet histogramme pompeusement intitulé “le palmarès de l’emploi”, on pouvait découvrir une statistique donnant le taux d’emploi partiel dans quelques uns des pays considérés précédemment. Et, oh surprise !, on s’aperçoit que les pays qui ont un taux d’emploi élevé sont aussi ceux qui ont le plus fort taux d’emploi à temps partiel. Ce qui revient, mais on se garde de le dire, à avoir globalement une durée réelle de travail bien inférieure à la durée officielle. Autrement dit, les 35 heures légales françaises, tant décriées, ne sont finalement qu’une limite supérieure à la durée du travail observée ailleurs ! Le plus étonnant ( ???), c’est qu’aucun des journalistes ayant collaboré au numéro du Monde Économie cité plus haut n’ait eu l’idée de rapprocher ces statistiques et d’en faire une analyse critique. Il leur était sans nul doute plus facile de rester dans l’orthodoxie ambiante en matière de chômage !

Notons au passage qu’on trouvait aussi dans cette première page du Monde Économie un tableau donnant les coûts horaires de la main d’œuvre dans l’industrie et les services de divers pays et, oh nouvelle surprise !, on constatait que le pays où le coût de la main d’œuvre est le plus élevé est le Danemark, qui a le meilleur taux d’emploi, suivi par la Suède. Voilà qui va à l’encontre des arguments ressassés par le Medef et le gouvernement sur le coût trop élevé du travail en France, mais qui corrobore les propos de John Kenneth Galbraith [1] : « Je ne crois pas du tout qu’en réduisant les salaires on luttera contre le chômage. Au contraire, si vous baissez les salaires, vous diminuez le pouvoir d’achat et donc in fine vous augmentez le chômage ! » [2]. C’est ce qu’illustre clairement la situation actuelle de l’Allemagne où une politique salariale rigoureuse [3] a permis de retrouver la compétitivité et est devenue, devant les États-Unis, le premier exportateur mondial, ce qui lui a assuré en 2004 un excédent commercial de 155,9 milliards d’euros. Mais cette politique a été impuissante à abaisser le chômage qui touche plus d’un million de personnes, et ne fait qu’accentuer la pauvreté et les inégalités. Schröder et le PSD en paieront les conséquences lors des prochaines élections et il ne faut pas compter sur la probable Chancelière, Angela Merkel, présidente de la CDU, très liée à la droite française, pour adopter une politique plus sociale. Il est vraisemblable qu’elle penchera plutôt pour le “modèle” anglo-saxon.

En France, depuis que Dominique de Villepin a lancé son plan d’urgence pour l’emploi, le débat entre libéraux, ultra-libéraux et même socialistes (en sourdine) sur le meilleur modèle susceptible de réduire le chômage a repris vigoureusement. “Modernisation”, “flexibilité”, “mobilité”, “employabilité”,... envahissent à nouveau les colonnes des journaux. Les ultra-libéraux (Sarkozy, Madelin,...) penchent fortement vers le modèle anglo-saxon qui donne de “si bons résultats” au Royaume-Uni : les journalistes parlent du “miracle anglais” !

LE MODÈLE ANGLO-SAXON

C’est un modèle libéral caractérisé par une grande fluidité du marché du travail. À première vue, il semble donner de bons résultats, notamment au Royaume-Uni, où, en partant d’un niveau moins élevé que les nôtres, les revenus des pauvres ont augmenté plus rapidement que ceux des riches. Par contre, le plan de Tony Blair pour éradiquer la pauvreté des enfants anglais (un peu plus de 4 millions en 2002, ce qui correspond au plus fort taux de pauvreté de l’Europe des 15) ... est étalé sur 20 ans ! Les enfants pauvres auront le temps de vieillir !

À quoi serait dû “le miracle” en matière de lutte contre le chômage ? Au fait que Tony Blair a organisé le “marché” de l’emploi en six programmes : deux obligatoires pour les chômeurs, de moins de 25 ans d’une part et les chômeurs de longue durée d’autre part, et quatre facultatifs destinés à des parents isolés, des personnes âgées de plus de 50 ans... Si l’on en croit les statistiques officielles, le nombre de demandeurs d’emplois, 2,7 % de la population active, soit 839.400 personnes, se situerait à son niveau le plus bas depuis trente ans. Si l’on se réfère aux normes du Bureau International du travail, qui inclut dans son calcul les chômeurs non indemnisés, le taux de chômage passe à 4,6% de la population active, soit 1,4 millions de personnes. Ce qui est déjà moins bien. En y regardant d’encore plus près, on s’aperçoit que depuis 1997, 860.000 emplois, soit 45 % des emplois créés, l’ont été... dans le secteur public. Autrement dit, le faible taux de chômage britannique est dû en grande partie au choix fait par le gouvernement travailliste de renforcer les effectifs des services publics. Voilà qui va à l’encontre des mesures de réduction des effectifs de la fonction publique prises par les gouvernements Raffarin (1 100 postes en 2003, 4 560 en 2004 et 7 200 postes en 2005) et de Villepin qui envisage de supprimer en 2006 entre 8 000 et 10 000 postes de fonctionnaires.

Mais, la cause la moins avouable, la moins glorieuse du faible taux de chômage au Royaume-Uni est que le nombre des “invalides”, c’est-à-dire en majorité des personnes ayant renoncé à chercher un emploi et dépendantes de l’aide sociale, a fortement augmenté et atteint 2,8 millions. Cerise sur le gâteau, selon les statistiques gouvernementales, le nombre des travailleurs pauvres et des pauvres en général s’est fortement accru, il représente 17 % de la population britannique, soit 10 millions de personnes.

Mais où est donc passé le “miracle britannique” ?

Le troisième mandat de Tony Blair qui vient d’être réélu (avec 35 % de votants !) ne semble pas s’engager sous de meilleurs auspices. La privatisation du service national de santé, qui devient un marché, s’accélère [4] : des médecins se voient offrir des centaines de milliers de Livres sterling pour abandonner définitivement le Service national de santé et travailler comme salariés d’une transnationale de la santé. Le Parti travailliste veut réduire l’influence de syndicats dans ses prises de décision ; au nom de la “modernisation” des services publics le Premier ministre va les offrir à des investisseurs privés. C’est tout simplement, en dépit des apparences, l’achèvement de la révolution idéologique de Margaret Thatcher [5]. Pas étonnant donc que l’ineffable baron Seillière, qui va prendre la présidence de l’Unice [6], se soit déclaré “socialiste anglais” lors d’un cocktail qu’il a donné en présence de la presse à l’occasion de la fin de son mandat à la tête du Medef.

LE MODÈLE DANOIS

Prudent, Dominique de Villepin ne s’est pas engagé sur le modèle anglo-saxon, que la majorité de son parti, derrière Nicolas Sarkozy, souhaiterait voir adopter par la France. Interrogé sur un éventuel recours à d’autres modèles, tels que les modèles scandinaves, il s’est borné à répondre : « j’aurai recours à toutes les expériences, même si certaines ont lieu ailleurs... » [7].

Ce qui n’a pas tardé à faire vigoureusement réagir le président du Parti socialiste européen, P.N. Rasmussen : « Dominique de Villepin n’a pas le droit d’utiliser le modèle danois pour légitimer des pensées conservatrices françaises » [8].

P.N. Rasmussen sait en effet de quoi il parle : c’est lui qui, lorsqu’il était Premier ministre du Danemark (1993-2001), a mis en œuvre le désormais célèbre modèle danois de “flexsécurité”. En bref, ce modèle se caractérise par les indemnités élevées dont bénéficient les salariés licenciés, pendant une période relativement longue, accompagnées d’un droit à la formation individuelle. Le système est bâti sur trois piliers : absence d’obstacles au licenciement (avec des préavis très courts), sécurité pour les sans-emploi et reclassement efficace sur le marché du travail. C’est ainsi que, chaque année, 30 % de la main-d’œuvre change de travail. (Cependant, les Danois restent en moyenne huit ans dans une entreprise). En cas de perte d’emploi les salariés ont l’assurance de pouvoir bénéficier d’allocations de chômage, versées sans dégressivité pendant quatre ans, et atteignant, pour les plus bas revenus, jusqu’à 90 % du salaire, mais plafonnées à 22.900 euros pour les plus hauts.

Le succès de ce modèle a été rendu possible par la mise en place de services publics de l’emploi très intégrés et décentralisés, et surtout parce que les ressources financières mises en œuvre sont très élevées : la part du budget danois consacrée à l’emploi est aussi importante que celle que lui consacre la France, mais pour un nombre de chômeurs deux fois plus faible ! Qui plus est, le Danemark, comme les autres pays nordiques, a massivement investi dans le “capital humain” et la recherche : les dépenses, par habitant, de formation pour les sans-emploi sont plus du double du niveau français, et celles d’éducation oscillent suivant les pays, entre 10 et 40 % de plus que celles de la France.

Mais en contrepartie, l’impôt sur le revenu et la TVA sont évidemment plus élevés. C’est ce que n’a pas manqué de souligner N.P. Rasmussen, à l’intention des dirigeants français : « Ce modèle n’est pas réalisable sans ressources supplémentaires destinées à payer la formation du chômeur, l’établissement, dès le premier mois de chômage, d’un contrat avec l’agence pour l’emploi, ainsi que des allocations élevées [...]. Ce modèle est cohérent et M. de Villepin ne peut pas en prendre quelques aspects tout en laissant les autres de côté ».

ON PEUT ALLER PLUS LOIN

Si on veut lutter efficacement contre le chômage de masse, il faut y mettre le prix. Or, on constate que les pays qui ont obtenu quelques succès en ce domaine, avec les réserves que l’on peut faire, sont des petits pays qui, n’appartenant pas à l’Euroland, sont maîtres de leur politique monétaire, fiscale et budgétaire...

Mais on peut envisager d’aller plus loin. Par exemple en assurant à tous les citoyens d’un pays (et pourquoi pas de l’Union européenne) un revenu garanti inconditionnel.

C’est une démarche dans laquelle s’est engagé le réseau catalan pour le revenu de base en faisant déposer au Parlement espagnol par des députés du Parti socialiste catalan, de la Gauche républicaine catalane et des Verts une proposition de loi instituant un tel revenu...

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[1] Professeur dans les plus grandes universités (Princeton, Harvard, Cambridge, Oxford), ancien ambassadeur des États-Unis en Inde, ancien conseiller de Kennedy,...

[2] Entretien, Le Monde, 29/03/1994.

[3] Emplois à 1 euro voir GR 1052, page 2, Fil des jours, “chiffres terribles”.

[4] The Guardian, 24/05/2005.

[5] Tribune, 29/04/2005.

[6] UNICE = Union des Confédérations Industrielles et d’Employeurs d’Europe. C’est la voix du monde des affaires auprès des institutions de l’Union Européenne.

[7] Le Monde, 03/06/2005.

[8] Le Monde, 10/06/2005.

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RÉFLEXION

Spécialistes ou fumistes ?

par P. VINCENT
août 2005

Journaux, radios ou télés doivent fidéliser leurs clients, et pour cela trouver tous les jours quelque chose à leur raconter. Aussi pourra-t-on voir le plus banal fait divers monté en épingle ou un vieux sujet récurrent promu événement du jour. Avoir la chance de décéder en période creuse peut ainsi vous propulser au premier plan de l’actualité. Et on ne sait trop pourquoi les médias ont récemment attiré notre attention sur les drames de la famine dans l’Afrique subsaharienne. Les images d’enfants semblaient hélas toujours les mêmes depuis la guerre au Biafra, et on ne voyait pas ce qui pouvait justifier ce soudain regain d’intérêt : les invasions de criquets étaient connues depuis des mois, contre lesquelles on n’avait guère entendu parler d’une aide internationale, et la sécheresse n’était pourtant pas arrivée à la vitesse du tsunami. Peut-être voulait-on simplement nous montrer que nous avions de la chance d’être européens et faire diversion aux recherches de responsabilité post-référendaires ?

Lorsque la situation est particulièrement grave et qu’il serait vraiment malvenu de chercher à faire diversion, il est fâcheux de n’avoir aucune idée sérieusement étayée de ce qui va se passer quand de son côté le public réclame à tout prix des réponses. Le plus honnête serait de recourir à des “voyantes” en les présentant comme telles. Mais ce que l’on fait généralement, parce que cela semble plus sérieux, c’est de donner la parole à des “spécialistes”.

À la veille de la dernière guerre, éditorialiste très prisée à la radio et dans l’un de nos plus grands quotidiens du matin, Madame Geneviève Tabouis jouait sur les deux registres. Elle commençait toutes ses chroniques sur un ton de prophétesse par « Attendez-vous… », avant d’énoncer ses prévisions ou prédictions du jour. Autant qu’il m’en souvienne, elle était plutôt du genre Cassandre.

Mais à la même époque nous avions en Gabriel Hanotaux, historien, académicien et ancien ministre des Affaires Etrangères, un indéfectible optimiste. Dans Pour l’Empire Colonial Français, paru en 1933, loin de se satisfaire de cet Empire, il faisait miroiter aux amateurs d’aventure que la moitié du monde restait, selon lui, à coloniser. Aurait-il songé à coloniser la Chine ? Cette année-là Hitler accédait au pouvoir, dont on combattit bientôt l’expansionnisme au nom du “droit des peuples à disposer d’eux-mêmes”, un principe qui se révéla peu compatible avec la poursuite d’une politique de colonisation.

Mais voici ce qu’il écrivait encore au début de la guerre, dans L’illustration du 30 mars 1940 : « La guerre va changer de front. Elle va plus que probablement se tourner vers la Mer Noire et la Méditerranée… le chemin des Indes…car la puissance qui est visée c’est l’Angleterre. »

Et comme à en croire les communiqués militaires, nos avions survolaient Berlin sans entraîner de réaction de la part de la défense antiaérienne, il en concluait que les autorités allemandes avaient peur d’inquiéter la population : « On ne veut pas que l’Allemagne pressente qu’elle aura à subir les souffrances de la guerre et de l’invasion ». L’Histoire lui donnera peut-être raison quatre ans plus tard, mais six semaines après ses prophéties c’était quand même la France qui était d’abord envahie et qui allait commencer à souffrir.

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Il a été publié, sous le titre L’Art d’avoir toujours raison [1], une traduction des leçons de dialectique éristique ou art de la controverse d’Arthur Schopenhauer, dans lesquelles, il y a deux siècles, celui-ci donnait 38 recettes pratiques pour y parvenir. Il y expose à bon droit comment contrer, quand on a raison, les mauvais arguments ou la mauvaise foi de l’adversaire. Mais il y donne aussi des conseils pour l’emporter quand on a tort en étant soi-même de mauvaise foi.

Ce qui m’a intéressé dans cet ouvrage, qui se rattache à mon précédent propos, c’est que Schopenhauer a lui aussi une piètre opinion des spécialistes : « Les gens du commun ont un profond respect pour les spécialistes. Ils ignorent que la raison pour laquelle on fait profession d’une chose n’est pas l’amour de cette chose mais de ce qu’elle rapporte. Et que celui qui enseigne une chose la connaît rarement à fond car s’il l’étudiait à fond il ne lui resterait généralement pas de temps pour l’enseigner…

Ce sont les autorités auxquelles l’adversaire ne comprend pas un traître mot qui font le plus d’effet… Les ignorants ont un respect particulier pour les figures de rhétorique grecques et latines…

On peut aussi, en cas de nécessité, non seulement déformer, mais carrément falsifier ce que disent les autorités… Le plus bel exemple en est ce curé français qui, pour n’être pas obligé de paver la rue devant sa maison, comme les autres citoyens, citait une parole biblique : « Paveant illi, ego non pavebo » [2].

Ce qui convainquit le conseil municipal. »

Très pessimiste ce Schopenhauer, mais un peu humoriste quand même !

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[1] aux éditions Mille et une nuits

[2] en fait, cette phrase signifie : « Qu’ils tremblent, moi je ne tremblerai pas » !!!

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Nous avons évoqué, dans la GR 1054 de mai, les méthodes commerciales de Canal+ en racontant la façon dont, en décembre 2004, à la Cité Universitaire de Nanterre, une étudiante étrangère fut victime de la duperie de l’un de ses démarcheurs se faisant passer pour le ”Père Noël”. Il y a du nouveau depuis :

Faudrait quand même pas trop décoder

par Paul
août 2005

Le 18 mai, nouveau courrier pour annoncer cette fois à l’étudiante que son abonnement est suspendu depuis le 3 mars (bonne nouvelle !), mais qu’elle leur doit 60 euros depuis le début, et qu’il lui faut rapporter le décodeur chez un distributeur agréé dont elle devra se procurer l’adresse par internet ou sur un serveur vocal (communication facturée 0,23 euros la minute).

Puis à partir du 20 mai brusque changement de ton. D’abord un appel téléphonique inattendu de Canal+ pour lui présenter des excuses et lui annoncer un prochain courrier remettant les choses au point. Effectivement, dans un courrier du 6 juin où il s’excusait d’un « enchaînement de circonstances négatives », Canal+ déclarait avoir renoncé à tout prélèvement sur son compte depuis l’échéance de mars et vouloir lui rembourser son dépôt de garantie dès restitution du décodeur. Même si on est encore loin du compte pour le préjudice et les désagréments subis, il convient de saluer ce coup d’arrêt donné par la “Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes” aux agissements de Canal +. Car il faut dire que notre étudiante avait, le 17 mars, envoyé son dossier à cet organisme dépendant du Ministère des Finances et de l’Industrie, qui avait bien voulu s’en saisir et le transmettre à sa Direction Départementale dont dépend Canal+. Et c’est suite à l’intervention de celle-ci (Canal+ le mentionne, sinon en toutes lettres, du moins en toutes initiales, dans son courrier) que le ton avait subitement changé.

D’où cette ultime lettre de notre étudiante à Canal+ : « J’ai été agréablement surprise que, lors de votre appel téléphonique du 20 mai ainsi que dans ce dernier courrier, vous ayez brusquement mis fin à l’attitude désinvolte ou arrogante dont vous ne vous étiez pas départis à mon égard pendant près de six mois et ce jusque dans un courrier daté du 18 mai, en dépit de mes nombreuses réclamations téléphoniques ou de lettres recommandées avec AR dont vous alliez jusqu’à contester les avoir reçues. Mon bon droit était pourtant déjà le même dès l’origine.

Si je me réjouis, en ce qui me concerne, de cet heureux dénouement, dont il apparaît clairement que je ne le dois qu’à l’intervention de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, je souhaiterais que vous changiez également d’attitude à l’égard de toutes celles de vos autres victimes qui n’ont pas eu comme moi la bonne idée de s’adresser à cet Organisme.

Des opérations comme celle menée à la Cité Universitaire de Nanterre sont d’ailleurs d’un très mauvais effet, en particulier auprès des étudiants étrangers, par qui les nouvelles de France se propagent fort loin, et vous auriez certainement intérêt à ne pas continuer de couvrir vos agents recruteurs responsables de telles opérations. »

UNE ADRESSE À FAIRE CONNAÎTRE

Il a donc été fait obstacle à l’arnaque commise par Canal+ vis-à-vis d’une de nos amies. De sorte que Canal+ : est maintenant dans le collimateur de la Répression des Fraudes et il a intérêt à ne pas susciter d’autres plaintes. Qu’en sera-t-il pour les autres victimes ? Il faut largement faire savoir où s’adresser. C’est :

TELEDOC 080
75703 Paris Cedex 13
CETTE ADRESSE EST VALABLE POUR TOUS LES LITIGES LIÉS À LA CONSOMMATION

Pour Canal+, c’est traité par la Direction Départementale de Nanterre, mais la Direction Générale transmet correctement les dossiers à ses Directions Départementales et c’est peut-être un atout de plus pour que les Directions Départementales prennent soin des dossiers ainsi transmis.

La justice répond au contraire « Ce n’est pas de notre ressort » et elle retourne les dossiers au lieu de les aiguiller dans la bonne direction.

À bon entendeur, salut !

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D’après Colecosol.Alsace@Mail, la lettre électronique mensuelle réalisée par le Collectif pour une économie solidaire - Alsace , on pouvait lire dans Novethic du 8 juin 2005 :

La Poste et le coton équitable …

par C. ECKERT
août 2005

« L’entreprise textile Armor Lux, qui va habiller 140.000 postiers pendant 5 ans, a décroché l’appel d’offres de La Poste grâce au coton équitable (label Max Havelaar). Elle a en effet proposé au groupe de réaliser 50.000 débardeurs pour les factrices en coton équitable et s’inscrit ainsi dans la stratégie d’évolution des bureaux de poste en “lieux de convivialité”, où seront distribués des produits alimentaires issus du commerce équitable.

Armor Lux a acheté vingt tonnes de coton équitable au Mali pour la fabrication de tee-shirts et a réussi à conserver 60% de sa production en France. « C’est aussi un moyen de concurrencer tous les produits non-éthiques en provenance de Chine », souligne son PDG Guy Le Floc’h. »

Outre le fait que ce coton malien, soi-disant équitable, est très probablement du coton OGM (beaucoup d’associations commencent à prendre leurs distances par rapport à Max Havelaar), il y aura peut-être du café équitable à la Poste, mais la distribution du courrier, elle, ne le sera toujours pas (la pub d’abord et les particuliers s’il reste du temps).

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Lettre ouverte

par J. HAMON
août 2005
à

Monsieur François Hollande
Premier Secrétaire du PSF
10 rue de Solférino
75333 Paris Cedex 07

le 30 juin 2005

Monsieur le Premier Secrétaire,

Mon âge, mon état de santé, et de lourdes obligations familiales ne me permettent pas de me déplacer autant que je le souhaiterais, d’où mon recours à la correspondance pour présenter mes points de vue et les appuyer à l’aide d’une documentation appropriée. J’ai lu dans la presse les réactions des principaux animateurs de notre vie politique nationale suite au référendum du 29 mai, et ai été surpris par certains propos. Vos déclarations sont surprenantes car elles ne traitent pratiquement pas des problèmes cruciaux que la France, la Communauté, et le Monde vont avoir à résoudre au cours des décennies qui viennent si l’espèce humaine veut survivre dans des conditions acceptables. J’ai déjà abordé avec vous certains de ces problèmes pour déterminer si le projet de Constitution de l’Union était compatible avec une lutte efficace contre la fracture sociale, et avec une stabilisation du climat ; de toute évidence, ce n’était pas le cas.

Les Français ont refusé le projet d’usine à gaz qui leur était proposé dont l’inacceptabilité était caractérisée par l’association de deux termes incompatibles : économie sociale de marché et concurrence libre et non faussée, tant au sein de l’Union qu’au niveau international. Le divorce entre le pays légal et le pays réel n’a probablement jamais été aussi notable. Faute de pouvoir dissoudre le pays réel, il faut tenir compte de ses points de vue. Sauf exception, les traités signés par les gouvernements français successifs n’ont jamais été soumis aux citoyens. Lorsque ces derniers en ont découvert leurs implications, dans la partie III du projet de traité constitutionnel, ils les ont refusées. Ne devrions-nous pas en déduire que les traités correspondants n’engagent plus la France, car refusés par ses citoyens ? Un problème fort intéressant à soumettre au Conseil Constitutionnel.

Réagir à ce refus escompté exige de rétablir la confiance entre les citoyens et les élus et de recréer une économie sociale de marché tout en traitant trois problèmes :

- réduire la fracture sociale, en France, au sein de l’Union, et dans le Monde ;
- contribuer efficacement à stabiliser le climat ;
- équilibrer les comptes de la France.

Je vous ai adressé des courriers sur ces deux premiers sujets, dont un échantillon est joint.

Sans négliger la situation nationale, la priorité la plus urgente est d’aider les nouveaux États arrivants à améliorer la situation sociale de leurs citoyens tout en s’insérant harmonieusement au sein du marché communautaire. Cela paraît difficile sans accroître le budget communautaire ou, à défaut, sacrifier les composantes les plus discutables de la PAC. qui pénalise depuis des décennies les plus fragiles de nos exploitants agricoles, avec environ 30.000 disparitions d’exploitations par an depuis des décennies.

Au niveau international, une première priorité est d’aider les pays les moins avancés à nourrir leurs habitants, en abandonnant toutes les pratiques d’exportation à perte qui nous coûtent cher et ruinent les paysans du Tiers monde. Bénéficier au sein de l’OMC de l’appui sincère des pays les moins développés nous serait fort utile pour résister aux pressions (hélas OMCment légitimes) du Brésil, de la Chine, de l’Inde, et de quelques autres. Comme vous le savez, nos productions, tant industrielles qu’agricoles et dérivées, et de services, ne sont que rarement compétitives au niveau mondial, mais la majorité d’entre elles doivent être préservées, pour assurer des revenus à la République et à ses résidents. Comment ce faire ? Dans son discours devant les cadres UMP, le 11 juin 2005, Nicolas Sarkozy à suggéré de rétablir la préférence communautaire ; ses déclarations, et les commentaires qui ont suivi sont accessibles sur le site www.u-m-p.org.

Parler de la lutte contre la dérive climatique ne suffit pas. Passer le plus rapidement possible, en France et au sein de l’Union, des énergies fossiles conventionnelles aux énergies renouvelables les plus avancées est essentiel. C’est essentiel car le prix du pétrole et du gaz naturel ne saurait que monter, les pics mondiaux de production étant proches (2007 à 2015 pour le pétrole, 2025 à 2030 pour le gaz naturel en absence d’effet domino, mais dès 2020 en cas d’effet domino). C’est essentiel pour renforcer notre influence lors des négociations internationales. C’est vital parce que les économies d’énergie, et l’appel systématique aux énergies renouvelables, devraient pouvoir créer des millions d’emplois durables en France à condition d’agir vite, la Chine produisant déjà plus de 50% des panneaux solaires thermiques, et le Danemark et les États-Unis presque tous les aérogénérateurs. Un gigantesque marché mondial s’ouvre aux nouvelles technologies dans ces domaines, mais la France paraît y être peu présente.

Prédire le prix d’un baril de pétrole n’est pas une science exacte, mais la demande s’accroît un peu plus vite que la capacité de production. Une partie du brut saoudien est trop riche en soufre pour être facilement exploitable, et le Brent est en cours d’épuisement. Dans moins de dix ans l’écart entre la demande et la capacité de production sera de 3 à 4 % par an, avec toutes les implications sur les transports aériens et terrestres, notre confort, et la production agricole grande consommatrice d’énergie (engrais, pesticides, mécanisation et chaîne de froid). Sans vouloir faire couler la barque, tous les contrats à long terme d’achat de gaz naturel, de charbon, et de pétrole devraient être négociés en euros, quitte à offrir aux producteurs de meilleures conditions que la Chine, les États-Unis ou l’Inde. Des accords de coopération scientifique et technologique favorables devraient être systématiquement offerts à nos fournisseurs d’énergie, ce qui implique d’avoir quelque chose à offrir.

Nous allons devoir passer, en quelques décennies, de véhicules à gaz, à essence ou à gazole à des véhicules mixtes, électriques ou assimilés, car notre potentiel de production de biocarburants est limité, mais d’où proviendra l’électricité ? Quand commencerons-nous sérieusement à nous en préoccuper ? Il paraît douteux qu’une entreprise privée souhaitant des retours garantis sur investissements accepte de se lancer dans la construction en série de centrales EPR, et il serait suicidaire pour une telle entreprise d’envisager de gérer et de distribuer l’énergie électrique provenant de centaines de milliers d’aérogénérateurs en stockant les excédents ponctuels sous forme d’hydrogène, d’air comprimé, et de remontées d’eau vers des barrages d’altitude, existants ou à créer. Il me parait peu raisonnable de privatiser EDF et GDF dans de telles conditions.

La Logan peut faire un tabac au sein de l’Union, mais l’Inde produit une voiture équivalente pour 1.900 euros. Seronsnous compétitifs avec des véhicules ne faisant plus, ou peu, appel aux énergies fossiles conventionnelles dont notre présente production est nulle ?

Le niveau de notre dette publique, au sens large de ce terme, est inacceptable maintenant que les taux d’inflation sont bas. Notre balance des échanges et des changes est devenue déficitaire de manière structurelle en absence de toutes importations représentant des investissements productifs, ce qui est inquiétant. Des taxations douanières étant exclues, il faut augmenter des taxes non douanières sur tous les produits dont la consommation n’est pas indispensable ou, si indispensable, peut être amenuisée par les taxes et reportée sur le consommateur final, l’objectif devant être d’assurer plus de 75 milliards d’euros de ressources annuelles supplémentaires :

- augmentation des taxes sur les carburants conventionnels, en particulier le diesel/fioul/gazole, en éliminant progressivement toutes les exonérations, y compris au bénéfice des aéronefs ;
- rétablissement d’une vignette automobile pénalisant les véhicules de prestige, sans exonérations administratives ;
- augmentation des taxes sur les boissons alcoolisées et le tabac ;
- augmentation de la TVA sur tous les produits de luxe et l’informatique grand public ;
- augmentation massive des taxes d’aéroport et des péages autoroutiers, ce qui implique de garder le contrôle des autoroutes ;
- revue à la hausse de l’impôt sur le revenu.

Mieux gérer les ressources financières dont nous disposons déjà serait souhaitable. Notre défense nationale paraît sur-dimensionnée, aucun pays ne paraissant souhaiter s’emparer de nos terres cultivables ou de notre eau douce. Si nous avons, dans quelques décennies, à soutenir un conflit pour l’accès au gaz naturel et au pétrole de l’Irak, de l’Iran, et de l’Arabie saoudite, ce sera avec les États-Unis ; inutile d’y songer. Les États-Unis ne s’intéressent vraiment à nous que lorsqu’ils ont besoin de subsides (pour la forme) ou de supplétifs sur le terrain (comme autrefois au Vietnam, et maintenant en Irak) ; non, merci. On pourrait donc réduire les forces armées nationales à ce qui est nécessaire pour le défilé du 14 juillet ; on pourrait même probablement louer des figurants pour ce faire ; de nombreux intermittents du spectacle sont au chômage.

Des économies massives d’énergie sont indispensables, et réalisables. L’État y perdra sur la TIPP, raison pour laquelle la TIPP de base doit augmenter. Exiger, sans subvention, des panneaux solaires thermiques sur toutes les constructions nouvelles, et sur toutes les rénovations, va de soi. Exiger une meilleure isolation phonique et thermique aussi. Créer partout des pistes cyclables protégées paraît essentiel. Ne plus permettre de délivrer de permis de construire dans les zones péri-urbaines dont la faible densité ne permet pas de rentabiliser des transports collectifs va aussi de soi. Seule, la France ne peut pas faire grand chose. Elle devra donc travailler avec d’autres pays de l’Union socio-économiquement proches ; pourquoi pas ceux de l’Euroland, qui ont beaucoup de responsabilités en commun, un PIB/habitant élevé, et la possibilité de se faire entendre par la BCE, l’OCDE et le G8. Le non français au projet de Constitution a mis la France en position de force. Les amis de Tony Blair n’ont eu les suffrages que de 35 % des Britanniques ayant voté ; c’est mieux que le 18% de Chirac en 2002, mais moins bien que les 55% de notre non, et les 45% de votre oui.

Vous auriez dû, logiquement, faire campagne pour le non lors du référendum constitutionnel, ce qui aurait placé le Parti socialiste en excellente position pour les élections de 2007 et 2008. Fort heureusement de nombreux animateurs du PS ne vous ont pas suivi, et vos électeurs non plus. Tout n’est donc pas perdu. Je me sens d’autant plus libre pour vous écrire cela que j’ai toujours résisté à la tentation d’adhérer au PS, tout en appréciant son potentiel.

Je réalise que rien de ce qui précède n’est électoralement porteur pour l’instant, une décroissance énergétique de quelques pour cent par an et un accroissement des taxes risquant de ne pas enthousiasmer les foules. Il me paraît toutefois grand temps de dire la vérité aux Français en termes fiscaux, énergétiques et climatiques. Aurez-vous le courage de ce faire ? Les élus socialistes au Parlement de la Communauté et les amis du Parti socialiste au sein de la grande presse oseront-ils faire passer ce message ?

Comme vous avez pu le lire à de nombreuses reprises,et récemment encore, notre ami Nicolas Sarkozy est donné gagnant dans tous les cas de figure pour la prochaine élection présidentielle qui, si rien ne change, sera au premier tour une répétition de 2002 - Sarkozy premier - Le Pen second. Ne serait-il pas temps d’oublier votre faux pas constitutionnel et de préparer un avenir aux Français excluant tant Sarkozy que Le Pen, quitte à vous effacer pour laisser la place à un candidat (ou à une candidate) de gauche crédible ?

Bien cordialement, J.H.

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Le Master Sciences Sociales-Gouvernance Locale (spécialité ingénierie de projets en Economie sociale et solidaire) et la Maison de la Citoyenneté Mondiale, vous convient cordialement à participer au colloque qu’ils organisent à Mulhouse, les 16, 17, 18 et 19 novembre 2005, sur le thème

“Monnaies et solidarités”.

Pour les aider à construire une rencontre qui soit à la hauteur de vos aspirations, ils vous invitent à répondre au questionnaire ci-dessous, et vous remercient de le retourner ensuite soit par courrier à la

Maison de la Citoyenneté Mondiale, c/o Marie Galbakiotis,
20 rue Schutzenberger, 68200 Mulhouse,

soit par mail à l’adresse Internet suivante :

sur yahoo.fr, colloque_monnaiesetsolidarites

Questionnaire pour construire ensemble le colloque Monnaies et Solidarités

août 2005

PENSEZ-VOUS QUE LE THÈME DE LA MONNAIE SOIT PERTINENT DANS LE CADRE D’UN COLLOQUE ET PAR RAPPORT À VOTRE ACTIVITÉ ?

DU POINT DE VUE DE VOTRE ACTIVITÉ, COMMENT DÉCRIRIEZ-VOUS VOTRE RAPPORT À L’ARGENT ?

DE QUOI AIMERIEZ-VOUS PARLER LORS DE CE COLLOQUE ?

PEUT-ON ENVISAGER DE FAIRE LE LIEN ENTRE SYSTÈME MONÉTAIRE CLASSIQUE ET SYSTÈME DE MONNAIE SOLIDAIRE ?

SI OUI, QUELS SONT-ILS ?

SI NON, POURQUOI ?

A QUELLES DIFFICULTÉS PAR RAPPORT À L’ARGENT, VOUS ÊTES-VOUS CONFRONTÉS DANS VOTRE ACTIVITÉ ?

ETES-VOUS EN MESURE DE TRANSFORMER CE CONSTAT DE DIFFICULTÉ VÉCUE EN SOUHAIT POUR UNE AMÉLIORATION SIGNIFICATIVE DE LA SITUATION ?

QUI SOUHAITEZ-VOUS RENCONTRER LORS DE CETTE MANIFESTATION ?

QUELLES PROPOSITIONS AVEZ-VOUS À NOUS SOUMETTRE EN TERME DE COMMUNICATION D’EXPÉRIENCE ET DE CAPITALISATION DES EXPÉ- RIENCES ?

QUELS RÉSULTATS RÉALISTES CONCERNANT LA MONNAIE ATTENDEZ-VOUS DE CETTE RENCONTRE ?

NOUS VOUS REMERCIONS VIVEMENT POUR LE TEMPS ET L’ATTENTION CONSACRÉS AU QUESTIONNAIRE.

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Un pas en avant, trois en arrière

par H. du PERTHOIS
août 2005

L’avez-vous remarqué ? Un peu partout sur cette planète, ce sont les manifestations de rues qui déclenchent les changements de régime. À Belgrade, la population a contraint S. Milosevic à l’exil ; en Géorgie, l’ancien ministre des Affaires étrangères de l’URSS, Édouard Chevernadze, fut contraint à plier bagage. Même sort pour le candidat soutenu par la Russie en Ukraine, puis pour le fils qui s’était proclamé successeur de son père après le décès de ce dernier, au Togo. Au Liban, une majorité de citoyens d’opinions diverses, se lève à l’ombre du cèdre, symbole national, pour exiger le départ des troupes syriennes.

En France, les manifestations de rues, de plus en plus drues et compactes, se sont succèdé, mais révèlant surtout des mécontentements sectoriels et ne débouchant sur aucun changement global de société. On nous énonce des “réformes” qui, dans la réalité, relèvent de démarches ultra-réactionnaires, qui visent à remettre en cause les acquis sociaux obtenus depuis la Libération et même depuis le Front populaire. Le pouvoir en place procède par étapes, fait un pas en avant puis recule de trois pas en arrière. À la manière des écrevisses. Jusqu’à quand ?

SÉCURITÉ SOCIALE : LE GROS MENSONGE

Considérons un exemple entre cent : le prétendu gouffre financier de la Sécurité Sociale, que l’on ne cesse de dénoncer en haut lieu.

Si l’on en croit un lecteur du grand quotidien régional L’Union, en date du 14 mars 2005, s’appuyant sur le rapport des comptes de la Sécurité Sociale pour 2003, les sommes qui lui seraient dues et qui n’ont pas été reversées par l’État s’élèvent à :

- 7,8 milliards au titres des taxes sur le tabac ;
- 3,5 milliards au titre des taxes sur les alcools ;
- 1,6 milliard dus par les assurances auto pour les accidentés de la route ;
- 1,2 milliard de taxes sur les industries polluantes ;
- 2,0 milliards de TVA ;
- 2,2 milliards de retard de paiement pour les contrats aidés ;
- 1,9 milliard de retard de paiement par les entreprises, etc.

Soit au total : 20,1 milliards d’euros.

On a inventé la CSG, le RDS, soi-disant pour combler le “gouffre” de la Sécurité sociale. Mais, pour le gouvernement, il convient de mettre en évidence que la “Sécu” n’est pas rentable et que notre organisme paritaire national doit céder la place à des Caisses d’assurances privées !

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ÉCHOS APRÈS LE NON !

Incohérence et désinformation

août 2005

« Le Luxembourg maintient son référendum. La décision prise par les parlementaires est un revers pour M. Junker » [1]. À la surprise générale, les chefs de groupes parlementaires de la Chambre grand-ducale ont décidé de maintenir la consultation populaire sur le projet de traité constitutionnel, fixée au 10 juillet. Cet avis n’était pas conforme au souhait de M. Junker, premier ministre (et alors encore président de la Commission européenne) qui voulait que le référendum soit reporté.

Ce qui n’a pas géné Le Monde et la plus grande partie des médias de se lancer dans un éloge dithyrambique de M. Junker après la victoire du “oui” au référendum par 56,2% des 277.000 électeurs luxembourgeois et de titrer sans vergogne : « Le Luxembourg offre un 13ème oui à la Constitution européenne ».

Par contre, aucun média français ne semble avoir dit le moindre mot sur le fait que, contrairement à ce que l’on nous serine partout, l’Allemagne n’a pas encore ratifié le projet de traité constitutionnel [2].

En effet, le président Köhler n’accepte pas pour l’instant de contresigner le vote parlementaire relatif au Traité. Or, c’est lui qui a le dernier mot, Schröder propose, et lui, il officialise par une signature. Et là, il attend qu’une plainte déposée par un citoyen allemand, Peter Gauweiler, soit instruite par les plus hautes instances juridiques du pays. Gauweiler souligne qu’une constitution dont l’objet est d’ôter au Parlement, donc au peuple, tous les pouvoirs, doit être entérinée par le peuple lui-même, donc par un référendum.

L’argument est jugé suffisamment valable par M. Köhler pour le convaincre qu’il est urgent de ne rien signer.

Et l’affaire risque de durer quelques mois. Prétendre que l’Allemagne aurait ratifié le traité relève donc de la désinformation.

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[1] Le Monde du 22 juin 2005.

[2] Source : http://www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,360657,00.html

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Les alternatifs d’Alsace (Maison de la Citoyenneté Mondiale, 20, rue Paul Schutzenberger 68200 Mulhouse Tel/Fax : 03 89 33 97 86 Email : sur wanadoo.fr, mcm.arso et r.winterhalter) tiennent le coup. Ils entendent continuer l’action et les débats qui ont conduit au succès du Non du 29 mai :

Vers un renouveau citoyen

par R. WINTERHALTER
août 2005

L’Europe ultra libérale, celle des gestionnaires du capitalisme (qu’ils soient de droite ou de gauche) a été rejetée par une grande majorité de citoyennes et de citoyens. Les électrices et les électeurs avaient été habitués à mettre leur voix dans les urnes et à se taire ensuite, jusqu’à la prochaine échéance électorale. Et voilà que brusquement ces voix se sont réveillées même avant de tomber dans les urnes. Elles ont réfléchi, critiqué et... elles ont osé proposer une autre Europe, celle des peuples, celle où des hommes et des femmes apprennent à se rencontrer, à se comprendre, à s’enrichir de leurs diversités, à rêver, à construire ensemble une société différente.

Ce résultat électoral est en train d’être décortiqué, analysé par les ténors de la politique politicarde. Mais en suivant les débats de la télévision, on sentait qu’un monde séparait les professionnels de la politique du peuple. On avait nettement l’impression que les uns et les autres jouaient des rôles, qu’ils cherchaient à marquer des points et prévoir des alliances, mais en se moquant totalement des aspirations populaires. Et ce phénomène se retrouvait également dans le camp des Non. En les écoutant, on pouvait en effet se demander ce que nous avons de commun avec des Fabius, Emmanueli et consorts : rien, absolument rien, ou ... si peu.

Par ailleurs, il y a également nos alliés de la gauche critique : le PC et la LCR. Certes, il faudra continuer à nous battre avec eux, mais ne pas se résoudre à nous battre derrière eux, car notre but n’est pas de permettre au PC d’être plus crédible face au PS, en prévision de la prochaine échéance électorale. Notre but est de construire un réseau de résistance, à la fois souple, crédible et différent de l’organisation classique. Je viens d’apprendre qu’en Lorraine on a mis en place un Front de l’Humanité et je dois dire que je m’y retrouve totalement.

Ce Réseau, ou ce Front, devra permettre à des femmes et des hommes, organisés ou pas, de se retrouver, de se battre ensemble pour la construction d’une société fraternelle et humaine.

Le dénominateur commun qui nous rassemblera ce sera l’adhésion à des valeurs fondamentales du partage du pouvoir, du savoir et de l’avoir, à des solidarités agissantes, etc....

En Alsace, nous venons de lancer l’idée de la création (à tous les échelons de la vie publique, c’est-à-dire au niveau de nos quartiers, de nos villes et villages et de nos régions) de comités de renouveau citoyen, permettant à des personnes ou des groupes de personnes de se retrouver, de réfléchir, d’expérimenter une autre manière de vivre, de travailler et de construire une Europe et un monde plus fraternel et plus humain.

En ce qui nous concerne, nous profiterons de notre proximité avec l’Allemagne et la Suisse pour amplifier les rencontres transfrontalières. Dans cet esprit, nous avons appelé toutes les associations et les partis ayant porté ce Non de gauche à se réunir rapidement, pour défendre publiquement les valeurs qui ont motivé ce combat et ne pas laisser la classe politique traditionnelle et les médias, répandre l’idée d’un Non essentiellement chauvin, voire xénophobe, nationaliste et replié sur lui-même.

Dans cet appel, nous avions lancé une idée qui se résume par cette petite phrase : « la politique c’est l’affaire de tout le monde ».

En disant cela, j’ai conscience de me répéter, mais la preuve est faite aujourd’hui que mon message est toujours d’actualité.

Il existe, en effet, un espace où nous pouvons nous affirmer et dépasser le stade de supplétifs à de soi-disant grandes organisations.

Si nous adoptons cette démarche, nous existerons, nous répondrons à des aspirations véritablement populaires.

Quant aux échéances électorales, eh bien, elles se situeront dans ce cadre. Il faudra réussir à faire cohabiter des personnes dont les uns veulent s’investir dans des démarches de démocratie active, alors que d’autres voudront s’impliquer au niveau de la démocratie représentative : l’un n’empêchera pas l’autre. C’est ainsi qu’émergeront des candidats à la candidature, qui seront portés par un véritable courant populaire et cette démarche sera totalement différente de la pratique habituelle, qui consiste à ce qu’une minorité soi-disant éclairée, désigne un porte-parole, un candidat idéal et demande ensuite aux braves militants de le soutenir.

Voilà quelques idées que j’avais envie de partager avec mes Camarades Alternatifs, en espérant enfin qu’elles soient suivies d’effet.

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EXPÉRIMENTATION DE MULHOUSE

Lors du “marché plus” du 28 avril 2005, Roger Winterhalter a présenté aux participants les propositions suivantes, qui ont été acceptées :

La monnaie solidaire : système d’échange, et moyen de créer du lien social.

par R. WINTERHALTER
août 2005

Ces objectifs, que nous nous étions fixés au départ de notre expérimentation, constituent en quelque sorte le fondement de notre démarche.

Rappelons qu’au démarrage de notre action, nous avions annoncé que l’expérimentation devait faire ressortir :

- l’aspect distributif,
- la mise en commun,
- le principe de l’abondance et non de la rareté,
- la solidarité, le partage et le lien social qui en découlent,
- la préfiguration d’une autre société.

Nous avions fait le pari que le public concerné devait être représentatif d’un éventail très large de la société, allant du chômeur au cadre supérieur, en passant par le retraité et le demandeur d’asile.

Néanmoins, nous avons constaté, entre autres, au fur et à mesure de l’évolution de notre expérience :

- une disproportion entre les exclus (trop nombreux) et les inclus. Pour pallier cela, nous tentons inlassablement de relancer nos partenaires, de sensibiliser notre entourage.
- la difficulté de mettre en pratique notre idée de revenu d’existence : il y a en fait trop de monnaie en circulation par rapport aux marchandises, aux produits, aux services offerts.
- les demandes sans cesse croissantes de bons d’achats et l’incompréhension du fait que notre expérience n’est pas une œuvre sociale, mais une action plaçant chacune et chacun sur un pied d’égalité : on reçoit, mais on donne aussi.
- les offres de services par des personnes restent souvent sans suite.

C’est à partir de ces constats que nous avons tenté de tirer des conclusions, de faire des efforts de simplification qui peuvent se résumer ainsi :

- l’idée qui consiste à partager à parts égales la valeur des biens et services mis en circulation, et laissant préfigurer le revenu d’existence, devra être momentanément mise en sommeil en attendant que les biens et services augmentent, mais elle n’est pas abandonnée pour autant.
- le principe du don et contre-don doit être maintenu.
- une relance, une mise en lien avec les offres de services, doivent être effectuées systématiquement.
- les services effectivement rendus doivent permettre d’acheter des bons d’achat, des denrées périssables, des marchandises mises en vente.
- les biens et marchandises non périssables, vêtements, jouets, livres, meubles, seront en principe (sauf demande expresse) mis gratuitement à la disposition de tout le monde. Chaque visiteur du marché peut emporter au maximum 3 objets ou produits. S’il devait en acquérir plus, il règlerait en monnaie solidaire.

Les personnes qui rendent des services, apportent des bons d’achats, des produits périssables (repas, confitures, gâteaux…) bénéficieront d’une monnaie solidaire appelée Plus (au niveau des services, 1 heure = 10 Plus sur la base d’un devis prévisionnel, si possible). Cette monnaie sera tamponnée et portera la date du jour du marché. Toute monnaie antérieure au marché sera éliminée par principe. La prise en compte des services rendus par les bénévoles se fait également sur les mêmes bases, mais le règlement sous forme de monnaie solidaire restera dépendant des produits et bons d’achats disponibles.

Les participants feront ensuite leur marché en choisissant par rapport aux produits et bons d’achats proposés et ils solliciteront des personnes en mesure de leur proposer des services.

Ils régleront par l’intermédiaire de la monnaie solidaire (les Plus). Cette monnaie sera détruite par les vendeurs de biens et de produits.

Ces diverses mesures devraient simplifier les échanges, permettre à chacun de se joindre ponctuellement ou régulièrement.

C’est ainsi que nous essaierons de faire en sorte que notre marché devienne un lieu d’échange et de rencontre.

PS. Certaines de ces remarques et impressions ont été confirmées lors du marché du 28 avril 2005.

La pression exercée par certaines personnes ne permet pas toujours un bon fonctionnement du marché. Certains bénévoles, et notamment l’auteur de cette note, sont souvent épuisés pour ne pas dire écœurés. Mais en fait, la misère matérielle et morale est tellement grande qu’on ne peut demander à certaines et à certains d’entrer vraiment dans le jeu. La misère est quelque chose qui exclut de la société.

La pauvreté par contre est une situation qui peut faire réagir, qui permet de faire découvrir des notions de partage, de solidarité. Voilà pourquoi il faut tenir bon, entraîner nos amis et connaissances, établir une sorte de rapport de forces qui permet aux exclus de retrouver une dignité, une reconnaissance sociale.

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