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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 1094 - janvier 2009

 

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N° 1094 - janvier 2009

Au fil des jours   (Afficher article seul)

Jean-Pierre Mon passe de l’aggiornamento des démocrates états-uniens à l’aggravation de la situation des SDF européens et japonais.

Bonne année 2009 !   (Afficher article seul)

Marie-Louise Duboin voit venir une année sombre. Raison de plus pour redoubler d’efforts.

De la soumission à la renaissance ?   (Afficher article seul)

Bernard Blavette, en faisant appel à quelques penseurs, cherche à comprendre pourquoi tant de gens sont persuadés ”qu’il n’y a pas d’alternative”.

Cri du cœur   (Afficher article seul)

L’avenir du vivant dévasté   (Afficher article seul)

Christian Aubin observe qu’alors que les chercheurs scientifiques commencent à découvrir l’intérêt pour tous de la biodiversité, de grandes multinationales ont déjà tout compromis, à leur seul profit.

La rafle du Vel d’Hiv n’est pas si lointaine...   (Afficher article seul)

Emmanuelle lance l’alerte en racontant ce qu’elle a vu à Grenoble.

Vers une crise sociale majeure ?   (Afficher article seul)

Jean-Paul Alletru, prévoyant les conséquences des mesures du gouvernement, rappelle que l’union fait la force.

La crise financière   (Afficher article seul)

Henri Muller signe son dernier article, dans un ultime effort pour montrer les avantages d’une monnaie qui ne circulerait pas.

Mon ami Henri Muller   (Afficher article seul)

Georges Gaudfrin évoque le souvenir de son ami récemment disparu.

Sortir du coma    (Afficher article seul)

Gérard-Henri Brissé rappelle ses propositions d’urgentes mesures à prendre, à tout niveau.

Crise du logement, crise de société   (Afficher article seul)

Langue de bois   (Afficher article seul)

Mes paysages d’antan   (Afficher article seul)

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Au fil des jours

par J.-P. MON
31 janvier 2009

La gauche capitaliste

C’est le titre de la rubrique Carte Blanche du Monde, le 10 décembre. Philippe Askénazy, Directeur de Recherche au CNRS, y expliquait comment, aux États–Unis, le Parti démocrate, contrairement au Parti socialiste français, s’est maintenant complètement décomplexé et assume des « fondamentaux de centre gauche rénovés », dont la création d’un salaire minimum fédéral, « clone du smic français menacé », automatiquement indexé, et que le président élu Obama s’est engagé à porter en 2011 à 1.400 dollars (à peu près 1.000 euros) par mois pour un emploi à 34 heures par semaine (un plein temps chez Wal-Mart). Le programme éducatif démocrate se rapproche étonnamment du modèle que Darcos cherche à détruire en France. La question de l’immigration, qui « tétanise la gauche de gouvernement en France », est abordée de manière tout à fait nouvelle : les démocrates veulent refaire de l’Amérique une « nation d’immigration » et proposent aux sans papiers non seulement une régularisation mais aussi une « véritable voie vers la citoyenneté ». Comme le fait remarquer Askenazy, « cette affirmation politique est encore impensable en France » ; elle est pourtant porteuse de gains économiques pour l’économie américaine, comme l’a été pour l’Espagne, au cours du premier mandat de Zappatero, la régularisation massive des sans papiers qui s’est traduite par des milliards d’euros d’impôts et de cotisations sociales. En bref, résume Askenazy « impôts, santé, recherche… de nombreux autres pans du programme d’Obama ont une tonalité plus proche du projet de Nouveau Parti anticapitaliste de Besancenot que de celui esquissé par les différentes motions du PS ».

Il ne faut cependant pas se faire d’illusion : Obama n’est pas anticapitaliste. C’était le candidat préféré des capitalistes qui ont amplement financé sa campagne parce qu’ils ont compris que la politique d’exacerbation des inégalités et de suppression des services publics devenait dangereuse et qu’il fallait désormais une politique « faisant passer la société avant l’économie ». Les capitalistes français, eux, sont restés pour la plupart « arc-boutés sur des visions autoproclamées économico-efficientes, alors qu’elles ne sont que des lambeaux d’idéologies du siècle dernier »… que la “gauche de gouvernement” continue à vénérer.

Quant à la politique menée par l’équipe à la botte de Sarkozy, elle ne va pas tarder à se trouver en complète opposition avec celle menée aux États-Unis. Mais, sans attendre, « les forces progressistes françaises doivent construire une doctrine rénovée ».

Apparemment ça n’en prend pas le chemin !

La situation des SDF s’aggrave en Europe

Dans plusieurs pays européens, la récession a aggravé la situation des sans-abri.

Au Royaume-Uni, qui subit sa pire crise économique depuis 1946, un nombre grandissant de foyers sont incapables d’assurer le remboursement de leur prêt hypothécaire et on estime qu’en 2009, 75.000 familles pourraient perdre leur logement. Les associations caritatives évaluent à 400.000 le nombre de SDF fin 2008.

L’Italie s’appauvrit et les bénévoles qui distribuent des repas dans tout le pays constatent qu’ils ont désormais à faire à une nouvelle population : « Nous ne distribuons plus seulement l’aide alimentaire à des immigrés ou à des personnes qui vivent dans la rue, mais à des gens qui possèdent une maison et des revenus ».

Le système D japonais

Deuxième puissance économique mondiale, le Japon est tout autant touché. Il y a 20 ou 30 ans, avant que le capitalisme ne se déchaîne au niveau mondial, le “pays du Soleil levant” était souvent cité en exemple pour l’attention qu’il portait à ses vieux. Dans les entreprises, le “coin de la fenêtre” était célèbre, c’est la place que l’on réservait aux vieux travailleurs, alors assurés d’un emploi à vie.

Un peu plus tard, le gouvernement japonais « exportait » ses vieux avec un bon pécule vers des pays accueillants, au climat agréable, pour y constituer en quelque sorte des colonies de vacanciers permanents. Cela faisait un peu de place dans les entreprises.

Las ! il fallut bien un jour que le Japon adopte les règles du capitalisme triomphant : fini l’emploi à vie, baisse des retraites et des pensions (mais hausse des cotisations), creusement des inégalités … Avec une conséquence inattendue : l’augmentation de la délinquance des personnes âgées. Le nombre de personnes âgées reconnues coupables de crimes et délits a été multiplié par 5 en 20 ans alors que cette population a simplement doublé pendant cette même période. Une enquête commandée par le ministère de la justice montre que « les plus de 65 ans sont arrêtés aussi bien pour des vols que pour des agressions ou des homicides » et que « la principale cause de cette délinquance est le manque de ressources ». « Je voulais économiser mon argent », ou « J’avais faim » expliquent les personnes condamnées pour vol. Beaucoup tombent dans la délinquance pour aller en prison : là, ils auront droit à 3 repas par jour et le personnel s’occupera d’eux. Certains, sans famille ni relation, volent chaque fois qu’ils sont remis en liberté. « Je ne sais comment faire pour obtenir de l’aide du gouvernement. Le vol, je connais. Alors, je vole », dit l’un d’eux. « En prison, on peut dormir, manger et travailler », dit un autre. Le gouvernement japonais envisage de créer des centres spéciaux pour accueillir les prisonniers âgés et quelques associations engagées dans l’aide aux SDF élargissent leur champ d’action aux personnes âgées seules. Mais les mesures prises sont insuffisantes.

Encore heureux que les prisons japonaises soient décentes, contrairement à celles de notre beau pays !

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Bonne année 2009 !

par M.-L. DUBOIN
31 janvier 2009

Les perspectives pour l’année qui commence sont tellement sombres que la nouvelle équipe de La Grande Relève tient à exprimer à ses lecteurs encore plus de bons vœux que les autres années…

…Tout en leur rappelant qu’il y a longtemps que leur journal avait dénoncé les causes de ce qu’on appelle “la crise”.

Mais lucides ou aveuglés, nous sommes tous dans la même galère, ou plutôt sur le même Titanic, ceux de la classe “bling-bling” profitant encore d’une sinécure : une idéologie stupide pousse les foules à détruire les vraies richesses pour courir se disputer des leurres.

Si dans ces colonnes, inlassablement depuis plus de soixante dix ans (c’est la crise des années 30 qui, grâce à l’éclairage de Jacques Duboin, nous a ouvert les yeux), nous nous efforçons, sous diverses formes, selon les circonstances et selon nos sensibilités, de faire appel tant au bon sens et à l’innovation, qu’au souci des autres et de l’avenir, c’est bien dans l’espoir d’être entendus à temps pour éviter la situation dramatique qui s’annonce.

Malheureusement, malgré les milliers et les milliers de lecteurs que nous avons alertés, nos voix semblent se perdre dans le désert. Bernard Blavette, ci-dessous, essaie de trouver l’explication de cette inertie du public dans l’éducation, constatant que les enfants, dès le plus jeune âge, sont incités à se soumettre au monde plutôt qu’à le remettre en question… Mais il y a urgence, comme le crie Philippe Robichon, tandis que Christian Aubin alerte sur des aspects mal connus des dangers auxquels nous sommes tous exposés, et que Gérard-Henri Brissé propose des mesures d’urgence.

Ce n’est donc pas le moment de se laisser aller, ce qui signifie laisser faire.

Nous avons tous les arguments nécessaires pour convaincre les gens de bonne foi que ce qu’on appelle la “crise” est la preuve flagrante de l’échec d’un système vieux d’un peu plus de deux siècles, et qui n’a que trop longtemps régné. Et montrer qu’on nous a trompés en nous promettant que la croissance nécessaire au capitalisme allait apporter de meilleures conditions de vie partout dans le monde, y supprimer la misère, et qu’il fallait pour cela aider les entreprises et faire crédit…aux banques !

Pas un seul de nos lecteurs ne devrait plus supporter d’entendre affirmer que la seule alternative au capitalisme ne peut être qu’une dictature stalinienne. Et tous, devant l’évidence qui ouvre enfin, mais de force, d’autres yeux que les nôtres, sont en mesure de soutenir que la seule issue raisonnable à cette “crise” c’est oser se débarrasser de la dictature de la finance, pour inventer, jusque dans l’économie, la vraie démocratie.

Pour que cette voie de salut se fasse entendre avant que toute raison soit paralysée par la violence, dont la menace est de plus en plus sensible, il faut faire connaître nos propositions, qu’on en parle, qu’on en discute au lieu d’affirmer “qu’il n’y a pas d’alternative”. C’est le moment parce que les gens s’interrogent, ils cherchent une sortie, ils ont besoin d’un projet porteur d’espoir : ils en manquent tellement… et c’est précisément ce que nous apportons !

Alors, comment faire augmenter, malgré la récession, le nombre de nos abonnés ?

Du côté des rédacteurs, le bilan de l’année 2008 est très encourageant, car notre équipe s’est élargie à de nouvelle plumes… qui font le poids. Et nous avons espoir que cela fasse boule de neige. Avec de nouveaux rédacteurs, tous bénévoles et motivés, nous allons pouvoir élargir encore nos réflexions. Et l’accord de la Commission paritaire de la presse vient de nous être renouvelé pour cinq ans. Mais nous ne remettrons pas le journal dans les kiosques, il y était étouffé, et les nouvelles conditions imposées par les NMPP ont pour effet de décourager tout ce qui n’est pas la “grande presse”.

Côté financier, nous réduisons les coûts de fabrication jusqu’à réaliser bénévolement la mise en pages sans professionnels, tout en nous efforçant de soigner la rédaction et la présentation. Mais évidemment pas l’impression, dont on voit mal comment en diminuer le coût. Et les tarifs postaux pour la Presse vont subir une forte hausse au cours des 7 prochaines années, la première dès ce mois-ci, il en a été ainsi décidé en juillet dernier ! Sans publicité payante, ni subvention, pour être libres de nous exprimer, nous ne continuons que grâce aux lecteurs qui nous soutiennent en abondant à la souscription permanente. Ils nous permettent aussi de servir des abonnements gratuits (personnalités diverses, dont on aimerait quelque soutien en retour, bibliothèques, centres sociaux, anciens rédacteurs, personnes financièrement démunies mais qui “renvoient l’ascenseur” en nous faisant connaître autour d’eux, etc).

Nous saisissons toutes les occasions, conférences-débats en particulier, pour présenter le journal au public.

Mais c’est sur vous, les abonnés, qu’il faut compter, sur votre zèle à saisir, dans votre entourage, toute occasion de parler de nos propositions, par exemple en profitant d’interrogations sur la crise financière actuelle pour faire découvrir nos propositions par la lecture de la Grande Relève et du livre Mais où va l’argent ?

« Ah, que l’année nouvelle serait bonne si chacun de nos abonnés actuels en faisait un nouveau ! » disait André Prime, notre ami si regretté. Faisons survivre son espoir, souhaitons-nous un très bon an neuf !

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Mais pourquoi tant de gens pensent-ils “qu’il n’y a pas d’alternative” ? Comment ont-ils été persuadés que les règles économiques actuelles sont aussi impénétrables qu’intouchables ? Pourquoi admet-on si facilement qu’il est impossible de changer notre système financier, qui s’avère catastrophique, et qu’on ne peut, au mieux, que chercher comment le réglementer ? Bernard Blavette a entrepris de mener l’enquête en faisant appel à quelques penseurs reconnus.

De la soumission à la renaissance ?

par B. BLAVETTE
31 janvier 2009

Le bébé humain est en quelque sorte un prématuré : de tous les êtres vivants, il est celui qui parvient à l’âge adulte le plus tardivement, après au moins 15 ans d’apprentissage. Durant cette longue période il va subir quasiment sans défense un conditionnement intense. Dès sa naissance lui seront imposés une langue, une culture, un environnement socio-économique qu’il n’aura pas choisis. Plus tard le milieu familial et le système éducatif lui enseigneront le bien, le beau, le bon, le raisonnable, sans qu’il puisse réaliser que toutes ces notions sont éminemment contingentes et relatives.

Ainsi, dès la plus tendre enfance, à cette période de la vie où le cerveau est particulièrement réceptif, où les impressions perçues et les expériences vécues génèrent des traces souvent indélébiles, le petit humain est habitué à la soumission, à ne pas remettre en question ce qui lui apparaît comme des évidences.

Les pouvoirs en place, qu’ils soient religieux, politiques ou économiques, vont bien entendu tout faire pour accentuer ces tendances. Pendant plus d’un millénaire le christianisme a exercé une dictature absolue sur les esprits en réglementant la vie des individus de la naissance à la mort, envahissant le domaine de l’art, qui ne pouvait être que religieux, et celui de la science, soumise au joug des dogmes divins.

Aujourd’hui l’humanité ne s’est libérée de la tyrannie des religions révélées (et encore pas sur l’ensemble de la planète) que pour se mettre au service de l’idéologie capitaliste qui, tout comme les religions, se prétend la traduction d’un “ordre naturel supérieur” cette fois, un utilitarisme étroit reposant sur un scientisme réducteur. Une nouvelle oligarchie dominante est née, un nouveau clergé constitué de politiciens, de dirigeants de multinationales, de maffieux, de membres éminents du complexe médiatico-publicitaire…

Selon Albert Camus le stade suprême de l’aliénation est atteint lorsque les dominés, ignorant leur servitude, se considèrent comme des hommes libres [1]. Là se trouve le cœur de la stratégie des nouveaux pouvoirs : on habille les peuples d’un simulacre de démocratie en concédant périodiquement des élections qui se résument au choc de quelques ambitions antagonistes et, entre deux scrutins, aucun contre-pouvoir du fait de la collusion entre partis politiques, de la faiblesse du mouvement social, de l’individualisme généralisé. De plus les nouvelles technologies permettent d’étendre la surveillance : caméras, radars, puces électroniques…

Comme tout pouvoir illégitime, le système dominant a aussi besoin d’une propagande : c’est le rôle dévolu aux médias et à la publicité qui travaillent la main dans la main. Il s’agit pour le complexe médiatico-publicitaire non pas de rendre compte de l’actualité, mais de “fabriquer” celle-ci en mettant l’accent sur des événements souvent dérisoires. Rappelons nous simplement, il y a quelques années, le battage médiatique pendant des semaines autour des frasques sexuelles d’un Président des États-Unis. Ainsi Cornélius Castoriadis pouvait-il affirmer : « Le pire ennemi de la vérité n’est pas le mensonge, mais l’insignifiance ».

On peut aussi distordre la réalité avec le concours “d’experts indépendants” qui, en réalité au service de puissants groupes de pressions, présenteront comme une vérité scientifique ce qui n’est que le résultat de prises de positions idéologiques : ainsi va le débat sur les manipulations génétiques, l’énergie nucléaire, l’organisation de l’Europe…

De son côté, la publicité s’efforce d’influer sur nos comportements, de conditionner notre mode de vie, de susciter des pulsions d’achat et des envies fugaces. La consommation, totalement déconnectée des besoins réels devient une fin en soi, une façon d’exister, de faire taire ses angoisses. Et qu’importe si 2 milliards d’humains vivent avec moins de 2 dollars par jour, pourvu qu’à chaque fin d’année un quelconque Téléthon nous permettre de nous ruer, la conscience apaisée, sur notre ration de nouveaux gadgets “vus à la télé”.

Mais ce conditionnement n’est évidemment pas absolu, et il s’est toujours trouvé une minorité pour contester l’ordre imposé du monde, et tenter de conduire les populations vers une prise de conscience.

Platon estimait que « nul ne commet le mal volontairement, mais seulement par ignorance ». Cette idée sera reprise au XVIIIème siècle par les Encyclopédistes et, dès le début des années 1870, la Ligue de l’Enseignement organise une “éducation populaire” autour du slogan “comprendre pour agir”. Au cours du XXème siècle et jusqu’à nos jours des initiatives identiques vont se multiplier : les clubs Léo Lagrange dans les années 30, les Maisons de la Culture, le Théâtre National Populaire, aujourd’hui des associations diverses interviennent dans le même sens…

En fait l’idée sous jacente qui réunit ces différentes démarches consiste à considérer que pour échapper au conditionnement permanent et quotidien source de la soumission, il faut non seulement comprendre les mécanismes de l’univers qui nous entoure, mais aussi prendre du recul, parvenir à une distanciation par rapport au monde, qui seule permet de développer l’esprit critique, d’approcher l’impartialité : c’est ce que certains philosophes nomment “Le point de vue de Sirius”. Voltaire est probablement l’inventeur du concept puisque dans son roman Microméga il décrit le regard qu’un étranger venant de l’étoile Sirius porte sur notre monde. Beaucoup plus près de nous les éditoriaux d’Hubert Beuve-Méry dans Le Monde s’intitulaient “Le point de vue de Sirius”.

Pourtant force est de constater, au regard de notre situation actuelle, que les résultats de ces efforts sont minces. Pire, au cours du XXème siècle l’idéologie la plus tragique de toute l’histoire de l’humanité, celle qui a poussé le plus loin l’exigence de soumission des peuples conquis, le nazisme, ne prendra pas naissance dans un état arriéré, peuplé d’analphabètes, mais dans un pays de vaste et ancienne culture, patrie de Beethoven, Goethe… Pire encore les SS, le corps d’élite le plus fanatique, furent recrutés essentiellement parmi les couches instruites de la population et comprenaient de nombreux universitaires [2]. L’histoire nous montre que l’on peut parfaitement, le soir, apprécier en connaisseur un opéra et, le lendemain matin venu, aller diriger un camps de concentration…

Une explication approfondie de cet échec de la culture à réduire les pulsions dominatrices et les réflexes d’acceptation et de soumission , sortirait du cadre de ce texte et des compétences de son rédacteur, cependant on peut néanmoins amorcer un éclairage à partir de certaines expériences vécues.

Dans son dernier ouvrage auto-biographique, Pelures d’oignons, l’écrivain et prix Nobel allemand Gunter Grass avoue s’être engagé dans les SS à l’âge de 17 ans et il s’efforce de cerner ses motivations d’alors. Gunter Grass explique que, né dans une famille pauvre, il passa toute sa jeunesse dans un appartement sans confort (toilettes répugnantes sur le pallier précise-t-il). Adolescent il n’avait connu que des vêtements usagés et ses parents, voyant toujours en lui un enfant, l’obligeait à porter des culottes courtes. Il avait une conscience aiguë de sa condition, se sentait profondément humilié, et n’aspirait qu’à prendre le large. Brusquement les nazis lui proposent de faire de lui un homme dans un uniforme impeccable, lui offrent des conditions de logement dont il se souvient d’avoir été ébloui : ordre, propreté, gymnase… La propagande aidant il se sent un homme nouveau, respecté, investi d’une mission…

Ce récit est singulièrement révélateur : les comportement humains, le plus souvent, sont fondés sur des expériences de vie particulières, des impressions, des frustrations. Il y a bien là une logique mais différente de celle enseignée par l’éducation populaire. Cette dernière propose une analyse du monde fondée sur la raison, une éthique reposant sur des valeurs philosophiques considérées comme universelles, mais il y a un décalage, une différence d’approche par rapport aux expériences uniques et individuelles de la vie de tous les jours vécues par chaque individu. D’où la difficulté de convaincre et les échecs de l’éducation populaire.

Mais pour qu’il y ait des dominés, il faut aussi que certains, développant des egos surdimensionnés, adoptent des comportements prédateurs. L’histoire regorge de tels individus de même que notre époque contemporaine, et notre espèce semblent dans l’incapacité de réfréner ce goût pour la domination, cette tendance qui nous force à tenter de satisfaire à n’importe quel prix nos désirs d’appropriation.

La pensée de Spinoza, avec son concept de “conatus” [3], offre probablement une bonne base de départ pour commencer à cerner cette constante anthropologique de notre espèce. Selon ce philosophe le “conatus” peut être considéré comme la pulsion même d’exister ressentie par tous les êtres vivants, le désir irrépressible de se développer et de persévérer dans son être par tous les moyens. Ici la raison n’a plus cours, seule compte la lutte entre conatus antagonistes pour l’expansion infinie assimilée à la survie.

C’est ce conatus qui est à l’œuvre chez les conquérants, d’Alexandre le Grand à Hitler en passant par Napoléon : s’emparer de toujours plus de territoires même au prix du massacre des peuples. La même pulsion se manifeste de nos jours dans le cadre capitaliste qui pousse financiers, spéculateurs, à une accumulation financière infinie au détriment des plus démunis. Ce comportement compulsif, totalement irrationnel, est pour partie responsable de la crise financière que nous vivons [4].

Mais, objectera-t-on avec raison, bien que chaque individu possède son propre ego, tout un chacun n’est pas la proie d’un désir de domination irrépressible. Nous en revenons là au début de ce texte qui pointait l’importance des premières années d’apprentissage, au début de la vie. En effet selon le sociologue Bruno Viard « l’être humain ne peut vivre s’il doute complètement de sa valeur, et si sa mère et son père ne lui en ont pas accordé suffisamment dans son jeune âge, il restera obsessionnellement dépendant de l’estime des autres » [5]. Ce sont donc les toutes premières expériences de l’enfance, les blessures ou la qualité des soins qu’il aura reçus, qui feront qu’il s’engagera dans la voie de la coopération ou de la compétition forcenée, vers une harmonie dans le vivre ensemble ou vers le désir de plier son entourage ou l’humanité entière à sa volonté, afin de prouver de manière éclatante à chacun et à lui même sa supériorité.

Encore une fois ce texte n’a pas la prétention de cerner de façon exhaustive en quelques lignes des questions qui occupent philosophes, sociologues, psychologues depuis des siècles, mais simplement de donner au lecteur quelques éléments lui permettant d’interpréter des comportements que chacun peut constater journellement dans son entourage immédiat ou dans l’actualité. De même pour les acteurs de l’éducation populaire il est crucial de tenter d’expliquer les difficultés rencontrées.

Il y a 2.400 ans les philosophes grecs jetaient les bases des grandes questions philosophiques qui nous occupent toujours aujourd’hui : justice, démocratie, responsabilité individuelle ou collective… Après plusieurs millénaires nous n’avons que très peu progressé dans l’organisation harmonieuse du vivre ensemble, surtout lorsqu’il est apparu, du fait de la catastrophe écologique que nous vivons, qu’il ne s’agissait pas uniquement de traiter des relations entre êtres humains mais aussi de nos relations avec l’ensemble du vivant qui nous entoure, et sur lequel notre espèce exerce une domination féroce.

Aujourd’hui l’aventure humaine peut fort bien sombrer dans le chaos qui se profile, et les échéances se rapprochent dangereusement.

Aurons-nous la volonté de nous défaire de cet « esprit du capitalisme » fondé essentiellement sur l’exploitation des rapports de force, sur une sauvagerie qui nous vient du fond des âges et qui va jusqu’à faire monter en nous la honte d’appartenir à l’espèce humaine ?

Aurons-nous la volonté de secouer cette servilité, cette servitude souvent volontaire qui selon Etienne de La Boëtie nous rend « receleurs du larron qui nous pille, complices du pouvoir qui nous tue, et traîtres à nous-mêmes » [6] ?

Aurons-nous, comme nos ancêtres, l’audace d’initier une nouvelle renaissance qui, faisant le lien entre les enseignements du passé et les connaissances d’aujourd’hui, permettrait de mettre fin aux désordres les plus intolérables qui nous affligent : confusion éthique, misère du plus grand nombre, destruction de la biosphère… ?

Un minimum de lucidité nous oblige pourtant à rappeler que tout accouchement est un arrachement impliquant un saut dans l’inconnu, une part de souffrance et même de violence qu’il nous faudra assumer de notre mieux par un indispensable approfondissement de notre sens moral.

L’écrivain Aldoux Huxley estimait que la révolution la plus radicale, la plus cruciale pour l’avenir, serait interne à l’être humain, et il est vrai que les acteurs de la transformation sociale ont trop souvent négligé sa dimension personnelle. À cet égard nous pourrions peut-être nous tourner avec profit vers ces philosophies d’origine orientale qui reposent sur la maîtrise de soi, un grand respect pour le vivant, une sobriété volontaire, et un certain détachement au monde qui n’est pas incompatible avec un sentiment d’appartenance à l’univers dans sa globalité.

Par la science et la technique nous avons acquis un pouvoir, mais ce pouvoir implique inexorablement notre responsabilité vis à vis du présent comme du futur [7].

Rien n’est écrit d’avance, l’avenir demeure ouvert, tout dépend de nous…

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[1] Albert Camus L’homme révolté

[2] Arno J. Mayer : La “solution finale” dans l’histoire, Ed. La Découverte.

[3] Spinoza : Ethique III, proposition 6.

[4] Frédéric Lordon : La politique du capital, Ed. Odile Jacob.

[5] Revue du MAUSS : De la reconnaissance, N°23 p. 302. Ed. La Découverte.

[6] Etienne de La Boëtie : De la servitude volontaire.

[7] Lire sur ce thème l’incontournable ouvrage du philosophe allemand Hans Jonas Le principe de responsabilité.

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Cri du cœur

par P. ROBICHON
31 janvier 2009

L’inquiétant, ce n’est pas la capilotade financière : c’est que la terre entière se cache la tête dans le sable pour ne pas voir le pire, c’est que si nous n’apprenons pas à vivre autrement, nous disparaîtrons en tant qu’espèce ! Trop bêtes, trop inadaptés, trop saccageurs. Les salopards qui continuent à nous droguer avec le mot croissance, comme si elle ne pouvait être que continue, sont comme des moutons qui souhaitent emmener le troupeau à l’abîme avec eux !

La finance, on s’en fout. La fonte des pôles, le CO2, la faim des Africains, l’eau qui manque, les deltas inondés, c’est quand même un peu plus sérieux.

Que de chômeurs à qui on fait croire qu’ils n’ont pas droit, comme les “actionnaires”, à un dividende !

La gauche me fait vomir : jamais elle n’a eu autant de chances de dire des choses révoltantes au sens propre du mot : qui entraîne la révolte.

À quand des casseurs de Bourses ?

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« Nous changeons la planète plus vite que nous la comprenons » a écrit Peter Vitousek, biologiste de Stanford. C’est ce que développe ici Christian Aubin : alors que les recherches scientifiques et l’étude du vivant commencent seulement à nous faire percevoir quelle formidable mine d’exploitations intelligentes et bénéfiques pourrait être la biodiversité, les grandes multinationales ont déjà tout compromis, et à leur seul profit.

L’avenir du vivant dévasté

par C. AUBIN
31 janvier 2009

L’interactivité par des signaux chimiques est caractéristique de la vie. Elle permet aux espèces non seulement de se développer mais surtout de survivre. Elles doivent répondre, pour cela, à toute une série de nécessités, en particulier l’adaptation au milieu, lui-même sujet à toutes sortes de changements.

Une nouvelle discipline, “l’écologie chimique” est née au cours des années soixante, à la suite de recherches sur la communication chez les insectes. Elle s’est intéressée à l’étude des divers aspects de la communication chimique dans le monde vivant et donc des médiateurs chimiques émis par les végétaux et les animaux [1].

Les molécules actives, qui font office de médiateurs, peuvent être de type attractif, comme les phéromones ou autres messagers régissant les relations sexuelles et la différenciation en castes chez les insectes ; elles peuvent aussi être de type répulsif, comme les défenses chimiques, messagers régissant les relations de compétition entre espèces.

Les relations plantes-insectes

Pour assurer leur survie, les végétaux peuvent synthétiser des substances dont la fonction majeure est de faire office de barrière défensive contre les herbivores. Les stratégies sont multiples, allant de la production de toxines, qui empoisonnent, à des produits plus complexes qui interfèrent avec le cycle de croissance de l’attaquant, ou avec sa capacité à digérer la plante.

D’autres substances contrôlent la mue chez les insectes. Au Kenya, par exemple, on a observé qu’après certaines invasions de criquets migrateurs, toute la végétation était détruite ou consommée, à l’exception de l’herbe à buffle : des insectes, nourris en laboratoire avec cette plante, donnent naissance à des adultes à plusieurs têtes qui ne survivent pas !

On a observé que les stratégies de pollinisation sont le résultat d’une très longue co-évolution entre plantes et insectes, parfois vieille de plusieurs millions d’années. Si l’identification de la fleur se fait avant tout grâce à la forme, aux couleurs, au parfum, le mimétisme chimique peut être également impliqué : ainsi, de nombreuses espèces d’orchidées d’Europe miment la forme et l’odeur des femelles d’abeilles ; elles produisent des molécules très voisines de celles qui entrent dans la composition de la phéromone sexuelle de ces insectes : dupé par ces informations trompeuses, le mâle de l’abeille tente de s’accoupler avec l’orchidée, et par ces pseudocopulations la plante assure sa pollinisation.

Les relations plantes-plantes

Un chercheur de l’Université de Washington, Clarence Ryan, a montré que chez plusieurs espèces de tomates, lorsque des insectes commencent à mâcher les feuilles, une substance est libérée au niveau de la blessure ; cette substance est diffusée dans toute la plante où elle induit la production d’une autre substance qui rend la plante indigeste pour les insectes.

De ces observations est né le concept de communication chimique intraspécifique (entre les plantes d’une même espèce). Ainsi lorsqu’un saule subit une attaque massive par des chenilles, la qualité nutritive des feuilles des saules voisins diminue : en froissant ou déchirant les feuilles de jeunes peupliers, on constate très rapidement une augmentation de la teneur en composés phénoliques anti-appétants et indigestes chez les plantes non agressées : elle atteint une valeur dix à vingt fois supérieure à celle nécessaire pour stopper ou prévenir une attaque de chenilles. Ces substances sont, par leur action, semblables aux phéromones d’alarme des insectes.

J-M Pelt [2] donne des exemples plus étonnants les uns que les autres. Il laisse entrevoir l’ampleur de ce qui nous reste à découvrir et comprendre des mécanismes du vivant, à mettre à profit pour préserver les écosystèmes, la biodiversité, la santé publique et la sécurité alimentaire de l’humanité.

La marchandisation du vivant

Mais hélas cette vision positive et optimiste ne suffit pas à stopper une très lourde menace : la logique dévastatrice de l’économie capitaliste triomphante ! Celle-ci tient pour négligeable la formidable richesse portée par l’évolution du monde vivant, dont nous sommes temporairement les détenteurs. Elle a ainsi entrepris, entre autres perversions, de soustraire par le brevetage du vivant, les produits de la nature aux population qui l’entretiennent et dont elles vivent depuis des siècles.

Cette “biopiraterie” constitue une nouvelle forme de colonisation, pratiquée à l’échelle planétaire par des entreprises sans scrupule. Les brevets déposés sur l’exploitation de végétaux font l’objet d’une compétition acharnée entre multinationales [3]. Ainsi, un paysan indien peut être légalement condamné à devoir des royalties à une entreprise américaine :

Les haricots de Larry

Voici l’exemple édifiant par lequel la réalisatrice Marie-Monique Robin aborde, dans son documentaire Les Pirates du Vivant, (grand Prix du Figra 2006), la privatisation du vivant, un phénomène qui se développe sur toute la planète : Larry, touriste américain, va passer des vacances au Mexique. Il y achète un paquet de haricots jaunes, aliment typiquement local, de couleur inconnue aux États-Unis. De retour chez lui, il en cultive quelques graines, ce qui lui permet de présenter sa production à l’Office des brevets américain et se faire déclarer “l’inventeur de l’espèce aux États-Unis”. Il obtient ainsi un brevet, un bout de papier qui l’autorise désormais à réclamer aux paysans mexicains, qui le cultivent depuis des générations, des droits sur leurs exportations de haricots jaunes vers les États-Unis.

Des entreprises aux États-Unis, en Europe et au Japon (ces trois régions cumulent 90 % des droits de propriété intellectuelle) privent ainsi des populations du Sud de l’exploitation de leurs savoirs ancestraux et de leurs ressources naturelles. Les pays les plus touchés sont ceux où la biodiversité est riche mais les lois pour la protéger inexistantes (Brésil, Mexique, Inde, Malaisie).

Une agriculture industrielle devenue dévastatrice

En basculant dans l’agriculture industrielle dévoreuse de pesticides, la France est devenue un dépotoir [4]. Ses rivières, ses sols, son air, ses pluies et ses brouillards se sont peu à peu chargés de poisons. L’eau dite potable est imbuvable dans des régions entières et quantité de résidus ne peuvent plus être éliminés. Il faut avaler, de gré ou de force, dans l’alimentation courante (fruits, légumes, céréales) un grand nombre de molécules dangereuses pour la santé humaine.

Or dans les missions de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), fondé en 1946, entrent « les questions liées à l’agriculture, à l’alimentation et à la sécurité des aliments », comme on peut le lire sur le site [5] officiel de cet « organisme de recherche scientifique publique finalisé ». Et pourtant la Présidente et Directrice de cet institut, Marion Guillou, a déclaré, dans un entretien rapporté [6] par le journaliste F.Nicolino : « Il faut bien comprendre que l’INRA n’a jamais travaillé sur les molécules actives qui entrent dans la fabrication des pesticides. Nous n’avons pas de chimistes à l’INRA, ou si peu que je n’en connais aucun. Dans son histoire, notre institut s’est très vite concentré, entre autres, sur la génétique et l’agronomie. L’INRA estimait qu’il existait des industries chimiques compétentes, qui savaient ce qu’elles faisaient, et que la question des pesticides était avant tout la leur »…

Je trouve cette situation tout-à-fait sidérante. Ainsi des lobbyistes efficaces sont-ils parvenus à convaincre que l’intérêt privé se confond avec le bien commun, et à s’emparer de tous les leviers du pouvoir d’une entreprise de contamination généralisée. Et ils ont trouvé pour cela les portes ministérielles largement ouvertes, comme le montre le sort de la Commission française du développement durable (CFDD) :

La Commission française du développement durable

Cette commission indépendante, consultative, placée auprès du Premier ministre, a été créée le 29 mars 1993 dans le cadre du programme Action 21 (article 38.40), adopté au Sommet de la Terre,à Rio en 1992. Elle avait pour missions de :

• définir les orientations d’une politique de développement durable,

• soumettre au gouvernement des recommandations ayant pour objet de promouvoir ces orientations,

• contribuer à l’élaboration du programme de la France en matière de développement durable.

Mais constatant « qu’il leur est devenu impossible d’assumer leurs fonctions comme auparavant, considérant qu’ils sont censurés, le président et la majorité des membres actifs de la Commission française du développement durable font savoir qu’ils ont décidé de cesser leurs activités au sein de cette commission. »

Et elle a été dissoute le 27 mai 2003.

Des centaines d’études publiées dans les revues scientifiques les plus sérieuses [7] montrent, sans contestation possible, que les pesticides, même à des doses infinitésimales, sont de graves poisons qui provoquent de nombreux cancers, bouleversent les systèmes immunitaire et endocrinien, limitent la fertilité, augmentent les risques de malformation intra-utérine.

Il est vraisemblable que des centaines de milliers de Français souffrent déjà de maladies liées aux épandages massifs de pesticides. Que l’on vive en ville ou à la campagne, de nombreuses molécules toxiques, mutagènes, cancérigènes, sont fixées dans nos graisses.

La France est le troisième consommateur mondial de pesticides [8], presque à égalité avec les États-Unis, mais avec une surface agricole 10 fois plus petite. Elle en est, avec la Hollande, le plus gros consommateur à l’hectare.

La nature, les grands équilibres de la vie, l’eau, les sols, les paysages et les animaux sont soumis aux exigences de rendement de l’agriculture industrielle, c’est-à-dire beaucoup d’engrais et énormément de pesticides.

Pour le vin, par exemple, on observe généralement des niveaux de contamination beaucoup plus élevés que les niveaux tolérés pour les pesticides dans l’eau du robinet [8].

L’ouvrage de Nicolino et Veillerette, déjà cité [6] éclaire sur les enjeux, les compromissions, les publicités mensongères et les rapports de forces qui ont conduit la France dans cette très grave situation.

La survie de l’humanité est compromise…

L’effrayante “maltraitance” à laquelle les activités humaines soumettent l’écosystème détruisent, et à très grande échelle, les processus vitaux si subtilement élaborés par l’évolution naturelle, et que l’écologie chimique a entrepris de nous révéler.

Les médiations chimiques d’association/compétition ne peuvent plus opérer dans un milieu et des sols dévastés.

Les stratégies de défense des plantes, qui ont été élaborées avec leur environnement au cours des millénaires et qui étaient, en grande partie, mises à profit empiriquement dans les agricultures traditionnelles, sont en train de disparaitre avec les variétés qui en sont (faut-il plutôt dire qui en étaient ?) les dépositaires.

Ce triste bilan de la destruction progressive de la biodiversité par une industrialisation motivée par la seule recherche du profit financier, est encore aggravé par l’introduction, à marche forcée, des cultures de plantes génétiquement modifiées (PGM, généralement désignées par OGM, pour organismes génétiquement modifiés), dont l’objectif est essentiellement de rendre les agriculteurs totalement dépendants des multinationales de l’industrie chimique (dominée par Monsanto et Novartis).

Des plantes, comme le soja ou le maïs, ont ainsi été génétiquement modifiées pour les rendre résistantes aux pesticides … et on va déverser à hautes doses ces pesticides sur les autres cultures, et détruire toutes espèces végétales.

Les agriculteurs deviennent ainsi totalement dépendants à la fois du fournisseur de semences OGM brevetées et du fournisseur du pesticide spécifique. Or ces deux fournisseurs sont en général la même firme, qui domine le marché international. Et qui en outre, proposera des doses massives d’engrais qui seront devenus indispensables pour faire pousser des plantes dans les sols totalement dévitalisés !

Ainsi, en détruisant la biodiversité (source de variétés naturelles qui sont adaptées aux changements environnementaux) ces processus mettent en grand danger la sécurité alimentaire des populations. En interdisant aux pauvres du tiers monde l’accès aux semences, ils les condamnent à être encore plus pauvres. Et ils mettent en péril la santé des hommes qui pratiquent ces cultures en milieu très toxique (que ce soit sur le terrain ou en confinement dans des serres), le plus souvent sans protection ni pour la peau, ni pour les voies respiratoires.

Jacques Testart, Directeur de recherche à l’INSERM, ancien Président de la CFDD [9], a fait cette mise au point [10] : « Les PGM ne sont en aucune façon la solution aux famines, lesquelles relèvent d’une distribution inégale des produits agricoles, et non de leur insuffisante production. Au contraire, les “pays en développement” qui recourront aux PGM se priveront encore davantage de leurs ressources vivrières et aggraveront leur dépendance par rapport aux pays riches à qui ils achèteront (cher) des semences et fourniront de la nourriture (surtout pour nos animaux). De façon générale, le progrès agronomique n’a aucun besoin des PGM. Il passe par la préservation des semences paysannes et la sélection des variétés les mieux adaptées à chaque terroir, par la rotation des cultures, les associations variétales dans le même champ, le non-retournement des sols, etc. »

On voit donc que ce qui est en question (en particulier au sein de l’Organisation Mondiale du Commerce) dans le contentieux sur le brevetage et l’appropriation privée du vivant, notamment par les procédés brièvement évoqués ci-dessus, c’est la capacité de survie de l’humanité : elle est compromise à seule fin de retirer d’énormes profits dans la logique capitaliste.

… alors que l’écologie chimique est prometteuse.

Les percées de l’écologie chimique sont porteuses d’applications nouvelles qui pourraient, sans doute, être développées à grande échelle.

Les scientifiques américains, les premiers, ont pressenti l’enjeu économique de l’utilisation des phéromones dans la lutte contre les insectes ravageurs.

Dès la découverte des premières phéromones, il y a plus de 40 ans, leur commercialisation et leur utilisation en protection des cultures se sont développées.

Selon B.Banaigs, déjà cité [1], leur emploi présente de nombreux avantages sur les pesticides chimiques ; elles sont spécifiques, non polluantes, biodégradables, inoffensives pour les animaux non-cibles et dépourvues d’effets secondaires.

Le nombre d’applications pratiques demeure cependant encore restreint.

Le marché de ces substances “sémiochimiques” (c’est le terme qui désigne les composés organiques, volatils, qui provoquent des réactions chez les individus, par voie externe), ne représente que moins de un pour cent du marché des insecticides chimiques.

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[1] Bernard Banaigs, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale à l’Université de Perpignan, site internet : http://perspectives.univ-perp.fr/spip.php ?article14

[2] .

[3] www.novethic.fr/novethic/v3/article.jsp ?id=104467

[4] NDLR : On trouvera des informations sur ce sujet dans les articles suivants de Caroline Eckert :
• “Bonnes vacances !” dans GR 1067 (juillet 2006),
• “Tour de France de la pollution ignorée” dans GR 1069 (octobre 2006),
• “Pesticides et publicités mensongères” dans GR 1080 (octobre 2007).

[5] Voir sur son site : www.inra.fr/l_institut/l_inra_en_bref

[6] .

[7] www.actuenvironnement.com

[8] www.confederationpaysanne.fr/pesticides_91.php

[9] et auteur d’un article paru dans GR 1093.

[10] dans L’Humanité du 25/3/2006.

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Le 14 décembre au soir, Daniela, médiatrice pénale, consultante-manager à l’Unesco, et formatrice à la Médiation et résolution des conflits, nous transmettait l’information suivante, envoyée par Emmanuelle, du réseau Éducation sans frontière :

La rafle du Vel d’Hiv n’est pas si lointaine...

par Emmanuelle
31 janvier 2009

Hier s’est produit un fait très grave à l’école du Jardin de Ville, à Grenoble. À 15h45, un père de 4 enfants (un moins de 3 ans, deux scolarisés en maternelle et un en CE1 à l’école du Jardin de Ville) est venu, accompagné de deux policiers en civil, chercher ses enfants, pour « un rendez-vous en préfecture », ont compris les enseignants

A 19 h, on apprenait que la famille au complet était au centre de rétention de Lyon. Ils y ont dormi.

Ils étaient injoignables hier soir.

On a réussi à les joindre tôt ce matin aux cabines téléphoniques du centre de rétention (qui, rappelons-le, est une prison). Ils étaient paniqués.

On a prévenu ce centre que la Cimade, seule association ayant le droit d’entrer dans les centres de rétention, irait voir la famille ce matin.

Arrivés au centre, les militants de la Cimade les ont cherchés, sans succès : la famille était en route pour l’aéroport, leur avion décollant une demi-heure plus tard.

Nous n’avons rien pu faire, nous attendions que les militants de la Cimade comprennent la situation de la famille, afin de pouvoir les aider en connaissance de cause.

Ils ont été expulsés ce matin.

Leurs chaises d’école resteront vides.

C’est une première en Isère : la traque des étranger-e-s pénètre dans les écoles.

Les seuls enfants en situation irrégulière sont ceux qui ne sont pas à l’école.

Nous vous demandons de bien vouloir faire circuler cette information le plus largement possible.

Personne ne doit pouvoir dire « on ne savait pas ! »

Merci.

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“Diviser pour régner” est le principe suivi par le gouvernement, dont les mesures font craindre une grave crise sociale.

En dénonçant avec véhémence cette politique et ces méthodes, Jean-Paul Alletru y réplique par un autre principe : “L’union fait la force”.

Vers une crise sociale majeure ?

par J.-P. ALLETRU
31 janvier 2009

Études à rallonge et emplois au rabais, avenir bouché : les jeunes n’ont pas accès au marché du travail. Les conditions sont pires que du temps de la génération précédente. On peut s’attendre à une vague de licenciements massifs : la révolte en Grèce a surpris par sa virulence et sa capacité à mobiliser une partie importante de la jeunesse du pays.

Modification des programmes et suppressions de postes sont très mal reçues dans l’enseignement secondaire. Les dotations budgétaires sont jugées insuffisantes ou inégalitaires dans le supérieur. La gigantesque machine de l’éducation nationale est-elle en train de se gripper de toutes parts ? En tout cas, les signes d’un mécontentement croissant se multiplient à tous les niveaux, et ce mécontentement gagne même les Présidents d’Université. Blocages d’établissements, bousculades, perturbations et incidents divers affectent le fonctionnement du secondaire un peu partout en France, des manifestations lycéennes nombreuses, répétées et insistantes, souvent nerveuses et ponctuées de scènes de violence.

Allons-nous vers une crise sociale majeure ? Non seulement en France, mais dans toute l’Europe ?

Les réponses apportées par le gouvernement à l’inquiétude des Français sont dérisoires : « Changez de voiture même si ce n’est pas nécessaire ! ». « Endettez-vous, grâce à nos prêts à taux zéro ». « Créez votre emploi ! »…

Non seulement Tête-à-Claques ne craint pas la confrontation, mais il l’espère. Il poursuit ses provocations : le travail le dimanche et la retraite à soixante-dix ans ne sont que les plus récentes. Il faut lui reconnaître qu’il est resté, avec les Devedjian, Alain Madelin et autres, fidèle aux “idéaux” de sa jeunesse — Quelle revanche ont-ils à prendre, ces champions de la lutte de la classe des nantis contre ceux qui n’ont à vendre que leur force de travail ? — Il l’espère, et il s’y prépare, systématiquement. Centralisation et renforcement des forces de police, multiplication des fichiers intrusifs, durcissement de la politique pénale. Abaissement des syndicats, atteintes au droit du travail, restrictions au droit de grève. Mainmise sur l’audiovisuel, d’une part grâce à ses amis qui possèdent les télés privées, d’autre part en s’arrogeant le droit de nomination et de révocation du Président de France Télévision.

Comme d’habitude, il va chercher à diviser les Français : les “privilégiés” qui disposent d’un logement en HLM alors qu’ils ont des ressources financières supérieures à la moyenne ; les fonctionnaires qui bénéficient de la sécurité de l’emploi quand ceux du secteur privé sont menacés ; les jeunes contre les vieux, etc.

Il pourrait y parvenir parce qu’il touche à un travers bien de chez nous : les citoyens qui s’intéressent à la chose publique adorent rechercher les points qui sont susceptibles de les distinguer les uns des autres. Un fossé s’est creusé entre ceux qui ont cru à l’émancipation des peuples par la révolution russe de 1917, quelque distance qu’ils aient prise par la suite, et ceux qui n’y ont pas cru. Ceux qui, au moment du référendum sur l’Europe, n’ont pas fait le même choix tactique, les uns en faveur du OUI, les autres pour le NON, font comme si une frontière les séparait pour l’éternité…

Alors qu’une crise sociale majeure est inéluctable et pleine de dangers, l’heure est au rassemblement. Même si son chef a su, par des promesses fallacieuses et des positionnements hypocrites, conquérir en 2007 une majorité, le gouvernement mène aujourd’hui une politique qui ne profite qu’à une toute petite minorité de la population. Au-delà des choix et de l’histoire des uns et des autres, il s’agit par-dessus tout de rester unis.

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L’article qui suit est, hélas, le dernier d’une longue série, qui se termine avec le décès de son auteur.

Henri Muller, sans doute le dernier survivant des amis de Jacques Duboin, vient de s’éteindre à Guérande près des siens, alors qu’il serait entré dans sa 96 ème année, le 4 janvier prochain.

Quelle ténacité ! Et quelle admirable lucidité, jusqu’à la fin…

La crise financière

par H. MULLER
31 janvier 2009

Sa cause première ? La recherche de gros profits par spéculation boursière financée par le crédit. Les banques ont en effet licence de créer, sous forme de crédits, des moyens de paiement dans la limite de 3 à 8 fois le montant de leurs encaisses en valeurs réelles, substrat du crédit qu’elles utilisent pour leurs investissements, en complément des apports de leur clientèle : prêts aux entreprises, à l’État, participations au capital des sociétés, prêts immobiliers, aux particuliers, achats divers.

Ces opérations laissent subsister, temporairement, une marge de crédit disponible, non utilisée dont leurs équipes de traders se servent pour spéculer en Bourse sur n’importe quoi, l’essentiel étant de faire varier la cote et d’acheter les titres avec discernement. Pris par le jeu, il leur arrive de franchir les limites de crédit assignées à leur établissement bancaire plus ou moins complice de ces dérogations.

Le public a pu croire que les 50 milliards de dollars dont s’était servi un trader de la Société Générale pour tenter sa chance dans une opération boursière risquée, provenaient des dépôts de la clientèle ou des fonds propres de la banque, alors qu’il s’agissait d’une simple écriture comptable, d’une ligne de crédit, d’une somme fictive immobilisée le temps d’une transaction dans l’espoir d’un gain. S’agissant d’achats à terme, laissant place aux variations de la cote, gagnants et perdants se succèdent ainsi autour d’un même titre.

À tirer sans cesse sur le crédit, vient un moment où, ses limites durablement dépassées, le crédit fait défaut et l’échafaudage s’écroule. L’État intervient ? Alors les prix montent, les pouvoirs d’achat se réduisent avec la consommation ; baisses de production accompagnées de chômage ; la récession s’amorce.

Réparer la casse ? Il faut pouvoir mobiliser des fonds réels pour palier à l’insuffisance des crédits, reconstituer leur substrat, combler les déficits. La situation finit par se stabiliser, laissant maints cadavres sur le carreau. La colère enfle. La rébellion contre le système n’est pas loin, avec ses violences sur les personnes et sur les biens, prélude au chaos, voire la guerre civile.

Ainsi va le capitalisme financier perpétuellement avide des gros et rapides profits.

Épuisées les recettes classiques censées mettre fin à la crise financière, va-t-on enfin s’intéresser à l’usage d’une monnaie de consommation ?

Jamais évoquée, toujours proscrite, rangée au placard des utopies, rappelons-en brièvement les caractéristiques : matérialisée sous la forme d’une carte de paiement rechargeable de type Moneo allégée de sa fonction “transfert débit–crédit”, les montants débités s’annulent au premier usage comme un ticket de métro. La carte s’alimente à partir d’ouvertures de crédits personnalisées et nécessaires aux besoin de la société, à ses financements. Ajusté empiriquement à la valeur fluctuante de la production au sens le plus large (biens et services), le montant des ouvertures de crédits épouse les dimensions physique de la production affectée de prix fluctuants (recherche et détermination du “bon prix” à la limite de rupture des réapprovisionnements, prix dissociés des coûts)…

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Mon ami Henri Muller

par G. GAUDFRIN
31 janvier 2009

J’ai dû me trouver en même temps que lui au Maroc en 1950. Il était dans la vie active, je faisais mon service militaire, mais on ne s’était pas repérés bien qu’ayant dû nous trouver dans des réunions d’anciens élèves ingénieurs de notre Ecole (ICAM).

C’est à Grenoble, vers 1960 que je devais le retrouver et peu à peu être intrigué par cet ingénieur de 47 ans, mon aîné de 15 ans.

Alors que nous vivions les Trente Glorieuses, ses conceptions socio-économiques assez révolutionnaires me passaient un peu au-dessus de la tête, mais une amitié était née, à la fois entre nous deux et entre nos deux couples.

Une amitié longtemps entretenue par la recherche de réponses à apporter aux dérives qu’on pressentait déjà… 68 n’était pas loin. L’élève que j’étais adhérait volontiers à son analyse, car elle n’était pas idéologique mais fondée sur l’évolution technique accélérée à laquelle tout ingénieur ne pouvait être que sensible.

Il nous a fallu ensuite plus de 20 ans pour nous amender mutuellement à propos de l’outil monétaire nécessaire pour que la gestion de nos activités humaines et de nos ressources tirent le meilleur parti de l’évolution technique contemporaine. Sa conviction sur (je le cite) « un projet monétairement et économiquement révolutionnaire, imparfait sans doute mais qui surclasse les autres utopies », séduisait. « À la fois Cassandre et Don Quichotte, sans doute ai-je pris quelque avance sur notre temps » disait-il. Et pourtant plus loin : « Voilà que je commence à déconner, à enfourcher mon dada qui n’intéresse personne ». Puis, avec le temps : « Tout s’accélère, difficile de suivre… une centaine d’articles sous la main que je ne terminerai jamais, des amas de réflexions… ».

Le fruit du doute diront certains ? Je ne le pense pas. Henri n’a jamais douté. Sa conviction venait de sa confiance dans la concertation dont sont capables les hommes quand ils s’affranchissent de leurs rapports marchands, de sa faculté à ne pas compliquer les problèmes, à ne pas prétendre pouvoir tout analyser ou prévoir dans la conduite de nos activités socio-économiques…

Prétention qui, il faut bien le dire… joue des tours aujourd’hui.

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Sortir du coma

par G.-H. BRISSÉ
31 janvier 2009

À bien observer l’orientation des évènements, l’idéologie qui s’est imposée un peu partout sur cette planète, et qui relève d’une conception chère aux adeptes d’une économie de marché, démontre amplement son inefficacité à travers un immense gâchis doublé d’une tendance à la spéculation sans fin.

La pseudo libre concurrence proclamée dégénère en une féroce rivalité. Au lieu de mener à une baisse généralisée des prix, elle débouche sur l’effet contraire : ententes et concentrations, délocalisations et baisse du pouvoir d’achat du plus grand nombre. Et ce processus accroît dangereusement les inégalités sociales, viviers de toutes les révoltes “chaudes”.

À ces défaillances d’un modèle, on oppose le spectre de la planification étatique, engendrant une bureaucratie paralysante. C’est refuser de voir que la technologie a bien évolué depuis les années 50, que le développement accéléré et l’usage des techniques de l’information ont contribué puissamment à améliorer notre productivité et à “fluidifier” les modes de “gouvernance”

Mes propositions

Il est évident que nos grands économistes n’ont toujours pas évalué à sa juste mesure l’ampleur du désastre engendré par le système actuel. Ils se réfèrent à des modèles mathématiques censés leur apporter la confirmation par a+b de leur thèses… scabreuses ! Un ordinateur n’est jamais qu’une machine qu’on manipule à son gré, il ne peut pas s’ériger en conscience de l’Humanité !

Une évidence s’impose : depuis la Libération, l’emploi a évolué, il s’est dilué à 75 %, il s’est fragmenté en une multitude de contrats à temps partiel, le plus souvent imposés ! L’employé chef de famille ne peut plus, en général, espérer faire vivre lui-même et les siens avec un seul salaire. À tel point que l’on parle de « flex-sécurité », c’est bien reconnaître la flexibilité du travail !

• D’où la nécessité de séparer les revenus de l’emploi, donc de prévoir dès à présent un revenu social garanti (RESOG), que j’ai déjà évoqué dans ces colonnes.

• La crise dont nous subissons les effets, et qui n’est pas la première, trouve sa source dans l’excès de spéculation ; je ne m’étendrai pas sur les analyses réservées à ce phénomène. Mais il importe, dans l’urgence, de réformer le système… Le bon sens populaire a relevé que « les caisses sont vides » lorsqu’il s’agit de relever le pouvoir d’achat des citoyens, qui pourtant acquittent la TVA, mais qu’on a su trouver le moyen de lever des milliers de milliards de dollars et d’euros pour renflouer les banques !

La contrepartie de cet effort doit être, pour ces établissements financiers, d’abonder au budget national. Je rappelle donc ma proposition d’une taxe de 0,1 % sur les transferts bancaires des particuliers, et une allant jusqu’à 1 % sur les transferts bancaires des entreprises et des collectivités. Des simulations récentes ont montré que ces pourcentages infimes seraient néanmoins suffisants pour combler le trou de la Sécurité Sociale et assurer le commencement du remboursement de la dette.

• Il serait prudent par ailleurs de suggérer à l’échelle planétaire la création d’une monnaie de référence, non thésaurisable échappant aux fluctuations.

• La France s’oriente vers une dette colossale qui dépasse de très loin les critères du traité de Maastricht (1992) ; il faut fixer des règles faisant de l’euro une monnaie commune et non une monnaie unique qui favorise les spéculateurs !

• Il s’avère fondamental, dans le cadre d’une hypothétique réforme dans les entreprises (participation à la gestion et à ses grandes orientations, intéressement aux bénéfices) de rééquilibrer les pouvoirs, l’information et les profits, entre les actionnaires, les salariés, les fournisseurs en amont, et les consommateurs en aval.

• La nécessité s’imposera tôt ou tard de réserver une gestion à part au secteur agricole et, partant, au foncier qui s’y rattache, car la production agricole, son exploitation et sa distribution conditionnent l’alimentation mondiale. Il semble opportun, en outre, d’établir pays par pays le pourcentage de ce qui doit être réservé au secteur agricole traditionnel…

• Les accès à certaines matières premières doivent échapper à l’économie de marché et il faut créer un organisme mondial pour assurer la protection pérenne de leurs sources.

• Les délocalisations d’entreprises, entières ou partielles, sont haïssables ; elles doivent être combattues par tous les moyens car elles entraînent chômage partiel ou total, stress, désertification. On peut les réduire en encourageant, par voie fiscale et subventions de la puissance publique, les bénéfices investis dans l’entreprise pour des réalisations ou extensions sur place.

Autant l’investissement à l’étranger bien planifié peut s’avérer utile s’il contribue au développement de pays tiers, autant sont génératrices de conflits sociaux les délocalisations à la recherche trop flagrante d’un profit facile !

• Enfin, il faut rapidement jeter les bases d’un service civil, ou civique, national, rémunéré. Y seraient enseignés, entre autres, les droits de l’Homme et les devoirs y afférents, les différentes facettes de la citoyenneté, en plus de l’apprentissage d’un métier sous l’enseigne d’un grand ministère de la promotion sociale, à créer.

Ces quelques éléments de réflexion fort simples vont bien au-delà des “réformes” faites sous le seul prétexte de faire des économies… et qui ne servent qu’à détricoter la France, à réduire le service public à sa plus simple expression pour le remplacer par de nouvelles mafias.

On n’a pas tiré de cette crise les leçons qui s’imposent !

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Lectures

Michel Loetscher présente le livre de Didier Vanoni et Christophe Robert, intitulé Logement et cohésion sociale, Le mal-logement au cour des inégalités, publié aux éditions La Découverte (240 pages, 25 euros).

Crise du logement, crise de société

par M. LOETSCHER
31 janvier 2009

Plus d’un demi-siècle après le vibrant appel de l’abbé Pierre (1954), se loger… demeure un luxe en République française !

Pourtant, constatent Didier Vanoni (directeur de FORS-Recherche sociale) et Christophe Robert (directeur des études à la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés), au lendemain de l’appel à “l’insurrection de la bonté” du fondateur d’Emmaüs, les pouvoirs publics impulsèrent un « mouvement de production industrielle de logements à la hauteur de la pénurie que connaissait le pays » – dont une loi-cadre de 1957 créant des zones à urbaniser en priorité.

Au seuil des années 60, « la barre des 300 000 logements produits a été franchie ». Mais en 1977, une “rupture” meurtrière intervenue dans la philosophie générale de l’intervention publique conduit à près de trois décennies… d’insuffisance de la construction… et de déconstruction du système d’accession au logement ! Depuis cette année-là, le nombre de ménages qui se présentent sur le marché immobilier est supérieur au nombre de logements disponibles.

Depuis, l’humanité semblait entrée dans un nouvel âge de pierre, “libéralisation” et “déréglementation” du marché immobilier” obligent...

Pendant une décennie (1998-2008) de flambée interrompue où le prix des “actifs immobiliers” s’envolait quatre fois plus vite que le pouvoir d’achat des ménages, le droit au logement, présenté par la loi du 31 mai 1990 comme un « devoir de solidarité pour l’ensemble de la Nation », se fit injonction à la “propriété” voire à la “défiscalisation” … Miracle de l’alchimie phynancière (je tiens à cette orthographe, par référence à Alfred Jarry) à base de “défiscalisation” et autre “titrisation” : la pierre ne touchait plus terre ! Pourtant, tout “investisseur” le sait : « les arbres ne montent pas jusqu’au ciel » et la pierre, pas davantage que les cloches, n’a d’ailes !

Pourtant, jamais on n’avait autant construit. Mais les 430.000 mises en chantier comptabilisées en 2007 ne suffisent pas à satisfaire la demande. La France manquerait de près d’un million de logements, dans un contexte de pénurie d’offre accessible et d’insécurité sociale.

C’est tout le paradoxe de l’actuelle crise du logement : elle prospère dans un contexte de dynamisme du secteur immobilier. Il en résulte tout à la fois une envolée des prix, une explosion du nombre de mal-logés et du volume des transactions, face à une offre pléthorique mais inadaptée en termes de prix…

Certes ce livre ne va pas jusqu’à remettre en question la propriété privée, ni proposer la propriété d’usage que les distributistes apprécient. Mais il est essentiel pour comprendre l’actuelle crise du logement et son extension aux classes moyennes.

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Langue de bois

par M.-L. DUBOIN
31 janvier 2009

Ce petit livre [1] de l’auteur des antimanuels d’économie, Bernard Maris, est présenté par son éditeur, Bréal, en ces termes : « À l’heure où les petits épargnants craignent que la crise financière ne fasse partir en fumée leurs économies, où les salariés et patrons guettent le “tsunami” de récession qui traverse la planète, tous écoutent et tentent d’analyser les discours des politiques et des économistes. »

En une cinquantaine de pages de petit format, l’auteur définit avec humour et à l’aide de beaucoup de dessins amusants certains termes choisis, depuis la rhétorique et “la réalité de la réalité économique”, jusqu’aux arguments d’impuissance, tels que l’argument d’autorité et l’argument de l’emploi.

Et il prend soin d’avertir : « Avant de pénétrer les arcanes du jargon, il est essentiel de se demander pourquoi il existe une telle demande de baratin économique, incompréhensible, stupide, contradictoire, incohérent et parsemé de chiffres dénués en général de sens. Et pourquoi ce baratin économique prend de plus en plus de place dans notre société ».

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[1] Réf 415 1404, prix 11,90 euros

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Souvenir d’Algérie : une évasion par les mots pour retrouver le réel et le sens de la vie.

Mes paysages d’antan

par Tiber
31 janvier 2009
Retour dans mes paysages d’antan
Où le soleil est né du hasard.
Un atome de lumière a subjugué mon regard
Dans l’infini où le fini n’a plus de réel.
J’ai déambulé sur les terres sablonneuses
Dans l’ivresse de l’ocre et l’azur.
Je suis né de cette écume qui parcourt les mers,
De ce liquide intime qui irrigue mes veines,
De cet océan profond qui a enfoui son mystère.

Avec cette sève qui sourd sur mes lèvres,
Fruit mûri par la tendresse des temps,
J’ai calligraphié des caresses évanescentes
sur ce corps impur.
J’ai parcouru les hautes plaines
Où les herbes folles m’ont accueilli,
enlacé, embrassé
Avec folie.
Un nirvana de senteurs a fait tressaillir tout mon être.
J’ai voyagé dans un arc-en-ciel de désirs et de sens.

Au sommet de cette montagne,
Majestueuse en étendard de paix,
Rempart rebelle à toutes les invasions,
Je me suis senti protégé
Par sa cuirasse de pierres et ses forteresses acérées.

J’ai contemplé la baie cuivrée dans toutes ses lueurs
Et ses vallées océanes dans toute leur splendeur.

Dans ce désert, beau, silencieux et vaste,
Sans repères ni horizon,
Les sables mouvants de cet univers émouvant
Ont léché mon corps
Dans un mouvement de fureur et de vent.

Une chaleur vorace a envahi ma pensée.
De la ville sanctuaire, en sentinelle dressée,
J’ai épousé sa vertu et son courage.
Je suis né de ses valeurs ancestrales
D’honneur et de parole donnée.

Ma ville, envoûtée et envoûtante,
avec sa blancheur et son âme blafarde,
A embelli ma vie, conquis mon espoir,
et m’a rendu heureux,
Avec ses clameurs, ses couleurs et ses charmeurs.

Je suis né homme libre en ce monde,
Gouailleur et rêveur,
Libre de tabous et de phantasmes honteux.
Ivre de la frénésie du corps,
De la poésie des mots.

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