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Éditorial
Le Communisme -et par extension, pour beaucoup de gens,
le socialisme - s’est brusquement effondré dans les derniers
mois de 1989. En Tchécoslovaquie, le Pape se réjouit :’La
tour de Babel du communisme et du marxisme s’est effondrée’ :
Dans deux articles du Monde, Cornélius Castoriadis disserte sur
"l’effondrement du marxismeléninisme". Jacques Julliard,
éditorialiste au Nouvel Obs, vient de publier un livre :"Le
génie de la liberté". Dans l’introduction, il écrit
:’Le communisme agonise... Le socialisme, qui parut inévitable
aux HOMMES DE LA GÉNÉRATION PRÉCÉDENTE,
EST DURABLEMENT DISCRÉDITÉ".(1)
On pourrait citer mille discours ou écrits sur ce thème,
dont on nous rebat les oreilles depuis des mois. Parallèlement,
les chantres du capitalisme affublé du masque du libéralisme
triomphent. Le monde est "fini", a atteint son but ultime
:’La démocratie libérale occidentale comme forme finale
du gouvernement des hommes". (2)
Conclusions diamétralement opposées à celles du
marxisme que J.P. Sartre qualifiait pourtant de "philosophie indépassable
de notre temps". Les socialistes, à leur façon, plus
hypocrite que celle des capitalistes qui se réjouissent bruyamment,
péremptoirement, appellent cet effondrement :"Le triomphe
de Blum sur Lénine".
Il est instructif de suivre la marche et la montée progressives
des critiques des "régimes de l’Est" : d’abord le stalinisme
et le totalitarisme. Parfaitement crédible pour tous. A un stade
avancé de déstabilisation, on pousse plus loin ; dans
l’ordre : léninisme, puis marxisme, et enfin socialisme. Que
restet-il ? Le libéralisme. CQFD.
La réflexion sociale reste vivante
Aveugles, forcenés ou malins peuvent croire
ou feindre de croire que le monde est achevé avec le triomphe
du capitalisme, comme l’évolution des êtres vivants l’est
avec l’émergence de l’Homo Sapiens. Les penseurs lucides, les
cérémonies des funérailles de l’Est à peine
achevées - la dernière en date étant celle des
Ceaucescu s’efforcent de raison garder. L’Homo Sapiens a encore beaucoup
de chemin à faire avant d’être adulte.
Revenons à J. Julliard. Dès l’introduction, il tient à
baliser sa pensée :"La fin du socialisme ne signifie pas
la fin de la pensée sociale. Nous sommes entrés dans une
société dure où les riches n’ont plus peur des
pauvres". En deux phrases, Julliard soulève deux terribles
questions, essentielles.
En effet, tous les problèmes de société qui ont
vu le jour depuis deux siècles avec l’apparition et le développement
du machinisme demeurent, probablement exaspérés et de
plus en plus explosifs : un petit milliard de riches, un milliard et
demi qui ne vivent ni dans la misère, ni dans la richesse (pays
dits de l’Est, "dragons" d’Asie) et près de trois milliards
de miséreux, qui seront de plus en plus nombreux, car ils connaissent
le plus fort développement démographique. Dans les sociétés
industrialisées, depuis deux décennies, des problèmes
graves sont apparus avec l’accroissement du chômage et du dualisme
: les sociétés de consommation sont malades de la drogue,
de la violence, du sexe. C’est ce qui attend les pays de l’Est qui,
tous, embrassent le libéralisme. Le Pape lui-même s’inquiète
: "On n’échappe pas au poids de ce monde sans Dieu, en se
réfugiant dans la drogue, l’abus du sexe, le culte de la violence
ou les sectes". Ce monde-là doit être vaincu"
s’est-il écrié en Tchécoslovaquie. Juste, mais
ô combien naïf dans le monde dès qu’il y a profit.
Le Pape croit-il qu’il y a une différence fondamentale entre
les parrains de Medellin et la jet-set bien pensante des banquiers suisses
?
A problèmes sociaux, il faut une pensée sociale, réaliste,
forte, cohérente : en gros, celle de Jacques Duboin.
Julliard écrit : "On pourrait bientôt découvrir
après coup qu’en venant à bout du communisme stalinien,
le système capitaliste a mangé son pain blanc le premier
". II poursuit :’L’ère de la critique sociale recommence
; l’essor de l’écologie, la course au désarmement, les
nouvelles attitudes de la jeunesse devant l’existence, le développement
d’un champ d’activités autonomes fondé sur la réduction
du temps de travail, la recherche d’une nouvelle éthique en sont
les premiers symptômes...". "Plus jamais Marx"
nous crie l’Europe d’Est. "Plus jamais Taylor" sommesnous
aujourd’hui autorisés à répondre. On voit que nous
ne sommes pas seuls dans la réflexion qui trace la voie pour
les luttes de demain.
Pour Julliard, comme pour nous, tout va recommencer, ou plutôt
continuer après l’effondrement du communisme (encore ne faut-il
pas oublier que la Chine, avec 1,2 milliards d’habitants, continue).
"Ce que des esprits naïfs prennent pour la fin de l’Histoire
n’est en réalité que la fin d’un cycle à la fois
glorieux et cruel, qui a vu l’homme conquérir le monde grâce
à la machine et la machine s’emparer de l’esprit de l’homme"écrit
Julliard.
II a raison. L’Histoire ne s’arrête jamais. La lutte, les luttes
vont se multiplier, car on ne peut se résigner à vivre
dans un monde dont Rocard lui-même dénonçait l’incohérence
en mai 1989 : "II y a quarante ans, les transactions financières
étaient équivalentes aux échanges de marchandises.
Aujourd’hui, elles sont de 40 à 50 fois supérieures. Elles
se font sans coût, à la vitesse de la lumière...
Nous sommes sur un volcan’ :
Le combat continue
Donc le combat doit et va se poursuivre. Certes, comme le constate Julliard, les riches n’ont plus peur des pauvres. Là, ils avaient peur du communisme, là, peur des syndicats. C’est le communisme qui était un "tigre de papier". "De l’Atlantique à l’Oural" clame le Pape à son tour au risque de paraitre brûler les étapes. Gorbatchev, il est vrai, est bien fragile. II opère une fuite en avant, faute de pouvoir redresser son économie par le socialisme : 70 % de l’économie va être livrée au système marchand. Si les Etats-Unis, la France et la RDA sont amenés à le
soutenir dans l’affaire lituanienne, c’est probablement parce que Gorbatchev
(qui parle encore de Gorby le magnifique ? ) a dit, à Kiev, à
Mitterrand : "Si vous ne nous soutenez pas, vous trouverez un maréchal
à ma place".
Le "socialisme" de Gorbatchev - ce qu’il en reste - ne fait
plus peur à l’Occident. Seul un maréchal effectivement
pourrait remettre tout en question.
Quant aux syndicats, ils n’effraient plus les patrons. En France, par
exemple, en dehors de l’effritement de leurs adhérents, ils ne
sont même plus capables de s’unir pour aller à la bataille.
Ils prennent bien soin, le 14 juillet ou le premier mai, de manifester
séparément, de même que lors de la journée
revendicative du 27 avril. Des boutiques inadaptées !
Ce sont là les inégalités croissantes, criardes,
un jour insupportables, aussi bien au niveau Nord-Sud qu’au sein des
sociétés industrialisées, qui feront renaitre la
lutte pour l’Homme ; peu importe sous quelles) bannière (s).
En France, après le CERC, l’INSEE vient de confirmer la baisse
du pouvoir d’achat des travailleurs depuis 1983, essentiellement sous
la gestion socialiste. Les statistiques officielles montrent par contre
qu’en 1989, les entreprises ont accru en moyenne leurs bénéfices
de 20 %. Et quelle honte de voir un gouvernement "socialiste"
refuser aux fonctionnaires une augmentation de salaires qui colle simplement
à l’inflation, qui ne ferait donc que maintenir le pouvoir d’achat !
"Les damnés de la terre", c’est peut-être
un vieux cliché, mais qui recouvre aujourd’hui une réalité
de plus en plus étendue. II faut qu’à nouveau les riches
craignent leur révolte, sans quoi ils pourront tout se permettre.
Le progrès est à ce prix (3).
Le soleil se lève chaque jour. Jour après jour, la Relève
se recomposera, arrachera comme par le passé des concessions
allant dans le sens de l’Histoire jusqu’au jour - lointain sans doute
- où les idéaux de la Grande Relève seront devenus
réalité pour le monde entier.
(1) Cornelius Castoriadis écrit dans le Monde
du 25 avril : "La haine active de ceux qui ont subi le marxisme-léninisme
à l’Est les conduit à rejeter tout projet autre que l’adoption
rapide du modèle capitaliste libéral".
(2) Voir G.R. d’avril, page 9, les déclarations de Francis Fukuyama.
(3) "Le capitalisme ne s’est modifié et devenu quelque peu
tolérable qu’en fonction de luttes économiques, sociales,
politiques qui jalonnent deux siècles". C. Castoriadis,
Le Monde 25 avril.
Cet article nous est parvenu avant les évènements immondes de Carpentras...
Depuis quelques mois, svastikas et slogans néo-nazis
fleurissent sur les murs des grandes villes Est-Allemandes. Bien qu’interdits
par le pouvoir en place, fascistes et nostalgiques de toutes sortes
réapparaissent sur les trottoirs et dans les manifestations.
Cette résurgence des vieux démons, que l’on croyait ensevelis
à tout jamais sous les ruines du IIIe Reich, ne doit pas être
prise à la légère. Pour beaucoup d’Allemands (de
l’Est ou de l’Ouest) le danger est réel. C’est l’opinion du journaliste
Ouest-Allemand Kamil Taylan qui s’inquiète de la montée
de l’extrémisme et qui dénonce une Allemagne "devenue
ivre de son propre nationalisme". D’après un récent
sondage, 10 % de jeunes Est-Allemands seraient attirés par les
thèses d’extrêmedroite, thèses qui se résument
en quelques mots : rejet des étrangers (Polonais, Chinois, Cubains,
Mozambicains), retour aux frontières de 1937 (certains réclament
même la Namibie, ancienne colonie allemande !), unification des
deux Allemagnes. La R.D.A. ne compte pourtant que 0,8 % d’étrangers
concentrés à Berlin et Leipzig, ville où l’on dénombre,
en outre, 36 Juifs dont la moyenne d’âge est de 72 ans !
Pourtant les rangs nationalistes s’accroissent dangereusement depuis
quelques mois. Cependant, leur poids politique est encore limité
: seuls les Républicains (Parti National Populiste qui reçoit
l’aide matérielle et financière de son grand frère
occidental du même nom) sont en mesure de s’imposer sur la scène
politique Est-Allemande.
Avec près de 5.000 signatures réunies,
les "Reps" pourront certainement être légalisés
après les élections de Mars . Autour de ce parti, soucieux
de respectabilité, comme son homologue français le Front
National, gravitent de nombreux groupuscules ouvertement néoNazis.
Les manifestations populaires sont quotidiennement troublées
par le bruit sourd des Doc Martens (Rangers coqués) de Skinheads
défilant bras tendus au cri de "Deutschland über alles"
(1). Ces nouvelles chemises brunes n’hésitent pas à exhiber
leur admiration pour Hitler qui "construisit des autoroutes et
gaza les Juifs qui avaient pris les appartements des Allemands" !
Ces spectres des années sombres sont pourtant bien réels
et dangereux : dernièrement, 200 Skinheads attaquèrent
un bar d’immigrés au coeur de Leipzig
Cette montée du péril brun atteste de l’échec de
la lutte anti-fasciste en R.D.A. Pourtant, celle-ci fut bien réelle
même si les résultats tendent à prouver son inefficacité.
Pour paraphraser David Warschawsky, écrivain clandestin Polonais
à l’époque de "l’état de guerre", la
R.D.A. est : "Un frigo où l’on aurait déposé
des victuailles il y a quarante ans, qui est tombé en panne,
et qu’on ouvrirait maintenant ... Ce qu’on y trouve n’est évidemment
pas ragoûtant" : Le danger est d’autant plus grand que les
nationalistes Est-Allemands reçoivent une aide considérable
des Républicains Ouest-Allemands (dirigés par l’ancien
Waffen SS Schonhuber) ou du N.P.D. (Nationaldemo kratischen Parti Deutschland,
ouvertement néo-nazi). Mais l’atout le plus important des nationalistes
réside dans le désarroi de la population : après
avoir contribué activement à la construction d’un Ille
Reich qu’elle vit s’écrouler en quelques mois, puis "repartie
à zéro" (2) , la population investit toutes ses forces
dans la création d’un "état socialiste" qui
s’effondre à son tour. Le sentiment trouble d’avoir été
trahi est aujourd’hui habilement récupéré par une
extrême-droite qui fait de l’anti-communisme et du racisme son
fer de lance. Le danger que représentent ces nostalgiques de
l’Ordre Nouveau est amplifié par le syndrôme d’une Allemagne
(Est comme Ouest) malade de son passé.
(1) Célèbre chant national socialiste
à la gloire de l’Allemagne Nazie.
(2) Voir ou revoir l’excellent film "Allemagne année zéro"
de Rossellini.
Tout le monde connait l’économie capitaliste...
C’est le régime que nous subissons tous, avec toutes ses injustices,
ses inégalités, ses haines sociales entre les hommes,
ses destructions de richesses, ses guerres, etc... ses prisons pour
ceux qui réclament plus de justice.
C’est aussi, aujourd’hui, l’impossibilité de tourner dans le
système des prix-salairesprofits. L’engrenage est grippé
et fait mal à tout le monde : chômage, difficulté
d’acheter et de vendre, ralentissement et destruction des productions,
misère...
Mais alors que faire si cette institution libérale n’est plus
viable ? Par quoi la remplacer ? D’aucuns se sont tournés pendant
longtemps vers les pays de l’Est et leur économie "socialiste"
dirigée. Mais là encore l’économie de marché
y subsistait. On avait évincé les patrons, mais on les
avait remplacés par un parti unique tout puissant. On avait supprimé
la propriété privée des moyens de production, mais
c’était la bureaucratie omnipotente qui la remplaçait.
Autrement dit, on avait enlevé aux hommes la honte de s’exploiter
économiquement entre eux, mais c’était l’Etat tentaculaire
qui les étouffait politiquement et leur déniait tout droit
à la liberté. En somme quelle différence y avait-il
entre une injustice criminelle subie sous une économie marchande
libérale et celle assénée par une économie
dictatoriale d’Etat ? Leur point commun est le bagne à l’Ouest
et le goulag à l’Est ! Les hommes seraient-ils condamnés
à vivre dans la contrainte et l’inégalité économique
et sociale ?
Eh bien non ! n’en déplaise aux tartufes qui en vivent, les privilèges
hiérarchiques économiques et politiques ne sont pas naturels
! II est possible maintenant de vivre, de s’organiser d’une façon
égalitaire sur des bases fédératives en se passant,
d’une part, du capitalisme libéral, et, d’autre part, de la contrainte
d’un Etat autoritaire. On peut, grâce à l’idéal
du socialisme distributif, instaurer une société où
"l’organisation des choses remplacera le gouvernement des hommes"(1).
Et que nous foutent la paix tous les aspirants à une quelconque
morale ou règle pour diriger les hommes : les hommes ne changeront
que s’ils n’ont plus faim !
(1) de J.Duboin, dans "L’Economie Distributive de l’Abondance", page 41.
Si les pays de l’Est se jettent à corps perdu
dans le libéralisme, (encore que certains, comme la RDA, commencent
à se poser quelques questions) l’Union Soviétique s’interroge,
elle, sur son avenir économique, comme en témoignent de
nombreux titres de la revue "Actualités soviétiques"
"Reconversion"," Le rouble convertible : mythe ou réalité ?"(N°
932 du 20.4.90), "Réforme", "Apprendre le marché"(N°
936 du 25.4.90), "Les problèmes économiques et les
moyens de les résoudre", "Les voies difficiles de la
privatisation" (N° 938 du 4.5.90), etc ...On voit à
la lecture de ces articles que si tout le monde s’accorde à reconnaitre
que l’économie, dite socialiste, telle qu’elle était pratiquée
en URSS jusqu’à présent, a été un échec,
le "passage à la régulation de l’économie
parle marché" ne va pas sans poser de sérieux problèmes.aux
économistes et dirigeants soviétiques. C’est ainsi que
S. Chataline, grand économiste et membre du conseil présidentiel,
met en garde "contre des opérations neurochirurgicales avec
une hache" lors du passage au marché. Il faut, ditil, "tenir
compte entre autres choses, du fait que la population n’y est pas préparée
...Si nous voulons mettre en place une économie saine et non
une fosse commune, il faut agir avec précaution et de manière
avisée, la première tâche étant de garantir
que les catégories de la population faiblement et moyennement
rémunérées ne soient pas affectées parle
passage à une économie de marché." La réforme
ne peut être réalisée que sur la base de l’entente
nationale, de la confiance envers le gouvernement. Pour cela, le gouvernement
doit prouver par des actes qu’il contrôle la situation, qu’il
sait ce qu’il faut faire et qu’il n’ignore pas les conséquences
éventuelles de ses mesures. Le marché est un excellent
mécanisme mais il ne résout pas tous les problèmes."
Le marché c’est donc la grande affaire de l’URSS. On en parle
beaucoup et on écrit beaucoup à son sujet.
Les Japonais qui ont la réputation d’être
de fins connaisseurs du marché estiment que les transformations
politiques, le processus impétueux de démocratisation,
la nouvelle approche de la politique extérieure ont devancé
la réforme économique " Le chemin soviétique
vers le marché s’avère plus long et plus difficile qu’on
ne le croyait au stade initial de la pérestroika." Pour
L. Abalkine, vice-président du Conseil des Ministres de l’URSS,
il n’est pas question de suivre le même chemin que les autres
pays de l’Est. `L’analyse approfondie des processus qui s’opèrent
en Pologne et dans les autres pays de l’Est montre qu’il est impossible
de calquer notre modèle sur ce qui a été fait ailleurs.
Les pays sont différents, chacun a son histoire politique et
économique, ses traditions, ses problèmes économiques
et politiques. Donc les spécialistes et hommes dEtat soviétiques
utilisent tout ce qui est intéressant et utile dans les autres
pays après l’avoir passé au filtre des problèmes
concrêts de l’URSS avant de décider des voies à
prendre pour instaurer le marché .... Etant donné la complexité
du chemin que l’économie soviétique a pris depuis la pérestroika,
le chemin de l’économie de marché ,c’est celui de la "Terra
Incognita" ; ce sont des sentiers inconnus sur lesquels de nombreux
imprévus nous guettent. Le marché, c’est la liberté
du vendeur et du client, sinon le marché n’existe pas. Or, le
dogme officiel réfutait cette liberté, ce qui a conditionné
fortement les soviétiques. On peut aussi se demander ce que deviendront
les relations avec les autres pays de l’Est habitués depuis des
générations à des livraisons soviétiques
strictement centralisées. Abalkine répond : "Le problème
du commerce extérieur est étroitement lié à
la solution des problèmes économiques intérieurs.
Nous insistons sur lélargissement de l’indépendance des
entreprises soviétiques, tant d’état que les coopératives,
et sur l’extension de leur liberté, y compris pour l’établissement
de leurs plans et l’écoulement de leur production." Les
responsables gouvernementaux sont conscients que cette conception du
gouvernement soviétique implique le passage aux prix mondiaux
et aux réglements en monnaies convertibles. C’est un sujet qui
échauffe les passions des économistes soviétiques.
Si tout le monde est unanime pour reconnaitre la nécessité
de cette convertibilité, on s’interroge pour savoir s’il faut
l’introduire dès aujourd’hui ou attendre le moment propice et
comment l’introduire. La grande question est : l’Union Soviétique
est-elle capable d’assurer la paritéor du rouble ou sa parité-marchandise
adéquate ? Nous noterons pour notre part qu’assurer la parité-or
nous semble tout à fait démodé, puisque chacun
sait que cette parité n’existe plus pour aucune monnaie !
En ce qui concerne la parité-marchandise, les économistes
soviétiques reconnaissent qu’elle est actuellement impossible
car le pays manque de marchandises pour satisfaire la demande élémentaire
des consommateurs. Le déficit est estimé à environ
165 milliards de roubles, ce qui constitue près de la moitié
du chiffre d’affaires annuel du commerce du pays. De plus il existe
une demande différée de 340 milliards de roubles déposés
à la Caisse d’Epargne destinés à des achats de
longue durée : voitures, appartements en copropriété,
meubles,... Dans ces conditions il n’est pas sérieux d’intervenir
avec le rouble sur les marchés internationaux : sans la convertibilité
intérieure, la convertibilité extérieure n’est
pas possible non plus. Un des conseillers économiques du Président,
N. Pétrakov, fait remarquer : "Nous ne réussirons
pas à restructurer notre économie sans la rendre ouverte
sur le marché mondial. La tentative de l’assainir sans participer
activement à la division internationale du travail est une voie
absurde. Nous avons besoin de technologies occidentales, de capital occidental.
Mais nous ne les aurons jamais si nous ne pouvons pas les rembourser
avec un rouble fort".
Il parait que l’idée de la convertibilité urgente du rouble soviétique s’est aussi emparée des experts étran gers à tel point que le Fonds FERS et l’Institut Eselen des Etats Unis ont lancé, en collaboration avec l’institut d’Economie de l’académie des Scien-ces de l’URSS, un concours international pour le meilleur projet de transformation du rouble en monnaie librement convertible Le gagnant se verra attribuer un prix de 25 000...dollars !
Paysans gardiens des paysages
Tout porte à croire que M. Nallet, ministre de l’Agriculture,
lit et s’inspire de la Grande Relève. Décrivant la série
de mesures qu’il a annoncées le 24 avril dernier, E. Fottorino
les décrit comme "visant à encourager les exploitants
agricoles à mieux respecter l’environnement. Le programme du
gouvernement prévoit en particulier l’attribution de primes spéciales.
Après trente années de productivisme, l’agriculture française
se met à l’heure de l’écologie".
II ajoute : "l’eau est devenue trouble, et avec elle l’identité
paysanne, qui s’était enfermée dans un acte unique, celui
de la production. Toujours plus, faute de mieux ... Aux méthodes
intensives de culture, aux rendements à outrance, le ministre
oppose désormais la qualité de la vie, l’environnement
à protéger... Pour apporter son remède "au
mal de terre" ambiant, M. Nallet propose aux agriculteurs une nouvelle
stratégie contractuelle susceptible de donner au monde paysan
un rôle de producteur de bien-être. L’annonce la plus spectaculaire
porte sur l’encouragement aux agriculteurs "qui adoptent des pratiques
de production respectueuses de l’espace naturel". Dans les faits,
seront primés les exploitants des zones fragiles contribuant
à préserver les paysages, les pratiques de pâturage
sous couvert forestier, les cultures dérobées d’engrais
vert pour éviter, l’hiver, le lessivage des nitrates sur les
sols nus ; les efforts de protection des habitats d’oiseaux migrateurs.
Dans dix zones expérimentales, les exploitants recevront pendant
cinq ans une prime annuelle à l’hectare "venant compenser
les pertes ou surcoûts induits par les nouvelles pratiques".
Le journaliste du Monde ajoute :"Les agriculteurs - celà
a été souvent dit - ne jettent pas les engrais dans le
sol pour le plaisir d’être modernes. II y va de leur revenu et
nul n’a le coeur de jouer sa récolte d’une année par vertu
écologique". M. Nallet veut prouver qu’on peut produire
autrement. L’agriculture "biologique" reçoit une consécration
officielle appuyée : elle sera mieux contrôlée mais
aussi plus aidée pour gagner en crédibilité. Les
régions défavorisées y trouveront peutêtre
une échappatoire au marché classique très engorgé
caractérisé par la baisse des prix. A condition, soulignent
les organisations agricoles, que l’inévitable baisse de rendement
soit financièrement compensée par les pouvoirs publics
français ou européens" .
...Bien au-delà de la simple question de l’eau et des arbitrages
en usage, M. Nallet veut préparer le terrain d’une nouvelle insertion
du monde paysan dans la société française."
Et il conclut : "Si la prise de conscience des exploitants est
acquise ou en voie de l’être, la réussite de ce changement
culturel passe sans doute par une nouvelle répartition des aides
et des soutiens à l’agriculture. Encore trop d’argent public
est distribué automatiquement aux tonnages produits, sans souci
des méthodes culturales ni de la qualité offerte".
(Le Monde, 26 avril)
Mais ne rêvons pas. De bonnes paroles les ministres ne sont pas chiches. Lionel Jospin, par exemple, promet de faire enfin quelque chose pour l’enseignement supérieur au bord de l’asphyxie ... mais "verba volant" ces bonnes intentions sont si peu suivies d’effet qu’on se demande, dans les universités, quand l’explosion aura lieu. La rentrée prochaine promet !
***
Du bon air pour les enfants
Une crèche, celle des Olympiades, rue du Javelot, Paris 13e :
depuis plus d’un mois, les enfants ne peuvent plus s’ébattre
dans le jardin de cette crèche et restent confinés toute
la journée dans les locaux. Pourquoi ? Parce que la soufflerie
d’un parking évacue les gaz d’échappement des voitures
dans le jardin d’enfants, et que la Protection Maternelle et Infantile
a officiellement interdit à la directrice de la crèche
de sortir les mômes.
(Le Canard enchainé, 25 avril)
***
Illettrés
La France compte cinq millions d’illettrés. Les États-Unis
: 27 millions (c’est presque le chiffre des pauvres). Illettrés
au point de ne pas pouvoir signer leur nom.
(Antenne 2, 25 avril)
***
La Grande Relève l’a dit, il y a longtemps
Un jour peut-être les historiens pourront-ils mesurer avec exactitude
la part prise par le Saint-Siège dans l’écroulement du
communisme international.
(Le Monde, 24 avril)
***
On peut être anticommuniste et intellectuellement
honnête
Les réserves les plus fortes, les critiques les plus radicales
à l’égard de Marx n’annulent pas son importance de penseur,
ni la grandeur de son effort. On réfléchira encore sur
Marx lorsqu’on cherchera péniblement les noms de MM. von Hayek
et Friedman dans les dictionnaires.
(Castoriadis, Le Monde, 25 avril)
***
Mauvaises fréquentations
II ne faut pas sous-estimer non plus les dangers que peut comporter
la liberté retrouvée des contacts avec l’Occident... II
faut que les prêtres mettent en place des défenses "immunitaires
... opportunes contre certains virus, tels... l’hédonisme de
la société de consommation..."
(Jean-Paul II dans son discours à Prague, le 20 avril)
***
RDA : Spectre du chômage
Jusqu’à présent les citoyens de RDA pouvaient compter
sur un salaire à la fin du mois, même s’ils travaillaient
peu ou mal. Cette période est révolue. L’ouverture du
marché est-allemand aux produits de l’Ouest va sonner le glas
d’une quantité d’entreprises de RDA dont ni la production, ni
les coûts ne peuvent tenir la comparaison. II faudra, pour les
meilleures, investir lourdement en matériel et en formation tout
en dégraissant le personnel en surnombre, et pour les moins bonnes,
fermer leurs portes. Un expert de McKinsey cité par le Financial
Times voit, à dix ans, le tiers des quelque 140 combinats estallemands
devenus compétitifs grâce aux apports occidentaux (si ces
derniers se concrétisent), une cinquantaine ayant survécu
au prix d’une sévère restructuration, et vingt à
trente rayés de la carte. Chacune de ces unités représente
des dizaines de milliers d’emplois...
(Le Monde, 25 avril)
***
Même dans "Épargner", le magazine
de votre argent...
Au niveau de la planète, les pauvres sont de plus en plus pauvres
et les riches de plus en plus riches. Tout se passe comme si nous avions
fini par perdre de vue l’utilité économique, sociale et
culturelle de l’argent pour n’en faire qu’une fin en soi et non plus
un moyen. Erreur grossière dont le risque est que d’instrument
de mesure, l’argent dont nous avons l’appétit finisse par nous
précipiter dans un chaos social et politique nous faisant regretter
notre manque de maturité.
L’argent est comme la quatrième dimension. II a ceci de fantastique
qu’en nous entrainant loin du réel, il peut nous faire oublier
ce qui fait la richesse de l’être humain : "conserver le
droit pour tous et l’honneur pour soi".
(Épargner, n° 18 , avril 90. Article de René Tendron.)
***
Cambodge, années zéro
La télévision (M6) nous a présenté en janvier
un reportage intitulé "Cambodge, années zéro"
: Pol Pot, ce monstre sanglant aurait dû, en toute justice, depuis
longtemps subir le même sort que les trois millions de Cambodgiens
qu’il a torturés et assassinés, dans des conditions pires
que celles des sinistres KZ d’Hitler. Ce Ceaucescu asiatique à
la puissance 10 repart en guerre contre le peuple cambodgien, à
peine libéré, en déclarant : "Je ferai des
hommes de l’engrais et des femmes des reproductrices". Cet individu
innommable est aidé en cela par les SAS britanniques qui entrainent
les soldats Kmers rouges, Busch qui a levé l’embargo sur les
armes à destination de Pol Pot, l’ONU qui habille les soldats
Kmers rouges. Tout cela pour conserver leurs bonnes relations avec la
Chine (client potentiel).
Quelle nation civilisée, à l’instar de Nuremberg, osera juger ces criminels de guerre et leurs complices ?
(Pinoche)
***
Apartheid :ségrégation raciale ?
En Afrique du Sud, les blancs possèdent tout, dirigent, exploitent
et méprisent la majorité noire qui n’a rien. C’est exactement
la situation de la société française à deux
vitesses : 5 % de commandeurs et de barons dirigent, exploitent et méprisent
95 % d’imbéciles. Un baron bien en cour, dans les hautes sphères
socialistes dit, entre amis, en termes crus : "Endessous de 100.000
francs par mois, il n’y a que des imbéciles" (1).
On peut dire que cela concerne 95 % du peuple français, ces 95 % qui, en mettant leur bulletin de vote dans l’urne, croient encore vivre en démocratie, pays où le peuple est souverain. Le règne du cow-boy a vu aux Etats-Unis les riches devenir plus riches et les pauvres plus pauvres. II en est de même en France, les 5 % ont vu les bénéfices de leurs mille plus grosses entreprises augmenter de 200 % entre 1986 et 1987 et pendant ce temps les 95 % ont vu une grande partie des leurs défiler dans les rues pour réclamer un salaire décent.
Alors Apartheid, démocratie ou ploutocratie ?
(Pinoche)
(1) Le Monde Diplomatique : "A la conquête des Pouvoirs" par Claude Julien
Ces Etats Généraux ont eu lieu à la Plaine Saint-Denis, les 6 et 7 avril 1990. Ils étaient organisés par le Mouvement National des Chômeurs et des Précaires dont le président est Maurice Pagat. Les assises regroupaient de nombreux experts politiques, économiques, syndicaux, sociaux, universitaires et des chercheurs avec, accessoirement, des chômeurs. Ces derniers sont repartis fort déçus car, au-delà de quelques promesses d’examen de dossiers individuels, au-delà de mesures ponctuelles prises ou annoncées par les ministres présents, ils ont eu la sensation que notre société est organisée autour d’une acceptation de la masse de chômage existante. Beaucoup l’ont dit ; malheureusement ils n’étaient pas à la tribune et n’ont pu, comme nous, qu’intervenir sous forme de questions, c’est-à-dire trop peu de temps pour se faire entendre. Certains ont quand même fait remarquer, ce à quoi on ne pense pas toujours, combien le chômage crée d’emplois : ANPE, administrations diverses comme le RMI, l’assistanat social, spécialistes en tous genres : formateurs, formateurs de formateurs, etc, et auraientils pu ajouter : ministres et sous-ministres...
Des officiels
Les politiques eux, c’est-à-dire le premier ministre Michel Rocard,
en direct par satellite, s’il vous plait, depuis la Guyane, ainsi que
JeanPierre Soisson, ministre du Travail et de l’Emploi et Bernard Kouchner,
secrétaire d’Etat à l’Action Humanitaire ont pu s’exprimer
largement.
Interrogé par Maurice Pagat depuis la tribune, Michel Rocard
a dit quelques mots agréables de circonstance, mais a refusé
de prendre l’engagement de la reconnaissance du Syndicat des chômeurs
comme "organisation représentative" qui était
demandée par le président (1).
Dans la grande salle où avaient lieu les forums, Jean-Pierre
Soisson a présenté son plan pour l’emploi en seize mesures.
Certaines sont des voeux pieux. D’autres sont des cadeaux au petit et
au grand patronat : II y en a qui vont dans le bon sens, comme les encouragements
à l’aménagement et à la réduction du temps
de travail ou le freinage des heures supplémentaires. Enfin les
aides aux chômeurs de longue durée et la revalorisation
de la rémunération des jeunes stagiaires sont des secours
qui ne sont pas négligeables.
Bernard Kouchner s’intéresse surtout à l’amélioration
de la vie quotidienne des chômeurs, ce qui est tout à fait
louable en soi. II a fait état d’un grand nombre de décisions
de détail dans lesquelles nous ne pouvons entrer ici, mais qui
peuvent être bénéfiques pour les intéressés
et en tous cas saluées par eux comme une amélioration
par rapport au désintérêt des autorités du
passé. Le sous-secrétaire d’Etat a néanmoins conscience
de son peu de poids par rapport aux autres ministres. II joue les représentants
de la "société civile" un peu candide, ce dont
nous doutons, égaré au milieu de spécialistes chevronnés
de l’économie financière et de la politique. Accordons-lui
de la bonne volonté, tout en remarquant qu’il sert de caution
sociale à des gouvernants dont les décisions d’ensemble
ne vont pas toujours dans le même sens que les siennes.
Bertrand Fragonard, Délégué Interministériel
pour le RMI fut un peu chahuté par les représentants de
la Maison des Chômeurs de Toulouse. D’après lui, toutes
les anomalies signalées résultent d’erreurs malheureusement
très concentrées, mais ne rendant pas compte de la situation
d’ensemble.. II a cité le nombre de 480.000 ménages ayant
bénéficié du RMI en 1989, a affirmé qu’il
y avait 40 % de contrats d’insertion mais a soigneusement caché
le nombre de retours à l’emploi : 4.000 !
Jean-Baptiste de Foucauld est à la fois un officiel, puisqu’il
est annoncé Commissaire adjoint au Plan, et un associatif, puisqu’il
a présenté au cours d’un des nombreux "carrefours"
qui se tenaient dans des salles annexes l’association "Solidarités
nouvelles face au chômage". Nous ne sommes évidemment
pas contre ces souhaits. Nous admirons le dévouement et le dynamisme
de tous les bénévoles qui soulagent les plus démunis.
Mais nous disons que tout cela n’est pas à l’échelle du
problème posé, que la redistribution d’un revenu de plus
en plus affaibli par la réduction du travail obligé ne
peut être une solution. A la limite, c’est leurrer les chômeurs,
comme les pauvres, que de leur faire croire que la charité est
de nature à s’opposer efficacement au chômage ou à
la pauvreté.
Mais J.B. de Foucauld, s’il préconise d’entrer dans les vues
des productivistes et de gagner des emplois en France, n’en est pas
pour autant à court d’idées. Son action veut se placer
tous azimuts. N’est-il pas l’auteur, avec la commission gouvernementale
qu’il a animée, d’un rapport énumérant 146 propositions
qui se veulent les réponses de l’Etat et de la Société
civile aux problèmes des chômeurs. Comme on le voit "l’imagination
est au pouvoir", les soixante-huitards ont gagné. Chacun
est à même d’en juger les résultats.
Des experts
II y en eut, au cours de ces assises, de nombreux et de toutes provenances,
non seulement gouvernementaux comme nous venons de le dire, mais aussi
associatifs. Des individuels ou ceux qui ne se présentaient pas
au nom d’un groupe, fort peu ; ils venaient surtout des milieux religieux,
universitaires ou de la recherche, ce qui n’est d’ailleurs pas incompatible.
Au début du forum "Faire du partage notre loi" interrompu
par l’allocution de Michel Rocard, Henri Bartoli, professeur d’Université,
a manié quelques idées générales telles
le respect de l’autre, la justice sociale et l’universalité.
II a fait référence à Emmanuel Mounier et au personnalisme
ainsi qu’à la revue "Esprit". Appelant à une
économie d’expansion et de progrès, à une meilleure
formation et à une valorisation du milieu de travail à
travers une redistribution des revenus, il s’en est tenu à des
solutions globales et fort théoriques. Nous retiendrons qu’il
a exhorté les chômeurs à se battre et à retourner
le rapport des forces en leur faveur... !
Lors de la même réunion, Guy Roustang, Directeur de Recherches
au CNRS a invité les participants à donner des emplois
aux chômeurs, mais aussi la parole. II a poussé au partage
et également à l’agrandissement du "gâteau".
Evoquant l’idée selon laquelle la croissance, au-delà
de 3 % (2), devait entrainer une diminution du nombre des chômeurs,
nous ne saurons pas ce qu’il en pense car l’horaire impératif
du satellite coupa son exposé qui ne fut pas repris.
Un autre forum, qui nous intéressait particulièrement,
était consacré à "La révolution technologique
et ses conséquences pour l’emploi". Jacques Robin annoncé
fut malheureusement absent. Benjamin Coriat, professeur d’Université,
auteur de "l’Atelier et le robot" (3) a fait un rappel très
utile des vagues successives de progrès technique survenues depuis
la seconde guerre mondiale et de l’organisation du travail quia dû
s’y adapter. II a brossé un tableau des changements de comportement
entrainés par les modifications de l’appareil productif. Enfin,
cet intervenant a imaginé trois scenarios possibles pour l’avenir
de nos sociétés. Le premier ultra-libéral et dual,
à la mode des Etats-Unis, qu’il a qualifié de noir. Le
second libéral et assistanciel, qu’il peint en gris et vert.
Le troisième coopératif, de partage du travail, avec comme
modèles l’Allemagne et la Suède, qui aurait ses préférences.
Disons seulement que Benjamin Coriat n’est pas très ambitieux..
Quant à son analyse économique, elle est à peu
près absente. II constate seulement que l’après seconde
guerre mondiale fut une période de croissance qui a duré
une trentaine d’années et fut suivie par hasard ?- d’une ère
de stagnation. II ne voit pas que la crise finale de sousconsommation
du capitalisme a été seulement interrompue de 1939 à
1945, puis par le retour progressif à l’abondance et que nous
nous retrouvons maintenant, avec les mêmes problèmes que
ceux des années 30.
L’importance de l’innovation technologique a été aussi
relevée par Roger Sue, Maitre de Conférences à
l’Université Paris V. II a qualifié d’erreur de gestion
la formation pointue de techniciens à qui l’on n’offrira que
des emplois de service, peu qualifiés ; c’est du moins ce qui
est prévu pour l’avenir par les sondages auprès des employeurs.
II a attiré l’attention sur la reconnaissance nécessaire
du travail, actuellement non comptabilisé, au foyer ou par les
bénévoles. II envisage de créer des consommateurs
par le moyen d’une allocation universelle, ce qui est un point positif
par rapport aux autres experts. A la fin de ce forum, nous n’avons pu
que marquer notre étonnement de constater que personne ne songeait
à mettre en cause le régime économique qui conduit
aux difficultés auxquelles personne, à notre avis, ne
proposait de remèdes efficaces. Puis nous avons avancé
que peut-être... l’économie distributive. Mais tout cela
en trois ou quatre phrases au cours de la discussion générale.
Des associations
Elles sont nombreuses. Certaines avaient participé à l’organisation
des assises. La loi de 1901 fait en ce moment un succès sans
précédent. Sur de vagues idées, des personnes créent
un groupement, un comité, un mouvement avec président,
secrétaire général, un bureau, etc... Peu importe
la solidité des propositions, l’essentiel est de réunir
et de trouver des auditoires. La plupart de ces actions sont éphémères,
d’autres se maintiennent. Quelques groupes découvrent bientôt
qu’il leur manque une doctrine économique. On fait parfois appel
à nous ou on nous "emprunte" des thèses. Au
lieu de commencer par s’informer de ce qui existe déjà,
l’on se précipite. Ne découvre-t-on pas rapidement que
cette prolifération et cette dissémination des efforts
est préjudiciable ? Qu’à cela ne tienne, chacun appelle
les autres à se réunir autour de lui. Sans succès
d’ailleurs puisque l’on tient très fort à son particularisme
et à ses adhérents. Au contraire, à l’intérieur
de beaucoup d’associations, des sousgroupes se forment chacun tirant
de son côté. Certains se réjouissent de cette diversité
et de cette richesse. C’est à voir...
Sans compter les initiatives qui n’ont pour but que de saper les organisations
existantes par la tactique ancestrale de la division. D’où vient
l’argent ? les moyens ? Mystère .. quelquefois éclairci,
mais trop tard ; le mal est fait...
Même si la volonté n’est pas de nuire, on ne peut que noter
cette curieuse méthode ou plutôt absence de méthode
du temps présent voué à la personnalisation, à
l’égoïsme et à l’absence de solidarité. Et
souvent le but affiché est l’entr’aide, le secours...
Ces considérations d’ensemble ne s’appliquent pas forcément
aux groupes dont nous allons parler maintenant et que nous avons choisis,
parmi d’autres, en fonction de nos disponibilités et de l’opportunité
du moment.
Ainsi Hubert Landier, directeur de "Management et conjoncture sociale"
a insisté sur le danger du tout à l’entreprise et du chacun
pour soi. Guy Lacroix a invité, sans plus, à une réinterrogation
sur les circuits monétaires.René Macaire des réseaux
"Espérance", théologien, a déclaré
que le chômage est le symptôme d’un refus d’évoluer.
François Plassard de l’Association "Temps .. Territoires"
et Philippe Riché d"Aldéa", ont évoqué,
dans un carrefour, le rôle de l’économie alternative pour
la création de nouvelles activités. Aldéa cherche
à "redonner un sens à l’économie en la recentrant
sur l’humain" et pousse au partage du travail par une "nouvelle
articulation salariat-bénévolat". F. Plassard travaille
sur le développement local par le moyen du "chèque
innovation" qui serait une façon de soutenir la mise en
oeuvre de nouvelles entreprises à un coùt inférieur
à celui du chômage.
Le Mouvement 4 x 8 revendique la réduction du temps de travail
afin que chacun, par de plus hauts salaires, puisse bénéficier
des nouvelles techniques d’automatisation. Ses responsables n’expliquent
pas comment la moyenne des entreprises fera, alors, pour résister
à la concurrence des travailleurs forcenés du Japon et
des sous-payés d’Extrême-Orient ou d’Afrique. Le Comité
chrétien de Solidarité avec les chômeurs comme son
nom l’indique ? Enfin Yoland Bresson (4) a pu exposer son projet et
celui de I"Association pour un revenu d’existence" qu’il anime
avec Henri Guitton. Nos lecteurs savent que si ces personnalités
sont assez de notre avis sur l’analyse que nous faisons des causes de
nos maux, elles ne nous suivent pas dans la partie constructive de nos
propositions. Elles préfèrent en rester à la redistribution
d’un revenu d’existence qui correspondrait au temps gagné grâce
à l’intervention des automatismes dans le processus de fabrication.
Il est vrai que ce revenu identique pour tous, donc à première
vue injuste, serait en fait repris aux plus aisés, presque en
totalité, par le moyen de l’impôt.
Sans espérer clore ici une discussion qui serait trop longue,
nous pensons néanmoins que, dans notre système économique,
ce modeste revenu de l’ordre de 1800 F. par mois (5), diton, serait
bien insuffisant pour les plus démunis et d’ailleurs repris par
l’inflation qui absorbe vite tous les avantages consentis pour redistribuer
les revenus.
A notre question, Yoland Bresson a renouvelé publiquement l’hommage
à Jacques Duboin, déjà rendu par lui-même
et Philippe Guilhaume dans leur ouvrage "Le Participat". S’il
considère J. Duboin comme un précurseur, il le pense maintenant
dépassé. Nous n’avons pas pu répondre car nous
n’avions plus la parole, mais nous considérons, évidemment,
que loin d’être dépassée, l’économie distributive
était tellement en avance sur le siècle qu’elle le reste
encore, sauf à considérer que le régime capitaliste
est le seul qui soit moderne... !
Ce compte rendu des Etats Généraux du Chômage et
de l’Emploi est tout à fait subjectif. II ne rend pas compte
de toutes les interventions. II a fallu faire un choix.
En marge du Congrès, nous avons pu avoir un entretien cordial
avec Maurice Pagat. Nous lui avons fait part de notre regret de n’avoir
pu participer plus largement. Ce n’est pas exclu lors de la prochaine
session. De plus, le président nous a offert spontanément
de publier un article sur l’économie distributive dans Partage.
Il est écrit et transmis. Nous pensons qu’il apportera aux chômeurs
un espoir réel de changement. Les autres lecteurs disposeront
également d’une information qui leur manque souvent, ce qui occasionne
la propagation de fausses idées sur notre doctrine, nous avons
pu le constater de nouveau au cours de ces rencontres.
(1) Son acceptation aurait donné l’accès
du syndicat à certaines élections professionnelles et
sociales et à des subventions plus importantes.
(2) Rappelons que la croissance fut de 3,7 % en 1989 après 3,8
en 1988. Les meilleurs économistes ( !) avaient prédit
qu’audessus de 3 °/ , le chômage diminuerait. Encore une fois
leurs prévisions se sont révélées fausses,
le nombre des demandeurs d’emploi n’a pas baissé de manière
significative et celui des chômeurs de longue durée a augmenté.
(3) Editions Bourgeois
(4) Voir G.R. n° 861
(5) Etant entendu que les autres prestations sociales sont supprimées,
mais pas l’assurance-maladie.
Hersant passe à l’Est
Hersant a nommé Directeur Général de sa nouvelle
société SCII Presse Contact, Pierre Schapira, ancien lieutenant
de feu Doumenc, le milliardaire rouge. Pas fou : il s’agit d’investir
les média à l’Est. La première revue "Business
in the URSS" paraitra en mai. "Outre les radios qu’il contrôle
déjà à l’Est, Hersant a d’autres projets de presse
pour tous les anciens satellites de l’URSS, notamment en Hongrie où
il a déjà installé un bureau de douze personnes".
Hersant est pressé car le groupe allemand Springer a déjà
racheté neuf journaux à Budapest. Et Maxwell, d’origine
tchèque s’empresse.
(d’après le Canard enchainé)
Gageons que tous ces patrons de presse et radio de l’Ouest font tout cela pour instruire les habitants de l’Est de la vraie doctrine socialiste !
***
Bravo les petits juges
Pour protester légalement contre le scandale de l’auto-amnistie
de nos députés qui se sont blanchis - à droite
comme à gauche - des juges libèrent des petits délinquants.
Quelle leçon ! Tu voles une pomme, tu mérites la prison.
Tu bénéficies de millions volés en tant qu’élu
du peuple ou tu les voles toimême, tu es blanc comme neige. Quelle
honte, surtout pour vous, Messieurs les socialistes, qui étiez
tant "mouillés".
***
Gorbatchev en péril
La "sortie" de Gorbatchev, lors du défilé du
premier mai 1990 sur la place Rouge, préfigure-t-elle, comme
l’a suggéré un journaliste, le destin du maître
actuel de l’URSS ? L’Histoire le dira dans un temps relativement rapproché.
On pourrait être exaspéré à moins
portrait du dernier Tsar Nicolas II, Grand Christ brandi, apostrophes
contre le "Ceaucescu du Kremlin"..., un comble pour celui
qui, fidèle à pérestroïka et glasnost, avait
autorisé l’opposition à défiler. Ce n’était
plus une manifestation constructive de la liberté retrouvée,
mais une provocation pure et simple.
II n’en reste pas moins que le mal étant fait, Gorbatchev aurait
dû faire front, prendre la parole, ce qui aurait évité
que le lendemain des Moscovites interwievés n’hésitent
pas à qualifier sa fuite de lâcheté.
Et que dire de la presse du monde entier au matin du 2 mai ? La revue
de presse d’Ivan Levaï était édifiante. Où
était le Gorby dont on disait aux EtatsUnis, lors des élections
présidentielles, que s’il s’était présenté,
il aurait été plébiscité ?
Essayons de faire le point. II y a des mois que nous signalons - en
le regrettant - la fragilité de Gorbatchev, certainement homme
de coeur, mais aussi quelque peu enfant de choeur. Sa vulnérabilité,
dans son désir de bien faire, aura certainement été
sa naïveté, relative bien sûr, mais suffisante pour
se faire piéger par les Occidentaux qui ont inventé Gorby
pour obtenir de lui ce qu’ils voulaient, à savoir la fin du communisme
à l’Est et, par voie de conséquence, du socialisme tout
court (1). Les résultats sont là, éloquents, au
fur et à mesure que se déroulent des élections
à l’Est.
II faut bien comprendre la concession faite par Mitterrand, Kohl et
Bush à Gorbatchev en ce qui concerne la Lituanie. Le fruit soviétique
n’étant pas mûr, il ne faut surtout pas qu’un coup d’Etat
militaire (2) vienne remettre tout en question (3). D’ici quelques mois,
au rythme auquel se déroule le processus de pourrissement de
la situation (économie, nationalités), Mitterrand et ses
compères pensent que le fruit tombera de lui-même, c’est-à-dire
que les masses feront la révolution comme dans les autres pays
de l’Est. Mitterrand a prophétisé que la "Révolution",
partie de l’URSS, finira en URSS.
Quand les réformateurs réclament des mesures "radicales",
demandent à Gorbatchev d’aller encore plus loin, traduisez :
on veut l’économie de marché pure et simple, on ne veut
plus entendre parler de communisme, pas même de socialisme.
Gorbatchev semble n’avoir que deux solutions : la fuite en avant jusqu’au
capitalisme ou la démission. II tenterait alors sans doute une
sortie non infamante, proclamant que, ne pouvant réaliser ses
objectifs et ne voulant pas trahir (totalement) le socialisme, il abandonne
le pouvoir à d’autres.
Le capitalisme "triomphant" à l’aube de la dernière
décennie du siècle devrait dresser trois statues : l’une
en or à JeanPaul 1 !, la deuxième en argent à Gorbatchev,
ou plus précisément à Gorby, la troisième
en bronze à Mitterrand, subtil soutien de "l’ordre établi".
André PRIME
(1) Souvenez-vous, Kohl à "l’Heure de Vérité
"Sans la pérestroika, il n’y aurait jamais eu d’élections
en RDA, Hongrie, etc..."
(2) Cet article a été rédigé avant le 7
mai, jour où a eu lieu sur TF1 un débat très instructif
après la projection du film "un train pour Pétrograd".
Participait à l’émission unmembre de l’ambassade d’URSS
à paris. A la question "Que craignez-vous le plus ?",
il a répondu "Un coup dEtat militaire et la dictature"
(3) voir dans mon article "la Relève" ce que Gorbatchev
a confié à Mitterrand lors de leur rencontre à
Kiev.
Lectures
Dans les années qui suivirent la seconde guerre
mondiale, Jacques Duboin affirmait que la reconstruction serait rapide,
et que "ce qu’on appelle la crise" (1) c’est-à-dire
"la grande relève" , reviendrait vite car les nouvelles
technologies, bouleversant les modes de production, avaient un effet
révolutionnaire. Personne, à cette époque, ne s’en
doutait. et il serait passé pour un utopiste et un visionnaire,
s’il n’avait eu à ses côtés des scientifiques capables
d’apporter leurs connaissances à l’appui de sa thèse.
Parmi eux, un jeune ingénieur impressionnait, non seulement par
son talent d’orateur, mais aussi par sa compétence, il était
spécialiste en cybernétique, c’était Albert Ducrocq.
Depuis cette époque, la carrière du "père
du renard électronique" est impressionnante. Mais son activité
ne l’a pas empêché, et c’est extraordinaire, de publier
plus de trente ouvrages sur l’évolution foudroyante de la science,
en particulier sur l’exploration de l’espace, tous riches de ses réflexions
sur la portée de ces découvertes quant à l’avenir
de l’espèce humaine.
Du dernier en date, "L’objet vivant le champ des émergences"
(2), je n’arrive pas à savoir ce que j’ ai le plus apprécié,
du sujet, qui est passionnant, de la somme de travail et de l’érudition
de son auteur, ou du style dont la clarté n’a d’égale
que la précision
Le sujet ? Rien moins que la vie et l’extraordinaire leçon que
la biologie apporte à toutes les autres sciences : une leçon
pour tous les chercheurs qui découvrent la complexité
et, avec elle, les limites du raisonnement cartésien. La pensée
scientifique est amenée aujourd’hui à se mettre à
l’école du vivant, car l’homme en s’étudiant luimême
s’est lancé "dans la plus exaltante des aventures"
qui "l’instruira beaucoup plus que toute exploration lointaine".
"C’est franchir une grande étape dans la connaissance du
phénomène humain que de comprendre les énergies
dont il est issu".
Ce livre n’est pas un simple ouvrage de vulgarisation. C’est beaucoup
plus. La fabuleuse aventure de la vie est expliquée dans sa logique
stupéfiante, dont Albert Ducrocq démonte la complexité.
Depuis sa source, car, explique-t-il, la substance de l’objet vivant,
c’est le milieu lui-même. Un système autonome sera simple,
donc sa génération spontanée concevable, si son
milieu est simple, celuici sera ainsi le creuset de systèmes
vivants qui subsisteront si à chaque étape de la complexification
du milieu, ils répondent en se complexifiant eux-mêmes.
Les océans du précambrien offraient un tel milieu rudimentaire,
alors que la formation spontanée d’un objet biologique est impensable
sur les riches continents actuels ...On comprend alors comment la gravitation
est à l’origine de la formation d’une étoile, où
l’hélium se transforme ensuite en hydrogène, puis en carbone,
puis en néon, en oxygène, en fer, etc. La Terre est une
étoile très particulière : elle est assez petite
pour avoir un sol, et elle est assez grosse pour qu’une enveloppe gazeuse
puisse la protéger. Elle remplit donc les conditions pour être
le théâtre privilégié où le libre
jeu des forces électriques donne naissance à des microstructures
hautement élaborées. Celles-ci deviendront des molécules,
minérales ou organiques (c’est-à-dire contenant du carbone),
qui, stables ou instables sont toutes nées de rencontres fortuites,
car en une seconde une molécule en rencontre des milliards d’autres.
Des réactions chimiques se produisent, mais ne subsistent que
certains composés qui se complexifient.
On pénètre alors dans un monde que les ordinateurs modernes
savent simuler. Ceci a permis récemment de montrer la propension
d’un réseau de molécules à engendrer des molécules
toujours plus complexes, les molécules "biologiques"
agissant sur le milieu en renforçant leur autonomie par la seule
logique des systèmes si clairement analysée
par Albert Ducrocq. Mais tout système, si complexe soit-il, ne
peut survivre que pendant une durée limitée. II faut qu’il
se reproduise. En fait, l’autonomie transitive n’est pas assurée
à un matériel (un objet vivant) mais à un sémantiel
(mémoire d’une organisation acquise). Alors entrent en jeu les
molécules d’ADN... Et la complexification continue, permettant
au passage l’émergence du cerveau, cette merveille qui nous permet,
entre autres prouesses, de reconnaitre un être humain parmi des
milliers d’êtres semblables,.ce qu’il est si difficile d’enseigner
à un ordinateur.
Mais je ne vais pas ici résumer ce livre. D’abord parce que ce
n’est pas possible. Et puis parce que je veux laisser à nos lecteurs
la joie d’y découvrir eux-mêmes.ces réponses à
des questions éternelles : Qu’estce que la vie ? ou plutôt
: Qu’est-ce qui caractérise un être vivant ? La science
moderne répond sous la plume d’Albert Ducrocq : "L’autonomie
qui lui permet d’être et la liberté par laquelle il peut
progresser".
Belle leçon à méditer, en particulier par les économistes
qui devraient appliquer à la société les recettes
de la vie.
Ce livre fera-t-il comprendre que l’avenir doit être dans la recherche
d’un équilibre, et non de passer, comme sont en train de le faire
les pays de l’est, d’une tendance extrême à son opposée
: ni le communisme, tel que la dictature stalinienne l’a caricaturé,
ni le libéralisme dans lequel la liberté se mesure au
contenu du porte-monnaie. Albert Ducrocq, il me l’affirme en m’envoyant
son livre, n’oublie pas l’économie distributive. Celle-ci constitue
justement la troisième voie, la voie intermédiaire. Elle
permet de trouver l’équilibre nécessaire parce qu’elle
apporte les moyens d’une gestion raisonnée entre le "toujours
plus" auquel la société de consommation a habitué
les riches et les nécessités de l’écologie si nous
voulons que l’épopée de la vie ait une suite pour nos
descendants.
Marie-Louise DUBOIN
(1) Titre d’un livre de J Duboin, publié en
1934
(2) Publié chez Stock, octobre 1989
Le dernier papier de Chiffon
C’est à titre posthume que nous publions ce papier de Chiffon, car elle a décidé de nous quitter, le 17 avril dernier. Elle en avait assez de lutter contre la misère du monde, alors qu’elle-même n’avait cessé de vivre dans la misère. Quand Danièle a écrit ce dernier papier de Chiffon, il y a plus de deux mois, elle ne se doutait probablement pas qu’il serait pour nous son dernier témoignage, un dernier cri de détresse pour nous convaincre que pas seulement dans les pays lointains, mais aussi très près de nous, tout un monde de laissés-pour-compte a besoin de notre lutte pour que cessent ces insupportables misères quand l’abondance est possible.
Antoine me dit d’un air malin : "Mais comment,
avec 3.000 F. par mois, Noélie peut-elle vivre ? "
Avec 3.000 F. par mois, on mange n’importe quoi, on se loge très
modestement et sans confort et plus ça dure, plus on rechute,
moins ça s’arrange et plus on perd confiance, allure et possibilités.
L’espoir s’émousse, les compétences s’évanouissent.
Noélie aussi.
Avec 1.000 F. on tombe dans une institution charitable ou on tombe malade.
Ce qu’il appelle sans doute "vivre" Antoine, c’est ... lire,
se cultiver, prendre des vacances, voyager, avoir peut-être une
voiture, aller de temps en temps au cinéma, au théâtre,
au restaurant. Ce que certains, des plus modestes d’ailleurs, appellent
"vivre avec son siècle" : c’est avoir l’eau chaude,
les toilettes, la télévision, le téléphone,
le Minitel même, avoir pris l’avion, pratiquer un sport ou un
art. Donc, avoir un certain salaire, du temps libre, la santé
et l’esprit disponible.
Ça en fait des conditions !
Si on calcule - selon Antoine - entre la population du tiers-monde,
celle de la Chine, de l’Inde, d’une partie de l’URSS, de l’Amérique
latine et ici, notre quart-monde et nos analphabètes, il y a
à peine un milliard d’individus sur cinq milliards qui vivent
!
Une personne sur cinq vit sur terre, selon les conceptions qu’un jeune
parisien moyen se fait de la vraie vie !!
Voici des extraits de la lettre qu’un distributiste
vient d’adresser à l’agence Novosty pour accompagner une distribution
de nos tracts :
Qui va parler des gens du quart-monde et des gens du tiers-monde ? Les
premiers crèvent de faim dans des pays où il y a trop
de tout ; les seconds meurent de faim parce que les pays riches, si généreux
! préfèrent détruire la nourriture que la distribuer.
Le stalinisme fait faillite et l’on démolit le mur de Berlin,
mais les boutiques rutilantes de la société de consommation,
ne cachent-elles pas le véritable mur de la honte, celui qui
masque les ghettos du quart-monde : 40 millions d’Européens à
l’Ouest et 30 millions d Américains ?
Après avoir combattu en 1936 et en 1981 pour le socialisme dont
l’idéal est le progrès social et l’aide aux plus démunis,
devons-nous penser que le socialisme, c’est 1 Arlésienne ?
Vous défendez encore le capitalisme. Comme les autres, vous votez
des lois pour détruire l’abondance que vous appelez excédents
agricoles.
Que vous faut-il pour comprendre que le régime capitaliste, lui
aussi, fait faillite ? La crise a 14 ans (1975-1989), 14 % des Européens
vivent en-dessous du seuil de la pauvreté (abbé Pierre
dixit) soit 1 % par an et celà est irrépressible. En l’an
2000, il faudra compter 25 % de misérables dans ces pays riches.
Qu’adviendra-t-il ?
Ce qui est intolérable, pour des hommes qui ont combattu toute
leur vie pour le socialisme, c’est qu’en 1981 , le PS avait la part
belle pour faire de la France le premier pays socialiste du monde, un
phare pour ceux qui pensent démocratie et non ploutocratie ;liberté,
mais pas celle de crever de faim, sans oublier le progrès social.
M.L., Bois-Colombes
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La revue écologique "Combat Nature" vient de publier dans le n° 89 de mai 1990 un article de Jean Mestrallet, intitulé "Nature et économie, l’économie distributive". Un article clair et succint qui a certainement fait réfléchir les lecteurs de cette revue dont le tract affirme : "L’équilibre et le bonheur de l’homme doivent passer avant la production, le profit et la consommation. Les besoins collectifs avant les intérêts privés et l’avenir du monde avant l’exploitation aveugle de la Terre". "Mais l’évolution des mentalités est trop lente" ajoute le tract que présente cette revue, dont les intentions ne peuvent que convaincre les distributistes de multiplier les contacts avec l’association dont elle est le porte-parole.
Du bon usage...
Selon un rapport récent de l’ONU, le monde a dépensé
en 1985 plus de 900 milliards de dollars à des fins militaires,
soit 2,5 milliards par jour.
La solution du problème de l’eau potable, cause de 80 % des maladies
du tiersmonde, aurait coûté 30 milliards de dollars par
an pendant 30 ans, soit environ dix jours de dépenses militaires.
Les sommes nécessaires pour donner aux habitants de la planète
la nourriture, l’eau, l’éducation, les soins et le logement qui
leur manquent toujours ont été estimées à
17 milliards par an. C’est énorme.., mais c’est à peu
près ce que le monde dépense en armes toutes les semaines !
(extrait de Mistoufle)
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Croissance démographique
La conférence internationale de l’ONU sur la croissance de la
population au vingt et unième siècle a lancé un
appel en faveur d’efforts accrus de la communauté internationale
pour endiguer la croissance démographique mondiale. Dans une
déclaration finale, les 80 pays représentés à
la conférence, qui s’est déroulée à Amsterdam,
ont estimé que le taux de natalité devrait être
ramené à 3,2 enfants par femme d’ici à l’an 2000,
contre 3,4 enfants actuellement.
Une telle baisse permettrait de limiter la population
mondiale à 6,2 milliards de personnes en l’an 2000, contre 5,5
milliards actuellement.
D’autre part, l’urbanisation galopante, qui caractérise actuellement
le tiers-monde, ne favorise pas le développement économique
et le progrès social comme cela a été le cas pour
l’Europe après la révolution industrielle au dixneuvième
siècle, estime une étude au Bureau international du travail
(BIT).
D’ici à la fin du siècle, 17 des 20 plus grandes agglomérations
urbaines mondiales seront dans le tiers-monde et les mégapoles
que sont Sao-Paulo et Mexico compteront chacune 25 millions d’habitants
; 75 % de la population seront urbanisés en Amérique latine,
42 % en Afrique et 37 % en Asie.
Dans la plupart des grandes villes du tiersmonde, un quart de la population vit actuellement dans la pauvreté absolue, et il est probable que cette situation aille en empirant, estime le BIT. Dans ces agglomérations qui sont en fait des bidonvilles, des millions de personnes souffrent du manque d’assainissement, d’infrastructures sociales et surtout d’une absence désespérante de possibilité d’emplois et de formation, ce qui force les pauvres à trouver un moyen d’existence dans la rue.
(Le Monde, 14 novembre 89)
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Un petit croquis
Point n’est besoin d’un long discours pour comprendre la connivence
entre le gouvernement Rocard, traître aux promesses du PS, et
un patronat rétrograde et accapareur. En RFA, gouvernée
pourtant par la Droite, l’IG Metall, puissant syndicat de la métallurgie
(4 millions de salariés), vient de signer sans grève un
accord pour les 35 heures par semaine. L’application se fera en deux
étapes : actuellement de 37 heures et demie, la semaine sera
ramenée à 36 heures le premier avril 1993 et 35 heures
au premier octobre 1995.
Ce n’est pas tout : cet accord s’accompagne d’une augmentation des salaires
de 6 % au premier juillet prochain, pour une inflation de 2,5 à
3 %.
Qu’en disent Messieurs Calvet, Rocard, Mauroy ou Mitterrand ? Le partage
des fruits de la croissance - doublement temps et salaire -, c’est ça
! Pas de mots ou de vagues promesses.
Que serait-ce en Economie distributive ?
(Le Monde, 5 mai et la télé du 4 mai)
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La santé des Français
Dépenses de santé en 1989 : 500 milliards de francs (en
gros l’équivalent de 40
du budget de la nation), soit 8920 francs par personne contre 8270 en
1988 (+ 7,86 %). Les Français, parait-il, consomment deux fois
plus de médicaments que les Allemands, et trois fois plus que
les Anglais.
(Le Monde, 5 mai)