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Tout s’use avec le temps, même les mots, qui
finissent par perdre leur sens. Au point que pour continuer à
se faire comprendre, il faut parfois les redéfinir.
Il en est ainsi du mot "social". Le dictionnaire le définit
comme l’adjectif de ce qui concerne la société dans son
ensemble, de ce qui revêt une forme collective : la législation
sociale, par exemple, est "l’ensemble des dispositions législatives
et réglementaires qui font intervenir en faveur des individus
et des foyers la solidarité de la collectivité organisée".
C’est bien dans ce sens que J. Duboin a donné, avant la guerre,
le nom de service social au travail qu’en économie distributive
tout individu se doit d’effectuer, en tant que membre de la société,
pour participer à la production de l’ensemble et non plus pour
le profit d’un patron ou d’actionnaires.
Depuis cette époque, le sens du mot s’est déformé.
On parle aujourd’hui de service social, d’aide sociale, comme d’une
charité laïque destinée à une seule classe
de la société, celle des plus démunis : si une
ville construit "des logements sociaux", c’est qu’elle les
destine aux plus pauvres. Alors il s’agit de logements étroits,
sans confort, et c’est ainsi que social devient synonyme de mauvaise
qualité.
Si l’on veut tenir compte de la déformation du mot, il faudrait
donc, lorsqu’on définit l’économie distributive, remplacer
les mots de service social et de revenu social. Le premier par quelque
chose comme : activité au service de la société
et le second, sans doute, par revenu de citoyenneté.
Echange et marché.
Plus grave est la confusion qui nait lorsque des distributistes affirment
rejeter "l’économie de marché"(1). La vérité
qui se cache sous cette expression est double : il y a d’abord le fait
que nous avons compris qu’il n’est plus possible d’exiger de tout individu,
et tout au long de sa vie, qu’il ait quelque chose à offrir en
échange de ce dont il a besoin pour vivre. Depuis que la production
est (ou peut être) automatisée, le marché du travail
est saturé : une quantité croissante de biens sont produits
sans contre-partie d’un travail humain ; ils peuvent et doivent donc
donner lieu à une distribution équivalente de revenus
pour tous.
D’autre part, les distributistes estiment que l’économie de marché,
celle qui sévit dans le monde actuel, n’est plus que la caricature
monstrueuse du véritable marché. Ce n’est pas l’idée
de marché qu’ils refusent, c’est la façon dont elle a
été défigurée à l’ère industrielle
: peut-on appeler marché une transaction avec une multinationale
qui a acheté en Bourse "toutes les parts du marché"
? II n’y a pas de marché entre un individu et un "holding"
!
Question d’échelle.
Car tout ceci est une question d’échelle, de moyens mis face
à face. II y a bien marché lors d’une transaction entre
deux individus. Par exemple lorsqu’un "particulier" cherche
à revendre sa voiture, il se renseigne, il affiche son intention,
il propose un prix. Si ce prix est "raisonnable", il trouve
facilement des acheteurs qu’il peut éventuellement mettre en
compétition. Si, au contraire, il exige trop, les acheteurs potentiels
l’amènent à baisser son prix. II y a marchandage parce
que vendeur et acheteur peuvent agir sur le montant de la transaction.
Lorsque je vais faire mon marché le samedi matin, je ne marchande
pas comme on le fait encore en Afrique, mais je peux exprimer mon avis
par mon choix, refuser d’acheter à un commerçant qui me
trompe sur la qualité ou la quantité, lui préférer,
même en payant plus, celui qui manifeste son souci d’apporter
luimême un plus à ce qu’il vend, soit en choisissant bien
ce qu’il revend, soit en offrant ses conseils ou un service après
vente. II y a marché parce que ce choix existe tant pour le commerçant
que pour moi : nous sommes placés sur un pied d’égalité
vis-à-vis de la transaction.
Cette égalité d’échelle entre les deux parties
est la condition nécessaire pour qu’il y ait véritablement
marché. La preuve en est qu’à l’échelle du supermarché,
c’est fini : il faut que les consommateurs se regroupent en associations
pour être "de taille" à faire face, à
se défendre, à faire valoir leur point de vue. C’est par
ces regroupements que des "boycotts" sont possibles et se
révèlent parfois efficaces. Un client seul est sans moyens
d’abord parce qu’il lui est difficile de faire des comparaisons, ensuite
parce qu’il est la cible d’experts qui ont acquis une véritable
science sur l’art et la manière de l’amener à leurs fins.
II n’y a pas de miracle en la matière : un bon gestionnaire est
celui qui fait de bons bénéfices, il sait appâter
ses clients en perdant sur certains produits pour se rattraper largement
sur d’autres. Comme il a des moyens que le client n’a pas, c’est lui
qui impose les prix. Et même la mode !
Un objectif clair
Comment conserver les avantages du marché - la concertation entre
l’offre et la demande.- tout en évitant sa déviation de
l’ère industrielle ?
Tel est bien l’objectif de l’économie distributive. D’abord parce
qu’une monnaie non thésaurisable empêche que les entreprises
soient détournées de leurs objectifs économiques
par des manoeuvres financières, comme c’est le cas aujourd’hui
dans ces gigantesques casinos que sont devenues les Bourses.
Des contrats à tous les niveaux
Ensuite parce qu’elle permet de baser les échanges économiques
sur des contrats. Des contrats équitables et négociables
au niveau approprié.
Le contrat le plus élémentaire est celui du citoyen qui
se voit offrir par la société un revenu assuré
à vie, son revenu social, contre un engagement d’effectuer son
service social, selon des modalités qui, dépendant à
la fois de ses propres facultés et des besoins de la société,
devront faire l’objet d’un accord (son contrat social personnel) au
niveau de son entreprise ou de sa commune.
Contrats, encore, au niveau des créations d’entreprises : lorsqu’un
individu aujourd’hui veut créer son entreprise, il s’adresse
à une banque pour lui emprunter les fonds dont il a besoin. La
banque lui prête contre garanties et ne se préoccupe que
d’avoir l’assurance que son client la remboursera et lui paiera des
intérêts. En économie distributive, ce même
individu, ou plus souvent un groupe d’individus, devra proposer un contrat
auprès de la commune dans laquelle il projettera de s’installer.
Un contrat dans lequel il décrira ce qu’il veut produire (afin
qu’on puisse juger de l’utilité de son projet), dans lequel il
justifiera de ses capacités pour y parvenir, dans lequel il chiffrera
ses besoins en bâtiments, en matériel, en personnel, ainsi
que la production qu’il s’engagera à fournir dans des délais
précis. Enfin son projet de contrat devra prévoir plusieurs
éventualités, celles où il ne respecterait pas
les délais, celles où qualité, quantité,
seraient inférieures ou supérieures à celles annoncées,
etc... Si son contrat est accepté par la commune, celle-ci lui
fournit les moyens demandés, pour la durée fixée.
II n’aura pas ensuite à rembourser un prêt, mais il devra,
à terme, fournir la preuve qu’il a rempli correctement son contrat
et que ce qu’il a produit a effectivement intéressé les
consommateurs. Ce rapport a posteriori lui sera nécessaire pour
demander le renouvellement de son contrat ou l’élaboration d’un
autre. Dans de telles conditions, il y a bien un marché entre
l’ensemble du personnel d’une entreprise et le reste de la société
représenté par la commune : les deux parties peuvent discuter
le contrat. Par exemple, si le proposant se rend compte que son projet
intéresse beaucoup la commune, il pourra augmenter ses exigences
et demander des revenus supplémentaires pour luimême et
ses collaborateurs. La commune sera libre d’accepter ou non, par comparaison
aux autres demandes formulées.
Contrats pour le commerce extérieur
II en est de même pour les échanges dits extérieurs.
Une commune rurale peut passer avec une autre commune un contrat pour
la fourniture, à dates fixes, d’une certaine quantité
de denrées alimentaires contre la fourniture, également
à dates fixes, de tels services ou de tels matériels dont
elle a besoin. Une région européenne peut passer avec
une région africaine un contrat pour la fourniture d’un certain
nombre de véhicules, qu’elle fabrique en série, contre
telles prestations de services, touristiques par exemple. La multiplicité
de tels accords de troc entre toutes les régions de la terre
rendra ces accords parfaitement transparents pour les consommateurs
: un européen se rendant en vacances en Afrique paiera les services
dont il aura besoin par prélèvement sur sa carte bancaire.
Aux gestionnaires informatisés de faire ensuite les calculs de
compensation nécessaires, en suivant les normes qui auront été
fixées par les contrats de troc.
Le changement est déjà nettement amorcé
L’économie distributive implique donc d’instaurer une nouvelle
base pour les échanges, une base contractuelle, claire, nettement
définie, engageant la responsabilité des deux parties,
et à l’abri, par conséquent, de toute spéculation.
Et là encore on s’aperçoit que nos propositions sont déjà
largement entrées dans les faits, même si le grand public.ne
s’en est même pas encore aperçu.(voir à ce sujet
l’encadré cicontre).
A partir de l’annuaire De Bard , le journal Le Monde a conclu, en Novembre
1988 :`Aujourd’hui, tout s’échange, se rachète, s’arbitre,
se compense, même certaines dettes du tiers-monde. Achats de gouvernement
à gouvernement, d’entreprise à entreprise ou par l’intermédiaire
de banques comme de sociétés spécialisées,
les exemples se multiplient d’opérations multilatérales.
"
La base contractuelle qu’implique l’économie distributive, devenue
absolument indispensable, est entrée partiellement dans les faits,
comme d’autre part est entrée dans les faits la distribution
de revenus sans compensation d’heures de travail, depuis les congés
payés, la retraite, et maintenant le revenu minimum garanti.
(1) Voir par exemple ci-dessous l’article de F.Lévy.
Mois de Mars, riche en manifestations marquantes :
congrès du PS, prestation de Mitterrand à "7 sur
7", émission de Jean-Marie Cavada sur FR3 dans "la
marche du siècle", élections en RDA, prestation de
Khol à "l’Heure de vérité", élections
en Hongrie, et, pour l’URSS, situation en Lithuanie, Estonie et même
en Ukraine.
Comment un distributiste peut-il analyser ces événements
?
1 . LA FRANCE "SOCIALISTE"
° Six éléphants... ça trompe
énormément ! C’est ce que des congressistes de Rennes
chantaient, tristement sans doute... parce qu’énormément
trompés, floués. Nous avons pu voir ces congressistes
pleurer pendant que les éléphants - c’est ainsi qu’on
désigne les grands chefs du PS se malmenaient, se vendaient,
changeant de camp ; et que parmi eux, les "présidentiables"
s’étripaient pour conquérir le parti, tremplin pour la
succession du Père.
Vue de Sirius, cette sarabande n’offrirait sans doute qu’un mince intérêt.
Mais au niveau français, à l’aube d’une décennie
capitale, sinon décisive, pour l’avenir de l’Europe et du monde,
quelle tristesse ! De vrais éléphants seraient peut-être
morts de honte et de chagrin. Eux, non. Le PS n’a plus aucun débat
d’idées, aucune idéologie, aucun projet socialiste.
Voilà ce qu’en dit une militante de Metz, inscrite au parti depuis
1982 : "Nous avons suivi un congrès désastreux. Pour
la première fois de ma vie, j’ai eu honte de ma famille politique"
: Et dans son bulletin hebdomadaire Synthèse Flash, Poperen résume
: "le constat de base... c’est un glissement du PS sur sa pente
de droite". Simple glissement ? Depuis plusieurs années,
la Grande Relève est plus catégorique. Delors, qui s’est
tenu prudemment - futur présidentiable lui aussi - à l’écart
des joutes, a laissé tomber au lendemain du congrès :
"II ne faudrait pas que la déception se transforme en désespoir"’
° Mitterrand à "7 sur 7
Le 25 mars, une semaine après la clôture du congrès,
Mitterrand qui, de notoriété publique, soutenait son poulain
Fabius - lequel est apparu comme un ambitieux forcené - a voulu
rassurer, atténuer les conséquences sur l’opinion et les
militants de ce lamentable show que fut le congrès de Rennes.
II reprit l’antienne qui n’engage que son image de marque : mieux répartir
les fruits de la croissance retrouvée, passer à une troisième
phase par la redistribution de la prospérité française.
II reconnait :’Avec 60 d’augmentation en trois ans, comment voulez-vous
que les gens se logent à Paris et dans les grandes villes. On
est en train de rattraper Tokyo (entre parenthèses, certains
privilégiés S’y logent fort bien !)... Dans beaucoup de
domaines aujourd’hui, on peut travailler à restituer les chances
de l’égalité".
Cela fait près de dix ans que Mitterrand répète
la même chanson. Mais l’air se fait de plus en plus rare pour
la grande majorité des Français dont le pouvoir d’achat
régresse (voir les études du très officiel CERC
: ça, c’est la réalité). En arrivant à Matignon
en juin 1988, Rocard demandait encore 15 mois de rigueur - à
qui ?- avant d’entamer le fameux partage des fruits de la croissance.
Près de deux ans ont passé et il en est à refuser
toute augmentation de pouvoir d’achat aux fonctionnaires, et même
discuter de rattrapage. Erik Izaelewicz, dans le Monde du 27 mars, ne
s’y trompe pas. II écrit
"Redistribuer la prospérité retrouvée sans
changer de cap. telle est, en matière économique et sociale,
la mission qu’assigne au jourd’hui le Président de la République
à son gouvernement. Modéré, le discours de M. François
Mitterrand n’est pas, en ce domaine, exempt de contradictions... Le
ton à l’égard des milieux d’argent était beaucoup
moins virulent que lors de sa prestation précédente à
la même émission "7 sur 7" au début de
1989 . ....Dans sa vision des choses, le "système "
(capitaliste) conduit inévitablement à un accroissement
des inégalités sociales. En déclarant qu’il avait
désormais "cinq ans pour démentir qu’un gouvernement
de gauche puisse être producteur d’inégalités" ;
M. Mitterrand n’a pas nié que les écarts de richesse se
sont accrus au cours de la décennie écoulée, et
donc pendant son premier septennat (1981-1988). La prospérité
retrouvée ne profite qu’aux riches".
° Etre au PS en 1990
Deux jours après la prestation du Président, J.M. Cavada,
dans son émission "la Marche du siècle", avait
invité Mauroy et quelques têtes mineures du parti, deux
ex-militantes, le journaliste Jacques Julliard.. Le "nouveau"
Premier Secrétaire du PS qui se succédait à lui-même
après une élection peu reluisante, fut, comme à
l’accoutumée, tout en rondeurs, "heureux" que la synthèse
se soit enfin faite... au siège du PS, minimisant les heurts
du congrès qu’il essaya de faire prendre pour des débats
un peu vifs.
II reprit bien entendu le seul point qui semble constituer tout le programme
du PS aujourd’hui : un meilleur partage des fruits de la croissance,
sachant très bien que pour Rocard, attentif à gérer
au mieux l’économie capitaliste, ce ne serait qu’un voeu pieux
:"Hier, on rêvait, dit-il (il voulait parler du temps où,
avant 1981, et pendant quelque temps après l’élection
de Mitterrand, le PS affichait un projet vraiment socialiste). II faut
apporter une réponse aux chômeurs et aux précaires
.... promouvoir une "nouvelle étape sociale" que Mauroy
appelle une "idée force" !!!
Pressé par Julliard, les ex-militants, Cavada (qui lui dit :
"le vide idéologique socialiste est total, il va falloir
remplir la marmite °) - Mauroy promet pour le printemps prochain
un PROJET. Une exmilitante fait remarquer que la représentation
des ouvriers (31% du monde du travail) au congrès de Rennes était
de 1 %. Julliard constate :"La vieille maison a gagné",
voulant dire par là que le PS était revenu à Guy
Mollet. Un député PS regimbe :" La droite et la gauche,
ce n’est pas tout à fait la même chose". Pas tout
à fait : ce n’est guère enthousiasmant
En résumé, on le voit : congrès de Rennes, plaidoyer
Mitterrand ou "projet" Mauroy, rien d’essentiel ne distingue
plus la gauche de la droite dans l’exercice du pouvoir. La gauche amuse
le tapis avec des problèmes certes importants pour tous (tels
l’immigration, l’écologie) mais non spécifiques d’une
politique socialiste, c’està-dire contre l’exploitation et les
méfaits du capitalisme dominant.
A ce train-là, les législatives de 1993 seront sûrement
perdues. Serait-ce un mal, tout compte fait ? Les socialistes, dans
l’opposition, devraient retrouver un langage de gauche, ne fut-ce que
pour reconquérir le pouvoir. Ils devraient prendre part aux luttes,
aux revendications ; des avancées sociales seraient alors possibles,
comme cela a été le cas pendant deux siècles d’opposition,
à l’exception de la parenthèse de 1936.
2. LES PAYS DE L’EST
° Elections en RDA
Triomphe de la droite : près de 50 % des voix. Comme nous l’avions
prédit, le PC, rebaptisé, a recueilli 15 % des voix, le
SPD, donné vainqueur, 22 seulement. Un fait très significatif,
très important est passé inaperçu : l’ancien Forum,
qui a déclenché la révolution a récolté...
2,5 % des voix. Autrement dit (et cela, nous n’avons cessé de
le répéter) les vrais révolutionnaires ont tiré
les marrons du feu pour la droite qui a ainsi récupéré
tout le mouvement.
II faut dire que l’argent de la CDU a coulé à flots pendant
la campagne. Kohl s’est dépensé sans compter... au propre
et au figuré. Cohn Bendit constatait amèrement :"Ceux
qui n’ont rien fait depuis cinquante ans remportent la mise du travail
des autres".
Ces résultats confirment ce que craignait Marie-Louise Duboin,
commentant dans son éditorial de la Grande Relève d’Avril
(rédigé avant les élections) la lettre de notre
ami Karl de Berlin-Est, : le triomphe du capitalisme.
A "l’heure de vérité", Kohl est apparu serein,
rassurant, heureux, sûr de lui "Je n’ai pas commis d’erreur"
a-t-il dit. Modeste !
A une question d’un journaliste sur la neutralité d’une Allemagne
réunifiée, il a répondu sans ambiguité,
qu’il n’était pas question d’une neutralisation militaire de
l’Allemagne réunifiée.La Grande Allemagne fera partie
de l’OTAN. Que Gorbatchev se le tienne pour dit, lui qui voulait marchander
la réunification contre la neutralité (1).
Et pourtant, Kohl a avoué, goguenard "sans la perestroïka,
il n’y aurait jamais eu les élections en RDA, en Hongrie, etc..."
Merci Gorby. Autres affirmations de Kohl : "Nous allons assister
à un boom des investissements industriels... La décennie
en cours sera celle de l’Europe et non celle du Japon". Voire.
Gageons qu’elle sera plutôt celle des deux compères : Japon
et Allemagne.
Kohl a voulu faire une prestation rassurante, majestueusement calé
dans le fauteuil qu’occupa Adenauer. Mais il s’est posé en homme
politique avec qui il faudra compter de plus en plus, surtout s’il fait
coup double en 1990 après avoir gagné au pas de charge
le pari de la réunification, gagner les élections de RFA
fin décembre.
La fête finie, il y aura probablement des pleurs et des grincements
de dents en RDA. On a pu voir une jeune femme qui avait animé
le Forum (comme cela semble déjà loin) très déprimée
par les résultats des élections : "Je ne crois plus
à l’espoir des générations futures" ditelle.
Et, de fait, beaucoup d’acquis risquent d’être perdus. II est
curieux de lire, dans le Figaro du 20 mars, sous la plume de Michel
Tournier : `Au total, la RDA ne mérite pas d’être purement
et simplement rayée de la carte. L’absence de chômage,
le logement assuré pour tous, le statut de la mère célibataire,
le réseau des jardins d’enfants, et surtout, les équipements
sportifs pour les jeunes, voilà ce qu’on trouvait à l’Est,
et ce qu’on chercherait en vain à l’Ouest capitaliste".
° Hongrie
Un mot pour rappeler que, dans ce pays, la droite a également
remporté les élections. L’ex-PC ne récolte que
10 % des voix.
A la veille du vote, un Hongrois, à la question :"Que craignez-vous
?" répondait :"le chômage qu’on ne connaissait
pas avant". II y a eu quarante licenciés dans son usine.
Pauvre Hongrois : il faut savoir que la compétitivité,
en économie marchande, est à ce prix.
° URSS.
Quant à Gorbatchev, élu premier Président de l’URSS,
il a bien des soucis avec ses nationalités : après la
Lituanie, l’Estonie, et l’Ukraine qui commence à s’agiter. En
Lituanie, il a été contraint de "montrer la force"
sinon de l’employer.
Après la "perte" pour l’URSS de tous les pays de l’Est
(comme nous l’avons déjà signalé, Comecon et Pacte
de Varsovie sont des coquilles vides), trouvera-t-il une voie originale
préservant un minimum de vrai socialisme ? Un socialisme qui
soit autre chose que ce fauxsemblant que représentent les sociaux-démocrates
de l’Ouest ? (Voir plus haut la France). Nous le lui souhaitons, car
les pôles d’ancrage s’amenuisent. On peut raisonnablement craindre
(voir l’activisme d’un Boris Elskine) que, comme dans les autres pays
de l’Est, les forces réactionnaires représentent 50% de
la population et soient prêtes à lui porter l’estocade
au premier faux pas. L’Ouest, soyons-en persuadés, veille sur
la dernière proie qui lui résiste entre l’Atlantique et
l’Oural.
(1) Le 10 mars 1952, Staline, dans une note à la RFA, proposait une réunification de l’Allemagne contre une neutralisation militaire, mais Staline avait alors des atouts que Gorbatchev n’a plus.
Stress
En économie marchande, les patrons ont une curieuse conception
de la qualité de la vie : ils cultivent le stress parce qu’ils
estiment que c’est bon pour le rendement ! Ne riez pas : c’est très
sérieusement que le présentateur d’Antenne 2, le 24 mars,
nous a révélé cette curieuse pratique.
Mais, depuis quelque temps, on s’est aperçu que trop, c’est trop
: le stress de la vie moderne (peur du chômage, transports, etc..)
a finalement un effet nocif sur le rendement. Alors on revient à
une "recherche d’équilibre" (sic). En somme, il aura
fallu une expérience inhumaine, imbécile pour tout dire,
pour en arriver là. Il est vrai que la France détient
le record de consommation de tranquillisants per capita, à ajouter
aux records d’alcool et de tués sur la route.
Le stress atteint aussi les équidés, et en tête,
pas n’importe lequel : Ourasi. Il est à la retraite... enfin
si l’on peut dire. Car son heureux propriétaire peut être
un heureux retraité. Ourasi rapporte 90.000 F. par saillie, ou
plus exactement par jument grosse de ses oeuvres. Or voilà qu’on
se contente de l’insémination artificielle et qu’Ourasi ne connait
que des joies trop espacées ! D’où stress.
Antenne 2,4 avril.
Si on demandait aux chômeurs et aux précaires stressés ce qu’ils "gagnent" par an ? 90.000 francs ?
***
Médecins Ripoux
Scandale à Nancy : des médecins de haut niveau - chirurgiens
par exemple demandent à leurs patients des dessous de table allant
de 5.000 à 20.000 francs. Trente témoignages confirment.
Ils risquent une suspension d’exercice de la médecine de huit
jours (c’est vraiment peu) à trois ans (ce n’est pas énorme).
Décidément, le fric pourrit tout. Vive le libéralisme !
***
Socialisme : Ils ont gagné !
C’est le titre d’un article grinçant que Gilles Perrault, auteur
notamment de "l’Orchestre rouge" a publié dans le Monde
du 11 janvier, sans doute en raison de l’inquiétante évolution
actuelle du PS. Il rappelle quelques faits et chiffres
"Sans aller jusqu’à évoquer la nonintervention en
Espagne et une collaboration vichyste où les notabilités
socialistes furent longtemps plus nombreuses que dans la Résistance,
l’après-guerre devait, en effet, fournir au socialisme humaniste
français un banc d’essai à l’échelle mondiale.
Les chiffres sont aussi approximatifs que ceux du Goulag, mais on évalue
les victimes de la répression à Madagascar (1947) à
80.000 morts, celle de la guerre d’Indochine (1946-1954) entre 800.000
et deux millions, celles de la guerre d’Algérie (1954-1962) entre
800.000 et un million. Accessoirement, et conformément à
la tradition social-démocrate, la police ouvrait le feu à
huit reprises, de 1947 à 1955, sur la classe ouvrière
française.
Si l’on rapporte le chiffre de ses victimes à celui de sa population,
la France se place donc dans le peloton de tête, sinon en tête,
des pays massacreurs de la deuxième partie du siècle.
"
***
Votre agent de change recommande...
Un agent de change, disait Woody Allen, est quelqu’un qui prend votre
argent et l’investit jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus. Tristement,
une étude commandée par I American Stock Exchange (Bourse),
la plus petite rivale de la Bourse de NewYork, révèle
que les investisseurs ordinaires pensent que M. Allen est amusant mais
surtout qu’il a raison. Il y a une divergence d’intérêt
entre les investisseurs et les personnes qu’ils emploient pour exécuter
leurs ordres. Si les agents de change désirent survivre (et beaucoup
paraissent destinés à disparaitre des deux côtés
de l’Atlantique), ils devront combler le fossé.
A tort, mais de manière compréhensible, la Bourse attache
plus d’importance à un autre point : seulement 28°/ des investisseurs
américains ont "perdu confiance" en la Bourse des valeurs,
c’est le résultat du krach d’octobre 1987. Celà est contredit
nettement par les professionnels. Lorsqu’on demande l’opinion des courtiers,
81 °/ répondirent que leurs clients étaient obsédés
par l’hécatombe d’octobre 1987. Les investisseurs institutionnels
ont impulsé le redressement du prix des actions . Beaucoup d’investisseurs
individuels ont abandonné.
Les investisseurs privés sont peut-être découragés,
pas par les marchés, mais par les intermédiaires. Dans
leurs achats et ventes d’action, ils disent qu’ils sont des professionnels.
Etant donné que les journalistes sont assimilés aux marchands
de voitures d’occasion dans l’estime du public, cela devrait faire réfléchir
les agents de change. Le sentiment des porteurs d’actions serait donc
qu’ils sont des citoyens de seconde classe sur les marchés boursiers.
La plupart pensent que les marchés sont au-dessous des terrains
de jeu et que les individuels n’ont que peu de chances contre les grandes
institutions. Un grief particulier est que les institutions sont les
premières à connaitre les informations. Les agents de
change l’admettent : les deux tiers sont d’accord sur le fait que "lorsque
les individuels ont connaissance d’une bonne action, il est habituellement
trop tard".
Les investisseurs interrogés ne sont pas désarmés
comme une vieille tante sans autre argent de poche que des actions sans
valeur. Le porteur typique a 55 ans, un diplôme universitaire
et dirige un foyer avec un revenu annuel de 80.000 dollars (470.000
F). Il (la plupart sont des hommes) connait les marchés à
prime, les obligations à coupon zéro et l’indice des valeurs
des fonds d’Etat. C’est un conservateur plus attaché à
sauvegarder son capital qu’à gagner une fortune.
Plus des quatre cinquièmes se présentent eux-mêmes
comme peu enclins à prendre des risques. Deux tiers des courtiers
au contraire le font. Cette différence est le fond du problème.
Les investisseurs aiment les valeurs vedettes (70%) préfèrent
des formes plus sûres que les actions (65%) et assimilent les
achats d’actions à la spéculation (59%). Les agents de
change qui travaillent à la commission, désirent, eux,
négocier souvent et risquer de grosses sommes dans des affaires
prestigieuses ou tapageuses. Il en résulte que les investisseurs
sont échaudés et découragés.
The Economist - Octobre 1989 (Traduction R.M.)
Notre sainte presse n’en finit plus de se réjouir
: le Socialisme, ce pelé, ce galeux..., est voué aux gémonies
par toute l’Europe de l’Est ! "Bon à nib, le système !
"aurait dit Gabriel Lafont(1). Fiait mieux, pourtant, de mettre
une sourdine : l’avertissement est pour tout le monde...
Ce n’est pas le socialisme qui est en cause. C’est le mensonge érigé
en moyen de gouvernement ! Et celà ne concerne pas les seules
"démocraties populaires".
Portée au pinacle par Ceaucescu, la méthode sévit
largement à la surface du globe, y compris dans les démocraties
tout court. On a bien installé à l’Est une structure socialiste...,
mais confisquée par une minorité, reproduisant ainsi les
pires conditions du capitalisme !
Chez nous, on fait croire que, seul, le libéralisme peut assurer
le bonheur des citoyens. Or, ce qui reste de libéral ne fonctionne
plus qu’avec des béquilles collectives...
De part et d’autre, il s’agit d’un système fondé sur l’argent.
Pour qu’il fonctionne, le recyclage de la monnaie doit être le
plus large possible, de gré ou de force. Si le recyclage ne s’effectue
pas spontanément, il faut qu’il se fasse d’une autre manière,
en atteignant le plus de monde possible.
Comme nous l’avons déjà montré, cela nous fournit
une mesure de transition : au lieu de subventionner bêtement,
il faut faire passer les subventions par les consommateurs, d’abord
par les plus démunis.
Le malheur, c’est que dans l’esprit des gens, le socialisme représente
le coupable. On va continuer à se battre sur des mots, pour une
question très simple à résoudre dans l’abondance
: comment faire participer la population aux richesses produites ?
Il faudrait pourtant arriver à comprendre que la démocratie,
la vraie, ne s’accommode pas du mensonge. On ne saurait juger un système
qu’après l’avoir vu fonctionner correctement, c’est-à-dire
dans l’esprit de ses fondateurs. Ce n’est pas le cas.
Plutôt que de fonder le socialisme sur la propriété
collective des moyens de production et d’échange, il vaudrait
mieux dire : il y aura socialisme lorsque ces moyens fonctionneront
dans l’intérêt général. Cela aurait évité
bien des déboires. L’idéal serait d’essayer plusieurs
variantes dans différents pays et de comparer. Sous forme d’économie
distributive maintenant.
Pour sortir du verbiage à l’infini.. L’expérimentation politique, formule d’avenir ....
NDLR (1) Camarade qui illumina longtemps nos colonnes par sa spirituelle rubrique "soit dit en passant"
Drogue et délinquance.
On parle de 600.000 héroïnomanes ou cocaïnomanes dans
la seule ville de NewYork.
Environ 650.000 Américains sont en prison record mondial d’incarcération
- après l’Union soviétique et l’Afrique du Sud.
(Le Monde 3 avril 1990)
***
Sûreté du parc EDF
"Dans l’état actuel de sûreté du parc EDF,
la probabilité de voir survenir un (...) accident - conduisant
à un risque radiologique suffisamment important pour déclencher
sur le site le plan d’urgence - sur une des tranches du parc dans les
dix ans à venir peut être de quelques pour cent".
"... Aujourd’hui, c’est sans conteste le risque de rupture brutale
d’un ou de plusieurs tubes de générateur de vapeur qui
est le plus préoccupant .... ".
(Transmis par Tam-Tam )
***
Energie propre.
Entre 1978 et 1988, le rendement des cellules photovoltaïques a
fait des progrès énormes. Les scientifiques de Boeing,
à Seattle, aux Etats-Unis, ont réussi à atteindre
le seuil de 37 % de rendement avec des cellules à arséniure
de gallium .. un rendement supérieur à celui, moyen, d’une
centrale nucléaire.
(Silence, février 1990)
***
Déchets
C’est 850.000 mètres cubes de déchets radioactifs qui,
à la fin du siècle, auront été accumulés
depuis les débuts de l’ère nucléaire.
Le Monde 17 janvier 1990
***
Chercheurs d’or
40.000 à 50.000 chercheurs d’or illégaux, les Garimpeiros
qui devaient être évacués manu militari de plus
de 100 mines d’or situées dans les réserves de Indiens
Yanomami sur décision de la Cour Fédérale brésilienne
vont continuer à extraire trois tonnes d’or par mois. En effet,
les Garimpeiros sont arrivés à un accord ( !!!) avec le
Ministre de la Justice du Brésil Saulo Ramos pour rester sur
place et polluer de façon dramatiquement définitive les
rivières à l’aide du mercure utilisé pour élaborer
l’or. Il reste 9000 Yanomami sous-alimentés et malades des maladies
importées par les chercheurs d’or, maladies contre lesquelles
les Indiens ne sont nullement immunisés. Beaucoup d’Indiens,
en outre, ont été massacrés par ces chercheurs
d’or.
De Morgen, 13 janvier 1990
***
Eoliennes
Chaque kilowattheure produit par une éolienne fait économiser
0,34 m3 de gaz naturel et évite le rejet de 1,37 gr d’oxydes
nitriques (moins de pluies acides) et de 0,67 kg de C02 (moins d’effets
de serre).
La digue Ijsselmeerdijk, en Hollande, va accueillir 35 éoliennes
de 25 mètres de diamètre et de puissance unitaire de 300
kW de la marque Windmaster. C’est 15 millions de kWh par an qu’elles
généreront, de quoi alimenter 12.000 foyers. Coût
total un demi milliard de FB dont 50 % subsidiés par les autorités
du pays. Ce ne sera pas le plus grand parc éolien d’Europe. Celui-ci
vient d’être inauguré au Danemark et compte 40 moulins
de la marque "Nordtank" de 28 mètres de diamètre
et de 300 kWh unitaires.
Windnieuws Janvier 1990
***
Chiffres noirs du travail précaire
Il représente 7% de l’emploi salarié contre 2,5% en 1977.
Soit 900.000 emplois dont 600.000 contrats à durée déterminée
(CDD) et 280.000 intérimaires.
En 1988, 9 millions contrats de travail ont été conclus
: embauches fermes 1 million, missions d’intérim 5,5 millions,
CDD, 2,5 millions.
Evolution : CDD + 15% par an depuis 1985, intérim, + 20% en 1985
et 1986, +30% en 1987 et 1988.
Entre mai 1982 et mars 1988, 1 million d’emplois traditionnels (temps
plein, contrats à durée indéterminée) ont
disparu. Duré moyenne : CDD, trois mois, missions d’intérim,
deux semaines.
Un CDD sur deux, une mission d’intérim sur trois seulement se
transforme en CDI en moins d’un an.
Dans ce régime économique ubuesque :
- Les travailleurs sont condamnés à maudire les suppressions
d’emplois, même celles qui correspondent à une diminution
de la peine pour une production égale ou supérieure.
- Les retraités sont menacés à terme d’une réduction
de leur pouvoir d’achat sous le prétexte que le nombre des actifs
est en baisse. Alfred Sauvy et Michel Rocard essaient de nous faire
croire que les produits seront moins abondants ; comme si ils étaient
encore créés en proportion du nombre de producteurs !
- Les femmes sont amenées à triompher depuis que beaucoup
d’entre elles réussissent à se faire exploiter par un
homme qu’elles ne connaissent pas : leur patron au lieu d’un homme qu’elles
connaissent et avec lequel elles peuvent avoir quelques intérêts
en commun : leur mari ou leur compagnon.
- Les citoyens sont conduits à penser comme les mercantiles que
les importations sont une perte pour leur pays alors que c’est un enrichissement
et réciproquement pour les exportations.
L’offre de réparations sous forme de fournitures matérielles
faite par les Allemands après la guerre de 19141918 a été
repoussée avec horreur par les Alliés qui avaient bien
compris qu’elle était de nature à relancer rapidement
l’économie ex-ennemie au détriment de la leur.
Suite à la seconde guerre mondiale, le plan Marshall a été
autant et même plus bénéfique aux agriculteurs et
aux industriels des Etats-Unis qu’à ceux de l’Europe.
Le système financier occulte complètement la réalité
utilitaire de l’économie. Il en est de même pour la situation
dans le tiersmonde à laquelle nous allons consacrer cette chronique.
Le dilemme
Bien entendu la dette des PVD qui s’établit
maintenant aux environs de 1300 milliards de dollars pèse lourdement
sur la situation économicopolitique de ces pays. Nous avons suivi
ce drame dont les plus déshérités n’ont pas fini
de subir les conséquences. Susan George dans son excellent livre
"Jusqu’au cou" (1) explique très bien le mécanisme
infernal dans lequel les protagonistes sont engagés. Car si les
banquiers prêteurs n’ont en tête que les moyens de récupérer
d’abord leurs intérêts et ensuite leur capital, afin de
pouvoir lancer de nouveaux prêts encore plus rémunérateurs,
il n’en est pas de même de certains grands agriculteurs américains
pour qui certaines productions alimentaires du tiers-monde sont des
concurrentes sur leur propre marché : c’est le cas par exemple
du soja du Brésil ou du blé argentin. D’autre part, les
pays endettés n’ont plus les moyens d’acheter les fabrications
du Nord et leur clientèle fait défaut aux industriels
de l’OCDE, mais ceux-ci font pression pour que de nouvelles avances
leur permettent d’acheter. Or comment les contrées du Sud rembourseraientelles
leur dette et paieraient-elles leurs intérêts sinon en
vendant plus et en achetant moins ?
Encore une de ces contradictions dont le libéralisme en vogue
nous accable et dont le Président de la République a bien
raison de dire qu’il est à bout de souffle.
Les termes de l’échange
Mais il y a plus grave, c’est la réduction presque continuelle des prix des produits de base (2) dont les pays du Sud tirent l’essentiel de leurs revenus."... L’indice exprimé par le nombre 100 pour l’année 1957 n’a été dépassé que deux fois, en 1973 et 1974. Depuis, bien qu’il y ait eu des hauts et des bas, la tendance est à la baisse. En 1985, l’indice avait atteint le niveau le plus bas jamais enregistré : un sinistre 66..(3)." Dans un récent article du Monde (4) Eric Fottorino soutient que : "les denrées tropicales "trésor" des dirigeants africains ont fait leur temps...". Ce journaliste rappelle opportunément que le pari sur les matières premières est un héritagedu passé colonial. Il estime que "...la spéculation internationale n’est pour rien ou très peu dans la situation déprimée du marché...". Il admet néanmoins que l’irruption de la Malaisie comme nouveau producteur de cacao (5) a contribué à la forte diminution du prix de cette denrée, de même que la famine en Ethiopie a contraint ce pays à liquider son stock de café contribuant ainsi à l’effondrement des cours. Fottorino accuse les chefs des gouvernements africains "...’d’avoir confié leur sort et celui de leurs peuples à quelques cotations fixées à Londres, New-York ou Paris... N’ont-ils pas été, eux aussi, des spéculateurs ?" ajoute-t-il en contradiction avec ce qu’il vient de soutenir ; ou alors veut-il dire que les spéculateurs noirs seraient plus immoraux que les spéculateurs blancs ? Sur un air à la mode, il conclut à l’esprit d’initiative et au goût d’entreprendre des Africains en vue de les inciter à diversifier leur production. Mais il se garde bien der conseiller une autre source de revenu : peut-être le pétrole mais il souffrirait vite de la "surproduction" ; ou alors, lui suggérerons-nous le coca
Abondance indésirable
C’est, qu’en effet, malgré les prévisions
des catastrophistes dont notre ancien camarade René Dumont, la
surproduction généralisée reste menaçante
sur les marchés agricoles. Par rapport aux besoins solvables
s’entend : le système capitaliste n’en connait pas d’autres.
C’est bien elle qui, selon la sempiternelle loi de l’offre et de la
demande, fait baisser les prix sur le long terme.
Dans une étude détaillée, Alain Revel (6) soutient
le pari "... que les maitres-mots de la situation alimentaire mondiale
durant la fin du 20e siècle et le début du 21 e siècle
seront de manière quasi-permanente excédents, technologies,
négociations ... "
Si l’auteur n’était pas un expert indiscuté, nous serions
probablement soupçonnés d’avoir inspiré une prévision
si favorable à nos thèses et à contre-courant de
la dramatisation faussement écologico-tiers-mondiste en honneur
actuellement.
Alain Revel commence par dénoncer l’erreur de ceux qui en 1972-73
ont cru au déficit alimentaire permanent après le triplement
des prix mondiaux des céréales et l’embargo sur les exportations
de soja américain. De même pour ceux qui, en 1983, ont
pensé à une surproduction momentanée lorsque les
stocks mondiaux ont atteint des niveaux inhabituels. Les fermiers américains
ont rapidement comblé le déficit de production de 197273
en remettant en culture sur deux ans : 23,6 M ha sur les 24,8 M ha qui
étaient en jachère volontaire ( !). L’auteur explique très
bien que les alarmistes ayant fait entendre leur voix, en particulier
lors des campagnes électorales, Ford doubla le prix de soutien
du blé avant l’élection de 1976 et Carter fit décider
une indexation automatique des prix de soutien en 1977. Les stocks s’étant
reconstitués, Reagan mit en "réserve" 31 millions
d’hectares au prix de 19 milliards de dollars et la tension commença
entre les Etats-Unis et la CEE. En 1987, 22 M ha étaient encore
exploités. Malgré cela, un triple record fut battu en
1986-87 pour la production mondiale de blé, de riz et de céréales
secondaires et, même le Sahel connut des excédents céréaliers.
La sécheresse de 1988-89 a fait baisser la production et les
stocks mais la production américaine doit reprendre son niveau
antérieur dès 1989-90 et les stocks augmenteront fin 1990.
A. Revel cite J. Lebihan selon lequel "... Il est moins dramatique
de gérer l’abondance que la pénurie..". Oui, ajouterons-nous,
mais dans ce système économique, c’est beaucoup plus difficile.
Le progrès technique et ses répercussions
Nous nous référons toujours à
Alain Revel qui donne une comparaison entre la productivité apparente
du travail en France, en taux annuel moyen, pour l’ensemble de l’économie
et l’agriculture. Tandis qu’entre 1959 et 1979, la productivité
d’ensemble progressait de 5,5% et celle de l’agriculture de 7,8 % ;
ces deux pourcentages étaient passés en 1986-87 respectivement
à 3,3 et 8,4 %. La productivité agricole augmente donc
2,5 fois plus vite que la productivité générale
! et ce n’est pas terminé, car d’après l’auteur, l’innovation
se poursuit dans trois domaines : l’organisation, le financement et
les biotechnologies.
Nous citerons rapidement, en ce qui concerne
- l’organisation : une meilleur gestion, la communication plus facile
grâce à la télématique, les systèmes
experts, la diminution des coûts grâce à l’automatique
et la robotique, l’amélioration des prévisions météorologiques,
etc...
- le financement : la banalisation internationale du crédit,
la titrisation des dettes, les OPA sur l’agro-alimentaire, etc...
- les biotechnologies : l’auteur était sceptique à propos
de l’émergence rapide du progrès dans ce domaine ; comment
écrit-il produire de l’éthanol ou du méthanol alors
que le prix du baril de pétrole varie entre 10 et 30 dollars
? Il reconnait maintenant que la santé animale va beaucoup s’améliorer
et la productivité s’accroitre encore : dès 1990, grâce
aux vaccins et à la somatropine. Les variétés résistant
aux maladies seront en place dès l’an 2000, etc...
Notre expert cite le docteur William Porter (7) : "... Vous n’avez
encore rien vu. L’agriculture sera profondément touchée
au coeur pour la première fois depuis le néolithique..
" et de se poser la question : Faut-il opter pour le progrès
en agriculture sachant qu’il entrainera une baisse naturelle des prix
en valeur réelle ? C’est bien le problème en effet, mais
n’est-il pas à la fois honteux, candide et inutile de se le demander
! Nous serons bien d’accord,par contre,pour éviter l’abandon
du territoire rural et pour ne pas croire aux solutions illusoires.
Les nouveaux produits, comme le sucre de maïs, ne viendraient en
effet qu’aggraver la commercialisation des sucres de canne ou de betterave.
Des orientations
Alain Revel ne voit notre salut que dans le dialogue
: européen, atlantique et Nord-Sud et dans l’économie
de marché. Pourtant il reconnait que les restrictions de production
décidées dans le cadre de la Politique Agricole commune
et aux Etats-Unis sont devenues futiles à cause du contexte actuel.
Dans un chapitre intitulé "Les limites de la régulation
par le marché", il écrit notamment : malgré
les mesures déjà prises "... le retour périodique
à une situation de surproduction mondiale semble inexorable ..
L’économie de marché peut combler tous les besoins envisageables
avec un délai de réaction de un à deux ans ...
En revanche ce même système ne parait pas capable de prévenir
la constitution de stocks publics ou privés dont le coût
devient rapidement insupportable et encore moins de résorber
ces stocks lorsqu’ils sont constitués. En économie de
marché, pour entrainer une diminution massive de production,
il faudrait des baisses de prix tellement importantes qu’elles seraient
jugées insupportables par la quasi-totalité des producteurs
mondiaux à l’exception peut-être des 1 à 2 % des
fermiers américains et canadiens qui disposent de plus de 500
hectares et d’une petite moitié des agriculteurs australiens...
".
Ecrire cela et conclure à des solutions aussi usées et
aussi inopérantes est vraiment incroyable.. Nous sommes bien
devant un cas typique, un de plus, de frayeur à l’idée
même de chercher à imaginer un autre système économique.
Pendant ce temps-là, 500 millions d’êtres humains, le dixième
de la population mondiale, sont menacés quotidiennement de famine
d’après la FAO. N’étant pas solvables, ils ne comptent
pas.
Des réformes
Mais revenons à Susan George qui est également
une bonne spécialiste du problème de la faim qu’elle a
étudié dans plusieurs livres précédents
(8). Elle n’en bute pas moins, comme Alain Revel, sur l’incapacité
à imaginer autre chose que l’économie de marché
"libre" en fait dirigé par les grands financiers internationaux
pour leur plus grand profit ; aussi bien en ce qui concerne la production,
entravée, qu’en ce qui concerne la commercialisation d’où
toute véritable concurrence est exclue. Elle donne en exemple
le Président Alan Garcia du Pérou qui, c’est vrai, a fait
quelques tentatives pour refuser de rembourser la dette de son pays
et limiter les paiements d’intérêts puis détourner
une partie des fonds ainsi récupérés pour financer
des productions vivrières locales. Mais l’expérience péruvienne
est vouée à l’échec en face des plans Baker et
Brady, elle aurait eu néanmoins besoin de soutien. Le pays sombre
dans la violence en raison des élections en cours. Quant aux
autres moyens imaginés par Susan George, ils sont bien insuffisants.
N’est-il pas irréaliste de prôner le retour au pays des
capitaux mexicains et autres investis en dollars ou en francs suisses
? Il faudrait pour cela que les banquiers américains ou helvétiques
découragent les déposants ... ce qui est une pure vue
de l’esprit. Par contre, l’achat de biens ou de sociétés
en contrepartie de l’apurement d’une part de la dette est possible.
Néanmoins, il aboutit évidemment à la main mise
des capitalistes occidentaux sur la substance des PVD.
Susan George nous parait être tout de même sur la bonne
voie : celle qui passe de la constatation des contradictions majeures
du capitalisme à la recherche des réformes possibles.
Mais nous croyons que seul le passage à la monnaie distributive,
d’abord dans l’un des pays avancés, ensuite dans d’autres, permettra
une véritable libération du "marché"
et la fin du calvaire des natifs de pays en voie de développement.
Il y faudra beaucoup d’efforts, nous le savons. Tout dépend de
la capacité que nous aurons à trouver l’aide du plus grand
nombre. Rien n’est impossible à l’heure où les tabous
tombent les uns après les autres...
(1) "Jusqu’au cou" - Enquête sur la
dette du tiers-monde , Editions la Découverte, 1988.
(2) 30 produits, non compris l’or et le pétrole.
(3) "Poor outlook for poor nations" The Economist 9 nov. 1985
cité dans (1).
(4) "Afrique la chimère des matières premières"
Le Monde, 20 mars 1990.
(5) En moins de quinze ans, la production malaise est passée
de 10.000 à 200.000 tonnes.
(6) "L’évolution des marchés agricoles la menace
d’une surproduction généralisée" d’après
Economie rurale de mai-juin 1989 par Alain Revel, Directeur adjoint
de l’Ecole Nationale du Génie Rural, des Eaux et des Forêts
(ENGREF) et ancien attaché agricole à Washington
(7) Vice-Président de AGWAY, la plus grande coopérative
d’approvisionnement des Etats-Unis.
(8) dont trois traduits en français : "La faim dans le monde
pour débutants" ,La Découverte 1983, "Les stratèges
de la faim" Grounauer, Genève 1981 "Comment meurt l’autre
moitié du monde ? " Robert Laffont 1978.
L’intérêt des lecteurs du Nouvel Observateur
pour les problèmes de l’après-communisme a pu se mesurer
au quasi remplissage du grand amphithéâtre de la Sorbonne.
L’excellente organisation du colloque qui a eu lieu le 18 janvier 1990
et la particulière compétence de chacun des participants
en firent le succès. Ses conclusions sont moins assurées.
Le texte de la première table ronde était mal choisi car
"la fin du communisme" ne peut constituer ni "un projet
politique" ni "une grande alternative à la Société".
Seules des hypothèses pouvaient être émises, et
des constats : l’idéologie perdue et la religion renaissante
; "aucun projet n’émerge et une alternative est attendue"
a dit Cornelius Castoriadis, "une autre forme de gestion et pas
seulement l’une des deux alternatives" a dit Bernard-Henri Lévy.
Sur le second thème proposé : "Après le communisme,
quelle Europe ?" seules aussi des hypothèses étaient
possibles.
L’après-midi, la question n’était pas posée, mais
une affirmation péremptoire : "La transition vers l’économie
de marché". Admise sans réticence par les intervenants,
elle fut vivement attaquée par le dernier orateur, K.S.Karol
qui cita le Brésil comme exemple d’échec économique
malgré ses efforts de "production" ; évoqua "l’austérité"
et notre penchant pour "l’inégalité". Ayant
eu aussitôt la parole, je le remerciai d’avoir été
le seul à refuser l’économie de marché comme alternative
au communisme, et je rappelai, pour notre seul pays, nos deux millions
et demi de chômeurs, nos 35.000 familles (avec enfants) sans logis,
les êtres humains dormant sur les trottoirs parisiens, chauffés
par les grilles du métro. Je repris le mot "austérité"
pour l’opposer à la destruction, aux frais du contribuable, des
"surproductions" alimentaires, parallèlement au battage
sur les "restaurants du coeur". Des applaudissements nourris
m’ayant confirmé que d’autres pensent comme moi, je voudrais
leur dire ici ce que je n’ai pas jugé bon d’ajouter : la solution
préconisable inventée dès 1934 par un Secrétaire
d’Etat au Trésor nommé Jacques Duboin.
Je l’avais résumée dans une pleine colonne
du Courrier parue dans le Nouvel Observateur du 19 juin 1978, en réponse
à un article de Michel Bosquet(1) évoquant ce système
économique et financier différent et ... inorthodoxe.
J’écrivais °.. l’économie ne survit plus que par ses
mythes et ses fictions ... Le mythe du plein emploi : c’est la plus
terrible constatation du rapport Nora qui confirme ... la machine a
été inventée pour travailler à la place
de l’homme.. Deux pour cent de la population des Etats-Unis suffiraient
par leur travail à faire vivre le pays. Le mythe de la libre
entreprise : produire sans d’autre loi que celle du marketing avec ,
pour résultat, une concurrence imbécile .. un gaspillage
dantesque. Le mythe de la monnaie : c’est le seul étalon de mesure
"variable" ! Moyen de l’échange, il varie parce qu’il
s’achète et se vend. L’argent est devenu une marchandise. Et
la crise financière mondiale annoncée promet l’austérité
à la partie du monde qui regorge de produits .. " (j’ajoute
ici qu’une monnaie inconvertible assura la sécurité et
l’indépendance : celà a coûté cher à
Allende et son abandon coûtera cher à Gorbatchev). Le mythe
de la croissance : on n’a jamais vu une augmentation des productions
de toute sorte telle qu’on ne peut plus les vendre (dans les années
30 on appelait ça "surproduction’) et l’on s’étonne
de la crise économique qui ... n’en restera pas là. Le
mythe du commerce extérieur : la concurrence est rude parce qu’il
faut "vendre" et qu’il faut s’assurer des "devises"
pour acheter. Nous supprimons l’argent thésaurisable (pour le
bonheur de tous les hommes) et la monnaie convertible (pour la sécurité
de la nation) : le troc existe déjà entre l’Est et l’Ouest,
et pas besoin de roubles. La notion de "profit" étant
abolie à l’intérieur comme à l’extérieur
(nous l’espérons) il ne sera plus urgent de vendre des armes,
donc d’en fabriquer..." J’ajouterai le mythe de la retraite : les
robots produisent des robots mais ... ils ne cotisent pas.
Neuf ans plus tard, dans le Nouvel Observateur du 27 février
1987, Jacques Julliard écrivait : "Je n’ai rien contre la
charité ...A condition de ne pas jouer sur les mots. Dans l’ordre
du privé, c’est vrai, la seule justice, c’est la charité.
Mais dans l’ordre public, on a honte de rappeler ces évidences,
la seule charité, c’est la justice.. Et quand des hommes politiques
de gauche et de droite applaudissent tous en choeur aux entreprise de
Coluche et de l Abbé Pierre, comment ne voient-ils pas qu’ils
signent leur déchéance, qu’ils applaudissent à
leur propre faillite ? ". Dans le Monde du même temps, le
sénateur Pierre Marcilhacy, malheureusement disparu, rappelait
"la somme des productions agricoles de la CEE dont on ne sait que
faire après les avoir stockées à grands frais.
Ces tonnes de viandes, de céréales, de lait, de beurre,
résoudraient, si les Etats en faisaient don, les problèmes
de famine en Afrique, en Asie, en Amérique du Sud. Cependant
cette forme de liquidation parait à tous inapplicable".
C’est l’évidence, il faudrait payer transport et répartition,
ce qui n’est pas "rentable".
Regorger de toutes les richessses imaginables, détruire les plus nécessaires (blasphème envers le Créateur et injure à la Raison) et, pour ce mythe inepte dit "quilibre budgétaire" compromettre, avec tant d’autres urgences, la santé des citoyens serait explicable s’il n’existait une autre voie c’est le refus de ce remède qui constitue le crimede non-assistance à humanité en danger. Mais c’est dans la liberté du système capitaliste qu’est strictement interdite sa divulgation par les médias.
NDLR : (1) auteur, sous le nom d’André Gorz, de nombreux ouvrages dont nous avons souvent parlé dans nos colonnes.
Henri Muller a adressé au journal Ouest-France une lettre, dont voici la copie, car beaucoup de nos lecteurs voudront sans doute s’en inspirer pour en envoyer de semblables à leurs journaux et autres media :
"Il est exaspérant d’entendre répéter
sans cesse qu’il n’existerait aucun projet de société
susceptible de se substituer aux modèles connus ou pratiqués
que leurs tares marquent au fer rouge : gaspillages, insécurité
du revenu, des personnes et des biens, mépris de la personne
humaine, laminage constant du pouvoir d’achat des multitudes, règne
des bureaucraties, scandales financiers à répétition,
mépris de la personne humaine, injustices sociales, libertés
"formelles". II en va pareillement des systèmes dits
"communistes" ou de dictature, affligés de défauts
maintes et maintes fois soulignés, dont l’économie s’effondre
aujourd’hui sous nos yeux.
Absence de pensée novatrice ? N’est-ce pas les médias
qui entretiennent et propagent cette illusion par leur mise à
l’écart des propos dérangeants visant les institutions
monétaires ?
Le mal est enraciné dans des usages monétaires confrontés
avec l’accélération du progrès technologique dont
l’effet est de multiplier l’offre alors que la demande reste dépendante
des aléas de la formation des revenus .
... Il est temps qu’un journal de grande diffusion comme le vôtre,
fasse connaitre à un large public l’existence d’un "projet
de société pour demain" ; autrement prometteur que
toutes ces "bouillies pour les chats" autour desquelles cogitent
les gens des partis seulement férus de réformisme, de
rénovation, de reconstruction qui n’intéressent personne.
Organisez un vaste débat sur ce projet de société
vraiment novateur sur un modèle à la fois socialiste,
libéral et communautaire, à monnais de consommation. Vaincre
l’utopie ? Votre journal peut y aider. Puis-je compter sur votre concours
?
***
"Départements et Communes" (Association des Maires de France) a d’autre part publié l’article suivant de notre camarade :
FINANCER LES TUC EN MONNAIE DE
CONSOMMATION
Le mode d’emploi de cette formule est connu de longue
date (1). II semblerait, pourtant, qu’il reste ignoré des principaux
protagonistes qui, en ordre dispersé, s’efforcent aujourd’hui
de mettre en place une solution au double problème des excédents
et du chômage, peu conscients du résultat qu’obtiendrait
une coordination de leurs inititatives, associée à l’usage
d’une monnaie de consommation.
Les éléments de l’opération ?
- Des bénévoles assurent déjà la collecte
de surplus dans le cadre des "Banques alimentaires" ; surplus
distribués sans contrepartie, sous forme de colis, à des
personnes nécessiteuses.
- A Marseille, tout récemment, c’est la municipalité qui,
rassemblant les lots d’excédents dans des locaux spéciaux
aménagés en "supermarchés" offre le choix
à consommer, par leur mise en vente pour un franc symbolique,
aux ayant droits.
- Lors de leur congrès, les ingénieurs des Arts et Métiers,
ont suggéré d’utiliser les chômeurs pour des travaux
d’utilité collective financés par prélèvements
sur les hauts revenus (profits boursiers et commerciaux).
- Enfin, l’apparition de la "carte à puce", susceptible
de jouer le rôle d’une monnaie de consommation gagée par
les excédents devrait apporter le deus ex machina qui, visiblement,
fait défaut à toutes ces initiatives éparses, erratiques.
II s’agit de créer une monnaie parallèle, non transférable,
neutre, s’annulant à l’achat, pour un marché parallèle
réservé à des consommateurs marginaux, et capable
à la fois d’écouler toutes quantités d’excédents
voués à la destruction, de remettre des chômeurs
au travail contre un salaire complémentaire s’ajoutant à
leurs indemnités, enfin de procurer aux collectivités
un appoint de ressources pour financer, sans appel aux contribuables,
un ensemble de prestations utiles dénuées de rentabilité,
allégeant de surcroit leur budget social.
Qu’ajouter de plus ? Comment convaincre les responsables de l’urgence
d’assurer cette coordination en y intégrant la pratique d’une
monnaie de consommation ? Faut-il attendre que fermentent plus longtemps
des impatiences lourdes de menaces pour la stabilité des institutions
?
(1) Voir "Un pool international des excédents"
(Rev. Ingénieurs ICAM, 1955)
"L’aide économique et la double monnaie" `Débat
à la jeune chambre économique internationale, 14 décembre
1956). "L’économie du don. Son mode d’emploi (Rev. Confluents
n° 13, juin 1957). "La carte de crédit. Son utilisation
en monnaie de consommation (4 avril 1969). "La carte à mémoire,
monnaie de consommation pour les banques de nourriture en faveur des
nouveaux pauvres" (L’Echo de la Presqu’île, 11 janvier 1985).
Dans nos numéros 881,883,885 et 887, nous avons publié notre traduction d’une proposition de réformes qui nous vient du Royaume-Uni, tendant à substituer aux multiples taxes en vigueur une taxe unique basée sur l’énergie. Voici la suite de cette traduction.
5 - 2 Comment y arriver ? Tout d’abord il faut rendre égales valeur énergétique (c’est à dire le facteur commun à toute création de richesse et de consommation) et valeur monétaire (c’est à dire le facteur commun à tous les échanges économiques). Du gâteau. La relation entre énergie et monnaie est facile à établir parce que la monnaie est de toute façon une denrée arbitraire. Tout ce que nous faisons consiste à donner une "valeur sociale" à l’énergie (et donc à toutes les autres ressources matérielles puisque de l’énergie est utilisée dans tous les processus de fabrication, de transport, de valeur ajoutée et de coût ajouté). C’est ce que nous faisons en ajoutant un droit de rente (une taxe sur les ressources) appelée TAXE UNIQUE à la source économique de l’énergie. Ainsi l’activité économique d’une société quelconque, mesurée précisément par le nombre d’unités énergétiques qu’elle dépense pour sa propre consommation, crée de la monnaie par l’intermédiaire de la TAXE UNIQUE pour ses besoins civils (revenu social des citoyens).
5 - 3 La réaction primaire et immédiate de nombreux industriels à la suggestion d’augmenter le prix de l’énergie est une réaction d’horreur. Les politiciens expriment de l’incrédulité et murmurent " taxe rétrograde". L’Industriel a tort parce que la TAXE UNIQUE remplace toutes les autres taxes, et notamment la TVA, (dans les pays européens) de sorte que le coût global de production reste à peu près le même, tandis que le coût de la vie à tendance à baisser par suite de l’absence d’évasion fiscale et de l’amélioration de l’efficacité administrative. Ils peuvent aussi sentir un élément de protection dans notre Proposition d’Economie des Ressources. Toutes les importations sont taxées équitablement sur leur "Contenu Légal en Energie Primaire" et le coût des exportations étant abaissé. Les politiciens ont tort parce qu’ils ne voient qu’à court terme (ce qui, comme la TVA, est rétrograde) et oublient le caractère naturellement progressiste de la taxe sur les ressources : plus le niveau de vie est élevé et plus la consommation est grande.
5 - 4 Notre proposition est donc que la transition vers l’Economie des Ressources commence en Europe (ou dans un ou plusieurs pays d’Europe) par le remplacement direct de la TVA par une TAXE UNIQUE équivalente à 5 Ecu par gigajoule d’énergie primaire. Nous préparons maintenant la Proposition pour l’Economie des Ressources pour la soumettre (en plusieurs langues) à la Commission Européenne.
6 - Les avantages
6 - 1 La beauté de cet arrangement est que, sans sacrifier un sou du revenu de l’Etat, il fournit une incitation naturelle à économiser les ressources (1) et qu’en supprimant les taxes qui pénalisent le travail qui ajoute de la valeur, il encourage au contraire l’emploi. Le flux naturel d’énergie est exactement et inévitablement lié à l’activité économiqueet il n’y a pas de paperasse en aval de sa source économique. Ainsi les confusions et les anomalies qui résultent des règles et des définitions établies sur l’assujettissement et les exemptions de l’ancienne imposition disparaissent pour être remplacées simplement par un brillant ensemble de réglements simples, scientifiquement exacts, appliqués uniquement à la source économique, professionnellement administrée, de l’énergie primaire et des produits importés. La difficulté qu’on rencontre pour unifier la TVA en Europe est évitée par la Taxe Unique. Parmi les problèmes notables liés à la TVA, il faut souligner ceux qui concernent la qualité de la vie : allégement du financement des activités sportives, des arts (théatres, galeries d’arts, livres,...), des organisations culturelles, sociales et charitables (dont beaucoup ont tendance à être intensives en travail plus qu’en argent). On élimine aussi beaucoup de procédures de contrôle, ce qui réduit les conflits entre les fonctionnaires et le reste de la société.
6 - 2 L’abolition systématique et pas à
pas des taxes actuelles qui, à côté de la distorsion
souvent ridicule du planning et de l’activité économique,
pénalisent sévèrement la création de richesse,
doit conduire simplement, du fait de leur disparition, à de nombreux
avantages. Notez bien que la suppression politique des différentes
taxes demandera beaucoup de temps. Qu’à cela ne tienne, l’Economie
des Ressources peut s’accomoder de ces petits inconvénients :
il n’y a pas d’obligation à se débarasser de toutes les
autres taxes. C’est simplement avec le temps qu’on s’apercevra probablement
qu’elles sont inefficaces et anti-productives. Elles sont remplacées
progressivement par un système de taxe unique sur les ressources
qui empêche le gaspillage des ressources tout en encourageant
l’emploi efficace avec des horaires réduits .
(à suivre).
(1) Dans tout cet article , le terme "ressources" désigne les ressources matérielles et non les ressources humaines ou monétaires.