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Mêmes causes... ?
Les historiens s’accordent pour reconnaitre, parmi les causes de la Révolution Française, le rôle important joué par l’insuffisance de la production agricole. La famine a fait des ravages et Claude Manceron décrit la détresse des paysans en 1774 , il cite : « La livre de pain noir vaut quatre sols. Un malheureux journalier qui ne gagne que douze sols par jour peut-il vivre avec une femme et six enfants ? » car le pain était alors l’essentiel de leur nourriture et donc la base de la vie quotidienne de trois quarts des Français. Dix à douze millions d’entre eux n’avaient rien devant eux, alors que le prix du pain, depuis vingt ans, avait augmenté bien plus vite que les salaires. Et quand la récolte avait été mauvaise, plusieurs années de suite, il avait fallu faire venir le grain de très loin. Celà coûtait très cher.
Deux cents ans plus tard, comble de l’absurde, le monde rural est en plein déclin... parce qu’on lui reproche d’avoir trop produit ! De six millions à la fin du XIX éme siècle, le nombre des agriculteurs est passé à 3,9 millions en 1970 et vient de chuter à 1,4 millions. On prévoit qu’ils ne seront plus que 600.000 en 1995, dont la moitié seulement pourra continuer à vivre de la terre. Pour survivre, les autres auront dù essayer de se reconvertir... Nous l’avons dit, redit, le secteur agricole a été, historiquement, le premier touché par « ce qu’on appelle la crise », c’est à dire par le changement de civilisation que nous sommes en train de vivre. Cette crise n’est pas différente de celle qui touche tous les secteurs d’activité : elle résulte d’un formidable bond en avant des techniques de production. Mais les responsables économiques, incapables d’en prendre la mesure, s’obstinent à y appliquer des remèdes d’un autre âge alors qu’ils se révèlent totalement absurdes et catastrophiques la C.E.E. dépense les trois quarts de son budget pour maintenir artificiellement élevés les prix agricoles tandis qu’un nombre croissant de « nouveaux pauvres » ne mangent pas à leur faim, elle subventionne les agriculteurs proportionnellement à leurs productions et le nombre des « petits » agriculteurs éliminés, en faillite, réduits eux aussi à la misère ne cesse d’augmenter, enfin elle décide le gel ou favorise le « bétonnage » des terres... avec toutes les conséquences écologiques que cela entraine.
Le comble des combles du non-sens, c’est de faire passer toutes ces dépenses absurdes au nom de la rentabilité économique ! Toutes ces aides mal placées au nom de la défense de la liberté du marché !
Commencer par le primaire
Quelle honte, au XXe siècle, de sacrifier des
milliers d’existences faute d’oser prendre des mesures, dont le bon
sens est évident, mais qui ont le tort épouvantable de
n’avoir encore jamais été essayées !
Puisque le secteur agricole a été le premier touché
par La Grande Révolution (celle des moyens de production), n’est-il
pas évident que c’est par ce secteur qu’il faut commencer d’appliquer
la solution qui s’impose d’elle-même : l’économie distributive ?
Toutes ces subventions, allocations et autres dépenses que font
les contribuables, malgré eux, pour geler ou détruire,
ne seraientelles pas mieux utilisées en proposant aux agriculteurs
en faillite un contrat simple : un revenu individuel, décent,
assuré, contre l’engagement de prendre en charge leurs terres ?
Et celà aurait en outre l’avantage de sauver notre environnement
rural : abandonner l’entretien des terres, c’est laisser faire l’érosion,
c’est l’appauvrissement assuré des sols. Dans le midi, c’est
la destruction de la couverture végétale et le plus sûr
moyen de voir s’y propager de terribles incendies, on en a eu la démonstration
récemment. Et ce n’est pas seulement l’environnement naturel
qui est en cause, c’est aussi l’équilibre de la population : les
changements prévisibles des conditions de travail vont bientôt
permettre de mettre fin à la concentration des villes, le rôle
de la population agricole doit devenir aussi celui d’aménager
aux citadins qui le souhaiteront, un autre cadre de vie.
Le complément de cette politique intelligente de commencement
de l’économie distributive par l’agriculture serait le lancement
de la monnaie verte, dont nous avons déjà parlé,
et qui permettrait aux agriculteurs d’adapter la production aux besoins
alimentaires réels et non plus aux seul besoins solvables, comme
aujourd’hui.
La révolution de 1989 ?
Il semble que le monde rural soit en train de se révolter
contre les absurdités de l’économie de marché.
Ce n’est sans doute pas un hasard si j’ai reçu presque en même
temps deux témoignages. Le premier est un extrait de Ouest-France
du 31 mars, envoyé par un lecteur de Pont d’Ouilly. Il rend compte
d’une assemblée de « l’Association des agriculteurs en difficulté
d’Ille et Vilaine », tenue à Rennes « L’occasion de
dresser un bilan d’une situation dramatique pour nombre de paysans...
qui constatent que leurs droits fondamentaux sont trop souvent sacrifiés
au profit d’un productivisme et d’une restructuration qui leur échappent
».. Ils sont « déterminés à s’unir pour
faire face à la faillite de leurs exploitations et à la
perte de leur statut »... « On estime le nombre d’agriculteurs
au bord de la faillite à 1700 en Ille-et-Vilaine et à
plus de 4000 dans les Côtes-duNord »...- La création
des commissions Nallet a déçu bien des espérances »
chez ces « laissés pour compte d’une agriculture compétitive »
. Sous le titre « stopper le gâchis humain », les auteurs
décrivent le harcèlement des huissiers, les saisies de
biens personnels qui sont le lot quotidien de ces paysans - en difficulté,
d’autant qu’avec le système des cautions une faillite peut en
entrainer quatre autres. Et ils concluent « Tout ceci risque d’entraîner
l’abandon des campagnes, un véritable »génocide
culturel »... « L’Assemblée appelle ses membres à
résister face à ce qu’ils considèrent comme une
violation de leurs droits. »
L’autre témoignage m’arrive de l’autre bout de la France : la
région du Rhône. Le groupe « Objections en monde rural »
publie une circulaire dans laquelle on lit : « Les pénalités
pour dépassement de quotas laitiers sont appliquées inégalement,
frappant parfois durement les petits producteurs .. Ici des parcelles
libérées sont attribuées aux exploitations les
plus grandes, là des terres restent en friche. Les trois quarts
des exploitants âgés ne peuvent plus payer leurs cotisations
sociales et les allocations familiales sont retirées à
leurs enfants. L’obligation de compétitivité amène
les entreprises à prendre des mesures contraires à l’esprit
de solidarité.. Il est vrai qu’avec les excédents et la
concentration de la grande distribution, les prix des produits agricoles
et alimentaires sont écrasés. Celà répercute
dans toute la chaine, jusqu’au producteur, les exigences d’une efficacité
économique sans merci. Les producteurs des zones les mieux placées
supplantent ceux des zones difficiles.. De tels mécanismes risquent
d’aboutir à la destruction du milieu rural... Et la nature ne
deviendra-t-elle pas inhospitalière à tous nos concitoyens
par pollution d’un côté et par abandon de l’autre ? »
Cette circulaire venant d’un groupe d’agriculteurs chrétiens de l’Ain, de la Loire et du Rhône ajoute qu’à ce constat fait suite une prise de position : « Devant de telle situations, de telles attitudes, nous ne pouvons pas prendre notre parti, en tant que chrétiens, de l’élimination de ceux qui ne satisfont pas aux normes actuelles de la rationalité économique. L’exclusion n’est pas une fatalité. Elle est le fruit de choix politiques pris la plupart du temps au nom d’exigences économiques et financières à court terme. Les responsables politiques et professionnels en mesurent-ils les conséquences humaines et sociales ? »
Et le groupe cité conclut par un appel aux responsables
professionnels à « concevoir l’efficacité économique
comme un moyen au service des hommes et non comme une finalité
qui les élimine. »
En cette période où on parle tant de ta révolution
de 1789, le monde rural serait-il prêt à exiger son droit
à l’instauration de l’économie distributive, l’économie
mise au service des hommes et non plus l’inverse ? Est-il prêt
à prendre la responsabilité écologique du territoire,
à s’engager à produire selon les besoins tout en entretenant
la terre, contre un revenu assuré ?
Début avril, aux informations sur TF1, on pouvait entendre :
» L’Unicef lance un appel pour l’enfance en péril : aux Indes, 45 millions d’enfants de 14/15 ans, voire moins, travaillent 14 à 16 heures par jour ; dans le monde, 40.000 enfants meurent chaque jour de malnutrition.
» Dans la cadre du scandale boursier de la société Recruit, au Japon, où trois ministres ont déjà où démissionner pour corruption, et où dix patrons sont en prison, le Premier ministre est à son tour éclaboussé et l’opposition réclame sa démission.
» En Afrique du sud, un jeune homme blanc
qui refusait de faire son service militaire pour montrer sa désapprobation
de l’Apartheid et
des méthodes policières brutales à l’encontre des
noirs, est condamné à 6 ans de prison ferme.
» Il est maintenant certain que le capitaine du pétrolier qui transportait le pétrole de l’Alaska et traversait une zone dangereuse était ivre et reposait dans sa cabine au moment du drame. En outre, on découvre que par économie. on avait changé le radar de guidage et qu’il ne couvrait plus la totalité du parcours.
Voilà ce qu’on pouvait entendre, entre autres "joyeusetés" en quelque 20 minutes. Toutes ces informations ont un dénominateur commun : le profit, l’argent. Elles dénoncent à l’évidence les beautés du système capitaliste, du libéralisme (mot volé au mot "liberté" pour mieux tromper les gogos) qui consacre l’exploitation de l’homme par l’homme. Cela ne nous surprend pas.
¤
Mais, de "l’autre côté", ce
n’est pas très brillant. Alors, est-ce le système, là
aussi, qui est en cause ou la nature humaine ? Quelques exemples au hasard.
Je voyageais récemment en Algérie. Mon jugement ne porte
que sur un seul hôtel, car le reste du temps s’est déroulé
en nuits à la belle étoile dans le Hoggar-Tassili.
Nous avons été transférés pour une nuit, près de l’aéroport d’Alger, dans un bel hôtel : superbe hall d’accueil, restaurant de classe. Mais les chambres !!! Sur six occupées par le groupe, quatre avaient des toilettes inutilisables : l’eau coulait sans arrêt, sans être retenue dans la chasse ; les douches étaient dans un état similaire, les draps n’avaient pas été changés...
J’ai parlé au directeur de l’hôtel, sans animosité, pour lui signaler ces faits, en insistant sur l’image de marque qu’en retireraient les touristes plutôt que sur les désagréments, pourtant majeurs. Je lui ai fait comprendre que j’aimais l’Algérie, que j’applaudissais à la lutte de libération menée, que c’était mon deuxième voyage et probablement pas le dernier.
Eh bien, le directeur a nié en bloc l’état des lieux que je lui signalais ce ne pouvait être qu’un cas particulier, inhabituel, alors que je lui précisais que nous étions quatre sur six dans ce cas.
Comment, dans ces conditions, peuton espérer que l’information remonte, que les choses changent ; qui, des ministres ou responsables, est au courant de cet état général dont l’exemple de l’hôtel n’est que l’image ? Cherchent-ils à savoir ? Préfèrent-ils pouvoir continuer à claironner que tout va pour le mieux dans les pays socialistes ou socialisants, dans les pays où prédominent l’Etat ou le Parti ; où l’économie est planifiée et où tout le monde est plus ou moins « fonctionnaire » ?
Autre exemple : après plusieurs années déjà de pérestroïka et de glasnost, Gorbatchev tape du poing pour dénoncer « la situation catastrophique » (sic) de l’agriculture. L’inertie « fonctionnaire » est telle que, si les choses bougent dans la philosophie du nouveau leader, rien de concret n’apparait vraiment : les magasins d’alimentation sont toujours, notamment dans les villes, aussi mal approvisionnés et les queues interminables.
Nous le regrettons doublement, car, que nous reste-t-il à opposer objectivement aux méfaits des pays capitalistes, où, au moins dans les « pays riches » l’abondance et la liberté (fausse à mon avis, mais apparente) semblent aller de pair ?
La glasnost (transparence) ne se résume tout de même pas à ce que j’ai - effaré je l’avoue - lu ou entendu récemment : une danseuse ou actrice russe, je ne sais plus, doit « poser » prochainement dans LUI...
Et aucun des pays socialistes n’émerge véritablement : Pologne, Roumanie, Yougoslavie, Algérie, Vietnam (celui-ci après avoir montré un courage et une ingéniosité hors du commun en terrassant la plus forte armée du monde). Je ferai une exception -non sans réserve cependant- en ce qui concerne la Chine : éduquer, nourrir, loger une population qui a plus que doublé en trente ans (douze à quinze fois la population de la France en plus), c’est un exploit incontestable.
¤
Alors qui est responsable : l’homme ou le système
?
« Le socialisme est mort », s’écriait Philippe Séguin
au congrès exceptionnel du RPR. Seul le libéralisme aurait
fait ses preuves. Tous les pays capitalistes privatisent depuis l’ère
Reagan : Angleterre, France, R.F.A., Japon, Pays-Bas, Danemark, etc...
Le seul appétit du gain, l’espoir de devenir
un Bernard Tapie, ou une vedette de la chanson, du foot, du cinéma...
pour gagner beaucoup d’argent, est-il le seul mobile capable de donner
du punch, de la combativité ? La fonctionnarisation, même
au sens noble de l’économie, est-elle un obstacle rédhibitoire
à son développement, à la marche vers le progrès
et l’abondance ?
Question angoissante au vu du double échec des systèmes
capitaliste et socialiste.
Un distributiste ne peut se résigner à une telle vision du monde à l’heure actuelle, même si le soleil qui s’était levé à l’Est en 1917 a bien pâli après avoir brillé pour des générations d’exploités, de laissés pour compte.
Marie-Louise Duboin, dans son livre « Les affranchis de l’an 2000 » décrit une société conviviale, humaniste, dans laquelle s’élaborent de la base au sommet une économie et une société où l’Homme s’épanouit dans l’action pour le bien commun, sans être mû par le profit personnel.
Un rêve, une utopie ? Non. Mais que de chemin à parcourir ! Tout, ou presque, reste à faire.
Une immense tristesse
En arrivant en 1973 sur la ferme de Francquemont,
à trois kilomètres de Saint-Péran en Ille-et-Vilaine,
Annick et Jules Marot ont retroussé leurs manches. Ils avaient
dù quitter une toute petite exploitation du côté
de Ploërmel dans la Morbihan. Elle venait de se faire « bouffer »
par la quatre-voies.
A Francquemont, il fallait défricher. Mais au bout du compte,
ça donnait une ferme de 43 hectares : de quoi vivre avec les cinq
enfants. Annick et Jules avaient été encouragés.
Ils avaient la réputation d’être courageux. Pas de problème
pour acheter la ferme à 320.000F, ni pour acheter le cheptel.
Les prêts du Crédit Agricole sont bien tombés.
Le malheur est entré dans la cour
Mais, dans la vie d Annick et de Jules, le malheur
a commencé lorsque neuf des vaches sont entrées dans la
cour de la ferme de Francquemont en 1975. Les bêtes étaient
brucelliques. Quelque temps après, il a fallu vendre tout le
cheptel laitier. Et repartir. La sécheresse de 1976 n’arrange
rien.
Annick et Jules ne s’en sortent plus. Ils n’arrivent pas à faire
face à leurs échéances. Les pressions commencent.
En 1978, ils se résignent à vendre la ferme. Commence
alors l’alchimie pernicieuse de la liquidation achetée 320.000
F la ferme est revendue 500.000 F En cinq ans, elle a pris 180.000 F
car les Marot l’ont défrichée et bien travaillée.
lis ont déjà remboursé 10.000 F lis n’ont plus
que leurs yeux pour pleurer.
Les abaisseurs de têtes
« Ces gens-là, c’est des abaisseurs de
têtes, ni plus ni moins- dit Jules. Il ajoute « Quand une
chose comme ça arrive à un gars,il devient honteux. Tu
le retrouves rabaissé au ras. Tu n’oses pas te montrer. »
Mais avec Annick, ils ont quand même relevé la tête.
Ils ont fait un procès « parce qu’il y avait des choses
pas claires dans les comptes du Crédit Agricole » . Pourquoi
par exemple la banque a-t-elle compté des intérêts
pour la construction d’un hangar, qui a été bâti
bien avant l’arrivée des Marot ?
Le tribunal note au passage « qu’il est quasiment impossible d’apurer
les comptes par la faute du Crédit Agricole, puisque les relevés
de compte ne portent aucune référence de remboursements
de prêts ».
« Ça use »
Mais la procédure est longue, si longue. « Ca
use. Les ennuis ça use. Et pas que nous. Nos enfants et nos parents
aussi. », soupire Annick.
« Heureusement, des gens nous font confiance. Ce qui prouve qu’on
n’est pas malhonnêtes. »
C’est ce qui donne à Annick et Jules la force de se battre. « Oh,
vous savez, dit Annick, il y en a qui sont pire que nous. Nos grands
enfants nous aident, et nous venons d’avoir le revenu minimum. (RMI)
». Mais Jules Marot s’inquiète : « Est-ce que c’est
normal de demander ça à des enfants ? Si on ne nous avait
pas trompés, on vivrait bien sur notre ferme. » En tripotant
les papiers -« toute cette paperasserie » - Jules dit avec
conviction : « J’ai confiance dans la justice ».
Louis LE METER
Une prise de responsabilité
En économie distributive, le sort d’Annick
et Jules aurait été bien différent.
D’abord, ils n’auraient pas eu à s’adresser à une banque
pour « acheter » la ferme de Francquemont, mais à la
commune de Saint-Péran. Et ils n’auraient pas eu à apporter
un capital, ici le reste de leur expropriation de Ploërmel, pour
obtenir un prêt, c’est plutôt leur savoirfaire et leur courage
dont la commune aurait demandé la preuve.
Enfin leur prise en charge de la ferme n’aurait pas été faite contre l’engagement de verser des intérêts au Crédit Agricole.
Leur contrat aurait été différent : contre l’assurance , par la commune, de leur verser régulièrement un revenu décent, à vie ; ils se seraient engagés à défricher la ferme, puis à la faire produire en fonction des besoins, tout en prenant la responsabilité de l’environnement, en l’occurence une partie du territoire de Saint-Péran. Ils auraient pu être amenés, ultérieurement, à aménager dans leur ferme un lieu de séjour pour des citadins, avec des moyens que la commune, évidemment, leur aurait alors fournis dans ce but.
En cas de malheur
C’est l’épidémie de brucellose qui, dans le contexte actuel, a été fatale à l’entreprise Marot. Ils auraient pu s’assurer, se mettre à l’abri du risque contre paiement de primes à une compagnie d’assurances. S’ils ne l’ont pas fait, c’est probablement à cause du coût de ces primes.
En économie distributive, pas d’assurances privées, permettant à ceux qui ont les moyens de payer d’être insouciant, de se conduire en irresponsables. C’est encore la commune qui assure, collectivement, mutuellement, ses citoyens. Elle serait donc intervenue pour déterminer si les agriculteurs avaient ou non commis une faute professionnelle, par exemple en ne prenant pas les mesures préventives nécessaires et dont ils auraient été informés.
S’ils sont reconnus coupables, une sanction s’impose : il faut que l’expérience leur apprenne à prendre leurs responsabilités. Mais pas une sanction financière, pas cette faillite qui porte préjudice à leurs enfants, à toute leur famille. Une sanction professionnelle, à la mesure de la faute : « Vous avez fait preuve d’incapacité, manqué de ce fait à votre contrat, la commune vous retire non pas vos revenus, mais la responsabilité qui vous avait été confiée : au moins provisoirement, vous travaillerez sous les ordres d’un tel, un voisin par exemple, comme ouvriers agricoles. »
Jules et Annick parlent de leur réputation. C’est une chose importante dans une commune rurale où les gens se connaissent, parce qu’ils se voient mutuellement à l’oeuvre. La commune, c’est à dire, finalement les voisins, sauront bien voir si le courage que Jules et Annick avaient toujours montré est la preuve que la mort de leurs vaches était un accident et non le fait de leur incapacité définitive.
***
Il faut continuer l’enquête
Le travail des Marot pour mettre leur ferme en état
leur a rapporté 180.000 F en cinq ans. Cela fait un salaire mensuel
de 1.500 F. pour chacun d’eux... Combien leur travail a-t-il rapporté
au Crédit Agricole ? Les enquêteurs de Ouest-France sont-ils
en mesure de le déterminer ?
D’autre part nous savons que la Communauté européenne
va dépenser en 1989 plus de 30 milliards d’écus, soit
de l’ordre de 210 milliards de Francs pour soutenir le marché
agricole. On pourrait diviser ce chiffre par le nombre d’agriculteurs
pour avoir une moyenne, mais celà n’a pas beaucoup de sens, étant
donnée la disparité de ces allocations. Serait-il possible
de déterminer les sommes dépensées, tant par la
Communauté européenne que par le gouvernement Français,
sous forme d’allocations, subventions, primes et assurances sociales
diverses, et correspondant aux seuls agriculteurs de Saint-Péran ?
Enfin, troisième complément d’enquête : quelle aurait
été la réponse d’Annick et Jules Marot s’il leur
avait été offert un « contrat distributrif »
: le versement assuré de revenus réguliers, à vie,
pour chacun d’eux, contre la responsabilité de l’entretien de
leur ferme ? A combien estiment-ils que devrait s’élever le revenu
ainsi assuré pour que celà, à leurs yeux, vaille
la peine qu’ils acceptent pareil engagement ? Sont-ils prêts,
eux-mêmes et les autres cultivateurs de Saint-Péran , à
assurer la gestion de leur commune sur cette base de co-responsabilité ?
Les mêmes questions évidemment sont posées aux agriculteurs
de la région du Rhône qui signent l’article intitulé
« Des mouvements dans le paysage agricole » dans la circulaire
du groupe DES OBJECTIONS EN MONDE RURAL, N°73, de Janvier-Mars 1989.
A la suite de la réunion de La Haye, les représentants, au plus haut niveau, de plusieurs contrées ont signé un appel sous le titre : « Notre pays c’est la planète » et en tête la phrase suivante : « Créer une autorité mondiale dotée de pouvoirs de décision et d’exécution pour sauver l’atmosphère, c’est à cela qu’ont appelé 24 pays prêts à déléguer une parcelle de leur souveraineté nationale pour le bien commun de l’humanité toute entière ». Cet appel est publié par tous les grands journaux des nations signataires.
Les mondialistes dont beaucoup, nous le savons, lisent la Grande Relève, se réjouiront de trouver dans cette déclaration non seulement l’essentiel de leur thèse, mais formulée dans les termes mêmes qu’ils emploient. Ainsi le titre à rapprocher de celui de l’ouvrage autobiographique de Garry Davis : « My country is the world » et cette phrase du texte : « ...Comme le problème est planétaire, sa solution ne peut être conçue qu’au niveau mondial » . Ce n’est pas par hasard. Nous, mondialistes, sommes bien à l’origine de cet évènement.
Il ne s’agit évidemment pour l’instant que de la protection du climat du globe, mais tous les espoirs sont désormais permis, car beaucoup d’autres problèmes se posent à l’humanité toute entière : la paix et le désarmement, l’alimentation, l’information, etc...
Les esprits chagrins diront qu’il s’agit de démagogie à l’approche des élections européennes. Outre le fait que l’Australie, le Brésil, le Canada, l’Egypte, l’Inde, le Japon, la Hongrie, le Sénégal notamment sont signataires aux côtés de la plupart des pays européens, la Grande-Bretagne exceptée, il est bon de remarquer que si les politiciens prennent ainsi position, c’est qu’ils comptent en retirer les fruits, et donc qu’il y a une demande importante des populations. Il est vrai aussi que les deux grands sont absents de la liste.
Néanmoins voilà bien une étape, mais une étape majeure vers l’installation d’autorités mondiales d’arbitrage seules capables de contribuer à résoudre les immenses difficultés de notre temps. Avec nos amis mondialistes, nous en sommes heureux.
Malgré les sarcasmes ou le silence méprisant de certains médias, abondancistes et mondialistes trouveront là un nouvel encouragement afin de poursuivre notre lutte pour la survie et le progrès.
R.M.
***
Le rôle de la Banque Mondiale
L’Etat Indonésien vient de terminer un barrage
hydroélectrique dans l’île de Java, sur le fleuve Ombo.
Les paysans refusent d’être transplantés de manière
autoritaire et demandent à faire valoir leurs droits par un accord
négocié. Le conflit dure depuis plusieurs années
et depuis l’ouverture des vannes, le 16 janvier dernier, ces paysans
résistent en vivant sur des radeaux.
Le Réseau-Solidarité, 5, rue F. Bizette, 35000 Rennes,
demande d’envoyer un aérogramme (4,2 F dans tout bureau de poste)
au Président de la Banque Mondiale : (adresse Mr. B.B. Conable
-President- The World Bank -1818, H Street- Washington D.C.-20433 Etats-Unis)
qui finance ce barrage à 75% et « peut par conséquent
jouer un rôle déterminant pour que soient convenablement
réinstallées et indemnisées les populations expropriées ».
Un test à suivre... le Réseau-Solidarité sera en
mesure de dire si le souci de la Banque Mondiale est aveuglément
d’aider les Etats ou si elle songe aussi aux retombées sur les
peuples....
(transmis par E. B., Paris)
***
Partage et le R.M.I.
« Partage, mensuel d"information sur le
chômage et l’emploi » publie dans son numéro de mars
1989 un dossier centré sur le R.M.I.
Dans son article intitulé « A propos du changement »
Henri Guitton, de l’Institut, que nous avons souvent cité, précise
qu’au delà d’une modification « ...j’ai parlé d’une
mutation profonde qui allait vraisemblablement se produire avec l’entrée
dans l’ère nucléaire, et pour l’économie, avec
la disparition du plein emploi. C’est pour sauver la civilisation en
péril et pour être pleinement soimême qu’il faut
accepter et préparer la mutation.. ».
« Partage » reproduit des passages du livre d’Alain Lipietz
« La croisée des chemins, une alternative pour le 21e siècle
». Sous le titre « Les impasses du libéral-productivisme
» cet économiste repousse le culte de l’entreprise, l’individualisme,
la société à deux vitesses et le retour à
l’instabilité économique.
Puisque lors de conversations privées ou de réunions publiques, nos interlocuteurs nous demandent souvent comment les gros achats : véhicules, habitations, etc... et les successions se dérouleraient en économie distributive, pourquoi ne pas évoquer ces questions ?
Prévisions
Tout d’abord le cadre de cet article et même celui du journal ne sont pas suffisants, bien entendu, pour traiter au fond de tous les aspects de ce sujet. Nous nous bornerons donc ici à tracer quelques lignes générales renvoyant le lecteur aux ouvrages de Jacques Duboin et aux « Affranchis de l’an 2000 » qui lui en apprendront beaucoup plus sur nos conceptions.
Restons également circonspects dans nos projections
vers l’avenir. Trop de « futurologues » se déconsidèrent.
Nous ignorons quand et où, mais surtout dans quel contexte socio-économique
le nouveau système finira par s’imposer. Au risque de choquer
les inconditionnels, reconnaissons même que la puissance et l’extraordinaire
vitalité du régime capitaliste laissent peu de pouvoir
de persuasion à ceux qui, en stigmatisent les tares et surtout
à ceux qui proposent les moyens d’en changer et de construire
d’autres institutions mieux adaptées. Nous avons conscience d’être
à contre-courant de la pensée économique dominante
actuelle.
Demeurons lucides. L’économie distributive ne se réalisera
ni ce mois-ci, ni l’année prochaine, et surtout pas du jour au
lendemain. Nous ne savons pas dans quelles circonstances. Comment alors
décrire dans tous leurs détails les modalités à
envisager ? L’exemple du demisiècle passé où les
projets « distributistes » passèrent du dirigisme d’Elysée
Reybaud par exemple (1) à l’autogestion de Marie-Louise Duboin
nous conduit à cette prudence que d’aucuns trouveront excessive.
Remarquons toutefois que l’essentiel de nos thèmes résiste fort bien à l’épreuve du temps puisqu’elles demeurent compatibles avec les nouvelles idées sur la vie publique. Nos principes de base pourraient également recevoir leur application aussi bien dans une organisation fédéraliste et coopérativiste soutenue par exemple par Pierre Herdner que dans une structure fédéraliste proud’honnienne envisagée par Alexandre Marc, en fait dans toute société socialiste. Le socialisme étant caractérisé par la propriété collective, mais pas étatique, des moyens de production, de recherche et d’information de masse.
Principes et moyens
Notre idée fondamentale réside surement dans la nécessaire adéquation entre les productions possibles de toutes natures et les revenus disponibles permettant à tous de les acquérir. De là résulte la trilogie distributive : monnaie, service social, revenu social qui caractérise notre thèse.
Il ne fait aucun doute que, dans la phase ultime, l’égalité
économique devra être instaurée. C’est le principe
de l’égalité de 1789 élargi au domaine de l’économie.
Cet idéal étant fixé ne devra jamais être
perdu de vue. Mais si, dans les périodes transitoires, il s’avère
nécessaire de prévoir des revenus différenciés
ou hiérarchisés en fonction du travail fourni et des services
rendus, je ne pense pas que ces distorsions provisoires puissent être
refusées systématiquement. Là comme dans d’autres
domaines de notre cheminement vers l’économie des besoins, distinguons
toujours les étapes nécessaires et le but final vers lequel
il convient de tendre.
Toutes les décisions à prendre seront évidemment
placées sous le signe de la démocratie. Pour cela, il
convient de présenter des conceptions audacieuses certes, mais
pas inutilement choquantes puisque destinées à satisfaire
la plus grande majorité. Aucune progression ne saurait être
prévue qui ne soit à tout moment acceptée et même
désirée par les citoyens concernés. C’est l’ignorance
ou l’abandon de ce précepte qui a conduit aux pires excès
sanglants des révolutions françaises et soviétiques.
Plutôt renoncer à une réforme que la réaliser
sous la contrainte ou la répression. Méfiance envers les
prophètes du chambardement dans l’enthousiasme des réunions
groupusculaires.
L’intransigeance est peut-être plus satisfaisante pour certains
esprits dont le souci principal est de briller en bouleversant et en
étonnant.. Les grands idéaux sont certainement plus mobilisateurs
et plus grandiloquents mais souplesse, réalisme et pragmatisme
permettent de progresser autant et sans dégâts.
Ces précautions établies, ces principes choisis, ces moyens définis, essayons de les appliquer à quelques opérations courantes de la vie pratique dans le nouveau système.
Et d’abord, demandons-nous si la propriété individuelle devra subsister, pour répondre : oui, encore longtemps. Dans les grandes entreprises, ce sera la direction collégiale que nous avons déjà définie. Pour les autres moyennes et petites, l’autogestion ou la coopération, la participation et la communication seront de règle. Mais la propriété ou la copropriété de la maison ou de l’appartement individuel et familial resteront possibles pour qui continuera à le désirer.
Gros achats
Le revenu social maximal permettra d’y pourvoir. Comme la monnaie distributive s’annule au premier transfert, elle ne donne pas lieu au prêt à intérêts. Elle permet néanmoins toutes les formules possibles et très diverses d’achats ou de locations. Etant entendu que seules les collectivités autogérées pourront donner à louer. Sinon achats échelonnés, locations-ventes, leasings, etc... resteront accessibles, au moins en
période transitoire, pour ce qui concerne les biens propres :
habitation principale et son équipement, mobilier, vêtements,
outillage personnel, véhicules divers, etc...
Des idées nouvelles telles que location par paiement sur le prix
du carburant, mise à disposition gratuite de véhicules
par les collectivités territoriales ou les entreprises avec gestion
par ordinateur et minitel, prêt gratuit d’outillage, etc... pourront
être essayés.
La marche vers l’égalité économique devrait conduire à privilégier d’abord les formules de gratuité, ensuite celles de location, sur la propriété individuelle qui ne serait qu’une subsistance du régime actuel appelée à se réduire progressivement.
Tout cela reste en accord avec le système général
de production et de fixation du niveau de revenu qui en est la conséquence.
L’exercice « budgétaire » pourrait être d’une
durée à étudier en fonction des impératifs
des entreprises agricoles et industrielles. En vue de faciliter une
prévision moins contraignante qu’actuellement, il serait porté
à deux ou trois ans par exemple, ce qui entrainerait à
fixer la fin de validité de la monnaie à la même
période. Les gros achats nécessiteront le report des sommes
correspondantes sur deux ou plusieurs budgets. Le plan de production
devra évidemment en tenir compte. La préférence
pour la gratuité et la location devra être rapidement effective
afin d’éviter cette entorse au principe d’extinction de la monnaie
en fin d’exercice.
Une autre solution plus novatrice pourrait consister en. un plan « glissant
» combiné avec une monnaie qui ne s’éteindrait qu’à
l’achat, mais ne serait pas limitée dans sa durée. C’est
un dispositif qui, en ce qui concerne la production, est déjà
utilisé dans certaines entreprises.
En économie distributive, il faudrait apprécier si la tendance à économiser, devenue pourtant inutile ne serait pas favorisée, entrainant des difficultés d’adaptation de l’appareil productif.
Ainsi qu’il est indiqué dans les documents cités, les prix seront formés suivant trois éléments : 1. le coût de la matière première, 2. celui de l’énergie et de la main-d’oeuvre employées pour la fabrication, 3. un coefficient de rareté sur les achats ou services non encore abondants. La diversité extraordinaire des besoins et des désirs de chacun pourra donc s’exercer sur le choix d’une automobile, d’un appartement ou d’une maison dans la seule limite des possibilités écologiques et physiques de la production d’ensemble. Les résidences de prestige, les propriétés immenses et les châteaux dont le coût excèderait le revenu de leurs détenteurs actuels devront être partagés. Il en est d’ailleurs déjà ainsi car ,la plupart de ces habitations trop onéreuses à la succession et à l’entretien doivent être le plus souvent vendues. Elles seront cédées comme à présent à des collectivités ou transformées en centres de réunions et de séminaires ou bien encore tomberont entre les mains de l’état et des provinces en ce qui concerne les demeures à caractère historique. Cette tendance ne pourrait de toutes façons que s’accentuer ; l’égalité y trouvera son compte. Les héritages faciliteront l’évolution.
Héritages
Lors d’un décès, les héritiers,
en particulier les enfants, entreront en possession des biens meubles
personnels du défunt. Ils auront une priorité sur sa résidence.
S’ils désirent l’occuper, ils devront, soit la louer, soit la
racheter à la collectivité ainsi qu’ils feraient pour
une autre habitation. De cette façon, les profondes inégalités
résultant actuellement des situations acquises et des transmissions
familiales prendront fin. Il ne sera d’ailleurs plus nécessaire
d’assurer une succession en faveur de ses enfants puisque ceux-ci, depuis
la naissance, seront crédités de leur revenu social personnel
qui permettra de vivre largement et confortablement. S’il n’y a pas
d’héritiers en ligne directe, la priorité se transformera
en simple option en faveur des parents proches qui devront eux aussi
acheter, s’ils le désirent.
Ainsi qu’il est expliqué plus haut, les entreprises de fabrication
ou de distribution seront gérées au niveau de la collectivité
nationale ou territoriale intéressée, éventuellement
sous une forme coopérative ou en tous cas en autogestion.
La propriété privée étant exclue de ce domaine,
la question de l’héritage ne se posera pas... et un fils incompétent
ne pourra pas succéder à un père doué sous
le prétexte de la filiation naturelle.
Certains lecteurs estimeront que les dispositions décrites dans cet article sont utopiques ou trop progressistes, d’autres les trouveront trop prudentes et timorées. C’est avec la conviction que de la confrontation des avis résulte le progrès de la pensée que nous recevrons et éventuellement publierons leurs réflexions notamment sur les sujets abordés ici. Nous pensons que les positions prises sont équilibrées, nécessaires pour permettre l’adaptation du système économique aux progrès techniques, mais pas inutilement démagogiques et provocatrices. C’est au lecteur d’en juger. Nous y reviendrons s’il le souhaite et ainsi un dialogue fécond pourrait s’engager...
(1) « L’économie qu’il nous faut » (1946)
Au cours d’une "Table ronde" sur le Revenu Minimum d’insertion présidée par M. Bélorgey, député socialiste de l’Allier, rapporteur du projet de loi sur le R.M.I. à l’Assemblée Nationale, Pierre Vinot, animateur du Centre d’Etudes de la Socio-économie et ancien membre du Conseil Economique et Social a demandé :
« Existe-t-il une raison d’ordre supérieur -et qu’on nous ait tue jusqu’ici...- une raison dont quelque secte d’économistes détiendrait le redoutable secret, mais qu’elle se refuserait à nous communiquer, une raison de priver les populations (et singulièrement les catégories les moins favorisées) des moyens de consommer ce qu’on a les moyens de produire ? Si une telle raison existe, qu’on nous la dise. Elle ne doit pas être couverte par quelque « confidentiel-défense ».
Et si elle n’existe pas, ou si elle s’avère inconsistante - alors qu’on cesse enfin de pratiquer des politiques aussi anachroniques et aussi dénuées de réalisme ».
Voici le problème bien posé. Donnons la parole à P. Vinot :
Les conditions dans lesquelles a été
conçu le projet de loi intitulé R.M.I., puis dans lesquelles
il a donné lieu à une « discussion » parlementaire
et a été finalement adopté, ont mis en évidence
le niveau déplorablement bas de l’information et de la réflexion
des divers milieux politiques, tant du pouvoir que des oppositions.
Ceci sur les problèmes de la pauvreté -« grande »
et moins grande..- mais aussi conjointement sur ceux du chômage,
de ses causes et des moyens de le faire reculer, autrement que par des
moyens artificiels.
En ce qui concerne ce dernier, il est évident que la question
n’est pas, ainsi qu’on l’entend répéter mécaniquement,
de « créer » des emplois - sans se demander pomment
s’écoulera la production qu’ils entraineront. Elle est d’assurer
des demandes, jusque là rendues défaillantes, alors que
ce sont elles qui doivent susciter tout naturellement des emplois, s’étendant
en cascade aux divers compartiments de la production.
Bien entendu, on a lieu de se réjouir de tous les cas où
cette loi, malgré ses défauts, pourra apporter un dépannage
et un soulagement. Mais cela ne peut dispenser de se poser un certain
nombre de questions.
Quelques questions
1° Que signifient des conditions de réinsertion
dans le travail imposées à des « bénéficiaires »
dont beaucoup -et on ne l’ignore pas- sont horsd’état de prendre
un tel engagement, et de le tenir. A moins que les conditions ne soient
de pure forme, avant d’octroyer tout de même une maigre ressource
qui dans maints cas devrait être assurée de plein droit,
et sans conditions.
2° En supposant que cette réinsertion dans la production
soit effective, que pense-t-on faire des « valeurs ajoutées »
supplémentaires résultant du travail des « réinsérés »,
alors qu’on ne sait déjà pas comment écouler la
production obtenue par ceux des travailleurs qui ont conservé
leur emploi ?
3° La formation professionnelle procurée à une partie
des réinsérables suffira-t-elle à assurer à
ceux qui l’auront acquise une occasion de la pratiquer, alors qu’il
y a déjà tant de travailleurs qualifiés et expérimentés
qui se morfondent à l’ANPE ? Se propose-t-on de grossir, à
grands frais et avec beaucoup de formalités, le nombre des chômeurs
qualifiés ? Ainsi ne peut-on voir dans ces dispositions une ébauche
et une préfiguration de ce qui doit être fait pour recycler
vraiment les « exclus » et les oubliés -alors que la
quantité de ceux-ci dépasse de si loin les chiffres mis
en avant à propos du R.M.I., et auxquels on entend se limiter,-
simplement en fixant des plafonds de ressources hors de mesure avec
le coût réel d’une subsistance normale.
Une responsabilité pour ceux qui ont réfléchi au problème.
C’est pourquoi ceux qui n’ont pas attendu un rapport - fort utile - du Conseil Economique et Social pour prêter attention à cette situation, et pour réfléchir aux solutions qu’elle appelle , ont maintenant la responsabilité de saisir l’opinion - trop incités à croire que la question serait résolue par cette loi - et d ’inviter ceux qui ont des responsabilités, aux différents niveaux de l’Etat, et tous ceux qui sont appelés à concourir à la mise en application de la loi, à prendre conscience du véritable caractère du problème. Il est grand temps de penser - au-delà de ces mesures de circonstances - aux dispositions générales qui doivent être élaborées, et mises en vigueur, de façon systématique, pour s’attaquer à la fois à la sous-consommation des uns et à la privation de travail des autres.
L’absurdité qui doit prendre fin
Il est absurde de se proposer d’un côté
d’opérer à grand peine quelques réinsertions dans
un travail dont on n’a pas assuré l’utilité, - et en même,
temps, de maintenir en fonctionnement (et il n’y a guère que
cela qui marche sans à-coup) - la machine à fabriquer
constamment de « nouveaux pauvres ». Car on ne peut interpréter
autrement le dispositif de formation du pouvoir d’achat, tel qu’il est
organisé depuis trop d’années, et qui a pour caractéristique
de perpétuer une inégalité fondamentale entre les
Français devant le droit au minimum social . Il y a ceux qui,
- pendant la période de leur vie où ils sont « travailleurs »
(mais pour la durée de celle-là seulement) -ont droit
à un minimum social qu’on s’accorde à proclamer incompressible.
Et puis il y a tous les autres - et ce sont les mêmes au cours
du reste de leur existence, pendant qu’ils sont encore trop jeunes ou
déjà trop âgés pour produire - avec lesquels
on s’ingénie à prouver que ce minimum est décidément
très compressible, puisqu’on leur octroie, selon les catégories,
la moitié, le tiers ou le quart, ou moins encore.
Or ces « autres », ils forment plus de 60% de la population
totale : deux consommateurs sur trois - deux qui voudraient bien l’être
, et dont tout le monde a intérêt à ce qu’ils le
soient et dont on assure - dans les « Déclarations »...
-qu’ils sont égaux devant la loi. Egalité dont on ne s’aperçoit
guère lorsqu’on voit les barèmes du R.M.I., - et plus
largement ceux des allocations familiales ou du « minimum »
- combien minimum... vieillesse. Ceux qui ont administrativement mission,
dans leurs bureaux bien chauffés, de fixer de tels chiffres,
ont-ils une idée de ce qu’il en coûte de chausser des enfants,
et de vêtir des adolescents ?
Ce dont il s’agit n’est plus de légiférer dans l’univers
mental fictif des technocrates. Il importe de se placer devant les réalités
du coût de la vie, tel qu’il est pour les uns comme pour les autres
- et de prendre enfin conscience de ce que sont les niveaux de vie effectifs
auxquels correspondent les chiffres officiels en vigueur. Et d’établir
enfin une juste proportion entre le minimum social des uns et celui
des autres. De ceux qui sont, selon une expression qui figurait dans
le rapport Rueff de 1958, « les plus proches du minimum vital ».
Les limites du « possible »
On ne manquera pas de demander si c’est possible. C’est -on l’imagine bien- une préoccupation que nous partageons. Et nous ne serions pas fâchés qu’on se décide enfin à placer la question sur ce terrain. Car de Quelle possiblité s’agit-il ? La France a-t-elle, ou n’a-t-elle pas, la possibilité physique de nourrir ses 55 millions d’habitants ? Qu’on interroge à cet égard les dirigeants de l’agriculture. Et si l’on en doutait, il serait alors grand temps de se demander si le plus urgent est de proclamer « irrévocable » la décision de Bruxelles de celer des milliers d’hectares de bonnes terres arables. La France a-t-elle les moyens de construire de quoi loger convenablement toute sa population ? Si on en doute, qu’on se demande pourquoi elle aura traîné tant de chômeurs dans le bâtiment.
Si les économistes ne voient pas les moyens -financiers...- de réaliser effectivement ce qui est physiquement possible, c’est alors que la question les dépasse. Et elle dépasse effectivement une « science économique » qui en est encore aux conceptions du 19ème siècle , ou aux théories - pas si « générales » que cela... des années 35, ou même 50, pour faire face aux capacités de production permises par les procédés et les équipements des années 90. A « l’économie », on a trouvé indispensable d’ajouter le recours à un traitement « social » du chômage. Tiens, tiens... Mais la vraie solution ne peut être dégagée en continuant à compartimenter dans la pensée « l’économique » et le « social » alors qu’en fait on ne peut les dissocier dans les réalités.
C’est ce caractère unitaire de phénomènes entre lesquels on découvre des « interférences multiples » qu’il est nécessaire de reconnaitre. Comme les physiciens ont dû le faire il y a plus d’un siècle en découvrant l’unité de la thermodynamique. Ce qui a rendu possible tant de progrès.
Et c’est ce qu’il faut faire devant les problèmes conjoints et indissociables du chômage et de la pauvreté. Même si l’on devait pour celà (ce ne serait jamais qu’une fois de plus) changer la dénomination des Facultés de « Sciences économiques ».
On crie « au scandale » dès qu’une oeuvre d’art est volée, disparait ou est démolie ; on restaure les vieilles pierres, les cathédrales, les fortifications, les pyramides, tombeaux, monuments historiques ; on protège et garde jalousement l’art sous toutes ses manifestations - et on en est fier ! - tableaux religieux et peintures militaires, sculptures, stèles, vieilles reliques et vieux drapeaux, sabres et goupillons ; on édicte même des lois préservant leur « existence »...
Mais comble de la bêtise, du non sens, de la folie et du délire, on salit les sites naturels au nom des loisirs, du tourisme ou de l’urbanisme ! On chasse et tue les animaux sauvages sur terre, dans l’air et dans l’eau, par passion de la gachette, par plaisir de tuer ; on coupe et brûle les poumons de la planète, les forêts vierges, au nom de l’élevage, des routes et du papier ; on pollue les eaux, la terre, l’air et les aliments au nom du progrès et de la science ; on ruine les consommateurs et les usagers au nom de la gloire de fusées et de satellites, que seuls les « traineurs de sabres » utiliseront ; enfin, on compromet l’équilibre naturel de tout ce qui est utile à la garantie, à la perpétuation de la nature, de l’environnement, de la vie, au nom de la rentabilité.
On regarde comme nécessaire et on se prosterne
devant tout ce qui rappelle un passé de honte, de crimes, de
mensonges et de haine, et on détruit tout ce qui est la raison
de notre vie !
Tout celà par cupidité, par profit, par propriété,
par luxe, par autorité ou domination de « l’homme sur l’homme ».
L’économie de marché a pourri les coeurs et les esprits, détruit la beauté et la vie saine, et le riche, le maitre, le P.D.G., l’actionnaire, le gouvernant, le politicien, le militaire, le religieux, le juge, le commerçant, le policier ; tout ce qui encadre les populations et les exploite, en un mot tout ce que la société humaine et marchande comporte d’imbéciles, de soumis, de violents, de salauds et d’ignorants, en sont les conservateurs et les défenseurs !
Après des millénaires de civilisation,
voilà où nous en sommes !! Il y a de quoi être dégoûté
d’être un humanimal...
ou plutôt, de ne pas encore être un Homme !