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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 868 - juin 1988

 

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N° 868 - juin 1988

L’élection présidentielle   (Afficher article seul)

Le fédéralisme une garantie contre l’échec   (Afficher article seul)

Y-a-t’il un pilote dans l’avion ?   (Afficher article seul)

L’économie distributive   (Afficher article seul)

Sommes-nous Geselliens ?   (Afficher article seul)

Plaidoyer pour la monnaie-calorie   (Afficher article seul)

Même écho en Angleterre ?   (Afficher article seul)

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Éditorial

L’élection présidentielle

par A. PRIME
juin 1988

PREMIER TOUR
Je pense qu’on peut - une fois tous les sept ans n’est pas coutume - parler politique dans les colonnes de la Grande Relève. En fait, ces réflexions, nous le verrons, rejoignent in fine nos préoccupations socio-économiques. Je précise que les conclusions de cette analyse risquent en partie d’être mises à mal si la droite devait l’emporter. Les jeux seront faits lorsque vous lirez cet article : tant pis, je prends le risque.
Sans être grand clerc, j’avais prévu Mitterrand 34 %, Barre 16 %, Lajoinie 7%, Juquin 2%... Mais comme la plupart, je me suis planté sur Chirac et Le Pen : respectivement 23 au lieu de 19,9 et 11 au lieu de 14,4. Si le score de Le Pen doit nous inquiéter, celui de Chirac doit nous réjouir : la claque est magistrale et l’Etat RPR est à peine mois "facho" et dangereux que l’extrême-droite ; d’autant que le RPR avait - et garde encore - des chances d’exercer le pouvoir, un pouvoir absolu ; Le Pen, non, ou moins dans l’immédiat.
Le RPR, "ruisselant de fric" (dixit un lieutenant de Barre), avec un candidat "battant" qui rassemble, écoute, représente le courage, l’ardeur... bref, le plus capable et le plus beau, sinon le plus intelligent !) voit son caquet sérieusement rabattu et les chances de la droite la plus dure de l’emporter au second tour fortement compromises. C’est déjà un point (Lire dans le Monde Diplomatique d’Avril l’article sur "l’offensive contre le droit du travail" notamment au pays de Madame Thatcher, modèle de Chirac). Il est bon que ce soit un Chirac dévalué plutôt qu’un Barre triomphant qui représente la droite au second tour, car ce dernier avait de bonnes chances de battre Mitterrand ; Chirac n’en a guère. Et le "ménage à trois" de la droite nouvelle, à peu près partagée entre trois frères ennemis - frères, mais ennemis tout de même : ne tombons pas dans le simplisme ou PC - donne un peu de répit aux vraies forces de progrès à travers une gestion socialo-centriste.

LE JEU DE BARRE
Barre devait connaître - tout comme Chirac savait que le score de Le Pen serait de 14 % - les vrais sondages, en dehors des sondages médiatiques, truqués, payés. C’est sans doute là qu’il faut chercher le sens de son apostrophe : "Rira bien qui rira le dernier". L’humiliation de Chirac le réjouit profondément. Il pense que, sauf si ce dernier gagnait les élections, son propre avenir reste ouvert.
Pendant la campagne, il avait dit qu’il serait loyal s’il perdait la primaire et ne ferait pas comme ceux -suivez mon regard- qui en 1981 ont trahi leur camp au second tour. D’où ce numéro de duettistes, une demi-heure après les résultats. Mais ne nous y trompons pas : en fait Barre trahit Chirac, mais avec beaucoup plus de finesse que ce grand balourd de Chirac avait trahi Giscard. Il lui impose "une société... qui refuse la xénophobie, le racisme". Autrement dit, comme Chirac devra peu ou prou faire des mamours aux Lepénistes, sinon à Le Pen directement, ce qui serait dangereux, pour avoir quelque chance d’être élu, Barre lance un clin d’oeil à ses électeurs les plus subtils : J’appelle à voter Chirac parce que je ne peux pas faire autrement, mais en me démarquant nettement ou FN, j’espère que nombre d’entre vous ne voteront pas Chirac". Et de fait, les premiers sondages donnent 12% des électeurs Barristes prêts à voter Mitterrand. Plus 30 % de Lepénistes, souvent ex-électeurs communistes égarés, qui doivent voter Mitterrand. Exit Chirac, surtout si l’écart est important.
Barre, 64 ans, garde alors toutes ses chances d’être élu dans 5 ans (mandat présidentiel raccourci) ; et Mitterrand, 72 ans, peut casser sa pipe...
En attendant, Barre essaierait de prendre la tête d’un grand parti conservateur libéral, à la manière dont Balladur et Chirac avaient lancé une O.P.A. sur un parti RPRUDF, sous-entendu bien sûr, à dominante RPR. "Tous derrière et lui devant", comme le Monde le dit avec humour en rappelant la chanson de Brassens.

Restent deux inconnues :
-La première, mineure, mais non négligeable : le retour de Giscard qui frétillant déjà dans les coulisses, indique le "bon choix". Certes, il vise avant tout d’être le Premier Président Européen. Mais en attendant... Il aime tant le pouvoir !
- La seconde, plus sérieuse : si Mitterrand est élu, le Parlement majoritaire à droite, rendra la France ingouvernable : Chirac a prévenu. Dans ce cas, il y aura dissolution. Mais au scrutin majoritaire, après le charcutage des circonscriptions par Pasqua, la Chambre risque d’être à nouveau de droite. Car si la France peut se trouver majoritaire pour élire un homme au charisme rassembleur, elle reste majoritairement de droite dans ses profondeurs : à preuve, si Rocard, pourtant populaire, avait représenté le PS et la gauche, la France élisait un Président de droite dans tous les cas de figure.
Donc, si la Chambre renouvelée est à droite, la France est à nouveau ingouvernable : un bras de fer insoluble. Et la droite extrême - Le Pen - serait encore renforcée par ce duel et mise sur une orbite de 20% des voix.
Supposons une chambre de gauche, même avec une très courte majorité, à la rigueur obtenue avec les élus communistes, que se passe-t-il ? Mitterrand constitue un gouvernement socialo-centriste qui ne toucherait pas à l’économie de marché et aurait pour consigne - "une France unie" oblige- de ne pas faire de vagues.
En tête. l’ENTREPRISE et l’EUROPE (1), deux objectifs, comme on voit, exaltants pour un chômeur déprimé !
Puis une double mesure spectaculaire : le rétablissement de l’impôt sur les grandes fortunes (5 à 6 milliards) pour financer un minimum social (estimé par Rocard à 10 milliards) de 2.000 F/mois. Soulignons que Mitterrand aurait peu de mérite à créer ce minimum : 78% des patrons sont pour, d’après une enquête récente ; mais çà, le bon peuple l’ignore.
Pour le reste, statu quo. Pas de vagues, disions-nous. On ne reviendra pas sur l’école privée, ni sur les privatisations, même j’en fais le pari, de TF1. On n’osera même pas "casser les noyaux durs", pourtant violemment vilipendés par le PS il y a peu.
On ne résorbera pas un chômeur, sauf par artifice. Une diminution significative des heures de travail - 36,5 heures comme en RFA - est exclue, surtout sans baisse des salaires : 91 % des patrons sont contre et les socialistes, j’ai eu maintes fois l’occasion de m’en rendre compte en discutant aussi bien avec des militants de base que des responsables, sont imperméables à cette idée.
Seule, la couverture sociale - et c’est déjà beaucoup par les temps qui courent - sera sans doute protégée, du moins pour l’essentiel, car il ne faut pas oublier que c’est un gouvernement socialiste, et singulièrement Bérégovoy, qui a commencé à l’écorner en faisant payer une part des journées d’hôpital, en créant les "médicaments de confort", et surtout en aggravant la situation des chômeurs en fin de droit : tout cela pour faire des économies et apparaître, aux yeux des capitalistes, comme de bons gestionnaires de leur système économique (2).
Il y a deux points sur lesquels nous attendons un gouvernement socialo-centriste :
1. Osera-t-il revenir sur l’autorisation de licenciements ? ce sera un test : si, de peur de faire des vagues, il maintient cet état de choses iniques qui n’a rien "donné" pour l’emploi (nous, nous le savions, mais Gattaz avait promis l’embauche de 383.000 personnes), c’est qu’une droite type Barre et une "gauche" type 1988 seront devenues bonnet blanc et blanc bonnet. Disons, pour nous consoler, que c’est un moindre mal comparé à une droite Chiraco-Lepéniste.

2. Le vote des émigrés, fut-ce pour commencer au niveau municipal.
Alors, face à un tel gouvernement, que pouvons-nous faire, que pouvons-nous espérer ? Car même si la Chambre redevenait, après des élections législatives, majoritairement de gauche, Mitterrand ferait la même politique, ou peu s’en faut : seul avantage pour lui : ne pas craindre que les gouvernements soient censurés.
Il nous faudrait parler fort, plus fort et, par exemple, rééditer une plaquette courte (10-15 pages), claire, avec des illustrations parlant d’ellesmêmes (type couverture de la Grande Relève d’Avril), faisant le point de nos idées et solutions de façon crédible, réaliste, face à la situation sociale et économique actuelle. Plaquette à envoyer à tous les élus de gauche, syndicalistes, partis, personnalités, journalistes sélectionnés ; bref, en mieux, ce que nous avions fait en 1983 avec la plaquette "Sortir le socialisme de la crise". Mais en 1983, l’euphorie majoritaire socialiste n’était pas encore suffisamment atteinte, ce qui fit sans doute que nous n’eûmes qu’une audience insignifiante, même si certaines idées ont pu cheminer, transformées en cours de route, comme un revenu social garanti. Vingt fois sur le métier, remettons notre ouvrage. Pour nous, la période est plutôt faste - l’Économie distributive s’imposera, peu ou prou, sans doute par "touches" successives, dans les 10 à 15 ans qui viennent.

(1) "II faut rompre avec le mythe du "grand marché européen", redoutable piège s’il n’est pas précédé d’un espace social anti-chômage européen" (Alain Lipietz - Partage Mars-Avril).
(2) "La Gauche a mis beaucoup d’eau gestionnaire dans son vin social". (Le Monde Diplomatique d’Avril 88).

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Le fédéralisme une garantie contre l’échec

par P. HERDNER
juin 1988

La grande mutation, dont le plan s’esquisse dans notre esprit, satisfait à une double exigence : la rationalité économique et la justice sociale. La première implique la direction de l’économie par les consommateurs, qui entraîne une refonte totale de nos structures ; la seconde dépend en grande partie de la première, mais elle nécessite en outre une réorganisation interne des entreprises, favorisant le libre épanouissement des individus.
Sur la base de ces principes généraux, des réalisations assez variées peuvent se concevoir. C’est en réfléchissant aux causes possibles d’échec que l’on découvrira toute la valeur de cette diversité.
Parmi ces causes figure d’abord l’opposition, non seulement des forces conservatrices, mais aussi de tous ceux qu’effraie la perspective d’une transformation trop brutale et trop contraignante, dont ils mesurent mal les conséquences. Puis les erreurs que l’on peut commettre au cours d’une réorganisation d’une si grande envergure : le fonctionnement d’une économie où les consommateurs décident entièrement de la production, comporte le risque d’une concentration excessive, entraînant une bureaucratie paralysante et le manque de motivation d’une grande partie des cadres responsables ; une organisation démocratique des entreprises, capable en principe d’assurer la motivation des travailleurs, présente aussi des écueils, tels que l’incompétence et les relations conflictuelles entre les individus ; on notera que ces difficultés concernent pour une large part le mode de répartition des pouvoirs entre les agents économiques.
Or nous trouverons dans le fédéralisme une réponse adéquate à nos interrogations et à nos inquiétudes. Il réalise une répartition harmonieuse et équilibrée des pouvoirs de décision : au partage des revenus et des tâches, schéma classique de notre doctrine, il conviendra d’ajouter, comme le suggère Gaston Puel (1), le partage des pouvoirs. En même temps, il introduit dans les structures diversité et souplesse : il nous évitera donc d’instaurer un système uniforme et de faire d’emblée des choix définitifs ; quand une erreur sera commise, elle sera plus facile à réparer et les conséquences en seront moins graves si elle ne concerne qu’une zone d’étendue restreinte. Pour toutes ces raisons, les solutions fédéralistes donnent à l’économie distributive un aspect rassurant, propre à apaiser les appréhensions d’un public encore peu convaincu de sa nécessité et de ses bienfaits.
Les applications du fédéralisme au nouveau système économique se conçoivent sur deux plans différents. En premier lieu, sur le plan territorial, il répartit les pouvoirs entre des zones incluses les unes dans les autres, par exemple entre la nation, les régions et les communes. Le risque des lourdeurs bureaucratiques se trouve ainsi éliminé. Une question se pose, en particulier, dans tout système distributif : à quel niveau se situe la prise en mains, par un organisme représentant les consommateurs, des produits qui lui sont fournis ? On pourrait sans doute imaginer que ce contact entre production et consommation ait lieu au niveau national ; mais ce mécanisme trop rigide risque de mal fonctionner. Il me paraît préférable que cette prise en mains, qui précède la distribution, se situe d’abord au niveau inférieur, les excédents des productions locales, puis régionales, étant répartis successivement d’échelon en échelon ; cette organisation, de style fédéraliste, est plus complexe, mais la multiplication des centres de décision est plus stimulante pour les habitants des différentes zones (2).
En second lieu, le fédéralisme est susceptible d’applications d’ordre fonctionnel. Sur le plan politique, la fédération et ses membres se partagent différents domaines. En économie, selon le même schéma fédératif, la collectivité des consommateurs et les unités de production qui y sont incluses se répartiront des fonctions différentes : à la première la direction générale, aux secondes le pouvoir de gérer l’entreprise de façon autonome et de régler l’organisation du travail. Mais là encore une grande diversité est possible : aussi bien. le degré de cette autonomie que les modalités de cette organisation interne seront variables.
Cette diversité permet de comparer les différents systèmes, au point de vue économique et au point de vue social, et aussi l’efficacité des différentes mesures de transition. Une certaine émulation pourra naître, à tous les niveaux, entre groupements similaires, et l’économie y gagnera en dynamisme.
En outre, la souplesse inhérente au fédéralisme est si grande qu’elle permet d’adapter le processus évolutif au degré de maturité des diverses régions. Cette remarque prend toute sa valeur dans le cas où le gouvernement n’avancerait que timidement sur la voie du distributisme. On peut imaginer que des expériences locales, qui s’inscrivant à l’avance dans le schéma de l’organistion fédérative, soient tentées en premier lieu dans des régions où les circonstances sont favorables et la population d’esprit ouvert, ce qui suppose, assurément, que le gouvernement soit disposé, sinon à aider, du moins à tolérer de telles initiatives. Même si elles ne pouvaient guère dépasser, tout d’abord, le stade des mesures transitoires ou de réalisations incomplètes, ces expériences constitueraient une amorce de la mutation distributiste ; elles aideraient le public à comprendre ce qu’est une économie des besoins ; enfin, puisque le progrès des institutions se règle sur celui des mentalités, le recours à la contrainte pourrait être réduit au minimum.
Je n’ignore pas que certains de nos amis, pour qui la rapidité est la condition du succès (3), jugeront cette méthode à la fois trop lente et trop complexe. Je souhaite qu’on ne se hâte pas trop de la rejeter, car elle me parait présenter plus d’avantages que d’inconvénient.
Ma pensée s’écarte sur plusieurs points des idées que René Marlin a exprimées dans son article du n°  866.
Je n’ai pas à revenir sur le fédéralisme, si ce n’est pour noter qu’il n’a nullement- tel que je le conçois, car il y a fédéralisme et fédéralisme - la prétention de résoudre à la fois tous les problèmes. Plus modestement, il se borne à donner une forme déterminée à un contenu que son rôle n’est pas de définir.
Il importe de bien distinguer certaines réformes d’ordre social, destinées à améliorer les conditions de vie à l’intérieur d’une entreprise, des mesures transitoires préparant une mutation qui est avant tout d’ordre économique.
intéressantes au point de vue social, les coopératives de production ont effectivement subi de nombreux échecs, et, bien entendu, elles restent plongées dans le milieu capitaliste où règnent la concurrence et le profit. Mais les coopératives de consommation sont aptes à réaliser, quand elles sont assez développées pour créer ou intégrer les unités de production qui . les approvisionnent, une véritable économie des besoins. C’est pourquoi elles pourraient constituer une transition vers cette forme plus parfaite qu’est l’économie distributive. Elles ont obtenu des succès remarquables (4), et si elles connaissent quelques échecs en France, il conviendrait d’en déceler les causes exactes ; l’une d’elles est probablement l’indifférence du public, qui comprend mal le but ultime poursuivi par les coopérateurs.

(1) Gaston Puel, L’heure du partage (1978). Cet ouvrage a été analysé dans le n° 763 de la G.R.
(2) Ce système me paraît assez voisin des structures décrites par M.-L. Duboin dans Les affranchis de l’an 2000 (p. 119, 158, 202, 290).
(3) Cf. Maurice Laudrain, L’Incapacité au pouvoir (1984), p. 114.
(4) Notamment dans certains pays, dont la Suède, la Suisse, l’Islande. Consulter à ce sujet Ch. Gide, Les sociétés coopératives de consommation (4° ed., 1924), et Georges Lasserre, La coopération (1967) (Que sais-je ? n° 821). p. 35 - Quel mouvement, s’écrit Ch. Gide (p. XIV), offrirait "des statistiques plus impressionnantes"  ?

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Lectures

Y-a-t’il un pilote dans l’avion ?

par J. KAHN
juin 1988

Même dans une revue scientifique telle que "Science et Vie" il est possible de découvrir des journalistes que ne renierait pas la Grande Relève.
Témoin cet article de Gérald Messadié paru dans cette revue de mars 1988 et dont nous extrayons quelques paragraphes significatifs.

"Ce ne sont jamais les livres dont on parle qu’il faut lire. Ainsi la grande presse n’a pas rendu l’hommage qu’il faudrait à l’ouvrage de premier plan et de brûlante actualité, l’Ecrivain public et l’Ordinateur.
Ecrit par MM. Jacques Salomon, Professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers et André Lebeau, Directeur de notre Météo et docteur es-Sciences... ".
"Le thème en est le suivant : en gros cessons donc de réciter la ritournelle de la Science et de la Technique au service du développement..." et plus loin... "L’injection de technologie de pointe dans les mieux dotés en matière grise d’entre ces pays (pays à technologie avancée) comme le Brésil, aboutit à la création d’industries de niveau international, comme l’industrie aéronautique brésilienne. Hélas les bienfaits économiques de ces injections ne bénéficient qu’à un petit nombre d’individus...".
"Le Brésil compte 80 % de laissés pour compte. Les bénéfices de ses industries ne vont qu’à l’Etat... et cet Etat ne semble guère s’en porter mieux, car il a amassé ces dernières années, comme chacun sait, une dette internationale supérieure à 100 milliards de dollars... Les schémas (lesquels) des pays développés ne sont pas valables pour ceux qui sont en voie de développement. Pourquoi ?...
"Voilà près d’un siècle, en effet, que l’on entretient l’illusion que la science et la technique doivent forcément mener à un avenir meilleur pour un nombre toujours croissant de gens... A l’heure actuelle, 41 % de la population américaine répondent à la définition officielle de la pauvreté et 9 % de ces 41 % sont des gens qui ne mangent pas à leur faim, cependant que le taux de mortalité infantile en Amérique est au niveau des moins développés parmi les sousdéveloppés".
"L’automatisation, puis la robotisation qui sont indéniablement des progrès techniques, entraînent un chômage croissant".
Et encore mieux : "Est-ce bien d’ailleurs au mieux-être des nations que
s’attache la recherche ? Ce n’est pas sûr, ce serait même le contraire : aux USA et en Grande-Bretagne, la moitié des fonds publics sont consacrés à la défense et les proportions des budgets militaires sont à peine inférieurs en France et en Suède. Or on a vu ce qu’un tel déséquilibre a coûté aux USA qui ont contracté la plus grosse dette publique du monde, 2.500 milliards de dollars, qu’ils n’auront fini de rembourser qu’à la fin du 21e siècle... ".

"On ne sait à qui il faut conseiller la lecture (de cet ouvrage). Si c’est aux Enarques... C’est un ouvrage qui. en effet, dérange les bavards et les catéchistes de l’économiste...".

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Dommage que ce Messadié n’ait pas encore compris pourquoi les États utilisent tant d’énergie pour fabriquer des engins de mort, leur seule voie pour maintenir le capitalisme.

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L’économie distributive

"Les yeux ouverts" de J. DUBOIN, fiche de lecture / Aide-mémoire
par D. BLOUD
juin 1988

"Se plaindre de posséder des produits "excédentaires" quand il est, à la fois des gens dans la misère et d’autres obligés de se croiser les bras, n’est-ce pas une contradiction si énorme qu’elle condamne sans appel notre organisation social ?" (p. 8).
"C’est la multiplication des besoins qui créé la civilisation, car chaque besoin nouveau constitue un lien de plus entre les hommes, puisqu’on ne peut le satisfaire qu’avec l’aide du prochain" (p. 10). "C’est au développement des techniques que les esclaves sont en partie redevables de leur libération". (p. 12).

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"Seule richesse ayant la propriété de répondre, non à un besoin défini mais à tous les besoins possibles, l’argent ne cesserait d’être désiré qu’au moment où tous les désirs seraient satisfaits, ce qui en recule la limite presque jusqu’à l’infini". (p. 14).

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"Produire des biens n’est plus une fin en soi mais le moyen de gagner l’argent dont on a besoin pour vivre". (p. 14).

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"Le mécanisme de notre système économique tient en peu de mots : tout producteur qui se propose de procurer au public des biens de consommation ou des services les créé dans la seule intention de les vendre plus cher qu’ils ne lui ont coûté, car s’il n’y réussit pas il disparaît". (p. 15).

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"La production donne à la fois naissance à l’offre et à la demande : à l’offre par les produits qu’elle apporte sur le marché, à la demande par le pouvoir d’achat qu’elle distribue". (p. 16).

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"ON NE GAGNE DE L’ARGENT QU’A LA CONDITION QUE LES CONSOMMATEURS MANQUENT LE PLUS
POSSIBLE DE CE QU’ON PEUT FOURNIR". (p. 16).

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"Pour que notre économie soit en équilibre, il faut qu’elle soit statique, ce qui exclut le progrès". (p. 17).

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"Du point de vue mécanique, les Pharaons et Louis XIV sont contemporains : pour se déplacer rapidement, Sémiramis et Napoléon font atteler des chevaux à leur char ou à leur calèche". (p. 20).

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"Toute organisation sociale doit fatalement tendre à la satisfaction maximale des besoins de tous les membres qui la composent". (p. 24).

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"Tout perfectionnement dans les procédés de production ruine de fond en comble les producteurs dont l’existence, sinon la fortune, dépendent des anciens procédés". (p. 25).

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"QUI NE PEUT ACHETER RUINE QUI VOUDRAIT VENDRE !" (p. 33).

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"Les richesses augmentent, tandis que le nombre des travailleurs diminue : c’est le plus gros événement de tous les temps". (p. 34).

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"Les courbes de la production industrielle et de l’emploi ne restent parallèles que jusqu’en 1919". P.34).

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"D’après le sénateur américain Bryan Mc Mahon, la seconde guerre mondiale a coûté autant d’argent qu’il en aurait fallu pour construire une villa de cinq pièces pour toutes les familles des cinq continents du monde, avec un hôpital pour chaque village". (p. 42).

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"Le consommateur paie deux fois : une fois pour "assainir le marché", la seconde pour consommer. Au lieu de profiter de l’abondance, il fait les frais de sa destruction". (p. 44).

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"Avant la dernière guerre, la Banque d’Angleterre favorisa la constitution de la "Shipbuilder’s Security Association Ltd." dont l’objet était d’acheter des chantiers navals, de les fermer et d’en briser l’outillage". (p. 45).

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"L’on cherche à exporter, même à perte (et gratuitement dans le cas du matériel de guerre) tout ce que les nationaux n’ont plus les moyens d’acheter". (p. 47).

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"La part de chacun est d’autant plus grande que la masse produire est plus abondante, ce qui n’est vrai que si on la distribue selon les besoins". (p. 47).

*

"Seuls les secteurs primaire et secondaire distribuent réellement le pouvoir d’achat". (p. 50).

* * *

"Le "revenu national" ne correspond à aucune réalité : celui qui engage une cuisinière l’augmente, mais le diminue s’il l’épouse". (p. 52-53).

*

"Si l’on tient compte de l’accroissement de la population, le revenu national par habitant est au même niveau en 1954 qu’en 1929 : il n’y a aucun progrès. Et si l’on tient compte de l’accroissement relatif de la consommation militaire, économiquement stérile, les richesses disponibles des Français ont diminué". (Alfred Sauvy, Journal Officiel du 7 avril 1954, p. 387, cité p. 53).

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"Pourquoi remplir les trains non pas d’après le nombre de voyageurs mais d’après le nombre de billets ? Ce ne serait logique que si l’insuffisance des billets refléterait l’insuffisance des places". (p. 59). "CURIEUX SYSTÈME FINANCIER QUE CELUI QUI EMPÊCHE LES HOMMES DE CONSOMMER CE QU’ILS ONT PRODUIT : CURIEUSE MONNAIE QUE CELLE QUI EMPÊCHE A LA FOIS DE CONSOMMER ET DE PRODUIRE ! : (P. 60).

* * *

"Les Américains ont fait la guerre aux Anglais pour conquérir le droit souverain de battre monnaie et se libérer des exigences de la Cité de Londres. C’est pour conquérir le pouvoir monétaire que Philippe le Bel persécuta les Templiers" (p. 65).

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"Première rallonge : la monnaie-or enfanta le billet de banque, qui enfanta la monnaie-papier". (p. 67).

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"Charles II d’Angleterre abandonna son droit régalien de battre monnaie et poussa la condescendance jusqu’à emprunter des billets de banque pour payer ses dépenses. La preuve que ce moyen de paiement se généralisa très vite, c’est que, dès 1672, on rapporta plus de reçus à rembourser qu’il n’avait été déposé de pièces d’or, d’où le premier krach ! ". (p. 69).
"En 1964, un groupe de riches citoyens créent la Banque d’Angleterre pour prêter au roi Guillaume 11112000000 livres (papier) pour leur propre compte : les fondateurs avaient acquis le privilège de fabriquer de la monnaie légale". (p. 69).
"Créée en 1694, la Banque d’Angleterre fut nationalisée en 1946" (p. 70)
"En 1800 quelques banquiers parisiens fondent une banque, devenue en 1803 la Banque de France, avec concession d’émettre des billets". (p. 70).
"Napoléon, partisan de la séparation de la monnaie et de l’Etat, ne voulut jamais entendre parler de cours forcé" (p. 70).

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"Contrairement à une opinion bien ancrée, la Banque de France n’a jamais été tenue de conserver un rapport entre le montant de son encaisse métallique et le montant de ses billets en circulation". (p. 71).

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"Entre le 15 mars 1848 et le 6 août 1850, ainsi qu’à partir du 5 août 1914, l’Etat décréta le moratoire : le billet de banque cessait d’être remboursable en espèces et devenait un effet moratorié" (cours forcé) (p. 71).

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"A partir du moment où le billet de banque a perdu son gage métallique, il cesse d’être une monnaie-marchandisepour devenir une monnaie-papier, c’est-à-dire un simple titre de créance sur les marchandises et services à vendrele gage de la monnaie-papier est constitué par les marchandises et services qu’elle permet d’acquérir". (p. 71).

*

"La Banque de France a été nationalisée en 1945 avec quatre de nos grandes banques de dépôts. Le 20 septembre 1931, le gouvernement anglais obtenait la suspension de la convertibilité de la livre en or. Roosevelt abandonna l’étalon-or dans le Farm Relief Act du 12 mai 1933 ; et, par le Gold Reserve Act du 30 janvier 1934, l’or est devenu monopole de l’Etat". (p. 73).

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"DEUXIÈME RALLONGE : "LE BANQUIER, du néant, sort moyens de paiement". (p. 75).
"De même que la monnaie-or a enfanté la monnaie-papier, celle-ci a enfanté la monnaie bancaire". (p. 76).
"Il convient de ne jamais confondre les espèces d’une banque avec ses dépôts : l’argent qu’elle prête sans le posséder, c’est précisément la monnaie bancaire". (p. 77).
"Créer de toutes pièces des ressources financières, pour les prêter à intérêt, n’est-ce-pas le rêve ?" (p. 78).

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"M. McKenna, président de la Midland Bank, reconnut : "Les banques créent des dépôts, mais je crains que l’homme de la rue ne soit pas enchanté d’apprendre que les banques créent et détruisent de la monnaie : c’est sûrement la vérité". (p. 79).

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"Si les banques de dépôts sont à court de trésorerie, elles peuvent toujours se procurer des billets en réescomptant leur portefeuille d’effets à la Banque de France". (p. 80).

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"Tous les moyens de paiement rendent les mêmes services et le billet tend à devenir la petite monnaie du crédit bancaire". (p. 81).

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"On affirme que la Banque de France ne serait plus une institution privée depuis sa nationalisation en 1945. Mais alors, pourquoi l’Etat lui emprunterait-il, et à intérêts  ?" (p. 82).

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"La monnaie bancaire est une deuxième rallonge du franc, consistant en crédits qui ne coûtent que de simples écritures à passer". (p. 82).

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"Les pièces métalliques (bronze-aluminium et cupronickel), ou monnaie divisionnaire, sont la seule monnaie que frappe l’Etat. Les billets sont émis par la Banque de France et la monnaie bancaire (ou scripturale) est émise par les banques privées". (p.83).

*

"En 1955, il y avait 2.500 milliards en billets et 2.500 milliards en monnaie bancaire, de sorte que nos moyens depaiement sortent moitié d’une imprimerie et moitié d’un encrier" (ou d’un terminal d’ordinateur aujourd’hui). En1980, le total des billets en circulation s’élevait à 144 milliards de francs, contre 668 milliards en monnaie bancaire(les billets ne représentaient plus que 21,55 % de la masse Ml). (p. 84). Ce rapport est le "coefficient de liquidité".

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"L’argent déposé appartient à la banque et figure à son actif".

* * *

"Plus l’emploi du chèque se généralise, plus les banques peuvent prêter ce qu’elles ne possèdent pas". (p. 89). Le chèque prend actuellement la forme de la carte de crédit magnétique (EC, Visa, Eurocard,...).

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"Nos moyens de paiement ne varient pas proportionnellement aux biens et aux services mais selon l’action des établissements financiers, qui ne créent la monnaie que pour la prêter à intérêt, ce dernier n’étant jamais créé. En conséquence, ils ne peuvent connaître que les entreprises rentables, c’est-à-dire qui profitent et entretiennent la rareté des produits". (p.90).

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"La monnaie se dématérialise constamment et tend à se rapprocher de l’unité de compte. S’évaporant du moule dans lequel elle était emprisonnée, elle se sublimise  : elle n’est plus qu’un nombre suivi du mythe qu’elle multiplie". (p.90).

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"La monnaie a perdu la qualité qui en faisait l’instrument des échanges mais elle est apte à devenir celui de la distribution, à condition d’être elle-même bien répartie". (p. 90).

* * *

"Einstein a écrit : "Les moyens de production, ayant été mécanisés dans une économie désorganisée, ont eu pour résultat qu’une partie de la population n’est plus utile à la production des richesses et se trouve exclue de la consommation. Il en est résulté un affaiblissement du pouvoir d’achat". (Out of my later Years, p.461) (p.91). "La surproduction n’est apparente car ce n’est pas le besoin qui n’existe pas chez les consommateurs, mais le pouvoir d’achat". (Einstein) (p. 92).

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"Si un pays se borne à exporter, il se vide de sa substance" (p.93).

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"Puisque le travail est un facteur décroissant de la production, ne voit-on pas que le plein emploi devient irréalisable, à moins de faire effectuer aux hommes un travail inutile ?" (p.94).

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"A LA VÉRITÉ, IL SERAIT PLUS FACILE DE FAIRE CONSOMMER LE SURPLUS DE LA PRODUCTION AUX CHÔMEURS QUE DE FAIRE ABSORBER LES CHÔMEURS PAR UNE PRODUCTION QUI N’A PLUS BESOIN D’EUX". (p.94).
"Les économistes s’hynoptisent sur le seul accroissement de la circulation des billets, sans observer que le volume de la monnaie bancaire grandit aussi de son côté". (p. 96).

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"Monnaie et crédit ne sont créés que pour augmenter la production, jamais la consommation". (p. 97).

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Le rôle d’un système monétaire étant de distribuer la production pour qu’elle soit consommée, le nôtre ne le remplit qu’accidentellement puisque la monnaie est émise dans un dessein bien différent : être prêtée à intérêt ! » (p. 97).

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"LE PROBLÈME DE LA PRODUCTION EST RÉSOLU ; C’EST CELUI DE LA CONSOMMATION QU’IL FAUT RÉSOUDRE". (p.97).

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"Les débouchés que nous cherchons désespérément au dehors, c’est à l’intérieur qu’ils se trouvent ; il suffit de solvabiliser des besoins criants !".

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"Il faut que tout le monde possède de l’argent pour vivre, comme tout le monde a de l’air pour respirer". (p. 103).

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"Les droits politiques du citoyen doivent se compléter des droits économiques du consommateur, concrétisés par un "revenu social" auquel Il aura droit du berceau au tombeau. La femme y a droit aussi car aucune loi naturelle ne la condamne à dépendre économiquement de l’homme". (p. 103).

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"Pourquoi les moyens énormes de l’économie de guerre ne pourraient-ils pas produire, en temps de paix, une seconde avalanche de biens ? Parce qu’on ne pourrait pas les vendre, l’assainissement du marché des armements étant réalisé, par leur distribution gratuite chez les voisins". (p. 105).

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"On voit qu’il s’agit, en définitive, d’assimiler la nation à une immense entreprise, dont les activités horizontales et verticales seraient gérées par un Conseil National de l’Economie qui, conservant les biens d’équipement collectif, mettrait les biens de consommation à la disposition du public". (p. 107).

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"Le Conseil National de l’Economie déciderait que la monnaie n’est valable que pendant l’exercice en cours", afin de la détruire une fois sa fonction de catalyseur des transferts accomplie, pour éviter la spéculation sur ses propriétés de sublimisation (p. 107).

* * *

"La machine est essentiellement sociale, tout au moins quand elle produit". (p. 108).

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"La meilleure des réformes fiscales sera celle qui supprimera le fisc. L’économie des besoins les rend inutiles puisque l’Etat, recouvrant son droit régalien de battre monnaie, crée les moyens de paiement nécessaires pour faire passer la production à la consommation". (p. 109).

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"La monnaie, simple titre de créance provisoire, devient une véritable monnaie de consommation, dont l’inventeur n’est autre que Saint Thomas d’Aquin : "L’argent est fait pour être dépensé". En effet, la monnaie de consommation ne peut être ni thésaurisée ni capitalisée. Si elle n’est pas dépensée au cours de l’exercice pour lequel elle a été émise, elle est annulée ipso facto". (p. 112).

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"Dans l’Economie Distributive de l’abondance, les revenus des consommateurs sont distribués en fonction, non du travail fourni, mais de la production consommable". (p.113).

*

"Le principe du service social" donne une grande souplesse à la production. Par exemple, en cas de catastrophe nationale, comme un tremblement de terre, il suffirait de prolonger exceptionnellement la durée du service social pour réparer les dégâts". (p. 114).

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"Le commerce international est Indépendant de la structure économique des nations : il n’a en effet jamais revêtu que la forme du troc". (p. 116).

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"L’AUTORITÉ SANS LIBERTÉ, C’EST LA TYRANNIE ; LA LIBERTÉ SANS AUTORITÉ, C’EST LE DÉSORDRE". (p.119).

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"Les producteurs cherchent à individualiser les profits et à étatiser les pertes (p. 120).

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"Dans le monde moderne, c’est l’argent qui mesure la liberté". (p. 122).

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"Avoir des loisirs consiste non pas à ne rien faire, mais à faire ce qui plaît. Dans le monde moderne, les loisirs ont fait leur entrée par la porte basse du chômage". (p. 123).

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"Si le service social assume la charge du travail nécessaire, le revenu social apporte le loisir payé". (p. 123).

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"Jamais un dictateur ne règnera sur des hommes instruits, jouissant du bien-être et vivant sans aucun souci du lendemain". (p. 124).

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"En 1954, 11 % seulement des jeunes Français faisaient des études secondaires". (p. 125).

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"PUISQUE DE TOUT TEMPS LES PRIVILÉGIÉS ONT VÉCU DU TRAVAIL DES "AUTRES", POURQUOI LES "AUTRES" NE POURRAIENT-ILS PAS VIVRE DU TRAVAIL DES MACHINES ?" (p.127). "Sinon, faut-il détruire les produits créés par les machines, ou accorder des loisirs à ces dernières ?" (p. 127).

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"Notre temps est une époque de transition, dont l’un montre déjà ses ruines lugubres, tandis que l’autre offre à l’imagination réfléchie ses grandes et riantes perspectives". (p. 129).

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Le livre "Les Yeux Ouverts", de Jacques Duboin, édition 1982, peut être commandé auprès de la "Grande Relève", boite postale 108 - F78110 LE VÉSINET, au prix de 65FF franco.

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Sommes-nous Geselliens ?

par R. MARLIN
juin 1988

Dans son savant ouvrage "Théorie monétaire" (1) Pierre Pascallon, Professeur agrégé à la Faculté des Sciences économiques et sociales de Clermont-Ferrand aborde les différents aspects des problèmes posés par la nature, l’émission et la circulation de la monnaie. Le professeur se réfère à tous les brillants économistes officiels qui se sont succédés, depuis les débuts du système capitaliste, avec l’efficacité et le succès que l’on sait... Nous avons déjà abordé ce sujet, trop rapidement et trop sommairement, à propos des livres écrits par un économiste non-universitaire Jacques Riboud (2). La matière étant inépuisable, revenons aujourd’hui à ces questions, en analysant particulièrement la fin de l’étude de P. Pascallon, surtout pour dénoncer les procédés employés.

Une monnaie "a-temporelle"

Les cinq dernières pages de la "Théorie monétaire" sont consacrées à l’Examen des réformes préconisées pour faire "indirectement" de la monnaie une monnaie "a-temporelle". P. Pascallon se réfère aux écrits de Silvio Gesell et notamment à 1-Ordre économique naturel fondé sur l’affranchissement du sol et de la monnaie" écrit en allemand en 1911 et traduit en américain en 1934. Le système de Gesell, ajoute notre auteur, a été analysé dans de nombreux articles et études et notamment dans "The American Economic Review" de Juin 1942 ; il en fait lui-même l’exposé.

Les Geselliens

Et d’abord le Professeur de ClermontFerrand nous range sans hésiter dans la catégorie des Geselliens : avec "l. Fisher (Stamp Money 1933), par certains aspects, on va le voir J.M.  Keynes (Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et la monnaie, 1936), M. Allais (Economie et intérêt, 1947) les théoriciens de l’économie distributive préconisant une monnaie de consommation ne pouvant être thésaurisée (J. Duboin, la Grande Révolution qui vient, 1934) avec leur ancêtre E. Bellamy (1980)" etc...
Poursuivons la citation : "Il est sûr que les Geselliens ont été particulièrement nombreux dans la période de l’entre-deux guerres. On a assisté en effet à une floraison d’articles et d’ouvrages sur le thème de la monnaie fondante durant cette crise (cf. Baudin, Bourdet, Bachi, Delannes, Von Maralt, De Man, Meulen, Vergnolle, Vregille, Weismar et Parrish). Cette inspiration est fortement reprise avec la crise actuelle cf. par ex. M. Laudrain "Sortir de la pagaille" (Les Publications Universitaires, 1979)". Ainsi P. Pascallon met dans le même sac : Fisher et Claude Bourdet, Keynes et Jacques Duboin, Allais et notre ami Maurice Laudrain ! Curieux cocktail.

La thèse

D’après l’auteur, Gesell et ses partisans estimeraient que les crises proviennent de la "supériorité" de la monnaie sur les autres biens et en déduiraient qu’il faut la rendre aussi "mauvaise", c’est-à-dire fondante. Il reconnaît que les marchandises sont destructibles, périssables et chères à stocker. Leurs détenteurs sont donc pressés de s’en débarrasser, alors que la monnaie est indestructible ( !) et son coût de conservation est nul ( !!).
Donc, soutient Gesell, d’après Pascallon, la monnaie-liquidité profite de cette supériorité pour se faire payer un intérêt. Tout ceci favorise la monnaie "inactive" ou "oisive" et en ralentit la circulation. La vieille loi de Jean-Baptiste Say, selon laquelle l’offre de marchandises trouve toujours en face une demande monétaire, est ainsi mise en échec, d’où surproduction et chômage. Afin d’y remédier, la monnaie doit être replacée au niveau des biens et devenir précaire. Les solutions proposées par les Geselliens seraient de lui faire perdre une partie de sa valeur à date fixe, au moyen de taxes, par exemple sous forme de timbres à apposer sur les billets. De là, l’incitation à faire circuler les titres de paiement, au lieu de les thésauriser.

Les conséquences

Chacun désirant se défaire de la monnaie au plus vite, il en résulte que le prêt se généralisera, même sans intérêt, mettant ainsi fin à la crise. L’auteur rappelle les expériences de monnaie fondante qui ont été menées entre les deux guerres en Autriche (Worgl), aux Etats-Unis et en France (Lignières-en-Berry) et insiste sur leur échec dû, écrit-il, à la difficulté d’étendre le système à des communautés plus vastes que celles de son origine. Il oublie de signaler que les tout-puissants banquiers et leurs séides intéressés au capitalisme, sentant leurs privilèges menacés n’ont pas été innocents de cette fin malencontreuse. Il note que Keynes avait repris à son compte la proposition de Gesell dans sa célèbre "Théorie générale" de 1936.

La critique

P. Pascalion se lance ensuite dans l’énumération des difficultés soulevées par l’application de la thèse de Gesell : problèmes posés par la période de transition, risque inflationniste, vérification que l’intérêt des prêts serait bien supprimé.
Il concentre ses objections autour de deux questions :
"1) Le système capitaliste que ces économistes veulent amender, mais conserver, peut-il se passer des banques de dépôt et de monnaie de banque... ?... (En effet chez Gesell, ...la monnaie consisterait uniquement en billets émis par l’Etat. Ii n’y aurait plus... de dépôts à vue... mais seulement des banques d’épargne. Or (il est facile de montrer)... la "consubstancialité" qui existe entre la monnaie scripturale bancaire et i économie capitaliste...
"2) Peut-on, en système capitaliste, parvenir vraiment à supprimer la dimension temporelle de la monnaie avec une "monnaie estampillée" ?

P. Pascallon conteste alors l’objectif de Gesell qui, pensant que la monnaie est un instrument d’échange et rien d’autre, élimine sa fonction "réservoir de valeur". L’auteur croit que la dimension temporelle de la vie économique et sociale est une réalité qu’on ne peut pas supprimer dans notre système. "..La preuve ?"écrit-il, "à partir du moment où la "prime de liquidité" des billets serait annulée par une taxe, on verrait inéluctablement que d’autres biens seraient utilisés comme monnaie et/ou thésaurisés... ".
Enfin, nous citerons in-extenso la conclusion du livre : "On voit bien, au terme de cette réflexion, le caractère puéril de la plupart de ces projets de réforme monétaire qui, soucieux de supprimer le chômage, l inflation, la crise, pensent pouvoir y parvenir en "démonétisant" la monnaie... tout en conservant le système capitaliste auquel pourtant cette monnaie est intimement associée. Ces utopies monétaires traduisent le désarroi des économistes qui ne parviennent pas à trouver des stratégies de sortie de crise convaincantes sans sortir du système. Mais elles nous signifient peut-être aussi que de telles stratégies n’existent pas dans un capitalisme qui a perdu une partie de sa légitimité" (3).

Notre avis

Après avoir remarqué l’ambiguïté de cette dernière phrase, il faudrait répondre longuement à P. Pascallon. Nous nous limiterons aujourd’hui à quelques observations, peut-être puériles, mais non dépourvues d’acidité, laissant le lecteur se référer à nos ouvrages de base (4) pour plus de détails.
1) Même si certains d’entre nous ont fait référence aux expériences de monnaie fondante et ont pu aller jusqu’à envisager de telles propositions comme des mesures de transition (5), il est bien entendu que la monnaie que nous préconisons n’est pas fondante mais, bien plus, qu’elle s’éteint au premier achat, seul moyen d’assurer l’adéquation de l’offre et de la demande.
2) Il est exact qu’une telle monnaie aura perdu complètement le caractère précieux qu’elle est censée avoir dans le système actuel. Ce ne serait d’ailleurs qu’entériner l’évolution de la plupart des monnaies capitalistes qui, de dévaluations en dévaluations, ont perdu, au mieux, 99 % de leur valeur initiale et ne sont même plus remboursables en or. Elles sont devenues de simples titres de créance qui n’ont de contre-partie que celle que les citoyens veulent bien leur accorder. De toutes façons, la monnaie est appelée à se transformer encore plus radicalement dans l’avenir immédiat avec le développement des cartes informatisées, ce sera la fin de la monnaie précieuse mais aussi sa dématérialisation complète. Sur ce point particulier, sans faire de propositions révolutionnaires, nous constatons seulement une transformation en cours, en période d’accélération.
3) P. Pascallon ne fait pas intervenir dans son raisonnement le phénomène capital de l’automatisation de la production et de la mutation que ce phénomène entraîne dans la société. Après des millénaires d’une économie de rareté, voici une nouvelle ère pour l’humanité. Il veut l’ignorer.
4) L’auteur se désole que la monnaie gésellienne perde son caractère de réservoir de valeur et mette fin à la possibilité de choisir le moment d’un achat ainsi que d’épargner. Il ne veut donc pas savoir que les acheteurs vivent actuellement à crédit ; que la plupart, par le moyen des cartes d’achat, sont à découvert et privés d’acheter plutôt que libres de leur choix. Il ne sait peut-être pas que nous proposons un large secteur de gratuité des produits abondants et l’affectation automatique des biens d’usage tels qu’habitations, automobiles, mobilier sans qu’il soit nécessaire d’épargner pour cela. La fonction "réservoir de valeur" n’était utile que dans une économie de rareté.
Enfin, si le lecteur s’est demandé pour quelle raison P. Pascallon nous a classés parmi les Geselliens, il doit maintenant, comme nous, avoir compris que, afin de faciliter sa démonstration, il utilise la technique de l’amalgame. Cars’ ! lest vrai que beaucoup d’économistes et de commentateurs cités ne proposent pas de sortir du système capitaliste, il ne faut pas avoir lu beaucoup de nos ouvrages pour s’apercevoir que nos thèses en diffèrent radicalement. Peut-être P. Pascallon se satisfait-il du chômage, de la sousconsommation et de leur suite inévitable la guerre maintenant nucléaire, jusqu’à ce qu’il en soit luimême victime. Sinon, il rechercherait peut-être, avec nous, et plus activement, les moyens de s’en éloigner. En attendant, il est indispensable qu’il s’informe un peu mieux sur nos propositions. II y va de ses responsabilités d’enseignant. Heureusement que certains autres Professeurs, pas encore assez nombreux, ne nous ignorent plus.
Enfin, nous nous demanderons si, nous passer sous silence comme par le passé, ne valait après tout pas mieux, que donner à des milliers d’étudiants, volontairement ou involontairement, une idée erronée de l’économie distributive bloquant ainsi la curiosité dont ils auraient éventuellement pu faire preuve à son propos à l’avenir ?

(1) Edition de l’Epargne (1985).
(2) Voir "Sur la monnaie" GR n° 865.
(3) Derniers mots relevés par l’auteur dans le livre de P. Fabra "La nationalisation des banques, pour quoi faire ?" (Sofedir 1982).
(4) Voir particulièrement la brochure de M.L. Duboin "L’économie libérée", son roman "Les affranchis de l’an 2000" et le livre de J. Duboin "Les yeux ouverts" (en vente à la Grande Relève).
(5) Voir "Autogestion distributive" n° 67.

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Tribune libre

Nos lecteurs connaissent peut-être déjà la proposition originale de G. Oostenbroek d’une monnaie basée sur l’énergie. Voici pour eux, en lui répondant dans ces colonnes, l’occasion d’en débattre.

Plaidoyer pour la monnaie-calorie

par G. OOSTENBROEK
juin 1988

Il faut voir dans mon projet la volonté de parvenir à des techniques économiques, monétaires, salariales et commerciales totalement différentes de celles existantes de nos jours.
Distributiste de longue date, je propose une dimension nouvelle de la monnaie, ayant pour base des données scientifiques. Cette monnaie prendrait en compte les COUTS RÉELS de la fabrication de tous produits ou services et par là même, les coûts réels de la vie de tous les hommes. Evolutive et non révolutionnaire, cette monnaie serait à la consommation des biens ce que la plus haute technologie est à la fabrication des biens. Ce parallélisme infiniment plus précis que les méthodes traditionnelles d’évaluation des coûts, des allocations, des subventions, des intérêts etc... s’inscrirait dans une optique à la fois rationnelle et humaniste.
Rationnelle, car il n’est plus admissible que la monnaie subisse sans raison les turpitudes spéculatives et qu’elle ne revienne pas à son unique destination : Faire passer toute la production vers toute la consommation.
Humaniste car il n’est plus admissible que par le seul fait monétaire une partie de l’humanité soit privée de biens essentiels ou secondaires en face d’une pléthore de biens invendus ne permettant pas aux producteurs d’en vivre.
Sans mettre en cause les théories de l’économie distributive, il nous apparaît nécessaire de les compléter par une véritable mesure de la valeur des biens et services. Avant de formuler ce qui pourrait être une monnaie "capable" de sa destinée, il est indispensable, pour mieux l’imaginer, d’énumérer d’abord quelques erreurs dans ce domaine qui ont pris valeur de référence dans l’esprit et le raisonnement de nombreux contemporains. Ainsi l’on confond trop souvent économie et finance. En effet, l’économie est une science qui traite de la production, de la distribution et de la consommation des biens, alors que la finance est l’ensemble des activités lucratives qui ont pour objet les monnaies sous quelque forme que ce soit. Dans notre procédé actuel d’achat et de vente, le passage production/consommation se fait par le truchement monétaire. C’est à cause du manque de pouvoir d’achat, des variations des valeurs des monnaies et des désordres qui en découlent que la production est à la fois freinée et stockée. Employer le terme ECONOMIE pour parler de la FINANCE est tentant. Cela provient uniquement du cheminement monétaire. S’il y a CRISE, elle est financière, mais le terme est impropre car la crise est un changement brusque d’un état alors que le dérèglement financier est permanent et de moins en moins supportable. Pas plus que la biologie ou la géologie, l’économie ne saurait être en crise. Elle permet arbitrairement d’analyser des phénomènes selon les sensibilités idéologiques des économistes. En ce sens, elle ne saurait être scientifique.
On assure que la valeur d’un produit fini dépend des richesses naturelles, des coûts des manipulations humaines successives et des charges diverses. Mais la possession des richesses naturelles n’est-elle pas identique de nos jours à celles qui existaient à l’origine  ? Quelle différence y-a-t-il entre l’acte de pêche du premier homme et celui d’un marin-pêcheur contemporain ? L’acte commercial et juridique représenté par une facture et qui prouve à la fois la valeur d’un bien et sa propriété, n’existe pas. Le poisson est donc gratuit, non payé ; il en est de même pour toutes les richesses naturelles, seule la main d’oeuvre sous toutes ses formes valorise tous les produits finis.
Puisque nous avons abordé le problème de la propriété, examinons son déroulement par un exemple. Un industriel souhaite développer son entreprise et emprunte pour cela à une banque de dépôts. Pour rembourser le principal et le loyer de la somme prêtée, il prélèvera sur le prix de vente de ses produits un certain pourcentage qui lui permettra de verser sur son compte bancaire des sommes variables pour amortir et éteindre sa dette initiale. L’origine de ce remboursement est le fait de paiements individuels et multiples des consommateurs. On peut donc affirmer que cette nouvelle unité de production est la propriété collective des consommateurs et non celle de l’industriel. Dans le cas où celui-ci aurait assuré la réalisation de son projet par auto-financement, l’origine des fonds serait toujours la même, les fonds ayant été constitués avant, lors de ventes précédant l’opération.
Dans un ordre d’idées analogue, le salaire de chacun d’entre nous provient du salaire de tous les autres, chaque consommateur "rétribue" le coût de la vie des autres. Ainsi ce que l’on appelle le capitalisme est la forme la plus collectiviste qu’il soit, financièrement parlant. Il ne faudra donc pas s’étonner si les théories distributives remettent en question non pas des faits réels mais des appellations ou théories erronées. Il en sera de même lorsque nous proposerons une monnaie à base strictement scientifique qui n’aura pour objet que la seule possibilité de faire passer la production vers la consommation. "Les postulats de la science économique sont eux-mêmes à revoir à la lumière des faits économiques, sociaux et politiques nouveaux"(1).
Pour résumer, afin de mieux appréhender notre nouvelle conception monétaire, voici rappelés quelques points essentiels réels, mais cachés :
A - La finance actuelle ne peut faire circuler suffisamment de monnaie pour absorber la production.
B - La production actuelle est considérable et pourrait s’écouler totalement si le "profit global" moteur du libéralisme ne diminuait pas en même temps que la production augmente.
C - Toutes les richesses naturelles sont gratuites, sur, sous et audessous de la terre et elles sont le patrimoine et l’héritage de toute l’humanité.
D - La propriété dite privée est MATHEMATIQUEMENT la propriété COLLECTIVE de tous par le simple fait que le cheminement monétaire passe par tous NOS REVENUS, tous nos IMPÔTS COLLECTES, et cela à l’échelon mondial.

LA NOUVELLE MONNAIE

Depuis la crise pétrolière tous les pays industrialisés, gros consommateurs d’énergie, ont prôné de l’économiser... Moins consommer d’énergie devait diminuer les dépenses nationales et les coûts, permettant à nouveau d’exporter. C’est dire que subitement nos experts s’étaient aperçus de la valeur de l’énergie.
Lorsqu’un homme travaille, il dépense une certaine énergie chiffrée en calories par les biologistes. Chaque jour de sa vie, l’homme doit récupérer ses calories perdues, (de 2500 à 5000) il le fait grâce à son salaire qui lui permet, par l’achat de sa nourriture de reconstituer son organisme. Il en est de même de tous ses autres besoins. Habillement, logement, éducation, loisirs etc... Tous ces services réalisés par d’autres hommes ont fait l’objet d’une perte de calories récupérée de la même façon. C’est tout cet ensemble qui fait la valeur globale du coût de la vie, tel qu’il est répertorié par l’INSEE, incomplètement d’ailleurs par seulement 295 postes.
Supposons un salarié qui aurait dépensé dans une journée 3540 calories, il les retrouverait par exemple dans un kilo de pâtes (100 g - 354 cal.).
Pourquoi passer par une monnaie tierce (Franc, Yen, Dollar, Mark) alors que l’on a un dénominateur commun "LA CALORIE" qui mesure à la fois la dépense énergétique des hommes et son équivalence dans l’aliment récupérateur.
Je propose donc comme système mondial de règlement la MONNAIE CALORIE qui trouve son origine dans le "prix de revient" qui est le reflet exact de la valeur des choses.
Dans tous les secteurs de l’activité humaine l’application de ce principe servira à former une partie du revenu de chacun. A ce coût strictement humain il faudra ajouter l’énergie dépensée pour la production énergétique (centrales) et celle consommée à chaque point d’utilisation et lieux de fabrication. Le coût énergétique final d’un produit sera la somme des calories dépensées depuis l’extraction jusqu’à la distribution unitaire au détail et par le travail humain. Toute cette comptabilité aidée grandement par les ordinateurs, dont certains ; paramètres existent déjà dans la technique économique actuelle, ne sera pas plus complexe que la décomposition des temps de travail du système Taylor, dont on pourra s’inspirer. Un homme recevra alors un salaire en fonction de ses besoins réels. Qu’en est-il aujourd’hui ? La calorie mesure tous les coûts des différents biens. (Qui peut aujourd’hui justifier avec exactitude le prix d’une paire de chaussures ? ou d’un pavilIon F3 ?) Là calorie est invariable par définition, elle garantit dans le temps les remboursements éventuels et précis des achats importants. (L’exemple du Tiers monde dont les dettes montrent le côté négatif de notre technique financière actuelle est le meilleur).

Sans aller plus en avant dans les détails de cette monnaie-calorie, en demeurant pour le reste dans l’optique de l’économie distributive, j’ajouterai que les bases scientifiques de la calorie, température, poids et pression, la rende insensible à la spéculation. Cette nouvelle monnaie répond aux désirs anciens et présents exprimés par nos grands argentiers : la stabilité ; elle s’inscrit dans l’esprit d’une nouvelle économie mondiale.

(1) Citation tirée du livre de l’UNESCO en 1976 : Le monde en devenir.

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Tribune libre

Même écho en Angleterre ?

par M.-L. DUBOIN
juin 1988

J’ai été contactée, il y a quelques mois, par le promoteur d’un mouvement anglais qui s’intitule "Resource Economics", ce qu’on peut traduire par l’économie des ressources et qui est basé sur une taxation unique, celle de l’énergie. Pour eux "toutes les ressources économiques et toutes les consommations économiques doivent être évaluées en énergie" (dont l’unité n’est pas la calorie mais le Joule, quelle que soit sa forme, y compris !a chaleur. Mon correspondant, Farel BRADBURY, résume son point de vue par un slogan lapidaire  : "toute la création de richesse est fonction de toute la consommation d’énergie". De plus, son propos se déclare égalitariste "chacun partage, sans sélection, la prospérité nationale et chacun paie, sans exception, sa part" (de travail). F. Bradbury ajoute : "La relation entre énergie et monnaie est facile à établir parce que, de toute façon, la monnaie est une commodité arbitraire...

Tout ce que nous proposons est d’appliquer une évaluation sociale à l’énergie". Et il précise que sa proposition d’une économie des ressources commence en Europe et (ou) au Royaume-Uni par le simple remplacement de la T.V.A. par la taxe unique de 1,15 £ (livre anglaise) par gigajoule (un milliard de Joules) d’énergie fondamentale.
Ce mouvement, bien qu’il ait entrepris d’ajouter l’allocation universelle à ses propositions, diffère fondamentalement de nos aspirations, en ce sens que son objectif est... de donner du travail aux hommes : faire travailler les hommes afin d’économiser les ressources énergétiques de la nature ! Remonter l’histoire en quelque sorte. Dans une lettre récente, F. Bradbury me démontrait que la fabrication d’un meuble à la main coûtait beaucoup moins d’énergie qu’un meuble fabriqué en série, que ce dernier était forcément moins beau et moins solide, donc qu’il fallait plus vite le remplacer, d’où gâchis écologique.
Il y a déjà beaucoup à répondre à cela. Et ne pas oublier que l’économie à laquelle on pense n’est pas pour hier, mais pour l’ère qui s’ouvre celle où l’informatique est au service de l’homme pour trouver le moyen de fabrication le plus économique, tant en matière qu’en énergie, et où le travail humain sera presque essentiellement celui de son cerveau. Comment calculer le prix, en joules par exemple, d’un logiciel, d’un système expert ou d’un moteur d’inférence ?

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