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Éditorial
Il est évidemment impossible, dans un journal mensuel de suivre l’actualité au jour le jour et nous ne pouvons donc guère commenter la campagne électorale : les propos des candidats courageux (1) qui se sont présentés sans espoir seront déjà oubliés quand sortira ce numéro, entre les deux tours !
Nous sommes tous écoeurés de voir que les candidats les plus populaires sont finalement d’accord pour mettre l’économie au service des entreprises. Pour les candidats de droite, c’est l’essentiel ; pour celui de gauche on peut, peut-être, espérer un désir un peu plus sincère d’intervention de l’Etat pour une redistribution plus juste -mais si peu- des profits.
Le candidat d’extrême-droite tient un raisonnement qui a fait ses preuves dans les années 30. Tout était alors de la faute des Juifs. Pour lui, tout est aujourd’hui de la faute des immigrés. On a vu où mènent ces analyses sommaires.
Mais les "petits candidats" n’ont guère évolué, eux non plus. Mettons à part le candidat vert qui a su dire qu’en notre époque d’abondance potentielle, c’est un revenu maximum et non minimum qu’il faudrait garantir à tous. Les autres ne rêvent que de travail. Ariette Laguiller, par exemple, dont la voix vibre d’émotion et sans artifice, quand elle parle à ses "travailleuses, travailleurs" ; reproche au patronat de moderniser les entreprises c’est-à-dire d’en réduire les effectifs pour qu’elles soient plus "rentables". Elle devrait savoir que c’est l’aboutissement logique de tous les progrès accumulés afin de soulager l’être humain de sa peine à assurer sa survie. Qu’elle réclame donc le partage des fruits de cette production robotisée et non pas du travail, lorsque celui-ci n’est plus utile !
Mais comment faire profiter tout le monde des fruits des progrès techniques ? En réduisant la main-d’oeuvre nécessaire, ceux-ci font diminuer le pouvoir d’achat distribué, alors ? Comment faire vivre ceux dont le travail n’est plus nécessaire ? Voilà le vrai, le seul, le plus urgent problème de notre temps. Pas un seul candidat ne l’a abordé. Pourquoi ?
Parce qu’il repose sur la remise en question de la
création monétaire. Et cette question parait un véritable
tabou, tant aux candidats qu’à leurs électeurs. Que ceux
qui profitent du pouvoir de création monétaire, que ceux
qui vivent de la spéculation - qui s’est développée
de façon foudroyante ces derniers temps - que tous ces parasites
étouffent la question, c’est logique. Mais que l’immense majorité
des gens, qui voient les prodigieuses possibilités d’abondance
de notre époque, acceptent que cette abondance soit détruite,
freinée, stérilisée, détournée et
qu’on puisse leur présenter pareille énormité comme
une nécessité économique, cela dépasse l’entendement !Comment
a-t-on pu mettre dans la tête des gens que pour accéder
aux fruits de la
production, il fallait absolument les échanger contre des bouts
de papier qui n’ont aucune valeur mais que quelques personnes ont (pourquoi ?)
le privilège exorbitant de pouvoir fabriquer... et en profiter ?
Pas un candidat à "l’autorité suprême" pour dénoncer l’absurdité là où elle est. Pas un candidat pour démythifier le culte du billet de banque qu’on croit encore "payable au porteur" parce qu’il fut créé en tant que reçu d’une quantité d’or déposée dans une banque. Tout le monde semble avoir oublié que ces billets ont totalement perdu leur valeur le 2 Août 1914 quand fut, tout simplement, déclarée l’inconvertibilité... pour la simple raison qu’on avait émis beaucoup plus de billets, c’est-à-dire de faux reçus (2), qu’il n’y avait d’or en dépôt dans les banques ! Pas un candidat non plus pour dénoncer (3) le rôle abusif du dollar américain dans l’économie de tous les pays du monde : il servit de monnaie internationale parce qu’il avait, lui, gardé sa convertibilité en or. Mais cela n’a plus de raison d’être depuis le 15 Août 1971 : il a alors perdu lui aussi sa convertibilité parce que les stocks d’or des Etats-Unis étaient tout à fait insuffisants pour garantir les avoirs en dollars... Donc depuis, sur les marchés internationaux, comme en France et comme partout, on échange des bouts de papier qui ne représentent absolument rien, mais tout le monde fait comme si... Et personne pour dénoncer cette énormité, et on continue tous à admettre les "lois" qui découlent de pareilles inepties ?
En fait, on n’échange même plus de ces bouts de papier. On se contente de taper des chiffres sur un clavier d’ordinateur. Les ordres d’achat ou de vente sur n’importe quelle place boursière sont donnés par ce moyen moderne et s’exécutent ainsi en quelques secondes.
Mesure-t-on bien la portée, la puissance, de cette "monnaie dématérialisée" ?
Il y a 20 ans, les marchés des capitaux obéissaient encore aux Etats. Les taux de change étaient garantis : le rapport entre les réserves officielles des dix Etats les plus développés et les avoirs privés était de 5 à 1, ce qui donnait aux Etats les moyens de réguler les marchés des changes.
Il y a 10 ans, ce qu’on appelle "les forces du
marché" ont commencé à contrecarrer celle
des Etats, qui renoncèrent donc à maintenir des taux fixes :
les capitaux privés atteignaient 700 milliards de dollars, alors
que les réserves officielles, or compris, n’étaient plus
que de 200 milliards de dollars. Le rapport était passé
de 5 sur 1 à 1 sur 3, donc au détriment des Etats, en
faveur du "marché".
Aujourd’hui, ce rapport est de 1 à 10 ! Les banques et les entreprises
détiennent plus de 2.400 milliards de dollars. Alors elles peuvent
les déplacer à leur gré, les Etats sont débordés :
ils n’ont plus aucun pouvoir sur les taux de changes, sur la valeur
de leur propre monnaie. Les marchés n’obéissent pas aux
Etats, ils leur imposent leur politique. Et les Etats ne peuvent plus
contrôler les flux économiques, à commencer par
les flux monétaires.
A la lumière de ces faits, on comprend mieux l’impuissance du pouvoir politique. On explique le succès des politiciens soutenus par le monde des affaires (Chirac et consorts) et l’impuissance de toute idéologie allant à l’encontre. Mais on voit surtout où aurait dû se situer le niveau de la reflexion.
Les candidats sont tous passés à côté de l’essentiel.
(1) Beaucoup de lecteurs nous ont écrit "Pourquoi
ne vous présentez-vous pas ?"La réponse est simple
: nous n’en avons pas les moyens. Ne parlons pas des millions. Il fallait
aussi 500 signatures de notables. Que les lecteurs capables de nous
assurer ces signatures se fassent connaître. On comptera.
(2) Ainsi les banques sont des faux-monnayeurs ayant pignon sur rue.
(3) Seul F. Mitterand a parlé, à plusieurs reprises, de
ses efforts pour qu’un débat international ait lieu sur cette
question monétaire... Que fera-t-il ?
Lionel Stoléru, à l’Université
d’été de l’UDF, dans les années 80, s’écriait :
"La crise est terminée". Il y a environ un an, dans
le Monde, il tentait de persuader les lecteurs qu’il y avait deux sortes
de crises, les bonnes et les mauvaises. Celle des années 30 était
mauvaise : faillites, chômage, misère, guerre... ; par contre
celle que nous vivons (remarquons en passant, qu’elle n’est pas terminée
comme le croyait Stoléru) est une bonne crise, saine, constructive
parce qu’elle n’a pas conduit à l’effondrement de l’économie
et qu’elle est en fait la manifestation d’une grande mutation qui oblige
à repenser l’économie et la société (1).
La plupart de nos hommes politiques, journalistes, économistes
parlent couramment de "la crise", en précisant parfois
qu’elle est davantage devant nous que derrière nous ; quelques-uns,
dans des écrits ou discours plus savants, parlent de mutation
ou mieux de "profonde mutation". Il arrive qu’on marie crise
et mutation : la profonde mutation qui s’opère est cause de la
crise actuelle, quand ce n’est pas la mutation qui est fille de la crise.
Alors, crise ou mutation ? Mutation ou crise ? Je serais tenté
de répondre : les deux. Echappatoire, boutade ? Ce n’est pas si
sûr, car telle est vraisemblablement la vérité.
***
La crise des années 30 fut comme J.Duboin le comprit et l’analysa immédiatement, la conséquence de la forte accélération des progrès techniques dans la production des biens, accélération due en partie à la guerre. L’imprévision totale, le manque de garde-fous sociaux fit que l’économie s’effondra brutalement et qu’on entra dans une crise qui ne trouva de "solution" que dans la seconde guerre, mondiale par essence. On peut donc dire qu’il y eut successivement : grande mutation technologique... puis crise... jusqu’en 1945.
Dans la crise actuelle, les protections sociales ont joué, l’économie ne s’est pas effondrée malgré un taux de chômage - seul point vraiment noir - de 8 à 14 % de la population active dans les principaux pays industrialisés. Alors crise ou mutation ?
Une fois encore, et bien qu’ils fussent sur le qui-vive, les intéressés furent surpris et les chocs pétroliers eurent bon dos pour masquer leur imprévision. En ce sens, on a pu parler de crise ; une baisse de 3/4 points de la production suffit à engendrer un certain marasme dans les affaires et un chômage dont personne n’avait imaginé l’ampleur. Comme avant 1929, il se trouve que les 15 années qui ont précédé le déclenchement de la crise ont connu une fantastique avancée technologique. Du jamais vu, bien illustré par le voyage sur la lune (1969), extraordinaire synthèse des progrès de la science. Les robots se multiplient, l’électronique envahit tous les domaines ; dans l’agriculture, l’amélioration des rendements et la mécanisation réduisent les paysans à moins de 7 % de la population active.
Autre remarque importante : la crise elle-même
conduit à une compétitivité accrue, qui accéléra
encore le développement technologique, qualitativement et quantitativement.
Autrement dit, la "crise" renforce et précipite la
mutation : le chômage, par exemple, croit sensiblement plus vite
qu’il n’aurait fait "naturellement" sous la seule poussée
du progrès technique. Et il continuera à croître
parallèlement à ce progrès.
-On peut donc résumer ainsi la période actuelle : très
forte mutation technologique (années 60) ; crise (vers 1975),
avec développement important, continu et irréversible
du chômage, malgré un traitement social qui masque le nombre
réel de chômeurs ; maintien d’une croissance de 2 à
3 %, tout cela provoquant une mutation de la société dans
divers domaines.
La mutation est multiple.
1 - Technologique
Nous ne nous étendrons pas sur ce chapitre patent pour tous et
évoqué ci-dessus. Rappelons simplement que le tertiaire,
voire le primaire, sont envahis par la technique au même titre
que le secondaire et les trois secteurs comportent désormais
de larges plages de recouvrement technique.
2 - Industrielle
2.1. C’est un des aspects les plus intéressants. Nous voulons
parler là, non de technique, mais de restructuration. Certes,
nous connaissons depuis longtemps les multinationales. Ce qui se passe
depuis le krach boursier est nouveau et déterminant pour le futur.
Au moment du krach, c’est à qui découvrait que la spéculation
boursière, si juteuse depuis 4 ou 5 ans, était totalement
déconnectée de l’économie réelle, que cette
"économie casino" ne pouvait durer. Il apparait aujourd’hui
que nombreux sont ceux qui, brusquement sortis d’un beau rêve,
se retrouvent les pieds sur terre. La spéculation boursière
seule ? Dangereux. Retour en force à l’industrie, valeur d’avenir.
La guerre économique prend tout son sens. C’est ainsi qu’on assiste
à un nouveau spectacle : le "casinoindustrie" : raids
(en anglais raider=bandit), OPA sauvages pour contrôler de vastes
secteurs : de Benedetti à l’assaut de la Générale
de Belgique (1/3 de l’économie du pays), Pirelli s’attaquant
à Firestone (finalement enlevé par le Japonais Bridgestone),
Schneider surenchérissant sur Framatome pour accaparer la Télémécanique
: là, les ouvriers se fâchent (verra-t-on des grèves
anti-OPA ?) et Balladur lui-même doit songer à "moraliser"
les OPA. On ne parle plus que des "nouveaux Condottieri",
des "Chevaliers noirs"...
Quand ce n’est pas par la violence, les regroupements se font par fusions
ou rachats : Vuitton-Moët Hennesy, Printemps-Redoute...
Ce "retour aux valeurs sérieuses", l’industrie, n’exclut
pas bien entendu les activités financières juteuses autant
que douteuses, quelquefois combinées, liées aux OPA sauvages.
Ainsi, dans la bataille qui a opposé l’Anglais Grand Metropolitan
au Canadien Seagram pour le contrôle de Firino-Martell, de surenchère
en surenchère, l’action est montée à 3 475 F. Quand
Grand Metropolitan a renoncé, il a tout de même vendu les
20 % qu’il possédait en encaissant la bagatelle de 400 millions
; cela, sans aucune production de richesses. Notons que ce sont ces
mêmes individus, ou leurs commis gouvernementaux qui prêcheront
une politique d’austérité pour les travailleurs...
De plus en plus, les OPA se font au niveau planétaire. Mais la
coïncidence krach boursier 1987-Europe de 1992 fait que les regroupements
en OPA sont nombreux en vue de cet objectif : européens, japonais,
américains sont présents.
2.2. Les industries à bas salaires.
Il y a là un autre aspect, capital, de la mutation industrielle...
qui accentue la "crise" (chômage...) dans les "pays
riches", c’est le transfert de la production industrielle dans
les pays à bas salaires (de 5 à 10 fois moins élevés).
Phénomène déterminant : les usines sont ultra-modernes,
possèdent toutes les avancées industrielles de nos pays.
En effet, la plupart du temps, elles sont montées par des Japonais,
des Américains (Corée du Sud, Taiwan, Singapour) et des
Européens. La qualité des produits ne diffère pas
de celle des nôtres.
Et dans cette stratégie, les Japonais sont passés maîtres
: dès qu’ils ont vu - notamment après la forte appréciation
obligée du yen - les dangers courus pour leurs produits "made
in Japan", ils ont immédiatement (en moins de deux ans)
délocalisé leurs usines vers des pays voisins à
bas salaires. Ainsi des téléviseurs, dont 6 millions sont
déjà fabriqués dans ces conditions.
Mais les pays européens - et la France n’est pas la dernière
- font également, et de plus en plus, fabriquer dans les pays
pauvres.’ Et nos "bons apôtres" qui n’hésitent
pas à importer du chômage en France, sont les premiers,
par la voix du CNPF, la presse et autres médias, à dénoncer
le gouvernement - surtout s’il est socialiste - incapable d’empêcher
la montée du chômage, les grèves, les trous de la
sécu... Tout leur est permis ils ont le pouvoir réel,
l’économie et les moyens d’information.
Peut-on éviter l’évolution d’une telle mutation : délocalisation
de productions vers les pays à bas salaires ? A notre avis, non.
Il faudra des décennies pour que les nouveaux pays industriels
connaissent une augmentation des salaires et charges qui les mette à
égalité avec nous. Et, cela serait-il, que de nouveaux
pays pauvres prendraient le relais.
Nous avons l’argent, les pays pauvres auront le travail. C’est leur
revanche. C’est une nouvelle donne qui peut un jour transformer la mutation
en crise aigue, aussi bien au coeur des pays riches qu’au niveau Nord-Sud.
3. Culturelle
Les fabuleux marchés de l’information qui s’ouvrent tous azimuts
et ne font que balbutier excitent également les appétits.
Cette information aura des répercussions au niveau mondial et,
"orientée", elle peut être désastreuse
pour toutes les cultures. Prenons le cas des séries télé
et de nombreux films américains : amortis avec 250 millions d’habitants,
ils sont revendus à bas prix dans tous les pays du "monde
libre", trop heureux de meubler leurs programmes à bon marché.
Résultat : des cultures aussi différentes que celles d’Amérique
du Sud, de l’Afrique, de l’Europe, de l’Asie se trouvent "américanisées".
Coca cola de l’esprit, violence en plus. Très grave, surtout
pour les jeunes générations : c’est le supermarché
de la médiocrité.
4. Démographique
Ce n’est pas la moins inquiétante. Avec l’évolution des
mentalités sur la sexualité et la contraception, les pays
industrialisés ont réduit considérablement leur
développement démographique : disons même qu’à
l’heure actuelle, il ne se fait que par l’augmentation de la longévité.
Le taux de reproduction est au mieux de 2 ; en Allemagne, 1,3, le plus
bas. Le chômage qui s’aggrave développe également
le réflexe : "A quoi bon faire des enfants ? Pour qu’ils
soient chômeurs ?". Par contre, les pays pauvres en sont
souvent - hygiène, religion, contraception - à l’âge
de nos aieux ; d’où des familles de 6, de 12, de 18 enfants.
Et comme à ce jour, ils représentent déjà
plus des 2/3 de l’humanité, on voit la direction - et à
terme l’importance historique - de la mutation démographique.
***
Nous avons essayé de noter l’essentiel des mutations ’que recouvre la GRANDE MUTATION qui s’opère sous nos yeux, depuis 15 ans principalement, derrière le brouillard de "la crise". Où celà nous mène-t-il ?
Sortie à droite
En mars 1984, dans un article intitulé "sortie de la crise
: à gauche ou à droite", nous écrivions :
"Avec le boom des nouvelles industries liées au microprocesseur
et l’augmentation des dépenses militaires, une telle évolution
- sortie à droite - n’est pas exclue : il faut que les gens de
gauche en soient bien persuadés pour redoubler d’efforts".
Quatre ans plus tard, nous pensons qu’une sortie à droite de
la crise-mutation, loin d’être exclue, semble, hélàs,
l’hypothèse la plus plausible.
Le krach boursier a, nous l’avons vu, suscité une sorte de reconversion
industrielle plus solide, plus structurée. Vous lisez chaque
jour dans la presse les résultats de 1987 des groupes industriels
(Peugeot : 5 milliards de francs), bancaires, assurances : presque tous
affichent des bénéfices en hausse, souvent très
importants (+ 25 à + 45 %). Des pays engrangent des réserves
fabuleuses (RFA, Japon, Taiwan, Corée du Sud...). Nous apprenons
que l’Angleterre, qu’on disait en déclin, a vu sa production
augmenter de 4,4 % en 1987.
Sur un plan plus prosaïque, on voit de plus en plus de Mercédès,
de BMW, de grosses voitures les restaurants font rarement faillite ;
les stations de sports d’hiver et d’été affichent complet
; pour les fêtes de fin d’année en France, des records
de consommations d’huîtres, foie gras, caviar, ont été
battus.
L’économie capitaliste fonctionne, même avec 1 ou 2 % d’augmentation
de la production ; les gens qui ont un job ou une retraite correcte
vivent normalement. Enorme point noir les chômeurs ; Alors, on
essaie de les oublier (voir la campagne électorale qui en parle
?) : ce sont des oubliés, des exclus, des non solvables inintéressants.
Le capitalisme, il faut le reconnaître - même si on enrage
- garde une faculté d’adaptation assez remarquable. Lénine
avait écrit, en 1916 "L’impérialisme, stade suprême
du capitalisme". Nous pensons que, si cet impérialisme ne
date pas d’aujourd’hui (multinationales, etc...), il passe aujourd’hui,
après un krach boursier d’avertissement, la vitesse supérieure.
La mondialisation accentuée de la production et des échanges,
les perspectives de l’Europe de 1992, poussent à un impérialisme
plus agressif, plus concentré : le capitalisme populaire des
Chirac et Balladur ne peut tromper que de braves gens crédules
et mal informés.
"The Economist" écrit : "Les français sont
maso, ils s’inquiètent alors que l’économie est prospère
et le déclin une hypothèse non vérifiée".
Avant la crise, les grands groupes avaient reconstitué des "trésors
de guerre" (puisque guerre il y a), tant par leurs opérations
boursières. Ainsi Siemens dispose de 25 milliards de DM de liquidités,
plus de 80 milliards de francs, de quoi racheter 4 ou 5 grosses affaires,
en Europe ou ailleurs.
La société duale va s’accentuer, le nombre des déqualifiés
et des exclus va croître sous la poussée conjuguée
des progrès technologiques et des transferts d’industrie dans
les pays à bas salaires. On surveillera les risques d’explosion
: pour cela - tous nos présidensiables parlent maintenant de
solidarité - on créera une société de petits
boulots. Quand la pression sera trop forte, on donnera un minimum vital,
de l’ordre de 2.000 F. Avec les médias - et notamment les télés
privées - on favorisera l’inculture des masses, on leur servira
- c’est bien parti en France- des jeux (panem - 2.000 F - et circenses).
L’université et la formation seront orientées dans un
sens élitiste et essentiellement utilitaire.
L’évolution du système s’adaptera, lentement, uniquement
sous la pression des faits : ainsi la réduction du temps de travail,
bien partie déjà en Allemagne capitaliste (36 h 5 en RDA
pour la métallurgie, sans diminution des salaires) : c’est possible
dès lors que les gains de productivité compensent la réduction
des horaires. Il faut être absolument persuadé que le capitalisme
peut réaliser ces "avancées" sur 10 à
12 ans et ce, sans réduction du nombre de chômeurs, au
contraire.
Sortie à gauche
Que faire face à cette évolution maintenant perceptible
et quasi certaine de la grande mutation en cours ? Je suis désolé
de ne pas paraître optimiste, mais tiens à dire que je
ne suis pas non plus pessimiste : seulement objectif et, à terme,
optimiste. En effet, tout d’abord, il peut survenir des "accidents
de parcours" imprévus (cf. Mai 1968, krach boursier...)
qui modifieront le cours de l’Histoire.
Deuxièmement, des forces sociales et intellectuelles devront
peser sur le développement de cette société inhumaine.
Je pense que nous devons faire nôtre cette réflexion de
Juquin (France Inter le 21 mars) : "Je n’ai pas fini de déranger".
Dérangeons. L’histoire de l’homme s’est toujours déroulée
de façon dialectique. Les plus belles conquêtes sociales
ont été obtenues dans l’opposition par l’écrit
et par les luttes : il n’y a donc aucune raison de désespérer.
Mais il faut faire connaître - nous ne sommes pas seuls - l’autre
société, l’alternative : celle du temps libre pour tous,
du travail réduit pour tous, d’un revenu maximum pour tous, d’une
culture à la portée de tous, de la paix enfin.
***
Conclusion : mutation ou plus précisément mutations ? c’est indubitable, nous l’avons vu. Crise ? Certainement le chômage, la société duale qui s’appronfondit, les guerres "exutoires" ou répressives, les destructions et limitations de richesses, c’est cela la crise. Crise de société, crise de civilisation, comme l’avait déjà souligné Malraux en 1968, avant la "crise" économique.
Mais comme toute entreprise humaine, le capitalisme impérialiste doit dépérir et mourir un jour. Car le ver (les éléments de la crise) est dans le fruit des mutations en cours. Et les hommes doivent continuer à se battre pour acquérir un jour la "citoyenneté intégrale", selon la belle expression (encore lui !) de Pierre Juquin.
(1) Jean Boissonnat, il y a plusieurs années écrivait : "il faut analyser la crise comme une période de transition qui peut durer un quart de siècle".
Lorsque j’écris ces lignes, le 18 mars 1988, j’ignore évidemment quel sera le nouveau président de la République et même les résultats du premier tour. Pourtant je puis prévoir que les débats entre les principaux candidats resteront, comme ils le sont jusqu’à présent, aussi vides sur les problèmes fondamentaux auxquels la société française est affrontée. Les règles formelles de notre démocratie politique, aussi bien pour des élections cantonales que législatives ou présidentielles, la bipolarisation de fait de l’opinion, sont telles que les 4 ou 5 pour cent d’électeurs qui font la décision restent toujours les plus indécis. Ils sont aussi fort évidemment les moins bien informés, les plus influençables et les plus versatiles. Le futur vainqueur ne peut donc pas se permettre le risque de les perdre en prenant position trop nettement sur les sujets sensibles. Il est admis que faute de pouvoir agir sur les citoyens de conviction, les publicitaires polarisent leur action sur la margue fluctuante du centre. Ainsi les centaines de millions de francs dépensés par les grands partis à l’occasion de chaque élection nationale sont gaspillés uniquement dans l’espoir d’influencer le vote de quelques centaines de milliers de personnes. Mille francs pour un bulletin, n’est-ce pas trop cher payer ?
Cette démocratie du fric ou ploutocratie présente
des inconvénients rédhibitoires. En particulier, elle
oblige les hommes politiques soucieux de leur réélection
à des compromissions inacceptables avec les milieux d’argent
et le milieu tout court. Casse de Nice, Carrefour du développement,
vrais-faux passeports, exportations d’armes, société de
développement de l’agglomération rouennaise ne sont que
quelques-unes parmi les affaires dont l’origine se situe dans la nécessité
du financement des campagnes électorales. Et encore ne sont-elles
que celles qui émergent. Combien, parce que mieux montées,
c’est-à-dire plus cachées restent inconnues ? Tous les
partis, les initiés le savent, sont compromis. Les hommes politiques,
eux-mêmes, ne sont pas forcément bénéficiaires
de ces trafics. Victimes consentantes de l’hydre publicitaire, ce n’est
pas obligatoirement leur avoir propre qui est en cause mais, la fin
justifie les moyens, le développement du parti. Pourquoi donc
les obliger à d’humiliantes et incontrôlables déclarations
de patrimoine avant et après ? Faut-il voter pour les plus aisés
et les plus riches dans l’espoir souvent vain qu’ils seront moins cupides
pour eux-mêmes et plus généreux pour leur parti,
ce qui évitera à celui-ci d’employer des moyens malhonnêtes
pour se procurer des fonds ?
Toujours est-il que de telles pratiques font courir de grands dangers
à notre système politique. S’il était possible
de se débarrasser de la publicité envahissante, ne serait-il
pas plus simple, au lieu de limiter les dépenses, de limiter
l’affichage et la réclame indirecte ? Beaucoup d’entre nous,
conscients de l’impossibilité pour les humains de se dégager
des contraintes du profit et de la finance, en déduiront que
la démocratie politique restera un leurre tant que la démocratie
économique n’aura pas été instaurée.
***
La campagne
Avec l’agrément supposé du lecteur, consacrons la seconde
partie de cette chronique à des réflexions plus encourageantes
sur le déroulement de la campagne. Deux éléments
capitaux me paraissent à retenir.
Au cours de "l’Heure de Vérité" du premier février
1988 sur A2, Pierre Juquin a déclaré qu’étant confrontés
de plus en plus à des problèmes mondiaux, il lui paraissait
nécessaire que nous mettions en place, pour les résoudre,
des institutions mondiales. Il s’est donc déclaré "citoyen
du monde" engageant de ce fait ses auditeurs à prendre le
même chemin. Certains minimiseront cette prise de position, la
trouvant démagogique et peu contraignante pour un candidat sûr
d’être battu. C’est vrai. On peut même ajouter qu’une telle
déclaration est bien tardive après tant d’années
de "langue de bois" et qu’elle correspond fâcheusement
avec un besoin de voix à rechercher forcément en dehors
des communistes orthodoxes, dans les milieux progressistes. Il n’en
reste pas moins que, pour la première fois à ma connaissance,
au cours d’une émission grand public suivie par quelques millions
de téléspectateurs, un homme politique influent s’est
prononcé très nettement pour des organismes mondiaux supra-nationaux.
Saluons le courage de celui qui n’a pas hésité à
bousculer ainsi quelques tabous. Relevons aussi que cette déclaration
n’étant pas neutre, c’est que son auteur, avec probablement quelques
raisons, s’il a cru devoir la prononcer, pense qu’elle lui aura apporté
des voix. Combien ? nous ne le savons pas. Le score de Pierre Juquin
qui sera connu quand paraîtront ces lignes donnera quand même
une idée, même vague, de leur nombre.
Je ne saurais manquer de dédier ce nouveau succès à
tous mes camarades militants de la cause mondialiste qui ont tant travaillé
dans l’ombre et la réprobation des sots, au mieux dans l’indifférence
et l’incrédulité des cyniques et des résignés.
Deux manières d’avancer restent compatibles avec notre système
électoral. L’une, nous venons de la décrire venant du
candidat marginal qui n’a rien à perdre, l’autre par agrément
d’ensemble.
L’accord presque général des candidats et des partis en
vue d’instaurer sous une forme ou sous une autre, un revenu minimal
garanti est à relever également comme l’un des acquis
de la controverse politique présente. Nous informons régulièrement
nos lecteurs sur les développements de cette idée, en
France et à l’étranger. Le réseau européen
"BIEN" nous permet de nous tenir au courant des aspects extrêmement
divers pris par l’idée de revenu minimal dans les différents
pays. Regrettons que notre tradition humaniste et généreuse
ait failli à instaurer plus tôt en France une telle mesure.
Certains la récusent encore sous prétexte de disparition
de la motivation au travail. Niant le chômage structurel et appelant
à toujours plus de travail obligé, ils refusent l’idée
de dissocier travail et revenu. Malgré la diffusion donnée
à leurs thèses par la presse, la radio et la télévision,
malgré le renfort de Raymond Barre et Jacques Chirac, ils sont
de plus en plus isolés.
Trop nombreux au regard des placés disponibles sont ceux qui
se battent pour un travail rémunéré. Beaucoup sont
prêts aux pires compromissions, d’autres proposent de payer afin
d’accéder à un emploi. Quel besoin de les motiver encore
plus en cette quête ?
Oui, messieurs, nous sommes tous les cohéritiers du patrimoine
constitué par les progrès foudroyants des sciences et
des techniques ces dernières années. Ni les financiers,
ni les industriels, ni tous les privilégiés les plus divers,
ni même ceux qui ont encore la chance dans ce régime, de
détenir un poste rémunéré, ne sont les propriétaires
exclusifs de ce patrimoine, il appartient à tous et tous doivent
en recevoir leur part.
Cette idée s’impose. Elle a commencé à trouver,
insuffisamment, son expression légale lors du précédent
septennat. La loi n’étant en définitive que, avec retard,
la traduction des us et coutumes, il faudra bien qu’elle soit codifiée
et réalisée dans les faits. Merci à tous ceux,
distributistes ou non, qui ont agi depuis des décades en faveur
de notre thèse. Encouragés, par les résultats obtenus,
nous poursuivons bien sûr notre lutte pour un véritable
revenu social maximal. Les événements nous confirment
qu’aucune activité militante n’est jamais perdue, si faible et
si désespérée puisse-t-elle paraître à
première vue.
L’élection présidentielle de 1988 pourrait
être l’occasion d’utiliser les énormes moyens de communications
que sont la télévision, les radios, la presse, pour informer
le public de la véritable situation qui se présente en
cette fin de siècle à toutes les nations, grandes ou petites,
riches ou pauvres.
Pour la France, l’I.N.S.E.E qui n’est pas un organisme politique, a
publié une étude prospective en Janvier 87 qui évalue
le chômage à 3 millions 400000 personnes dans quatre ans.
C’est un chiffre moralement et financièrement insupportable,
mais c’est surtout la confirmation que ni les privatisations, ni les
nationalisations n’ont apporté de remèdes à cette
crise économique dont les conséquences sont de plus en
plus dramatiques. La plupart des candidats affirment que la "croissance"
est le seul remède à cette situation !
Il faut prendre connaissance d’un rapport de cet important groupe industriel
qui déclare en substance : "Dans cette usine, en 1980, 875
salariés étaient occupés ; grâce à
nos investissements, la croissance a augmenté de 20% avec un
personnel .réduit à 650 et il est prévu la même
production avec 400 personnes en 1995". Ce n’est pas un cas isolé,
ni exceptionnel, c’est la démonstration que la "croissance"
n’est pas, ou n’est plus un facteur d’emplois, si on utilise les procédés
modernes. Ce sont les ordinateurs, même les robots qui remplacent
les personnes.
Un autre facteur intervient pour supprimer des emplois. Les Sociétés
multinationales qui n’ont point de complexes patriotiques, installent
des usines dans les pays en voie de développement où la
main-d’oeuvre existe en abondance, se contente de bas salaires, sans
protection sociale et nous sommes envahis de produits de grande consommation
à des prix sans concurrence.
En réaction, dans les pays industriels se développe une
activité clandestine sous la forme de marché noir du travail
qui échappe aux impôts, taxes, cotisations, ce qui contribue
à faire disparaître les entreprises qui travaillent régulièrement.
Il faut qu’un candidat courageux dénonce cette situation pour
informer l’électorat que les témoignages d’auto-satisfaction,
les promesses fallacieuses, les haines raciales sont des arguments électoraux
qui n’apportent aucune solution aux problèmes qui se posent en
cette fin de siècle. Distribuer des allocations de chômage,
des secours à ceux qui ont épuisé leurs droits,
des repas à ceux qui ont faim, c’est faire de la charité
une institution gouvernementale, c’est s’enfoncer chaque jour un peu
plus dans l’injustice et la précarité. Créer des
T.U.C., des "petits boulots", même des stages de formation,
c’est diminuer les statistiques, ce n’est pas assurer l’avenir d’une
jeunesse qui se réfugie souvent dans la drogue ou la délinquance.
L’effondrement de la bourse en octobre 1987, les fluctuations du dollar, le chômage qui grandit, les dettes et les déficits budgétaires qui s’accumulent nous donnent l’impression que notre système financier est au bord de la faillite.
Certes, les autorités vont s’efforcer de colmater
les fissures qui apparaissent de toutes parts, soutenir le dollar, tirer
un trait sur les dettes irrécouvrables, s’accommoder des déficits,
mais la menace d’un krach, pire que celui de 1929 pèse sur l’économie
mondiale. Cette économie qui partage les habitants de la terre
en deux grandes catégories : celle qui gaspille les sources d’énergie
et de matières premières non renouvelables, qui pollue
les rivières, les fleuves et les océans, qui détruit
ses excédents agricoles et même qui rétribue ses
cultivateurs pour qu’ils ne cultivent pas leurs terres ; et celle qui
ne sort pas d’une effroyable misère et qui meurt de faim.
Des organisations mondiales sont conscientes que cette situation est
profondément injuste, dangereuse et qu’elle ne peut s’éterniser.
Elles ont demandé aux grandes nations de consacrer 1% de leur
P.N.B. à l’aide au sous-développement sans obtenir cette
modeste contribution. D’autres ont proposé l’étude d’une
sorte de plan Marshall à l’intention des pays pauvres.
Ce plan a été un événement unique dans l’histoire
de l’humanité. Les nations victorieuses n’ont pas rendu responsables
les peuples des crimes de guerre que leurs dirigeants avaient commis.
Ceux-ci ont été jugés et condamnés, leur
pays séparé en deux avec interdiction de reconstituer
une puissance militaire. Les États-Unis qui sortaient de cette
guerre sans dommage pour leur territoire, avec un potentiel industriel
énorme, une monnaie solide qui allait devenir l’étalon
pour le monde entier ont conçu ce plan pour relever toute l’Europe
de ses ruines et aussi pour transformer leurs usines de guerre en fabrication
civile.
La situation actuelle n’est pas sans une certaine analogie sur le plan
mondial. Quelques nations détiennent une puissance considérable
de productions industrielles et agricoles, bien au-delà de leurs
besoins. Leurs possibilités d’échanges commerciaux sont
limitées par suite de l’insolvabilité des pays qui seraient
acquéreurs de ces produits. Nous sommes dans cette situation
absurde où nous devons détruire des excédents agricoles,
fermer nos usines ; entretenir des millions de chômeurs alors que
la majorité de la population vit dans la malnutrition, quand
ce n’est pas dans la famine.
Une sorte de plan Marshall pour aider ces pays à sortir de leur
état de sous-développement s’impose. En l’an 2000, on
annonce six milliards d’êtres humains sur cette terre. La plupart
viendront au monde dans des régions déjà surpeuplées
ou dans les bidonvilles dont les occupants sont à la recherche
d’emplois et de nourriture. Il ne s’agit plus d’accomplir quelques gestes
de générosité, mais d’éviter que cette prolifération
de malheureux entraîne des émeutes, des révoltes
ou des épidémies.
On ne vaincra pas la faim dans le monde par des quêtes ou des
envois de nourriture, mais par la création d’une ou plusieurs
sociétés multinationales formées pour apporter
dans les régions déshéritées du globe les
moyens de rendre la terre fertile et de permettre aux autochtones de
vivre dans leur pays natal.
Certes, la rentabilité financière n’est pas assurée
à courte échéance, mais il s’agit d’une sorte de
croisade qui place les motifs de cette entreprise au-delà des
sordides calculs d’intérêts.
Ce n’est pas un programme électoral, c’est un programme pour
sortir de la crise, pour éviter un désastre financier,
pour donner à notre jeunesse le moyen d’exprimer sa volonté,
son courage et peut-être même son enthousiasme au service
d’une cause qui consiste à sauver des milliers d’enfants de la
misère et de la mort.
Toutes les nations sont devenues solidaires, l’insolvabilité
des unes, le paupérisme des autres, sont la cause de nos difficultés
croissantes et l’humanisme n’est pas seulement une vertu, c’est une
nécessité.
Lectures
La lettre "Science-culture" du GRIT (1)
n° 30-31 - décembre 1987, janvier 1988, reproduit des extraits
d’un article d’Armand AJZENBERG intitulé "travail et salariat"
dans lequel l’auteur constate d’abord que le travail change, c’est une
évidence en raison des nouvelles technologies, de l’informatique,
de la mondialisation de la division du travail et du chômage de
masse. "L’expression "le travail est sacré" est
un peu passée de mode... le travail se fait rare..." ajoute-t-il.
Il constate ensuite que le partage du travail parcelisé est facile
alors que celui de recherche l’est beaucoup moins. Il cite André
Gorz pour lequel l’enrichissement des tâches, est une "douce
rêverie" en présence de la révolution technologique
et qui déclare que "...le travail doit cesser d’être
pour chacun le contenu central de sa vie et la source principale de
son identité. Ce sont les "activités autonomes"
(qu’on fait par libre choix) qui doivent jouer ce rôle. Le partage
du temps actif doit se faire entre travail salarié (que l’on
est forcé de vendre) et activités autonomes..."
Après en avoir déduit que le travail ne se trouve plus
au centre de l’existence humaine et que l’entreprise n’est donc plus
nécessairement le lieu privilégié de transformation
de la société l’auteur conteste le discours "libéral"
du retour à l’individu ; témoins le minitel, le développement
du bénévolat et des associations. Ce sont d’ailleurs ces
activités qui fournissent le plus de plaisir. C’est la fin du
travail par son dépassement.
Mais actuellement poursuit M. Ajzenberg c’est plutôt la "mystification
du travail (et du profit) et la raréfaction de ce travail. Il
nous faut donc envisager la transformation de ce présent à
partir de nos constatations... (c’est-à-dire)... d’un temps où
le pouvoir provient encore de la détention des savoirs et des
moyens de production..." à celui de l’imbrication des connaissances
et l’usage de la démocratie directe donc un palier"....
vers la fin du salariat, vers une société sans classes..."
"...Il faut, écrit-il, poser la légitimité
d’une société orientée vers le droit au plaisir...
(et)... débarrassée de la "valeur marchande..."
...L’idée d’un revenu garanti à vie ayant rompu son lien
avec la durée du travail quitte les pages des livres et des revues.
On assiste à l’émergence d’une revendication : le salaire
social..." Et de citer Taddaï, Guy Aznar, André Gorz
(de nouveau) et le comité des chômeurs.
L’auteur estime lui que toutes les formes de salaire social conduisent
au maintien, voire au renforcement de la société actuelle.
Il prône la "fin du salariat et la gratuité progressive
des services et des usages en progression proportionnelle à la
productivité obtenue aux plans industriels et agricoles..."
Cette solution est génératrice d’une logique généralisée
de "service public" et il conclut : "Dans ces conditions
l’entreprise n’a pas à craindre des charges supplémentaires
- au contraire, plus elle s’automatise, plus elle est productive, moins
elle a de salaires à verser -et le producteur, le salarié
n’a rien à redouter de l’augmentation de productivité
(au contraire, son temps "obligé" de travail pourra
baisser à la condition expresse d’une gratuité plus importante
des usages et des services. Il est évident que les gains de productivité
ne pourront être pris en compte qu’au niveau d’une entité
géographique significative (région, nation, fédération).
Un tel système, qui s’installe de manière progressive,
s’accorde totalement avec le dépérissement de la société
marchande, avec le dépérissement de la concurrence...
et aussi avec le dépérissement de l’Etat.
(1) Voir notre bloc-notes.
"POLITIQUE" : du mot grec "POLITIKOS" : Art ( ?) de gouverner un État, qui a rapport au gouvernement des États (Dictionnaires).
En société marchande : La politique est
un subterfuge employé comme somnifère à des fins
de profits ! (1).
La politique !! La politique de droite à l’extrême-droite
; de gauche à l’extrême gauche ; y compris les alternatifs...
la politique est le moteur des systèmes parlementaires dits démocratiques
(ou anti-parlementaires dits totalitarisme). C’est le poumon de la société
marchande, du profit. Tout ce qui est politique assure la continuité
de l’esprit de rentabilité, du capitalisme, du salariat... en
un mot de l’inégalité économique. Cette calamité
existe depuis l’ère de la rareté et continue dans notre
ère d’Abondence pourtant incompatible ! Pourquoi le peuple qui
en souffre parce que toujours trahi, les chômeurs qui ont tout
perdu, les consommateurs dont le pouvoir d’achat s’évanouit,
s’y accrochent-ils comme si leur situation économique pour "un
mieux-être" dépendait de la politique ? Comme si la
politique était indispensable à la condition de la vie
? Pourquoi à chaque convocation électorale se précipitent-ils
dans le piège ?...
N’ont-ils pas encore compris, les électeurs, que la politique
est la négation, le contraire de l’accès au bienêtre,
à la consommation urgente des biens utiles, possible aujourd’hui ;
que la politique est la manne des riches, des patrons, des assoiffés
de pouvoir ? que la politique est le tombeau des espoirs de libération
?
Seule l’ÉCONOMIE - non de profit, non politique - mais sociale,
de la satisfaction des besoins de tout être vivant, seule l’ÉCONOMIE,
réalité antagoniste à la politique est le VRAI
problème qui a trait à l’épanouissement des Êtres
Humains et à la VIE.
N’est-ce pas l’impérieuse nécessité de manger qui
conditionne l’existence de l’Etre vivant ? Ne devrait-on pas tous les
jours satisfaire nos besoins impératifs : alimentaires, vestimentaires,
de logement, d’hygiène, de santé, de repos et loisirs,
d’instruction ?... Est-ce que les politiciens parlent, discourent sur
celà ? Proposent comme étant primordial la satisfaction
dans la consommation et l’usage ? Inscrivent dans leurs programmes la
gratuité des transports en commun et de tous les services publics
? 11 est tout de même abérrant que des particuliers fassent
un profit sur le bien public ! Est-ce que les partis politiques dénoncent
celà ? Le moment n’est-il pas venu, avec l’abondance du blé,
donc du pain, des pommes de terre, des fruits et légumes, du
beurre, du sucre, du lait, de la viande, etc... de les distribuer -
au moyen du Revenu Social alloué à Tous en une monnaie
de consommation qui s’annule à l’achat- au lieu de les stocker
ou les détruire, et imposer le ralentissement de la production
et la friche des terres ? à seule fin d’en maintenir les prix,
les profits ? Aucun parti politique n’élève la voix et
ne s’engage sur de tels programmes ! Bien au contraire ! Ils nous persuadent
de nous serrer la ceinture et d’accepter l’austérité -
devant des montagnes de produits !!
Salariés, chômeurs, consommateurs, usagers, ne vous laissez
plus attraper par ces fous politiques ! Désintéressez-vous
de tous les partis politiques. Vous n’avez rien à y gagner, à
y espérer sinon à y croupir d’impuissance ! Voilà
deux cents ans que l’expérience se fait : ces maîtres de
la politique, acrobates et serviteurs de la finance vous prennent pour
des demeurés et vous manipulent afin que vous ne touchiez pas
aux prébendes de ceux que de tous temps, la Droite par tradition,
et aujourd’hui la Gauche, défendent et protègent contre
le peuple qu’ils savent endormir par le leurre politique ! ! Aucun parti
politique ne vous dévoile celà !
Luttons, forts de notre responsabilité, de notre volonté,
dans des associations exclusivement économiques, de défense
des consommateurs et des producteurs-salariés. Exigeons avant
tout de consommer à notre faim ; agissons pour un mieux-être
immédiat : par des luttes en rupture avec la société
marchande, par des actions positives telles les grèves de gratuité
dans les services publics... Ce sera plus "payant" que d’adhérer
à une politique, même alternative, ou de voter !
En résumé soyons réalistes et imposons notre programme
en exigeant dès maintenant la garantie du salaire perdu pour
tous les chômeurs et futurs licenciés ; prélude
au REVENU SOCIAL MAXIMUM pour tous du berceau à la tombe, pour
"acheter" l’ABONDANCE, invendue et invendable, qui regorge
des magasins, entrepôts, frigos... C’est le seul programme réaliste
et positif - qu’aucun parti politique ou syndicat officiel ne revendique-
qui permettra à tous de satisfaire les besoins fondamentaux :
Les techniques de production, incroyablement perfectionnées -
héritage de l’humanité entière - remplaçant
le labeur humain et créant l’ABONDANCE permettent enfin aujourd’hui
la seule organisation économique et sociale pour accéder
au DROIT A LA VIE, réalisable dans la Justice, la Liberté,
l’Egalité, la Fraternité : c’est L’ÉCONOMIE DISTRIBUTIVE
et son corollaire LE FÉDÉRALISME, dont aucun parti politique
ne veut et ne vous parle, et pour cause !!
(1) Paul VALERY a dit à propos de la nocivité de la politique : "La politique est l’art d’empêcher les gens de s’occuper de ce qui les regarde". Quelle vérité ! En paraphrasant on peut dire que "La politique est l’art d’empêcher les gens de manger à leur faim en pleine abondance !"