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LE SCOOP DU MOIS ?
Pour tout autre journal que la Grande Relève,
ce titre devrait constituer un véritable scoop, bien autre chose
que les "non-événements" que sont les annonces
de candidatures à la Présidence de la République
de Chirac ou de Barre, dont tout le monde, depuis de nombreuses années,
connait l’ambition. Le véritable événement serait
qu’ils ne soient pas candidats ! Mais, au service des puissants, la grande
presse ne sait que faire pour conforter leur certitude. Les vrais problèmes
de mutation de société, elle préfère les
éviter. Ils se gardent bien de faire connaître au grand
public nos propositions d’adaptation de l’économie aux progrès
des techniques, et, lorsqu’ils le font, rarement, c’est pour les qualifier
d’utopie. Et pourtant, l’économie distributive existe bel et
bien, et depuis longtemps, pour un grand nombre de personnes qui, pour
la plupart, en profitent en l’ignorant. Ces personnes, ce sont les retraités.
Tempérons, cependant cette affirmation, en précisant,
qu’à nos yeux, ces retraités qu’on peut assimiler à
des gens vivant en Économie Distributive sont les retraités
relativement jeunes et disposant d’une retraite relativement importante
pour leur assurer une certaine insouciance matérielle du lendemain.
Ils ne constituent pas, hélàs, la majorité des
retraités, mais ils sont la preuve que l’Économie Distributive
peut très bien fonctionner. En effet, ils reçoivent un
revenu régulièrement et ils ne fournissent en échange
aucun travail. N’est-ce pas là un des points fondamentaux de
la doctrine distributive : la dissociation des revenus et du travail.
Et nos retraités nantis font maintenant ce qu’ils veulent de
leur argent et de leur temps !
"Mais diront nos détracteurs, ils ont auparavant beaucoup
travaillé pour mériter leur retraite". C’est vrai
! Mais de moins en moins, car l’âge de la retraite s’abaisse régulièrement
quoiqu’on en dise, tout comme la durée du travail. (Il est d’ailleurs
réconfortant de voir que dans de nombreuses enquêtes, la
cinquième semaine de congé et la retraite à 60
ans sont considérés comme les conquêtes sociales
les plus importantes de ces dernières années. C’est comme
la Sécurité Sociale, la majorité de nos concitoyens
ne veulent pas qu’on y touche. C’est tout de même une évolution
remarquable des mentalités : le travail n’est plus sacralisé,
les loisirs prennent de plus en plus d’importance...).
Quoi qu’il en soit, nous pouvons répondre facilement en disant
qu’en Économie Distributive, il existe quelque chose qui ressemble
au travail "classique" ; c’est le service social, mais qu’à
la différence de ce qui se passe aujourd’hui, nous le voulons
le plus court possible.
Alors, en y réfléchissant bien, qu’y-a-t-il de différent,
en ce qui concerne le travail et les revenus, entre ces retraités
bien nantis et les futurs bénéficiaires de l’Economie
Distributive ?
On peut encore en dire bien plus, car si la plupart des retraités
d’aujourd’hui ont participé au processus de production des richesses,
il en est aussi parmi eux qui n’ont jamais rien produit mais qui, bien
au contraire, ont beaucoup pris sur le budget de la nation : les militaires.
Leur passé "improductif" ne les empêche pas de
profiter pleinement de leur retraite et on ne les montre pas du doigt
pour autant !
Alors, que l’on ne nous dise plus que l’Économie Distributive
est une utopie puisqu’elle existe déjà pour un nombre
toujours croissant de personnes. Ce que nous voulons maintenant, nous
distributistes, c’est étendre le bénéfice de cette
économie à tous nos concitoyens.
On peut le faire tout simplement en raccourcissant au maximum la durée
du service social qu’on veut continuer à nous imposer. Nous savons,
nous que c’est possible sans dommage pour notre "niveau de vie"
bien au contraire, par la mise en oeuvre massive des moyens de production
gigantesques que nous offre le progrès technique. Or, les gens
qui nous gouvernent font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher
cette révolution tranquille. Au lieu de nous inciter à
profiter de l’abondance qui éclate, ils nous prônent la
rigueur. Ils veulent tous faire de nous des Japonais ! (Mais si nous
étions tous des Japonais, à qui vendrions-nous ? Et que
feraient les marchands de loisirs ? Des chômeurs peut-être
?...). Il n’y a pas un seul gouvernement nouvellement élu (et,
ce qui est bien pire, pas de candidat) qui n’inscrive la rigueur et
l’austérité à son programme. Nous n’aurions, paraît-il,
pas "les MOYENS" de faire autrement. Nous serions, paraît-il,
obligés de travailler encore plus pour produire des richesses
dont nous pourrions profiter, peut-être, plus tard, bien plus
tard. En quelque sorte, au Paradis, s’il existe !
Enfin bref, vous l’avez tous compris, nous manquons d’argent, et, sans
argent on ne peut rien faire.
Et, nous, nous savons que ça n’est pas vrai, car l’argent, la
monnaie, ça n’est pas ce qu’on nous raconte et qu’hélas,
trop de gens croient. Alors si nous voulons vraiment changer la société,
il faut avant tout changer la monnaie. Toutes les tentatives, si généreuses
soient elles, d’instaurer un monde meilleur (je pense à nos amis
du P.S., aux écologistes et à bien d’autres,...) resteront
vouées à l’échec tant qu’on n’aura pas remis en
cause la nature de la monnaie.
Notre travail, à nous distributistes, c’est maintenant de DÉMYSTIFIER
LA MONNAIE.
Nous vous en donnerons les moyens.
TIERS-MONDE
« Les épées plus que les épis »
C’est sous ce titre évocateur que Gérard
Grellet, Professeur à Paris VIII, dresse, dans le Monde du 12.1.88,
en un raccourci magistral, le procès de la militarisation dans
le Tiers-Monde à l’heure de la crise. On a beau avoir, depuis
40 ans, pratiquement tout entendu, tout lu, tout vu sur le rôle
des armements dans la survie du capitalisme, on reste néanmoins
abasourdi à la lecture de l’article de G. Grellet. Il faudrait
le citer en entier, tant son analyse est dense et percutante. Nous essaierons
de dégager l’essentiel.
L’auteur signale tout d’abord que, malgré la crise, en 10 ans,
les achats d’armes du Tiers-Monde ont augmenté de 38%, pour atteindre
35 milliards de dollars en 1986, chiffres « officiels » vraisemblablement
très sous-estimés si l’on se réfère aux
scandales des trafics d’armes... non chiffrés bien entendu. Ces
chiffres sont à comparer : 10 aux 45 milliards de dollars que
les pays en voie de développement (PVD) ont déboursé
pour payer les intérêts de leur dette extérieure,
et 2°, aux 35 milliards de l’aide des pays de l’OCDE.
Chine exclue, les dépenses militaires totales -il ne s’agit plus
seulement des achats d’armes- des pays du Tiers-Monde représentent
entre 120 et 150 milliards de dollars, soit 15 à 20% des dépenses
militaires mondiales. Pour 25 PVD, ces dépenses servent à
faire face à des conflits armés internes.
Les ventes d’armes, certes, font d’abord tourner les industries d’armement
des pays industrialisés. Mais les dépenses militaires
ont un autre but : Dans tous ces pays, écrit G. Grellet, elles
bénéficient d’une priorité budgétaire, en
général pour servir les stratégies de domination
des groupes au pouvoir... En 1985, le Pakistan y aurait consacré
38,5 % de son budget, le Pérou 33%... Quant au Burkina Faso,
un des pays les plus pauvres du monde, il affecte plus de 18% de son
budget à l’armée".
L’auteur analyse ensuite les formes de domination en
distinguant divers groupes de pays :
" Pays sans conflit déclaré, mais avec de graves
difficultés internes, tels que Argentine, Uruguay, Tunisie. "La
montée des dépenses militaires peut apparaître a
priori surprenante, mais elle peut s’expliquer largement par la crise
économique elle-même qui a pour conséquence de renforcer
les pouvoirs de l’armée et de la police (faire face aux révoltes),
y compris dans les pays en voie de démocratisation ".
" Pays où sont mises en place des politiques restrictives
sous l’égide du FMI.
"Ces pays... doivent réduire leurs subventions à
la Consommation, arrêter les programmes d’emploi public, diminuer
leurs investissements. Il en résulte une baisse du pouvoir d’achat
et une montée du sous-emploi. Dans de telles conditions, les
pouvoirs en place doivent être en mesure de compter sur l’armée
et la police pour contrôler des situations socialement explosives".
" Pays exportateurs de produits manufacturés.
" Ils font appel aux pouvoirs répressifs pour briser les
revendications salariales et maintenir des coûts de production
compétitifs".
Voir Argentine, Corée du Sud, etc...
30 FOIS PLUS
Le Pakistan, précise par ailleurs G. Grellet, consacre 1,1 % de son budget à la santé (espérance de vie : 51 ans), mais 30 fois plus à son armée. Partout, dans le Tiers-Monde, on sacrifie l’investissement productif aux dépenses militaires par essence improductives... et souvent destructives. "En Afrique Noire, depuis le début des années 1980, le retard annuel de la production sur la, croissance démographique est de 0,9. Stabiliser le produit par tête supposerait d’augmenter de 3 points la part de PNB consacrée à l’investissement. Or ces 3 points manquants équivalent à ceux consacrés par l Afrique subsaharienne à ses dépenses militaires".
Situation dramatique, on le voit. Avec le service de la dette extérieure, les achats d’armes, la démographie galopante (5 enfants sur 6 naissent dans les PVD), les manipulations capitalistes sur les cours des matières premières, sans oublier, pour certains, les catastrophes naturelles, on voit mal comment le Tiers-Monde peut ne pas s’enfoncer dans une immense société .duale Nord-Sud. L’aide des pays développés, quand elle existe, - Reagan par exemple l’a supprimée- évoque les Restos du Coeur au niveau mondial. Et on se demande par quel abus de langage, on ose encore appeler les pays du Tiers-Monde "pays en voie de développement".
HYPOCRISIE
La conclusion de G. Grellet mérite d’être
citée quasi in extenso :
"La poursuite de la militarisation du Tiers-Monde dépend
largement du bon vouloir financier et technique des grandes puissances.
Or la position de celles-ci reste entachée d’une grande hypocrisie.
En effet, d’une part, les pays les plus pauvres s’entendent prêcher
la rigueur budgétaire, l’effort en faveur de l’investissement
productif, la nécessité du remboursement des dettes et
voient le Fonds monétaire international s’inquiéter de
l’ampleur de leur budget militaire. D’autre part, ces mêmes pays
se voient courtisés par les industries d’armement des grandes
puissances pour lesquelles ils représentent des débouchés
essentiels ; 51 % des ventes américaines d’armes, 76% des ventes
soviétiques et 86% des ventes françaises ont été
destinées au TiersMonde dans la période de 1982-1986"
:
Vous avez bien lu : 86% des ventes françaises.
PAYS INDUSTRIALISÉS
La société duale s’aggrave
L’évolution Nord-Sud vers le "dualisme"
(Nord toujours plus riche, Sud toujours plus pauvre) se double d’une
évolution parallèle au sein des pays industrialisés.
L’article de notre ami H. Muller, dans la Grande Relève de Janvier,
analysant le livre d’Alain Minc « La machine égalitaire »,
qui a fait quelque bruit, apporte sur ce problème un éclairage
inquiétant. Je n’ai pas lu le livre d’A. Minc, mais j’ai lu plusieurs
articles à son sujet. A la lecture de l’article de H. Muller,
je me demandais si la société duale, née du fait
de la crise, n’était pas en train d’être institutionnalisée,
« philosophiquement » pensée, codifiée, seule
admise pour l’avenir dans le cadre de la survie du capitalisme, alors
que, pendant les « 30 glorieuses », la société
était relativement « ouverte ». Lorsque le chômage
était limité, les chômeurs avaient des indemnités
quasi équivalentes au montant de leur salaire antérieur.
Rappelez-vous Pompidou : 1 million de chômeurs, ce serait l’explosion.
Et puis, il y a eu 1 million, 1,5, 1,7, 2, 2,5, 3 millions de chômeurs.
Pas d’explosion. Au contraire, une sorte de résignation. Les
syndicats de chômeurs, qui en parle ? Alors, la classe possédante
a respiré. Les plus lucides des patrons savent que la situation
est irréversible et qu’il faut la dominer.
Pour les aider à défendre leurs privilèges, les
clubs de Droite - presque d’extrême droite comme le Club de l’Horloge-
ont dessiné, derrière le paravent du libéralisme,
cette société duale où les plus forts doivent gagner
-c’est parfaitement normal-, où les faibles subissent : quand
ils subissent trop (en fait, quand ils ne peuvent plus subsister), on
lance le tam-tam des restos du coeur.
Pour parachever l’oeuvre, comme si les « penseurs » de droite
ne suffisaient pas, des gens qui laissent (camouflage de trahison oblige)
traîner derrière eux un parfum « d’homme de gauche
» - les de Closets, Minc, Sorman et autres Montand - viennent
affirmer que la société qui se développe va bien
dans le sens de l’évolution de l’histoire.
SOUS-HOMMES AUX ORDRES
Dans une émission de Cavada fin 1987, sur les manipulations génétiques, on a pu entendre un témoignage horrifiant ; même si, du fait de son caractère excessif, Cavada l’a tourné en dérision, il montre bien jusqu’où peut aller une pensée d’extrême droite. Voici : un Italien propose de créer des mutants rétrogrades, sorte d’hommes de Néanderthal, « pour avoir des sous-hommes pour les tâches subalternes » (sic).
Dommage qu’Hitler soit mort ! cette proposition l’aurait
intéressé.
Notre « penseur » se casse bien la tête : déjà
80% des travailleurs actuels -dignes, eux de leur ancêtre sapiens-sapiens
de Cromagnonfont des tâches subalternes, ont un travail déqualifié...
quand ils en ont un : en France, la réserve est de 3 millions
d’individus. Alors...
Et c’est, bien ce que confirme le « colloque sur les mécanismes
de création d’emplois aux États-Unis », qui s’est
tenu à Paris les 21 et 22 janvier, colloque organisé conjointement
par le Ministère des Affaires Sociales et l’OCDE. Ecoutons Philippe
Séguin « L’objectif du plein emploi, au sens classique du
terme, n’est plus réaliste. Il faut le dire. Il faudrait accepter
l’existence de secteurs économiques où la productivité
progresse moins vite ». Ce qui impliquerait pauvreté, faible
protection sociale, emploi précaire de courte durée et
bas salaires... A la lumière des expériences présentées
(USA), M. Séguin s’est montré convaincu que des « gisements
d’emplois » (l’affreuse formulation, couramment employée
également par les socialistes) pouvaient naître "dans
le secteur social en développant une approche plus entrepreneuriale
de la fonction sociale" (quel charabia !) ou en favorisant ce qu’on
appelle aux USA ’l’industrie de la Commodité" (joli, non !)
(Le Monde 26.1.88).
DES LENDEMAINS QUI CHANTENT
Pour finir, Ph. Seguin a annoncé qu’il demanderait
à M. François Dalle, auteur d’un rapport (1) sur les «
petits boulots », de prendre une initiative susceptible d’encourager
partout l’apparition d’un véritable partenariat de développement"
(que de mots pour une pensée vide !).
"L’emploi d’aujourd’hui est celui d’un salariat plus fragile...
Je note qu’on peut travailler et être pauvre" déclare
Ph. Séguin en se référant aux 18 millions d’Américains
qui flottent entre un métier et un autre et ne disposent pas
du minimum vital.
Si ce n’est pas là l’aveu qu’on a admis, codifié la société
duale comme la seule possible, alors les mots n’ont plus aucun sens
(2).
Voilà les lendemains qui chantent que nous proposent nos dirigeants
qui, à l’aube de la campagne présidentielle, ont l’audace
de nous vanter leur oeuvre, « la France qui se redresse ».
Ils n’ont vraiment ni honte, ni complexes !
Mais que feraient les socialistes s’ils revenaient au pouvoir ? Il est remarquable que plus aucun leader ne se risque à parler de la résorption, ni même de la diminution du chômage. La réponse de Bérégovoy à notre camarade Girault (G.R. de janvier) montre clairement, si besoin était, que les socialistes n’envisagent plus un seul instant de sortir de l’économie de marché. Dans ce cas, que proposer qui diffère de la droite ? Ah, bien sûr, on se raccroche à la SOLIDARITÉ... C’est bien le moins qu’on puisse attendre de gens qui se disent de gauche. Mais en fait, c’est quoi ? Soyons clairs : les socialistes nous proposent une société « moins duale », un maintien de la protection sociale... C’est tout, pour l’essentiel.
Au grand jury RTL-Le Monde du 24/1/88, M. Rocard s’est écrié : "Voilà les 2 grands enjeux : qui paie P Et serons-nous une société d’exclusion ou de solidarité ? Ces deux grands enjeux sont en effet une affaire droite-gauche. C’est la grande affaire de l’élection présidentielle".
Programme un peu court, jeune homme, mais bien compréhensible quand on a renoncé à changer le régime du profit. Quel chemin à parcourir, amis distributistes, tant au plan mondial que national ! Oui, il faut vraiment faire lire la Grande Relève... et d’abord aux gens qui se disent de gauche !
(1) Rapport commandé du temps où les
socialistes étaient au pouvoir.
(2) Très Important : depuis la rédaction de cet article,
2 faits nouveaux sont venus illustrer notre propos.
- Pierre Juquin, lors de son passage à l’Heure de Vérité
le 1er février. a brandi des témoignages à la fois
dramatiques et hallucinants : : certains employeurs exigent pour des "boulots"
de Tuc - à 1200F par mois ! - bac + 2. - Quelques jours plus
tard, la presse révélait le contenu d’une lettre comminatoire
adressée le 23 janvier par Philippe Séguin au Directeur
Général de l’ANPE : prière de rayer des listes de
l’ANPE les jeunes de moins de 25 ans qui refuseraient un boulot de Tuc.
Même si la manoeuvre électorale est évidente, cette
exigence définit bien la société que la droite
veut instaurer.
Et comme si la lettre du Ministre ne suffisait pas, le nouveau Directeur
de l’ANPE - nouveau, donc nommé par le pouvoir en place - la
répercutait à ses subordonnés avec ce commentaire :
"Vous devez appliquer sans état d’âme les instructions
relatives aux radiations de liste". Autrement dit : pas de pitié !.
Je prends la plume aujourd’hui ; et ce, pour la première
fois afin de m’exprimer au nom de tous les chômeurs actuels à
qui l’on ne donne que trop rarement la parole.
Quelle personne, à notre époque, peut se vanter d’elle-même
ou de son entourage de ne pas être ou avoir été
touchée par ce si terrible virus et pour lequel on ne voit pas
poindre l’antidote tant espéré, malgré toutes les
grandes phrases qu’utilisent si habilement nos dirigeants avant tout,
afin de se donner bonne conscience et de gagner par là même
au scrutin majoritaire.
Il ne suffit plus aujourd’hui de promettre ou de calmer l’opinion publique
par de médiocres résultats du style de ceux offerts au
journal de vingt heures, j’entends par là, ceux des données
corrigées des variations saisonnières qui frisent l’hypocrisie
à en être écoeurants.
On attend, pour l’heure, des résultats plus concrets et non des
pourcentages en baisse tirés par les cheveux ou des tentatives
vouées à l’échec par manque de volonté,
mais surtout parce que la balance financière s’use à détruire
plutôt qu’à bâtir ou à conserver.
La jeunesse, dit-on avec une certaine fierté, est l’avenir du
monde de demain que l’on qualifie prématurément déjà
de meilleur mais quel privilège de voir que celle-ci fait partie
des inutiles et de la masse des oubliés.
Que signifie à votre bon vouloir, ce terme tant employé
et si avilissant de « fins de droits », panache de la commission
paritaire des ASSEDIC qui à elle seule possède le droit
de conclure sur le sort de milliers de gens et par là même
de leur supprimer le droit de vivre et de manger. Quelle finesse de
psychologie que de faire comprendre aux êtres en dérive
qu’ils sont arrivés à échéance de l’aide
qui leur avait été si aimablement octroyée. Après
cela, que reste-t-il sauf cette merveilleuse chose qu’est la volonté
de survivre. La volonté d’être encore quelqu’un aux yeux
des autres et non un quidam. De ne pas se sentir rejeté comme
un vulgaire objet usagé. Et tout cela parce que notre société
n’est plus capable, dans son si bel essor, de faire face au seul droit
de tous, celui du travail.
Il existe bien entendu, des couloirs d’orientation comme par exemple
celui de l’aide à la création d’entreprise certes, créée
pour la circonstance afin de sauver la face et montrer que l’on ne nous
oublie pas, mais vous franchissez la porte avec conviction et ressortez
de l’entretien ahuri tant le chemin de la procédure est semé
d’embûches et vous apparaît comme impossible.
Comment voulez-vous aussi rester crédible aux yeux des organismes
financiers alors que pour tous vous être arrivés à
l’issue fatale des classés sans revenus. A cause de cela toutes
les portes se referment.
Je ne parlerai pas non plus de cette fâcheuse étiquette
qui aujourd’hui vous colle à la peau. Comme si vous étiez
fautif et coupable de votre condition de chômeur.
Une des choses les plus injustes aussi est le fait même, que tant
que vous percevez une allocation, que celle-ci soit de base ou de fin
de droits, on ne vous laisse pas tout-à-fait tomber. C’est-à-dire
que régulièrement on vous convoque afin d’établir
ce que l’on appelle un bilan de situation afin d’essayer de trouver
une solution à votre cas personnel. Quant à l’A.S.S.E.D.I.C.
elle vous adresse tout aussi régulièrement un questionnaire
à compléter afin de s’enquérir de vos démarches
personnelles en matière de recherche d’emploi. Mais, là
où les choses deviennent insupportables, c’est lorsque vous faites
partie des simples demandeurs d’emploi sans toucher la moindre allocation.
Alors là, vous vous rendez compte qu’à ce stade vous êtes
seul et n’intéressez plus personne. Finies les convocations,
finis les formulaires. Vous êtes déjà classés
dans les oubliés, car vous ne coûtez plus rien à
la société, mis à part le fait que vous restez
un assisté au niveau de la couverture sociale.
Il est très facile de dire que la jeunesse se refuse au travail
lorsque les seules propositions faites ne sont que diverses formes de
contrats à durée déterminée ou encore, plus
proche de nous, la pire des trouvailles en matière d’exploitation,
je veux dire bien entendu les T.U.C. et que la seule contrepartie de
votre travail ne dépasse pas 1.700 Frs par mois, mais il est
vrai que cette somme représente aujourd’hui, on ne sait trop
sous quel critère, le minimum vital.
En continuant de la sorte, nous conditionnons les jeunes à se
laisser aller, à se démotiver pour la vie et par là
même nous grossissons volontairement ce qui nous fait le plus
peur, la jeune délinquance.
Il est intolérable de penser que la seule solution à ce
grave fléau que représente le chômage se trouve
entre les mains de ceux qui gouvernent, mais que, faute de ne pouvoir
posséder l’argent, c’est toujours lui qui les dirige.
Malgré tout, nous continuons à investir en tous moyens
de destruction plutôt que de sauver les hommes du grand piège
du monde moderne que représentent les nouveaux pauvres.
Il n’y a pas pire pensée que de se rendre compte qu’en période
d’abondance, naissent de plus en plus nombreux les milieux défavorisés.
Tout cela parce que les hommes ne maîtrisent plus ce qu’ils appellent
la finance et par là même deviennent aveugles à
ce qui ne rapporte pas.
C’est pour cette raison qu’il faut continuer à lever la tête,
à montrer que nous sommes là, ainsi qu’à clamer
inlassablement notre droit au travail comme tous, dans ce monde d’égoïstes.
Je ne pouvais terminer cette réflexion sans remercier certains
organismes tel que les restaurants du coeur, créés par
un grand homme comme COLUCHE qui lui seul avait compris combien son
aide apporterait aux laissés pour compte, chaleur, réconfort
et pain quotidien. Derrière tout cela, il faut aussi tirer un
coup de chapeau aux bénévoles qui mettent leur temps,
mais aussi et surtout leur coeur au service des autres car sans eux
rien de pareil n’aurait été possible.
Merci aussi à tous ceux qui dans l’ombre et dans l’anonymat font
grandir la solidarité et surtout lui donne son vrai sens. Ceux-là,
pour nous, tous, sont de grands hommes.
UNE RÉUNION
La monnaie est évidemment un élément
capital de tout système économique, depuis le plus primitif
jusqu’au plus évolué. Du coquillage de la préhistoire
à la monnaie électronique généralisée
des prochaines années en passant par l’or, les humains ont toujours
recherché le meilleur moyen intermédiaire pour faciliter
leurs échanges.
Se fondant sur une abondante documentation et notamment sur l’ouvrage
de Jacques Duboin "Les yeux ouverts" (1) Jean-Pierre Mon a
traité ce sujet le 18 janvier devant les auditeurs de la salle
de "la Libre Pensée" avec le titre principal "Démystifions
l’argent" et en sous-titre "la fausse monnaie des banquiers,
des Etats et des truands - la vraie monnaie distributive". Cet
exposé suivi de questions et de réponses a permis, après
un historique complet, de mettre en évidence les caractéristiques
essentielles et révolutionnaires de la monnaie que nous préconisons
représentative de la production, s’éteignant au premier
échange donc non thésaurisable, invariable, précise
et stable comme doivent l’être toutes les unités de mesure
et celle-là en particulier. Nous ne reviendrons sur cette réunion
que pour préciser qu’en attendant l’abandon de toute monnaie
souhaitable dans l’absolu, tel que le conçoivent les anarchistes
et les libertaires, il nous faut bien, dans une première étape,
et en attendant l’instauration de l’abondance généralisée
sur la planète, permettant la satisfaction de tous les besoins,
passer par des étapes, où la monnaie sera encore nécessaire.
Pour le reste, nous renverrons le lecteur au livre cité (1).
LES OUVRAGES DE J.R.
Nous nous intéresserons donc, dans une étape
encore moins avancée que l’économie distributive, aux
propositions d’un économiste certes anticonformiste mais qui
se situe encore dans le cadre du capitalisme. Il s’agit de Jacques Riboud
qui anime le centre Jouffroy (2) créé en 1974 par la Revue
Politique et Parlementaire"... en vue de provoquer la réflexion
et la recherche, de mettre en question les idées reçues
sur la monnaie..." Il aime à citer ces phrases de Giscard
d’Estaing : « La véritable défaillance n’est pas celle
de la volonté, c’est celle du savoir... L’impuissance de la théorie
économique a, dans une large mesure, son origine dans l’ignorance
de la réalité monétaire » (3).
Urbaniste de formation, Jacques Riboud s’est donc lancé dans
le domaine réservé de l’économie et encore plus
de la monnaie et, non sans un certain courage, s’est attaché
à démolir de nombreux tabous entretenus par les spécialistes
de l’économie y compris les plus renommés. Il n’hésite
pas à entrer en contradiction avec Frederick von Hayek, Milton
Friedman, Samuelson, Tobin (4) et Lord Maynard Keynes luimême.
Il a reçu, au centre Jouffroy, bon nombre de ces personnalités
et participé avec elles à de nombreux colloques internationaux.
C’est dire sa renommée...
Les idées que nous examinerons sont tirées de « Mécanique
des monnaies » (461 pages-1978), « La monnaie dans ses artifices »
(278 pages1984) et « Controverse sur la banque et la monnaie »
(146 pages-1986) (5).
L’IGNORANCE EN MATIÈRE MONÉTAIRE
L’auteur constate, jusque parmi les plus grands, des déficiences dans la connaissance monétaire qui ont eu de tragiques conséquences. Il pense que la « crise » a été aggravée par l’insuffisance des mesures prises pour la juguler. Alors que les liquidités manquaient, les autorités, obnubilées par la défense des monnaies et la crainte de l’inflation n’osèrent pas prendre les mesures qui s’imposaient et prônaient, comme Roosevelt lors de son accession à la présidence en 1933, l’équilibre rigoureux du budget et des décisions d’économie. « ...Ce qui a marqué la grande crise des années 30 est qu’elle ne s’est pas résorbée, qu’elle a persisté et n’a été effacée qu’au début des années 40 par la guerre... » observe Jacques Riboud comme nous le soutenons depuis plus de 40 ans avec de plus en plus d’approbations, il faut l’admettre. Il se consacre à clarifier les mécanismes qui sont à la base de la création, de la circulation et des échanges monétaires, préférant cela aux abstractions d’un grand mérite, peutêtre, mais qui sont de moins en moins accessibles. Or, il convient, afin d’éviter les conséquences tragiques des insuffisances passées, de débattre de ces questions sur la place publique, comme on le fait plus aux Etats-Unis qu’en France. Nous ne pouvons qu’approuver ces remarques de bon sens et applaudir avec l’auteur cet extrait de l’Economist du 11 octobre 1985 : « ..Le système monétaire affecte la vie de tous les jours. Pour des millions, il fait la différence entre, une pauvreté supportable et une pauvreté intolérable... ».
LA NATURE DE L’ARGENT
Un premier préjugé auquel il s’attaque concerne la nature de l’argent. La théorie classique veut que la monnaie actuelle soit « représentative d’un bien ». Cette idée doit être abandonnée. Le signe monétaire n’est qu’« ...une simple créance sur une institution (arbitraire et artificielle : institut d’émission, banque) qui a le pouvoir remarquable d’être échangée directement contre une fourniture de biens et services et d’assurer ainsi les transferts et la conversion de production en consommation ou investissement, fondement de l’économie... ». C’est bien également ce que nous pensons sur la dématérialisation progressive de la monnaie capitaliste.
LA CRÉATION MONÉTAIRE
Nous ne perdons pas de vue que les thèses examinées
sont celles de l’économie actuelle et ne s’écartent donc
pas de l’orthodoxie, notamment : la régulation des échanges
par le marché. Néanmoins l’on dècouvre à
la lecture que leur auteur n’hésite pas à dénoncer
un grand nombre d’idées reçues. Ainsi, nous nous retrouvons
également sur les mêmes positions, en ce qui concerne la
création de monnaie. Voilà bien longtemps que les distributistes
soutiennent que les états ont perdu leur pouvoir exclusif et
autrefois régalien de battre monnaie au profit des banques. Jacques
Riboud est de cet avis, mais il conteste que la création ait
pour origine le prêt. Les économistes modernes expliquent
la multiplication des signes monétaires, partant de la monnaie
centrale créée par la banque d’émission, par le
principe du multiplicateur ou des vagues successives de crédits
consentis par les banques commerciales. Notre auteur s’inscrit en faux
contre cette thèse car les vagues n’aboutiraient qu’à
une contraction et non à une expansion de la somme originelle.
Cette position n’est guère convaincante, car elle se réfère
au bilan de la banque et non à l’ensemble des banques prêteuses
et à la quantité de crédit mise en circulation.
Au contraire J.R. donne au moyen de tableaux à double entrée
des éclairages clairs et satisfaisants sur cet autre moyen de
multiplier la monnaie qu’est la compensation. Disons seulement que les
représentants des banques se réunissent journellement
au sein de chambres de compensation (6) où ils présentent
les chèques tirés par leurs clients. Les banques ne se
règlent entre elles, en monnaie centrale, que les montants restant
dus après annulation des quantités qu’elles se doivent
réciproquement. Des exemples simulés et quantifiés
et les statistiques du Conseil National du Crédit montrent que
les sommes mises en circulation, qui elles continuent à s’échanger,
sont dix fois supérieures aux règlements interbancaires.
C’est ainsi que les banques créent de la monnaie.
LES MASSES MONÉTAIRES ET LEURS MOUVEMENTS
Il faut en effet distinguer les différentes
masses monétaires, ou agrégats, ci-après groupés
en fonction de leurs rôles dans l’économie et le mécanisme
monétaire
Mo=« Monnaie centrale » constituée par les billets
et pièces en circulation dans le public auxquels s’ajoutent les
réserves des banques en compte à la Banque Centrale.
Ml=« Disponibilités monétaires », soit la monnaie
centrale en circulation dans le public (Mo) plus les soldes créditeurs
des comptes courants bancaires.
M2=« Masse monétaire » soit Ml + les autres dépôts
en banque.
M3=M2+ les autres signes dits liquides (dépôt aux caisses
d’épargne, etc...). J.R. critique d’ailleurs cette classification
qui ne distingue pas assez la monnaie de règlement de celle qui
ne l’est pas et confond des composants dont la liquidité est
différente. Il l’utilise néanmoins car elle fait l’objet
de publications statistiques qui permettent de suivre l’évolution
des prix (p), du volume de la production (P), de la masse monétaire
(M2) en fonction de la vitesse de circulation (ou vitesse revenue) (v)
(7) et du Produit intérieur brut (PIB).
L’on peut écrire, en effet :
v = PIB/M2 = Pp/M2
et les variations p’ = M2 + v’ - p’
Ces équations monétaristes permettent
théoriquement aux responsables financiers de réguler les
prix en fonction de la vitesse de circulation et de l’évolution
prévue de la production (connues) en agissant sur M2 par le moyen
de Mo (rapport de 1 à 10).
Tout est donc théoriquement parfait mais, l’auteur le signale
lui-même, les différents facteurs ne sont pas indépendants
les uns des autres. Ainsi les variations du niveau des prix réagissent
sur l’évolution de la production, la vitesse de circulation n’est
pas constante, elle évoluera encore davantage avec la généralisation
des cartes de crédit électroniques, etc... De plus, des
inconnues subsistent : SICAV et FCP sont-elles des liquidités
? Quel est l’effet exact des indexations diverses ? Il faudrait également
faire intervenir, écrivait Paul Fabra, dans « Le Monde »
du 19 novembre 1985, l’accroissement de la productivité, etc...
Les équations reproduites ci-dessus semblent toutefois expliquer
pourquoi les politiques monétaires de relance de la production
échouent. En effet avec v - 4,5, il faudrait que P soit multiplié
en un an par 4,5 également pour que le niveau des prix reste
constant.
Quoiqu’il en soit et en raison des interactions, nul n’a encore trouvé,
en ce régime, comment relancer la production sans créer
de l’inflation. « ...Le monétarisme, écrit J.R.,
repose sur de saines notions, tout comme l’étalon-or, il y a
cinquante ans ; mais l’application rigoureuse et systématique
d’une théorie abstraite sur une économie complexe peut
avoir des effets seconds imprévus, dévastateurs... ».
L’UNITÉ
L’auteur reconnaît néanmoins la nécessité
d’une unité monétaire extranationale, c’est-à-dire
dégagée des influences d’un gouvernement qui tente, en
agissant sur sa monnaie, de réguler son économie intérieure,
sans se soucier des implications extérieures pour les autres
nations, aussi néfastes soientelles. Cette réforme drastique
devrait se faire malgré une profession bancaire et une haute
administration hier encore très défavorables. J.R. propose
pour cela l’« écu constant » qu’il avait appelé
dans ses premiers ouvrages « eurostable ». Il s’agirait d’un
écu modifié afin de se défaire entièrement
des variations actuelles de cette unité dues aux différences
de change de ses monnaies nationales européennes constitutives ;
non seulement entre elles, mais vis-à-vis des monnaies extra-européennes.
La modification consisterait à faire varier la valeur et la composition
de l’écu afin de lui permettre de conserver un pouvoir d’achat
constant dans tous les pays européens, c’est-à-dire de
correspondre à l’échange possible avec un panier de produits
fixé ! En somme, c’est la parité du pouvoir d’achat (P.P.A.)
de l’écu (8).
Par rapport à la proposition de nouvelle monnaie de l’économiste
mondialiste décédé Charles Warin, le projet de
J.R, comporte un aspect positif : sa constance et un aspect négatif :
son européanisme. Charles Warin proposait lui une unité
mondiale basée sur la valeur d’un panier de matières premières.
Comme l’envisageait Frederick Hayek déjà cité :
« Tout le monde devrait pouvoir faire sa monnaie, la meilleure
gagnerait. Le marché ne peut se tromper... ». N’est-ce point
là faire une confiance aveugle au libéralisme dont nous
avons toutes les raisons de nous méfier ? D’ailleurs J.R. bien
qu’ayant soutenu son projet devant des aréopages internationaux
et prévu qu’un groupe d’eurobanques pourraient le soutenir ne
semble pas avoir beaucoup progressé dans sa réalisation.
C’est qu’il se heurte à des oppositions puissantes dont il a
conscience d’ailleurs. Sa description du fonctionnement des instances
financières internationales, comme le FMI ou la Banque Mondiale,
le montre bien. Il sait que la monnaie est un moyen capital entre les
mains des maîtres du système qui leur permet de diriger
les échanges à leur guise. il décrit l’emprise
des États-Unis sur les institutions et le peu de cas que leurs
représentants font de l’avis des autres membres.
LE SOCIAL
Néanmoins notre auteur ne se décourage
pas, semble-t-il. Il multiplie les propositions et les mises au point.
Les préoccupations sociales ne sont pas absentes de ses livres.
« La monnaie dans ses artifices » contient une proposition
d’allocation complémentaire de revenu minimal » qui s’apparente
aux multiples projets dont nous entretenons nos lecteurs régulièrement.
« Mécanique des monnaies » est préfacée
par Henri Guitton de l’Institut dont on sait les attaches avec le christianisme
social. On sent d’ailleurs que H. Guitton n’adhère pas tout à
fait à la conviction de Riboud selon lequel : « ...il y a
une mécanique des monnaies, comme il y a une mécanique
des sols, une mécanique des fluides... ». Les êtres
vivants, écrit le préfacier, ont des réactions
(financières) plus mystérieuses, plus difficiles à
saisir que les simples effets physiques. II faudrait savoir d’ailleurs
si les phénomènes physiques sont aussi simplistes que
le pense Henri Guitton.
J.R. nous parait donc intéressant dans la mesure où, praticien
de talent de la monnaie, il rejoint nos idées sur des nombreux
points. Son apport à la connaissance étroite des échanges
monétaires dont nous n’avons pu donner ici qu’un rapide aperçu,
est essentiel. Ainsi que les propositions de revenu de base, l’écu
constant pourrait peut-être, c’est à discuter, apparaître
comme une transition vers une monnaie distributive européenne.
Nous ne pouvons nous permettre d’ignorer Riboud et nous pourrions tirer,
au contraire, le plus grand profit, non seulement à l’étude
de ses travaux, mais du soutien que ces propositions pourraient nous
apporter dans notre longue marche vers la démocratie économique.
(1) En vente à la Grande Relève.
(2) 88bis, rue Jouffroy 75017 Paris.
(3) Préface de "Monnaie et Financement’.’ par Jean Denizet
(Ed. Dunod).
(4) Tous prix Nobel de "Sciences Économiques".
(5) Tous édités par la Revue Politique et Parlementaire,
diffusés le premier par Armand Colin, les deux autres par les
P.U.F.
(6) Ce pourrait être fait également plus rapidement par
des interconnexions d’ordinateurs, avec des conséquences dont
nous dirons un mot plus loin.
(7) En 1985, v était d’environ 4,5, c’est-à-dire que la
disponibilité monétaire ou masse de monnaie de règlement,
donc les signes monétaires effectuaient en moyenne 4,5 transactions
finales dans l’année, soit une tous les 81 jours environ.
(8) Voir "Economie politique" dans la G.R. n° 861.
Dans "La Croix l’Evénement" du 19
novembre 1987, Jean Dubois estime qu’il faut
REMETTRE LE TRAVAIL A SA PLACE
Il écrit notamment :
Il est temps de prendre nos distances à l’égard du travail,
urgent de ne plus lui laisser la place centrale qu’il occupe dans notre
société depuis le XIXe siècle. Séduits par
les promesses de ceux qui nous disaient que, grâce à son
travail, l’homme serait maître de son avenir, nous sommes devenus
les victimes de son impérialisme. Celuici est tel que, pour l’homme
moderne, perdre son travail c’est tout perdre à la fois : ses
ressources, sa raison de vivre, son identité sociale. Focalisés
par le travail, nous oublions que, dans l’histoire des sociétés,
la nôtre, constitue une exception. Loin d’être le couronnement
de l’histoire, la civilisation du travail pourrait bien n’en être
qu’un accident.
Toutes les sociétés qui nous ont précédés
se sont posé les mêmes grandes questions que nous comment
survivre ? Comment se développer ? Comment vivre ensemble ? La
nôtre est la seule à avoir imaginé pouvoir se contenter
d’une seule réponse : travailler... Nous sommes en train de découvrir
que nous nous sommes fourvoyés dans des impasses dont nous ne
sortirons qu’en cessant de faire du travail la valeur centrale de notre
société.
Première impasse : celle où nous a conduits la volonté
de lier l’attribution d’un revenu au travail effectué. Le développement
de systèmes techniques aux performances croissantes chasse progressivement
les hommes des lieux de la production. Dans cet univers d’un travail
devenu abstrait, impossible d’affecter à chacun la part précise
correspondant strictement à son effort. On en arrive à
cette absurdité : travailler ne veut plus dire que vous faites
quelque, chose mais simplement que vous percevez un salaire. L’inscription
sur les registres d’une entreprise vous donne le droit de gagner votre
vie.
Puisqu’il est à prévoir que l’on ne pourra même
plus donner de l’emploi à tous, il faudra bien se résoudre
à déconnecter travail et revenu pour trouver d’autres
critères de répartition des ressources.
Deuxième illusion : à savoir que le progrès, en
nous libérant des tâches serviles, nous permettrait d’accéder
à l’ivresse du travail créateur. Le malheur est que l’on
ne demande pas au travailleur moderne de réaliser l’oeuvre personnelle
qui serait la concrétisation de son rêve original. Si un
travail choisi et enrichissant reste le privilège d’une petite
minorité de concepteurs, le travail subi est le lot de la masse
des exécutants. Il ne leur reste plus qu’à attendre la
fin du travail pour commencer à s’occuper de leur réalisation
personnelle.
Troisième espoir déçu : qu’au lieu d’être
figés à vie dans l’identité imposée par
leur carte de naissance, les individus aient enfin une chance égale,
par la grâce de leur seul travail, d’acquérir une identité
propre... Le choix n’est plus qu’entre le conformisme ou la marginalisation.
Ce ne sont pas des modifications, obligatoirement mineures, des modalités
actuelles du travail quinous feront sortir de ces impasses. Il n’y a
pas d’autre issue que de dévaloriser ce travail qui a donné
son nom à notre société pour instaurer une nouvelle
société sur d’autres valeurs.
(Envoi de H. Muller)
***
LES DÉMARREURS DE VALEO
Le numéro un français de l’équipement automobile investit. Et supprime des emplois. Ainsi, une nouvelle usine Valeo sera mise en service fin 1988 à l’Isle-d’Abeau dans l’Isère. Cette modernisation s’accompagne d’une réduction d’effectifs. Pour une capacité de production de plus de deux millions de démarreurs, on ne comptera plus que mille deux cents personnes. Alors que l’établissement lyonnais en employait jusque-là deux mille deux cents...
"Le Monde des Affaires" 9.1.88
***
BOTTES ASIATIQUES
Pour la première fois, de mémoire de
statisticien, les importations françaises de chaussures en provenance
des pays en voie de développement (Asie du Sud-Est notamment)
ont dépassé les importations en provenance de la CEE.
Cette statistique n’est qu’un élément du triste bilan
que la Fédération nationale de l’industrie de la chaussure
fait de 1987. L’année dernière, les effectifs dans ce
secteur (50.000 personnes au 1e, janvier 1987) ont diminué de
10 %. Ce sont les importations en provenance des pays à bas salaires
qui sont mises en cause par les professionnels. Alors qu’en 1985, une
paire de chaussures sur deux était importée, 70 % de notre
consommation intérieure viennent aujourd’hui de l’étranger.
C’est l’Asie du Sud-Est qui a le plus bénéficié
de ce phénomène.
"Le Monde des Affaires" 9.1.88
***
BIEN JOUÉ
Les Français ont joué, en 1987, 45 milliards
de francs au Loto et au PMU. C’est, à un pneu près, le
chiffre d’affaires de Michelin.
Le PMU et le Loto sont, dans l’ordre, selon le journal l’Expansion,
les troisième et quatrième sociétés de services
derrière Air France. "Le Monde" 13.1.88
A comparer avec les pertes boursières !
***
Dans la rubrique "A travers les revues" et sous le titre "les deux figures du chômage" par Michel Beaud "Le Monde" du 19.1.88 publie un article dont nous avons relevé les 2 extraits suivants qui vont dans le même sens que ce que nous écrivions récemment dans la G.R. D’abord concernant les statistiques Chef de la division Emploi du département Populations-ménages de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), Claude Thelot nous donne quelques clés pour la mesure du chômage et de son évolution. Car l’observateur attentif et de bonne foi a de quoi être troublé : il y a un écart important entre le nombre des chômeurs au sens du Bureau international du travail (BIT) et celui des demandeurs d’emploi en fin de mois à i Agence nationale pour l’emploi (ANPE) : en mars 1987, respectivement 2567000 et 2689000. Bien plus, il y a divergence dans leurs évolutions : de mars 1986 à mars 1987, le premier a augmenté de 4,9 % et le second de 8,4 %
Avec beaucoup de pédagogie, Claude Thelot fait
la part de la fragilité des instruments de mesure. S’agissant
des chômeurs au sens du BIT, ils sont mesurés sur la base
de l’enquête emploi qui porte sur un échantillon de 64
000 ménages : compte tenu des aléas, on peut être
presque sûr que leur nombre a augmenté, en un an, dans
une fourchette comprise entre 1,6 % et 8,2 %... S’agissant des demandes
d’emploi en fin de mois, il y a eu une modification dans le traitement
des statistiques du marché du travail en cours d’année,
et il a donc fallu "reconstituer" le chiffre de mars 1986,
ce qui introduit une "petite incertitude" mais leur évolution
"est très probablement comprise entre 7,9 et 8,8 %".
Puissent les hommes politiques qui se targuent d’un infléchissement
de quelques dixièmes de point de tel ou tel indice lire et méditer
cet article...
***
Ensuite sur l’emploi de l’expression "sciences
sociales" (voir Économie Politique G.R. n° 861).
J’entends encore Jean Bouvier : "L’épithète de scientifique
a le don de me hérisser profondément (...). Je n’emploie
plus cette expression de scientifique, ni à propos de l’histoire
- celle que je fais, - ni à propos de l’analyse économique.
Les "sciences humaines et sociales" font ce qu’elles peuvent.
Recherchent-elles la scientificité ? Je n’en sais rien ; je ne
sais plus ce que c’est. A mes yeux, ce qui compte, c’est l’honnêteté
intellectuelle du chercheur"
Au terme d’un article sur "l’expansion et la diversification croissante
de l’univers des sciences sociales", Frédéric H.
Gareau, professeur à Florida State University, aboutit à
une conclusion voisine.
Il rejette le concept même de "sciences sociales" :
à ses yeux, il y a, dans le domaine de la connaissance, d’un
côté les sciences (exactes et naturelles) et de l’autre
les "nonsciences" ; au sein desquelles se rangeraient les prétendues
"sciences sociales". Dès lors, ’l’appellation d"’études
sociales" serait une désignation plus honnête et plus
fidèle des disciplines dont nous parlons que l’étiquette
actuelle qui parait bien prétentieuse".