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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 860 - octobre 1987

 

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N° 860 - octobre 1987

Zaitech contre Hightech   (Afficher article seul)

L’express s’inquiète   (Afficher article seul)

Réflexions d’un mutualiste   (Afficher article seul)

Une possibilité : la mise en œuvre la carte à mémoire   (Afficher article seul)

Vous avez dit chômage ?   (Afficher article seul)

Economie et corps humain   (Afficher article seul)

Perspectives de travail et de revenu dans la société d’abondance   (Afficher article seul)

Seule la vérité blesse   (Afficher article seul)

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Zaitech contre Hightech

par M.-L. DUBOIN
octobre 1987

Savez-vous combien il faut aujourd’hui de Japonais pour fabriquer une automobile ?" "Il en faut quatre : un pour dessiner la voiture, un autre pour la construire... et deux pour spéculer sur la Bourse de Tokyo".
Ceci est la dernière histoire non pas belge mais japonaise, et elle serait bien bonne si elle ne se rapportait pas au plus beau gâchis de tous les temps : dans les pays dits civilisés on consacre aujourd’hui autant de temps (et autant d’ingéniosité) à spéculer sur les marchés financiers (le mot zaitech est fait de zai qui désigne la finance en japonais) qu’à produire les biens dont les gens ont besoin - ces biens qui se fabriquent si facilement maintenant, grâce à la haute technologie (high tech), qu’il est à la portée de l’humanité de nourrir tout son monde, voire même d’assurer le bien-être matériel pour tous. Ce gâchis de matière grise fait qu’on dépense ainsi bien plus d’ingéniosité à chercher à faire de l’argent avec de l’argent, à jongler avec des chiffres en mettant à profit les immenses moyens informatiques récemment mis au service des marchés financiers, qu’à tout simplement chercher à organiser l’économie en fonction des besoins !
Le résultat est inquiétant. Car l’emballement des marchés financiers, la flambée des cours des Bourses qui résultent de cette frénésie spéculative, apparemment sans limite depuis les déréglementations, mais qui ne traduisent pas, loin de là, une saine croissance de l’économie, rappellent à certains l’euphorie qui précéda le krach de 1929.
A cette époque, J. Duboin cria : "Nous faisons fausse route" (1) ! Mais son analyse de "Ce qu’on appelle la crise" (2) ne fut pas prise au sérieux, pas plus que son avertissement sur "La Grande Révolution qui vient" (2) et de "La Grande Relève des Hommes par la Science" (3) qu’elle entraînait.
Il eut raison "trop tôt" lui-a-t-on reproché. Cinquante ans plus tard, les distributistes s’efforcent encore d’"ouvrir les yeux" de leurs contemporains avant qu’il ne soit trop tard  !
Mais c’est là une bien rude tâche lorsqu’on n’a pas un large accès aux différents média, qui ne sont ouverts qu’aux "vedettes" de toutes espèces. Ainsi avons-nous pu voir il y a quinze jours la désormais classique (mais consternante par son analyse) émission "l’Enjeu" consacrée à "la crise". En guise de conclusion, sa suffisance de Closets interviewait Jacques Delors et Valéry Giscard d’Estaing. A les entendre, tous nos maux viennent des divers déficits américains. Mais, disent-ils, "les Etats-Unis sont une grande nation et il est indispensable qu’ils ne prennent pas rapidement les mesures adéquates pour réduire leurs déficits !"
Comme quoi les grands hommes politiques peuvent être de grands naïfs : ils ont tout simplement oublié de se demander pourquoi les Etats-Unis avaient intérêt à réduire leurs déficits tant que le dollar reste la monnaie universellement acceptée pour tous les échanges.

(1) Titre publié en 1931 aux Editions des Portiques
(2) Publié en 1934 aux Editions Nouvelles
(3) Publié en 1932 chez Fustier

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L’express s’inquiète

par R. MARLIN
octobre 1987

L’EXPRESS vient de publier un dossier intitulé  : "Le krach de1929 peut-il se reproduire ?"avec cette manchette  : "Les économistes en parlent, les financiers le redoutent... Jamais depuis le célèbre "jeudi noir" de Wall Street, le spectre de la crise n’a été si présent. Non sans quelques raisons".
Ces raisons sont surtout la fabuleuse dette américaine et la surcôtation de la bourse de Tokyo. "Au total, l’endettement extérieur net cumulé des Etats-Unis dépasse, au 30 juin, 460 milliards" (de dollars bien entendu). Cette situation est dangereuse, estiment les experts, surtout en raison de l’insuffisance de l’épargne intérieure. "Entreprises, certes, mais aussi fermiers du Middle West, employés de bureau new-yorkais et ouvriers de l’automobile de Détroit consomment et investissent plus que de raison". En mars 1987, Washington et, à sa suite, le monde capitaliste tout entier sont passés au bord de la catastrophe.
Les Japonais n’ont pas souscrit, comme ils le faisaient jusque là, à la moitié des 15 milliards de dollars mensuels en bons du Trésor que les américains émettent pour faire face à leur dette. Ils ne l’ont fait qu’après l’augmentation des taux à long terme, de 8,25 % à 9,75 %, décidée par la Réserve fédérale en mai. Le sommet de Venise du 8 au 10 juin et la réunion des gouverneurs des banques centrales des 15 et 16 juin ont mis fin à la spéculation contre le dollar, mais la confiance dans le billet vert n’est pas rétablie pour autant.

Au moment où sort son nouveau livre "Economics in perspective", John Kenneth Galbraith a déclaré à l’envoyé du magazine : "...Ce dont a besoin le monde, c’est d’une économie américaine intelligemment dirigée. Or, je ne vous surprendrai pas en affirmant que l’incompétence de ceux qui sont au pouvoir à Washington, depuis quelques années, est une évidence...". De son côté, lwao Nakatani, professeur d’économie à l’université d’Osaka affirme  : "...A moins que les Etats-Unis ne changent fondamentalement de politique, je crains qu’une crise, sous une forme ou sous une autre soit inévitable...". Or Stephen Marris, ancien économiste en chef de l’O.C.D.E. pense que le président refusera, comme impopulaire avant la prochaine élection présidentielle, une augmentation des impôts pourtant inévitable. Mais citons S. Marris : "Les financiers et les politiques ont beaucoup appris depuis soixante ans. Cela ne veut pas dire qu’une crise majeure, dans le sens moderne du terme, soit exclue. Bien au contraire. Je reste persuadé que d’ici à un an une récession - je préfère ce terme à celui de crise - se fera sentir à partir des centres occidentaux d’activité économique. Le "miracle reaganien" qui n’a jamais existé, a été bâti sur un flot inhabituel d’investissements étrangers, attirés par un dollar surévalué. La baisse de la monnaie américaine fera - et fait déjà - tarir cette source... ". Enfin deux courbes représentant l’indice Dow Jones de la bourse américaine entre 1912 et 1929, d’une part et entre 1970 et 1987 d’autre part, présentent une similitude extrêmement inquiétante... Quant aux actions nipponnes, elles ont la réputation "d’être surcotées". Le rapport entre leur capitalisation totale (*) et l’ensemble des bénéfices des entreprises est supérieur à 50 (15 ou 16 actuellement à New-York, 20 lors de la crise de 1929)... "On n’ose imaginer l’étendue du désastre si le marché japonais, brusquement pris de vertige, se décidait à s’aligner sur les normes d’appréciation en vigueur à Wall Street..." écrit le journaliste.
Dans un article final qui se veut rassurant, Jean-Claude Casanova estime que tout dépendra du prochain président qui sera élu en 1988. Il conclut ainsi : "Comment (le nouveau président) réduira-t-il le déficit public ? Sacrifiera-t-il les dépenses d’armement - ce à quoi l’entraîneraient les pesanteurs démocratiques et le charme de M. Gorbatchev ? Comment réagira-t-il à l’inflation et à la récession qui menacent l’une et l’autre ?
Si les Américains, comme il est vraisemblable, choisissent de désarmer (pour réduire le déficit) et de freiner l’économie (par la hausse des taux d’intérêt et la diminution des. dépenses fédérales), il appartiendra alors aux Européens, pour maintenir l’équilibre économique et celui de la sécurité de favoriser l’expansion et d’accroitre leurs armements, ce qui n’est ni incompatible, ni impossible... ".
Certes, ce n’est ni l’un ni l’autre, ajouterons-nous, puisque le système capitaliste ne connaît pas d’autre moyen pour se survivre que les fabrications d’armement.
Mais sera-t-il toujours possible de justifier le surarmement aux EtatsUnis ou en Europe ? Pourronsnous répondre éternellement aux propositions de désarmement de cette manière ? L’expansion ne pourrait-elle être consacrée à des oeuvres de paix ?

(*) Environ 2 700 milliards de dollars, au premier rang mondial avec Wall Street.

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A propos de la Sécu :

Réflexions d’un mutualiste

par R. MARLIN
octobre 1987

Voici des extraits du discours prononcé le 23 mai 1987 par René Teulade, Président de la Mutualité Française, lors du rassemblement pour la défense de la Sécurité Sociale, devant plus de 100 000 personnes :

"...Plutôt que de réduire les remboursements, il aurait été plus courageux de s’attaquer à deux maux dont souffre notre système : son opacité et sa complexité.
La réglementation et le vocabulaire ne sont compris que par quelques spécialistes. Il existe plus d’une trentaine de régimes à cotisations et prestations différentes.
Ce qui est clair, c’est que le régime général des salariés verse plus de 40 milliards de francs cette année aux autres régimes. Je rappelle que c’est deux fois le déficit attendu pour ce même régime en 1987.
Faire le point de ces circuits financiers complexes est impératif. Si certains régimes ont besoin d’aide, il faudrait d’abord que leurs bénéficiaires les financent en fonction de leurs revenus réels, et non supposés. Et une bonne part de cette "compensation", puisque c’est le terme, est du domaine de la solidarité nationale, donc de l’Etat. On ne voit pas pourquoi les salariés, dont on connaît les ressources, devraient payer les retraites de certains nonsalariés dont on connaît mal les revenus...
En ce qui concerne les cotisations des entreprises, et sans entrer dans le détail, on remarque que la production fait de plus en plus appel à la "machine" et de moins en moins au travail humain. Les cotisations assises sur les seuls salaires deviennent une absurdité économique...".
Il y aurait beaucoup à écrire sur ce sujet, nous y reviendrons sûrement. Contentons-nous cette fois de deux remarques :
1. Les "prélèvements obligatoires" dont se plaignent tant certains gros contribuables ne sont, en effet, pas toujours si mauvais, notamment lorsqu’ils interviennent comme redistribution en faveur des plus déshérités. C’est de leur utilisation néfaste, particulièrement pour la fabrication d’armements inutiles et dépassés aussitôt que construits, qu’il conviendrait de se plaindre.
2. Comment faire payer les "machines" ? Une taxe découragerait les "investissements productifs" et pénaliserait les entreprises nationales face à la concurrence. Alors quoi ? Le revenu social ?

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A propos de la Sécu :Une possibilité : la carte à mémoire

Une possibilité : la mise en œuvre la carte à mémoire

par H. MULLER
octobre 1987

L’allègement des charges de la Sécurité Sociale en matière de retraites, soit : un meilleur remboursement des malades et une moindre contribution des Mutuelles.
LA MONNAIE DE CONSOMMATION. - C’est un moyen de paiement qui s’annule à l’achat lorsqu’il a été utilisé, à la façon d’un billet de métro. Gagée par un certain volume de produits affectés d’un prix, elle se comporte, libellée en francs, comme une monnaie, matière à usages polyvalents, laissant le choix à consommer, différente en cela du bon d’achat généralement affecté à un produit déterminé, différente également du bonmatière, lequel correspond à une quantité donnée.
Elle est nominative et non transférable.
Après un recensement des ayantsdroit (chômeurs, retraités, allocataires), des ouvertures de crédit leur sont notifiées. Leur montant épouse approximativement la valeur des biens qui en constituent la contrepartie et dont le flux évolue avec le rythme des réapprovisionnements.
La monnaie de consommation se concrétise dans une carte de paiement à mémoires (du type Innovation), carte que l’on charge à la demande du titulaire, d’une partie ou de la totalité du crédit dont il dispose et qui se décharge dans un lecteur au fur et à mesure des achats en s’y positionnant.
La carte vidée, l’intéressé l’approvisionne à nouveau dans la limite de son avoir.
UNE PREMIERE EXPERIENCE peut commencer à l’aide de lots d’excédents de production désappropriée, déjà rachetés aux producteurs par les contribuables.
Plus besoin de détruire ou de stocker les surplus que refuse le marché. Une masse de consommateurs, jusque-là privés de pouvoir d’achat, se voient solvabilisés en monnaie de consommation et aptes à écouler ce qui ne peut se vendre avec profit sur le marché.
De surcroît, cette masse de revenus créés en monnaie de consommation, représente l’équivalent d’un fonds de salaires s’ajoutant aux indemnités de chômage, rétablissant un niveau de rémunération propre à une remise au travail, en matière de T.U.C. notamment.

LA MARCHE A SUIVRE serait la suivante :
- recensement des ayants-droit (retraités de la Sécurité Sociale, allocataires)
- ouverture en leur faveur d’un crédit mensuel venant, soit en complément d’une indemnité de chômage, soit en déduction d’un montant de retraite.
- collecte de lots de surplus auprès des offices français et européens de stockage et transports dans des locaux distincts de ceux du commerce, par du matériel mis à la disposition des caisses de Sécurité Sociale, des municipalités ou des associations, par les services des Domaines ou par l’Armée.
- personnel fourni par les municipalités au titre des T.U.C. et émargeant pareillement à une monnaie de consommation
- remise aux ayants-droit d’une carte de paiement à mémoires.
- équipement des locaux de distribution en lecteurs de carte (simplifiés ou non) dont le rôle sera réduit à celui d’une positionneuse enregistrant les débits successifs et le solde disponible sur la carte.
- la "vente" des produits aux titulaires de cartes s’effectue aux prix courants du commerce local. L’intérêt de l’opération
- écoulement des excédents et réduction des frais de stockage
- allègement du déficit de la Sécurité Sociale, d’où amélioration des remboursements aux malades
- diminution des compléments versés par les mutuelles
- enfin, possibilité de remettre au travail un certain nombre de chômeurs pourvus d’un salaire normal (dont une partie en monnaie de consommation).
- financement des T.U.C.

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Vous avez dit chômage ?

par PINOCHE
octobre 1987

"Chômeur" ? : ouvrier manuel des années 30 remplacé à son travail par une machine du "siècle électrique ou électronique", comme vous le voudrez. Dans les années 80, on peut ajouter des intellectuels, des médecins, des architectes, des P.D.G., des commerçants, des entrepreneurs, des éleveurs, des cultivateurs, des jeunes avec leurs CAP, leurs bacs, leurs licences et beaucoup de jeunes sans diplômes, etc... etc...

Des problèmes du "siècle électrique" encore non résolus il n’en reste que 2 : l’abondance que l’on s’acharne toujours à détruire allègrement malgré la misère et le chômage in et hors frontières.
Bientôt les élections présidentielles et chaque ténor viendra chez vous, grâce à la télé, vous expliquer comment, pourquoi et pour qui vous devez mettre le "bon bulletin" dans l’urne et chacun proposera une solution pour le chômage car ce sont des savants !
Quant à moi, comme SaintThomas, j’ai voulu y mettre le doigt et voici ce que ça a donné :
1939-1975 : chômage = 0 (guerre et après-guerre)
1975-1981 : V.G. d’Estaing, Président de la République, R. Barre en son temps Premier Ministre.
Résultats 1981 :
1 700 000 chômeurs
24.01.81 : Congrès extraordinaire du Parti Socialiste. Dans le manifeste, 72 lignes pour l’emploi. 1981 : Mitterrand, Président de la République. Le P.S. au pouvoir avec une majorité absolue.
Résultats 1986 :
1986 : 3 000 000 chômeurs
1986 : Mitterrand toujours Président
Chirac Premier Ministre.
Résultats 1987 :
3 500 000 chômeurs

On peut ergoter sur les chiffres mais on oublie trop facilement ceux qui ne sont plus inscrits au chômage et ceux qui n’y ont jamais été et les bons chiffres sont toujours ceux donnés par l’opposition (qui change de temps à autre).
Les petits partis se gargarisent, c’est si facile quand on est dans l’opposition.
Le PC et la CGT ont investi des millions de francs à Manufrance.
RESULTAT : après 3 ans, on a licencié des ouvriers comme il était prévu auparavant.
Pour Arlette Laguillier, c’est un problème entre mauvais patrons et bons ouvriers.
RESULTAT : LIP : pour Le Pen, c’est d’une facilité déconcertante, un simple problème arithmétique : 3 millions de chômeurs = 3 millions de bougnoules.
On vire les bougnoules et on a gagné !
Bien sûr, c’est les petites gueules bien propres et les mains soignées des supporters du F.N. qui prendront en charge : les poubelles, les chiottes et tous les travaux durs et insalubres réservés à ces bougnoules, fauteurs de merde.
RESULTAT : Au bout d’un an, 500 000 nouveaux chômeurs.
Non M. Le Pen ! "Ce n’est pas une solution, c’est un pis-aller à court terme".
Vous allez de nouveau apprendre des mots magiques : travail des jeunes, nationalisations, privatisations et j’en passe car ces messieurs oublieront qu’ils ont été au pouvoir et qu’ils n’ont rien fait, que leur magie anti-chômage a fait long feu !
Alors que faire contre ce chômage qui résiste à tous les envoûtements ?
RIEN car le chômage n’est pas produit par la crise mais par la science et chaque jour : savants, ingénieurs, techniciens créent de nouvelles machines, de nouveaux robots, de nouvelles "puces". A la télé, quelqu’un a affirmé qu’il y a actuellement en France 400 robots et qu’à la fin du siècle il y en aura 10 000. Ce serait bien si les machines pouvaient consommer leur production car ce n’est pas avec les allocations de sous-consommateurs accordées aux chômeurs, de plus en plus nombreux, que l’on écoulera la production nationale.
OUI MAIS il y a le miracle japonais de l’exportation.
"Ce qu’on ne peut vendre chez soi, allons le vendre ailleurs".
06 07 87 : A2, du Japon : devant l’effondrement des exportations, devant la montée du chômage (7 %), les Japonais pensent relancer la consommation intérieure en augmentant le pouvoir d’achat des salariés, en réduisant la semaine de travail à 5 jours, en lançant des grands travaux pour l’amélioration de l’habitat et des transports - en somme le Front Populaire de 1936. Dans ce domaine, c’est déjà le commencement de la sagesse. Quant aux vieux : mis à la retraite à 50 ans, ils ne perçoivent leurs pensions qu’à 60 ans, en attendant, ils reçoivent des allocations de misère. "Ne pourrait-on les exporter aussi ?".
Le Japon, c’est bien, vu de l’Occident, mais pas pour la classe ouvrière japonaise. Encore un mythe qui s’écroule.
Au début du 21e siècle, peut-être avant, un homme sur deux travaillera 24 heures par semaine alors que tous consommeront, ceux qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas ou ne travaillent plus. Le plus bizarre dans notre politique, c’est que l’on trouve :
- des défenseurs des nantis
- des défenseurs des patrons
- des défenseurs des fonctionnaires
- des défenseurs de la classe ouvrière
mais absolument aucun parti n’est défenseur des chômeurs.
Alors, c’est une catastrophe car ce chômage qui augmente et qui atteindra sûrement 5 MILLIONS en 1995 atteint peu à peu chaque classe de la société et fait diminuer le pouvoir d’achat de la collectivité. Ce chômage nous entraîne inévitablement à la révolution ou au fascisme. Souvenezvous, chaque fois que dans un pays la misère n’est plus tolérable pour la majorité, c’est
- 1789 : pas de pain à Paris : la révolution
- 1917 : famine en URSS : les Soviets
- 1920 : misère en Italie : Mussolini
- 1933 : 6 millions de chômeurs en Allemagne et l’on vote pour Hitler
- 1975 : la misere chez les Arabes et c’est le chaos au Liban.
Et surtout, vous qui avez une belle situation ou même la fortune, ne croyez pas que cela ne vous concerne pas. Croyez-vous qu’au Liban, une voiture piégée ou une rocquette fait une différence entre "un homme bien sous tous rapports" et "un misérable"  ?
ALORS que faut-il faire ?
La réponse est tellement simple que l’on se demande pourquoi personne n’en a encore parlé : "Transformez le mot "chômage" en mot "loisirs" et répartissez entre tous, ces loisirs créés par la science. VOUS ETES FOUS : c’est ce que mon père, petit artisan plombier m’a dit en 1936 :
- vous voulez être payés 48 heures et travailler 40 heures,
- vous voulez 15 jours de congés payés
- il ne faut pas augmenter les prix
- où voulez-vous que je trouve le pognon ? j’ai déjà assez de mal à m’en sortir.
Je me suis dit, il a raison. Comme beaucoup de jeunes en 1936, j’étais Front Populaire. Je suis allé trouver un responsable de la CGT qui m’a dit : "Rassures ton père, ça s’arrangera". Ça c’est arrangé et en 1972 quand j’ai pris ma retraite dans ma propre société de 50 personnes, il y avait 4 et même 5 semaines de congés payés.
Avez-vous songé à cette révolution toute pacifique "les congés payés" qui ont donné du travail à des dizaines de millions de personnes dans le monde, qui ont sorti des régions, des pays entiers de la misère, tout cela parce que au bon moment, un homme comme les autres a lancé cette phrase : "et si nous demandions des congés payés". Soyons raisonnables : tout ce qui était utopie en 1936 est réalisé actuellement, mieux, dépassé. Ex. : la lune, c’est "bof", on en est à la navette spatiale et on parle de Mars ; la greffe des organes : on en greffe maintenant 4 en même temps.
Alors pourquoi seulement en économie n’est-on pas capable de résoudre ces deux problèmes humains :
- ne plus détruire l’abondance, mais trouver une solution pour que les malheureux consomment ce que l’on détruit. Ça coûterait moins que les 420 milliards de centimes que va payer l’Europe pour stocker, détruire et donner le lait européen aux cochons. Une bonne idée pour boucher le trou de la Sécu.
- que l’on profite tous de ces loisirs créés par la science. Et si je suis fou pour dire cela, si être sain d’esprit c’est laisser les gens mourir de faim et alimenter en armements des pays pour détruire hommes, femmes, enfants, vieillards, alors je préfère ma folie.
Je pose cette question à tous nos médias :
" à la gauche : où sont les belles théories du Socialisme ?
" à la droite : vous qui allez à la messe tous les dimanches, que faites-vous de cette maxime chrétienne : "Tous les hommes sont frères".
Y aurait-il quelque chose de "pourri au Royaume de France"  ? ? ?
Alors, me direz-vous, qui doit proposer ces nouvelles lois économiques qui, partant de France, envahiraient bientôt le monde entier et mettraient fin à toute cette misère et à tous ces assassinats, car la science permet de très bien nourrir le monde entier.
- Qui ? mais tous nos hommes politiques et nos économistes et pour ne pas les nommer : MM. Mitterrand, Chirac, Barre, V.G. d’Estaing, les dirigeants du PS, du PC, du FN et pourquoi pas un Comité des Sages où siégeraient tous les partis politiques ?
Toutes ces personnes promettent le bonheur aux Français. CHICHE  !
- qu’ils comprennent que nos lois économiques sont caduques, n’est-ce pas Monsieur le Professeur !
- qu’ils constatent qu’avec l’apparition de la fée électricité, dans les années 30, la nature a fait la révolution : l’abondance a succédé à la rareté et le monde des loisirs a remplacé le dur travail quotidien. Toute la nation doit profiter de ces bienfaits de Dieu ou des hommes et non pas seulement un groupe de nantis de moins en moins nombreux pendant que le nombre des démunis augmente de 500 000 par an.
Comment réaliser cette nouvelle société en douceur, si ce n’est en créant une monnaie de distribution* ?
Comment mettre nos médias au travail devant notre volonté inébranlable ? Vous les misérables, vous les chômeurs, vous les faibles, vous les mis à la retraite avant l’heure, vous qui sortez des facs sans boulot, vous les jeunes qui n’avez pas de boulot et qui n’en aurez jamais, vous les smicards avec votre allocation de misère (quel représentant d’un syndicat ou d’un parti vivrait avec cette allocation), vous tous qui êtes malheureux et dont personne ne s’occupe, il y a un moment où vous redevenez des Français à part entière et où nos médias se prosternent devant vous, en vous promettant tout ce que vous voulez. Oui, c’est le jour du vote et aucune promesse n’est trop belle pour que vous déposiez le "bon bulletin dans l’urne". Après... vous connaissez déjà la suite, on vous expliquera que si ça ne va pas, c’est de la faute des autres. J’ai 75 ans et suivant un air connu "c’est toujours la même chanson".
Ce qui me permet d’affirmer qu’en politique
- celui qui en fait son métier, c’est un bon job !
- celui qui en fait un idéal, c’est un cocu !
et cela s’applique à tous les partis sans exception.
Vous qui voulez avoir le droit de vivre, vous qui vous refusez à être les mendiants du régime, profitez de ce jour unique, le jour du vote pour exprimer votre mécontentement. C’est simple, prenez le bulletin de vote que vous voulez, barrez- le de 2 faits et inscrivez : C = F
C = chômeur
F = Français à part entière
Votez tous car des gens sont morts pour que nous ayons ce droit de vote. Songez aux pays misérables où n’existe pas ce droit de vote sinon au cours de certaines parades où le choix n’existe pas.
Plus vous serez nombreux et plus nos médias comprendront qu’il faut enfin s’occuper des vrais problèmes avec de nouvelles lois économiques aussi avancées, aussi révolutionnaires que notre chirurgie et notre science actuelles.
Le rôle de nos hommes politiques, ce n’est pas de s’occuper d’un parti ou d’un clan mais de Français, de tous les Français sans exception, pourquoi pas l’union sacrée contre ce crime avec préméditation
"La misère dans l’abondance".

Quant à vous, révolutionnaires de toutes tendances, ce n’est pas en tuant des capitalistes, des officiers, des leaders politiques et même de pauvres passants que vous ferez changer quelque chose. "On ne démolit qu’en construisant" ;

Construisons une société d’abondance qui doit remplacer cette société de rareté que l’on veut maintenir à tous prix.
Un bon Français, c’est un Français vivant. Ne laissez pas les désespérés de demain se mettre en colère.
Une dernière preuve :
Le 20.08.87, A2, midi : à la Sécu, 40 000 employés sur 190 000, soit 20 %, vont être licenciés. Responsable  : la science : entrée de l’informatique à la Sécu.

* Voir par exemple "Socialiser l’abondance" du GRHAP.

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L’Economie Distributive ne détruit pas les excédents, elle les distribue...

Economie et corps humain

par A. CHANTRAINE
octobre 1987

L’économie politique est une fausse science. Elle ne veut pas s’attacher à créer une économie qui répartirait solidairement toutes les richesses de la terre.
C’est pour cela que les soi-disant crises économiques sont des crises voulues qui dureront toujours.
L’économiste s’occupe des éléments sans en voir l’ensemble. Il ne perçoit ni les valeurs optimales, ni les valeurs morales des choses.
Or rien ne peut se faire correctement sans ces valeurs.
Le corps humain vit dans un mouvement d’ensemble dont les éléments sont en interactions, en interdépendances et en interconnexions. Il y a donc à l’intérieur du corps une analyse fonctionnelle qui détermine la façon dont toutes les parties affectent d’autres parties afin de rétablir l’équilibre permanent de la vie.
Dans le corps humain, tout est relié pour faire vivre correctement un ensemble unique.
Rien de tout cela dans le système économique. C’est tout le contraire. On s’acharne à interrompre les interrelations et les interconnexions. Tout est cloisonné au nom de la compétitivité et de la rentabilité dans le but unique de faire de l’argent-profit.
Une telle économie détruit le corps et l’esprit de l’homme. Sans un changement du système monétaire, les problèmes qui persistent depuis des centaines d’années ne pourront jamais être résolus. Pour les résoudre, il faut : instaurer une monnaie au service des hommes, c’est-à-dire une monnaie inthésaurisable  ; dissocier les revenus du temps de travail et rendre le pouvoir d’achat proportionnel à la production. Nous aurons alors un équilibre entre l’analyse et la synthèse, entre la science et la philosophie, entre l’individu et la société, un équilibre pour vivre en harmonie dans la Justice et la Paix.

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BIEN (Basic Income European Network)

Poursuivant la publication/traduction de textes émanant des participants au colloque de Louvain-la-Neuve sur le revenu garanti, membres du réseau européen pour le revenu de base, nous publions ci-dessous le résumé, établi par notre ami E. Van Damme, d’un article de Michael OPIELKA paru en 1986 dans la revue "Politik und Zeitgeschichte" (vol. 36, p. 37)

Perspectives de travail et de revenu dans la société d’abondance

par E. VAN DAMME
octobre 1987

1) LES TROIS PILIERS DE LA SOCIETE ACTUELLE

Pour Michael Opielka, l’existence est assurée, dans notre société bourgeoise, par trois piliers : le travail, la propriété et la cellule familiale.
L’Etat entérine cet état de chose : pas de revenus sans travail, protection légale de la propriété et législation sociale centrée sur la famille. Or, il est clair que si le chômage, la pauvreté et le divorce ou le célibat deviennent la norme, cet Etat est menacé dans ses fondements. Voyons ce qu’il en est dans la réalité.

a) La propriété

A l’encontre des espoirs des premiers protagonistes de la société bourgeoise, d’Adam Smith à J.S. Mill, cette société n’a pas pu assurer à tous ses membres l’accès à la propriété. La propriété s’est concentrée dans les mains de quelques-uns, ce qui a compromis la sécurité existentielle de tous les autres.

b) La cellule familiale

La législation actuelle considère la cellule familiale comme un élément important de la société. Elle punit le chef de famille qui néglige d’assurer financièrement son existence. Plus même,. si le chef de famille n’a pas de revenus, l’Etat lui en fournit. C’est l’éthique du soutien de famille.

c) Le travail rémunéré

La concentration de la propriété dans les mains de quelques-uns a fait que l’immense majorité de la population dépend pour sa subsistance d’un travail rémunéré. Or, celui-ci est de plus en plus menacé. Par conséquent, une existence basée uniquement sur le travail rémunéré risque de devenir de plus en plus précaire.

2) LE PROCESSUS D’INDIVIDUALISATION

L’auteur voit dans l’évolution que subissent (et que devront encore subir) les normes actuelles du travail, un processus d’individualisation. Alors qu’auparavant les masses salariées réclamaient des conditions de travail égales pour tous, patrons et salariés s’orientent des à présent vers plus de flexibilité. Un même processus d’individualisation caractérise le tissu familial moderne. La cellule familiale se désagrège, la notion de chef de famille s’estompe. Une politique étatique centrée sur cette notion est de moins en moins justifiée. On peut raisonnablement prévoir que ce processus d’individualisation se généralisera.

3) ADIEU AU PLEIN EMPLOI ?

Tous les gouvernements parlent de la réduction du chômage, mais une telle réduction est impossible :

a) Economiquement :

En Allemagne, par exemple, le nombre des salariés augmentera jusqu’en 1990. Ensuite, le ralentissement démographique sera compensé par un travail féminin accru, par un apport croissant de main-d’oeuvre étrangère et par l’allongement fort probable de la carrière.
D’autre part, l’évolution de l’appareil économique vers une croissance qualitative au lieu de quantitative impliquerait une augmentation des coûts.
Pour toutes ces raisons, il est illusoire de penser que le chômage sera jamais réduit.

b) Ecologiquement

Une croissance visant au plein emploi finira fatalement par se heurter aux limites écologiques de l’expansion.

c) Socialement

Une telle réduction du chômage ne serait réalisable qu’en augmentant les services et la bureaucratisation. Le fossé avec les laissés-pour-compte se creuserait encore plus.

4) LA PARTICIPATION COMME DROIT FONDAMENTAL

Barbara Nelson a dit : "Les femmes ne sont pas des citoyens naturels dans les démocraties libérales occidentales" (*). Pour elles, en effet, le droit à la participation n’est pas encore pleinement acquis. Pas plus, d’ailleurs, pour la grande majorité des gens. Aussi longtemps que l’Etat s’appuiera sur les trois piliers, famille, propriété et travail, il créera des masses d’exclus. C’est pourquoi toute réforme doit s’occuper du droit à la participation.
Du point de vue social, ce droit à la participation impliquerait l’établissement d’un revenu de base garanti.
Du point de vue travail, ce même droit assurerait une plus juste distribution du travail.
Du point de vue de la propriété, ce droit déboucherait sur la participation aux profits et finalement sur la participation à la possession de moyens de production et des titres de propriété. Cette dernière forme de participation devrait, selon certains auteurs, empêcher l’apparition de la société duale ou société à deux vitesses.
Notons que cette évolution nous amènerait à parler de "société" d’abondance, et non plus d’"Etat" d’abondance, car l’Etat ne sélectionnerait plus des modes de vie (v. paragraphe 1). De plus, ses interventions devraient garantir les diverses formes du droit à la participation.

5) PROBLEMES ET CRITERES DES REFORMES

Selon OPIELKA, notre société moderne présente trois facettes fondamentales dont tout réformateur doit tenir compte : la communauté, le marché et l’Etat, ou, pour l’exprimer en termes de concepts : la réciprocité (ou solidarité), la liberté et l’égalité. Or, on constate que toute réforme qui privilégie une de ces trois facettes, lèsera les deux autres... Un excès de réciprocité dans une communauté mènera à la discrimination d’autres (perte d’égalité) et à limiter la liberté (marché). Un excès de liberté (du marché) défavorisera la réciprocité et l’égalité. Un excès d’égalité (Etat) ira sûrement à l’encontre de la liberté, ce qui explique qu’il est combattu par le néolibéralisme.
Une réforme éventuelle devra trouver un juste équilibre entre ces trois axes.
Mais le problème des réformes est pour OPIELKA encore plus complexe. En effet, les garanties d’existence proposées par la société, le marché et l’Etat ont atteint au cours de leur évolution une telle complexité, qu’il faut écarter d’emblée l’hypothèse d’un nouvel ordre politique qui serait instauré "en bloc".
L’auteur préfère une mosaïque de réformes prudentes et réversibles. Même les critères d’égalité, de liberté et de réciprocité peuvent être trop grossiers. Ainsi, par exemple, dans la lutte pour les droits de la femme, il ne devrait pas s’agir tellement d’octroyer aux femmes tous les droits moulés sur la vie des hommes, mais bien de leur donner le droit à la participation totale, dans le respect de leur spécificité.
D’autre part, la participation à la liberté (marché) devrait être étendue à la possibilité de choisir entre diverses formes de marché et même entre des formes d’activité tournées ou non vers une quelconque forme de marché.

6) PROPOSITIONS DE REFORME

Les propositions de réforme sont nombreuses et elles varient, bien évidemment, selon que l’accent est mis sur le manque de revenus (revenu de base garanti), sur le manque de participation au marché du travail (redistribution du travail) ou sur le manque de participation aux moyens de production.

a) le droit au travail

Des réformes ont été proposées depuis le siècle dernier. Travail distribué et imposé par l’Etat, société duale avec un secteur "des besoins de base" administré par l’Etat et un secteur non-étatique "d’abondance", modèles où l’individu naît avec une dette de travail envers la communauté ou plutôt avec un capital de loisirs, etc...

b) le droit à des moyens de production propres

On distingue en principe six formes différentes d’alternative
1) répartition des droits entre les propriétaires, les managers, les travailleurs, les syndicats et l’Etat ;
2) une répartition extrêmement large et strictement égalitaire  ;
3) la gestion des moyens de production par des groupes intermédiaires coiffant les entreprises (p. ex. les syndicats : le "Fonds des Travailleurs" suédois, ou des caisses de retraite : le "Capitalisme des caisses de retraite" suisse) ;
N.B. : la première et la troisième formule se retrouvent dans tous les état occidentaux.
4) l’Etat possède les titres de propriété (Europe de l’Est) .
5) la formule des coopératives de travailleurs (Yougoslavie)  ;
6) un modèle de "neutralisation" du capital (p. ex. par des fondations) veut trouver une troisième voie entre le système communiste de marché planifié et le système de marché libre.
Une synthèse entre les formules 5 et 6 cherche à favoriser un système d’autogestion par les travailleurs.

c) le droit au revenu

Ce droit doit pouvoir s’affirmer sans les contrôles vexatoires actuellement en pratique. La confusion est particulièrement grande quand il s’agit du revenu de base garanti. Par exemple, ce revenu de base devrait-il remplacer les interventions de l’Etat (thèse libérale) ou devrait-il être complémentaire ? Doit-il se limiter aux plus démunis, garder quelque dépendance à l’égard du marché ou être universel et inconditionnel ? Enfin, le montant alloué peut se définir selon des critères fort différents tels que l’index des prix, la moyenne des salaires ou un étalon de participation.

7) UN PLAN EN TROIS ETAPES

Dans la question du revenu de base garanti, le danger est bien connu : une complète dissociation du travail et du revenu, quelque désirable qu’elle puisse être culturellement, pourrait faire naître la tentation POLITIQUE de dissocier encore davantage la participation au marché des biens et la participation au marché du travail. Le droit au travail, qui n’aurait plus qu’une valeur morale, perdrait ce qui lui reste de valeur politique et le fossé entre les participants et les nonparticipants se creuserait davantage encore. L’auteur propose par contre un programme de réforme multidimensionnel (cf. paragraphe 5) qui comprendrait trois étapes.
a) dans un premier temps, on abandonnerait l’ordre social actuel, qui est centré sur la cellule familiale, au profit d’un régime centré sur l’individu.
b) dans une deuxième étape, il faudrait instaurer, et ensuite optimiser, des droits à la participation. Les estimations de l’auteur montrent qu’une semaine de travail de 20 heures serait parfaitement réalisable. Par ailleurs, on pourrait envisager de taxer plus lourdement les heures de travail prestées au-delà de ces 20 heures.
c) une fois les droits à la participation, établis, aussi bien politiquement que matériellement, on pourrait introduire un revenu de base garanti totalement indépendant du travail effectué.

(*) Barbara J. NELSON, Women’s Poverty and Women’s Citizenship : Some political Consequences of Economic Marginality, in Signs (1984) 2, p. 225.

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Lectures

Henri Muller analyse ci-dessous le livre qu’André Giresse a écriten collaboration avec Philippe Bernet

Seule la vérité blesse

par H. MULLER
octobre 1987

LE livre du Président GIRESSE lance un lourd pavé dans le milieu des gens de justice peu habitués à voir la vérité sortir du puits lorsque le pouvoir politique en tient solidement le couvercle. Il nous livre les arcanes d’un monde clos, celui de la haute magistrature avec ses intrigues de cour, son indépendance souvent de façade, à l’égard de l’autorité politique soucieuse d’"écraser" certaines affaires jugées compromettantes.

D’un socialisme modéré auquel il s’était rallié, A. GIRESSE espérait une réforme qui arracherait la magistrature à la sujétion politique. Mais l’irruption d’un extrémisme gauchiste, les "imprécations des soixante-huitards attardés, libertaires, anarchistes, clamant leur haine pour la société bourgeoise", allaient dissiper ses illusions. Des escouades de Rousseauistes, juges et avocats, tendent à faire des inculpés, des victimes de la société, de ses injustices, de ses tares.
Respectueux de l’ordre établi, conscient que sa mission consiste à le protéger des trublions, il exprima son amertume à l’égard d’un "délabrement judiciaire", du "laxisme pénitentiaire". "Plus de peine capitale, écrit-il, plus de peine carcérale vraiment subie et redoutée. Face au crime, l’arsenal de la loi se vide et laisse sans défense le citoyen et la société". Idéologue déçu, il s’isole. Sa passion : la justice, l’honneur, la vérité. Seul dans son combat, aux prises avec une hiérarchie qui, l’ayant renié, le persécute, lui tend des pièges. Un homme de tradition, d’un autre temps. Le combat d’un Don Quichotte.
Exposée sous tous ses aspects, expliquée et commentée en quelque 120 pages, l’affaire De Broglie qualifiée par le Président Giresse de "Watergate français", constitue le morceau de résistance, le point fort de l’ouvrage. Est-ce le livre de Jésus Infante, publié peu avant l’ouverture du procès (2) qui lui en a fait saisir la dimension politique ? On connaît la thèse les détournements de fonds opérés par la Sté Matesa, au préjudice du Trésor espagnol, auraient servi à financer, via la SODETEC, une société luxembourgeoise dirigée par J. de Broglie, une entreprise électorale française. Il semblerait que le Président Giresse n’en ait pris connaissance qu’après la clôture du procès. Alors que J. Infante construit son scénario autour de l’affaire de la MATESA, livrant d’un seul coup le dessin du puzzle avec tous ses personnages, A. Giresse procède à l’inverse, s’efforçant d’en assembler les pièces qu’on lui livre au compte-goutte dans des rapports incomplets et au cours des audiences. Son intuition lui fait dire que les témoins ont menti, que des faits lui ont été dissimulés. Il constate que l’on a saboté l’enquête, placé des verrous pour éviter qu’elle ne dérive, qu’elle mette en cause une police politique, des polices parallèles dont il subodore le rôle dans la préparation de l’assassinat du Prince. Et le procès se clôt sans qu’aient été entendus les témoignagesclés, susceptibles, selon le Président Giresse, de changer le sens de l’instruction, de lever le voile sur les étranges moeurs de la haute politique.
Tombé en disgrâce, lâché par ses amis et collègues, livré aux cabales, A. Giresse choisit de se retirer, privant ses adversaires de l’allégresse attendue d’un hallali. Sa plume ne les épargnera pas.
"Ce livre qui, écrit-il, est mon testament judiciaire, ne heurtera que les sots et les hypocrites... Ces choses-là devaient être dites. Je m’attends à d’autres combats. J’y suis prêt".
Face à la meute, son courage frise la témérité. Bonne chance tout de même, et que le meilleur l’emporte.

(1) en collaboration avec Philippe Bernet (Pion Ed. juin 1987)
(2) "Un crime sous Giscard" (F. Maspera ED. 3e trimestre 1981).

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