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Éditorial
L’ALLEMAGNE avait donné le "la",
les élections législatives avaient reconduit sans grand
problème le Chancelier Kohl, et donc la droite, au pouvoir. L’inflation
était très faible, la balance commerciale très
excédentaire, des syndicats puissants obtenaient des réductions
d’horaires de travail sans diminution de pouvoir d’achat ; bref, chômage
mis à part - à peu près stabilisé, - le
capitalisme, "l’économie libérale" semblaient
faire le bonheur de la plus grande partie de la population. Alors, quelles
raisons de voter pour les sociaux démocrates ? Pour qu’ils réduisent
sérieusement le chômage ? Nul n’y croit plus...
Toutes les élections législatives depuis le début
de l’année ont suivi le même chemin. L’Angleterre a pour
la troisième fois donné sa confiance à la "dame
de fer", la plus fidèle partenaire du système économique
et social de l’Amérique de Reagan. N’oublions pas que déjà,
lors des précédentes élections, aussitôt
après la guerre des Malouines, 50 % des chômeurs avaient
voté Thatcher. Alors, pourquoi se gêner dans la poursuite
de la privatisation de l’économie, quitte à vendre des
parcs entiers, comme l’automobile, aux Japonais ?
Au Portugal, la révolution des -Sillets est bien oubliée,
son principal animateur en prison. Et si un "socialiste" est
Président de la République, c’est la droite qui règne.
En Italie, même le tout-puissant parti communiste a perdu des
points, passant nettement en-dessous de la barre des 30 %, Au Danemark,
la droite est également reconduite. En Argentine, les péronistes
"tiennent" désormais Alfon in, lequel avait déjà
où faire beaucoup de concessions aux militaires qui relèvent
la tête ; et la justice pour les victimes du temps de leur dictature
est bien ébréchée. En résumé, les
forces d’une droite souvent dure quand elle n’est pas dictatoriale règnent
sur le monde.
L’été semble bien fini. Reviendra-t-il en son temps ?
C’est ce qu’envers et contre tout peut et doit espérer un partisan
convaincu de l’Economie distributive.
Et la France, qui suscita tant d’espoirs en 1981 ? Même si c’est
officieusement, à coup de "petites phrases" - qui semblent
décidément remplacer les arguments dans les discours de
nos leaders politiques -, la campagne présidentielle est bien
lancée. L’enjeu est d’importance. Quand on voit ce qu’a fait
la droite depuis mars 1986 : rouages financiers, industriels, médiatiques
aux mains des petits copains notamment RPR, au point que les "200
familles" d’avant-guerre sont considérées comme réduites
à moins de 10 %, atteintes aux droits acquis, sécurité
sociale, grève, etc... on imagine aisément ce qui se passerait
si elle régnait en maître en 1988, c’est-à-dire
si le Président et la Chambre étaient de droite.
En ce qui concerne un problème pour nous essentiel, le chômage,
la droite a achevé de le banaliser. Dans ses promesses électorales,
avant Mars 1986, elle jurait de le réduire, de le "combattre".
Or peu après, Séguin lançait son fameux : "2
500 000 chômeurs, chiffre irréductible". Et les Socialistes
?
En dehors de leurs bagarres internes pour la "candidature à
la Candidature", où notamment Rocard se distingue par son
ambition forcenée - celle de sa dernière chance et non,
hélas, celle du Socialisme -, qu’offrent les Socialistes au peuple
français, "après leur expérience du pouvoir"
comme ils disent avec insistance ?
Je crois que, pour l’essentiel, il suffit de se référer
à la prestation de Jospin à "l’Heure de Vérité"
du 7 octobre.
Malgré son nouveau look (de nos jours, ça semble plus
important que les problèmes de fond), il ne fut guère
convaincant, une langue de bois, comme tous les autres. Le sondage instantané,
pour discutable qu’il soit, le lui fit bien savoir (1).
La question la plus embarrassante, la plus simple en fait, vint de C.
Cabanne de l’Humanité : le Chômage, avec cette réflexion
: "Avouez que vous avez abandonné l’idée de changer
de régime". Car cela est vrai : dans tous leurs derniers
congrès et conventions, parmi les leaders socialistes, c’est
à qui essayait de justifier les limites du changement par l’exercice
du pouvoir, la crise "internationale" incontournable ; la
réduction très lente du chômage ne peut surtout
pas être acquise par la réduction du temps de travail.
Ce sont en gros ces "arguments", ces raisons qu’évoqua
Jospin en réponse aux questions des journalistes ; un Jospin
peu combatif, comme résigné. Les privatisations ? Pratiquement,
les Socialistes ne reviendront pas làdessus. Ah, par contre,
ils s’attaqueront aux "noyaux durs". "Comment",
interroge d’un air faussement naïf Duhamel ? Jospin se perd dans
des généralités peu convaincantes.
Et pour couronner le tout, voilà qu’il relance l’investissement
cher à M. Barre. C’est grave : décidément, les
Socialistes n’ont rien compris au problème fondamental de la
société capitaliste. 1 700 000 chômeurs à
leur arrivée en 1981, 2 500 000 en mars 1986 malgré les
Tucs, la retraite à 60 ans, les camouflages "formation",
3 millions fin 1987 ; et tout cela sans que la production diminue.
Alors qu’espérer ?
Peut-être, au minimum, que la gauche, même en gérant
au mieux l’économie capitaliste, soit obligée de freiner
les mesures antisociales ; encore, ne faut-il pas oublier que c’est
elle qui a fait ce que la droite n’avait pas osé faire par crainte
de perdre les élections : bloquer les salaires tout en laissant
"s’opérer la vérité des prix"... lesquels
bien sûr ne cessèrent d’augmenter.
Avant de conclure, signalons ce paradoxe : on risque d’avoir un Président
de la République "Socialiste", si Mitterrand se représente,
et une Chambre de droite. Des élections législatives nouvelles
se dérouleraient en effet au scrutin majoritaire à 2 tours
et, avec le "charcutage" savant opéré par Pas
qua, la droite a de fortes chances de les gagner, même après
que les Français aient élu, à la proportionnelle,
un Président de "gauche". Oui, en France aussi, l’été
est fini. Pourtant, sur un autre plan, celui de la paix, il y a tout
de même des raisons de se réjouir ; le projet de désarmement
nucléaire - partiel mais important - proposé par Gorbatchev
et probablement bientôt signé avec les USA. Côté
Reagan, ne nous y trompons pas ; après l’lrangate, il a besoin
d’un grand coup pour sortir de la Maison Blanche moins honteusement
que Nixon. Et surtout, les USA, après la désastreuse gestion
économique de l’ère Reagan, ont besoin de dégager
des crédits pour la Guerre des étoiles. Donc prudence.
Néanmoins, côté désarmement, si ce n’est
pas l’été, c’est peut-être le début du printemps.
(1) Plus de 60 % des Français ne souhaitent pas voir les socialistes "venir aux affaires"... bien que la cote de F. Mitterrand caracole autour de 55 %. Et 67 % des patrons se diraient satisfaits de la gestion socialiste (on les comprend !). Curieux Français...
LES enseignements secondaires et supérieurs
ne se conçoivent plus, de nos jours, sans l’étude de la
science ou des sciences économiques. Une section spéciale
leur est principalement réservée. Plusieurs baccalauréats
leur sont consacrés ainsi que de nombreux concours et diplômes
universitaires’. Des chaires leur sont vouées et des chercheurs
réputés se passionnent pour elles dans le monde entier.
Et pourtant il n’est pas interdit de se demander s’il s’agit de sciences
ou d’une science ? L’hésitation sur l’emploi du pluriel ou du
singulier est déjà révélatrice. La question
pourra paraître saugrenue et primaire. Nous la poserons néanmoins,
n’ayant pas l’habitude, dans cette revue, de nous incliner devant ce
genre de tabou. Les sciences, en général, ont acquis un
tel prestige, depuis l’énorme mutation qu’elles ont impulsée
dans la société du vingtième siècle, que
les hommes de communication n’ont pas manqué d’utiliser cette
influence sur l’opinion. Comment résister à l’attrait
d’une lessive ou d’une crème de beauté mises au point
à l’aide de méthodes scientifiques ? Les sondages dont
on connaît les à-peuprès prétendent y accéder.
Les champions sportifs sélectionnés puis préparés,
dès leur plus jeune âge, par des moyens pseudoscientifiques
sont entraînés de la même manière. Les disciplines
de l’homme : psychologie, sociologie, ethnologie, médecine, histoire,
géographie, etc... sont reconnues pêle-mêle comme
des sciences. Quelques scrupuleux essaient bien, de temps en temps,
de résister en distinguant les sciences exactes et les autres,
de celles qui n’en sont pas du tout. Mais le flot dévastateur
analogue à celui qui entraîne la dépréciation
de tous les mots chocs, à cause de la surenchère permanente
exercée par les plus dominateurs, les emporte bien vite. Pourquoi
résister à l’inflation généralisée
du vocabulaire plus qu’à celle de la monnaie ?
Le lecteur pensera peut-être qu’il s’agit d’une vaine querelle
et d’une discussion subalterne ou superflue. Et pourtant cette question
n’est pas indifférente comme nous allons le voir.
Dans une controverse, les interlocuteurs, après avoir cité
des faits en viennent forcément à s’opposer des arguments
indiscutables. La rigueur scientifique est l’un de ceux-là, lorsqu’elle
se réfère à des expériences ou à
des hommes qui ont reçu son label. Nous avons montré à
plusieurs reprises combien les économistes se sont trompés
dans leurs projections, même à court terme. Or, ils cherchent
à se prévaloir de la science pour justifier ce qui n’est
que leurs croyances personnelles. Cette confusion volontaire se retrouve
dans les discussions de tous les jours qui, dans leur globalité,
forment l’opinion générale. Voilà une première
raison de la question que nous tentons de traiter.
Personne ne prétendra que nous sommes en présence de sciences
pures ou exactes comme les mathématiques ou la physique. Mais
si, selon la définition du Larousse encyclopédique, la
science est un ensemble cohérent de connaissances relatives à
certaines catégories de faits, d’objets ou de phénomènes,
les adeptes des sciences économiques devraient être en
mesure, étant données certaines prémices, d’en
annoncer le résultat probable. Il n’en est rien. Même juste
avant ces événements, ils ont été, non pas
en minorité, ni en majorité, mais en totalité incapables
de prévoir les soubresauts du prix du pétrole et d’évaluer
les réserves exploitables. Après presque soixante années
passées, l’essentiel des causes profondes du krach de 1929 leur
échappe toujours, effrayés qu’ils sont par le retour possible
des mêmes effets, peut-être encore plus graves, produits
par les mêmes causes. Estce là une attitude scientifique
?
D’immenses gaspillages ont été provoqués par des
augmentations de prix imprévues. Dans les années qui ont
précédé 1973, les compagnies maritimes spécialisées
dans l’acheminement du pétrole s’étaient équipées
de navires en fonction de l’accroissement prévu du transport.
Les consommateurs ayant réagi à la hausse des coûts
par une recherche d’économies et de sources d’énergie
de substitution, une baisse considérable du trafic a déjoué
tous les projets. Plusieurs millions de tonneaux de bateaux sont devenus
inutiles et encombrent encore aujourd’hui les eaux grecques en attente
d’une reprise hypothétique ou du casseur.
Non seulement les échanges, mais toutes les prévisions
de production, donc les investissements et les études de marché
sont perturbés par les variations erratiques des cours des monnaies,
et spécialement du dollar qui reste la base de nombreux contrats
internationaux. En vue de permettre des échanges équilibrés,
les cours des monnaies entre elles devraient être basés,
non sur le jeu, mais sur des indices représentatifs des prix
â la consommation, par exemple. C’est ce que les spécialistes
nomment P.P.A. : Parité du Pouvoir d’Achat. Nous en sommes loin
et des variations incontrôlables sont constatées, le plus
souvent au détriment des producteurs, et, surtout des consommateurs
et des contribuables (1).
Imprévisions, crises, alternances de sous-production et de surproduction
en fonction des besoins solvables exprimés, tel est le sort de
l’économie capitaliste et tel est le désespoir des observateurs
économiques. "Les théoriciens de l’économie
doivent se sentir mal à l’aise quand ils réfléchissent
sur ce qui se passe depuis quinze ans... Les économistes ont
peu alerté nos sociétés de ce qui les attendait
et leur ont mal indiqué la voie à suivre’’ constate M.
Edouard Malinvaud, directeur général de l’INSEE (2). C’est
qu’en effet, la prévision économique requiert un minimum
de constance et pas une soumission aux modes du moment : dirigisme, libéralisme,
économie mixte, ou encore pire, aux caprices des spéculateurs
influencés par la moindre bise venant des gourous du genre Henry
Kaufman (3) ou Paul Volcker (4). Les placements judicieux de la cellule
financière ont fourni, en 1986, à la société
des automobiles Peugeot l’essentiel des bénéfices de la
firme. Comment un tel régime pourra-t-il subsister ?
En réalité les mécanismes économiques sont comme l’aérodynamique à la veille de franchir le mur du son. Une poursuite de l’évolution par accroissement de la vitesse des échanges ici, comme celle des avions là, suppose une modification capitale de la monnaie ici, comme des profils là. Mais les intéressés s’y refusent et l’avion reste en régime subsonique, alors qu’il aurait tout pour franchir le mur du son en toute sécurité. La comète de Halley est visible de la terre à des périodes fixes, les mouvements des planètes sont calculables et prévisibles à longue échéance. Sans prétendre à la rigueur de l’astronomie, l’économie devrait s’en rapprocher, faute de quoi elle ne peut qu’être un ensemble d’études hypothétiques et d’opinions subjectives. Une science a des lois, certes révisables, mais qui permettent d’augurer d’un effet en fonction de ses causes. Ce n’est pas le cas des humanités et de l’économie. Les termes sciences et politiques ne peuvent pas être associés, j’en suis désolé pour l’école qui porte ce nom. Qu’on ne fasse pas mine de comprendre, toutefois, qu’aucune partie de ces matières, n’est justiciable des méthodes expérimentales et scientifiques. L’économétrie, par exemple, et toute l’application des mathématiques et de l’informatique aux principes économiques est évidemment du domaine de la science.
Mais cette reconnaissance reste cantonnée dans des limites bien précises. Ce qui reste en dehors est l’évolution générale de la production et des échanges et le système qui les régit. L’économie générale n’est pas une science pure et même pas une science du tout. Cela va sans dire, peut-être pour certains, mais beaucoup mieux en y insistant.
Il n’y aurait rien d’infamant à reprendre pour qualifier des recherches largement conditionnées par les convictions philosophiques de leurs auteurs, l’expression injustement délaissée, à présent, d’économie politique. Il s’agit bien, en effet d’une spécialité essentielle de l’art du gouvernement.
Si l’accord se fait sur cette proposition, le profane ou l’initié ne subiront plus, face à leurs interlocuteurs, la pression résultant de références à la sûreté scientifique.
L’économie distributive n’apparaîtra plus comme un aimable divertissement d’amateurs devant la docte théorie des détenteurs de la science infuse. Elle sera reconnue, ainsi que le font déjà quelques penseurs éminents, comme une solution réaliste aux maux de notre temps.(1) Voir "Regards sur les changes" trimestriel édité par la B.N.P. dans la revue "Problèmes Economiques" n° 2003 du 17 décembre 1986.
(2) Institut National de la statistique et des Etudes Economiques.
(3) Economiste de Salomon Brothers (NewYork)
(4) Ancien président de la Banque Fédérale de Réserve des Etats-Unis.
Valeur du temps et Participat
DEPUIS l’automne 1986 un groupe de travail s’est constitué
à l’initiative de Y. Bot, Y. Bresson et H. Guitton pour donner
suite aux "nouveaux modes de vie" des Entretiens de Chantilly
(nov. 85) de la Commission Sociale de l’Episcopat.
Son point de départ a été le scandale de la société
contemporaine où règnent à la fois l’abondance
et une certaine misère (le chômage). Pour éviter
les ruptures qui nous menacent, le groupe a pensé qu’au lieu
de parler constamment de la crise et de pratiquer un assistanat qui
ne peut que se prolonger à l’égard des chômeurs
de longue durée, il convenait de préparer une transformation
par une nouvelle distribution des revenus.
Le groupe a examiné avec soin les propositions relatives au partage
du travail, mais il a pris comme base les ouvrages de Y. Bresson "L’après-salariat"
(Economica 1984) et "Le Participat" (Chotard et Associés
1986).
Les certitudes anciennes, les logiques d’hier ne permettent plus de
résoudre les problèmes de demain. En particulier, les
événements nous amènent à renoncer au dogme
du plein emploi qui a correspondu à une époque dépassée.
Il faudrait non seulement vivre autrement, mais penser autrement. Plutôt
que de parler de chômeurs, il serait plus juste de considérer
ce que le groupe a appelé les exclus de la société
d’abondance et, plus précisément, les exclus du salariat.
C’est dans cette nouvelle optique qu’a été envisagée
une allocation personnelle, inconditionnelle et cumulable. Les livres
de Bresson en donnent les bases essentielles. Le revenu ne serait plus
lié à l’emploi traditionnel.
Jusqu’alors, dans le système actuel, un certain préalable
est nécessaire. Il faut être titulaire d’un emploi pour
obtenir un revenu dit primaire. C’est la masse des revenus primaires
qui est considérée comme la richesse originelle pouvant
faire l’objet d’une redistribution des revenus. Ainsi naissent les revenus
de transfert qui forment déjà près de la moitié
des revenus distribués. L’idée nouvelle est de faire disparaître
ce préalable.
Tout revenu comprendrait deux parts :
1. une part identique pour tous qui serait attribuée à
chacun, de la naissance à la mort, du fait même de son
existence
2. une part qui se surajouterait à la première et correspondrait
à une activité productrice répondant à un
besoin réel exprimé.
La première part constitue le revenu de dignité humaine
jouant le rôle de filet de protection évitant la misère.
Mais il devrait se prolonger pour le grand nombre par le deuxième
revenu.
Une autre idée fondamentale est que la première part ne
se déterminerait pas par une négociation préalable,
comme a pu le prévoir un revenu minimum social. Cette négociation
est par nature difficile, voire impossible, quand elle est chiffrée
par des groupes différents.
Bresson a démontré (L"’AprèsSalariat")
que ce chiffrage serait déterminé par la valeur d’usage
du temps qui est précisément identique pour tous, techniquement
évaluable, indépendamment des évaluations subjectives.
Une image a été proposée. Celle des neurones du
cerveau, organe aussi complexe que l’économie développée
et monétarisée. Chaque neurone reçoit par la circulation
sanguine la dose minimale de glucose qui lui permet de conserver son
potentiel d’activités tout au long de sa vie. Mais lorsque les
neurones s’activent, ils exigent et reçoivent pour cela des suppléments
de glucose. C’est ce qui explique la seconde part du revenu.
La réforme proposée est certes difficile. Sans doute dans
le groupe des opinions diverses se sont manifestées. Certains
étaient prêts à préparer une refonte fonda
mentale de la Société, d’autres hésitaient à
franchir le saut. Tous ont cependant reconnu que la proposition permettrait
de fournir les clefs d’un déblocage des problèmes actuellement
d’apparence insolubles, qu’elle serait progressivement réalisable
par étapes successives. Elle exige évidemment une mutation
des mentalités et une éducation indispensable.
Les séances de travail ont permis un accord sur un certain nombre
de résultats et de répondre à de premières
objections.
Il a été ainsi répondu à celle de la prime
à la paresse que provoquerait la distribution du premier revenu.
Les méthodes de financement de ce revenu sont en cours d’études
et vont demander de nouvelles précisions.
La tache qui maintenant s’impose est de mettre ’en oeuvre des moyens
d’action et de réunir, de fédérer les efforts de
tous ceux qui ont déjà pensé dans le même
sens. La liste pourra en être dressée. Il faudra songer
aussi aux procédés de diffusion.
Ce premier texte voudrait être suivi de plusieurs autres. Pour
l’heure présente, il a tenté de dire l’essentiel d’une
manière évidemment trop résumée.
Le revenu de dignité humaine se réfère à
la distinction de l’individu et de la personne. L’individu correspond
à une conception mécanique et atomistique de la Société,
tandis que la personne exprime une vocation humaine qui se réalise
à travers la durée. Le temps pris comme étalon
des valeurs permet précisément de faire face à
cette vocation.
Cette dernière pensée explique le titre donné à
ce document.
L’EMPRESSEMENT avec lequel nos politiciens et nos
pontes syndicaux traitent soudainement du revenu minimum pour tous semble
franchement, suspect quand notre protection sociale est régulièrement
mise en péril au nom de la rentabilité, productivité
et autre compétitivité. Les technocrates nous exhortent
à imiter les Etats-Unis, le Japon et même la Corée
du Sud où, ironie du sort pour eux, les ouvriers rechignent,
à présent, à se rendre à l’usine en rangs
par deux, au pas cadencé et en chantant l’hymne de leur patron,
et non pas à loucher vers des pays où les mesures sociales
sont peut-être plus avancées que les nôtres, tels
que la Suède ou la Norvège. Il s’agit de se mettre vraiment
au travail (pourquoi ? On foutait rien jusqu’à maintenant peut-être ?)
et de ne plus tirer au flanc, déclare sentencieusement le patronat
bien qu’il sache pertinemment qu’il y a de moins en moins de travail
pour ses salariés puisqu’il continue à pousser la robotisation
et l’automatisation dans ses entreprises. Les professionnels de la langue
de bois n’admettent pas encore que le plein emploi n’est plus possible
et que le chômage ne peut aller qu’en augmentant, mais ils se
rendent à l’évidence qu’il est indispensable de fabriquer
de nouveaux clients pour que l’économie de marché puisse
se maintenir vaille que vaille.
En effet, ce qui tient le plus au portefeuille du capitalisme, ce n’est
pas tant produire que de vendre à tout prix et n’importe quoi
pourvu que ça puisse être vendu et procurer un profit quelconque.
Mais voilà que les débouchés se restreignent dramatiquement
avec une concurrence impitoyable qui s’exerce tandis que les chômeurs
réduisent encore les rangs de la clientèle. C’est pourquoi
le thème du revenu minimum pour tous fait les choux gras des
tenants d’un système économique qui ne connaît que
des acheteurs pour survivre. En résumé, lorsque la multitude
des salariés s’amenuise, et avec elle celle des clients, il n’y
a plus qu’à procurer un revenu de substitution aux sans-emplois
pour créer de nouveaux clients, pour relancer la consommation.
Mais il faut le dire et le répéter : LE REVENU MINIMUM
N’EST QU’UN NOUVEAU PIEGE QUE POSE LE CAPITALISME AUX TRAVAILLEURS.
Ce n’est pas du tout un pas en avant vers le socialisme distributif
qui, lui, propose un revenu social maximum garanti pour tous et non
pas un nouveau subterfuge pour faire durer une économie marchande
malade de ses propres contradictions.
La notion même de revenu minimum est contenue, en germe, dans
l’organisation de la redistribution sociale que les travailleurs ont
arrachée peu à peu, sous la forme d’un système
de protection sociale, pour améliorer leurs conditions de vie
tandis que les patronats et gouvernements successifs ne pouvaient, dans
le même temps, que lâcher du lest pour désamorcer
des situations explosives. Ainsi ont été créés
la Sécurité Sociale, les congés payés, les
allocations familiales, les indemnités de chômage, de maternité,
de formation... qui, s’ils bénéficient au plus grand nombre,
sont un excellent moyen de relancer la consommation des foyers. C’est
vraiment malheureux mais il faut se persuader que chaque nouvelle mesure
sociale n’est pas destinée, en priorité, à soulager
les travailleurs mais bien à prolonger la vie du capitalisme
en lui procurant de nouveaux clients. Ce qui ne lui coûte, d’ailleurs,
rien puisque ce sont les travailleurs eux-mêmes qui financent
ces mesures prises, sur leurs cotisations ou leurs impôts !
La société actuelle est une société à
plusieurs vitesses où les privilégiés, ceux qui
profitent du travail des autres, côtoient les travailleurs, qui
auraient tendance à être, de plus en plus, présentés
comme des privilégiés eux-mêmes, uniquement parce
qu’ils "ont la chance" d’occuper un emploi (vous pensez, ma
bonne dame, par ces temps difficiles !), et les assistés, ceux
que les patrons dégraissent (comme un morcif de barbaque trop
grasse !) et à qui l’Etat fait "généreusement"
l’aumône, les forçant à vivre des miettes d’un gaspillage
gigantesque. Dans ces conditions inégalitaires, il est impossible
de concevoir l’attribution d’un revenu minimum (déjà l’adjectif
est cruellement restrictif, minimum pour ne pas crever, sans doute ?)
qui permette aux plus démunis de vivre DECEMMENT, sans crainte
du lendemain. Il ne peut s’agir là que d’un palliatif intolérable,
d’une nouvelle mesure de charité publique inspirée par
l’approche d’élections. Peur d’un soulèvement en masse
plutôt que humanisme et amour de la vraie démocratie.
LE REVENU SOCIAL MAXIMUM GARANTI : OUI ; UN REVENU MINIMUM POUR CERTAINS
NON.
Tribune libre
Ce texte extrait de l’article « Athéisme et Politique » publié dans le bulletin n ° 11 de « l’Union des Athées du Vaucluse et des environs », qui propose, en outre, de constituer une grande fédération de groupes de même sensibilité ».
« Actuellement, les pauvres font vivre les riches,
mais ils ne le savent pas ».
Jusqu’à ce jour, tout a été essayé pour
gouverner les peuples. La société est complexe et évolutive,
c’est vrai, mais aucun système, à notre avis, n’a complétement
réussi. Tous les pouvoirs religieux, nationaux, royalistes, impérialistes,
colonialistes, fascistes, nazis, capitalistes, communistes, socialistes,
libéraux, républicains de toutes tendances, etc... ont
échoué, malgré le soutien sans limite de toutes
les églises.
Le droit laissé aux superstitions est, avant tout, la cause des
échecs de toutes les républiques. Dans toutes les parties
du monde, l’émancipation sociale et le désir d’amélioration
se heurtent aux croyances.
Beaucoup de personnes, surtout à gauche, ne votent plus, depuis
la déception de 1981-1986, et même avant. Nous pensons
que les 20% à 30% qui préfèrent aller pêcher
à la ligne plutôt que d’aller voter, ne sont pas des gens
de droite, mais des déçus de la politique, des dégoutés
des combines, et beaucoup d’entre eux pensent que Barre ou Fabius, c’est
blanc bonnet et bonnet blanc.
Nous pensons que si les femmes et les hommes d’avant-garde
voulaient s’en donner la peine, nous pourrions changer cela.
La solution nous semble simple. Nous l’empruntons à Proudhon,
c’est le fédéralisme. En 1992, nous serons une province
de l’Europe.
Avant cette date, devant les attaques de la droite contre les acquis
de ce dernier siècle et devant l’inertie de la gauche, il n’y
a qu’une solution, le Fédéralisme.
Proudhon a dit : « Le XXe siècle ouvrira l’ère des
fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire
de mille ans ! »
« A l’aube du 3ème millénaire de notre ère
vulgaire, allons-nous enfin comprendre que le fédéralisme
n’est point une doctrine, mais une possibilité d’association
non étatique, révisable, et évolutive, comme le
sont les constitutions des sociétés en état de
perpétuelle évolution. »
Les hommes et les femmes de notre pays doivent pouvoir s’organiser comme
ils le veulent.
L’Etat actuel, c’est inévitablement la « nomenclatura »,
cette forteresse de privilèges qui dresse une barrière
d’incompréhension entre les hommes et qu’il faudra modifier.
L’administration des choses, c’est la structure économique du
Fédéralisme, cela nous conduira à l’économie
distributive défendue depuis 1934 par Jacques Duboin.
Le Fédéralisme n’a pour but que de distribuer équitablement
la production, en laissant à chacun sa liberté de choisir.
Ainsi chacun aurait l’assurance de recevoir sa part de production, même
si une machine automatisée l’a réalisée pour lui
; cela permettrait aux hommes d’aujourd’hui d’hériter des générations
passées et des techniques qu’elles ont su mettre au point, pour
accéder à une véritable libération : c’est
la grande relève de l’homme par la machine qui cesse d’être
sa concurrente, pour devenir sa servante.
La théorie fédéraliste s’avère plus humaine,
plus équitable, que le désordre actuel.
Par ses organes coordinateurs (et non directeurs) le Fédéralisme
laisse aux individus comme aux peuples leur responsabilité. Le
système politique actuel est remplacé par un système
administratif puisqu’il ne s’agit non plus de gouverner les hommes,
mais d’administrer les choses, en mettant l’homme ou la femme qu’il
faut, à la place qu’il faut, c’est-à-dire, en désignant
partout où s’exerce l’activité humaine, les plus dignes
et les plus capables.
La psychologie fédéraliste, c’est de rendre autrui capable
de penser et d’agir pour soi, d’avoir l’entière faculté
de se conduire pour et par soi-même, d’évoluer, de se développer,
selon son déterminisme personnel, sans avoir à rendre
compte qu’à soi-même de ses faits et gestes.
Le Fédéralisme incarne l’esprit de résistance et
d’objection de conscience à l’état permanent, par son
mépris de la domination de l’homme et des collectivités
sur l’individu. Dans l’environnement pollué de la société
actuelle le Fédéralisme représente pour l’individu
un moyen de vivre une vie plus large en multipliant ses jouissances
et en diminuant ses peines. Le Fédéralisme est une grande
richesse pour chacun de nous.
C’est une association de défense des libertés essentielles
de conscience, d’expression, liberté de faire ce qu’il nous plaît
sans vouloir empiéter sur la liberté des autres.
La solidarité économique et sociale pour chacun, et la
liberté de tous, sont incompatibles avec la hiérarchie
actuelle.
Il faut que les républicains comprennent que cette transformation
de la société doit entraîner la fin des privilèges,
des monopoles, et des pouvoirs constitutionnels actuels.
A en juger par le gigantisme de ses réalisations,
par ses performances en matière industrielle, sociale et culturelle,
par le haut niveau de la formation et de la recherche, l’économie
soviétique semblait en bonne posture pour aller de l’avant. Les
publications vantaient la sécurité du revenu, l’accroissement
constant des pouvoirs d’achat dans la stabilité des prix obtenue
au moyen d’une habile mise en place des fonds sociaux de consommation,
fonds prélevés sur la collecte des profits.
Et puis, soudain, le ton change. Bureaucratie, laisser-aller, manque
de conscience paralysent le progrès technologique. Paresse, ivrognerie,
stagnation des taux de croissance, médiocre qualité des
biens courants, insuffisance de la production destinée aux foyers,
fonctionnaires corrompus, il faut redresser la barre. Et voilà
qu’on privatise le profit au niveau de l’artisanat, du petit commerce,
des coopératives et des services, que l’on délègue
aux banques, un pouvoir de décision en matière d’octroi
du crédit. Désormais, la rentabilité prend le pas
sur l’utilité. Pour les gérants des entreprises, responsabilisés,
l’efficacité financière devient le maître-mot, associé
à la compétitivité. L’autonomie rendue aux entreprises,
l’Etat privé de l’essentiel de ses recettes doit réduire
sa tutelle, borner son rôle à celui d’un contrôleur.
A l’Etat oppresseur vont ainsi se substituer une nuée de "négriers"
âpres au gain, soucieux de profits, libres de fixer leurs prix,
sanctionnés par la faillite et ce qui s’ensuit, exploitant à
leur tour leurs personnels et les consommateurs. Sans doute subsiste-t-il
un important secteur socialisé où le plan fait la loi,
un secteur où, cependant, les multinationales se manifestent
dans d’étranges opérations de coproduction, leurs intérêts
étroitement mêlés à ceux de l’Etat soviétique,
autorisées désormais à reporter non plus seulement
leur part de production, mais aussi leurs profits.
A l’ancien système qui permettait d’approvisionner à bas
prix l’ensemble de la population, succède la dure loi du marché,
celle de l’offre et de la demande. Devenue fléau, l’abondance
sera combattue comme elle doit l’être dans l’aire du capitalisme
occidental, producteurs et marchands s’enrichissant à la mesure
du rationnement imposé par les prix à la multitude.
En se privatisant, le profit accuse son rôle pernicieux : création
et aggravation d’injustes inégalités, ségrégation
sociale et lutte des classes, moindre intérêt pour les
projets à caractères social ou culturel dénués
de rentabilité. La concurrence s’installe avec ses gaspillages
de moyens, de ressources et d’emplois. Elle s’accompagne d’un climat
d’insécurité, de migrations de la main-d’oeuvre, de ruptures
avec le milieu, de tous les ingrédients de cette struggle for
life qui mobilise une part si importante d’efforts soustraits à
la production pour courir après l’argent. Mots-clés, compétitivité,
efficacité financière, initiative individuelle, figurent
pareillement au tableau d’honneur de la "restructuration",
présentée comme nécessaire à la modernisation.
S’il est vrai que la modernisation implique un accroissement des échanges
internationaux, la pratique du troc n’at-elle pas, à ce jour,
procuré aux Soviétiques les technologies de pointe, les
équipements les plus performants, notamment en matière
de robotique, d’informatique ?
Il semble que ce reniement de l’efficacité du socialisme soviétique,
que ce démantèlement de ses idéaux soient en réalité
la conséquence de l’implantation des multinationales dans les
pays de l’Est. N’étant parvenus ni à faire aboutir leurs
projets de reconquête, ni à décapiter l’idéologie
marxiste léniniste, nos "Trilatéraux" (1) ont
choisi d’en corrompre le contenu doctrinal, d’introduire le ver dans
le fruit, comptant n’en faire qu’une bouchée grâce à
une science consommée des manipulations du marché, à
leur maîtrise des mouvements monétaires. Et voici le Premier
soviétique souscrivant aux exigences des multinationales, confessant
ses erreurs, annonçant urbi et orbi cette restructuration économique
destinée avant tout à transformer le capitalisme d’Etat
en un social capitalisme mi-privé, mimixte, assez proche du capitalisme
occidental, mieux apte, en adoptant ses règles, à développer
les activités lucratives des entreprises étrangères
implantées en territoire soviétique.
Il fallait, en effet, mettre un terme au dumping des pays socialistes
sur les marchés extérieurs, rétablir la vérité
des prix, convenir de nouvelles normes de cohabitation. Voila qui est
fait. Les autorités soviétiques se répandent en
discours-fleuve, expliquant qu’il s’agit non pas d’un recul du socialisme,
mais d’un bond en avant. Ils sèment les germes d’une interminable
querelle. En décentralisant la gestion du profit, en la confiant
à une multitude de gestionnaires, non seulement l’Etat s’ampute
d’un instrument indispensable à sa politique, mais, exposés
au risque de l’échec financier, les gestionnaires sont enclins
à se comporter à l’égar de leurs personnels, en
patrons de droit divin.
Licenciements, envol des prix, insécurité, est-ce pour
en arriver là, au démantèlement des acquis de leur
socialisme, que les Soviétiques auront subi, durant trois quarts
de siècle, de pareilles privations, le joug d’une dictature acceptée
dans la perspective de lendemains qui chantent ? La population, victime
de cet envol des prix, va payer cher ce retour partiel au capitalisme
des artisans et des boutiquiers.
L’économie soviétique a fait un faux pas, s’engageant
sur la mauvaise voie. Conscients de la nécessité d’accélérer
la machine à produire et à distribuer, les responsables
ont choisi le pire des moyens. Comment, après avoir tant et tant
disserté sur l’amoralité du profit, dénoncé
le capitalisme comme le mal absolu des sociétés, ont-ils
pu abjurer leur foi, se laisser pareillement abuser ?
Il leur a manqué d’être informés d’un modèle
de société à monnaie de consommation (2). En l’adoptant,
ils faisaient franchir au développement, à la croissance
des services et des biens, un bond bien supérieur à celui
attendu de tout autre formule, éliminer les gaspillages inhérents
à l’économie de marché et de concurrence, effacer
les obstacles dressés par le profit à l’essor des initiatives,
aux vraies libertés.
Faux pas d’autant plus regrettable, qu’ayant déjà socialisé
production et distribution, barêmé tous les revenus, assuré
ses échanges avec l’extérieur, l’Union soviétique
avait accompli les trois quarts du chemin qui l’eût amenée,
sans coup férir, au rang de leader d’une formule socialiste libérée
de ses tares, offerte en exemple aux autres nations.
(1) Les membres de la Commission trilatérale,
état-major politique des multinationales et de leurs banques.
(2) Cf » Projet de société pour demain » (META
n° spécial décembre 1982).
« Demain l’An 2000 » (réédition de »
L’An 2000 » publié chez Pion 1965).
Aujourd’hui, une révolution monétaire. Demain une révolution
économique » (La Grande Relève, n° 838, octobre
1985).
POUR PARTAGER L’ABONDANCE
La télématique est à l’ordre du jour. C’est un outil efficace dont les abondancistes n’ont aucune raison de se priver. Bien au contraire, n’oubliant pas que sans le progrès technique, la nouvelle économie serait inconcevable, plusieurs d’entre nous ont proposé de se servir de cet instrument afin de progresser et peut-être de préfigurer ce que pourrait être la société future. Nous avons déjà donné un article sur le Centre de Partage Télématique des Décisions (C.P.T.D.) dans notre n° 854 de mars 1987. Bien que pas forcément d’accord sur la manière souvent emphatique de présenter ce nouveau centre, nous publions de nouveau ci-dessous l’annonce du début de son fonctionnement. Nous nous réservons bien entendu l’opportunité de décrire également d’autres initiatives analogues.
L’ORDINATEUR est une machine. Elle répète
vite et bien les instructions programmées à partir des
données qu’on lui fournit. La cause de sa bêtise est "structurelle"
: sa mémoire est adressable.
Une mémoire adressable est une suite de casiers numérotés
où l’on place des informations (lettres, nombres, morceaux d’images).
Pour les retrouver (ou connaître leur nature), il faut savoir
où on les a mises. De telles mémoires ne peuvent travailler
qu’après l’action
intelligente de l’homme nommé analyste-programmeur.
- L’analyste découpe l’univers sensible en classes d’objets (entreprises par exemple) avec leurs sous-classes (employés...) et sous-sous-classes (noms, adresses, ages, etc...). Il affecte des zones de mémoire (No x à y) à chaque classe (nature d’information), et à l’intérieur autant de souszones qu’il prévoit d’éléments de cette classe.
- Le programmeur écrit la suite d’opérations que doit exécuter l’ordinateur : prendre les éléments successifs de zone A, correspondant au critère de zone B ; les multiplier par ceux de zone C ; les mettre en D (éventuellement zone imprimante), etc... Il stocke le programme en zone E et commande le départ à l’adresse E + n.
La mémoire associative, ou de "type humain" permet d’éviter tout ce travail. On peut lui entrer toutes les données "à la file". Sa fonction de recherche exhaustive lui permet de retrouver directement parmi ces données entrées, les relations statistiques entre les images ou mots mémorisés. Elle possède donc une "représentation interne" de l’univers que l’on peut interroger comme une mémoire humaine. Si elle inscrit à mesure les questions posées, le temps mis à répondre, l’appréciation de l’homme sur la réponse, sa fonction de recherche lui permet de retrouver le programme optimum, suite déjà vue à partir de l’expression d’une question semblable. La mémoire associative est l’inverse de l’adressable :
Pour la première, la donnée d’entrée est une séquence d’informations détectée par des capteurs... le résultat est l’ensemble des adresses où ces informations sont déjà stockées (table d’index correspondantes) avec en plus les nombres de ces adresses, et l’accès à tous les objets « voisins » dans le temps et/ou l’espace... et au nombre de liaisons observées entre elles.
Pour la 2e, la donnée d’entrée est l’adresse...
le résultat est l’ouverture du casier N pour y mettre une information
ou la retrouver.
Un type de fonctions de plus est indispensable pour filtrer les informations,
et n’en conserver que les "utiles". Ce sont les fonctions
de "codification" ou de reconnaissance et invention de "concepts".
Les fonctions de recherche dans une mémoire associative permettent
justement cette sélection par questions successives ou simultanées
(millions de processeurs en parallèle).
On peut programmer l’ordinateur pour ce type de recherche, mais il n’est
pas conçu dans ce sens. Des mémoires associatives de masses
sont simples à réaliser, dont les rapports coût/performance
seront des millions de fois supérieurs.
Ces outils, mis enfin au service de tous par minitel, analyseront, grâce
à toutes les questions posées par les gens, notre univers
commun pour nous en restituer les lois. Apprenant les rapports oeil-main,
des robots à mémoire associative nous délivreront
enfin, des tâches dites « manuelles »... donneront à
chacun le savoir intégré de tous.
Ces machines intelligentes devraient depuis longtemps déjà
être chez nous, s’il n’y avait pas les blocages de la peur engendrées
par notre système économique actuel !
Nous pouvons, dès maintenant, créer des "Centres
serveur Minitel" (comme le fait actuellement le CPTD et son promoteur
Marc Handrick) qui reconstituent une mémoire commune où
il est inscrit les connaissances, l’histoire, les besoins, les aspirations,
les projets, les compétences, les disponibilités... de
chacun d’entre nous suivant son enthousiasme.
Cet outil télématique permet d’ouvrir le dialogue direct
de chacun avec l’ensemble comptable des gens, en tant que consommateurs
farouchement intéressés au progrès (diminution
des peines pour obtenir un bien-être supérieur), et non
plus en tant que corporation farouchement menacée par ce progrès
!
A mesure que le nombre de ces "Centres-Serveur-Minitel" se
développeront et qu’il s’établira entre les utilisateurs
de nouveaux rapports (échanges conviviaux), le système
économique-marchand sera court-circuité progressivement.
Ces nouvelles relations entre les individus sont possibles car l’information
y est contradictoire, comparative, classée statistiquement, signée,
et donc contrôlable afin de retrouver la solution optimale en
chaque occasion.
Nous nous libérerons de notre dépendance à l’argent,
à mesure que notre dialogue s’enrichira et couvrira de nouveaux
domaines de production : c’est le partage de l’abondance !
Le contexte dont nous sortons était lié à cette
loi : concurrence et domination ! Pour la première fois dans
l’histoire de l’humanité, nous avons une richesse à partager
: en 5 milliards qui ne se divisent pas mais se multiplient au partage
! Si chacun donne une information à une mémoire commune
à tous, il en reçoit 5 milliards, non pas isolée
mais intégrée et accessible au niveau des lois.
Dans un pareil contexte, chacun prendra très vite conscience :
- qu’il devient plus facile de dominer la machine que les hommes pour
avoir plus de bien-être.
- que la liberté et la différence des autres, loin d’être
à craindre, deviennent notre expérience à chacun
et nous font gagner des libertés supplémentaires.
Quel fantastique outil de dialogue pour les distributistes, abondancistes...
et autres bonnes volontés pour rassembler leurs énergies,
s’entraider et pourquoi pas démarrer une économie parallèle
? (voir une version actualisée du projet Hunibelle...). Ne serait-ce
pas l’outil de transition tant recherché ?
Alors, nous remplacerons l’angoisse par l’espérance, la peur
par la confiance, la concurrence éliminatrice par la coopération
constructive, la violence par l’harmonie, les guerres par la paix, l’autorité
par la concertation, la maladie par la santé, la "formation"
par l’information intégrée et contradictoire, la mort
par la vie... !
Tribune libre
L’IDEAL serait de partager l’abondance entre tous
les hommes. Nous sommes quelques-uns à croire que c’est possible,
si on le "veut". Ceci grace à un "Revenu Social
Personnalisé" qui permette de répartir les denrées
et produits de consommation courante actuellement surabondants (et qui
pourraient être accentués encore). Ceci au moyen d’une
monnaie fondante, que les Etats doivent pouvoir attribuer à chacun
selon ses besoins. Pour les dépenses d’équipement, une
"rente" annuelle devrait aussi être consentie à
tout individu. C’est la base d’une "Economie Distributive".
Utopie disent les uns. Mais que d’utopies sont devenues "monnaie
courante" depuis moins de 100 ans ?
Comment parvenir à cette "économie distributive"
? La "Grande Relève des Hommes par la Science" en a
donné, depuis Jacques Duboin, toutes les possibilités.
Je pense qu’il faut continuer cet excellent "discours".
Mais il y a beaucoup de gens à convaincre et qui ne veulent pas
croire qu’on peut "gagner" sa vie, sauf par un certain travail
ou des "revenus" sûrs apportés par des actions
ou obligations, plus ou moins boursicotées.
Même les partis politiques et les syndicats n’entrevoient que
de loin l’attribution d’un Revenu Social garanti pour tous. J’ai moimême
tenté de sensibiliser le Parti Socialiste et le Syndicat "Force
Ouvrière" de cette "réforme" des moyens
de concevoir la vie collective et distributive. En vain !
Alors, il faut, sauf surprise d’un revirement majoritaire sur nos thèses,
envisager des "formules transitoires », telle, par exemple,
celle de reverser aux chômeurs une allocation mensuelle de 5 000
F pour tous, par mois. J’ai calculé que pour 3 millions de chômeurs,
cela représenterait une dotation annuelle de 180 milliards de
francs. Comment réserver cette somme sur le budget de l’Etat
français ? Eh bien, n’est-ce pas le produit de l’Impôt
sur les Revenus ? (dont 80 % sont versés par 20% des redevables
les plus aisés). L’impôt sur les revenus de ceux qui ont
la chance d’en avoir (des revenus) ne doit-il pas être reversé
à ceux justement qui n’en ont pas assez ?
On pourrait ainsi trouver des économies, par suppression des
aumônes et allocations versées aux sans-emploi. On pourrait
diminuer certaines dépenses d’armement et de "prestige".
Et, à la rigueur, on pourrait rétablir un impôt
sur les grandes fortunes ou, mieux, augmenter les droits de succession
des nantis.
Certes, ce que je pense n’est peutêtre même pas réalisable,
en entier, tout de suite, mais le moins qu’on devrait faire serait de
se pencher sur cet important problème comment répartir,
équitablement, la surproduction actuelle (et future) étant
donné que "l’enrichissement" général
ne fera que s’accroître, tandis que le "travail des hommes",
lui, décroîtra ?
Il faudra bien une "sagesse moderne" pour éviter les
mauvais effets du surarmement, les "bonnes fortunes" des multinationales,
et la répartition entre toutes les ethnies de l’Abondance qui
nous "guette".
Tous les jours, il y a des "révolutions" industrielles,
il faut adapter la "manne" qui s’accumule (et que l’on détruit
parfois) pour distribuer à 10 milliards d’individus (bientôt)
de quoi "vivre" et "s’épanouir".