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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 848 - août-septembre 1986

 

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N° 848 - août-septembre 1986

Feu d’artifice   (Afficher article seul)

Association T.G.V.   (Afficher article seul)

Pour le transport gratuit des voyageurs

Incohérences libérales   (Afficher article seul)

Au Fil des jours   (Afficher article seul)

Lu, vu, entendu   (Afficher article seul)

Soyons abondancistes, que diable !   (Afficher article seul)

Mort de l’emploi-esclavage   (Afficher article seul)

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LES DOSSIERS DE LA GRANDE RELÈVE

Feu d’artifice

par M.-L. DUBOIN
août 1986

Bien que nous soyons le 14 juillet, ce n’est pas des feux d’artifice de la Fête Nationale que je veux parler, mais plutôt de la dernière conférence du premier cycle organisé par le Centre d’Etudes des Systèmes et des Technologies Avancées (CESTA), sous le titre général «  Lectures de notre temps ».
Intitulé « Complexité, systèmes et entreprises  », ce premier cycle annuel, à l’initiative de Jacques Robin et de René Passet, avait un double objectif d’une part tenter de décrire la nature de la véritable mutation que l’humanité aborde en ce XXe siècle, et d’autre part, en examiner les conséquences, prévoir, sinon préparer, les bouleversements que cette mutation implique pour la société, en particulier en matière économique.
Chacune des huit séances de ce cycle était organisée autour d’un thème central et, à chaque fois, deux aspects complémentaires étaient abordés par deux conférenciers différents (1), le premier se plaçant au plan général, théorique, le second abordant l’aspect pratique, souvent en prenant pour exemple le domaine de sa propre entreprise et se servant de son expérience personnelle.
Or cette expérience était en général très vaste car le CESTA avait trié ses conférenciers sur le volet. Les organisateurs de ce cycle avaient, en effet, choisi des «  décideurs), , des « battants », des gens qui sont « au fait » pour leur demander de décrire cette mutation dont notre société est témoin, et de montrer quelles sont leurs réactions face aux bouleversements déjà commencés.
Hélas, j’ai eu souvent le sentiment, sauf à la dernière séance, d’un dialogue de sourds entre les initiateurs de «  Lectures de notre temps » et les P.D.G., les professeurs, les directeurs, et autres responsables ministériels qu’ils avaient invités. Jacques Robin eut beau à plusieurs reprises répéter que « ce qu’on appelle la crise » (2) n’en est pas une, qu’il s’agit de beaucoup plus que cela, d’une véritable mutation... tout s’est le plus souvent passé comme si ce mot de mutation, souvent repris aujourd’hui. s’était émoussé, les décideurs restant convaincus qu’au prix de quelques innovations, du type de celles qu’ils ont décrites, ils seront toujours en mesure de faire face, quoi qu’il arrive, sans qu’ils aient besoin d’imaginer d’autres circuits économiques. Et quand Jacques Robin a demandé si on pouvait imaginer une innovation financière qui ne satisfasse pas seulement une infime partie de la population, les décideursinnovateurs et autres « battants » n’ont pas eu de réponse. Mais cela ne les a pas troublés.

LA COMPLEXITE

Sur le plan théorique, Edgar Morin a magistralement décrit la complexité d’un système, montrant la nécessité d’un changement dans nos structures mentales pour saisir la complexité de la société, comme celle d’une entreprise. S’ils peuvent entendre cette conférence (3), nos lecteurs retrouveront ce que nous avons souligné dans le livre de F. Capra (4) montrant qu’on ne décrit pas un système, et l’homme en particulier, en le simplifiant pour le réduire à une série de mécanismes. E. Morin conclut que dans un système, quel qu’il soit, la société par exemple, un programme clair, bien défini, est indispensable... quant tout va bien. Mais quand survient une cassure, il faut savoir abandonner le programme et faire appel à une stratégie adaptée.
Cette cassure du XXe siècle, dans nos technologies, les décideurs la ressentent bien. Depuis Thierry Gaudin (5) qui la décrit en ces termes : « les configurations structurelles changent au point qu’on ne peut plus prolonger le passé récent pour prévoir l’avenir ». Il s’aperçoit que « les grandes batailles sont maintenant celles des normes ; ce ne sont plus des batailles de capitaux ! » Les deux domaines déterminants dans cette cassure, l’informationnel et les biotechnologies ont été décrits par des spécialistes.

LA CASSURE EN ELECTRONIQUE

Les technologies informationnelles modifient jusqu’à notre vision personnelle du monde. L’écriture linéaire appartient au passé ; elle est remplacée par l’image et le son. Et l’impact en est déjà sensible sur notre structure mentale, faite d’images dont la moitié, naguère, étaient inventées. La télévision et les industries «  hallucinogènes (terme employé par T. Gaudin) ont déjà modifié ce rapport au point qu’on estime aujourd’hui à près de 90 % la part des images reçues ! M. Richonnier (6) compare l’évolution de la vitesse des trains (passée en un siècle de 100 à 300 km/h) à celle de la vitesse des calculs (multipliée par 10 000 en seulement 25 ans) et, pour montrer la triple évolution de l’électronique, en vitesse, en volume et en consommation d’énergie, il reprit un exemple classique : si l’aviation avait évolué au même rythme, un Boeing 747 pourrait faire le tour du monde en vingt minutes ; en volume, il tiendrait dans un dé à coudre ; en énergie, il lui faudrait vingt litres de pétrole. Et notre ami Albert Ducrocq montre que le développement ne s’arrêtera pas là, puisqu’on utilise encore un million d’électrons pour faire passer un message alors qu’un seul de ces messagers est théoriquement nécessaire !

L’IRRUPTION DES BIOTECHNOLOGIES

La révolution des biotechnoligies, d’après R. Sautier (7) apporte encore plus d’espoirs de nouvelles productions que n’en a apporté la révolution industrielle ! Au point que les grands groupes actuels, essouflés, sont, dit-il, des dynosaures... Et J. Robin insiste sur la concentration capitalistique qui est à prévoir dans l’agro-alimentaire : 50% à la Montedison.
« Il ne s’agit pas d’une nouvelle industrie, précise R. Sautier, l’arrivée éruptive des biotechnologies va transformer TOUT le paysage industriel, réorientant les groupes les plus puissants ». Il n’y a pas >Je domaines réservés, il s’agit d’un recentrage sur de nouveaux axes et avec de nouveaux modes de pensée. Et, ajoute M. Richonnier, ces bio-industries ne sont pas un rêve : aux Etats-Unis, 1/5 du cuivre est déjà produit par des bactéries, des ingénieries génétiques fabriquent les produits sucrants de Coca, d’autres des médicaments (tels que l’insuline). En Europe, les premières récoltes dues au génie génétique sont prévues pour 1988 et 1989...
Apparemment, ces récoltes extraordinaires s’ajoutant aux actuelles « surproductions » de l’Europe ne troublent pas le P.-D.G. de la SANOFI, car lorsque la question lui a été posée de savoir si les biotechnologies allaient aider à résoudre, par exemple, le problème que posent les excédents de lait, il a répondu qu’effectivement nous avons un milliard de litres de lait et que nous allions très bientôt pouvoir produire plus avec moins de vaches laitières. Mais nous allons recevoir une aide des biotechnologies : la recherche vient en effet de «  démythifier le cholestérol circulant », elle va donc « nous aider à accroitre la consommation » puisque les consommateurs n’auront plus peur, pour leur santé, de consommer des graisses animales...
Voilà, effectivement une belle solution au problème de la faim pour les consommateurs insolvables : il suffit que les autres mangent deux fois plus !

UNE GENE CERTAINE

Malgré ces belles assurances, on sent l’inquiétude chez nos responsables devant des faits dont ils commencent à s’apercevoir... que la maîtrise leur échappe. J.R. Fourtou (8) constate que le métier d’ingénieur-conseil a bien évolué ces dernières années, il montre qu’il existe aujourd’hui trois manières de gouverner une entreprise l’imposition, la transaction (d’ordre collectif, c’est-à-dire les compromis passés après concertation) et l’animation « menant à l’exaltation d’un projet collectif ressenti comme légitime ».
H. Syrieyx (9) place même ce « management participatif » (10) au rang des « voies nouvelles de réponse » aux problèmes de notre temps : les entreprises, certes, seront à effectifs réduits, car les emplois de production vont disparaître. Mais il y aura développement du côté des services car les cadres seront des animateurs et non des officiers, et «  on recrutera les dirigeants non plus comme des préfets sur leurs opinions politiques, ou comme on privilégie aujourd’hui, les rejetons des P.-D.G. ou des grandes écoles » car il n’y aura pas d’évolution sinon. H. Syrieyx, avec un humour certain, a compris qu’il lui faut éviter le stress, car le « polar est un danger public : il ne voit pas ce qui se passe, donc ce qui vient  ».
Et justement, il est vital d’être vigilant. Car avec la mondialisation du marché, « tout marchand de cravates de la Roche-sur-Yon doit savoir qu’à tout instant quelqu’un dans le monde prépare sa mort » (commerciale), dit H. Syrieyx. « Les contraintes ont toujours existé, note le professeur C. de Boissieu, mais

l’évolution des conjonctures a fait que ces contraintes, en particulier les contraintes de la compétitivité externe, sont devenues insupportables. »
E. Morin avait montré la complexité du marché, R. Sautier explique qu’un P.-D.G. doit, pour prendre une décision, avoir une vue à dix ans... c’est-àdire qu’il est amené à gérer l’imprévisible... et savoir qu’en entreprenant de construire une usine, il faudra la réorienter cinq ans après.
Plusieurs orateurs ont montré que l’Europe avait toujours su être à la pointe de la recherche. Mais certains d’entre eux estiment qu’elle a « râté le train de la troisième révolution industrielle ( ?) » (M. Richonnier) faute d’avoir su « acclimater » ces techniques, c’est-à-dire les transformer pour les commercialiser.
Alors, puisqu’on a des idées, puisqu’on est des battants, on garde l’espoir qu’il existe des solutions sans tout changer : «  La rentabilité étant ce qu’elle est, dit J.-P. Raunaud (11), il faut s’arranger pour préserver le long terme » et on va chercher des innovations, car une innovation, « c’est perturbateur, mais ça ne détruit pas ; ça permet de rééquilibrer un système qui faiblit. » L’un de ces espoirs, c’est l’Europe.

ESPOIR EN EUROPE

« N’oublions pas l’importance de la taille du marché, rappelle R. Sautier. Les Etats-Unis et le Japon ont réussi parce qu’ils avaient un énorme marché à leur disposition. Nos difficultés viennent des mentalités « cloisonnées  » des Européens et leurs échecs (l’ordinateur européen, les magnétoscopes) sont dus à des réflexes d’une étonnante émotivité, explique M. Richonnier. Il faut jouer la carte « taille du marché », car, précise A. Danzin (12) « les coûts s’abaissent de 30 %, et maintenant de 40 %, chaque fois qu’on double la production ».
« Sans l’Europe, nous ne pouvons rien », dit R. Sautier, mais avec elle nous allons « rattraper le train » car «  rien n’est jamais joué, tout va très vite et les technologies d’aujourd’hui seront dépassées dans une dizaine d’années  ».
Mais, ajoute A. Danzin, ce qu’il nous faut, ce sont des clients pionniers  ; il faut que les consommateurs européens aient envie de jouer le jeu. Il y a donc un problème de formation car en Europe il y a des cloisons : le marché est « antirésonnant  » alors qu’aux Etats-Unis, le marché est résonnant. Alors c’est dans le programme ESPRIT et son effet catalytique que j’espère.
Effectivement, dit R. Sautier, on n’a pas assez insisté sur le problème de la formation. Il nous faut pour décideurs des hommes qui aient à la fois l’expérience de l’industrie, celle de la recherche et celle de l’enseignement. N’oublions pas que les entreprises européennes ont vécu et vivent l’ancienne industrie, où le temps de réponse était l’investissement, alors qu’aujourd’hui le temps de réponse est celui de la recherche.
« Un P.D.G. aujourd’hui, poursuit R. Sautier, doit prendre des engagements de recherche, c’est-à-dire dans des domaines où la rentabilité n’est pas assurée : non seulement les marchés n’existent pas, mais on ne sait même pas quel marché existera. Une étude de marché est donc impossible.
Nous devons gérer le risque. Alors, nous, responsables industriels, n’avons nous pas droit à une certaine protection ? »

LES DEREGLEMENTATIONS AU SECOURS

Les industriels sont conscients que l’Europe n’est pas facile à faire. La compétition commerciale y oppose les nations depuis si longtemps ! La formation des décideurs est un travail de longue haleine, alors que tout change si vite...
Il reste que nous sommes tous commandés par le marché, note R. Sautier, c’est lui qui a toujours le dernier mot. Or, le partage des marges entre production et distribution est le problème essentiel. D’autant plus, qu’il va « encore être aggravé par le fait que les biotechnologies vont aider à produire plus et mieux ». Alors le P.D.G. de la SANOFI conclut à la nécessité de dérégulations.
Qu’une mutation du système financier soit souhaitable et inévitable, comme l’a dit C. de Boissieu, nous sommes bien d’accord. Mais les innovations financières qu’il nous a décrites sous ce titre ne constituent pas une telle mutation, elles sont plutôt l’adaptation du système... à ces « besoins » des seules grosses entreprises.
De nouveaux produits apparaissent ? De nouveaux marchés ? De nouvelles technologies de paiement ? Alors l’important est que les grosses entreprises puissent en profiter et on invente tous les moyens qui leur sont nécessaires. Dans certains cas ces innovations sont introduites spontanément, et les autorités les contrôlent ( ?) après. D’autres sont à l’initiative des pouvoirs publics. Mais qu’on sache bien que ces innovations doivent toujours s’interpréter comme résultant de contraintes : banques et entreprises sont bien obligées de desserrer les contraintes qui pèsent sur elles et dont le coût est élevé. Et les contraintes de la compétitivité externe : quand des innovations financières, à l’étranger, favorisent un concurrent, il faut bien que la France suive, sinon Paris ne serait plus une place financière !
Alors on innove. Des opérations à taux d’intérêts variables par exemple. On crée de nouveaux marchés boursiers (le MATIF). On développe un marché de créances négociables. On invente de nouvelles procédures pour que l’entreprise ait un meilleur accès aux capitaux empruntés. On dérèglemente, on relève les seuils, on réforme les modalités de financement à l’exportation, on lève les contraintes qui pesaient sur les bénéfices non commerciaux.
Les conséquences ? Tout est fait surtout pour les ENBAAMM (lire « les entreprises non bancaires ayant accès au marché monétaire »). Mais les économistes y perdent leur latin, la politique monétaire leur pose des problèmes insolubles. « On n’arrive plus à baliser » dit C. de Boissieu. On ne peut plus dégager des concepts traditionnels, les agrégats monétaires par exemple. « On ne peut plus distinguer la monnaie des autres actifs ». C’était déjà un vrai casse-tête quand seules certaines banques créaient de la monnaie, sous forme de crédits. Que dire aujourd’hui que les entreprises émettent des billets de trésorerie dont le montant atteint déjà 100 milliards de francs ? que les créances négociables classées s’élevaient à 108 milliards le 4 avril dernier ?
Bien sûr, les entreprises du même coup ont réussi à parer en partie les risques monétaires : risques de change et risques de taux d’intérêt, puisque, comme l’a bien dit A. Madec (13), « la fonction financière est un moyen de prélever des capitaux au moindre coût et de se protéger contre les risques ». Mais le résultat est clair : outre qu’il est désormais impossible aux autorités monétaires de contrôler, donc impossible qu’il existe une politique monétaire, outre que toutes les cartes sont brouillées, les banques faisant des assurances tandis que les compagnies d’assurance ont des activités bancaires et que les grands magasins font de la publicité pour les services financiers qu’elles offrent, deux autres conséquences ont été clairement mises en évidence par C. de Boissieu : la fragilité du système financier dans son ensemble (le risque n’a pas disparu, il a été redistribué), « ce qui n’est pas neutre au niveau macro-économique parce que les économistes sont incapables d’évaluer les conséquences de ces risques » et un impact désastreux sur l’investissement des entreprises. Sur ce point les choses sont très claires et la Grande Relève l’a déjà souvent souligné  : il est plus rentable pour les grosses entreprises, pour qui ces innovations sont faites, « de faire de l’investissement financier plutôt que de l’investissement physiques ». Traduction : les entreprises ont intérêt à spéculer, à «  jouer en bourse » avec leurs capitaux plutôt qu’à investir pour produire mieux...
La conclusion optimiste d’A. Madec, sur l’air de « Tout va très bien, Madame La Marquise » fut : « Cette mise en place de nouveaux mécanismes, le nouveau gouvernement semble la poursuivre, peut-être même en mieux. Il y a redécouverte de l’entreprise et de ses valeurs. Cela me semble en soi les éléments d’une sortie de crise. »
La mienne, partagée apparemment au moins par Jacques Robin est que les économistes sont totalement désarmés devant les mutations technologiques. Nous entrons « dans une ère inconnue ou l’automatisation de la production est telle qu’il y a à la fois, ce qui ne s’est jamais vu, économie de travail et de capital ». Mais ni les économistes, en général, ni les entrepreneurs, ni les décideurs, apparemment, n’en ont conscience.

LE FEU D’ARTIFICE

Il fallut attendre la dernière séance de l’année pour que les vraies questions de notre temps soient posées.
D’abord grâce à Albert Ducrocq. Nos anciens lecteurs se rappellent encore avec émotion les nombreuses conférences que fit autrefois A. Ducrocq aux côtés de J. Duboin. Le premier exposait les faits scientifiques, le second en tirait alors les conséquences logiques pour l’avenir de notre société. Beaucoup « d’abondancistes » doivent leur compréhension des événements actuels à la clarté de ces brillantes conférences, qui enrichissaient ensuite nos colonnes (14).
Albert Ducrocq, au CESTA, fut brillant comme à son habitude. Et surtout, il dit les choses nettement : « un fait est certain, notre période est sans précédent... Nous atteignons la phase majeure de notre évolution : c’est la révolution de l’intelligence, car c’est le cerveau de l’homme qu’on est capable aujourd’hui d’assister, directement, en particulier avec le développement des systèmes experts capables de raisonner selon les lois qu’on leur aura implantées ». Et ceci n’est qu’une part de la partie visible de l’iceberg. Il y a un mouvement considérable en profondeur parce qu’on va pouvoir désormais définir parfaitement, et fabriquer, le matériau nécessaire à une condition posée, et cela en travaillant au niveau de l’atome. Or toute l’aventure de la vie est une affaire de matériaux biologiques. Imagine-t-on ce qu’on va pouvoir faire maintenant qu’on sait en créer de nouveaux ? L’oeuvre de la nature était limitée, nous savons maintenant la développer !
Tâche redoutable, qui demande réflexion.
Sur le plan économique, il va en résulter un énorme déplacement professionnel, « car c’est au robot de faire le travail d’un robot, pas à l’homme... Ce serait donc une erreur de croire qu’on va gérer avec les moyens traditionnels... La monnaie, par exemple, ne peut rester ce qu’elle est... Elle doit être indexée et personnalisée. Elle doit être distributive  ».
Et sans doute pour inciter une prise de conscience chez « les décideurs » et « les battants » qui l’écoutaient, Albert Ducrocq conclut : « l’avenir n’est pas déterminé, et’ les acteurs, c’est nous ».
Jacques Robin renchérit ensuite en disant « nous sommes en présence d’une rupture technologique : nous la vivons... Cette rupture date du milieu de ce siècle ». Depuis le néolithique, avait-il expliqué, l’homme n’a fait qu’organiser la matière pour mettre en forme ses objets. Nous sommes brusquement en présence des technologies informationnelles qui groupent à la fois l’information et la commande, et l’interaction entre matière et commande crée quelque chose de nouveau. L’homme agit maintenant par l’intermédiaire des codes. Or c’est bien l’information contenue dans les gènes qui est à l’origine de ces matériaux nouveaux en biologie. Donc nous n’avons encore rien vu, par comparaison à ce que nous allons voir !
Comment une telle mutation pourrait-elle ne pas interagir sur la macro-économie  ? La productivité n’est plus la même, puisqu’elle est liée maintenant à l’informel. Alors tous les relais et les ratios de l’économie classique sautent les uns après les autres. Les « tiques » (informatique, robotique, télécommunications, et biotechnologies) bouleversent les règles de l’échange, car nous entrons dans le monde de la production gratuite. Comment la notion de productivité pourraitelle garder un sens quand elle augmente de 30 % par an ? Ne comprendon pas que la fonction de la monnaie a changé de nature quand on sait qu’on consacre cette année près de 800 milliards pour les armements ?
Mais la résistance des mentalités est prodigieuse, déplore Jacques Robin. Tout se passe lui semble-t-il « comme si les décideurs cherchaient des alibis ». Les politiques parlent encore de crise, de 3e révolution industrielle ! Et les économistes ne voient rien, alors qu’il est urgent de redonner un sens à l’économie  !
C’est au professeur René Passet qu’incomba le lancer du «  bouquet » final.
Il nota des images pour décrire les grandes étapes technologiques de l’homme :
- l’horloge de Descartes décrit la société agricole. C’est un univers totalement déterministe où ce qui se passe un jour découle de ce qui s’est fait la veille,
- la machine à vapeur décrit la société industrielle. C’est un monde que l’homme dégrade. Le déterminisme y est statistique : la loi de la moyenne y régit le monde, mais la dégradation suit une direction inéluctable car l’homme ni est pas plus acteur que dans la société agricole,
- l’ère dans laquelle nous entrons est caractérisée par la possibilité que nous avons trouvée de pénétrer dans l’intimité de la matière et de créer des formes que la nature n’a pas inventée. Nous sommes acteurs maintenant.
N’y a-t-il pas de quoi avoir le vertige, interroge R. Passet ?
Alors prenons du recul, dit-il. Demandons-nous où va ce monde. Nous sommes condamnés à résoudre les questions essentielles (par exemple, avec l’acharnement thérapeutique se pose la question de l’attitude de l’homme (face à la mort), car la puissance qui bouleverse le monde est la même que celle qui permet à l’homme de pénétrer dans le secret de la vie.
Et puisqu’il avait, modestement, défini son propos en disant qu’il allait proposer des pistes, René Passet indique qu’il nous faut retrouver - les finalités de la production (quand deux tonnes de blé c’était deux fois plus d’aliments qu’une tonne, faire de l’être c’était simplement faire de l’avoir...),
- la relation de l’être avec le monde et découvrir les finalités de la répartition, car ce problème était simple quand la notion de contrepartie pouvait intervenir. Or ce n’est plus possible, précise R. Passet, car les investissements sont faits avant (formation, recherches, développement), ensuite «  ils crachent tout seuls, que veulent dire alors « productivité de l’homme » et « productivité de la machine »  ? La notion de plus-value de Marx est dépassée. La productivité d’un travail intellectuel n’a rien à voir avec la durée de ce travail : les vieilles notions disparaissent : il faut se donner des critères de distribution. La part croissante des revenues distribués (37 % des revenus des familles) est la preuve qu’une justice distributive est en marche.
Acceptons le défi du nouveau, conclut R. Passet, car il n’est jamais trop tard pour commencer à réfléchir aux problèmes difficiles.
Je me suis laissée emportée par mon élan, dans mon enthousiasme d’avoir entendu dire au cours de cette dernière séance - et si bien - ce que nous répétons dans ces colonnes. C’est bon de penser que nous ne sommes plus seuls et qu’un organisme comme le CESTA agit dans le même sens.
J’ai dit plus haut combien nous aimerions retrouver dans ces colonnes la verve d’A. Ducrocq. Pour en donner une idée aux nouveaux lecteurs, voici comment finit cette dernière séance :
« Je lance, dit-il, l’idée du référendum suivant à proposer aux Français :

Un milliard d’Africains vont bientôt se retrouver sans rien pour vivre.
Que préférez-vous :
- les ignorer ?
- les accepter tous en France ?
- leur donner les moyens de développer leur continent ?

(1) et non « conférencières », aucune femme n’ayant été conviée à participer à ce cycle, et aucune n’est prévue à celui de l’an prochain. Le CESTA est-il misogyne ou bien les femmes se désintéressent-elles de ces questions ?
(2) Titre d’un livre de J. Duboin.
(3) Toutes les séances ont été intégralement enregistrées et leur retransmission est envisagée par Radio France. Les cassettes, d’autre part, sont en vente au CESTA.
(4) Voir G.R. n° 845.
(5) T. Gaudin, directeur du Centre de Prospective au Ministère de la Recherche et de l’industrie.
(6) M. Richonnier, membre du Cabinet de M. Sutherland à la Commission Européenne.
(7) R. Sautier, P.-D.G de la SANOFI.
(8) J.R. Fourtou, Président du groupe Bossard.
(9) H. Syrieyx, Conseiller Municipal du Vésinet, Directeur Délégué du Groupe EUREQUIP.
(10) La langue employée par les décideurs devrait faire l’objet d’un dictionnaire spécial ! Il existe bien des dictionnaires d’argot.
(11) J.P. Raynaud, Directeur de l’innovation chez Roussel.
(12) A. Danzin, Conseiller Scientifique de la Com
mission des Communautés Européennes pour le
programme ESPRIT.
(13) A. Madec, Directeur Général de Roussel-UCLAF.
(14) Beaucoup d’entre eux m’ont souvent écrit leurs regrets de ne plus trouver la signature d’Albert Ducrocq dans la Grande Relève. Nous l’avions, en effet, perdu de vue. Les journaux envoyés à son ancienne adresse se perdaient. La lecture de son dernier livre «  Le futur aujourd’hui », que nous avons commenté en son temps, les avait rassurés sur ses convictions « Duboinistes  ». Il reste maintenant à espérer que sa participation à « Lecture de notre temps » le déterminera à revenir nous épauler de sa verve inégalable.

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Initiatives

Nous avons reçu de l’association « pour le Transport Gratuit des Voyageurs », à la suite du dossier ouvert par René Marlin dans notre numéro 844, le texte suivant sous forme d’une carte :

Association T.G.V.

août 1986

Les faits :
Un usager utilise gratuitement un service public de transport et remet cet imprimé rempli à un éventuel contrôle.
Je soussigné ..................
demeurant .....................
attentif aux graves conséquences qu’engendre la circulation automobile en milieux urbain et interurbain (consommation d’énergie, pollutions, accidents de la route...) conscient des avantages qui naîtront de la gratuité des transports collectifs tant pour l’employé de ce service public, que pour l’usager (gain de temps et d’argent, transports plus accueillants...) reconnait avoir utilisé volontairement gratuitement les transports collectifs en tant que membre de l’association TGV (Association pour le Transport Gratuit des Voyageurs).

Les motifs :
Avantages socio-économiques de la gratuité des transports en commun.
Les contribuables et le Syndicat des Transports Parisiens financent aux deux tiers les dépenses de fonctionnement des entreprises de transports publics, puisque le billet payé par l’usager représente seulement le tiers restant. L’association TGV considère que la billeterie et le contrôle qui alourdissent de façon conséquente les charges de la SNCF et de la RATP ne rendent aucun service à la collectivité et doivent de ce fait disparaître par l’instauration de la gratuité. De ces charges inutiles, nous distinguons les frais d’investissement matériel (tourniquets, portes, infrastructure de fabrication de billets, distributeurs de billets...) dont la suppression allégera les charges supportées par les contribuables, des frais du personnel de contrôle, de billetterie, d’entretien des mécanismes cités ci-dessus... Ces salariés doivent revendiquer avec nous le maintien de leur pouvoir d’achat et exiger que leur emploi serve principalement l’amélioration du service offert aux usagers et la réduction du temps de travail de l’ensemble du personnel de ces entreprises de transport.

Les revendications politiques :
Cet acte ne doit en aucun cas être considéré comme une tentative de fraude mais comme une action politique économique et sociale légitimement défendue par les membres de l’association TGV qui organise chaque lundi de 18 h 30 à 20 h des réunions débats avec les employés et les usagers des transports publics au 33 rue des Vignoles - Paris 75020 - métro Avron ou Buzenval.

à............ le................ 19..
Signature :

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Incohérences libérales

par H. MULLER
août 1986

Le credo du libéralisme : liberté, initiative, responsabilité. La liberté ? Essentiellement : celle, propre aux détenteurs des moyens de production et de distribution, aux professionnels indépendants prestataires de service, d’exploiter autrui, son travail, ses besoins, à travers prix et profits, l’Etat complice. Responsabilité ? Une viande creuse. Sûreté, garanties, assurances, contrats ont pour rôle de l’éluder. Et quand il s’agit de payer, d’indemniser, de confesser ses torts, d’en endosser les conséquences, de porter le chapeau, c’est le sauve-qui-peut. Quant à l’initiative, elle se manifeste plus souvent au niveau des personnels salariés, quel que soit le régime ; et puis, l’initiative au service de quoi : du seul profit, du gaspillage ou de l’utilité pour le plus grand nombre ? That is the question.

Politique étrangère reaganienne : Elle tend à imposer aux Nations le système libéral américain de répartition des richesses. Agacées par les succès grandissants de l’économie socialiste soviétique, inquiètes des perspectives du nouveau Plan, les équipes reaganiennes cherchent, par le biais d’une course aux armements sans précédents quant à son ampleur, à en freiner l’expansion voire, à lui imposer la lourde charge d’une guerre qui détruirait son énorme potentiel industriel.
La stratégie américaine vise ainsi à compromettre le développement économique, social et culturel de l’Union soviétique. Elle consiste, pour l’essentiel, à multiplier les provocations dans les zones sensibles afin de tenir en alerte permanente ses forces armées. Elle contraint l’adversaire à entretenir une défense de plus en plus coûteuse. Celle-ci absorbe, au détriment de la production sociale, encore insuffisante pour un temps, une importante partie des ressources et de l’emploi.
Parallèlement, une propagande désinformatrice s’acharne à ruiner les efforts en faveur de la Paix, en prêtant aux Soviétiques des visées agressives, hypothèse d’école dont les médias font leurs choux gras, alors que l’amélioration des conditions et genres de vie de la population, objectif devenu prioritaire, postule la paix à tout prix.
Un tel objectif a de quoi rendre inquiètes les têtes pensantes du libéralisme reaganien, l’exemple venu de SATAN risquant de faire tache d’huile dans l’aire surprotégée du capitalisme libéral et de conduire les victimes du profit à se révolter contre l’injustice et l’insécurité.

Un million de dollars pour une commode Louis XV : mais une nuée de sous-clochards gitant dans le métro de New York. Le reaginisme n’a fait qu’accentuer les inégalités. Il conduit aux antipodes des idéaux qui servent de paravent à la théologie du capitalisme.
Quant à l’origine des fortunes, bien peu semblent s’en soucier, chacun se bornant à s’extasier sur des « réussites  » auxquelles seul l’argent sert de critère. Celle d’un MARCOS, faite de pots de vin, de détournements d’aides, ne doit certes rien ni à la création, ni à la responsabilité, ni à l’initiative si ce n’est d’avoir saigné son peuple qui, aujourd’hui, réclame, à juste raison, le retour au Trésor public, de 3 milliards de dollars embarqués par l’ex- dictateur.

Liberté des loyers, liberté des prix : Labos, médecins et pharmaciens haut les coeurs ! Inconditionnels du libéralisme, fidèles supporters de l’ex- opposition, ils n’ont pas été oubliés. Question de se serrer la ceinture, de connaître « la douleur et les larmes », l’usager et le consommateur n’ont encore rien vu.

L’Europe des Stocks. Productions en hausse. Marchés plus étroits. La gestion des marchés devient celle des stocks : stocks de viande, de céréales, de produits laitiers, nonobstant des montagnes de produits industriels en mai de clients. Les paysans se ruinent à bien produire. Leurs efforts ne leur rapportant que des déboires. L’entrée de l’Espagne et du Portugal ne va rien arranger. Si les cours s’effondrent au niveau des producteurs, ils tendent à grimper, en revanche, chez le boucher, le charcutier, boulanger et pâtissier, qui se remplissent la poche. Le rachat, pour la C.E.E. des excédents, coûte une fortune au contribuable. Du moins les fonctionnaires bruxellois ont-ils du pain sur la planche et font-ils ce qu’ils peuvent pour que l’Europe ne sombre pas. 1 % de majoration pour la TVA, là se borne leur imagination pour assurer les fins de mois d’une organisation qui prélève déjà plus de 5 000 milliards de centimes sur le seul contribuable français.

Dévaluation : les paysans dindons : La gent des spéculateurs boursiers trouve toujours de nobles prétextes pour justifier ses mauvais coups. Ce que les producteurs ont gagné en matière de prix, les coûts n’en feront qu’une bouchée  : engrais américains, hormones de Suisse et des Pays-Bas, tracteurs allemands et américains avec leurs rechanges, la note sera salée. Mais la dévaluation reste sans effet sur la marée noire de l’abondance, seule coupable de la chute des prix et que le progrès ne cesse d’encourager.
On en revient donc à l’Etat- providence, à l’agriculture assistée, tout le contraire de ce libéralisme dont la droite persiste à psalmodier l’éloge. Cependant la Providence n’a qu’une besace d’où sortir ses présents ; la poche des consommateurs salariés, retraités, chômeurs et allocataires, poche dans laquelle elle puise sans vergogne.
Dévaluer favorise, dit-on, les exportations ? Commençons déjà par réduire les importations seulement commandées par le profit et qui condamnent au chômage les personnels des entreprises concurrencées. D’autre part, les exportations vident un pays du meilleur de sa production a seule fin d’enrichir les propriétaires et dirigeant des entreprises exportatrices. Celles-ci négligent ainsi le marché intérieur jugé moins intéressant que la clientèle fortunée des pays à haut revenu.
L’emploi a bon dos pour justifier une dévaluation. Etalon de mesure, la monnaie ne devrait pas être livrée aux caprices des spéculateurs.

Légitimation de l’intérêt : Le crédit bancaire n’est pas toujours une simple mobilisation de dépôts d’épargnants qu’il est juste de rémunérer. Il comporte souvent une part de création monétaire que les banques ont accoutumé de rémunérer comme si elle prévenait d’une épargne, alors que les frais de gestion sont, ici, sensiblement les mêmes qu’il s’agisse d’un crédit de 10 millions ou d’un crédit de 10 000 F. Ainsi engrangent-elles des sommes considérables auprès de l’ensemble de leurs emprunteurs que des lobbies poussent à la dépense. Le montant de ces intérêts représentant une part non négligeable des charges qui, à travers les coûts, pèsent sur les prix, il serait de bonne politique d’ôter au prélèvement bancaire, son caractère aberrant et injustifié tenant à sa proportionnalité.

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Au Fil des jours

par J.-P. MON
août 1986

La croissance du chômage, ça n’est pas près de finir : la Grande Bretagne vient de battre un nouveau record absolu avec un taux de chômage qui atteint 13,3 % de la population active, soit 3 208 600 personnes officiellement « secourues ». La GrandeBretagne se place ainsi en tête du monde industriel, à l’exception de l’Espagne, pour le taux de chômage. Mais la Grande-Bretagne n’est pas une exception : en France, le pourtant très prudent Bureau d’Information et de Prévision Economiques prévoit que sa croissance va s’accélérer pour se situer en moyenne à 2,7 % par an de 1986 à 1991 (contre 1,2 % seulement de 1979 à 1985) mais que le chômage va continuer à s’aggraver pour atteindre 3,2 millions de demandeurs d’emplois dans cinq ans. Aux EtatsUnis, l’industrie a perdu en 1985 plus de 350 000 postes de travail et le Japon lui même vient de battre son record historique de chômage avec 2,9 % de la population active (qui plus est, on sait qu’au Japon les femmes qui travaillent sont l’exception et que l’emploi « à vie » dans de nombreuses entreprises n’est qu’un moyen de dissimuler les sans-emplois). Aussi n’est-il pas étonnant que l’on trouve de plus en plus d’économistes qui commencent à affirmer que la croissance ne suffit pas, pas plus que la simple réduction du temps de travail. C’est ainsi que F. Thiot, dans « le Monde » du 4 mars 86 montre qu’entre 1959 et 1983 le nombre d’emplois créés à augmenté de 11 % pour une augmentation en volume du PIB de 162 %. Avec un rythme de croissance de 5,9 % par an (ce que l’on a connu entre 1968 et 1973), il faudrait 15 ans pour résorber le chômage actuel en supposant que la croissance démographique soit stoppée, ce qui ne sera pas le cas avant 2005 ! Pour F. Thiot, comme pour D. Taddei («  le Monde » du 4.3.1986), la solution ne consiste pas en une simple diminution du temps de travail et en un partage proportionnel des revenus mais en une diminution du temps de travail accompagné d’un allongement de la durée d’utilisation des machines et une remise en cause de la notion de salaire : « en tant que coût de la production, il est évidemment souhaitable de réduire le salaire face à une concurrence internationale accrue ; en tant que revenu du plus grand nombre, il faut non moins évidemment souhaiter l’augmenter pour stimuler les commandes » (D. Taddéi).
« Ce qui compte, c’est le volume d’heures nécessaires à la production demandée dans l’instant, volume qui est beaucoup plus fonction de l’état du stock de capital, du progrès des techniques et de la gestion que de la valeur de cette production... Abaisser la durée du travail, multiplier le temps partiel, développer les loisirs plutôt que la consommation, voilà un projet plus alléchant que le recours aux sempiternelles relances keynésiennes... qui ne reflètent rien d’autre qu’un comportement malthusien face au progrès. Encore faut-il que le corps social en prenne conscience et cesse de mettre en avant la détresse des chômeurs pour faire croire à une baisse générale du pouvoir d’achat... Depuis le début de cette prétendue crise, en 1973, pendant que 10 % de malchanceux se sont fait licencier ou se sont heurtés à porte close en cherchant un emploi, 90 % de la population active a campé sur ses positions et continué de s’enrichir, le salaire moyen par tête gagnant 22 % de pouvoir d’achat. » (F. Thiot).
Mais quand donc les hommes politiques de tous bords auront-ils le courage d’annoncer que ni le progrès technique (le nombre d’informaticiens au chômage a augmenté de 200 % entre 1979 et 1985 !), ni la croissance à tout crin ne pourront résoudre le problème du chômage ?
Depuis qu’il n’est plus Premier Ministre, L. Fabius, semble cependant prendre un peu conscience du problème. Il écrivait sous le titre « De la reconquête » dans « le Monde  » du 13 juin dernier : « Si nous voulons dessiner un projet qui puisse mobiliser le plus grand nombre dans une France où les électeurs « inactifs » sont désormais plus nombreux que les « actifs », nous devons nous adresser à tous, salariés et non salariés, tant dans la sphère du travail qu’au delà. Nous devons admettre que la reconnaissance sociale peut ne pas passer seulement par le travail. Nous devons proposer à chacun d’être davantage acteur de sa vie, capable de peser sur son propre avenir, en insistant sur nos valeurs, la responsabilité, l’égalité et la multiplication des chances, la liberté, la solidarité ainsi que sur la dimension internationale des problèmes. »
On nous parle toujours des dettes des pays en voie de développement, de la faillite prochaine du Mexique, des difficultés du Brésil ou de l’Argentine, etc... mais on est beaucoup plus discret sur la dette des Etats-Unis qui atteignait, à la fin de 1985, 107,4 milliards de dollars, ce qui fait de ce pays le champion mondial de l’endettement extérieur. Il faut remonter à 1914 pour trouver un précédent, et, à l’époque, la dette était très modeste puisqu’elle n’atteignait que 4 milliards de dollars. Fait nouveau, les Etats-Unis sont même déficitaires au point de vue agricole.
Il n’est donc pas étonnant que, sous la pression de divers lobbies, Reagan cherche par tous les moyens à s’opposer à la pénétration aux Etats-Unis de produits agricoles, ou industriels européens ou japonais. C’est ainsi, entre autres choses, que sous la pression de Boeing, le Conseiller aux affaires commerciales de Reagan, Clayton Yeutter, a accusé le consortium européen Airbus Industrie de casser les prix grâce aux subventions que donneraient les gouvernements européens. Lesdits gouvernements ont aussitôt proposé à l’administration américaine d’ouvrir leurs livres de comptes... à condition que cette opération vérité ne soit pas à sens unique. Du coup, les clameurs vertueuses américaines se sont beaucoup atténuées. Même chose en ce qui concerne les productions agricoles : Reagan veut augmenter de 35 % les taxes qui frappent un certain nombre de produits en provenance de la communauté européenne. En tout libéralisme économique, ça va de soi !
Mais dites moi, à quoi cela sert-il de devenir compétitif si on ne peut pas prendre, grâce aux lois sacro-saintes du marché, la part des autres ?

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Lu, vu, entendu

août 1986

Les beautés de notre civilisation

Un jeune homme de 22 ans, s’est pendu jeudi à Beauvais (Oise) parce qu’il en avait « marre de la vie, sans argent, sans ou dormir et manger et sans travail », ainsi qu’il l’explique dans un ultime message adressé à son père,
Sur lui, les policiers ont également trouvé les numéros de téléphone de nombreuses entreprises que le jeune homme avait contactées pour essayer de trouver du travail. Ironie tragique, Didier s’est donné la mort le jour même où un employeur cherchait à le joindre pour lui proposer un emploi.
Couvreur au chômage depuis plusieurs mois, il vivait très mal cette situation selon ses proches. Le jeune homme tentait de donner le change, jouant une sorte de « comédie du bonheur ». En début de semaine, apparemment en pleine forme, il annonçait à son père une embauche prochaine. Ce qui, vérification faite auprès de l’entreprise qu’il avait citée, se révéla pure invention. Il s’était même inventé une vie familiale, parlant un jour à l’un de ses frères d’un fils qu’il aurait eu avec une jeune femme.
Jeudi, au bout du rouleau, il s’est pendu dans une petite cabane située près du jardin de ses parents. Ce sont des enfants, en sortant de l’école qui ont découvert son corps.
(extrait du journal « L’Eclair des Pyrénées » du 10 juin 1986, envoyé par D. SARRAT).

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Les cartes bancaires

Le ministre du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme a fait à un député qui l’interrogeait sur le développement de la monétique, la réponse suivante :
« L’équipement des commerçants en terminaux points de vente (T.P.V.) participe de l’effort de modernisation globale de l’économie française ; en effet la monétique va progressivement s’insérer dans la vie quotidienne de chacun des Français. Technologiquement, la carte à microprocesseur - dite carte à puce - constitue une invention française grâce à laquelle notre pays dispose d’une avance mondiale. Il est important de consolider cet avantage pour permettre une percée industrielle et commerciale au plan international. A cet effet, le gouvernement s’est efforcé de créer les conditions d’un développement rapide de la carte à puce en France. Il a pris des mesures pour permettre l’acceptabilité de ce nouveau moyen de paiement.
« Ainsi la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre économique et financier a posé le principe de l’irrévocabilité du paiement par carte ; elle a d’autre part établi la pleine compétence de la commission de la concurrence en matière bancaire. Par ailleurs, derrière l’avancée industrielle, se profilait le problème du partage du coût du service rendu, entre le commerçant et son banquier. Il n’était pas dans le rôle de l’Etat de s’immiscer dans une négociation, en cours depuis plusieurs mois, entre banquiers et commerçants. Cependant, tout` au long de l’an dernier, les pouvoirs publics se sont attachés à suivre de près l’issue de cette négociation.
« De fait, celle-ci vient d’aboutir, le 27 septembre dernier, à la suite d’une décision du groupement « carte bancaire » qui réunit l’ensemble des banques. En effet, les banquiers ont posé le principe de la totale liberté de négociation tarifaire entre les commerçants et leurs banquiers. Cet élément nouveau est déterminant et rejoint le point de vue énoncé depuis plusieurs mois par les commerçants. Ces derniers, qui ont pu légitimement être inquiets, ont lieu aujourd’hui de se rassurer. L’accord s’est désisté dans la saisie qu’il avait introduite devant la commission de la concurrence. Les conditions sont donc réunies pour une montée en puissance du plan monétique couvrant l’ensemble du territoire national d’ici à trois ans.
« Dès la fin de cette année, 50 000 cartes devraient être en circulation dans la région de Rennes, et le groupement « carte bancaire » a passé commande à la société Bull CP8 de 12,4 millions de cartes livrables avant fin 1988. D’autres commandes industrielles sont encore prévues.
Envoi de L. Bigoureau, la réponse citée est parue au J.O. du 20 janvier 1986.

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« Revenu minimum garanti », pour le MPPT :

Etant donné que dans notre esprit le premier droit d’un être humain est celui qu’il détient des lois de la nature (à savoir, le droit de vivre de sa juste part des richesses du monde) il paraît évident que pour un militant MPPT les soupes populaires ne devraient plus avoir de raison d’être en 1986.
C’est la raison pour laquelle la section du Grésivaudan a inscrit, en tête de son cahier de revendications, l’institution d’un «  REVENU MINIMUM GARANTI ».
Cette mesure, c’est l’intégration systématique de tous les exclus du salariat (Jeunes, mères au foyer, handicapés, chômeurs en fin de droits) dans le jeu de l’économie, en leur rendant leur dignité. Comment ? Par l’allocation mensuelle inconditionnelle à chaque citoyen d’un revenu minimum identique, sans autre considération que le fait d’exister.

transmis par Lucien TISSOT

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Soyons abondancistes, que diable !

par M. PUJOLS
août 1986

J’ai toujours les mêmes critiques et suggestions à faire : tant en ce qui concerne le bulletin qu’en ce qui touche à l’action des abondancistes. Je ne crois pas que les théories « distributives » avancent beaucoup même si des experts, au sommet, au moment où ils perdent pratiquement toute efficacité politique, se rallient aux thèses de « La Grande Relève  ». Si des socialistes, quand ils ne sont plus au gouvernement, parlent d’un salaire minimum accordé à tous, vu ce qu’a fait leur parti quand il possédait des responsabilités effectives, cela relève plus de la démagogie électoraliste que du sérieux ; tout le monde en est convaincu, même les intéressés. De toute façon, sans l’abondancisme, le distributisme n’est que de l’économie planifiée et on voit ce que ça donne partout où ça se pratique sans le correctif du marché ; c’est-à-dire de la pagaille, et de l’intérêt individuel « mal compris » ce constat a de quoi faire réfléchir ! L’événement majeur du XXe siècle, dont nous ne finissons pas de savourer les fruits amers, c’est la faillite du communisme marxiste. Certes, cette faillite est toute relative : pour répartir, pour «  distribuer », les communistes sont champions comme les chrétiens, comme tous les partageurs de la terre, comme tous ceux qui ont besoin de la pénitence ici-bas, ils ont même réinventé, une fois au pouvoir, la hiérarchie et les privilèges, non pas parce qu’ils sont corrompus (ils ne le sont pas plus que tous les chrétiens quand ils se mêlent de responsabilités sociales) mais parce que la société est intenable parce que c’est le léviathan, la secte Moon, le couvent laïque, la caserne, sans cela ! Donc les communistes savent distribuer ; s’il s’agit de pénurie, ils font mieux que le libéralisme, c’est incontestable : et je n’ironise pas ! la pénurie est malheureusement le lot d’une écrasante proportion de l’espèce humaine, pour laquelle, hélas ! le communisme serait un mieux ! En revanche, il est viscéralement, congénitalement, essentiellement, allergique, hostile à l’abondance ; il ne peut survivre que par le manque, il n’y a en effet que la gêne pour rapprocher les individus, les souder ; il n’y a que la peur pour les rassembler et il n’y a que le troupeau pour satisfaire les vocations impérieuses de législateur, de distributeur, de répartiteur, de Juste, de Dieu ! Oh ! le législateur est toujours très modeste, très au-service-de-la-communauté, au- service-du-peuple ; mais il est le seul à faire vraiment trembler car il détient les canons morphologiques de l’homme, il satisfait ou il interdit, il pose les barrières, il regroupe dans les fumeuses « assemblées démocratiques », où l’on se serre les coudes, où l’on a chaud, où l’on médite la parole divine : « Dès que vous serez réunis. Je serai au milieu de vous », c’est un élément fondamental du Credo démocratique que cette descente de l’Esprit sur les assemblées, surtout si elles sont strictement égalitaires. Et aucun empirisme n’a prévalu contre ce primat théologique de la pensée, de la délivrance, et de la décision collective. Malheureusement, la réalité des faits est là : les pays de l’Est ont autant d’hommes, autant de ressources naturelles que les pays de l’Ouest, et ils ne connaissent pas l’abondance contraire aux dogmes de leur religion, il y a d’abord chez eux une critique de la consommation, de l’égoïsme, de l’accaparement, c’est la mascarade altruiste : je donne ma part au voisin, lequel me donne la sienne.
Or, l’humanité, c’est vrai, est au seuil de l’abondance grâce à la science, et l’abondance c’est la consommation individuelle  ; la consommation collective, c’est la fête archaïque, dont le point culminant ne peut être que le formidable gaspillage de la GUERRE, sommet de l’organisation, exaltation du dévouement, du sacrifice, holocauste ! Mais dois-je rappeler que le mot a un sens favorable ? Si je persiste à m’abonner à votre revue, c’est à cause de son admirable titre, qui demeure un acte de foi : « La Grande Relève des hommes par la Science ». Vous êtes les seuls à oser encore le dire, dans une période où l’obscurantisme, le scepticisme, le mysticisme reviennent à la mode. Je n’affirme guère que vous soyez « distributistes  », j’espère n’avoir jamais à distribuer quoi que soit, quand on distribue, ce sont des rations ! En revanche, J. Duboin était abondanciste, et vous êtes tout de même ses continuateurs.
Je suis d’un mouvement un peu semblable au Saint Simonnisme qui ne se contenterait pas de militer dans l’abstrait pour une abondance comptabilisée, mais qui la réaliserait. C’est vraiment malheureux de voir dans nos sociétés « riches » s’installer doucement, insidieusement, des comportements de pénurie (obligatoirement doublés de gaspillage). Père de famille, professeur, je suis désolé de constater que notre société n’a pas besoin du travail des jeunes, pour rien de sérieux, l’école s’est effectivement arrangée, grâce aux « conquêtes de Mai 68 » pour en faire, majoritairement, des baratineurs, des bavards impénitents, parfois des agités ; elle a inventé la créativité brouillonne pour qu’il n’y ait plus de création. Or, il y a chez ces jeunes des possibilités fabuleuses, des êtres qui rêvent de vie, de consommation, d’abondance, de prise directe par les choses, pour le vrai mais en dehors des parlottes et des comités. Ils n’ont rien à faire ; rien à chercher ; rien à créer : c’est la pénurie officialisée, l’éternelle pénurie libérale !
J’attends de votre mouvement qu’il montre ces possibilités fabuleuses d’abondance ; J. Duboin le faisait dans les livres de lui que j’ai lus, il ne l’a pas fait définitivement, il faut, me semble- t-il, le refaire. Et puis, aujourd’hui du moins, si l’abondance théorique est un phénomène considérable, la pénurie, les conduites de pénurie le sont également, il faudrait donc révéler au grand public ces conduites, les destructions gratuites de biens, non pas réellement, mais sous la forme de malthusianisme de la production et surtout sous forme de destruction de capital. Les manipulations boursières et bancaires d’aujourd’hui me paraissent être souvent de gigantesques fours crématoires de capital, qui obligent l’industrie, en bas, non plus à produire seulement, mais à dégager des dividendes, du « profit  », à tort et à travers. Je souhaiterais que vous soyez « abondancistes » et non pas « distributistes  », que vous répandiez le rêve incroyable de l’Abondance, celui qui, au cours des âges a fait délirer tant d’hommes, surtout lorsqu’ils souffraient atrocement de la disette. Peut-être le rappel de ce rêve susciterait-il des vocations concrètes d’abondancistes c’est-à-dire d’individus qui produisent des biens matériels de consommation, et qui les donnent, qui les mettent à la disposition de qui les veut ; cette fabuleuse Abondance, non pas des guichets, des tourniquets, où l’on distribue, mais des foires et des marchés, où l’on étale la marchandise, où l’on excite les appétits !...
Voilà ma suggestion et ma critique.

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Lectures

Paul Vila a lu, traduit et commenté pour nous ici la rubrique des livres du périodique « The Economist » du 10 mai 1986 :

Mort de l’emploi-esclavage

par P. VILA
août 1986

HORS ECHELLE HUMAINE

E. GINSBERG et G. VOJTA (Basic Books)

Ce livre sonne le glas des multinationales, qui ne gardent que les avantages d’échelle des moyens de production, des stocks, et l’avantage en stratégie commerciale, mais qui sont dépassées dès qu’intervient l’initiative ou l’innovation. Elles ne capturent que les innovateurs les plus arrivistes, s’épuisent à gérer leurs rivalités internes et à négocier avec les gouvernements ; elles en arrivent à jouer la carte des pays les plus compétitifs au détriment de l’économie-mère, et si les banques les soutiennent au nom de leur prospérité passée, c’est elles aussi qui accumulent des déficits. Cet amoncellement de structures hors d’échelle pose la question de la qualité de la vie au travail.

LE TRAVAIL AU FUTUR

James ROBERTSON (Gower/Temple Smith)

Il s’agit des mutations des modes de travail.
Certains types d’emploi sont balayés par l’innovation technologique et les améliorations de la qualité de la vie. L’auteur voit trois modèles d’emploi-salaire :
1. La routine de l’emploi salarié actuel (« libéral  »).
2. La dégradation du système échec du plein-emploi, avec du travail pour une élite de gagnants, les autres étant laissés à la dérive.
3. Le changement radical du partage des emplois où le travail indépendant se confondra progressivement avec l’activité libre, et se pratiquera à domicile ; toute la population recevra un salaire minimum de l’Etat.

Pour J. Robertson, le modèle 3 est le plus probable, sans exclusion d’un reste des deux autres. Le travail à temps partiel devra se généraliser avec l’emploi temporaire, le travail à domicile sur console, et les travailleurs indépendants  ; par suite, l’emploi direct peu honorable deviendra antiéconomique à cause des difficultés de coordination. et des charges liées aux pensions et aux avantages « sociaux » de l’emploi de masse classique.
Pourquoi l’accès au modèle 3 est-il si lent à venir  ? Principalement parce qu’il dérange les avantages institués il y a une situation de polémique systématique entre les employeurs et la masse des salariés, qui sont soutenus tour à tour au gouvernement par la majorité et l’opposition traditionnelles... Quand la décomposition des groupes géants aura entraîné avec elle la fin des blocs politiques traditionnels, on pourra lancer le système de participation sociale (à l’échelle de l’ensemble des individus d’un pays pour le minimum vital, et à l’échelle des entreprises pour la répartition de revenus...).  » Quelle renaissance ?

Ces deux livres, points de vue d’un oeil capitaliste et fragmatique sur les modèles de puissance du troisième tiers du 20e siècle nous réjouissent au premier degré. Que ce soit le critique du « The Economist » qui les commente aussi objectivement, voilà qui suggère qu’il est encore possible de gagner de vitesse les monstres du monopole du crédit. Et de donner aux modèles vraiment libérateurs suscités par ces deux bouquins l’outil de révolution sociale qui seul permettrait la sortie de crise.
Au second degré, il faut réfléchir vite, sur les stratégies possibles pour cette révolution.
- Le plus tôt possible ; c’est la course réelle, le Sport-Aid pour l’Europe !
- A l’échelle appropriée : sachons suivre les transferts à venir entre les conseils de région et l’assemblée de Bruxelles d’une part, les centres de décision de Crédit national et international d’autre part.

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