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Beaucoup de lecteurs ont manifesté leur intérêt
pour l’article d’André Gorz que j’ai signalé le mois dernier
dans le courrier, mais ils se plaignaient de n’avoir pu trouver ni l’original
de cet article dans la « Lettre Internationale », ni sa
copie tronquée dans le journal des chômeurs.
Intitulé « Qui ne travaille pas mangera quand même
», ce papier intéresse en effet les distributistes, parce
que non seulement l’analyse de la situation actuelle y rejoint parfaitement
la nôtre, mais aussi la solution le partage du travail entre tous
et la garantie, également à tous, d’un revenu suffisant.
Mais la question fondamentale reste : Comment financer les revenus qui
ne peuvent plus correspondre à un travail fourni ?
Les propositions d’André Gorz reposent d’abord sur une volonté
politique. Il ne dit pas exactement qu’il faut d’abord convaincre de
la nécessité d’une économie distributive, mais
ce qu’il dit est bien l’équivalent :
« C’est le partage du travail et la diminution de sa durée
qui doivent être programmés », et il précise
: « Une réduction généralisée de la
durée du travail avec garantie de revenu suppose donc avant tout
une volonté de transformation sociale ».
En prémisse, A. Gorz pose en principe que deux faits imposent
leurs conditions :
D’abord la productivité ne progresse pas de la même façon
dans les divers secteurs d’activité. On ne peut donc pas indexer
la durée du travail sur cette évolution dans un secteur
donné, ou sur une sorte de productivité moyenne, sans
créer d’intolérables disparités.
Ensuite il faut stimuler ces progrès de la productivité,
car ils ne sont pas spontanés. Ils répondent à
l’heure actuelle à une contrainte, celle de la concurrence. Donc
Gorz pense qu’il faut maintenir cette concurrence stimulante... d’autant
plus qu’il parait impensable aujourd’hui de lui échapper au niveau
international. Alors la première des quatre actions politiques
que désigne André Gorz est
« a) L’élaboration, pour les différentes branches
d’activité, d’objectifs à moyen terme d’accroissement
de la productivité. »
Autrement dit il faut une planification, et le Plan, élaboré
démocratiquement, est un objectif prioritaire dans la politique
de l’entreprise.
La seconde est liée :
« b) Une politique de l’emploi qui... incite les travailleurs
à se déplacer des activités où l’automatisation
est rapide vers celles où elle est lente ou nulle. »
La troisième proposition est fondamentale :
« c) Une réforme des méthodes éducatives
et des politiques de formation ». Il s’agit en effet d’agir sur
l’éducation pour que l’humanité s’adapte à la mutation
qu’elle est en train de subir. Il n’est donc plus question d’apprendre
à remplir des tâches que des robots savent déjà
ou sauront très vite faire. Il faut donner « la priorité
à l’épanouissement des facultés irremplaçablement
humaines. »
La quatrième proposition est présentée comme une
refonte du système fiscal destinée à forcer le
financement des revenus à verser pour compléter les salaires.
Citons André Gorz :
« Les entreprises ne paient que les heures travaillées
; la connaissance des coûts réels de production est ’donc
assurée. La perte de revenu direct résultant de la diminution
de la durée du travail est compensée par une caisse de
garantie. Cette caisse est alimentée par le prélèvement
d’une taxe qui à la manière de la TVA ou de la taxe sur
les alcools, les carburants, le tabac, etc., frappera les produits et
services selon des taux différenciés. Ce système
de taxation freinera donc la baisse continue de prix relatif des productions
rapidement automatisables. Elle les frappera d’autant plus fortement
que leur désirabilité sociale est faible. Les taxes étant
déductibles des prix à l’exportation, la compétitivité’
n’en sera pas affectée. Le revenu réel des personnes,
quant à lui, se composera d’un revenu direct (salaire) et d’un
revenu social qui, durant les périodes de non-travail, garantira
à lui seul un niveau de vie normal.
Un système de prix politiques viendra donc se substituer progressivement
au système des prix de marché. Il s’agit là d’une
extension des pratiques déjà à !’oeuvre dans toutes
les économies modernes. Toutes corrigent le système des
prix de marché par un jeu de taxes (sur les carburants, les voitures,
les armes à feu, les produits de luxe etc.) et de subventions
(aux transports en commun, productions agricoles, théâtres,
hôpitaux, crèches, cantines scolaires etc). Quand les coûts
unitaires pour les productions automatisables tendent de devenir négligeables
et que leur valeur d’échange est menacée d’effondrement,
la société doit inévitablement se doter d’un système
de prix politiques reflétant ses choix et ses priorités
en matière de consommations individuelles et collectives. Finalement,
lés choix de production devront se faire en fonction de la valeur
d’usage (et non de la valeur d’échange) des produits et le système
des prix sera l’outil et le reflet de ces choix. De même, le revenu
social devra représenter dans une économie très
fortement automatisée la source de loin la plus importante de
revenu et avoir pour fonction non de rétribuer la quantité
de "travail social, devenu marginale, mais d’assurer la distribution
`des richesses socialement produites. »
La proposition d’André Gorz a donc cet aspect séduisant
de sortir progressivement du système du marché (ce qui
est déjà largement amorcé, comme il le fait justement
remarquer) sans supprimer la monnaie capitaliste. Séduisant,
mais réaliste ?
Une certaine contradiction apparait tout de suite : Comment imposer
aux entreprises une politique d’augmentation de la productivité
tout en taxant les produits rapidement automatisables ? Comment imposer
un Plan démocratiquement élaboré à des entreprises
transnationales qui ont les moyens de tourner les lois des Etats où
elles sont implantées ? Comment, en gardant la monnaie capitaliste,
empêcher les entreprises de préférer faire des placements
monétaires, qui rapportent à leurs actionnaires, plutôt
qu’investir afin de réaliser les productions présentant
un avantage pour les non-actionnaires ?
Je pensais que la « Commission sur la transition » qu’anime
Philippe Le Duigou allait s’emparer de ces propositions d’André
Gorz, les décortiquer, les disséquer, bref, les analyser
pour la Grande Relève. Hélas, ni Philippe, ni la commission,
n’ont donné de leurs nouvelles, depuis longtemps. Mais peut-être
qu’André Gorz acceptera de les défendre et de les développer
lui-même ici pour nous ?
Un distributiste d’Ile-de -France avait si bien défendu
nos thèses dans la Loge Maçonnique à laquelle il
appartient, que le principe d’une conférence sur nos propositions
y avait été retenu. Et puis, ô surprise, au dernier
moment, veto !
Certains membres de cette Loge se sont opposés à cette
conférence, considérant que ce serait une intrusion de
la politique ! Et le Vénérable Maitre de cette Loge s’est
rangé à leur point de vue.
Ce manque d’ouverture d’esprit au Grand Orient, qui comporte beaucoup
de distributistes parmi ses membres, est une nouveauté. Il contraste
avec l’attitude de ce même Grand Orient, qui, juste avant la guerre,
avait au contraire invité Jacques Duboin à une réunion
en tenue blanche et manifesté tant d’intérêt pour
ses thèses, qu’il semblait sur le point d’en adopter l’essentiel...
quand la guerre a éclaté.
Que signifie pour ces Francsmaçons « l’intrusion de la
politique » ? Peut-on encore, à l’heure actuelle, confondre
la politique « politicienne », c’est-à-dire à
courte vue électoraliste, celle dont les médias nous inondent
au cours des campagnes électorales et qui est devenue une «
affaire », engageant d’énormes sommes d’argent, avec le
souci de réfléchir à ce que sera le monde de demain,
à vouloir une société plus conviviale, plus humaine
?
J’espère qu’il existe des Francs-maçons qui ne font pas
cette confusion et que, parmi ceux-ci, des distributistes sauront remonter
le niveau de pensée du Grand Orient.
Malgré le « triomphe » de Reagan
au sommet des nations les plus riches du monde, qui vient de se tenir
à Tokyo, la conjoncture aux Etats-Unis reste toujours incertaine
: le produit national brut n’a progressé en rythme annuel que
de 0,7 % au quatrième trimestre 1985, a annoncé le 19
mars le département du commerce... après trois estimations
qui étaient de 3,2 % fin 85, 2,4 % fin janvier et 1,2 % fin février.
Autrement dit, ça baisse chaque mois ! Finalement la croissance
l’année dernière n’aura pas dépassé 2,2
% alors que la prévision initiale était de 4 %. C’est
le taux de croissance le plus bas depuis le déclin de 2,5 enregistré
en 1982. Tout aussi inattendue est la brusque aggravation du chômage
observée en février (+ 0,6 % en un mois) qui fait remonter
le taux de chômage à 7,3 % C’est la plus forte hausse mensuelle
enregistrée sous la présidence de Reagan. Les deux tiers
des nouveaux chômeurs ont été recensés dans
trois états : le Texas où l’ensemble du secteur énergétique
est frappé par la baisse du prix de pétrole, la Californie
où de très graves inondations ont dévasté
en janvier de nombreuses exploitations agricoles et l’Illinois où
les emplois industriels continuent à fondre.
Sans parler du déséquilibre chronique des comptes extérieurs
(hausse de 9,6 % du déficit de la balance des paiements courants,
soit 117,7 milliards de dollars en 1985), on note un certain nombre
d’autres signes défavorables l’augmentation des stocks des entreprises,
la diminution de la production industrielle ( en mars, la capacité
de production de l’industrie n’était utilisée qu’à
79,4 % - chiffre le plus faible depuis décembre 83 -) et la baisse
des ventes au détail.
Les experts ne savent toujours pas dire quand la chute du dollar commencera
à faire sentir ses effets bénéfiques sur le commerce
extérieur, ni quand l’avantage de la baisse des prix du pétrole
viendra effacer les conséquences catastrophiques qu’elle a pour
l’instant pour les états dont l’économie est étroitement
liée à l’industrie pétrolière. « Le
Nouvel Observateur » de la semaine du 2 au 8 mai nous décrit
la crise qui frappe le Texas : « Gonflés par des flots
de pétrodollars, les Texans avaient étalé, en 1981,
à Houston, du côté de Milan street, 40 millions
de mètres carrés d’espaces commerciaux et de bureaux...
aujourd’hui, 90 % de Milan street restent inoccupés... Chaque
baisse de un dollar sur le prix du baril de pétrole provoque
un manque à gagner de 3 milliards de dollars et une perte de
100 millions de dollars en impôts et taxes... A Beaumont, le taux
de chômage qui était inférieur à 3 % il y
a quatre ans est passé à 16 %. Mais les industriels du
pétrole ne sont pas les seuls à souffrir et on estime
que chaque perte d’emploi dans le secteur pétrolier correspond
à la perte de 4 et 5 emplois dans les industries de sous-traitance
ou dans le secteur tertiaire. A Lone Star, l’acierie Lonestar Steel,
qui fabriquait du matériel de forage a annoncé le mois
dernier le licenciement de 2000 de ses 3000 employés et les autres
ont été prévenus qu’ils ne tarderaient pas à
suivre... Ceux qui souffrent le plus sont sans doute les entrepreneurs
indépendants, ceux qui possédaient une poignée
de ces derricks plantés dans le désert : 50 d’entre eux
ont d’ores et déja fait faillite... A Houston, les grands magasins
ferment en chaine. On a enregistré une augmentation des dépôts
de bilan de 33 % sur les commerces par rapport à l’an passé
; 200.000 maisons particulières sont vacantes dans la métropole.
Pour les autres, les huissiers se chargent, à raison de 1600
interventions par mois, de faire le ménage ». D’autres
états pétroliers, la Louisiane, l’Oklahoma, l’Alaska,...
souffrent aussi. Quant aux états céréaliers du
Middle West, ils sont, depuis longtemps, comme nous l’avons vu dans
la Grande Relève (Fil des Jours du numéro 832 de mars
85), en bien piètre état.
Ce marasme économique se répercute sur la santé
de banques américaines, à tel point que celles qui sont
affectées par les crises sévissant dans l’agriculture
et le secteur pétrolier vont bénéficier de règles
plus souples destinées à leur permettre de surmonter en
partie leurs difficultés. Selon « Le Monde » du 29
mars, la Fédéral Deposit Insurance Corp., l’une des agences
fédérales contrôlant lés activités
de plus de 8500 banques, vient d’adresser aux responsables de ces banques
les détails de son programme. Ce programme accorde un très
long délai pour redresser le ratio du capital des banques en
difficulté dans ces deux secteurs et dont la gestion est considérée
comme saine... Quelque 4000 banques dans le secteur agricole et 500
dans le secteur énergétique peuvent théoriquement,
précise le F.D.I.C., bénéficier de cette facilité.
Selon les nouvelles règles, les banques en difficulté
dans les deux secteurs auront jusqu’au 1e, janvier 1993 pour redresser
ce ratio, à condition cependant qu’il ne chute pas au-dessous
de 4 %. En 1985, sur les 118 faillites de banques commerciales aux Etats-Unis,
68 étaient des banques agricoles et le nombre de banques «
à problèmes » dans ce secteur dépassait 300,
contre 100 il y a trois ans. Selon une étude récente de
la F.D.I.C., les prêts bancaires au secteur pétrolier et
gazier s’élevaient en 1985 à 61 milliards de dollars dont
10 milliards classés comme « créances douteuses »
avant le début, en novembre, de l’effondrement des prix internationaux
du pétrole brut. »
Après ce rapide panorama de la situation économique américaine,
que reste-t-il donc pour soutenir l’optimisme de Reagan et de ses admirateurs
européens ? L’informatique, et plus généralement
les technologies nouvelles ? Nous avons vu dans « Les dossiers
de la Grande Relève » de décembre 1985 qu’il ne
fallait pas en espérer beaucoup de créations d’emplois
mais plutôt des suppressions d’emplois ! Alors où passent
donc les chômeurs américains ?
Ils occupent ce que certains appellent les métiers « vedette
» (H) créés dans le secteur des services : gardiens
d’immeubles, coursiers, employés dans les « fast food »...
à temps partiel (voir dans la Grande Relève de mai 85
« Encore un rêve qui s’envole »). Maintenant, il parait
même que « Burger King », une chaine de fast food
qui compte 160.000 salariés, doit recourir à des annonces
de télévision pour recruter le personnel qui lui manque.
C’est dire si la reprise est bien amorcée aux Etats-Unis. Et
comme c’est à nous, européens, de prendre la relève
des Etats-Unis, pour tirer l’économie mondiale, je suggère
aux gouvernements occidentaux de nous mobiliser tous sur un seul mot
d’ordre « Hors du hamburger, point de salut ». Ce doit être
notre « nouvelle frontière » pour le troisième
millénaire.
Quel programme exaltant !
L’ENQUETE DE « QUE CHOISIR » :
Depuis des dizaines d’années la « Grande
Relève » dénonce la misère dans l’abondance
et la destruction des produits alimentaires dans le même temps
où des millions de personnes ont faim, même dans les pays
dits riches, et où des centaines de milliers d’autre meurent
dans les contrées du tiers-monde. Aujourd’hui nous recevons le
renfort de grandes vedettes du spectacle et surtout du mouvement consumériste.
Parti des Etats-Unis où, dans les années 50, l’avocat
Ralph Nader s’était rendu célèbre par ses luttes
judiciaires contre les producteurs sans scrupules, le mouvement s’étend
maintenant largement en Europe. En France l’Union Fédérale
des Consommateurs avec ses unions locales et son mensuel « Que
Choisir ? » (1) contribue largement à la défense
des acheteurs que nous sommes tous. Dans sa livraison du mois d’avril
1986 la revue publie un article intitulé : « Le décret
Coluche - stocks européens - surproduction alimentaire »
où l’on pourra regretter l’emploi du terme surproduction s’agissant
de nourritures bien nécessaires à la survie des populations.
Mais le contenu du dossier offre un panorama souvent nouveau sur l’ampleur
de « l’assainement des marchés » auquel se livrent
notre pays et la C.E.E. (Communauté économique européenne)
d’une manière parfaitement organisée, codifiée
et légalisée, sans compter les pertes qui résultent
de la mauvaise conservation des denrées périssables, et
des actions menées par certains producteurs mécontents
de baisses de prix ou d’importations qu’ils jugent intempestives.
« Que Choisir ? » assure que dix mille tonnes de pommes
de terre ont été ainsi déversées dans les
rues bretonnes en février dernier.
Mais, par les voies légales, 284 200 tonnes de fruits et 25 500
tonnes de légumes ont été retirées du marché,
en France, pour la seule année 1984. Dans la C.E.E., les retraits
s’élèvent, en moyenne, à 1,3 million de tonnes
annuellement. Il est prévu qu’une partie de ces denrées
doit faire l’objet d’une distribution gratuite aux organismes sociaux
et aux personnes défavorisées, mais de 1970 à 1983,
par exemple, précise la revue, 2,7 % des retraits de pommes ont
été distribués, alors que 26,2 ont été
détruits on se sont détériorés. Un tableau
montre que la tendance est à l’aggravation au cours des dix dernières
années. « A se demander même si certaines récoltes
ne sont pas dès l’origine produites pour les retraits »,
ajoute notre confrère, « en 1983-84 60,3 % des mandarines,
24,5 des oranges, 47,5 % des citrons produits par la C.E.E. ont été
retirés du marché. » Poursuivons la citation :
« Certes en matière de fruits et de légumes, l’offre
est difficilement maîtrisable, les résultats d’une récolte
difficiles à prévoir. C’est la faute de la météo,
et puis les fruits c’est périssable ! Quand il y en a trop, on
les retire : l’idée directrice est qu’une baisse des prix ne
fera pas augmenter de façon sensible la consommation. La production
n’aura donc pas de débouchés et le revenu des producteurs
s’effondrera.
Mais les fruits et légumes ne sont pas un cas isolé. Les
excédents européens touchent la plupart des produits agricoles
: il y a aujourd’hui en attente 22,8 millions de tonnes de céréales
dans les greniers de la C.E.E., un million de tonnes de beurre et 720
000 tonnes de viande bovine dans les frigos.
Résultats : les consommateurs ne profitent que très partiellement
des baisses de prix puisque les cours sont maintenus artificiellement
à des niveaux élevés. lis paient ce qu’ils achètent
et ils paient aussi, par le biais de leurs impôts, ce qu’ils n’achètent
pas. Globalement, entre 1979 et 1982, les retraits de fruits et légumes
ont coûté en moyenne un milliard de francs par an au budget
de la C.E.E, ce chiffre s’est élevé à deux milliards
en 1983. Les coûts de stockage du beurre se chiffrent à
4,8 milliards de francs par an, ceux de la viande bovine à 6,5
milliards, ceux des céréales à 5,3 milliards.
LE PARTAGE SELON COLUCHE
La surproduction est un problème structurel :
elle demande des réponses à long terme, l’adoption de
mécanisme permettant de mieux ajuster l’offre à la demande.
Pourtant devant ces stocks de nourriture qui ne servent à rien
et qui coûtent cher, devant toutes ces denrées perdues
ou détruites alors que 600 000 personnes n’ont pas assez à
manger, comment ne pas penser que le partage est mal fait ?
Le 20 février dernier, Coluche est allé à Strasbourg
au Parlement européen s’étonner de ce que les Européens
« n’aient pas à bouffer », alors que la production
est largement excédentaire. Depuis l’hiver dernier, à
son initiative, six cents « restaurants du c-Sur » animés
par des bénévoles se sont ouverts en France afin de servir
des repas à ceux qui justement « n’ont pas à bouffer
». Coluche a sollicité des dons auprès des entreprises
agro-alimentaires, racheté des surplus par le biais notamment
du ministère de la Solidarité nationale pour faire fonctionner
ces restaurants jusqu’au printemps au moins.
L’amuseur en salopette s’est soudain senti l’âme d’un salutiste
et tout le monde a craqué : la droite, la gauche et le show-business
cohabitent quatre heures sur un plateau de TF1 le 26 janvier dernier
et 20 millions de francs tombent dans la sébille des restaurants
du coeur. L’exemple se propage en Belgique (trente-neuf restaurants),
en Allemagne (deux pour l’instant), en Angleterre, en Espagne et en
Hollande.
Les députés français, toujours à l’initiative
de Coluche, déposent un texte à l’Assemblée nationale
qui prévoit une réduction d’impôts pour les dons
faits en faveur des associations luttant contre la pauvreté,
en Europe comme dans le tiers-monde. Au Parlement européen, les
députés socialistes proposent une résolution identique.
Bien sûr, Coluche n’a rien inventé. Il a simplement eu
le mérite de mettre sur la place publique une situation absurde
: la surproduction et le gaspillage face à la faim et à
la misère. Mais il aurait tout aussi bien pu ne jamais s’en préoccuper
!
Son analyse est également économique : si on lui donnait
les surplus de beurre de la C.E.E., ça ferait des tartines pour
les pauvres et ça couterait 6 F de moins par kilo à la
collectivité puisqu’on économiserait sur les coûts
de stockage qui sont très élevés. D’autre part,
son initiative ne perturberait pas les marchés et n’aurait donc
pas d’influence néfaste sur le revenu des producteurs puisque
les surplus seraient distribués à des gens qui de toute
façon ne pourraient acheter puisqu’ils ne sont pas solvables.
Certaines associations dont l’UFC dénoncent depuis des années
le gaspillage, la surproduction et les méfaits de la politique
agricole commune. Les pouvoirs publics ne restent pas indifférents.
M. Bérégovoy a souhaité voir se développer
la distribution gratuite des excédents. Une cellule « pauvreté »
au ministère de la Solidarité, relayée au niveau
des préfectures par des cellules de même nom, travaille
en liaison avec les associations caritatives.
Des surplus de pommes, de lait, de pruneaux, de beurre, de viande, de
pommes de terre ont ainsi été redistribués par
ce biais ces derniers mois ».
« Que Choisir ? » ne précise pas si le nouveau gouvernement
est disposé à reprendre ces dispositions. En tous cas,
les radios et télévisions nationales continuent à
présenter comme des victoires françaises les augmentations
de prix « obtenues » à Bruxelles par le ministre
de l’agriculture d’ailleurs ancien président de la F.N.S.E.A.
(Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles)
! C’est tout dire !
Le mensuel de l’U.F.C. examine ensuite une autre forme de palliatif
à ces excès :
BANQUES ALIMENTAIRES : LUTTE CONTRE LE GASPILLAGE
Côté associatif encore, les banques alimentaires,
créées en France depuis décembre 1984 sur le modèle
américain et canadien des « food banks », tentent
de lutter contre le gaspillage alimentaire et de favoriser le partage.
Il en existe une quinzaine en France qui travaillent en liaison avec
260 associations. Un de leurs principes fondamentaux : fonctionner sans
argent.
Pour s’approvisionner, elles « récupèrent »
: elles incitent par exemple les entreprises agro- alimentaires et les
distributeurs à leur donner tous les produits qu’ils auraient
jetés, bien qu’ils soient parfaitement consommables : les surproductions,
les denrées mal conditionnées, mal calibrées, ou
trop proches de la date limite de vente pour emprunter les circuits
de distribution classiques. Des contrôles sont effectués
bénévolement par la Répression des fraudes. Autres
actions à plus petite échelle : les récupérations
des plats non consommés dans les cantines, des sandwichs et plateaux
repas du TGV.
Les banques alimentaires tentent aussi de « provoquer le don »,
En quatorze mois, elles ont ainsi recueilli 1400 tonnes de nourriture
sans débourser un centime. Cependant, elles n’assurent pas la
redistribution car elles s’estiment non compétentes en ce domaine.
Elles passent par les associations dont c’est la vocation, pour faire
parvenir cette aide alimentaire aux gens en difficulté.
L’aide alimentaire se fait donc sous trois formes :
- le colis remis aux familles afin de préserver leur intimité
familiale. On cherche à équilibrer le contenu, mais aussi
à l’adapter aux ethnies et aux races.
- les restaurants sociaux,
- les repas « pain partage » dans de petits lieux d’accueil
où bénévoles et personnes en difficultés
partagent ensemble le repas afin de favoriser le contact et d’effacer
la relation de dépendance.
En avril 1985, des députés européens - déjà
! - avaient proposé une résolution invitant les gouvernements
à susciter et favoriser l’implantation de banques alimentaires.
Il est vrai qu’on n’a en pas beaucoup parlé ! Coluche lui, n’a
pas besoin de démarcher les médias.
« Que Choisir ? » précise les modalités prévues
pour la régulation des marchés en France et en Europe :
LES MECANISMES DE RETRAIT DE FRUITS ET LEGUMES
Les mécanismes de retrait dans le secteur des
fruits et légumes ont été instaurés en France
par la loi d’orientation de 1962 et repris au niveau européen
en 1966. Onze produits peuvent en bénéficier : les pommes,
les poires, les pêches, les oranges, les mandarines, les ’citrons,
les raisins de table, les abricots, les tomates, les choux-fleurs et
les aubergines.
Les retraits ne peuvent être opérés qu’à
certaines dates variables selon le produit. Seuls sont indemnisés
les membres de groupements de producteurs et les producteurs indépendants
soumis à l’extension de règles, et seulement pour les
produits respectant les règles de normalisation. L’indemnisation
se fait sur la base d’un prix de retrait fixé par le Conseil
des ministres de l’Agriculture de la C.E.E. qui se situe environ entre
20 et 50 % du prix normal du marché.
Le financement est assuré par le FEOGA (Fonds européen
d’orientation et de garantie agricole) par l’intermédiaire pour
la France de l’ONIFLHOR (Office national interprofessionnel des fruits
et légumes et de l’horticulture, créé en 1982).
Les produits ayant fait l’objet de retrait sont soit distribués
gratuitement à des organismes sociaux ou des personnes défavorisées,
soit distillés, soit orientés vers l’alimentation animale
soit purement et simplement détruits.
Il ne fallait pas attendre de la part d’une publication consacrée
à la défense des consommateurs dans le cadre du système
économique actuel une prise de position en faveur de nos solutions.
Néanmoins nous avons fait le nécessaire pour que les responsables
en soient informés.
Il ressort de l’étude publiée une prise de conscience
plus avancée, de la part de cette union de consommateurs, des
véritables problèmes économiques qui régissent
la vie journalière des simples citoyens. L’on peut constater
une pénétration des idées qui nous sont propres
: « Les contribuables paient deux fois les produits, une fois
à l’achat, une autre fois avec leurs impôts », dans
le système actuel, seuls les besoins solvables sont pris en compte
» ; il y a une reconnaissance très claire du fait inadmissible
de la faim devant une production pourtant convenable et de l’insuffisance
des remèdes proposés.
A nous tous de faire en sorte que les pas suivants, menant vers l’économie
distributive, puissent être franchis sans trop tarder.
(1) : U.F.C. - Que Choisir 14 rue Froment 75555 Paris Cedex II.
Aux Editions Entente, dans la Collection « VIVRE
DEMAIN », J.A. DEGROTTE et E. EUVERTE ont publié, il y
a quelque temps, un petit livre intitulé « L’ECONOMIE BAFOUEE
».
Diplômés « économiques », les auteurs
se sont frottés aux réalités, puisqu’après
diverses activités concrètes, ils font actuellement partie
de la Direction de la Planification chez Renault.
1) UNE ANALYSE DE LA SITUATION CONFORME A CELLE DE
L’ECONOMIE DISTRIBUTIVE.
Le plus simple et le plus convaincant est de citer les auteurs.
- A propos de la réduction généralisée du
temps de travail :
« Entrer dans la vie active plus tard, en sortir plut tôt,
être au chômage sont aussi des formes de la réduction
du temps de travail »...
« La baisse des heures travaillées est une tendance à
long terme des économies développées ».
A propos de l’emploi :
« On n’enregistre pas, comme dans la première moitié
du XXe siècle, de mouvements de croissance négative...
Ceci est dû notamment aux mécanismes correcteurs mis en
place depuis la fin de la seconde guerre mondiale ».
« Jusqu’au début des années 70, les taux de chômage
ont oscillé entre 1 et 5 %. Depuis cette époque, les chiffres
sont passés de 2,5 % à plus de 10 %. C’est un phénomène
dont l’ampleur dépasse celui qui avait été enregistré
lors de la crise des années 30 ».
« La durée hebdomadaire du travail a été
pratiquement divisée par deux depuis le début du siècle :
les heures travaillées, par un individu, ne cessent de décroitre
depuis le début du siècle sous l’effet de la hausse de
la productivité : on produit plus de biens et de services par
personne en moins de temps... »
« De 1950 à 1965, le PNB/tête a augmenté de
82 % pendant que les heures travaillées diminuaient de 11 % ;
alors que la hausse du PNB/tête n’est plus que de 70 % sur la
période 1965/1980, la baisse des heures travaillées/tête
s’accélère pour atteindre 15 % ; parallèlement,
la productivité horaire a de nouveau doublé sur la même
période.
En trente ans, le temps nécessaire à la production d’un
objet a été divisé par quatre. »
Après avoir tracé l’évolution des facteurs économiques,
les auteurs posent le problème comme nous le faisons :
« L’enjeu des années 1980.1995, alors que la croissance
prévisible du PNB/tête est de 35 % et que la productivité
potentielle est supérieure à 100 °/a, est de savoir
si l’ajustement nécessaire se fera par un refus de la productivité
ou par une forte baisse des heures travaillées/tête...
C’est la croissance qui crée l’emploi, la productivité
supprime des heures travaillées :
... Désormais, l’alternative à la réduction des
heures travaillées se situe essentiellement entre l’accroissement
du chômage et celui du temps libre ».
Et les auteurs de préciser :
« A l’horizon 1988, /l n’y a qu’une alternative : /l faudra choisir
entre l’équivalent de 32 heures hebdomadaires de travail, 6 semaines
de congés, un chômage dit frictionnel (2 à 300.000)
et, à durée égale du travail hebdomadaire (39/40
h.), l’équivalent de 5 millions de chômeurs (ce chiffre
comprenant, éventuellement, des sureffectifs dans les entreprises).
« Le chiffre de 5 millions n’est pas exagéré dans
la mesure où il ne constitue qu’une simple extrapolation des
conséquences sur l’emploi de la poursuite de la tendance passée
de productivité. Nous avons volontairement fait l’impasse sur
l’accélération du progrès technique d0 à
l’automatisation et à la robotisation ».
Voilà l’essentiel sur le plan de l’analyse
de la situation. Elle rejoint la nôtre. Résumons :
1. Le schéma montre qu’en 14 ans seulement, de 1962 à
1976, la croissance a été multipliée par 2 (4 fois
plus de biens qu’en 1929, 8 fois plus qu’au début du siècle)
;
2. Depuis la « crise », même avec une croissance réduite,
mais jamais nulle et très rarement négative, une augmentation
de productivité maintenue par la concurrence à 5/6 % a
généré en France 3 millions de chômeurs (2.500.000
officiels + 500.000 « résorbés » par le traitement
social du chômage). En moyenne, une faible croissance supprime
300.000 emplois/an : c’est du reste ce que confirment les récents
pronostics de l’INSEE pour 1986. En mai 1981, il y avait 1.700.000 chômeurs
: fin 1985 - soit en 4 ans 1/2 - 1.300.000 de plus ce qui fait bien
290.000 emplois supprimés/an.
3. Ce processus ne peut que s’accroître, les progrès techniques
s’accélérant ; les patrons français, qui avaient
promis 367.000 emplois si on les autorisait à licencier, font
déjà machine arrière après avoir obtenu
ce qu’ils voulaient. Nous nous en doutions ! Si 5 millions paraissent
exagérés à l’horizon 88, cela est très «
mathématiquement » plausible à l’horizon 90/92 :
3 millions + 300.000/an = 4.800.000 à 5.000.000. S’il n’y a pas
accélération du phénomène...
4. Les heures travaillées/tête ont été divisées
par 2 depuis le début du siècle. Il faut, en effet, prendre
en compte :
- la scolarité moyenne passée de 11 à 22 ans ;
- la retraite passée de 65 ans et plus à 60 et moins (souvent
55 ans) ;
- les congés payés, 5 et souvent 6 semaines (plus tous
les « ponts ») ; - la durée du travail hebdomadaire
passée de 55 heures (et très souvent, beaucoup plus) à
39 ou moins ;
Nous avons donc :
- Avant : 55 h. x 52 semaines x 54 ans = environ 155.000 heures/vie
-Maintenant : 39 h. x 47 semaines x 38 ans = environ 70.000 heures/vie.
Et ce, avec 2.500.000 chômeurs improductifs !
5. Enfin (explosera, n’explosera pas ?) une société qui
devait « exploser » (cf. Pompidou) avec 1 million de chômeurs
n’explose pas. Explosera-telle avec 5 millions ? Rien ne le prouve.
Comme le disent les auteurs de l’Economie Bafouée : « une
solution qui engendre 5 millions de chômeurs ne conduit pas à
l’effondrement économique ».
2) DES REMEDES QUI NE SORTENT PAS DE L’ECONOMIE DE
MARCHE
Degrotte et Euverte ne songent pas un instant à une économie
de type distributif. Ils cherchent une sortie dans l’économie
de marché, donc avec le système monétaire actuel.
On peut douter que, même si leurs propositions étaient
appliquées, le capitalisme reparte pour de nouvelles «
30 glorieuses ». Néanmoins, comparées au conservatisme
rétrograde de la droite revenue au pouvoir - et cela est vrai
pour les autres pays : USA, Angleterre, notamment -, les solutions envisagées
ne manquent pas d’originalité, voire de pertinence. A ce prix,
le régime pourrait corriger une partie de ses principaux méfaits,
faire une cure de jouvence...
Les auteurs ont donc bien posé, nous l’avons vu, le problème
productivité-chômage. D’autre part, ils sont plus que sceptiques
sur un fort redémarrage de la croissance. Dans ce cas, que proposent-ils,
pour que les entreprises « s’en sortent » ?
« L’alternative actuelle se situe entre le chômage et son
financement par les prélèvements obligatoires et un partage
des gains de productivité par durée -du travail en baisse
et compensation salariale. »
« Sur le plan économique et social, il faut donc faire
le choix entre la situation actuelle (l’investissement + l’emploi, voire
l’emploi sans l’investissement) qui conduisent à une perte de
compétitivité, ou l’investissement sans l’emploi (peu
de personnes travaillant intensément, et beaucoup de chômeurs)
ou un équilibre investissement-emploi (beaucoup de personnes
travaillant peu mais de façon très productive).
Ceci induit le choix entre trois types de société et de
mode de vie :
- La première qui conduit à une société
« à l’anglaise » des années 70. Dans de nombreux
secteurs de ce pays la productivité physique par tête pour
une même durée du temps de travail est inférieure
de moitié aux autres pays européens. Dans un premier temps,
la baisse de la productivité maintient les effectifs au travail.
Dans un deuxième temps, si les parités ne suivent pas
l’évolution des productivités moyennes relatives, c’est
la destruction un par un des secteurs de l’économie et la montée
sans retour du chômage.
- La seconde conduit, soit à une société «
d’assistés », soit à une société où
les contrastes entre les extrêmes s’accentuent selon la façon
dont sera distribuée ou non vers les sans-emploi la production
nationale.
- La troisième conduit à une société dont
il, n’existe pas d’exemple de référence actuellement,
très performante sur le plan économique avec peu d’heures
travaillées pour tous. »
REMEDES AU CHOMAGE
1) Pour nos auteurs, la solution N° 1 pour remédier au chômage
passe par une nouvelle répartition des charges des entreprises,
en privilégiant celles qui ne licencieraient pas, mais diminueraient
les heures de travail POUR TOUS à salaire égal. Ils partent
du principe - mathématiquement exact (voir schéma) - que,
dans le cadre de la législation actuelle, les entreprises ont
intérêt à assurer leurs gains de productivité
en licenciement et non en répartissant la charge de travail sur
tous.
« Mais l’obstacle le plus important sur le plan économique
concerne le mode de calcul des charges sociales, qui est à l’heure
actuelle le mécanisme pervers économique qui génére
le plus de chômage. Le système actuel favorise les gains
de productivité par réduction d’effectif, et non par réduction
du temps de travail. »
D’où le tableau ci-après :
SCENARIOS SOCIAUX POUR 2 ENTREPRISES A et B ; GAIN PRODUCTIVITE : 20 %
Bilan |
Salariés
|
Entreprise |
Etat |
|||
Scénarios |
Durée travail (h) |
Salaires (milliard F) |
Charges (milliard F) |
Salaires + Charges (milliard F) |
(milliard F) |
|
Base : A et B |
100.000 |
39 |
10 |
5 |
15 |
- |
1. Règles actuelles : A : Réduction effectifs |
80.000 |
39 |
8 |
4 |
12 |
-1 et 20.000 chômeurs |
B : Réduction temps |
100.000 |
32 |
10 |
5 |
15 |
- |
2. Avec péréquation : A : Réduction effectifs |
80.000 |
39 |
8 |
6 |
14 |
+1 et 20.000 chômeurs |
B : Réduction temps |
100.000 |
32 |
10 |
4 |
14 |
-1 |
L’entreprise A qui licencie gagne 3 milliards par
rapport à l’entreprise B qui maintient effectifs et salaires
pour 32 h. hebdomadaires. Par contre, l’Etat perd 1 milliard de recettes
et doit secourir 20.000 chômeurs.
En revanche, si l’on opère une péréquation des
charges (nous ne pouvons ici entrer des les détails), les salaires
+ charges mettent les entreprises à égalité. Dans
le cas A, l’Etat retrouve le milliard de charges sociales qu’il perd
avec B, mais a toujours 20.000 chômeurs à secourir.
2) Deuxième REMEDE AU CHÔMAGE, complément
du 1er remède, avec réduction du temps de travail : une
meilleure utilisation des installations. C’est un fait qu’actuellement
investissements/ installations + diminution de travail = baisse de rentabilité.
Pour amortir le caractère fâcheux sur le plan humain du
travail posté, les auteurs comptent sur la contrepartie «
temps de loisir dégagé » en l’occurrence 8 heures,
ce qui effectivement n’est pas négligeable). De plus, pour réduire
les inconvénients (transports quotidiens, par exemple), ils proposent
des formules telles que 4 jours x 8 heures, mais avec 6 jours d’ouverture
des installations.
Avec des variantes - nous ne pouvons entrer ici dans le détail
- ces objectifs s’appliquent au tertiaire. Degrotte et Euverte sont
d’accord avec nous quand ils écrivent :
« Le risque majeur de l’économie à l’heure actuelle,
ce n’est pas la disparition des emplois agricoles et industriels, mais
ceux du secteur tertiaire ».
3) Troisième REMEDE
Les auteurs préconisent l’emploi à mi-temps qui pourrait
intéresser - selon eux - 10% de la population active (= 2.200.000
chômeurs en moins). La charge chômage de l’Etat - et donc
des entreprises - serait réduite d’autant ; même s’il est
envisagé des primes pour encourager le travail à mi-temps.
En bref, sans sortir du système marchand, nos auteurs proposent
d’éviter une société duale, qui, à la limite,
dans 10 ou 15 ans pourrait faire - enfin (c’est nous qui le disons)
- exploser le système. Il n’est pas question de supprimer les
inégalités sociales, mais d’apporter des remèdes.
Les gains de productivité, liés à l’investissement,
seraient partagés entre l’entreprise et les salariés (temps
libre en plus sans diminution de salaire). Gageons que si la droite
française - la plus bête du monde, celle qui n’apprend
jamais rien, on s’en rend compte deux mois après le 16 mars -
ne tente rien dans cette direction minimale, ce sera peutêtre
le rôle des « réformateurs » socialistes, s’ils
reviennent au pouvoir, de réaliser ce « plus », ce
« must » selon le langage à la mode.
P.S. : Bien que se plaçant
volontairement au niveau technique acquis à ce jour pour établir
leurs propositions, les auteurs font une petite incursion dans l’an
2000.
« Dans les activités de montage de l’industrie manufacturière,
on estime que les deux tiers des emplois disparaîtront du fait
du développement des automatismes à l’horizon 2000...
Une étude de la Rand Corporation va plus loin et montre que,
si l’on concrétise le progrès technologique, 5 % des travailleurs
actuels de l’industriel assureront en l’an 2000 l’intégralité
de la production des secteurs « grande production ».
Une estimation du Standford Research lnstitute prévoit que 20
des 25 millions d’emplois manuels américains auront disparu à
la fin du siècle...
On estime que la construction des automatismes crée de 1 à
3 emplois pour 10 qu’elle supprime. »
Le but du capitalisme n’a jamais été de procurer des emplois. Il vise, essentiellement, à développer l’accumulation des profits, clé du système. En économie libérale, échappant au dirigisme étatique, le profit assure, prioritairement, les revenus des détenteurs des moyens de production et de distribution, ceux des investisseurs et des professions indépendantes. Chacun s’efforce ainsi, pour accroître son gain, de comprimer les coûts, souvent aux dépens des salaires, du fisc et de la sécurité, de la qualité, et de vendre là où les prix sont les plus rémunérateurs. De l’emploi, les Multinationales ne s’en soucient qu’en vue de l’utiliser au moindre coût en le mobilisant, de préférence, dans les pays à bas revenu. Quant aux importateurs, ils attachent plus d’importance au profit qu’à l’emploi, sacrifié à la concurrence.
Le niveau de l’emploi est étroitement associé à celui des débouchés. Sur les marchés convoités, la compétitivité joue sur la qualité et sur le prix. Pour améliorer sa compétitivité, l’entreprise doit investir et, souvent, recourir au crédit. On entre ainsi dans un cercle vicieux. Les amortissements industriels et financiers des investissements générateurs d’emplois, chargent les coûts et le profit tend à enfler les prix.
On souhaite du plaisir aux experts économiques qui, depuis la crise des années 30, s’efforcent de trouver, dans le cadre des idées reçues, la solution à ce problème du carré rond. Sourds à tout projet économiquement révolutionnaire, ils se refusent à épouser leur temps, à porter le bistouri dans des usages monétaires désuets, cause première de la plupart de nos maux.