Le site est passé à sa troisième version.
N'hésitez-pas à nous transmettre vos commentaires !
Merci de mettre à jour vos liens.
Si vous n'êtes pas transferé automatiquement dans 7 secondes, svp cliquez ici
A l’initiative de Philippe Van Parijs, coordinateur du collectif Charles Fourier, la première conférence internationale sur le revenu de base, ou allocation universelle, s’est tenue, en anglais, à l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve, du 4 au 6 septembre derniers.
Les 70 (et quelques...) personnes qui y participaient ; venues de 14 pays d’Europe, avaient toutes déjà publié des travaux sur le revenu garanti pour tous. Cette convergence est, en soi, une excellente nouvelle : la preuve que l’idée est enfin répandue, et que, puisqu’elle est dans l’air, on va de plus en plus en parler...
Et on en a beaucoup parlé au cours de ce congrès... tellement que je ne peux pas rapporter toutes les choses intéressantes qui ont été dites au cours des quelque 70 exposés, sans compter les conversations de couloir. Je vais donc me contenter, pour commencer, d’en indiquer quelques points marquants. Nous reviendrons plus tard et plus en détails sur certains exposés : ils ouvriront ou nourriront des débats dans ces colonnes.
***
Voici en quels termes le collectif Charles Fourier
présentait, en Mars 1984, l’allocation universelle :
« Supprimez les indemnités de chômage, les pensions
légales, le minimex, les allocations familiales, les abattements
de crédits d’impôts pour personnes à charge, les
bourses d’études, les, cadres spéciaux temporaires et
les troisièmes circuits de travail, l’aide de l’Etat aux entreprises
en difficulté. Mais versez à chaque citoyen une somme
suffisante pour couvrir les besoins fondamentaux d’un individu vivant
seul. Versez-la lui qu’il travaille ou qu’il ne travaille pas, qu’il
soit pauvre ou qu’il soit riche, qu’il habite seul, avec sa famille,
en concubinage ou en communauté, qu’il ait ou non travaillé
dans le passé. Ne modulez le montant versé qu’en fonction
de l’âge et du degré (éventuel) d’invalidité.
Et financez l’ensemble par un Impôt progressif sur les autres
revenus de chaque Individu.
Parallèlement, dérégulez le marché du travail. Abolissez toute législation imposant un salaire minimum ou une durée maximum de travail. Éliminez tous les obstacles administratifs au travail à temps partiel. Abaissez l’âge auquel prend fin la scolarité obligatoire. Supprimez l’obligation de prendre sa retraite à un âge déterminé.
Faites tout cela. Et puis observez ce qui se passe. Demandez-vous, en particulier, ce qu’il advient du travail, de son contenu et de ses techniques, des relations humaines qui l’encadrent ».
D’un exposé préliminaire de synthèse
fait, en ouverture de Congrès, par Philippe Van Parijs, Professeur
de Philosophie et d’Économie à l’Université de
Louvain-la-Neuve, exposé destiné à cerner les débats,
il semblait ressortir que nous étions tous à peu près
d’accord sur l’attribution de l’allocation universelle, mais qu’une
question était à discuter : cette allocation pouvait-elle
être versée aussi à quelqu’un qui refuserait absolument
et définitivement de travailler ?
L’introduction faite ensuite par Gabriel Fragnière, Directeur
du Centre Européen pour le Travail et la Société,
à Maastricht (Pays-Bas) était un effort remarquable pour
élever les débats : « Beaucoup d’arguments avancés
en faveur du revenu de base, dit-il, le présentent comme une
extension, ou une généralisation des systèmes de
sécurité sociale tels qu’ils existent dans les différents
pays... la discussion est ainsi liée à l’échec
actuel de ces systèmes et de façon générale
à la crise de l’Etat-Providence. Et le revenu de base apparaît
comme une façon d’aider le système à survivre...
C’est pour cela que la question a surtout été débattue
par des techniciens responsables de la sécurité sociale.
Il est cependant important de noter la croissance rapide du nombre d’économistes
en général, aussi bien que de philosophes (mais est-ce
différent, se demanda-t-il ?) qui entrent dans le débat.
Or, cette croissance ne peut continuer que si les problèmes de
valeur et de politique sont pleinement posés : ce qui est en
question, ce n’est pas de trouver un meilleur système pour garantir
des revenus à ceux qui ont du mal à en trouver, mais de
redécouvrir la valeur réelle de la création de
richesses et comment le droit de tous les êtres humains d’avoir
leur part de ces richesses peut être garanti ». Après
une excellente analyse de l’évolution du travail « qui
n’est plus désormais une action individuelle mais une participation
au processus global, organisé, de la production des biens ».
Le travail se trouve donc directement lié à ce processus
alors qu’il n’est plus qu’indirectement lié (par le salaire)
à la survie et au confort du travailleur et de sa famille : «
L’idée de valeur du travail, action considérée
comme spécifiquement humaine, a été remplacée
par la valeur du revenu de l’emploi ; la valeur du travail n’est plus
ce que l’homme fait... mais ce qu’il gagne » ! Or, dans le travail
il y a plus que le revenu : « avoir un emploi est une valeur sociale,
une espèce de manifestation sociale de l’individu et ceci, indépendamment
du rapport financier qui y est attaché. C’est ce qui justifie
les politiques de plein emploi suivies par la plupart de nos gouvernements
: les besoins de revenus et le besoin d’être socialement reconnu
étaient satisfaits en même temps. Mais nous savons depuis
la crise et notre prise de conscience des changements qui affectent
ce qu’on appelle nos sociétés post-industrielles, que
ceci n’est plus possible parce qu’il n’est plus nécessaire que
tant de gens interviennent dans les processus de production... nous
redécouvrons la valeur fondamentale qui consiste à faire
quelque chose que nous aimons, parce que nous y trouvons une valeur
en soi, comme un artiste, ou parce que nous y voyons la valeur sociale
de notre effort ».
Et la conclusion de G. Fragnière fut claire « Aujourd’hui,
en dissociant la production du partage des richesses, il faut établir
un nouveau système pour garantir le pouvoir d’achat. Il n’est
pas seulement question de trouver une meilleure façon de calculer
le budget de l’État où les coûts sociaux, mais de
l’étique d’une politique d’ouverture et de solidarité
qui est rendue possible par nos nouvelles capacités de développement
et de création de richesses pour tous... La création en
Europe d’une Communauté de plus de 320 millions de citoyens est
l’occasion d’un renouveau social et politique qu’il ne faut pas manquer ».
***
Hélas, les interventions qui suivirent ne furent
pas toutes au même diapason. Certaines s’attachèrent à
montrer que le revenu de base étant essentiel pour la création
d’emplois, d’autres que ce serait le meilleur stimulant pour les petites
entreprises. Des études très sérieuses présentées
sur les propositions faites dans les divers pays d’Europe, il est ressorti
que le revenu de base a été défendu par des gens
de droite, comme le moyen d’améliorer le système de sécurité
sociale, de rendre supportables l’existence de groupes désavantagés,
du supprimer, avec le piège de la pauvreté, l’incitation
au travail « au noir » et enfin, d’encourager les emplois
mal payés. « En période d’âpre compétition
pour la recherche d’un emploi, il pourrait être intéressant
d’aider ceux qui sont volontaires pour se retirer de la course ».
Mais l’assemblée de Louvain-la-Neuve était surtout faite
de gens de gauche, bien rôdés à la démonstration
des avantages humains d’un revenu assuré à tous. Ann Miller,
fondatrice du groupe de recherche pour le revenu de base à Edimbourg
analysera tout l’intérêt que représente pour les
femmes l’assurance de leur indépedance économique et fustigea
les mouvements féministes qui se contentent comme devise de «
égalité de paie et de conditions, et le plein emploi pour
tous ». Cette « solution » du plein emploi pour, à
la fois, les hommes et les femmes, remarque Ann Miller, oublie certaines
dures vérités... Il faudrait d’abord définir le
plein emploi et savoir s’il est à nouveau possible comme au cours
des années 50 et 60 ! Les femmes ne semblent pas comprendre, dit
Ann Miller, le rôle potentiel d’un revenu assuré, en tant
que fondement d’une foule de possibilités dans une économie
alternative.
***
Le point a été fait, pour chacun des
pays représentés, de la situation et de l’éclat
des débats sur la garantie d’un revenu de base pour tous.
Autres exposés intéressants : les tentatives pour en chiffrer
le coût, dans différents pays. Et nous abordons là
la question cruciale : comment financer un revenu décent pour
tous ? Tous les autres intervenants ne conçoivent ce financement
que sous la forme d’une redistribution : l’argent doit être prélévé
par des impôts, impôts seulement sur les entreprises et
les capitaux pour certains, impôts également sur les salaires
pour les autres. Le montant du revenu garanti, dans ces conditions,
ne peut être que le minimum de survie. D’ailleurs quelqu’un a
judicieusement fait remarquer que les débats s’enveniment toujours
dès que cette question du montant est abordée... !
J’ai eu deux occasions de montrer l’avantage d’une véritable
distribution du pouvoir d’achat. Au cours de mon intervention au congrès
sous le titre « le revenu garanti en tant qu’héritage*
» et surtout au cours de la conférence du soir, en Français,
« Aux origines de l’idée d’allocation universelle en France
: l’économie distributive ». Ce fut le moment de situer
l’économie distributive face aux redistributeurs qui oublient
que nous avons désormais les moyens de pourvoir Paul sans enlever
à Pierre. Ce fut aussi l’occasion de répondre aux questions
posées par un public venu nombreux* (plus encore qu’au Congrès
lui-même) à cette conférence, fort bien organisée
par le Collectif Charles Fourier qui en avait pris l’initiative.
***
Le dernier jour du Congrès, il a été
décidé de créer un mouvement européen afin
de maintenir le lien entre tous les participants et d’organiser le travail
autour de l’allocation universelle en Europe. Un siège social
et des moyens sont attendus du Centre Européen pour le Travail
et la Société.
Ce mouvement a reçu pour nom : BIEN c’est-à-dire « Basic
lncome European Network ». La Grande Relève s’est offerte
pour en publier régulièrement des nouvelles : nos lecteurs
ne seront donc pas étonnés s’ils découvrent dans
nos colonnes une « Neswsletter » du BIEN, en Anglais. Nous
nous efforcerons de la traduire pour eux.
***
*« Basic income as an inheritance », le
texte est disponible au journal pour les lecteurs qui voudraient l’utiliser.
**Merci aux amis Belges venus de Liège pour cette soirée qui se termina très tard.
Vous ne serez sans doute pas surpris qu’en ces temps de rentrée je vous parle un peu de ce que j’ai glané dans la presse pendant les vacances.
Tout d’abord un titre fracassant dans « le Monde
» du 8 août donné à une interview de Philippe
Séguin, ministre des affaires sociales et de l’emploi : «
L’objectif n’est plus le plein emploi productif ». Diable, c’est
là une véritable révolution culturelle pour un
ministre (et pour « le Monde » aussi !). Constatant que 2
à 2,5 millions de chômeurs est un nombre incompressible,
M. Séguin déclare « Il faut dire les choses comme
elles sont : le secteur productif et le tertiaire traditionnel ne peuvent
plus à eux seuls répondre à la demande. Quantitativement,
c’est une évidence. Les réserves de productivité
de l’industrie et des services classiques sont énormes, et la
compétition internationale les fera jouer toujours plus à
plein. Il y a désormais un décalage structurel entre le
rythme de l’évolution technologique et la capacité d’adaptation,
sur la base des modèles traditionnels du corps social... Et si
on était tenté d’attendre béatement la fin du chômage,
voyons ce qui s’est passé au Royaume-Uni. Je suis de ceux qui
estiment que Mme Thatcher a plutôt réussi sa politique
économique. Mais l’amélioration de l’emploi... n’a pas
empêché l’augmentation du chômage... C’est un sacré
sujet de réflexion ».
Mais ne vous réjouissez pas trop tôt et n’imaginez pas
que M. Séguin va vous proposer l’économie distributive
! Reconnaisant qu’il existe déjà en France une société
duale (encore un bon point pour cette franchise), le ministre entreprend
l’apologie du « nouveau secteur » (périphérie
des entreprises, travail à domicile, activités d’utilité
collective,...) et propose de « réintégrer dans
l’économie officielle tout ou partie de l’économie souterraine
qui s’est développée à notre insu ». Evidemment
tous ces emplois mirifiques, il n’est pas question de les payer décemment,
ne serait-ce qu’au SMIC.
Reconnaissons, cependant, que c’est la première fois qu’un ministre
en exercice reconnaît l’impossibilité du plein emploi :
c’est déjà un progrès !
***
Plus retardataire qu’un ministre, le secrétaire
général de la CFDT se scandalisait des 2 à 2,5
millions de chômeurs « incompressibles » que reconnaissait
M. Seguin et, dans une belle envolée, s’indignait : « Eh
bien, non ! Franchement non ! Parce que le syndicalisme authentique reste
bien vivant, c’est-à-dire porteur de sens pour les salariés,
tous les salariés, et donc pour la société toute
entière, il lui appartient par un grand effort sur lui-même
de montrer comment surmonter l’inacceptable. » C’était
une phrase pour meubler parce que ça ne veut pas dire grand chose...
Mais les solutions que propose E. Maire, c’est : -en premier lieu donner
une impulsion nouvelle à l’action de redressement économique
et de création d’emplois... » (toujours le même refrain
!). Et plus loin : « Le nerf de la guerre l’atout décisif
pour gagner la bataille économique moderne, ce n’est pas le capital,
c’est le travail ; une stratégie financière peut faire
rentrer les capitaux. Mais si l’investissement stagne aujourd’hui en
France, ce n’est pas faute de capitaux, c’est faute de rentabilité
des entreprises ». Ce brave Edmond devrait quand même savoir
que pour être rentable une entreprise doit s’automatiser au maximum
et donc supprimer de la main-d’oeuvre, puisque le travail humain est
plus cher que le travail des machines. Ce n’est donc pas en investissant
davantage qu’on créera des emplois... Rejoignant Séguin,
Maire propose « des activités utiles partiellement solvables,
actuellement inexplorées ou abandonnées au travail noir »
(services industriels à domicile, entretien de l’habitat, services
ménagers, garde des enfants,...). Moyennant quoi, Maire conclut :
« il est possible, dès aujourd’hui, de donner à
chacun dans ce pays soit une activité, un salaire ou une ressource.
Cela n’ira pas sans risques, c’est vrai. Souvent ceux qui ont un emploi
ne voient pas d’un bon oeil le changement nécessaire à
la réalisation du chômage zéro ».
Ce brave Edmond, il ne dit pas que des bêtises, il est plein de
bonnes intentions, mais il a encore l’air de croire que la gateau qu’on
a à se partager est de taille constante et qu’il faut prendre
aux uns pour donner aux autres. Il n’a pas encore compris ce qu’était
la révolution technologique que nous sommes en train de vivre.
***
Entre 1980 et 1985 la population agricole des Etats-Unis
a diminué de 11,5 %, ce qui ramène à 5,36 millions
le nombre d’américains vivant dans une exploitation agricole,
soit 1 sur 45, alors qu’il y en avait 1 sur 7 en 1950 et 1 sur 4 en
1930. Ce qui n’empêche pas les États-Unis de ne plus savoir
que faire de leur production agricole. L’abondance pose décidément
bien des problèmes !
A tel point que pour faire plaisir à ses agriculteurs (qui sont
aussi ses électeurs), Reagan veut vendre du blé subventionné
à l’Union Soviétique. Et ce pour 4 millions de tonnes.
Le problème, c’est que les soviétiques ne veulent plus
accepter les règles du jeu jusqu’ici fixées par les américains :
ils ne veulent plus payer 100 % du prix à l’embarquement et se
réservent le droit de renvoyer une cargaison aux frais des américains
si le grain ne possède pas aux yeux des experts soviétiques
les spécifications requises. Qui plus est, ils veulent aussi
bénéficier des « conditions du marché »,
c’est-àdire en ce moment, payer leur blé moins cher. Ils
savent qu’ils ont tout intérêt à attendre et ils
ne s’en privent pas.
***
Autre méfait de l’abondance, les producteurs
de café vont contrôler leurs ventes sur le marché
afin d’éviter la surabondance de l’offre qui a provoqué
depuis le mois de Mars une chute brutale des prix.
A la fin de l’année 1986 la plus grande mine européenne
de tungstène, située à Couflens dans l’Ariège,
fermera ses portes. Elle ne serait, paraît-il, plus rentable,
les cours ayant chuté de 75 à 33 francs le kilo. C’est,
disent les experts, la conséquence de la baisse du dollar...
Anecdotique mais révélateur : le gouvernement Chirac veut
rétablir le privilège des bouilleurs de cru !
Réflexions
Voici les réflexions d’un boulanger.
Elles lui ont été Inspirées par la lecture de la
Chronique Economique de la revue « Les nouvelles de la boulangerie
» sous la signature de Marie Régnier concernant le livre
de Philippe Vasseur Intitulé « Le Chômage, c’est
les autres ».
Coïncidence ? Marie Reignier ne savait pas. de
dans la page suivant son article, les Nouvelles de la Boulangerie présentaient
un reportage sur Europain 86 intitulé : « Des machines
extraordinaires », dans lequel il n’est question que de «
rythmes éblouissants, de cadences, d’automatismes, de performances
», ainsi que « de régularité, de sécurité
», et même de « spectacle ». Une preuve incontestable
et incontestée du remplacement inévitable du travail de
l’homme par la machine.
Mais que nous rapporte Marie Reignier sur les idées que Philippe
Vasseur, par ailleurs rédacteur en chef économique du
Figaro, développe dans son livre ? Rien de bien nouveau : des
réflexions sur la croissance et la flexibilité, un exemple
de restructuration de Chrysler aux Etats-Unis, et pour l’avenir, «
des armes nouvelles et un changement des mentalités »,
c’est-à-dire « le choix de son temps et de son statut »
et un « éclatement des structures : partage d’un emploi
entre deux personnes ». (je vous fais grâce des expressions
américaines, heureusement expliquées).
Nous constatons encore avec regret, le manque d’imagination de nos «
spécialistes en économie », qui restent enfermés
dans un système capitaliste basé sur le profil. Pourtant,
partout dans le monde des personnes osent remettre en question ces sacro-saints
principes. En effet, l’heure n’est plus à l’amélioration
ponctuelle d’un système rétrograde, mais à la mise
en place de nouvelles formes de sociétés.
Comme le souligne John Farina, professeur à la faculté
des Sciences Sociales de l’Université de Waterloo (Ontario) qui
déclare dans un article économique du journal «
La Presse » de Montréal (Canada) du 25 Avril 1985 : «
L’homme a inventé des machines pour se dispenser de travailler.
Cela a tellement bien marché qu’il y a aujourd’hui un million
et demi de chômeurs. Mais, au lieu de nous en réjouir,
nous nous en mordons les doigts. Voilà qui est tout. à
fait illogique ! ».
Sans vouloir polémiquer sur le nombre de chômeurs
en France, quelles proportions faut-il atteindre pour nous amener à
réfléchir sur la contradiction existant entre notre système
économique et la performance des machines. Faut-il revenir aux
temps décrits par RL Sancerre (témoignage toujours intéressant
du passé), pour que tout le monde ait du travail ? Dans nos sociétés
modernes, la production devenant indépendante du travail humain,
ne serait-il pas préférable de dissocier le travail de
chaque individu de son pouvoir de consommation ? En d’autres termes,
ne pourrait-on pas imaginer un système dans lequel le travail
fourni ne correspondrait plus à un salaire mais à un quota
précis de biens de consommation ? Dans ce type de société,
le chômage ne serait plus aggravé par le phénomène
de mécanisation et tendrait à disparaître, les tâches
indispensables étant accomplies par l’ensemble de la population
active.
Actuellement, le secteur artisanal, encore présenté comme
possible créateur d’emplois tiendra-t-il ses promesses ? Sa mécanisation,
toujours croissante n’entraînera-t-elle pas une diminution des
postes de travail comme c’est déjà le cas dans les secteurs
secondaire (industries) et tertiaire (banques) ?
L’évolution du travail en boulangerie est édifiante lorsqu’on
fait la comparaison du nombre d’heures de travail humain nécessaire
à la panification entre hier et aujourd’hui. Quel sera-t-il demain
? Quel potentiel d’embauche pouvons-nous prévoir ? Une chose
est facilement prévisible : il y aura de moins en moins de travail
pour tous, et moins encore pour le personnel non qualifié. Cela
augmentera les différences entre deux catégories d’individus :
- des chômeurs devenant plus pauvres et plus nombreux ;
- des « riches » devenant plus riches et moins nombreux.
Jusqu’à quand va se maintenir cette dualité
de situation, la même qui sévit entre « pays pauvres
» et« pays riches » ?
Ne serait-il pas « plus facile de faire consommer le surplus de
la production aux chômeurs que de faire absorber les chômeurs
par une production qui n’a plus besoin d’eux ? ».
Ces commentaires ont été refusés par le journal
« Les nouvelles de la boulangerie » à qui elle ont
été adressées.
LES DOSSIERS DE LA GRANDE RELEVE
Ce livre est paru* peu avant les élections
qui ont porté la gauche au pouvoir. Il est signé « Thomas
Lefranc », pseudonyme recouvrant un collectif de neuf personnalités
appartenant au secteur bancaire ou financier français.
L’analyse de cet ouvrage après l’épisode socialiste est
instructive dans la mesure où elle fait apparaître que
les suggestions faites dans « L’Imposture Monétaire »
par ce groupe de travail de la commission économique du Parti
Socialiste n’ont pas été appliquées par ce dernier
car elles allaient trop loin et surtout révélaient une
tendance antimercantiliste tout à fait dans le sens d’une véritable
transition à l’Économie Distributive !
Après l’histoire de la monnaie, « mangée aux mythes
», l’opposition classique du keynésianisme à la
thèse classique de Say est bien relevée : ce n’est pas
l’offre qui détermine automatiquement la demande mais bien celle-ci
(à condition d’être solvable, ce que n’indique pas Keynes)
qui détermine l’offre globale. Le monétarisme de Friedmann
est bien dénoncé également (le renard dans le poulailler).
Mais toutes ces théories classiques supposent avec optimisme
(sinon irresponsabilité) l’existence d’un « homo-Sconomicus »
jouissant d’un revenu permanent ! I l faut donc reconsidérer
les théories en vigueur et chercher un « nouveau modèle
monétaire ».
L’Etat a perdu son pouvoir régaléen : « il se contente
d’une action globale sur la masse monétaire, mais reste neutre
face aux sacro- saints mécanismes du marché ». Les
véritables acteurs du jeu économique et monétaire,
donc politique à terme, sont les banques, dont la monnaie scripturale
« constitue près de 80 % de l’ensemble de la masse monétaire
» ! Le capital et les réserves des banques inscrites «
ne représentent pas 5 % de l’ensemble des crédits consentis
à la clientèle ». La part des billets dans la masse
monétaire est passée de 36 % en 1964 à moins de
25 % en 1981. Au 1er janvier 1979, le compte des banques inscrites a
fait apparaître un dépassement de 16,67 % de la masse des
crédits (700 milliards) par rapport à celle des dépôts
(600 milliards). Mais le taux de rendement avoué n’est que de
12.6 % pour 1978.
La banque, « bras séculier du capital », n’est pas
aimée, souvent à bon droit mais sans raisons très
précises car ses opérations sont occultes pour le public.
Si 15 000 entreprises disparaissent tous les ans en silence, faute de
fonds propres, c’est parce que, en fait, l’Etat fait prendre aux banques,
par l’encadrement du crédit, la responsabilité d’une médecine
anti-inflationniste symptomatique et superficielle.
Les comptes officiels ne représentent plus la réalité
mouvante : les masses « M2 » ou « M3 »** n’ont
par exemple pas enregistré l’injection, en 1980, de 46,5 milliards
en émissions d’obligations.
On ne mesure pas non plus la vitesse de circulation monétaire,
dont on sait seulement qu’elle augmente au fur et à mesure du
resserrement du crédit. L’Etat est déconnecté de
la réalité monétaire pour ne pas en prendre politiquement
la responsabilité, faisant gérer la crise, qu’il devrait
tenter de résoudre, aux privés. « Désormais,
l’encadrement du crédit est devenu en France le seul moyen de
la politique monétaire ». Le rôle de la Banque de
France est quasi nul car entièrement au service des banques :
les droits de tirage automatiques sur la banque centrale sont, depuis
1977, supérieurs aux actifs acquis par cette même Banque
sur le marché monétaire ! Le système des « réserves
obligatoires » des banques n’a jamais été appliqué
en France. L’encadrement du crédit n’est finalement qu’un aveu
d’impuissance de la part de l’Etat, incapable de contrôler autrement
la croissance inflationniste d’une masse monétaire qu’il n’émet
plus.
« Les pouvoirs publics ont volontairement abandonné les
moyens de contrôle dont ils disposaient (pour la création
de guichets par exemple à partir de 1967) pour livrer progressivement
le pouvoir de battre monnaie au système bancaire ». Ils
ont voulu faire le jeu d’un capitalisme sans concession en supprimant
« les obstacles à l’exercice des lois du marché
». Les secteurs risqués, non rentables et non solvables
sont condamnés à disparaître, selon ce système.
Vaer victis ! Les banques, dont la politique fondamentale est de privatiser
leurs bénéfices tout en socialisant leurs pertes, se trouvent
bloquées par l’encadrement du crédit, qui manifeste le
refus de l’Etat de participer à cette socialisation des risques
en les renvoyant à l’envoyeur ; qui dès lors résout
le problème en le détruisant, par une coupure de la livraison
de monnaie.
« Nous sommes au royaume de l’illusion. Vous croyez que le pouvoir
monétaire est entre les mains de la puissance publique, mais
en fait les réformes successives, réalisées depuis
la dernière guerre, ont bâti un système économique
qui a délégué au secteur bancaire le pouvoir de
battre monnaie selon les critères de l’économie du marché
».
Sur le plan international, l’abandon des parités fixes en 1971
a donné une « ampleur sans précédent aux mouvements
spéculatifs » et aggravé la situation en internationalisant
les mécanismes privés, les rendant ainsi inaccessibles
aux seuls gouvernants de chaque pays. Après l’eurodollar, monnaie
flottante de comptes internationaux, est apparu l’eurofranc qui, comme
le pétrodollar, échappe aux comptabilités nationales
en restant sur des comptes extérieurs permettant d’éluder
les diverses réglementations de change nationales. Le même
système existe sur le plan intérieur : lorsque les banques
ont besoin de liquidités, au lieu de s’adresser à la Banque
centrale du pays, elles font appel à des organismes de réescompte
privés, possédant leurs propres fonds de compensation,
qui sont souvent les mêmes que ceux qui se font appeler, selon
l’angle sous lequel on les présente, « eurodollars »,
« eurofrancs », « pétrodollars ».
Même une nationalisation totale des banques par un seul pays,
comme la France, ne suffirait pas à résoudre un problème
qui s’est internationalisé pour se protéger. La masse
des eurodevises (dont 70 environ sont des eurodollars) était
en 1980 d’environ 500 milliards de dollars, soit presque autant que
l’ensemble des réserves officielles de change des pays du monde,
780 milliards de dollars ! Ces sommes dont du même ordre de grandeur
que le fameux « endettement » mondial, qui n’est en fait
que comptable (scriptural) et non économique et réel.
Ainsi, sans décision intérieure des autorités responsables,
la Suisse a-t-elle vu, en 1978, sa masse monétaire augmenter
de 17 % par le seul effet du libre jeu bancaire international ! Mais
si l’on calcule l’inflation sur la seule masse des pièces et
billets, encore émise par la banque centrale, on peut produire
des chiffres de 3%, entièrement contrôlables mais ne correspondant
qu’à l’argent populaire, l’argent de poche des individus !
La bancarisation internationale évolue vers une association des
banques avec le FMI, vers une privatisation bientôt complète
et anarchique du système monétaire international. Thomas
Lefranc émet ce qu’il reconnaît être des «
voeux pieux » pour un nouveau système : abandon de l’illusion
du flottement des monnaies en revenant aux parités fixes (mais
sur une autre base que l’or) car « il est inconcevable de continuer
à laisser au seul jeu d’un marché dont les errements montrent
les faiblesses, une variable aussi essentielle que le taux de change
de la monnaie. Ce sont les hommes de droite, de la vraie droite, celle
qui ne croit pas que l’être humain et la société
humaine soient perfectibles, aussi imperceptiblement que ce soit au
long des siècles, qui ont prêché les changes flexibles.
Tôt ou tard, ils auront tort ». Thomas Lefranc préconise
par ailleurs une « véritable monnaie internationale, émise
par une organisation spécifique », « dont le volume
serait ajusté en fonction des besoins résultant des échanges
mondiaux. « Puis un contrôle des euromarchés par tous
les Etats, et un plan d’aide financière au Tiers Monde »
recyclant les capitaux flottants par des organismes internationaux de
prêt à long terme, à bas taux d’intérêt,
aux pays en développement.
Thomas Lefranc se rapproche donc, par la logique de son analyse, des
thèses distributistes classiques. Il constate l’échec
des « politiques monétaires trop directement inspirées
par les maîtres à penser de l’université »,
qui ont « constitué un club international d’admiration
mutuelle » ;« la vanité anachronique du débat
entre keynésiens et monétaristes » (politique monétaire
par la fiscalité et les dépenses publiques ou par les
taux d’intérêt, le budget et l’offre de monnaie). «
Le désarroi de l’internationale des économistes libéraux
est devenu visible. Nous assistons en vérité à
l’écroulement du scientisme économique officiel »
La bourgeoisie n’investit pas son épargne dans le secteur industriel,
à risques, mais préfère la spéculation immobiliére,
plus juteuse pour elle. Mais « en s’adonnant ainsi aux délices
de l’économie de rente, la bourgeoisie a en quelque sorte voté
contre le capitalisme industriel, même si politiquement elle lui
reste attachée ». Elle n’est pas à une contradiction
près.
La gauche a, instinctivement, une répulsion
pour les questions financières assimilées au « capital
» de droite, ce qui limite ses capacités à affronter
le montre : « en effet, entre l’idôlatrie monétaire
de la droite au pouvoir et le refoulement monétaire distillé
par l’idéologie marxiste et communiste, la gauche socialiste
semble souvent faire un complexe dont il est grand temps qu’elle se
débarrasse ». Cela était écrit en 1981 ; et,
en 1986, l’on peut constater qu’une telle mise en garde n’était
pas vaine !
Comme solutions proposées à la future gauche au pouvoir,
mais non appliquées finalement par celle-ci, Thomas Lefranc préconisait
la nationalisation de l’intégralité du système
bancaire pour « restituer à la nation son pouvoir régalien
de création monétaire » y compris sous forme scripturale.
Cela ne serait qu’un retour à ce qui avait été
envisagé en 1945 dans le projet de loi présenté
à la Constituante par le Ministre des Finances d’alors, René
Pleven. Lefranc reconnaît que l’existence en France de plus de
300 banques et de quelque 550 établissements financiers est incohérente
car « cette pléthore n’a aucune justification économique
». Mais au lieu, comme Gautier dans « La Monnaie au Service
des Hommes », de préconiser un seul et unique établissement
central, Lefranc se méfie de la bureaucratie et préfère
une « organisation pluraliste » : « nationaliser les
banques sans étatiser le crédit » ; mais avec, quand
même, création d’une grande marque nationale d’investissement
(B.N.I.).
De telles contradictions montrent les limites de l’analyse de la commission
économique du Parti Socialiste et expliquent son échec
dans la pratique. Lefranc croit en effet au mythe du plein emploi et
n’ose pas, malgré ses critiques sévères, aller
jusqu’à l’élimination du système marchand, puisqu’il
écrit : « La résolution de ces problèmes structurels
est nécessaire au rétablissement du plein emploi et des
conditions d’efficacité des firmes du secteur marchand, l’un
n’allant pas sans l’autre ». A partir de là, le reste du
livre ne présente plus beaucoup d’intérêt malgré
de grandes affirmations telles que : « la nécessité
du combat contre l’inflation suppose que l’on contrôle la création
monétaire par les banques », et même l’autocritique
de son propre parti politique et de son « projet socialiste »,
qui affirme que « la source de l’investissement ne saurait trouver
ailleurs que dans l’épargne des Français ». Ces
Français épargnants ne sont malheureusement pas ceux qui
soutiennent ce projet ! Et pourtant Lefranc s’approche des vraies solutions :
« le principe nous paraît devoir être retenu d’une
suppression à terme du marché monétaire, la Banque
de France jouant le rôle de ce dernier », avec mise en place
concomitante d’un « système de contrôle quantitatif
de l’offre de monnaie « banque centrale » et d’une «
déconnexion partielle des marchés internes et externes
de capitaux » (en taxant les achats de devises étrangères
et en incitant à la facturation en devises des exportations).
Mais on reste dans le partiel et Thomas Lefranc ne va pas jusqu’au bout
de ses idées.
Son analyse frise souvent le distributisme, dont il semble même
connaître l’existence et la valeur. Mais il n’y fait qu’une timide
allusion en conclusion de son ouvrage, tout en critiquant au passage
la société d’abondance, présentée comme
un mythe dépassé par la crise actuelle. Lefranc dénonce
l’erreur héritée des économistes classiques, selon
laquelle la monnaie n’est qu’un voile qui cache la réalité,
idée reprise par la gauche gestionnaire pour se démarquer
d’une droite monétariste. « Ce résidu funeste de
la pensée ricardienne, doit être sévèrement
dénoncé ».
« Sans doute, sur le plan idéologique, le mythe reste-t-il
très fort d’une société sans monnaie, non pas celle
que les banquiers préparent et qui ne sera qu’un pas de plus
vers la dématérialisation absolue des signes monétaires,
mais celle d’une société d’abondance, dans laquelle chacun
recevra selon ses besoins ».
Mais, d’après Lefranc, « la crise a mis un terme à
cette douce illusion » ; ce qui contredit ses propres déclarations
plus haut : « nous sommes au royaume de l’illusion ».
Le rôle d’un groupe de travail d’une commission économique
de parti politique n’était-il pas plutôt de proposer une
autre illusion, comme l’économie des besoins, plus logique que
la présente, vécue dans l’échec.
* aux éditions « Anthropos », 12,
rue du Maine à Paris, en 1981.
** Rappelons que M1 comprend les pièces, billets, dépôts
à vue, transmissibles par chèques, que M2 comprend les
comptes à terme, livrets, bons détenus dans les banques,
et M3 les dépôts dans les organismes non bancaires comme
les caisses d’épargne.
L’ouverture d’un premier colloque international sur
le revenu garanti amont ré qu’un certain nombre de gens, en Europe,
commençaient à ressentir l’urgence d’assurer aux pauvres
au moins un minimum vital. Parallèlement à cette manifestation,
la « Coordination Européenne des Femmes » entreprenait
d’agir contre la pauvreté. Danièle Delcuze, qui participe
à cette coordination a assisté à la Conférence
de Presse donnée le 10 juin dernier par un ensemble d’associations
charitables. Voici le reportage qu’elle nous en a fait :
Selon la circulaire du 30.10.85, un plan d’urgence contre la pauvreté
et la précarité pour l’hiver 1985-1986 avait prévu
des axes d’intervention : le logement des familles en difficulté,
l’hébergement d’urgence, la nourriture et la réinsertion
sociale des personnes les plus défavorisées.
Au terme de l’hiver 85-86 et de ces mesures « Précarité-Pauvreté
» plusieurs associations, qui ont établi des « conventions »
avec l’Etat ou la DASS-Paris, se sont rencontrées pour faire
le point. Ces associations charismatiques (Armée du Salut, Association
Emmaüs, Centre d’Action Sociale Protestant, Conférence Saint
Vincent de Paul, Equipes Saint-Vincent, Fonds Social Juif unifié,
Secours Catholique, Petits Frères des Pauvres) se voient confrontées
tous les jours :
" à des besoins d’écoute et d’accueil : donner la
possibilité de se situer humainement, d’être reconnu comme
« une personne »,
" à l’afflux des personnes et familles précarisées,
parmi lesquelles dominent les « Sans domicile fixe », les
« Fins de droits » ou « sans travail » non indemnisés.
La Banque Alimentaire qu’elles ont constituée
a servi 524.136 repas.
Durant l’hiver, plusieurs centres d’hébergement ont pu être
ouverts grâce à des conventions passées :
" 3 pour Emmaüs avec 315 lits
" 3 pour le Secours Catholique avec 145 lits
" 1 pour le Centre d’Action Sociale Protestant avec 30 lits
" 9 pour l’Armée du Salut, avec 767 lits + la location
de « chambres d’hôtel ».
Au total 273.745 nuits d’hébergement.
***
Qui ces centres. d’hébergement ont-ils accueilli
?
En majorité, des hommes entre 25 et 40 ans ou des plus de 50
ans (chez les Petits Frères des Pauvres). Le plus souvent, des
personnes « seules », isolées, peu de couples, mais
on en a remarqué cependant une augmentation récente.
Il s’agit de :
" demandeurs d’emploi,
" chômeurs de longue durée, fin de droit,
" sans domicile fixe,
" sortants d’hôpitaux ayant encore besoin de soins,
" de femmes rejetées ou seules avec enfants,
" sortants de prison,
" sortants d’hôpital phychiatrique.
Ils viennent en majorité par le canal des services sociaux, officiels
ou privés. La Conférence de SaintVincent de Paul avec
114 implantations, a affaire à des personnes qui viennent par
connaissance « de bouche à oreille ».
A toutes ces actions s’ajoutent les actions favorisant l’insertion.
En particulier, celles animées par le Secours Catholique aidant
à l’accès à des stages de formation professionnelle,
ou des stages de français.
Mais ces associations se heurtent à des difficultés de
financement. En Avril-Mai, par exemple, elles ont dû faire face
au retard du financement d’actions qui avaient été engagées
par contrat.
Les besoins, accentués en période de froid, sont permanents,
c’est pourquoi l’arrêt brutal du financement des hébergements
provisoires et des lieux d’accueil de jour, innovés déjà
en 84-85 a été très durement ressenti et s’est
manifesté par une recrudescence des appels et sollicitations
dans les divers services d’accueil. Ne pas tenir compte de l’aspect
durable de ces besoins, c’est empêcher une action à long
terme, c’est parfois voir une situation s’aggraver, devenir irréversible,
coûter en fait plus cher à la collectivité, que
si elle avait été prise à temps.
Sans travail, sans domicile, il n’y a aucune reconnaissance sociale,
aucun droit. Or, on observe :
" une augmentation du nombre de personnes sans domicile, de plus
en plus jeunes,
" des fins de droit au chômage,
" l’augmentation du nombre de ceux qui avec le développement
des emplois provisoires et peu rémunérés vivent
une situation de précarité ne leur ouvrant pas droit aux
allocations de chômage.
S’y ajoutent des problèmes qui accentuent la
marginalisation et font cercle vicieux :
" où trouver à se laver, se changer, c’est-à-dire
assurer une hygiène corporelle et la possibilité de se
présenter pour en emploi ?
" comment se soigner, enrayer une dégradation de la santé
qui rend de moins en moins capable de reprendre une vie de travail ?
***
Ces associations veulent que le travail qu’elles fournissent
à longueur d’année soit reconnu et qu’on leur donne les
moyens de faire face à une année 87 qui s’annonce selon
eux, encore plus difficile. De plus, les situations des assistés
sont de plus en plus critiques et leur caractère durable exige
une action à long terme en vue d’une réinsertion.
Elles estiment donc nécessaire :
" qu’une action soit coordonnée entre elles ;
" qu’un soutien matériel et financier leur soit alloué :
État, Région, Département, Ville.
Mais elles se refusent à n’être que des
sous-traitants, vers lesquels les Services Sociaux Publics envoient
les « cas » qu’ils ne peuvent ou ne veulent assumer...
Elles refusent d’accepter une société « duale »
qui entérinerait l’enfoncement dans la misère, sans espoir
de réinsertion, d’une partie de la population qu’ils reçoivent.
Voici leurs propositions :
Dans le domaine de l’emploi : une activité pour tous, ce qui
signifie des espaces de créativités, un assouplissement
des contraintes administratives, et un soutien matériel. Le développement
de lieux d’accueil où les chercheurs d’emploi sont écoutés,
conseillés, aidés, incités à une formation,
et compris dans leur détresse.
Dans le domaine du logement : une véritable politique du logement
social*.
Elles demandent :
" que l’accès au logement social soit facilité,
" que le droit à I’APL ne soit pas refusé aux locataires
de certains logements sociaux,
" que les Commissions d’Impayés (de loyers et d’Edf-GDF)
assouplissement leurs critères d’aide et élargissent leur
champ d’action.
Dans le domaine de l’Accueil et de l’Hébergement
des personnes à la rue des structures permanentes à la
hauteur des besoins. Ces associations demandent aux Pouvoirs Publics
de prendre leurs responsabilités pour que :
" des lieux d’accueil permanents à taille humaine où
les « Sans domicile fixe » soient vraiment accueillis et
où ils se sentent chez eux, soient ouverts,
" des lieux d’hébergement permanents soient créés,
" des lieux pour l’hygiène (les bains-douches à
Paris) soient maintenus,
" des lieux pour les soins (les dispensaires à Paris) soient
sauvegardés.
*120.000 logements vacants à Paris ! 46.000
familles inscrites au fichier des prioritaires, et seulement 1.500 relogés
chaque année. Le coût social des expulsions est énorme
par rapport à celui du maintien dans les lieux, de même
que le coût des prises en charge par la DASS pour les hébergements.
**15.000 personnes sont sans toit à Paris ! Nombre de personnes
accueillies entre le 1/12/85 et le 15/4/86 par l’ensemble de ces associations
: 52.656 personnes.