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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 841 - janvier 1986

 

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N° 841 - janvier 1986

Minimum garanti : amorce ou caricature ?   (Afficher article seul)

Après le SMIG, le RMSG ?   (Afficher article seul)

Quand un système est privé de ressort   (Afficher article seul)

Dollar : la quadrature du cercle   (Afficher article seul)

Surmonter le chômage   (Afficher article seul)

Pour une économie libérée   (Afficher article seul)

La douane et les douaniers   (Afficher article seul)

Quand le peuple s’éveillera   (Afficher article seul)

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Minimum garanti : amorce ou caricature ?

par M.-L. DUBOIN
janvier 1986

Le Parti Socialiste vient d’annoncer qu’il met dans son programme pour les prochaines élections le revenu minimum garanti. Il rejoint ainsi la proposition que faisait Lionel Stoléru, dès 1974, lorsqu’il était au ministère du Travail dans un gouvernement de droite. Ceci est donc tout à fait conforme à ce que nous annoncions ici- même dans l’éditorial de Juillet dernier : « Alors même que les perspectives électorales feraient croire que les partis politiques fourbissent leurs armes pour s’opposer, on assiste en fait à un consensus, la droite et la gauche se retrouvant parfaitement d’accord sur un point : il faut à tout prix sauver la société capitaliste. Et comme le problème du chômage la met en danger, il faut bien accepter l’idée d’un revenu minimum de survie pour en atténuer les effets les plus scandaleux ».
Mais ce revenu minimum pour les laissés pour compte, est-ce l’amorce de l’économie distributive, comme le pensent des camarades, tel notre ami René Martin dans les pages qui suivent ?
Je sais gré à Denis Clerc (agrégé d’économie et sciences sociales, directeur de la revue Alternatives économiques), interviewé sur ce sujet, le 18 novembre par « Libération  », d’avoir montré où se situe la divergence entre nos propositions et celle des conservateurs du capitalisme, que ces derniers se disent de droite ou de gauche. Je cite D. Clerc, décrivant la motivation de ces conservateurs : « Le but recherché par les libéraux est avant tout de simplifier les procédures complexes qui président à la distribution des très nombreuses allocations... que verse l’Etat Providence... » Ceci correspond bien en effet à ce que déclare L. Stoléru, dans le même numéro de Libération : il s’agit pour lui d’instituer un revenu familial pour remplacer le SMIC « type même du problème mal posé... et qui n’aboutit pas à l’objectif fixé ». Et la démarche tout à fait analogue que fait le PS s’inscrit ainsi parfaitement dans la suite des efforts qu’il déploie depuis qu’il est au gouvernement pour montrer qu’il est le plus zélé gestionnaire et défenseur du capitalisme. Par contre, quand la journaliste de Libération lui demande quelle est, à gauche, la motivation du revenu garanti, D. Clerc répond : « L’idée de base consiste à partir du fait que le progrès technique réduit le nombre d’heures de travail nécessaires. A défaut d’un partage du travail auquel la société capitaliste, spontanément, ne se prête guère... il convient... de dissocier distribution des revenus et activités productives. Telle est la thèse avancée, en particulier, par Jacques Duboin, dans les années 30 et reprise aujourd’hui par le courant distributiste. Par rapport aux positions libérales... la différence est importante  : la société assure à chacun un revenu à vie, destiné à couvrir ses besoins, ou au moins ses besoins de base ; en échange, chacun doit à la société une part de son énergie, de son savoir, de ses capacités. On ne travaille plus pour un salaire, mais pour la collectivité, laquelle, en échange, garantit un revenu à vie ».
Soyons très clairs dans les débats auxquels nous allons être amenés à participer. Le revenu minimum garanti que proposent tous ces conservateurs est une REDISTRIBUTION, il s’agit de prendre aux uns une part de leurs revenus pour donner aux autres de quoi survivre... et se taire. Elle n’est l’amorce d’une société distributive, au même titre que l’étaient déjà les allocations diverses qu’elle se propose de remplacer, que dans la mesure où tous ces reversements obligatoires constituent la preuve qu’il n’est plus possible, au XXe siècle, de laisser fonctionner librement les lois du marché. Mais la redistribution en opérant un tri, place des millions d’êtres humains en condition d’assistés. C’est une façon d’ENTERINER la société duale : de permettre aux « battants » de continuer leurs luttes fratricides et de condamner tous ceux qui n’auront pas « gagné  », et leur nombre ira en croissant de plus belle dans cette société de compétition exacerbée, à n’être plus que les clients dociles dont les premiers ont besoin, ils viennent de s’en apercevoir. De plus, cette redistribution est absurde parce qu’elle maintient une limite arbitraire à l’ensemble des revenus et un obstacle à toutes les productions utiles, matériellement et humainement possibles mais non « rentables », au sens capitaliste du terme.
C’est la DISTRIBUTION au sens où nous l’entendons, qui peut permettre à l’humanité d’avoir accès à l’héritage prodigieux de techniques et de savoirfaire qui est aujourd’hui à notre portée.

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Après le SMIG, le RMSG ?

par R. MARLIN
janvier 1986

Ainsi nous avons appris officiellement par une question au Président de la République, lors de sa Conférence de presse du 21 novembre 1985, que l’instauration d’un revenu minimum national est envisagée par le Parti socialiste. « L’idée est bonne a répondu François Mitterrand, mais il faudra du temps car l’imposer rapidement les finances publiques n’y résisteraient pas ». Le journal « Le Monde » du 23 novembre 1985 ajoute que « la dureté des temps a fait imaginer et retenir par le P.S. la créaction d’un revenu minimum et celle d’une garantie contre les mutations qui permettrait aux travailleurs des régions très touchées par les conversions industrielles de franchir, grâce à une aide, un cap difficile. Le coût extrêmement élevé de telles mesures (plusieurs dizaines de milliards de francs) a fait dire à M. Strauss-Khan, chargé des études au secrétariat national du P.S. « on ne peut dire à la fois : garantissons un revenu minimum et baissons les impôts. Contentons-nous de les stabiliser ». L’idée est dans l’air depuis qu’elle a été mise en place en GrandeBretagne et, notamment M. Bousquet dit Cacharel, maire de Nîmes l’a appliquée (voir l’éditorial de Marie-Louise Duboin dans la G.R. de juillet 1985). Le P.S. ne pouvait l’ignorer sous peine de se faire « tourner  » sur sa gauche. Nous savons donc que, malgré les difficultés évoquées ci-dessus, ce projet va figurer dans le programme du parti pour les élections législatives de mars 1986. D’autant plus facilement, que si l’on se base sur les sondages actuels, le parti a peu de chance de devoir mettre en oeuvre cette mesure.
Bien entendu ce revenu mimimum social garanti (R.M.S.G.) ne serait, comme ce nom l’indique qu’un minimum, il aurait, si nous comprenons bien, un caractère provisoire, et, quoique nous ne sachions presque rien de ses conditions exactes d’attribution, nous avons la certitude que son coût serait prélevé sur le budget, c’est-àdire, sur l’ensemble, ou au moins sur certains contribuables.
Mais, au-delà de ces différences capitales avec le revenu social distributif, observons que l’évolution se produit bien dans le sens de nos idées. Comment en serait-il autrement puisque, nous en sommes bien convaincus, la marche vers l’économie des besoins est, d’une façon ou d’une autre, inéluctable ? La rupture entre le revenu et la durée du travail est donc reconnue nécessaire après quelques préliminaires comme le versement à durée limitée de 80 % de leur ancien salaire aux victimes de licenciements économiques, les allocations familiales et de logement, les primes à la naissance, etc... L’un de nos premiers objectifs est ainsi presque atteint. Mais, tout en étant important si l’on se réfère au passé, nous n’avons jamais imaginé qu’il était incompatible avec le fonctionnement pratique du régime des prix-salaires-profits ; il l’était, seulement, avec la mentalité des plus conservateurs de ses partisans. Que penser de cet épisode ? Les uns se réjouiront d’abord pour les bénéficiaires futurs, s’il y en a, ils conclueront que l’économie distributive s’impose et, peut-être abusivement, qu’à la limite, elle s’instaurera quoi que fassent ses ennemis et ses partisans. Ils remarqueront, peut-être plus sérieusement, que la transition vers la nouvelle économie, loin de se faire brutalement, se produira par étapes successives, chacune permise par l’état de la pensée collective à un moment donné. Ils rechercheront quel pourrait être le prochain objectif le plus réalisable, selon leur connaissance de l’opinion. Soit le revenu social à vie pour tous, en vertu de l’héritage du progrès dont nous sommes tous les bénéficiaires potentiels ; soit l’autogestion de collectivités et d’entreprises de plus en plus vastes, qui n’est que l’extension de la démocratie du politique à l’économique.
Mais ne nous leurrons pas, même si l’idée du R.M.S.G. a pû venir aux responsables du P.S. sans nous, ils ne feront nulle référence à Jacques Duboin en cette occurence, bien que l’antériorité soit indiscutable. L’économie que nous préconisons reste encore trop en avance sur les croyances du citoyen moyen pour que même les réformistes y fassent la moindre allusion qui pourrait la faire mieux connaitre. Ils en ont été informés, ils continueront à y prendre des idées, sans le dire, guidés par leur maxime que la politique est l’art du possible, oubliant leur devoir d’information de l’opinion, effrayés, comme les anciens, par la crainte que le ciel leur tombe un jour sur la tête.
Reconnaissons, une fois de plus, l’extraordinaire aptitude du régime capitaliste à mettre en place, à temps, les soupapes de sûreté qui lui ont permis de survivre, vaille que vaille, jusqu’à présent, malgré les avis de décès prématurés dressés par certains augures... jusque dans nos rangs.
Poursuivons notre action, sans illusions, mais sans désespoir, pour faire mieux comprendre, à tous, la nécessité d’une véritable économie distributive.

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Quand un système est privé de ressort

par J.-M. HUMILIÈRE
janvier 1986

Ce système privé de ressort, c-est le système économique sous lequel nous vivons. Certes, je sens l’étonnement poindre chez certains lecteurs lorsque je donne à penser qu’il n’y a qu’un seul système économique mondial. Maïs en fait, hormis quelques économies primitives qui subsistent çà et là, les soi-disant deux grands systèmes économiques de la planète n’en font qu’un. Pourquoi ? Parce que les objectifs économiques du système dit socialiste sont de rattraper avant de dépasser le système capitaliste. Ce rattrapage suppose la production d’équipements considérables de façon à obtenir tous les biens de consommation nécessaires à la satisfaction de l’ensemble des besoins imaginables. On est assez loin du but ! En revanche, pour l’atteindre, on a imaginé des modes de production inspirés du capitalisme. On peut penser que transpirer selon les normes de Taylor ou celles de Stakanov, est toujours transpirer pour accroître le rendement du travail. Donc, je ne vois pas de miracle dans la substitution d-un système par l’autre.*
Nous vivons en économie capitaliste. Qu’espérer d’elle  ? Rien. Pourquoi ? Parce que la logique de ce système est accomplie, on ne doit rien changer d’essentiel. Afin de prémunir les nantis qui en bénéficient ? Même pas. Ce système est immuable fondamentalement parce qu’il a été conçu comme tel et le modifier en quoi que ce soit serait passer dans un autre. Je ne vais pas passer en revue chaque composante du capitalisme mais prendre un exemple.
Une composante essentielle, quoique souvent passée sous silence est l’exploitation. Exploitation tous azimuts : des richesses naturelles, de l’ingéniosité, de la crédulité, des besoins et moult autres possibilités. Nulle retenue du moment que cela rapporte, ou peut rapporter de l’argent ; condition nécessaire et suffisante. Eh ouï, condition nécessaire ! Que se passe-t-il lorsqu’un entrepreneur mène trop d’activités non rentables  ? c-est-àdire des activités qui ne rapportent pas suffisamment  : il fait faillite. Ce qui signifie bien que la logique de l’exploitation ne peut que se poursuivre et même se développer puisque c-est une loi incontournable ? Et pour preuve avancée de citer les entreprises publiques. Réfléchissez un instant. Les entreprises publiques ignorent la rémunération systématique d’actionnaires, maïs travaillent-elles pour autant sans marge bénéficiaire  ?

Evidemment non.

Comment la régie Renault va-t-elle combler une partie du gouffre causé par sa gestion défectueuse ? En rançonnant les clients futurs. Cela a même déjà bien commencé. Ou mieux disons que cela va se poursuivre. Un véhicule dont le prix de revient en fabrication s’élève à 10 ou 12.000 francs est gaillardement vendu 60, 70.000 francs. Est-ce légal ? Bien sûr, c’est même indispensable. au risque de faire faillite. Et les associations - dites sans but lucratif ne sont pas mieux loties dès qu’elles participent à l’économie marchande. (cf Tourisme et Travail, par exemple).
Ce risque de faillite est tel, la crainte qu’il inspire est si forte que tout est permis. Ainsi la débauche d’égoïsme impudent que l-on vit éclore lorsque le gouvernement décida de créer TUC** (Travaux d’Utilité Collective). Qu’une idée aussi géniale soit risible est au-dessus de tout débat, maïs quoi qu’il en soit le système existe et on peut le qualifier de moindre mal. En quoi ? En ceci, vaut-il mieux laisser les jeunes désoeuvrés ou leur proposer une occupation qui peut s’avérer devenir un emploi effectif ? Eh bien, levée de boucliers des artisans « Ils nous enlèvent le pain de la bouche », s’est exclamé le choeur généreux de l’artisanat en colère. Une autre fois, que l’on se rassure, ce sera une autre catégorie sociale : quelle que soit la mesure envisagée, a quelque propos, une corporation se craint frustrée. Pourquoi ? Parce que le système n-a plus de ressort. Durant le siècle passé il a épuisé toutes les possibilités qui s-offraient à lui jusqu’à se trouver comme un hamster dans sa cage cylindrique. A force de faire tourner son cylindre, il connut des ennuis cardiaques : il fallut le placer en réanimation. La thérapie Blum, Hitler, Eisenhower s’avéra efficace  ! Le lyrique Fourastié y trouva « les trente glorieuses  » durant lesquelles le hamster fit tourner sa cage de plus en plus vite ! Cela lui valut un nouvel infarctus auquel le docteur Giscard ne sut remédier, par davantage le docteur Barre. On se souvint du docteur Blum et l-on dénicha un de ses élèves point encore sénile. Les pessimistes auguraient que le docteur Mitterrand changerait le hamster, les optimistes qu’il placerait le hamster fatigué dans des conditions telles qu’il n-aurait plus besoin de cage ! Les uns et les autres pensaient à, ou redoutaient, un changement de système !

Il aurait fallu un autre thérapeute. La logique élémentaire veut que l-on remplace les machines usées. Le système économique mondial est une machine usée, il convient de la remplacer. Là, on se heurte à un obstacle de taille : le poids des habitudes, l-inertie des mentalités, les égoïsmes individuels et collectifs. Ceci n-est pas une mince affaire. Distributistes, vous êtes l’un des camps susceptibles de relever ce défi.


* c f . également La corde pour les pendre G.R. n°836 Juillet 85.
** Le système des TUC consiste pour les administrations et associations à recourir aux services de jeunes gens durant 20 heures hebdomadaires. Ces jeunes sont rémunérés par l’Etat qui leur verse 1.200 francs par mois.

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Dollar : la quadrature du cercle

(1)
par A. PRIME
janvier 1986

100 FAILLITES BANCAIRES AUX ETATS-UNIS
L’effondrement des prix agricoles et la chute des prix du pétrole ont entraîné la plus importante vague de faillites bancaires jamais enregistrée depuis la grande dépression des années trente : cent banques américaines ont déjà déposé leur bilan depuis le début de l’année. Et les milieux bancaires officiels américains prévoient la continuation du mouvement pour l’année prochaine. Car ces cent banques touchées ne représentent que la partie visible de l’iceberg. Plus de mille banques en effet sont déjà inscrites sur la liste des établissements financiers en difficulté.

(LE MATIN - 12 novembre 1985)


Essayons de plonger pour découvrir l’iceberg... L’accord de Bretton Woods, signé en juillet 1944 - donc plusieurs mois avant la chute du Reich et plus d’un an avant la capitulation du Japon - instituait les règles du système monétaire international de l’après-guerre, fondé sur des parités fixes entre les monnaies. La décision prise en août 1971 par Nixon de ne plus lier le dollar à l’or sonnait le glas de cet accord  : les monnaies allaient fluctuer au gré de l’offre et de la demande, pour des raisons autant spéculatives que commerciales.
C’est sur la primauté du dollar, monnaie de réserve, que Reagan, conseillé par ses monétaristes Laffer et Friedman, a basé sa politique économique dite « théorie de l’offre », par opposition à la théorie keynésienne de la demande.
Aujourd’hui, cette politique revient en boomerang.

1er temps : Diminution des impôts pour «  relancer la machine économique », à la fois la consommation et l’épargne (cette dernière afin que Reagan puisse organiser le lobby militaro-industriel qui l’a hissé à la Présidence).
Le temps d’inertie, dû à la montée en puissance et aux vues obtuses et entêtées des monétaristes purs et durs de la première heure, fait que la situation économique, pendant les deux premières années du premier mandat de Reagan, se révèle désastreuse : le pouvoir d’achat régresse.
Enfin, en 1983 (+ 3,5 %) et surtout en 1984 (+ 6,75 %) on ne parle plus dans le monde occidental que du « miracle américain », de la sortie de la crise qui doivent entraîner la reprise des économies des pays industrialisés capitalistes.
Mais celle-ci tarde et pour cause (s).

2e temps : La diminution des impôts, c’est bien. Mais quand celle des dépenses ne suit pas, qu’au contraire les dépenses militaires s’accroissent (pour passer de 5,6 % du PIB à 9 % en 1985), il faut avoir recours à l’emprunt. Les déficits budgétaires vont avoisiner ou dépasser, plusieurs années de suite, les 200 milliards de dollars (1). L’épargne intérieure ne représentent qu’environ 300 milliards (soit 9 % du PIB) et il faut bien que le Trésor en laisse une partie aux emprunteurs privé sous peine de bloquer l’économie (2). Il faut donc faire appel à l’épargne étrangère (environ 100 milliards de dollars chaque année)  ; mais pour cela, on doit offrir des taux d’intérêt élevés.
Et du coup, le dollar « flambe » jusqu’à atteindre 10,55 F en février 1985 1985.

3e temps : La diminution des impôts libère du pouvoir d’achat. D’une part, la partie dépensée provoque une demande importante : logement, automobile, biens d’équipements en général. D’autre part, nous l’avons vu, une bonne partie investie en emprunts d’Etat va aux industries de guerre : une partie de cette manne retombe indirectement dans le commerce. Les affaires marchent : + 10 % au premier trimestre 1984.

4e temps : Les affaires marchent ? Oui, mais pas forcément pour acheter américain. En effet le cours artificiel et excessif du dollar (les spécialistes l’estiment surévalué de 30 à 40 %) provoque l’afflux de marchandises étrangères, notamment du Japon (30 % de ses exportations - 23 % des voitures vendues aux USA sont japonaises), mais aussi de l’Allemagne, de la France, des nouveaux pays industrialisés d’Extrême-Orient etc.
Les affaires marchent, mais le pouvoir d’achat « libéré  », ne s’investissant pas, loin s’en faut, uniquement dans les produits « made in USA », les industries retombent vite autour d’une croissance zéro ; d’autant plus qu’un dollar cher, non seulement favorise les importations, mais encore freine les exportations  : en dollars courants, leur valeur, en 1984, est inférieure à celle de 1980 !
La situation vaut pour l’agriculture, bien entendu : nombreuses faillites entraînant celles de banques des régions agricoles.
Conséquence générale de tout cela un déficit jamais vu du commerce extérieur, multiplié par 6 en 5 ans. Mais c’est là qu’apparaît dans toute sa lumière l’aberration des accords de Bretton Woods consacrant le droit régalien des USA de « battre monnaie mondiale » : pour combler le déficit extérieur, il suffit de faire marcher « la planche à dollars », ce qui de surcroît ne peut être qu’inflationniste au niveau mondial, ou d’emprunter - en sus des emprunts pour combler le déficit budgétaire -, ce qui fait des USA un des peuples les plus endettés du monde.

5e temps : La reprise occidentale attendue de la reprise américaine n’a donc pas suivi. Ce qui était prévisible pour nous, distributistes, ne l’était pas pour les « experts  ». Disons que les exportations accrues vers les USA - notamment, nous l’avons vu, pour le Japon - ont donné ce que l’on a appelé un « frémissement ». Ça s’est arrêté là. D’autant que cette situation, qui fait que le plu§ riche pays du monde draine une partie de l’épargne mondiale - c’est un comble, mais c’est ainsi - freine, dans les pays industrialisés en mal de reprise, les investissements ou achats qui auraient dû absorber cette épargne, en partie du moins.
Comme on le voit, on tourne en rond ; il n’est pas exagéré de parler de quadrature du cercle à propos du dollar.

6e temps : Les dangers que fait courir au monde l’égoisme ou le manque de clairvoyance globale des dirigeants US inquiètent les pays occidentaux. La France notamment a multiplié ses mises en garde, réclamant un nouveau Bretton Woods, une réforme du système monétaire international et, en attendant, essaie de donner de plus en plus de poids à l’ECU.
Les pays du tiers monde, souvent endettés en dollars empruntés à un taux très inférieur et qui, de surcroit, doivent payer les intérêts au cours élevés, menacent de faire éclater le système : faillites du Mexique, de la Turquie, de l’Argentine, du Brésil, etc. ; faillites des banques prêteuses, notamment américaines.
Cette situation ne peut durer. Si elle satisfait pleinement les spéculateurs, elle crée des difficultés qui vont en s’aggravant pour les industriels, les agriculteurs, les pays industrialisés, comme le tiers monde.
Le gouvernement des USA, champion du libéralisme, a déjà réagi par des mesures protectionnistes (acier, téléviseurs, chaussures, coton, machines outils, voitures, etc.).
Pour les agriculteurs, on augmente considérablement les subventions (22 milliards en 1985 contre 12 en 1984). Mais ces entorses au libre échangisme ne font pas l’affaire des partenaires des Etats-Unis. Les ministres des finances et les gouverneurs des banques centrales des 5 grands pays capitalistes - Etats-Unis, France, RFA, Japon, Grande-Bretagne - se réunissent le 22 septembre dernier à Washington. Ils conviennent de « résister au protectionnisme » et décident de contribuer à faire baisser le dollar. Enfin  ! Et de fait, son cours avoisine à la mi-novembre 7,80F.

7e temps : Et maintenant, que va-t-il, que peut-il se passer ? la croissance, qui n’a été que de 1 % aux USA pour le 1er trimestre 1985 (3) - nettement inférieure à celle des pays occidentaux - ne peut rester à un niveau aussi bas sans que le spectre de la « crise » se profile à nouveau rapidement à l’horizon.
" En attendant, Reagan a paré au plus pressé : ne pas laisser entamer sérieusement les crédits militaires, locomotives modernes du capitalisme. Pourtant, les Chambres renâclent, surtout à cause du déficit budgétaire et des dangers qu’il représente.
Le show de Reagan avec Gorbatchev ne relève pour l’instant que du spectacle : il n’a pas cédé d’un pouce sur l’IDS, la guerre des étoiles ; même s’il désire faire plaisir à Nancy, sa « pacifique » épouse (voir Le Matin du 11 novembre : « C’est Nancy qui a dit a Reagan de faire la paix »).
" Les pays qui exportent aux USA vont forcément pâtir, à moyen terme, d’une reprise américaine, si mince soit-elle, basée sur un dollar dont la valeur a baissé de façon volontariste de 25 % en 2 mois (4). Et ce, doublement : ils vendront moins aux USA et les produits US redevenus plus compétitifs, rentreront chez eux plus facilement.
A la une du Monde le 14 novembre 1985 : « PLUSIEURS CONTRATS IMPORTANTS MENACÉS. LES ETATSUNIS LANCENT UNE OFFENSIVE SUR LES MARCHÉS EXPORTATEURS FRANÇAIS ».
" Cette baisse du dollar améliorera, mais ne résoudra pas le problème de la dette des pays du tiers monde ; d’autant moins que nombre d’entre eux, mis en difficulté depuis 2 ou 3 ans, sont tombés sous le coup du FMI qui a pris des mesures drastiques ne facilitant pas le développement de leur économie : beaucoup s’échineront à exporter... pour payer le service de leurs dettes, qui avoisinent, globalement, 600 milliards de dollars.
En résumé, le fonctionnement du système marchand est structurellement vicié. Les progrès techniques aggravent son mauvais fonctionnement : il peut de moins en moins écouler ce qu’il produit, secrétant de plus en plus de non-consommateurs ou de consommateurs amputés : les chômeurs.
La baisse durable du dollar va déplacer le problème des USA vers l’Europe et surtout le Japon : un peu plus d’oxygène là-bas, un peu moins ici. Mais il n’y aura pas de solution globale. Ce n’est pas demain que la crise, « leur crise », sera vaincue  ; ce n’est pas demain que le capitalisme, malgré les chantres libéraux ou « socialistes », procurera à tous « des lendemains qui chantent ».
A nous de le faire comprendre autour de nous.

(1). Le SEUL ACCROISSEMENT des dépenses militaires sous Reagan représente les 2/3 du déficit budgétaire.
(2). Le secrétaire au Commerce américain, M. Malcolm Baldrige, s’alarme de l’endettement des ménages, d’autant plus que l’épargne, en 1985, est tombée à 1,9 % du PIB.
(3). Le Monde du 16 novembre 1985 : n Aux Etats-Unis - LES VENTES DE DETAIL ENREGISTRENT UNE BAISSE RECORD - Les espoirs de l’administration Reagan de voir la croissance reprendre un cours plus dynamique durant le dernier trimestre paraissent s’estomper. En octobre, les ventes de détail ont enregistré une baisse record de 3,3 %, renforçant les prévisions des économistes qui, depuis quelques semaines, annonçaient un affaiblissement préoccupant de la u consommation
(4). Matsushita, un des géants de l’électronique, dont les contrats pour 1986-1987 ont été passés avec un dollar à 235 yens, chiffre à 80 milliards de yens (400 millions de dollars) ses pertes avec un dollar à 200 yens.

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LES DOSSIERS DE LA GRANDE RELEVE

Voici la traduction par J.-P. MON d’un article publié en avril 1985 dans la revue américaine « The Futurist », par un Professeur associé à l’Université de Jérusalem, DAVID MACAROV.

Ce document est destiné, d’une part, à montrer que nous ne sommes pas seuls dans notre analyse du chômage : nos idées sont aujourd’hui partagées bien au-delà des frontières de l’Europe.

Il est également une façon d’aborder, dans ces « dossiers de la Grande Relève », l’étude de ce qu’on peut appeler les mesures de transition vers l’économie distributive ; et les commentaires sur cet article, que nos lecteurs ne manqueront pas de nous envoyer, nous l’espérons, viendront utilement étayer les réflexions que mène sur cette question de la transition le groupe animé par Philippe Le Duigou.

Surmonter le chômage

Quelques propositions révolutionnaires
par D. MACAROV
janvier 1986


Résumé : aucune des solutions proposées jusqu’à maintenant pour vaincre le chômage n’a réussi. Ce qu’il faut, c’est une nouvelle vision d’une société sans travail, une société dans laquelle l’automatisation permet aux gens de faire ce qu’ils veulent, tout en continuant à recevoir un revenu décent.

Un des problèmes les plus permanents et les plus persistants que l’on rencontre dans les sociétés industrialisées du monde occidental est celui du chômage. En dépit des efforts continus et massifs de toutes sortes qui ont été faits pour ramener le nombre des chômeurs à des chiffres acceptables, le problème du chômage subsiste dans la plupart des pays, et, avec le développement technologique continu, est en train de devenir un fait de société permanent. Le chômage de longue durée, particulièrement marqué chez les jeunes, attire maintenant l’attention de nombreux organismes nationaux et internationaux. Les méthodes conventionnelles qui ont été déjà mises en place pour tenter de venir à bout du chômage sont de plus en plus inefficaces. C’est pourquoi cet article propose quelques suggestions plus radicales pour résoudre le problème du chômage.

L’AVENIR DU CHÔMAGE

La probabilité de voir le chômage permanent s’accroître est en train de devenir une réalité de plus en plus acceptée par les planificateurs au fur et à mesure que le nombre de chômeurs s’accroit et que, dans le même temps les palliatifs se révèlent inefficaces. C’est ainsi, par exemple, que la Commission sur l’évolution du travail, mise en place par le syndicat américain AFL-CIO, prévoit un déficit d’emplois permanents pour 4 à 6 millions d’Américains.
L’examen attentif des remèdes proposés fréquemment tels que la réduction des impôts, les salaires subventionnés, la réduction de la durée du travail, la création d’emplois dans les services publics, ainsi que l’évolution macro-économique montrent que la plupart de ces « solutions » ne marchent pas. En plus des mesures de réduction directe des heures de travail et d’accroissement de la durée des vacances, les dispositions qui ont masqué l’extension du chômage comprennent

Les créations d’emplois

La création directe d’emplois est trop onéreuse pour être généralisée. Avec environ dix millions de personnes sans emploi aux Etats-Unis, créer un nombre d’emplois équivalent coûterait 171 milliards de dollars. Fournir ces emplois dans le bâtiment (secteur que l’on cite souvent comme étant le plus socialement utile) reviendrait à 416 milliards de dollars. On conçoit que cette solution ne puisse pas être adoptée lorsqu’on a affaire à un grand nombre de personnes sans emploi.

Les emplois subventionnés

Dans cette optique, les employeurs sont subventionnés à l’aide de prêts de l’Etat pour créer des emplois. Ce faisant, on s’attend, ou plutôt, on espère, que ces emplois deviendront permanents. C’est rarement le cas. Par exemple, dans le cadre du programme américain de Développement de l’Emploi et de la Formation, on a remplacé, pour la durée de la période conventionnée, des employés permanents par des personnels bénéficiant de salaires subventionnés, si bien qu’il n’y a eu en définitive aucune création nette d’emploi.

Les travaux d’utilité collective

C’est une disposition qui permet de payer des personnes en échange de petits travaux. Elle n’est pas destinée à vaincre le chômage mais à « récupérer  » une partie des dépenses d’assistance sociale. Comme la plupart des travaux offerts dans ces programmes ne sont que des travaux « prétextes », sans valeur intrinsèque, les possibilités qu’ils offrent de déboucher sur un véritable emploi sont faibles.

Les travaux d’intérêt public

Ils diffèrent des travaux d’utilité collective en ce sens que ceux qui en bénéficient sont choisis en fonction de leur compétence professionnelle et payés suivant un barème fixé et non en fonction de leurs besoins personnels. Les travaux effectués ont intrinsèquement une certaine valeur sociale. Ces programmes souffrent cependant de certaines limitations : les syndicats, par exemple, arguent que s’il y a des emplois disponibles, il faut les donner à leurs propres adhérents sans emplois et que, d’autre part, les échelles de salaires établies dans ces programmes sont inférieures à celles qu’ils ont négociées. Par ailleurs, les commerçants ne veulent pas voir vendre des produits ou des services à des tarifs inférieurs à ceux qu’ils pratiquent.

On voit donc que les travaux d’intérêt collectif, tout comme les travaux d’intérêt public, ne constituent que des emplois marginaux que personne ne voudrait faire à ce tarif là.

Le travail partagé

Cela consiste à partager le travail (et le salaire) entre deux personnes. Si ceux qui l’acceptent le font parce qu’ils n’ont pas d’autre possibilité, le procédé tout simplement à du travail à temps partiel destiné à masquer l’étendue du chômage. De plus, comme ceux qui y participent partagent un seul salaire, au lieu de bénéficier de deux salaires complets, cela ne fait qu’accroitre la pauvreté tout en diminuant apparemment le chômage. C’est un bénéfice douteux.

Le service universel

Le service national, volontaire ou obligatoire, constitue un moyen de retirer un grand nombre de personnes du marché du travail normal. Le service militaire joue quelquefois ce rôle.
Les modalités de tels plans sont en général assez vagues et constituent plutôt des espoirs que des programmes.

L’abaissement de l’âge de la retraite

Le retrait de travailleurs « âgés  » du marché du travail par abaissement obligatoire de l’âge de la retraite libère des emplois pour les plus jeunes. Cependant, comme la technologie rend le travail humain moins nécessaire, cette mesure réduit globalement la force de travail sans offrir de nouvelles possibilités d’emploi. Qui plus est, abaisser l’âge de la retraite va à l’encontre de la tendance sociale actuelle peu favorable à la mise à la retraite obligatoire.

L’Etat employeur en dernier recours

Dans cette perspective, le gouvernement pourrait employer tous ceux qui n’ont pu trouver de travail ailleurs. On ne connait pas d’exemple d’application de cette solution, si ce n’est en Egypte où le gouvernement garantit un emploi à tous les diplômés de l’Université qui n’ont pas pu en trouver ailleurs. Cela se traduit par l’existence d’une horde de fonctionnaires surdiplômés mais qui n’ont absolument aucun travail à faire.

« L’OBJECTIF DOIT ÊTRE LE CHOMAGE TOTAL »

Des propositions révolutionnaires

Aucune des propositions avancées jusqu’ici n’a pu venir à bout du chômage de masse permanent. Le travail humain non seulement devient de plus en plus inutile mais commence même à être considéré comme un mauvais ersatz des technologies de pointe. L’échec des tentatives actuelles pour vaincre le chômage, ou simplement pour le réduire, vient de la mauvaise volonté à reconnaître que la quantité de travail humain disponible est beaucoup plus grande que celle qui est nécessaire à la production des biens et des services. L’hypothèse suivant laquelle il y aurait du travail pour tous si on trouvait la bonne formule ou la bonne combinaison mène à la création d’industries et de services à haute intensité de travail bien qu’il existe des machines qui fassent ce travail mieux, plus vite et meilleur marché. Les gens sont condamnés à des travaux difficiles, dépourvus de sens et sans intérêt pour des raisons financières et ceux qui ne travaillent pas ou qui ne peuvent pas travailler sont montrés du doigt.

Ce qu’il faut c’est une planification consciente pour la mise en oeuvre de la technologie la plus avancée possible, pour remplacer l’effort humain dans tous les domaines où cela est possible. En bref, le but à atteindre doit être le « chômage total ».

Paradoxalement, l’éradication du chômage exige qu’il se développe jusqu’à inclure la majorité, sinon la presque totalité, de la société. Ce n’est qu’ainsi qu’il pourra être considéré comme un bienfait et non comme une maladie de la société. Lorsque seulement 10 % de la population suffiront à produire tous les biens et les services nécessaires, les 90 % « d’inemployés  » verront le chômage sous un tout autre éclairage. Nous devons cesser de chercher à créer des emplois, et au contraire, consacrer toute notre énergie à les remplacer par des machines.

Nous pourrons ensuite poser de nouvelles questions  : en imaginant une société dans laquelle l’automation a pris la grande partie du travail, comment peut-on faire vivre les gens ? Comment sera défini leur état pour qu’ils se sentent libérés de toute réprobation sociale ? Avec quelles activités structureront-ils leur temps ? Qu’est- ce qui leur donnera le sentiment d’être utiles et désirés ?

C’est à ce type de questions que les propositions pour éliminer le chômage doivent chercher à répondre.

Le revenu garanti

L’idée d’un revenu minimal garanti à chacun, qu’il travaille ou non, a été, à l’origine, conçue comme un moyen grâce auquel les assistantes sociales pourraient éviter d’avoir à infliger à leurs clients l’enquête jugée infamante sur leurs « moyens d’existence  ». Elle fut plus tard proposée comme un moyen simplifié de venir en aide à ceux qui ne pouvaient pas, ou ne devaient pas, travailler ; par exemple, les personnes âgées, les handicapés, les parents uniques d’enfants en bas âge et les inemployables. La difficulté majeure soulevée par la mise en oeuvre d’un plan de revenu garanti est la crainte que les gens ne veuillent plus travailler s’ils perçoivent un revenu. En fait, dans une société presque complètement automatisée, le travail ne constitue plus un aiguillon.

Il y a en outre d’autres problèmes à résoudre. Tout d’abord, comment serait distribué le revenu  ? Cela pourrait être sous la forme d’une sorte d’allocation familiale du type de celles qui existent dans presque tous les pays occidentaux. Au lieu de verser .une somme basée sur le nombre d’enfants, ou à une famille légalement définie, l’aide pourrait être individuelle.
Deuxièmement, combien chacun recevrait-il ? Si, en vertu du principe égalitaire, tout le monde reçoit la même somme, les personnes ayant des besoins particuliers ou supplémentaires seront lésées. Si le palement est fait sur une base catégorielle (personnes âgées, adultes...), la question des besoins individuels subsiste. Si l’allocation est basée sur les besoins de chacun, la détermination de ces besoins risque d’être difficile et coûteuse. Troisièmement, comment la société acquerra-t-elle et distribuera- t-elle les fruits de la production automatisée  : par le biais de taxes, d’assurances, de nationalisation, ou par quelque autre moyen ? Enfin, comment les gens occuperont-ils leur temps ? Il n’est pas seulement question ici d’éviter l’ennui, ce qui peut exiger un énorme développement du bricolage et des activités de loisir, mais surtout de savoir ce qui va remplacer le travail en termes de prestige, de structuration du temps, d’identification personnelle, etc. Déjà, de plus en plus, les gens trouvent leur identité dans leur façon d’occuper leurs loisirs plutôt que dans leur travail.
Ce sont là des problèmes difficiles mais que l’on peut résoudre. En fait, imaginer des réponses à ces questions est la partie simple du problème ; mais trouver des méthodes pour les mettre en oeuvre d’une façon qui ne crée ni agitation ni bouleversements sociaux est plus difficile.

Une nouvelle définition du travail

Une façon simple d’arriver à une société « sans travail » satisfaisante est de redéfinir le travail, de payer les gens pour qu’ils se lancent dans des activités qui ne sont pas actuellement rémunérées. L’exemple le plus évident est de payer les femmes au foyer pour ce qu’elles font. Un autre exemple, moins évident, est de payer des gens pour qu’ils s’engagent dans des activités socialement utiles, telles que les études, les jeux ou les sports, l’animation culturelle, la musique, l’écriture ou l’aide aux parents, aux voisins ou encore dans l’éducation (y compris celle de leurs propres enfants), le jardinage ou l’exploration. On peut ainsi donner des revenus aux gens en échange d’une grande variété de travaux, et éviter ainsi « l’infamie » et les autres conséquences attachées au fait de ne pas avoir d’emploi. Les rémunérations pourraient être graduées en
fonction des résultats, les bons étudiants étant mieux payés que les mauvais, par exemple. On pourrait payer pour leurs capacités non seulement les musiciens mais aussi les compositeurs, les chefs d’orchestre, ceux qui accordent les instruments, ceux qui impriment la musique et même ceux qui tournent les pages.

Bien qu’à première vue, cette proposition paraisse fantaisiste, sinon fantasque, un instant de réflexion montre que la société pale déjà des gens pour exercer ce type d’activités. Les joueurs de baseball, de football, de basket-ball sont bien payés, mais seulement lorsqu’ils ont atteint un certain niveau de compétence. Pourquoi ne pourrait- on pas rémunérer grâce aux fruits de la production automatisée quiconque voudrait jouer au ballon, même si c’est le niveau de compétence qui détermine le niveau de la rémunération ? Dans nos sociétés actuelles, des musiciens sont payés et des fantaisistes de toutes sortes le sont aussi, et somptueusement, comme le sont ceux qui écrivent pour eux ou qui les habillent et les maquillent. Il y a des étudiants qui sont payés et pourtant certains d’entre eux font de leur réussite académique la condition de la continuation de leurs études. Puisque les parents nourriciers et les puéricultrices professionnelles sont payés pour s’occuper des enfants des autres, pourquoi les parents naturels ne recevraient-ils pas une compensation pour le temps passé à s’occuper de leurs propres enfants  ?

De même, aider un de ses voisins peut ne pas être nécessairement une activité non rémunérée. De nombreux pays utilisent des « volontaires payés » sur une base collective pour fournir des services à ceux qui en ont besoin. Par exemple, le programme israélien « les personnes âgées aident les personnes âgées  » permet d’augmenter les revenus des « aidants » les plus âgés, il leur donne le sentiment d’être utiles et ainsi des services sont fournis, que l’aide sociale normale n’a pas la capacité de leur offrir. Dans d’autres pays, il y a des aides agricoles. Le Canada soutient les aspirants écrivains par des subventions directes ou indirectes. Dans de nombreux pays, des organisations de soutien financent des professions diverses, allant de celle d’artiste à celle de chercheur. On pourrait étendre ce système à un grand nombre de consultants, de conseillers qui à l’heure actuelle travaillent bénévolement.

Les coopératives

Une méthode pour se débarrasser du chômage, ou de ses effets, passe par l’extension de cercles de coopératives dans lesquelles les revenus sont partagés entre tous les membres, y compris ceux qui ne travaillent pas.
Même lorsqu’ils n’ont que peu de choses à faire, les membres d’une coopérative ne sont pas considérés comme des chômeurs tant qu’ils continuent à appartenir au groupe et ils sont rémunérés par les revenus tirés de l’ensemble de la coopérative. La généralisation de l’appropriation par les coopératives des industries et des services automatisés rendrait en quelque sorte ses membres propriétaires et, par conséquent, non chômeurs, même s’ils ne travaillent pas. Les travailleurs pourraient aussi se faire remplacer par des robots qu’ils achèteraient et, éventuellement, loueraient à leurs employeurs. Ils vivraient ainsi des profits réalisés par le travail des robots. Un robot d’une valeur de 41.000 $, pouvant fonctionner pendant huit ans, reviendrait à moins de 5 $ l’heure payés dans l’industrie automobile, pour la main d’oeuvre humaine. Au Japon, un robot loué 90 $ peut fournir un travail qui reviendrait à 1200$ s’il était fait par un homme. On prévoit que le coût du travail d’un robot sera abaissé jusqu’à environ 70 cents l’heure d’ici la fin du siècle. L’achat de plusieurs robots par les travailleurs d’une coopérative serait encore plus facile que par une seule personne, et la possession de plusieurs types de robots pourrait remédier aux fluctuations saisonnières de production et d’emploi.
Les coopératives ne sont pas un rêve. Dans beaucoup de pays, notamment en Scandinavie, des industries coopératives fonctionnent avec de bons résultats. Le développement des coopératives jusqu’à ce qu’elles englobent la totalité de l’économie d’un pays n’est même pas lié à l’avènement de la société technologique, mais bien à leur nature même, qui permet d’éviter le chômage, tel qu’on l’entend actuellement.

Les communautés

Allant au delà des coopératives qui partagent les produits parmi leurs membres ils existe des communautés qui pourvoient à tous les besoins de leurs membres à partir des revenus du groupe. L’exemple le plus connu de communauté à grande échelle est peut-être celui des kibboutz israéliens.
Ces kibboutz sont des communautés, constituées sur la base du volontariat, dans lesquelles l’ensemble des biens appartient en commun à tous ses membres, et dans lesquelles tous les besoins des membres (y compris la garde des enfants, l’éducation, les soins médicaux, le logement, les vacances, etc.) sont pris en charge par le groupe. La différence la plus frappante entre le kibboutz et les autres formes d’organisation sociale est peut être le fait que la nature et le montant des ressources allouées ne sont aucunement liés à la nature ou à la quantité de travail effectué par ses membres. Le revenu est basé uniquement sur les besoins. Bien que les kibboutz aient été, à l’origine, fondés sur une communauté agricole, avec un très fort accent mis sur le travail humain ou individuel, nombreux sont ceux qui récemment se sont lancés dans les technologies avancées. C’est pourquoi, trouver du travail pour tous ses membres est devenu un problème pour certaines de ces communautés. Accepter une vie sans un travail tel qu’il est couramment défini, a été difficile pour eux... mais les kibboutz ont toujours compté en leur sein des membres qui peignent, qui font de la musique, sculptent, et, à un degré moindre, écrivent.

Vaincre le chômage

Vaincre le chômage exigera un changement fondamental des valeurs sociales actuelles. Il faudra détrôner le travail de la position centrale qu’il occupe dans le panthéon des valeurs. Des changements dans la structure de la société seront aussi nécessaires pour parvenir à une base de répartition du revenu autre que le travail. Paradoxalement ces changements ne se produiront probablement que sous l’effet d’un accroissement massif du nombre des chômeurs par l’occurrence d’une situation de «  plein chômage » que la technologie est en train d’instaurer rapidement. En se fondant sur l’expérience passée, on ne doit pas avoir peur d’une société sans travail : Dans la Grèce antique qui était un état de prospérité complète pour ses citoyens, le travail était fait par des esclaves et on n’avait pas l’habitude de voir ni d’encourager des hommes libres à travailler, puisque, selon Platon, Aristote et Socrate, le travail transformait les gens en mauvais amis, en mauvais patriotes et en mauvais citoyens. Une telle « société sans travail » a été à l’origine du théâtre moderne, de la danse, de la philosophie, des mathématiques, de la géométrie, de l’astronomie, de la sculpture et de nombreux autres arts et sciences. Libérés de la nécessité quotidienne d’avoir à assurer leur subsistance, les gens pouvaient être créatifs dans des domaines largement différents et profitaient de la vie comme il se doit. Il n’y a aucune raison valable de croire que l’humanité moderne connaitra un sort différent. Bien au contraire, la société sans travail pourrait nous introduire dans l’ère la plus fertile d’imagination, de créativité et d’originalité que le monde ait connue, et amener l’humanité à un nouveau palier de plénitude et de bonheur.

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Beaucoup de nos lecteurs vont vouloir profiter de la prochaine campagne électorale pour faire connaître nos thèses dans leur circonscription, poser des questions aux candidats, etc... C’est pour les aider dans cette tâche que M.L. Duboin a réuni l’essentiel de nos arguments (avec chiffres et courbes à l’appui) dans une brochure intitulée

POUR UNE ECONOMIE LIBÉRÉE

De cette brochure disponible dès maintenant*, nous extrayons ci-dessous quelques passages de l’introduction :

Pour une économie libérée

par M.-L. DUBOIN
janvier 1986

Il ne s’agit pas ici d’exposer les rêves d’un groupe d’idéalistes et leur vision du monde utopique. Il s’agit de montrer que notre époque est celle des plus grands et des plus rapides bouleversements que l’humanité ait jamais connus, au point qu’il nous est devenu indispensable de rompre avec nos habitudes économiques si nous voulons nous adapter à ces modes de production et à des moyens d’information qui étaient encore quasi- insoupçonnables seulement au début du siècle. Il appartient à tous ceux qui se sentent responsables de l’avenir de faire l’effort d’imagination nécessaire pour participer à la mutation qui est en cours et aider ainsi l’humanité à saisir la chance qui lui est offerte. Car cet avenir dépend d’eux et c’est aujourd’hui qu’il se décide...
La première partie, intitulée « crise ou explosion  ? » est un aperçu historique. Elle propose une image destinée à faire percevoir la rapidité et le sens de la révolution technologique que nous sommes en train de vivre. Elle aboutit à montrer que le problème de notre temps n’est plus de produire, comme ce fut si longtemps le cas, mais de distribuer la production qui se réalise aujourd’hui par des machines.
La seconde partie analyse le dernier remède proposé par les défenseurs du capitalisme la redistribution qui prend maintenant figure d’un revenu minimum assuré à tous les foyers, mais destiné essentiellement à fournir les clients dont la production mercantile a besoin. Il importe en effet que cette ultime façon de colmater les brèches du système des capitaux, des salaires, des profits et de la spéculation, ne soit pas confondue avec l’amorce du système distributif. Ce n’en est que la caricature dans la mesure où elle est destinée à maintenir les lois imposées par la rentabilité capitaliste, et non pas à donner à tous les humains accès à l’héritage prodigieux légué par les générations passées. La redistribution opère un tri et place des millions d’hommes en condition d’assistés ; elle les entretient comme on conserve aujourd’hui certains animaux sauvages.
L’économie distributive au contraire a pour objectif de donner à tous les hommes, en les affranchissant des contraintes matérielles, les moyens d’avoir accès à des activités librement choisies.
Heureusement, la redistribution n’est pas viable, car prenant aux uns les revenus de leur travail pour entretenir les autres, elle ne peut suivre l’accélération du remplacement des salariés par des robots...
Quand les partis de droite nous vantent les vertus du libéralisme économique (la liberté du renard dans le poulailler), l’exemple de la GrandeBretagne (27 % de chômage à Liverpool, un pouvoir d’achat moyen aux 3/4 du nôtre) montre aux plus avertis à quoi il mène. Et quand la gauche reprend à son compte les principes économiques de la droite, elle ne fait plus recette. Donc tout le monde s’accorde pour reconnaître que le problème de notre temps est celui du chômage.
La grande majorité des gens ignore tout, ou se méprend fort, sur les mécanismes actuels de la création monétaire. Avant donc d’exposer le système distributif qui implique une organisation rationnelle et utilitaire de la création monétaire, le chapitre III rappelle l’histoire de la monnaie et montre qu’elle aboutit naturellement, à notre époque, à une monnaie de gestion. Car si on oppose si souvent que la monnaie est une institution inviolable, qu’il est donc utopique de vouloir la changer, c’est parce qu’on ignore en général qu’elle n’a cessé de changer et qu’elle repose sur des habitudes parfaitement arbitraires, et inutilement compliquées. Cette ignorance du grand public a pour conséquence sa subjectivité face aux questions financières, voire sa soumission à des idées reçues, et fausses...
Et c’est ainsi qu’on entend dire qu’il n’y a « pas de quoi » nourrir les chômeurs, ni demain les retraités ! Dans des pays qui dépensent des fortunes en publicité pour pousser à la consommation !
Tout cela, parce que tout le monde a pris l’habitude de ne raisonner qu’en termes d’argent.
Ayant fait comprendre ceci, le terrain est prêt pour aborder au chapitre IV la monnaie distributive, donc l’économie des besoins. Mais en montrant bien qu’elle est la conséquence des faits rappelés dans la première partie. L’économie distributive doit ainsi apparaître comme le moyen de s’adapter aux énormes possibilités de notre époque, d’en tirer parti, le meilleur parti, et pour tout le monde. Il est nécessaire d’insister sur le fait que ceci n’est possible que depuis peu. Par contre, l’expérience montre qu’un « distributiste » doit plus laisser à ses interlocuteurs le soin d’imaginer les immenses possibilités que libère l’économie des besoins, plutôt que les leur décrire lui-même, au risque d’imposer sa propre vision de l’avenir ou d’y projeter ses fantasmes. Ne limitons pas cette perspective en lui donnant la forme de nos aspirations personnelles. Tenons-nous en sur ce point à l’essentiel qui se résume en : NECESSITE DE DISSOCIER LES REVENUS DU TEMPS DE TRAVAIL POUR LES LIER A LA PRODUCTION.

* Prix franco : 20 F pièce ou 100 F les six, par correspondance.

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La douane et les douaniers

par H. MULLER
janvier 1986

Les douaniers sont des saints en niche. Les amendes transactionnelles et leur arbitraire ? un héritage de COLBERT. Les paquets-cadeaux des transporteurs aux douaniers ? Une tradition. Corruption ou complaisance ? Allez le savoir ! L’enterrement des dossiers  ? Cela regarde les gens de l’Administration centrale, le Ministre ou son cabinet. Les indicateurs ? il n’est pas dans les usages de révéler leur identité. Les fouilles à corps ? Attention aux retours de bâton ; certains clients ayant le bras long, il est parfois prudent de n’y pas toucher. Les évasions de capitaux d’or, les sorties de devises ? pas toujours frauduleuses s’il existe une autorisation semi- confidentielle que l’on ne produit qu’en cas de flagrant délit, avec un délai de grâce (le temps de la rédiger ?).
Nos grands européens nous avaient promis la libre circulation des hommes, des marchandises et des capitaux. Force est de constater que les douaniers sont toujours là, inquisiteurs, perquisitionneurs. Il n’est que les Multinationales pour cultiver l’art de tourner les règlementations, fraudant à qui mieux mieux, promenant leurs changements à travers trente six pays, réalisant leurs profits dans les paradis fiscaux où sont établies des facturations multipliant par trois, six, voire dix les prix d’origine. Il semblerait que les produits pharmaceutiques occuperaient une place enviée dans le peloton de tête pour ce genre de performance comptable. La sécurité sociale est bonne fille, ses cotisants bernés, jour après jour, comme il n’est permis de l’être. On conçoit la raison pour laquelle la Commission trilatérale, siège du pouvoir occulte des grandes multinationales, veille à ce que les gouvernements éloignent de leur sein et des Assemblées, les trublions qui voudraient changer l’ordre des choses.

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Lecture

Plaidoyer pour une nouvelle gauche, de Lucien Tissot

Quand le peuple s’éveillera

par R. MARLIN
janvier 1986

Ce livre du collaborateur de « La Grande Relève  » est une excellente synthèse des apports abondancistes, écologistes et pacifistes au renouvellement de la pensée progressiste. Ecrit dans un style très pur, à peine entaché de quelques fautes de frappe qui disparaîtront sûrement dans les prochaines éditions annoncées, il intéressera tous ceux qui estiment, dès maintenant, que les gouvernements du parti socialiste ont échoué et qu’il convient de rechercher les bases doctrinales nécessaires au changement de la société.
L’ouvrage est préfacé par Caton qui intrigua il y a peu les chroniqueurs politiques et qui définit excellemment les objectifs de l’auteur. On citera ces deux extraits significatifs : « c’est la formidable poussée des techniques qui est maintenant la force déterminante, plus puissante, plus crédible que toutes les supputations périmées, que toutes les tactiques politiciennes  » et « aucune des grandes mutations n’a été lancée par les partis politiques, encore moins par les gouvernements. C’est la conscience collective qui a fait avancer la libération de l’avortement, la lutte contre la pollution, la défense des consommateurs. Autant d’utopies « gauchistes » constituant la réalité d’aujourd’hui... ».

Lucien Tissot se livre à une analyse très lucide des occasions manquées 1968 et 1981 et constate que le réformisme est une impasse. Pourtant la liste, très complète des inégalités à éliminer avait été dressée, antérieurement à son arrivée au pouvoir, par François Mitterrand. Remarquons avec notre camarade que, de son côté, Raymond Barre avouait dans son «  Economie politique » : « On peut se demander... si le libéralisme pur dont on se plaît à caractériser le 19e siècle n’est pas une vue de l’esprit ou une déformation intéressée de l’histoire » ! L’ancien premier ministre oserait-il encore écrire celà actuellement ?

Le chapître intitulé « De la contestation à l’impertinence » contient une vive critique du «  Maître chanteur » Yves Montand pour sa présentation de l’émission télévisée « Face à la guerre ». Nombre d’autres sujets sont abordés de manière originale, nous ne pouvons ici que les énumérer : l’église, la pauvreté, l’autorité, la publicité, la morale, le travail, la course aux armements, la violence, le chômage, le pillage du tiers-monde, le racisme, le sexisme, etc. On ajoutera seulement que l’auteur ne pouvait pas avoir connaissance de la conférence de presse du président de la République, le 21 novembre 1985, lorsqu’il affirme que la notion de revenu social garanti échappe aux partis et syndicats, puisque une proposition de ce type est en discussion à présent au parti socialiste.

Jacques Duboin est abondamment cité ainsi que ses disciples les plus connus : Marie-Louise Duboin, Marcel Dieudonné, Albert Ducrocq, Maurice Laudrain, Henri Muller, par exemple. L’économie distributive est le fondement autour duquel s’ordonnent des propositions reprises de l’Union Pacifiste, du M.A.N. (Mouvement pour une alternative non violente), de l’A.C.Q. (Action catholique ouvrière), du M.A.D. (Mouvement pour l’autogestion distributive), du M.R.A.P. (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples), et des mouvements écologiques :

- une défense populaire non violente permettrait à la future société socialiste de se défendre contre les attaques éventuelles de la réaction,
- la renonciation unilatérale à l’arme nucléaire,
- une église sans pape et dont le clergé, en voie de disparition, serait remplacé par l’apostolat des laïcs, aurait adopté la théologie de la libération,
- l’exclusion de tout centralisme paralysant et la participation de tous à la gestion des entreprises et de l’économie nationale,
- le renoncement à toutes les formes de colonialisme et d’impérialisme avec une aide accrue aux Pays en voie de développement,
- la lutte contre les différentes pollutions.

Le lecteur retrouvera ces éléments dans l’essai de programme établi par Louis Tissot, pour un «  parti unificateur des aspirations populaires ». L’habitué de « La Grande Relève » ne sera pas surpris d’apprendre que le premier acte d’un gouvernement socialiste distributif serait de reprendre aux banques le pouvoir régalien de battre monnaie. Il notera que l’auteur attribue à une mobilisation insuffisante des masses autour du projet du P.S. l’échec de François Mitterrand, de Pierre Mauroy et de Laurent Fabius. Il lira en dernière de couverture une invitation aux membres des groupes précités « à se rencontrer, au plus tôt, afin de pressentir et baliser les pistes d’un avenir vivable pour l’humanité ».

Bien que pas forcément convaincu par la totalité des thèses avancées nous souhaitons que cet appel atteigne un nombre important de destinataires afin de constituer ce rassemblement auquel rêvent tous les hommes de bonne volonté adeptes des idées de Jacques Duboin.

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