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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 803 - septembre 1982

 

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N° 803 - septembre 1982

Les vaches maigres   (Afficher article seul)

Kou le revoilà !   (Afficher article seul)

La fin des illusions   (Afficher article seul)

Ils y viennent !   (Afficher article seul)

Au fil des jours   (Afficher article seul)

Nous, le peuple de la famille mondiale...   (Afficher article seul)

Comprendre, s’unir et agir... ou périr   (Afficher article seul)

« L’industrie de la faim »   (Afficher article seul)

J’ai dit   (Afficher article seul)

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Les vaches maigres

par J. DUBOIN
septembre 1982

Un peu de bon sens, me dit cet homme éminent, c’est bien le tour clés fonctionnaires et des anciens combattants, de serrer leur ceinture. Tout le monde est obligé de faire des sacrifices en réduisant sa consommation : eux aussi doivent souffrir de la dureté des temps puisque voici l’époque des vaches maigres.
- C’est encore, dis-je étourdiment, la faute de la sécheresse.
- Expliquez -vous, me répliqua-t-il.
- Le soleil a dû griller les pâturages, c’est pourquoi les vaches sont maigres.
- Vous vous méprenez, m’interrompa-t-il avec hauteur, les vaches maigres, c’est une image. Je fais allusion au songe du roi d’Egypte  : les vaches maigres, ce sont les années de disette. Elles succèdent aux années d’abondance et sont provoquées par un cataclysme.
- Quel est donc le cataclysme qui s’est soudainement abattu sur notre pays et j’ajoutai : il doit être de taille pour nous obliger tous à faire la grande pénitence ?
Comme il ne répondait pas, je continuai : pour que tous les hommes soient obligés de se restreindre, c’est que les récoltes doivent être déficitaires, c’est que la disette est à nos portes !...
- Vous voulez rire, coupa-t-il, les paysans n’ont pas vendu le dixième de leur blé de l’année dernière !
- Alors, la viande, le vin...
- Non, reprit-il, les bestiaux sont à vil prix, le vin est tellement abondant qu’on voulait empêcher celui d’Algérie de franchir la Méditerranée ; sous le rapport des récoltes nous sommes comblés, archicomblés.
- Et l’on brûle le coton, le café, on rejette le poisson à la mer, on détruit les porcelets en Hollande, je pourrais accumuler les exemples de production pléthorique, ajoutai-je à mon tour. Dans tout cela je ne vois aucun cataclysme, ni aucun motif de pauvreté collective, bien au contraire. Mais je ne suis qu’un imbécile qui a l’intelligence de le reconnaître.
- Vous êtes simplement un mauvais esprit, répliqua l’homme éminent, nierez-vous que nous sommes tous à bout de ressources  ? Un peu de bon sens, s’il vous plaît, peut-on vivre au-dessus de ses moyens ?
- Mais on vit de bonne soupe, répliquai-je, et les moyens de vivre et de bien vivre n’ont jamais été aussi abondants qu’aujourd’hui.
- Il s’agit des moyens financiers. Nous sommes tous pauvres, reprit-il, y compris l’Etat ; vous savez bien que l’argent est thésaurisé.
- Ah non, repris-je vivement, tous les milliards cachés ne privent personne, pas même leur propriétaire. Et ces milliards enfouis ne font pas diminuer d’une once les stocks de beurre existants. Votre raisonnement est trop jeune, et, de plus, il est faux.
- Expliquez - moi cela, dit-il d’un air piqué.
- Je dis qu’il n’y a jamais eu autant d’argent en circulation qu’aujourd’hui, même en tenant compte des milliards thésaurisés. Retranchez-les et il nous reste la même circulation qu’à l’époque où un gouvernement de bonne humeur faisait des largesses même à ceux qui ne le demandaient pas.
- Ça, c’est de la politique, répondit-il aigrement.
- Non, c’est de l’arithmétique, répliquai-je.
Là-dessus il me quitta en haussant les épaules, mais sans avoir expliqué le cataclysme.
J’en ai rêvé toute la nuit. Transporté, en l’an 194.. dans l’amphithéâtre de première année de la Faculté de Droit, j’écoutais un docte professeur qui parlait ainsi « Dès 1934, les hommes, grâce aux progrès de la science, grâce à l’emploi intensif des forces extra-humaines qui firent leur apparition avec l’âge de l’énergie, les hommes, dis-je, connurent l’abondance de tous les objets dont ils avaient besoin pour vivre, se vêtir, s’abriter, se chauffer. Mais devant cet amoncellement de richesses, ils reculaient pantois, car ils n’osaient y toucher que dans la mesure où ils avaient des petits papiers coloriés dans leur poche, ou de ces petits disques en métal qui étaient indispensables au temps de la rareté. »
J’entendis quelques rires étouffés du côté des étudiants. Le professeur continuait... « Ils préféraient détruire leurs richesses plutôt que de les consommer ; ils s efforçaient même de les empêcher de se reconstituer. Alors l’Etat exigeait de tous de durs sacrifices, et tous y consentaient au nom du bon sens, de la logique et des vaches maigres. »
A ces mots le fou rire devint si bruyant que je fus brusquement réveillé.

(« L’Oeuvre », 10-4-1934)

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Kou le revoilà !

par M.-L. DUBOIN
septembre 1982

L’article qui précède, paru dans le journal « l’ Oeuvre » le 10 avril 1934, a dû rappeler aux plus anciens de nos lecteurs le livre que J. Duboin publia cette année-là sous le titre : « Kou l’ahuri, ou la misère dans l’abondance  ». Son héros, venu de très loin, visitait la France à l’époque de la Grande Crise parce qu’on lui avait expliqué que si les Français vivaient dans l’austérité, c’est parce que leur pays traversait une période de vaches maigres, comme dans l’Ecriture. S’attendant donc à trouver un pays appauvri par la guerre, il est ahuri d’y trouver une abondance de moyens de production à côté d’une foule de gens dans la misère, des usines arrêtées et leurs ouvriers au chômage, des récoltes magnifiques qui désolent les paysans parce qu’ils’ ne peuvent pas les vendre. Kou, pour essayer de comprendre cette absurdité, consulte les savants de l’Abbaye de Sainte Economie, mais leurs belles démonstrations ne parviennent pas à le convaincre que tout cela est normal. A la fin du livre, Kou fait allusion aux habitudes de ses compatriotes qui paraissent s’organiser avec plus de bon sens et de logique.
Dans ce petit livre plein d’humour, J. Duboin n’avait donc qu’ébauché sa thèse de l’économie distributive ; il ne la développa qu’ensuite, dans d’autres publications.

*

Or, tous les livres qu’il a publiés sont depuis longtemps épuisés. Les rééditer tels quels aujourd’hui présente en général un inconvénient, c’est que démonstrations et arguments s’y appuient sur des faits d’actualité et sur des chiffres de l’époque. Comment donc montrer au lecteur non initié que ces faits se renouvellent et comment ajouter des chiffres d’aujourd’hui, pour le démontrer, sans bouleverser complètement la présentation et, par conséquent, en rendre la lecture plus pénible ?
D’autre part le besoin se fait de plus en plus sentir chez nos lecteurs de pouvoir disposer d’un ouvrage assez complet dans lequel ils puissent trouver non seulement les grandes lignes de l’économie distributive et notre actuel plan de transition, mais aussi des réponses aux questions simples qu’ils se posent et aux diverses objections qui leur sont faites lorsqu’ils défendent nos thèses.
Je viens d’écrire ce livre. Je l’ai achevé à Noël dernier et depuis je cherche un éditeur. Pour qu’il puisse être lu facilement par tous ceux que l’Economie rebute a priori (et donc qui laissent les économistes et les financiers mener, si mal, le monde), j’ai choisi de le présenter sous la forme d’un roman. J’ai repris Kou l’ahuri pour héros et j’imagine que par je ne sais quelle erreur d’aiguillage d’un vaisseau spatial, il se retrouve sur terre dans quelques années. Il en profite pour étudier les transformations qui ont permis aux hommes de vaincre la crise du chômage et l’inflation et de s’installer en économie distributive. Expliquant pourquoi ils ont voulu changer et comment ils l’ont fait, une famille d’agriculteurs des Pyrénées, un ménage d’ouvriers d’une bonneterie troyenne, un couple de médecins, un ingénieur, une enseignante, un journaliste et un haut fonctionnaire racontent à Kou, au cours de la visite qu’il leur fait, ce qu’est leur nouvelle vie en économie distributive. Tout au long de son voyage Kou se fait commenter ce qu’il voit par un économiste et une sociologue qui l’accompagnent.
Ainsi ce livre permet d’expliquer, sur le ton du dialogue, la nouvelle organisation du travail, la gestion de la commune, puis son extension économique et sociale au niveau au plan mondial, le droit de propriété en économie distributive, les prises de décision, les nouvelles bases de l’éducation, l’élargissement de la culture et de la recherche. On comprend le rôle que peut jouer l’informatique dans la démocratie et la robotique dans les entreprises, et on voit que l’Etat, en devenant la Société, peut être l’affaire de tous. Sur le plan humain on devine les perspectives ouvertes par la convivialité qu’implique l’économie distributive : vie familiale, rapports entre les générations et tâches domestiques, vie sociale au niveau de la commune et occupation du temps libre, coopération entre les peuples et gestion des ressources de la planète.

*

Hélas, les sociétés d’éditions sont encore, comme nous, dans le monde du marché. Un des éditeurs à qui j’ai proposé mon manuscrit m’a expliqué que ce qui se vend, donc ce qui détermine leur choix parmi les milliers d’ouvrages qui leur sont proposés, c’est d’abord les histoires où le sexe est l’affaire importante, puis les aventures rocambolesques aux multiples rebondissements et les romans historiques, quel qu’en soit le personnage. Mais mes réflexions sur la crise économique et le moyen d’en sortir... vont-elles vraiment intéresser le public ?
Se passer d’un éditeur est possible. Mais c’est se priver des gros moyens de diffusion, et alors comment toucher le public qui ne nous connaît pas ?

*

Voici la situation à la veille des vacances : j’ai l’accord d’un éditeur à la condition que je lui assure, au préalable, entre 1 500 et 2 000 ventes. Pour cela, je me vois dans l’obligation de demander dès maintenant à nos lecteurs quels sont ceux, parmi eux, qui sont prêts à souscrire. Le livre sera assez gros, environ 350 pages, et cet éditeur estime devoir le vendre aux environs de 80 francs. Je prends sur moi de l’offrir à 60 francs maximum aux lecteurs de « La Grande Relève ». Qui en veut ?
C’est très désagréable de devoir ainsi faire valoir son travail aux yeux des éditeurs qui préfèrent le porno. Alors, dans le même élan, et pour m’en consoler, j’ai entrepris de rééditer moi-même, à compte d’auteur, le « Kou l’ahuri » original de mon père  ; j’ai même fait faire de très beaux dessins, tel celui de la couverture, pour l’illustrer. Il sera disponible en septembre, mais il faudra évidemment s’adresser au journal pour l’acheter. Le succès de cette réédition montrera s’il est possible de rééditer tels quels d’autres livres de J. Duboin.

Quant au mien, si nos lecteurs sont assez nombreux à souscrire, il pourrait sortir à la fin de l’année. Son titre est encore l’objet de discussions. J’en propose deux : « la poussée d’Ariane » et « Demain, ou la fin de la crise ». On verra.

Sur ces perspectives, je souhaite à tous d’excellentes vacances, intéressantes et désintéressées.

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La fin des illusions

par H. MULLER
septembre 1982

IL en coûte à beaucoup de l’avouer : le libéralisme économique a failli à son but. Il devait procurer un maximum de bien-être à un maximum de gens. Aux plus chanceux, aux plus roués, le système a dispensé un enrichissement illimité, source de considération, mais en laissant sur la touche des masses croissantes de marginaux. Sa dernière charrette  : les « préretraités » victimes du profit qui voient leur revenu amputé du tiers si l’on tient compte des primes, tacots, heures supplémentaires et indemnités diverses, avantages en nature qui désormais leur échappent.

Tout va de travers. Le système tourne à vide. Curieusement, les prix s’emballent tandis que les stocks s’accumulent. Les besoins insatisfaits ont franchi les limites du tolérable alors que le chômage ne cesse de croître. La violence s’installe. L’insécurité gagne toutes les couches sociales .
Habituée à mouliner la même farine, la fine fleur de nos économistes continue de gloser sur les causes d’une crise qui touche à présent les secteurs les plus sensibles de l’activité économique. Crise de l’énergie ? Des centaines de tankers gitent dans les ports grecs, dans les fjords norvégiens et jamais on n’aura découvert autant de pétrole dans le monde depuis l’annonce, en 1973, d’une prochaine pénurie. Crise de l’automobile ? Ce sont, ici, les hausses inconsidérées qui ont fini par casser le marché et toute l’Europe roulera bientôt dans de brinquebalantes ferrailles achetées au marché de l’occasion. Tant pis pour la sécurité. Il ne saurait être question de réduire les commissions, les marges et les taxes. Crise de la sidérurgie ? Les usines ferment, non pas faute de minerais, de personnels ou d’outillages, mais faute de clients que s’arrache la concurrence étrangère. Crise du textile  ? Là également les marchés sont submergés. On refoule aux frontières les importations à bas prix - merci pour le consommateur - made in Taïwan ou made in Coréa. Surcapacité de 400 000 tonnes dans les aciers spéciaux. Marché du porc en plein marasme. Un million de tonnes de blé doivent être « impérativement » exportées hors d’Europe. Le fleuve de lait a franchi la cote d’alerte. Crise du vin ? Gare à l’Italie à l’Espagne, à la Grèce, au Portugal.

Ainsi, nul besoin d’être grand clerc pour attribuer la décomposition du système, la dégradation, le grippage de ses mécanismes financiers à une seule cause : l’inadaptation de l’outil monétaire à une situation de pléthore. Mais dénoncer l’abondance comme source de nos maux écorcherait la langue de nos économistes, de tous ces maîtres à penser qui en ont fait un sujet tabou, raillant ceux qui s’imaginent en faire profiter les consommateurs aujourd’hui impécunieux, insuffisamment solvabilisés.
Le capitalisme reste l’économie de la rareté. La rareté fait le prix. L’abondance tue le profit. Il s’agit là d’axiomes auxquels nos technocrates, formés au moule d’un enseignement dépassé, refusent d’accorder réflexion. La société ne changera qu’avec le changement de tous ses usages monétaires qui, le progrès aidant, ont apporté tant et tant d’inconséquences. La monnaie transférable est l’outil d’une économie de concurrence et de profits. La monnaie de consommation sera celui d’une économie mieux adaptée à l’accélération du progrès technique et scientifique, à l’abondance qui en découle et dont nous faisons un si piètre usage.
Il ne sert à rien de poser des emplâtres sur un corps gangrené. A défaut d’une nécessaire révolution économique et monétaire, seule la guerre avec son cortège de destructions et de détresses humaines, retendra une fois de plus les ressorts du vieux système en le délivrant, pour un temps, du fléau de l’abondance. Reagan et ses conseillers l’ont compris et fait leur choix. Périsse l’homme pour que vive le profit : 222 milliards de dollars vont préparer la guerre. Il est seulement navrant qu’aucun de nos politiques n’ait eu le courage, l’honnêteté d’annoncer la couleur.
Perdons nos illusions. Le vieux système ne marche plus. Il s’agit non pas de le dépoussiérer, mais d’en changer pour que la production serve tout bonnement à satisfaire les besoins des populations, au lieu d’être sans cesse entravée, détruite, à seule fin d’animer le commerce de l’argent, d’assurer les profits et, par là, les revenus illimités d’une minorité.

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Ils y viennent !

septembre 1982

• Extrait de « Changer de révolution (l’inéluctable prolétariat) par Jacques Ellul (Editions du Seuil), page 253 :

« Si l’on ramène le temps de travail industriel ou tertiaire à deux heures, cela veut dire qu’on ne peut plus tabler sur des salaires peur faire vivre l’individu et que l’entreprise ne peut pas payer 1 000 francs l’heure de présence. Dès lors cela implique une mutation dans la répartition des valeurs produites...
...Dès lors il n’y a plus à payer un travail avec un salaire mais à répartir entre tous les membres de la société (qu’ils travaillent ou non) le produit annuel de la richesse produite par les usines automatisées et informatisées. Les modalités de cette répartition peuvent être diverses...
On peut même penser soit en effet à une réduction d’un travail pour tous pendant deux heures par jour pour une durée de trente ans, soit à une sorte de « service national du travail » où on travaillerait huit heures par jour pendant cinq ans par exemple, ceci dans des usines et bureaux puissamment automatisés et informatisés... »

(Envoi de M. Nore, Evaux les Bains).

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Au fil des jours

par H. MULLER
septembre 1982

ON a raison d’incriminer les multinationales et les hauts financiers américains indisposés par nos nationalisations, celle des banques tout particulièrement, dans l’aire de leurs activités européennes. Toute dévaluation fait suite à une tension durable exercée sur le marché des changes par des mouvements de capitaux attirés par des taux d’intérêt avantageux. Les autorités monétaires américaines pratiquent sans risque des taux d’intérêt élevés. L’abondance des dollars en circulation à travers les réseaux bancaires couvrant les cinq continents, garantit la rémunération des dépôts quelle qu’en soit l’importance. En cas de besoin, la création de nouvelles quantités de monnaie ne pose pas de problème aux autorités américaines protégées d’une inflation intérieure par l’étendue de leurs débouchés et marchés extérieurs vers lesquels s’évacue le trop plein de leurs dollars.
Un pouvoir occulte à vocation mondiale tient ainsi les Etats en tutelle, sanctionnant les incartades, utilisant l’arme financière pour mettre à la raison les trouble-fête, les médias à sa dévotion pour saper la confiance, des bataillons de « taupes pour semer la chienlit. A ce pouvoir diffus, hydre aux cent têtes disséminées au sein d’une multitudes de clubs, commissions, fondations, organismes internationaux et européens, on doit ce mauvais coup porté au franc à un moment choisi tout exprès pour déstabiliser un Pouvoir socialo- communiste, honni des tenants du Pouvoir économique écartés par les nationalisations, combattu par les multinationales. Ainsi quelques milliers de personnages et la meute de leurs séides poursuivent de leur vindicte un gouvernement trouble-fête socialisant à tout va, contrôlant, régentant prix et profits. Sonnant l’hallali, ils se préparent à la curée.
Désarmer cette opposition multiforme agissant dans l’ombre dans l’anonymat ? Il existe un moyen le recours à une monnaie de consommation gagée par les fruits du travail, distribuée à chacun en guise de revenu ; monnaie libérée des ingérences extérieures, une monnaie cessant de circuler, de se transférer, conçue pour écouler aux ayants-droit tout ce qu’il est matériellement et techniquement possible de produire, objectif inaccessible au système monétaire actuel dans les pays surindustrialisés incapables de s’accommoder de leur abondance.
S’atteler à cette tâche est un impératif pour un gouvernement disposant d’une majorité. Attendre davantage serait suicidaire, et pour les hommes au Pouvoir, et pour la multitude victime d’un système monétaire qui paralyse l’effort, stérilise l’exploitation des vraies richesses, victime de la « règle du jeu » qui la condamne à l’austérité face à l’abondance et aux gaspillages.

*

Du socialisme on n’a guère vu à ce jour la couleur, si ce n’est la gérance d’un social-capitalisme soucieux de relancer investissements et profits, de promouvoir l’emploi pour l’emploi, de défendre la monnaie bancaire instrument du pouvoir capitaliste, mais qui n’a pas été en mesure de tenir les prix. Confrontés avec l’hostilité des classes moyennes, hauts financiers et fonctionnaires, grandes et moyennes entreprises, avec la hargne des agriculteurs et des professions libérales, bref tous ceux qui vivent du profit, commandent l’emploi et les prix, nos socialistes ont doucement plongé vers l’enfer monétaire, léchés par ses premières flammes.
Ayant croqué la pomme, les masses ouvrières et syndicales ne peuvent que renâcler aux mesures de blocage qui les prennent pour cible et que la dévaluation a rendues inévitables. Une révolution économique devait s’accomplir. Les socialistes sont restés sourds aux appels et l’ont écartée d’emblée. Le processus chilien est amorcé. Les ingrédients sont en place. Nous paierons très cher l’intermède socialiste, soupape à la pression sociale d’une époque, dérivatif provisoire à maintes préoccupations.
Doit-on perdre un dernier espoir ? Il faudrait que les socialistes, cessant de tergiverser, de s’illusionner, qu’ils se résignent à une « révision déchirante » de leurs dogmes, de leurs intentions, qu’ils se décident à sauter le pas, à franchir le « rubicon monétaire », à faire du franc une monnaie de consommation, bientôt imités par les autres pays en proie aux mêmes symptômes de décomposition et de décadence.
L’après-socialisme, si nous le voulons, ouvrira l’ère d’un socialisme libéral-communautaire, distributif de l’abondance.

(Extraits du Bloc-Notes de Henri MULLER).

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Initiatives

Proposition d’un manifeste de paix pour la conférence des Nations-Unies pour le désarmement.

Nous, le peuple de la famille mondiale...

septembre 1982

- constatons une fois de plus que les événements des Malouines confirment leurs vues et que l’armée, soi-disant «  sauvegarde de la paix », est en réalité facteur de guerre ;

- constatons que les régimes en présence, relevant du libéralisme ou de la dictature, se rejoignent dans l’emploi de la force, c’est-à-dire du totalitarisme et de la violence ;

- constatons que le prétexte de cette guerre, un archipel désertique, dissimule mal ses véritables buts : sur le plan économique l’écoulement du matériel militaire et l’appropriation des matières premières, sur le plan gouvernemental le renforcement de la centralisation liberticide ;

- constatons que le conflit renforce ici et là deux régimes impopulaires à leurs peuples respectifs, en substituant aux justes aspirations des citoyens de Grande-Bretagne et d’Argentine, des notions grégaires de chauvinisme ranimées par les événements  ;

- constatons que cet engagement est une occasion pour les pays .non belligérants, d’accroître la criminelle industrie guerrière  ;

- constatons que, de part et d’autre, en dépit des idéologies affichées, se nouent, une fois de plus, des alliances contre nature ;

- constatons qu’un prétexte aussi futile que la revendication de quelques îlots glacés, peut dégénérer en une guerre mondiale, pour le plus grand profit des marchands de mort  ;

- constatons que lorsque tous les pays des nations unies auront choisi le désarmement unilatéral et auront dissous leurs armées, il y aura lieu de parler d’un monde juste et fraternel, au service de la famille mondiale ;

- constatons que la majorité des peuples espèrent le renversement de l’économie monétaire actuelle qui sert seulement l’égoïsme capitaliste, pilier fondamental de l’industrie inhumaine de la mort ;

- espérons l’établissement d’une autogestion distributive mondiale où le troc inter-nations remplacera le dollar actuel de base d’échange, et que la nouvelle monnaie, sans valeur thésaurisable, ne servira qu’à satisfaire les besoins naturels de la population  ;

- espérons que le travail sera transformé à l’avenir, en service social auquel chaque citoyen participe selon ses qualités et moyens ;

- espérons que les dirigeants des peuples seront dorénavant des conseillers élus démocratiquement par le peuple, pour le service de la population et non pour leurs seuls profits ;

- Face à ce péril qui menace notre famille mondiale, nous invitons tous les citoyens bienpensants à ne plus se laisser tromper par les déclarations des politiciens et lobbys industriels, candidats au suicide, qui nous conduisent à l’auto-destruction  ;

- pensons que les religions du monde, si elles ont pour but le déploiement spirituel de l’homme, le considèrent comme unique et comme porteur d’un esprit intérieur, le protégeant dans sa dignité d’homme ou de femme, sans regard à sa croyance ou non-croyance, sa race ou sa couleur ;

- estimons que les gouvernements respectifs doivent donc accepter en esprit et en fait, la Charte des Droits de l’Homme ;

- demandons que chaque pays change son système pénitentiaire par une rééducation psychiatrique humaine pour ses citoyens temporellement pourvus de déviations d’esprit ou criminel ;

- remercions les deux super-nations nucléaires, qui par leur course aux armements insensée ont fait ouvrir les yeux de l’humanité  : elle n’a d’autre alternative que la paix ou l’auto-destruction finale.  »

« L’UTOPIE, C’EST CROIRE QUE L’ON PEUT GAGNER SA VIE EN DETRUISANT LE MONDE ! »

L. et P. G. (Belgique)

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Comprendre, s’unir et agir... ou périr

par J. LECLERC
septembre 1982

SACHEZ, une bonne fois pour toutes, qu’en régime Capitaliste libéral, l’application des prodigieux progrès scientifiques et techniques de production que le XXe siècle a permis d’accomplir, apporte l’Abondance de toutes choses et... le chômage, la misère et, la guerre.
Expliquons-nous.

• LE CHOMAGE

par l’élimination progressive, totale et irrésistible du travail humain : on produit toujours de plus en plus mais toujours avec de moins en moins de travailleurs car, chaque entreprise, sous l’aiguillon de la concurrence, est obligée pour réaliser des bénéfices, de lutter victorieusement contre ses concurrents par l’obtention de prix de revient inférieurs aux leurs, en recourant au Machinisme qui chasse, sans arrêt, les travailleurs des champs, mines, usines, ateliers, magasins, bureaux, etc...
Voilà le phénomène essentiel de notre époque et la cause, la vraie, de l’insoluble et catastrophique crise économique, financière et sociale dans laquelle nous nous débattons, sans résultats, depuis 1925, et dont il est Impossible de sortir ainsi que le prouvent tous les vains efforts faits - sous l’emprise des Puissances d’Argent - par tous les Chefs d’État de toutes les nations capitalistes industrialisées.
Comme la preuve est faite qu’il n’existe, en régime Capitaliste libéral, aucun remède capable de mettre fin au chômage et à la misère, notre salut exige son abandon le plus vite possible car la catastrophe est à nos portes.

• LA MISERE

par le manque de pouvoir d’achat des millions de chômeurs et d’économiquement faibles de toutes catégories ne pouvant plus acquérir l’abondante production de la machine appelée, mensongèrement, « surproduction « , contre laquelle luttent, par tous les moyens à leur disposition, les Chefs d’État de toutes les nations capitalistes industrialisées, au service des maléfiques Puissances d’Argent : réduction des emblavements, arrachage de la vigne, abattage des vaches laitières et d’arbres fruitiers, destruction et stockage des récoltes blé, vin, fruits, beurre, légumes... destructions de tout genre, alors que de par le Monde des millions d’êtres humains sont sous-alimentés, sans abris, à peine vêtus, dans la misère, mourant de faim. En France, ils sont 12 millions d’après le livre de Paul Marie de la Gorce (Editions Grasset)
Le but de ces mesures de malthusianisme est de détruire - aux frais des contribuables - tout ou partie des stocks dits « exédentaires  », afin de rétablir artificiellement les prix de vente et les rendre de nouveau rentables ;

• LA GUERRE

par l’arrêt national et international des échanges conduisant, inexorablement, au conflit militaire qui détruit les biens, les produits et les hommes.
Voilà où aboutit le régime Capitaliste libéral dont le but est la recherche du profit, véritable course à la mort ! Qui peut le nier ?

De tout ce qui précède, il ressort, incontestablement, qu’il est urgent, pour notre salut, d’abandonner - nous le répétons - l’Économie capitaliste libérale qui ne peut plus, désormais, que générer le chômage, la misère et la guerre, en la remplaçant - sans violence et sans spoliation - par une économie nouvelle des besoins appelée « Économie distributive de l’Abondance » pensée, en 1934, par !’économiste non conformiste Jacques DUBOIN, dont nous avons été l’un de" ses collaborateurs durant près- de 50 années, et qui nous apportera :

• LE TRAVAIL

par la répartition, entre tous, des tâches utiles nécessaires  ;

• LA RICHESSE

L’Abondance ne sera plus détruite, comme aujourd’hui, mais répartie, entre tous, au moyen d’une nouvelle monnaie intérieure de consommation, détachée de l’or, gagée sur la production réelle tout entière, distribuée à la population et disparaissant avec le produit ou le service consommé ;

• LA PAIX

car les hommes ne feront plus que des travaux utiles.
La civilisation qui vient ne pourra prendre tout son sens que dans le cadre de « l’Economie distributive de l’Abondance », seule capable de mettre fin - sans violence et sans spoliation - à la misère et au désarroi actuels, en supprimant le chômage, la misère et la guerre.
En nous délivrant du souci de gagner notre vie dans une lutte contre tous nos contemporains, cette civilisation nouvelle permettra à chacun de nous d’avoir accès à la vie supérieure.

A ceux qui orient à l’utopie des idées de Jacques DUBOIN (1), noirs demandons, nous, ses disciples, comment ils prétendent, eux, nous tirer de la situation stupide et catastrophique dans laquelle nous vivons.
On traite d’utopie tout ce qui n’est pas réalisé, était Utopie la suppression de l’esclavage, Utopie l’idée qu’on supprimerait le servage, Utopie les chemins de fer, Utopie l’aviation, le sous-marin, de la terre à la lune. Mais l’Histoire n’est qu’une suite d’utopies réalisées.
Les utopistes, aujourd’hui, sont ceux qui rêvent de faire revivre le passé ; ce sont ceux qui, bien nantis, prêchent l’austérité et les privations, alors que le Monde n’a jamais eu la possibilité de produire autant de richesses qu’à présent.
La vérité est que nous assistons, stupéfaits, à l’aboutissement des efforts accomplis par des milliers de générations qui se sont succédées sur la Terre. Elles nous ont légué ce prodigieux outillage dont nous n’osons nous servir que pour les oeuvres de guerre donc pour distribuer la mort, alors qu’il nous permet de distribuer la vie.
Vous représentez-vous la transformation prodigieuse que subit l’humanité ? Elle rompt avec des millénaires, elle accomplit une évolution comme il ne s’en est jamais produit, afin que rien ne soit comme avant.

• CONCLUSION

En conclusion, que proposons- nous ?
De passer du régime Capitaliste libéral périmé, ne pouvant plus, désormais, que générer le chômage, la misère et la guerre, à l’instauration - sans violence et sans spoliation - de « l’Economie distributive de l’Abondance  » apportant le travail, la richesse et la paix.
Est-ce possible ?
OUI !
Tout est à pied d’oeuvre : hommes, dévouement, matière et outillage.
Il suffit d’un souffle d’Amour terrassant l’Argent dont le général de GAULLE disait : « Mon seul adversaire, celui de la France, n’a aucunement cessé d’être l’Argent » (« Les chênes qu’on abat... » Edition Gallimard), et notre ami, l’architecte urbaniste LE CORBUSIER « Tuer l’Argent est la condition primordiale pour une mise en ordre du monde actuel » (« Des canons, des munitions ? Merci ! des logis... S.V.P. » (Edition de l’Architecture d’aujourd’hui, 5, rue Bartholdi, Boulogne (Seine).
Comment ?
Par la création, comme déjà dit, d’une monnaie nouvelle intérieure de consommation qui, détachée de l’or, gagée sur la production tout entière, disparaissant avec le produit ou le service consommé et distribuée à toute la population enfants, jeunes à l’étude, adultes en âge de travailler, retraités, handicapés, etc., permettra de pousser au maximum la production de paix et de la passer entièrement à la consommation.
Une monnaie saine doit être arrimée à une base saine comme la production réelle et non aux décisions fluctuantes de ceux qui la fabriquent et en trafiquent à leur aise.
Mais les puissances d’Argent s’y opposent car elles entendent conserver le privilège de pouvoir continuer à fabriquer leur «  monnaie bancaire », appelée scripturale, tirée du néant par des écritures comptables, et de la prêter à intérêt dont le taux, compris les commissions et frais de banque, approche, actuellement, 40 0/0 l’an et qui, incorporé aux prix de revient des produits et services, augmente les prix de vente, crée l’inflation, l’érosion de la monnaie et la ruine des Épargnants.
C’est l’Etat qui doit battre monnaie et non les banquiers qui, détenteurs et maîtres absolus de l’Argent, gouvernent le CREDIT et le dispensent selon leur bon plaisir. Par là, ils distribuent en quelque sorte le sang à l’organisme économique dont ils tiennent la vie entre leurs mains, si bien que, sans leur consentement, nul ne peut respirer.
On aura alors une économie des besoins et non une exploitation des Maîtres de l’Argent.

• « L’Economie distributive de l’Abondance » est seule capable de sortir la France de ce qu’on appelle improprement «  La Crise » (alors qu’il ne s’agit plus, comme autrefois, d’une dépression de l’économie, mais d’un changement complet de civilisation consécutif à l’application de nos prodigieux moyens actuels de production) et de mettre fin à la misère et au désarroi actuels par la création, nous le répétons, d’une nouvelle monnaie intérieure de consommation, détachée de l’or et qui, gagée sur la production réelle tout entière, permettra de pousser celle-ci au maximum, de la passer entièrement à la consommation et d’enrichir tout le monde dans la mesure où la Science le permet, sans prendre aux uns pour donner aux autres, ce qui exclut toute violence et toute spoliation.
Voilà notre planche de salut.

J. L.

(1) Ancien député de Haute-Savoie, ancien Secrétaire d’Etat au Trésor.

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Lectures

« L’industrie de la faim »

ou « par delà le mythe de la pénurie » (1)
par J.-P. MON
septembre 1982

Dans cet ouvrage de plus de 500 pages les auteurs, F.M. Lappé et J. Collins qui dirigent l’institut pour l’Alimentation et la Politique du Développement de San Francisco, dénoncent, non seulement le rôle maintenant connu des multinationales dans l’aggravation des conditions de vie dans les pays en voie de développement mais aussi les arguments avancés par de nombreux responsables occidentaux pour justifier le maintien du statu- quo. Car n’en déplaise aux « pisse- vinaigre » de tous bords, aux malthusiens attardés ou aux écolos dépassés, toutes les études sérieuses montrent que la Terre peut, dès à présent et sans difficultés, nourrir une population trois ou quatre fois plus nombreuse que celle que nous connaîtrons au début du 21e siècle. Ce qui empêche la plus grande partie de la population du globe de manger à sa faim, ce n’est pas le manque de nourriture mais le manque de « revenus » que le système économique dans lequel nous vivons ne veut pas leur distribuer.
Lappé et Collins dénoncent les campagnes alarmistes, voire terroristes, menées par les compagnies multinationales de l’agro-alimentaire et les zélateurs du « développement à l’occidentale  ».
Quelques exemples : C.W. Cook, président honoraire de Général Foods déclare : « S’il nous faut nous battre dans un monde de plus en plus peuplé ou affamé, c’est une utopie que de vouloir nourrir de façon adéquate des millions d’Américains à faibles revenus. »
L’ex-président Nixon renchérissait : « Ce qui est effrayant, c’est que les pauvres se multiplient deux fois plus vite que les riches ».
Mais les auteurs du livre nous montrent aussi que ce qui dérange le plus ce n’est pas tant le manque de nourriture dont souffre la majorité de nos semblables mais plutôt la disparition de nos « valeurs  » et la structure de notre société, menacée par les affamés du monde entier en quête de nourriture.
Autre raisonnement insidieux développé surtout aux Etats-Unis les Américains ont un rôle particulier-à jouer pour conjurer l’apocalypse... la sécurité alimentaire mondiale repose uniquement sur la production et les stocks céréaliers américains...
En réaction, immanquablement le consommateur américain est persuadé que les exportations de produits alimentaires vers les pays pauvres sont responsables de l’augmentation des prix des denrées alimentaires. D’où l’idée qui se répand que «  les Etats-Unis n’ont aucune obligation de nourrir le monde entier » et que « les responsabilités des dirigeants américains sont envers le peuple américain ».
Lappé et Collins nous expliquent que « si l’on ne comprend pas comment est créé le phénomène de la faim on reste impuissant devant ce sentiment très diffus et pourtant très fort de culpabilité - culpabilité d’être Américain, culpabilité d’être un occidental »... « Ainsi les affamés deviennent une pénible menace et en même temps une lourde responsabilité. C’est vraiment un déchirement. Pour résoudre ce dilemme une solution séduisante a vu le jour : celle du « bateau de sauvetage  ». C’est une idée très simple, popularisée par un homme de science, Garett Hardin, selon laquelle nous voguons tous dans un même bateau où la nourriture est limitée. N’est-il pas normal dans ces conditions que la nourriture aille à ceux qui ont le plus de chances de survie et est-il juste, d’autre part, de faire monter d’autres passagers à bord ? « Qu’arrive-t-il, demande le Dr Hardin, si vous faites monter trop de monde dans un bateau de sauvetage ? Le bateau coule et tout le monde est noyé. Justice égale catastrophe ». Le remède qu’on nous propose est simple : finis les sentiments... en cette époque de pénurie, la compassion est un luxe que nous ne pouvons plus nous offrir... Nous devons apprendre une nouvelle éthique : l’éthique de la raison ; il faut que quelques-uns meurent pour que survive la race humaine  ».
Après avoir démonté et révélé la nocivité de tels raisonnements, Lappé et Collins nous disent ce qu’ils pensent que nous, simples individus, pouvons faire. Et tout d’abord nous devons nous souvenir « qu’on doit juger de l’équité et de réussite d’un système socioéconomique à cela : que les hommes mangent à leur faim. Tout au long de notre histoire, la sécurité des peuples a toujours reposé sur leur capacité à subvenir à leurs besoins alimentaires de base. Chaque pays doit mobiliser toutes ses ressources pour satisfaire d’abord les besoins nationaux. Le commerce, ensuite, ne doit lui permettre que d’élargir ses possibilités de choix au lieu de priver certains de leurs biens légitimes  ».
Pour les auteurs la tâche est claire : « il s’agit de construire un mouvement qui dévoile la réalité de ce système. Ce sont, soutenues par les gouvernements, les compagnies et les classes privilégiées qui détruisent lentement la sécurité alimentaire d’une très grande partie du monde. Les forces qui, dans les pays sous-développés, privent les gens de toute participation au processus de production, donc de consommation, sont les mêmes qui ont fait du secteur alimentaire dans notre pays un des secteurs de l’économie les plus étroitement contrôlés. Un nombre de plus en plus restreint d’entrepreneurs agricoles et de compagnies agro-alimentaires contrôlent une partie de plus en plus grande de notre production alimentaire. Actuellement, on transforme inutilement de plus en plus de produits (traités de surcroît avec des produits chimiques dangereux), qui deviennent ainsi de moins en moins nutritifs et de plus en plus chers. Ainsi, en luttant contre l’emprise de ces forces sur le secteur alimentaire dans notre propre pays, nous luttons directement contre celles qui contribuent à la faim dans d’autres pays... » « Le premier pas, lorsqu’on considère l’urgence de manger, c’est de démystifier le problème de la faim. C’est peut-être là que nous pouvons être le plus utile... » « Nous nous sommes rendu compte que la solution au problème de la faim n’est pas un mystère caché dans le plasma germinatif de quelque semence attendant sa découverte prochaine par quelque jeune et brillant savant ! On ne trouvera pas non plus la solution dans les études économétriques des planificateurs. Non ! La seule chose qui empêche de trouver une solution à ce problème, c’est le sentiment d’impuissance que l’on ressent : on nous fait croire que cette question est trop grave pour que nous puissions la maîtriser et que, par conséquent, il nous faut nous en remettre à d’autres. Pourtant la solution est entre nos mains ».
Voilà, j’ai extrait quelques-unes des nombreuses idées qui parsèment ce livre, qu’il faut lire et qui nous conforte dans notre opinion que la solution à la faim dans le monde passe par un changement complet de système économique.

(1) Editions « L’Etincelle », Montréal, Paris.

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J’ai dit

par A. CHANTRAINE
septembre 1982

A la justice
J’ai dit : lois justes
Ils dirent : pas d’autres lois.

Aux pauvres
J’ai dit : apprenez
Ils dirent : pourquoi.

Aux riches
J’ai dit : Amour
Ils dirent : Argent.

Aux pseudo-savants
J’ai dit : Conscience
Ils dirent : Sciences.

Aux révolutionnaires
J’ai dit : non-violence
Ils dirent : fusils.

Aux militaires
J’ai dit : la Paix
Ils dirent : la guerre.

J’ai dit, j’ai dit
J’avais trop dit...
Et ils m’ont fait disparaître
Obligeant mon corps à se taire.

Albert CHANTRAINE

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