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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 781 - août-septembre 1980

 

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N° 781 - août-septembre 1980

L’écœurement   (Afficher article seul)

Au fil des jours   (Afficher article seul)

Une saine image du monde   (Afficher article seul)

Vive la pub à la télé...   (Afficher article seul)

Une bonne idée   (Afficher article seul)

Sur l’inflation   (Afficher article seul)

Course aux armements ou aux débouchés ?   (Afficher article seul)

Le « Comecon » ?... et ta sœur ?   (Afficher article seul)

Hilarius devient utopiste !   (Afficher article seul)

Le « Code Peyrefitte » Sécurité Liberté ?   (Afficher article seul)

La véritable pollution   (Afficher article seul)

Budget, budget, quand tu nous tiens   (Afficher article seul)

Sur une tentative   (Afficher article seul)

Économie d’énergie   (Afficher article seul)

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L’écœurement

par P. SIMON
août 1980

LE facteur a déposé ce matin dans ma boîte une lettre d’une organisation charitable qui me sollicite régulièrement. Chacun des messages que je reçois ainsi constitue un cri de détresse et un appel à l’aide et à la solidarité. En même temps, en étalant ainsi la misère du monde, du Tiers-Monde le plus souvent, il invite à réfléchir. Comme on se sent mal à l’aise. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à des millions de téléspectateurs français lorsque, au moment où ils prenaient leur repas du soir, le petit écran est venu les troubler dans leur quiétude.

La lettre que j’ai reçue traite du même problème, celui des habitants du nord de l’Ouganda où la famine sévit pendant que les hommes politiques s’entre-déchirent afin d’accaparer le ’pouvoir. Air connu, hélas, direz-vous. Certes. Mais la lettre du mouvement international qui m’écrit contient des passages que je voudrais citer ici.
Quelques généralités, d’abord. « Un enfant mal nourri ne sera jamais pleinement un homme ». Une constatation encore, pour simpliste qu’elle paraisse : « le sous-développement et la faim vont de pair ; ce sont les pauvres qui ont faim. 500 millions d’hommes n’ont pas le minimum de calories et de protéines nécessaire à la vie ». Je vous fais grâce des détails qui montrent les terribles effets sur les Ougandais de ces carences alimentaires, car le message contient quelques précisions qui méritent d’être rapportées. Je cite.

« Une multinationale américaine possède une filiale en Afrique qui a racheté une conserverie de maquereaux destinés au marché local. Elle obtient un prêt gouvernemental américain. Elle transforme l’usine en conserverie de thon. Le thon en boîte est maintenant expédié aux Etats-Unis. L’année dernière, 67 000 cartons de boîtes de thon ainsi expédiées étaient destinés aux chats américains... Pour ce qui est du pouvoir d’achat, un chat américain est un meilleur client qu’un Africain pauvre. »

*

II ne s’agit pas de tomber dans un anti-américanisme primaire pour employer un adjectif galvaudé. En agissant comme elle le fait, la société américaine qui met le thon africain en conserves obéit à sa nature propre, à la manière du boa qui avale et digère sa proie. A vrai dire, elle n’est même pas en cause et il serait absurde de lui demander d’avoir un autre comportement que celui qui, si l’on peut dire, est inscrit dans ses gènes. Le problème est ailleurs. Il faut trouver une autre façon de répartir les richesses et cesser de faire du profit l’unique mobile de l’économie, car, heureusement, il n’est pas le seul mobile des hommes.

Ce n’est pas tout. La lettre poursuit ainsi. « Un seul Américain  » (toujours eux, mais ce sont les plus riches) « consomme en moyenne autant que 70 habitants du Sahel. Cela veut dire qu’avec la consommation des 215 millions d’Américains on pourrait nourrir 15 milliards de ces hommes, c’est-à-dire 3 fois la population mondiale. Nixon disait : « Ce qui est effrayant c’est que les pauvres se multiplient deux fois plus vite que les riches ». Pour respecter la vérité, il aurait dû dire : « Ce qui est effrayant, c’est qu’un riche consomme huit fois plus qu’un pauvre ».

On a le vertige, car l’action de cette organisation internationale qui m’écrit, toute louable qu’elle soit, n’est, cependant, qu’une goutte d’eau dans l’océan. Certes, il faut encourager son oeuvre (je lui ai envoyé un chèque car, autrement, je serais parti en vacances avec une conscience encore plus mauvaise). Mais il y a tant à faire que seul un vaste mouvement provenant d’une véritable réflexion pourra réaliser des changements durables. Il est plus que temps d’entreprendre une redistribution des ressources de la planète, ressources naturelles ou ressources nées de l’esprit inventif de l’homme, pour que ce scandale cesse.

Peu d’individus, pris isolément, défendraient le système existant lorsqu’ils en comprennent les horribles conséquences. Leur réflexe serait sans doute semblable à celui de Claude Sarraute rendant compte dans « Le Monde » du reportage sur l’Ouganda : la gêne et le dégoût. Mais en bloc, au niveau des nations, les hommes retrouvent tout leur égoïsme, et s’attachent à préserver leurs avantages. Et tant pis pour les Ougandais. Ils n’ont qu’à travailler. Nous pouvons en embaucher quelques-uns à verser du mazout sur les tomates ou à incendier les camions pour que les prix ne baissent pas. Par mesure d’économie on devrait utiliser le mazout recueilli sur nos plages : enfin un débouché pour les marées noires !

*

Allons, c’est évident, c’est tout le système qu’il faut repenser. Bravo aux organisations charitables, mais prolonger un système mourant en sauvant des vies ne permettra jamais le changement radical que tout le monde (ou presque) attend.

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Au fil des jours

par J.-P. MON
août 1980

Parmi les conclusions du Comité Emploi-revenu du Ville Plan on peut lire : « La semaine de 25 heures devrait, par exemple, procurer un revenu suffisant pour faire face aux besoins essentiels d’une personne isolée ».
Le commentateur ajoute : « En corollaire, la diminution du temps de travail ne devrait s’accompagner ni d’une amputation du pouvoir d’achat des salariés ni d’un accroissement des charges des entreprises.  »

*

Dans un article intitulé : « Notre cerveau est mal employé  », G- Pinson écrit :
« Dans un monde où il y aura toujours plus de bouches que d’aliments, la faim est et restera le mal souverain d’une humanité définitivement soumise à la nécessité de manger. Les hommes ne s’affranchissent pas des menaces qui n’ont jamais cessé de tenir nos pères sur le quivive. Pour survivre, chacun devra toujours s’emparer de plus que sa part des biens de ce monde. Ou, s’il en jouit déjà, les défendre du bec et des ongles en imposant aux autres, par tous les moyens, une autorité impitoyable. Car nul ne fera jamais le moindre repas ici-bas sans réduire d’autant la part de son prochain. »

C’est dans ces termes obsédants que le bon Thomas Malthus décrivait au dix-huitième siècle le régime de pénurie qui fut le lot de l’humanité naissante pendant des milliers d’années. Et c’est probablement par le biais de structures mentales héritées de ce passé multimillénaire que nos « sciences » économiques, scientiformes mais non scientifiques, considèrent, dans un monde qui meurt de faim la surproduction comme une calamité. Au sein d’un Occident où la productivité est en progression constante, n’y a-t-il pas mieux à faire qu’entretenir une pénurie artificielle (on dirait presque... par habitude !) ? Lorsqu’on dénature par exemple les « excédents » agricoles au pétrole (d’ailleurs acheté à prix d’or !) devant le reste du monde qui a faim ? Plus généralement, n’y a-t-il pas lieu, en ce siècle de mutation culturelle, de s’interroger sur les mécanismes profonds de tels égarements de la pensée ?
Ainsi de ces habitudes mentales nées de quelques millénaires d’une régime d’« autorité impitoyable » où, dans un monde de famine où nos pires ennemis étaient nos semblables, la cohésion sociale (et donc notre survie) exigeait des individus une soumission totale à cette autorité. Soumission qui, chez l’espèce humaine, « s’obtint précisément en tarissant les sources de notre humanité », c’est-à-dire notre créativité. D’où l’absence flagrante d’imagination de dirigeants qui appliquent au siècle de l’automation des «  lois » économiques... déjà bien connues des Romains !

(« Le Monde », 25-5-80)

*

Notre économiste de choc, R. Barre devrait méditer cette réflexion d’un autre économiste (sérieux, lui) (il s’agit de J.-K. Galbraith) : « Je vous rappelle que nous autres économistes, nous avons le talent de compenser le flou de nos connaissances par la fermeté de nos déclarations. »

*

Depuis 1974, début de la « crise » pétrolière, on constate que les compagnies pétrolières occupent les toutes premières places dans le classement mondial des bénéfices des entreprises : en 1979, onze pétroliers figurent dans la liste des vingt cinq plus importants bénéfices déclarés, la première place étant occupée par Shell avec un bénéfice net de près de sept milliards de dollars.
Le total des profits de ces onze compagnies, parmi lesquelles on compte sept compagnies américaines, atteint 27,6 milliards de dollars. La compagnie française Elf-Aquitaine se classe au douzième rang avec un bénéfice net de un milliard trois cent quatre vingt sept millions de dollars, soit en gros cinq milliards sept cent millions de francs actuels.

*

Au fait, je vous rappelle que ces pauvres Américains continuent de payer leur super à environ un franc dix le litre, que les Canadiens font encore mieux puisqu’ils ne le paient que quatre vingt dix centimes et que l’essence baisse en Belgique à partir du 20 juillet.
Quant à nous, pauvres Français, le meilleur économiste de France nous expliquera que si les prix augmentent c’est à cause du pétrole...

*

Vous savez que dans l’économie de marché si chère à nos économistes libéraux (et avancés, bien sûr) si les prix baissent c’est parce qu’ils sont libres et que la concurrence joue à plein...
En application de ces saines doctrines, vous serez heureux d’apprendre que « pour prévenir une guerre des prix qui serait dommageable à toutes les entreprises, les groupes sidérurgiques ont décidé de réduire volontairement leur production d’acier ».
C’est à la demande de la Commission Européenne (c’est-àdire d’un organisme officiel) que les sidérurgistes ont pris leur décision « pour empêcher que la chute brutale des commandes que l’on prévoit pour le deuxième semestre 1980 n’entraîne une dégringolade des prix... ».
L’abondance, quelle horreur !

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Télévision

Une saine image du monde

par P. ROSSET
août 1980

...« Nous avons eu la chance, lundi soir 9 juin, de suivre sur Antenne 2 l’émission époustouflante, en Mondiovision, L’IMAGE DU MONDE. Bravo pour cette présentation internationale  ! Si les hommes de tous les pays font ensemble le recensement des richesses et des besoins du monde, tous les espoirs sont permis.
Il y a eu tout d’abord un survol, trop sommaire bien sûr, de notre planète pour en estimer les ressources par quelques flashes pris en direct en différents points du globe ; par exemple pour l’énergie hydraulique, nous avons vu la petite dérivation faite par le riverain d’un ruisseau pour obtenir les 2 Kw d’électricité dont il a besoin, puis le gigantesque barrage en construction au Brésil (et qui sera le plus grand du monde) qui occupera 26 000 travailleurs sur le chantier pendant 10 ans, et dont les 18 turbines fourniront alors presque autant d’électricité que 18 centrales nucléaires du type actuel !
Un bond en Yougoslavie nous permet d’apprendre que la recherche du laboratoire agronomique permet d’espérer la mise au point d’une variété de maïs hybride qui pousserait en 3 mois, ce qui fournirait deux récoltes par an. Quelle aubaine si l’on peut transmettre cette combine à nos frères affamés du Tiers Monde !
Des interventions d’Haroun Tazieff (dont l’équipe explore, sous nos yeux, le cratère d’un volcan d’Italie) nous révèlent les immenses possibilités de l’énergie géothermique qu’il suffit d’aller puiser dans le sol.
Quant à l’immense océan, sixième continent presqu’inexploré et inexploité, couvrant pourtant les 70 % du globe, il contient des mines de richesses incommensurables... si la pollution des rejets industriels ne les gâte pas...
Enfin, les ressources de l’énergie solaire, renouvelées continuellement et gratuitement, sont à notre disposition, notamment dans les pays pauvres. Elles ne sont pas exportables au profit des investisseurs des pays riches... ce qui explique le désintéressement des financiers...
Mais, le plus passionnant, à mon avis, malgré l’heure tardive, ce fut le débat qui réunissait Léopold SENGHOR, président du Sénégal, Aurélia PECCEI, du Club de Rome, Edward SAOURA, directeur général de la F.A.O., etc...
Tous ont conclu que la faim dans le monde pouvait être abolie si... on renonçait au système du profit et de l’armement. Léopold Senghor, avec un admirable esprit pratique, avait déjà judicieusement proposé à l’O.N.U. que chaque pays, même des plus pauvres, consacre systématiquement 5 % de son budget d’armement à la lutte contre la faim.
5 %, c’est un début, mais les budgets d’armement sont si grands... que cela suffirait presque à supprimer les disettes !
Quand il s’agira enfin de produire ce qui est nécessaire pour les besoins des hommes, et non pas ce qui est vendable aux seuls nantis, tout sera changé. Mais, comme concluaient les participants du débat, il faut une planification mondiale des besoins et des ressources et non pas l’anarchie actuelle du système capitaliste concurrentiel, qui n’a pour ressort que le profit.
Merci à Antenne 2 d’éveiller ainsi les consciences et les bonnes volontés.
Hélas, j’apprends, depuis, que la France s’apprête à lancer un nouveau sous-marin lanceur de bombes nucléaires, ultra sophistiqué (dont le prix privera le Tiers-Monde de notre aide), et qu’elle investit des sommes démentielles dans la préparation de la bombe à neutrons.
Mais je ne désespère pas du bon sens qui doit être quand même le lot de le plupart des hommes !

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Vive la pub à la télé...

par H. de JOYEUSE
août 1980

Aimez-vous la publicité à la Télé ? Oui, bien sûr ! Alors parfait.
Mais si d’aventure, le jus d’orange sans orange de Kang, le fromage Porcin, le Mini-Pir, le Laidor, la Croix des W.C., vous fait vomir, alors, topez-là. Faut se les virer.
Comment ? Rien de plus simple.
Que votre bergère, SYSTEMATIQUEMENT, n’achète rien de ce qui se profile sur le petit écran.
Du chewing-gum Olioude, j’en veux pas, du pneu Klébar qu’il aille se faire voir à Colombes, des collants Zim, qu’ils se les collent au Zimbawé, et tout le restant, à l’avenant.
Evidemment, toute la France fait pareil, au même moment.
Résultat pratique, tous ces mercantis, qui ne se sucent pas l’auriculaire, font machine arrière, annulent les contrats (128 000 F la minute à 19 h 15), et les petites lucarnes redeviennent vierges et pures comme elles ne l’ont jamais été.
Et si un Valy veut combler le vide en nous flattant le brillant du diamant noir, on le censure itou en 81.
Qu’on se le dise !

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Soit dit en passant

Une bonne idée

par G. LAFONT
août 1980

Peut-être pas géniale mais au point où nous en sommes aujourd’hui il n’y a pas le choix. Elle n’est même pas nouvelle, mais qu’est-ce que ça peut faire ? On pique les bonnes idées où on les trouve. Emise, cela fait un petit bout de temps déjà, par je ne sais quel précurseur outré de voir se perdre tant de coups de pieds au derrière, elle tombait au milieu de l’indifférence générale et on ne devait pas lui donner de suites. Pourquoi ? Allez savoir. Ça ne faisait pas sérieux. Ni même convenable. Et puis, et surtout, comme chaque fois que l’on veut monter une bonne affaire, il fallait trouver du fric. Des capitaux, qu’on dit dans le monde du bizeness. Pas moyen de faire autrement. Etait-ce seulement rentable ? Et le petit épargnant en quête de placements de père de famille, devenu méfiant, préférait placer son fric, quand il lui en restait, au P.M.U. Enfin, il n’y avait pas urgence.

Alors, on a parlé d’autre chose... Mais l’idée était lancée. Et, comme toutes les bonnes idées, elle faisait son chemin. Et maintenant, voilà que ça urge.

C’est par un hasard providentiel qu’elle m’est revenue à l’esprit l’autre jour en lisant dans le journal la réponse de M. Raymond Barre, plus en forme que jamais, aux chômeurs venus réclamer du boulot, les invitant à
créer eux-mêmes leur entreprise. Ce fut pour moi une illumination.

Et dire que depuis le temps que l’on voit défiler à Matignon des économistes de plus en plus distingués, avec plan de redressement et de lutte contre l’inflation et le chômage, et, dans les rues de la capitale, en rangs serrés, avec pancartes, des énergumènes demandant du travail, personne encore n’avait imaginé cette solution pour résoudre le problème de l’emploi. Alors, ouest-ce qu’on attend ? Pour une fois que nous avons au gouvernement le meilleur économiste de France, et peut-être de la planète, il faut en profiter, non ? Même si cela doit faire ricaner dans l’automobile et dans le bâtiment. Alors, avec la garantie du Premier ministre et la bénédiction du Président de la République, on peut y aller. Créons des entreprises.

Moi, je veux bien, mais quelles entreprises ? Vous avez une idée  ? C’est ici que les choses se compliquent. Et ça ne fait que commencer. On pourrait demander à R. Barre, en le caressant dans le sens du poil. Il a peut-être une liste toute prête dans sa poche. Il se fera un plaisir de la montrer. Quoi qu’en disent les rouspéteurs professionnels cela ne va pas si mal. Ce n’est pas le boulot qui manque, c’est l’occasion. Il suffirait de pas grand chose pour que les affaires redémarrent. Tout le monde ne se plaint pas, allez. Voyez les Pompes Funèbres. En plein essor. Jamais on n’avait vu - et pourtant on en a vu - d’aussi beaux enterrements l’affaire Boulin, l’affaire de Broglie...
Seulement, plutôt que de laisser aux seuls chômeurs l’honneur de casquer pour la création de nouvelles entreprises, pourquoi ne ferait-on pas appel à la générosité publique comme cela se pratique tous les dimanches et jours de fête carillonnée, pour les aveugles, les enfants handicapés, la lutte contre le cancer, les vieux, et j’en oublie ? Une quête de plus ou de moins, qui s’en apercevra ?

En ces heureux temps que nos enfants un jour appelleront peutêtre la Belle Epoque, où l’on voit des cultivateurs en colère venir déverser sur les routes nationales des tonnes d’artichauts, de choux-fleurs, de pommes, de tomates qu’ils ne réussissent plus à vendre, cependant que des sous-prolétaires continuent de claquer du bec dans leurs clapiers bétonnés ; où l’on entend un Premier ministre déclarer sans rire que les chômeurs, s’ils tiennent tant à travailler, n’ont qu’à créer eux-mêmes leur entreprise ; où des Tartarins en goguette s’en vont chasser le Gaspi armés de sabres de bois, pour récupérer les déchets de la société de consommation, il ne reste qu’une solution qui ne pourra pas déplaire à Raymond Barre puisqu’il en est involontairement l’initiateur : créer une entreprise nationale de récupération des coups de pied au cul qui se perdent.

La souscription est ouverte au siège de « la Grande Relève  ».

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Sur l’inflation

par J. MESTRALLET
août 1980

IL convient de balayer quelques idées fausses au sujet de l’inflation.
« Inflation ! ». A ce mot, tout le monde se sauve, y compris les révolutionnaires professionnels. Aussi est-il devenu l’épouvantail idéal chaque fois que l’on réclame une augmentation des dépenses sociales.
Avant d’employer ce mot à tort et à travers, il faudrait le définir. Que de discussions interminables parce que chacun donne à un même terme un sens différent. Aujourd’hui, on emploie constamment le mot « inflation » pour «  hausse des prix », alors qu’il signifie, à l’origine, tout autre chose dépassement de l’offre par la demande.
C’est bien là un facteur de hausse, mais non le seul, en régime des échanges. On peut en trouver bien d’autres : hausse des salaires, des impôts, de l’énergie, des matières premières, des transports, du crédit...
Tout cela entre obligatoirement dans le prix de revient, mais cela n’a rien à voir avec l’inflation.
Parmi ces hausses, celle qui nous concerne directement est la hausse des salaires. C’est contre elle que l’on invoque habituellement le risque d’inflation.
En réalité, il est bien difficile de savoir dans quelle mesure la hausse des salaires fait monter les prix en accroissant la demande et dans quelle mesure elle les gonfle par augmentation du prix de revient. Dans ce dernier cas, la hausse ne traduit pas une insuffisance de production, mais une mauvaise organisation économique : les produits existent, mais ne trouvent pas d’acheteurs, faute d’argent.
L’argent manque parce qu’on reprend d’une main ce qu’on donne de l’autre. Cela n’entame en rien la réalité de l’abondance.
Au contraire, la hausse des prix par excès de la demande est plus dangereuse, car elle signifie !’apparition d’une rareté plus ou moins grande. Cette rareté, il est vrai, suit fréquemment une période d’abondance qui a découragé les producteurs par mévente !
Pour savoir s’il y a vraiment risque d’inflation il faut... courir ce risque en créant le pouvoir d’achat nécessaire. Cela n’empêche pas la prudence : on peut débloquer l’argent chaque mois (pensions et petits salaires), quitte à s’arrêter momentanément en cas de danger. Nous sommes tranquilles : pour les biens de grande consommation, la rupture n’apparaîtra pas de sitôt. Et quand il s’agit de tuer, on fait moins de grimaces, hein ?...
Comme nous l’avons déjà souligné, la création monétaire permet le blocage des prix, un blocage réel, puisque personne rie peut invoquer une surcharge des prix de revient.
Ce procédé offre encore l’avantage de savoir quels secteurs il faut développer, dans quelle direction on doit poursuivre la Croissance, laquelle ne se justifie qu’en faveur des pauvres et des revenus modestes.
Cette croissance polluera beaucoup moins que l’Expansion pour enrichir les riches.
Les consommateurs aisés peuvent admettre un simple maintien de leur revenu, si ce maintien est réel. Ils ne doivent pas oublier que, dans la période transitoire, c’est l’augmentation des bas revenus qui garantira le leur propre en garantissant leur emploi. Même dans les conditions actuelles, d’ailleurs, puisque l’on est bien obligé de faire des emprunts à l’Economie Distributive.
Qui finance les « Pactes nationaux pour l’emploi », sinon l’Etat ? Evidemment, il voudra rattraper cela dans une certaine mesure, et cela se répercutera sur le cycle « impôts-prix de revient-prix de vente », mais incomplètement, car on attend toujours la disparition du déficit budgétaire.
Plus il sera grand et mieux cela vaudra, dans la mesure où il ne finance pas les engins de mort. Peut-être verrons-nous la fin de ce scandale lorsqu’on aura pris l’habitude de ne plus craindre l’inflation pour les dépenses sociales. Et lorsque notre Etat perdra son avarice la plus honteuse de la planète en matière sociale, compte tenu de la richesse de notre pays.
On n’aura plus à chercher alors la justification de l’«  ennemi héréditaire » pour dépenser. On mesure une fois de plus combien les notions économiques sur lesquelles nous vivons sont devenues fausses !
Il faut rappeler à nos économistes un point élémentaire de méthode : pour s’y reconnaître dans les variations de plusieurs facteurs, il faut en faire varier un seul à la fois. Dans les cas énumérés plus haut, l’Etat à partir du moment où il consent un sérieux effort social, peut fort bien contraindre les banques à stabiliser le taux des prêts. Il lui appartient aussi de ne pas augmenter les impôts, les tarifs des Postes, de la S.N.C.F., de l’E.D.F. G.D.F. ; etc... Restent l’énergie et les matières premières importées. Or, chacun sait que les « Arabes » responsables des hausses ne se trouvent pas tant au Moyen-Orient que chez nous : qui décide des taxes sur les produits pétroliers ? Taxes à l’origine des hausses pour une bien plus large part (1).

(1) Ce que révèle une récente étude de l’INSEE sur les prix.

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Course aux armements ou aux débouchés ?

par P. BUGUET
août 1980

Albert Chantraine, écrivain et poète belge au service de la Paix, nous a communiqué la traduction de la conférence intitulée « Développement et Course aux Armements  », faite à l’Université de Chicago, le 22 mai 1979, par Mac Namara, Président de la Banque Mondiale et ancien Secrétaire à la Défense des Etats-Unis.

En voici les passages les plus significatifs :
...« L’ordre ancien est certainement en train de disparaître. Le début de son déclin petit être situé à partir de ce jour froid de 1942 où, à quelques centaines de mètres de l’endroit où nous nous trouvons assis, a commencé la première réaction nucleaire en chaîne. Les conséquences de cet événement ont été de transformer notre conception de la sécurité internationale, parce que des lors, l’homme n’avait plus seulement la capacité de faire la guerre. mais aussi de détruire la civilisation.
...« Le concept de la sécurité dépasse de beaucoup la simple force militaire, et une société peut arriver au stade où la multiplication de la défense militaire ne conduit plus à une sécurité plus grande.
...« En effet, jusqu’à un certain point, une telle dépense réduit sévèrement les ressources nécessaires dans d’autres secteurs essentiels, comme les services sociaux, alimentant ainsi la course futile et réactionnaire aux armements. Une dépense militaire excessive diminue plutôt la sécurité qu’elle ne l’augmente.
...« Les dépenses pour la défense à l’échelle mondiale, ont tellement augmenté qu’il est difficile d’en mesurer toutes les dimensions.
« Le montant total excède maintenant 400 milliards par an.
« On estime à 36 millions le nombre d’hommes qui se trouvent sous les drapeaux des forces régulières actives et paramilitaires du monde, plus de 25 millions d’autres en réserve et quelque 30 millions de civils remplissent eux aussi des fonctions militaires.
« Les dépenses publiques pour la recherche et le développement des armes approchent actuellement 30 milliards pour une année et mobilisent les talents d’un demi-million de scientifiques et ingénieurs à travers le monde.
« C’est le plus grand effort de recherche jamais accompli dans aucun champ d’activité sur terre et qui consomme une plus grande partie d’argent destiné à la recherche publique, que ne le font les problèmes d’énergie, de santé, d’éducation et de nourriture réunis.
...« Et pourtant, ce n’est pas dans les nations industrialisées, mais dans les pays en voie de développement que les budgets militaires s’élèvent le plus rapidement.
...« En moyenne, dans le monde, le contribuable moyen doit compter dans sa vie, donner trois au quatre années de son revenu pour la course aux armements.
« Qu’aura-t-il en retour de cela ?
« Une plus grande sécurité ?
« Non. A ce stade exagéré, seulement un risque plus grand, un plus grand danger et un plus grand retard encore sur le chemin menant aux buts réels de la vie...
...« Si nous examinons les dépenses de la défense à travers le monde d’aujourd’hui, et les comparons d’une manière réaliste ait spectre complet des actions qui tendent à promouvoir ordre et stabilité ait sein des nations et entre elles, il est évident qu’il y a là une très mauvaise et irrationnelle répartition des ressources.
...« En tant que participant aux arrangements initiaux des tests nucléaires et aux discussions sur la limitation des armes, je suis absolument convaincu de la possibilité de parvenir à des accords raisonnables,
...« Il existe aujourd’hui plus d’un milliard d’êtres humains dans les pays en voie de développement dont le revenu individuel a pratiquement stagné depuis dix ans. En termes statistiques et en prix constants le revenu n’a augmenté que de deux dollars par an, ce qui donne 130 dollars en 1965 et 15(1 dollars en 1975.
...« Cependant ce qu’il est impossible de faire dire aux statistiques. c’est la dégradation humaine à laquelle est condamnée la plus grande majorité de ces individus à cause de celte pauvreté.
« La malnutrition sape leur énergie, stoppe la croissance de leurs corps et raccourcit leurs vies. Le manque d’instruction assombrit leur esprit et bouche les voies vers le futur. Des maladies que l’on peut éviter mutilent et tuent leurs enfants. La crasse et la laideur polluent et empoisonnent leur environnement.
« Même le don miraculeux de la vie avec tout son potentiel intrinsèque, si prometteur et alléchant pour nous. se réduit pour eux à un effort désespéré pour survivre.
...« Cependant le problème fondamental est, je crois, moral. L’histoire humaine, dans son ensemble, a reconnu le principe que le riche et le puissant se doivent moralement d’assister le pauvre et le faible. C’est ici que le sens de la communauté doit s’affirmer. que ce soit une communauté familiale, nationale ou internationale.
...« La justice sociale n’est pas simplement un idéal abstrait, c’est aussi une voie appréciable pour rendre la vie meilleure à tout le monde.
...« Maintenant il est vrai que l’argument moral ne persuade plus grand monde.
« Très bien. Pour ceux qui préfèrent les arguments qui touchent leurs propres intérêts. Il en existe quelques-uns très solides.
« Les exportations procurent un emploi sur huit dans la fabrication aux Etats-Unis, utilisent un hectare sur trois des terres cultivables et environ un tiers de ces exportations vont vers les pays en voie de développement.
« En effet, les Etats-Unis exportent plus actuellement vers ces pays là que vers l’Europe de l’Ouest et de l’Est, la Chine, et l’Union Soviétique réunis.
« De plus, les Etats-Unis obtiennent une meilleure qualité de leurs matières premières provenant des pays en voie de développement ; plus de 50 % de leur étain, caoutchouc et manganèse, plus des quantités considérables de Tungsten et de Cobalt, sans parler de leur pétrole.
« L’économie américaine dépend donc de plus en plus de la capacité des nations en voie de développement à pouvoir à la fois payer le prix de ces exportations et d’approvisionner les Etats-Unis en matières premières importantes.
...« Ainsi, pour les nations développées, faire un plus grand effort pour assister les pays en voie de développement n’est pas simplement la juste chose à faire, c’est aussi du point de vue économique une nécessité avantageuse.

L’ancien ministre de la Défense prend donc enfin conscience de la nécessité morale de mettre une limite à la course aux armements... Mais le Président de la Banque Mondiale ne perd pas de vue l’intérêt économique de son pays. Cette reconduction du Plan Marshall obéit aux mêmes mobiles que celui-ci : assurer des débouchés à la production pléthorique américaine qui fait peser la même menace d’effondrement des cours et d’accroissement du chômage que celle des années 30.
« Exporter ou mourir » disait Hitler !...

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Le « Comecon » ?... et ta sœur ?

par P.-N. ARMAND
août 1980

LE système capitaliste est-il en excellente forme ? Ses bulletins de santé sont publiés régulièrement par des « diagnostiqueurs » telle la - Revue de l’Agence économique et financière de Paris ». Un spécialiste, L. Holtzman, signale dans le numéro spécial de Noël 1979, que le « COMECON » (le Marché commun des pays de l’Est) doit 90 milliards de dollars aux USA et à l’Europe. (Prévisions pour 1990 : 200 milliards).
Ce technicien n’est pas ému d’une pareille ardoise. Au contraire, il jubile, écrivant :
« Les pays occidentaux ont un besoin impérieux d’exporter leur production pour éviter récession et chômage. Il ne peut donc être question de limiter ou d’arrêter le commerce avec l’Est. Il serait donc fallacieux de conclure que le commerce Est-Ouest s’effectue aux frais des nations du monde libre ou au seul bénéfice des pays communistes ».
Lorsque ce sont les partisans de l’Economie distributive qui le disent, on hausse les épaules. Maintenant que ce sont les capitalistes eux-mêmes qui le découvrent, que penser ?
Les capitalistes (ou socialistes) étatiques de l’Est connaissent la faille, allant s’évasant, ils n’ont qu’à tendre leurs rouges tabliers, les pommes d’or des Hespérides occidentales y tombent toutes seules, ...avec leurs illusions.
D’ailleurs si le COMECON en question émettait un jour la prétention de payer, ce serait la catastrophe. Le Zlotys, c’est les 3/4 du Rouble, et le Rouble, c’est zéro. Or les 3/4 de zéro ça ne fait pas un Kopeck dirait le Secrétaire général du P.S. L’URSS pourrait payer en dollars ? Surtout pas ! L’avalanche de Russodollars ferait encore dégringoler la cote du billet vert de vertigineuse façon. Ca serait pis, si le Kremlin voulait régler en or. La baisse du métal-refuge jetterait le désarroi chez les adorateurs du veau de ce métal, lesquels ne se recrutent pas à Aubervilliers. L’Est pourrait payer en matières premières ? Mais nous sortirions du système capitaliste pour retrouver le troc.
Admettons-le un instant. Et constatons que l’URSS commence à ménager le pétrole, le bois, les céréales, les métaux précieux, sinon à en manquer. Restent les produits finis. L’Ouest en manque-t-il ?
De quelque côté que l’on retourne la question, elle ne présente que des réponses négatives. Seul point positif, le système capitaliste se dévore lui- même, telle cette bestiole préhistorique dont le nom m’échappe au moment où j’en ai besoin. Tant pis on fera sans.

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Hilarius devient utopiste !

août 1980

Un fleuve de lait, des monts de beurre, des collines de fromages, des montagnes de légumes, des Alpes de fruits, voilà ce qui préoccupe nos économico-politiciens. Et si encore, ce n’était qu’en France ! Mais à l’étranger, il y en a autant, si ce n’est plus. Il en arrive de partout : d’Israël, de Bulgarie, d’Afrique du Sud, de Floride, de Californie, etc.
On en exporte autant que l’on peut. Tous les moyens sont bons à nos « partenaires » pour nous refouler cette marchandise. Les Suisses refusent le fromage y découvrant des traces de ces plaquettes jaunes qui ornent nos étables. Les Américains font de même. Les Anglais, naturellement, sont encore plus Chinois.
Bref, plus nous collons d’engrais, utilisons des produits chimiques, plus la production augmente, devient immangeable, donc invendable.
Alors, si nous faisions l’inverse ?
Si nous supprimions les engrais ? Intégralement. La fabrication, l’importation, la vente, la distribution d’engrais est interdite. Pour tout et partout en France. Du coup, nous voici devenus producteurs biologistes de Dunkerque à Bayonne et de Brest à Menton. Nos produits ne sont plus en concurrence avec ceux des autres. Nous sommes spécifiques (1). Tout ce qui est « Alimentaire Made in France » est sain, naturel, biologique. Pas besoin de chercher l’étiquette. C’est garanti par l’Etat Français. On ne peut faire mieux. Les Européens (même les Anglais, tant pis) peuvent se remettre à déguster la peau des fruits : pommes, poires, pêches, etc., ce qui est impensable actuellement.
Utopie ? Effectivement.. comment imaginer que Péchiney, Kulhmann, Ugine et autres petits Frères de la Côte puissent tolérer pareille initiative ?
Au poteau Hilarius de JOYEUSE !

(1) Une enquête aux U.S.A. à propos de la Corn Belt a révélé que le rendement financier à l’hectare était de 3% supérieur chez les agriculteurs biologistes que chez les traditionnels.

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Le « Code Peyrefitte » Sécurité Liberté ?

par H. MULLER
août 1980

Un pâté d’alouettes. L’important : le non-dit du projet de loi, les articles byzantins, apparemment anodins que les magistrats interpréteront au gré de leur humeur et qui visent à préserver la sécurité du Pouvoir avant la liberté des citoyens.

« Indépendance et liberté ». C’est beau comme l’antique. Connaît-on un seul gouvernement qui soit indépendant du pouvoir économique exercé par les multinationales, libre de ses décisions ? Quel pays, hors l’URSS, dispose sur son territoire des matières premières, des sources d’énergie nécessaires à ses industries ? Qui tient aujourd’hui la dragée haute aux pays occidentaux, sinon les pays de l’OPEP ? Qui nous approvisionne en coton, en cuivre, en manganèse, en uranium ? Qui dicte la politique européenne dont nous subissons les conséquences au niveau des prix et de la fiscalité  ?

Quant aux libertés, la société de l’argent, celle du profit n’en prend-elle pas à son aise, réglementant, interdisant, taxant, rationnant, imposant ses prix, traçant d’étroites limites à la consommation ? Nos chômeurs sont-ils libres de s’employer où bon leur semble ? Liberté d’expression  ? Oui sans doute, mais dans de certaines limites, pour les oppositions cataloguées qui ne présentent pas un danger pour la ploutocratie. Des trublions se produisent sut les antennes ; leurs troupes occupent la rues avec leurs banderolles ? Qu’importe. La répression s’abat dès que la subversion passe du discours aux actes. Les médias filtrent l’information, la censure, la triture. Les radios libres sont pourchassées, les citoyens fichés, les journalistes frondeurs espionnés, leur vie privée violée. Une presse décervelante prépare de bonnes élections. Bientôt, nos tribunaux d’exception jugeront les délits d’opinion. Déjà, une société policière se met en place. La sécurité des centrales nucléaires conduit à gommer la Constitution, en supprimant le droit de grève. Sur la lancée, ne faudra-t-il pas « licencier » pareillement les chefs d’entreprise qui, n’observant pas toutes les règles de sécurité, mettent en péril la vie de leurs salariés et faire de même pour ceux qui polluent l’air que respirent les populations des alentours ? Enfin, combien de ces inculpés en « préventive  », attendant que soient établies les preuves de leur culpabilité  ? Et combien d’éditeurs pour les idées non conformistes  ?

Ainsi de la liberté, on fait tout un plat. Mais qui est libre, hormis ceux que la fortune met à l’abri du besoin, de l’obligation de travailler sous les ordres d’une direction, de se lever de bon matin pour aller pointer à l’embauche ? Sont-ils libres les expulsés, les expropriés, les saisis, les mal-logés et toutes ces victimes de la malchance qui font cortège à la société de l’argent ?

Ne parlons ni de la liberté de l’automobiliste traqué de toute part, ni de celle du consommateur ficelé par les prix, ni celle de la Presse prise en tutelle par ses publicitaires et soucieuse de ne pas déplaire à ses grands annonceurs.

La liberté de pensée ? Voilà belle lurette que le tohu-bohu de la propagande lui a tordu le cou et les méthodes d’enseignement, les nouveaux pro grammes scolaires ne visent-ils pas à stériliser les sources de réflexion chez les générations montantes ?

Il n’y a pas de liberté sans sécurité et notre société est ainsi faite que chacun attend chacun au coin du bois pour le dépouiller, légalement ou non, du fruit de son travail.

La liberté de dire NON ? Belle affaire si une pseudo-majorité issue de scrutins ambigus, a décidé de dire OUI, l’opposition comptant pour du beurre !

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La véritable pollution

par A. CHANTRAINE
août 1980

On parle beaucoup de la pollution de la nature...
Et c’est une triste réalité : l’homme détruit sa demeure terrestre.

Mais a-t-on songé à la pollution de la pensée que la presse, la radio et la télévision nous distribuent à longueur de journée.

Cette pollution est la plus grave, car elle conditionne toutes les nuisances que nous redoutons.

Elle est à l’origine de toutes les souffrances.

C’est cette pollution là qu’il faut rejeter et qu’il faut combatte en soi-même.

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CHRONIQUE DE L’ÉLYSÉE-PALACE...

Confidences recueillies par Jacques VEAU (ex Bonhomme) Français Moyen et rapportées par E.R. BORREDON.

Budget, budget, quand tu nous tiens

par E.R. BORREDON
août 1980

Il est une catégorie de Français à laquelle nous nous intéressons particulièrement... tous les sept ans...
Il s’agit des retraités de la fonction publique.
Les ayant connus et appréciés durant leur période d’activité professionnelle, je n’ignore rien de leurs problèmes l’âge de la retraite venu.
Comme vous le savez sans doute, les pensions de retraite étaient versées à leurs bénéficiaires, avant mon accession à la magistrature suprême, à trimestre échu.
Cela signifie qu’ils devaient attendre trois mois pour pouvoir disposer de leurs pensions dont beaucoup relativement modestes. A une époque où le pouvoir d’achat qu’elles représentent s’amenuise sensiblement de mois en mois (1 % en moyenne), vous imaginez sans peine les difficultés matérielles que cette pratique du règlement trimestriel comportait pour un grand nombre de bénéficiaires de ressources limitées et quelle escroquerie financière elle était au détriment de l’ensemble d’entre eux.
Je n’eus donc, une fois élu, aucune peine à faire insérer dans la loi de finances de 1975, en décembre 1974, cette mesure humanitaire et honnêtement justifiée du payement mensuel. Mais il y avait un inconvénient à son application pure et simple immédiate, conséquence d’une « astuce  » d’un de mes prédécesseurs aux finances.
La Dette Publique est un chapitre des dépenses du budget national dans lequel sont inscrites les pensions.
Pour alléger l’exercice en cours de celles d’entre elles dues et échues au 31 décembre, mon prédécesseur n’avait rien trouvé de mieux que de reporter cette échéance du 31 décembre aux premiers jours de janvier de l’exercice suivant.
Avec la mensualisation, le retour de bâton de cette astuce géniale nous aurait imposé, au mieux, d’inscrire dans les dépenses de l’exercice 1975, deux mois de pensions supplémentaires, soit quelques milliards lourds en plus.
Comment se tirer de cette situation embarrassante sans perdre la face  ?
Eh bien, j’ai fait tout simplement insérer dans les modalités d’application de la loi le terme
progressivement ».
Il fallait y penser.
Et c’est ainsi que la loi votée en 1974, et dont j’ai pu revendiquer à mon profit le caractère hautement honnête, social et humanitaire, n’est toujours pas appliquée en 1980, pour les pensionnés de la région parisienne en particulier.
Entre temps, il a été facile de laisser entendre à l’opinion publique que les intéressés, malgré les prestations qu’ils avaient fournies dans leur période d’activité, étaient, en fait, à la charge des travailleurs.
Par ailleurs ils ne défilent plus dans les rues de la capitale, ils n’empoisonnent pas la vie des autres.
Leurs droits sont reconnus, c’est l’essentiel.
Qu’ils prennent donc patience, si leur santé et leurs difficultés matérielles le leur permettent.
Evidemment, tant qu’ils sont en vie, ils ont leurs bulletins de vote.
Je m’en soucie, croyez-le bien, tous les sept ans.
La loi de 1974 étant peu connue du public, un candidat avisé à la Présidence pourra, l’équilibre strict d’un budget n’étant plus une nécessité comme il l’était en 1975, en prendre à son compte la remise immédiate en vigueur pour 1981, en se rappelant ainsi opportunément à l’attention des intéressés tout au moins à ceux qui seront encore en vie.
Mais me direz-vous, les représentants élus, députés, sénateurs, ont bien pris connaissance de la loi de 1974 avant de la voter. L’ambiguité du terme « progressivement » qui pouvait en reporter l’application effective aux calendes grecques ne les a pas frappés !
Et ils n’ont eu aucune réaction en constatant que six ans après leur vote, les pensionnés étaient toujours aussi illégalement traités !
C’est ainsi et je n’y peux rien.

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IN MEMORIAM

Sur une tentative

par R. THUILLIER
août 1980

La disparition subite de notre ami Jean Carlesse peut nous amener à compléter nos réflexions sur la fameuse question des mesures transitoires nécessaires, ou non, pour l’instauration d’une économie distributive.
Notre regretté camarade pensait que le silence fait sur l’oeuvre de Jacques Duboin - qu’il avait bien connu - et sur toute notre propagande, était dû à la rigidité de notre action. Certes Carlesse était tout à fait d’accord sur nos thèses. Il était convaincu que seule, une économie distributive pourrait remplacer le capitalisme à l’agonie.
Cependant il estimait que l’application intégrale de nos propositions restait une finalité à atteindre mais seulement lorsqu’une large majorité de nos contemporains se serait dégagée de leurs mentalités dominées par l’esprit du gain.
Il avait donc imaginé, depuis longtemps, un système économique transitoire original.
En maintenant le profit, il corsetait cependant l’économie marchande par une cascade compliquée de traites et d’effets escomptés par l’Etat qui, ainsi, « monétiserait l’Abondance ». Cela permettrait de distribuer un Revenu Social substantiel non seulement aux retraités, mais à la jeunesse avec, pour celle-ci, un Service Social obligatoire.
Depuis de nombreuses années notre petit groupe des Alpes-Maritimes avait eu avec Carlesse de longs entretiens à ce sujet.
Beaucoup d’entre nous, certes, étions partisans de mesures transitoires, tel un Revenu d’Emulation pour les actifs. Mais nous ne pouvions admettre le maintien de l’économie marchande même assorti d’un Revenu Social.
Cependant notre camarade restait intraitable.
C’est alors que survinrent les lamentables événements qui, consécutifs au décès de Jacques Duboin, déchirèrent le M.F.A. Puis ce fut la dissolution des « Groupes pour une Economie Distributive » qu’animait Maurice Laudrain et la disparition de « Pense et Lutte » mensuel.
Alors Carlesse décida, avec quelques amis, de fonder le «  Mouvement Distributif Français » à vocation de parti politique. Il eut bientôt son organe mensuel « Nouvelle Ere » et il réussit à rassembler un certain nombre d’adhérents - dont je n’étais pas - et de sympathisants.
Pour notre part, notre petit groupe niçois ne voulait pas contrecarrer l’action publique du M.D.F. Mais lors des contacts nombreux que nous conservions avec notre camarade nous avons continué à le mettre en garde contre cette conception d’une Economie Distributive.
Dans le n° 13 de « Nouvelle Ere », Carlesse décida de nous répondre publiquement en précisant sa position. Parti politique le M.D.F. ne voulait pas se « contenter de formuler des voeux pieux et d’attendre que tout le monde ait compris. «  L’idée de profit, écrivait-il, est tellement ancrée dans l’esprit des hommes d’aujourd’hui que sa suppression est non seulement targuée d’utopie mais aussi génératrice de retour à la pénurie. Il en est de même du remplacement de l’économie de marché qui fait penser à une collectivisation. La majorité de nos compatriotes la regrette même quand ils se qualifient de gauche ou de socialistes ». « Si le M.D.F. parvient - continuait cet éditorial - à faire admettre par le corps électoral son plan-étape, proposant une semi-économie distributive, cela serait déjà un grand pas !! ».
Par ailleurs Carlesse concluait en invitant, d’une manière ambiguë, « ceux qui préfèrent philosopher, à diffuser « La Grande Relève » qui débourre les crânes de ceux qui veulent bien s’y prêter ».
Je me proposais d’opposer à ces arguments ceux que Marcel Dieudonné a formulé dans son récent ouvrage « Que faire ?  ». Dans le droit fil des thèses de Jacques Duboin, il analyse précisément la « mentalité du gain ». Evidemment, il propose d’autres solutions que celle d’une propagande, même transitoire, pour une pseudo semi-distribution restant fondée sur le profit.
J’étais aux Etats-Unis lorsque Carlesse est décédé et je n’ai appris sa mort qu’à mon retour.
Que deviendra le M.D.F. et « Nouvelle Ere » ? Il est encore trop tôt pour y répondre. Cependant je pense, avec notre petit groupe des Alpes-Maritimes. que l’on devrait garder le souvenir de Jean Carlesse. Il avait tout de même essayé - à sa manière - de lutter pour que les thèses de Jacques Duboin soient appliquées un jour. Cela lui apparaissait, quant à lui, trop lointain.
Réfléchissons tous ensemble sur ce qu’il conviendra de faire pour - la conjoncture économique aidant - rendre plus proche l’avènement d’une véritable Economie Distributive.

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Économie d’énergie

août 1980

G. Gaumondie, réparateur en automobiles, 87130 La Croisille-sur-Briance nous annonce qu’il a mis au point un appareillage pour correction de la carburation, réduisant ou coupant l’arrivée d’essence au gicleur de ralenti selon le régime. La consommation est diminuée de 18 à 30%, la vitesse de pointe est accrue, ainsi que la nervosité et la souplesse du moteur. Il garantit en plus l’absence de vibrations, le silence, et une diminution de l’usure de tous les organes mécaniques.
Mais pourquoi les organismes officiels et les trusts le dédaignent-ils  ? Y auraient-ils un intérêt financier ??

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