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Editorial
Notre bon camarade et ancien collaborateur Marcel
Dieudonné, a su ménager aux lecteurs des étrennes
qui seront appréciées : son retour parmi nous. Il se propose
de remettre au service de « La Grande Relève » la
vivacité de sa plume et les réflexions innovatrices de
son esprit. Dans ce premier numéro de l’année, il dévoile
son analyse originale mais pertinente d’un aspect méconnu du
rôle de la délinquance dans notre intelligente société
des prix-salaires-profits. Je tiens à remercier ce fidèle
militant du soutien qu’il nous apporte, démentant ainsi ceux
qui prétendaient qu’il avait définitivement abandonné
notre cause.
Autre soutien de taille dont témoigne ce numéro : celui
d’une personnalité mondialement renommée, tant pour sa
valeur scientifique exceptionnelle que pour ses courageuses prises de
position ALFRED KASTLER, prix Nobel de Physique. Nos lecteurs trouveront,
outre son point de vue exprimé dans une lettre, la très
éloquente étude qu’il nous a communiquée. Il s’agit
de l’évaluation de ce qui pourrait être fait contre la
misère, grâce à l’économie de seulement 5
% du budget mondial des armements. Ceci constitue un remarquable argument
objectif pour le système économique que nous préconisons.
Espérons qu’aussi bien commencée, cette année va
voir augmenter notre audience. C’est là le premier voeu que nous
formons tous.
Mais comme la sagesse populaire conseille : « Aide-toi, le ciel
t’aidera », nous avons pensé prendre les devants en joignant,
à chaque abonné, un second exemplaire à l’envoi
de ce mois. Nous lui demandons de s’en servir pour aider le ciel à
susciter un nouvel abonnement pour l’un de ses proches.
Meilleurs voeux, chers lecteurs, pour que 1977 soit une bonne année
pour la diffusion de nos thèses.
En relisant J. Duboin
Imposer l’austérité tout en combattant
l’abondance ;
freiner les investissements et l’expansion tout en se proclamant pour
le progrès technique ;
réduire, de ce fait, la production nationale tout en se proposant
d’en exporter 40 % au delà de nos frontières ;
envisager froidement la permanence de plus d’un million de chômeurs...
voilà la politique française d’aujourd’hui.
Jacques Duboin avait raison d’écrire que les économies
de rareté ont atteint leur terme et qu’une économie distributive
de l’abondance est, dès à présent, nécessaire.
C’est ce qu’il, faut faire comprendre aux Français, et particulièrement
aux responsables politiques et syndicaux de la Gauche dont les intérêts
personnels sont les moins liés au régime du Profit.
ETRE PRIS AU SERIEUX
Exposer les mécanismes d’une économie
distributive ne suffit pas. Il ne suffit pas de montrer que, par le
Plan, la monnaie de consommation, le revenu social et la répartition
sociale du travail, l’économie distributive équilibrera
l’offre et la demande - ouvrira les portes de l’économie
à l’abondance, supprimera inflation et chômage.
Les esprits réfléchis - qui sont les seuls qui acceptent
de nous entendre - ne sauraient se satisfaire d’un schéma général
qui laisse dans l’ombre ce que deviendront les activités de ces
centaines de milliers d’entreprises qui sont les cellules actives de
ce grand corps qu’est l’économie nationale.
- « Si vous voulez organiser, selon la raison et les exigences
du bien public, l’économie française, il vous faudra discipliner
les activités de l’ensemble des entreprises. Cela me paraît
impossible », nous dit l’un de ces esprits réfléchis.
Il faut lui répondre : « Oui si leur statut juridique demeurait
celui d’aujourd’hui. En économie distributive, toutes les entreprises
travailleront d’ordre et pour compte de la nation qui prendra en charge
leurs obligations financières actuelles. Et n’oubliez pas que
cette « administration des choses » disposera de l’informatique
qui permet de coordonner les activités si diverses soient-elles
sans les noyer sous une bureaucratie. Enfin, si l’Etat distributif assume
les principales responsabilités économiques, il est politiquement
un Etat démocratique, décentralisé, coordonnant
l’action de régions largement autonomes agissant sous le contrôle
constant d’un peuple organisé de la base au sommet. » C’est
alors qu’il faut faire lire à notre interlocuteur dont la vision
économique demeure encore incertaine, le très clair exposé
que Jacques Duboin nous a laissé dans son livre « Rareté
et Abondance » (page 413) :
« Le Plan... est conçu dans le but de produire et de répartir
en vue des besoins réels de toute la population. Ses rédacteurs
s’inspireront donc des travaux des hommes de science qui étudient
les problèmes humains. Cependant, en dernière analyse,
la décision appartient au pouvoir politique qui doit être
l’émanation de la nation tout entière.
» Le Plan, rendu exécutoire, est réparti entre les
divers secteurs de l’économie. A son tour, chaque secteur fixe
le programme des établissements qui lui sont subordonnés.
» A la différence de ce qui se passe dans le socialisme
de la rareté, l’Etat ne réalise pas de profit sur les
consommateurs ; les établissements ne sont donc pas assujettis
à l’équilibre comptable. Ne payant ni appointements, ni
salaires, ni les fournitures qui leur sont nécessaires, ils ne
peuvent établir de prix de revient, ce qui importe peu puisqu’ils
n’ont pas de bénéfices à réaliser. Ils tiennent
donc la comptabilité des matières employées et
des temps de travail afin de permettre le contrôle de la fabrication
; ils règlent par des écritures et au moyen de bons- matières,
les opérations qu’ils traitent entre eux pour l’exécution
de leur programme de production. Ce n’est qu’au stade de la distribution
que les biens de consommation sont appréciés en monnaie,
conformément aux décisions du Plan. »
LE PRIX EN ECONOMIE DISTRIBUTIVE
Il est probable que notre interlocuteur nous demandera,
alors, sur quelles bases le Plan établira les prix de vente à
la consommation.
Nous laisserons répondre Jacques Duboin :
« Le montant nominal de la monnaie créée et distribuée,
valable pour un an par exemple, sera égal au total de la production
fournie par le service social dans le même laps de temps. Il y
aura lieu de tarifer les produits en tenant compte d’abord du degré
de leur nécessité, de leur abondance ensuite. Le bon marché
règnera ainsi pour tout ce qui est indispensable à la
vie, et le prix des objets s’élèvera dans la mesure où
leur rareté relative obligera de restreindre la demande. »
(« Libération », page 241).
Attendez-vous alors à la réaction classique de la part
d’hommes qui vivent depuis leur enfance sous le « régime
des comptes » et du Profit.
- « Mais vous dira, sans doute, votre interlocuteur, homme réfléchi,
on ne peut pas comptabiliser une valeur à partir seulement de
la « nécessité » d’un produit et de sa quantité.
La base de la valeur des choses, c’est le travail qui y est incorporé
».
Le disciple de Jacques Duboin répondra :
Il en est en effet ainsi dans les économies fondées sur
l’échange. Mais, en économie distributive de l’abondance,
le prix n’est plus une « valeur » représentative
du travail incorporé. Nous sommes sortis du salariat. Le travail
n’est plus une marchandise que l’on vend mais un service que l’on doit
à la collectivité. Le prix d’un produit n’est plus alors
qu’une fraction du total des prix de la production offerte. »
En économie distributive, il y a dissociation entre le travail
et le prix (ou le revenu), entre le système économique
et le système financier. » Le disciple de Jacques Duboin
doit alors suspendre son exposé. Il fera confiance à son
interlocuteur, sachant bien que ce n’est que par la réflexion
personnelle que l’on devient militant pour l’économie distributive.
Si la société du gain ne s’est pas encore
effondrée, c’est parce que les gens se sont toujours débrouillés
tant bien que mal pour gagner ou se procurer de l’argent, provoquant
ainsi l’immense activité inutile ou nuisible.
Ainsi, la délinquance, dont l’accélération de la
croissance est « préoccupante » (synonyme d’alarmante)
dans les pays hautement industrialisés, a une qualité
économiquement positive : les trentetrois mille pensionnaires
des prisons et ceux qui devraient y séjourner n’encombrent pas
le marché du travail, ni les statistiques du chômage, puisqu’ils
ont créé leurs propres « emplois ».
De plus, la croissance de la délinquance provoque, en réaction,
une croissance parallèle de sa répression et la création
de nouveaux emplois dans ce secteur professionnel.
Merci, messieurs les délinquants, au nom de la police de la magistrature,
du barreau, du personnel pénitentiaire et du ministère
de la Justice. Sans vous, que deviendraient-ils ?
Merci au nom du secteur du bâtiment : on construit des prisons.
Merci encore au nom du Président de la République et du
gouvernement, dont le souci majeur est de créer de l’emploi,
pour votre collaboration efficace. Les escrocs, proxénètes,
cambrioleurs et autres tueurs au secours des économistes et des
ministres, n’est-ce pas merveilleux ? Nous avons tous les jours sous
les yeux ce spectacle sensationnel de l’oeuvre de salut public du sauvetage
de l’emploi par la pègre, mais nous ne le remarquons pas, nous
ne l’apprécions pas, nous n’en tirons pas de conclusions, comme
si nous étions des inconscients... c’est à douter de nous-mêmes.
Merci enfin, messieurs les délinquants, pour la société
du gain à bout de souffle, que vous contribuez à maintenir
en vie. Cette société ne peut plus se passer de vous,
car vous procurez de l’emploi à trois ou quatre cent mille personnes,
y compris vous-mêmes bien entendu.
Si la délinquance disparaissait comme sous l’effet d’un coup
de baguette magique, il faudrait la recréer. Ce ne sont pas ceux
qui en vivent qui me contrediront. Ces derniers savent d’ailleurs que
leur avenir est assuré : avec le progrès technique qui
tue l’emploi, la délinquance ne peut que croître et prospérer,
à l’exemple de l’Amérique.
S’il n’y avait que la délinquance pour voler au secours de la
société du gain, ce ne serait pas trop grave. Mais un
million de personnes en France, dont quatre cent cinquante mille patrons
cafetiers, tirent leurs ressources de l’alcool. Plus elles en vendent,
plus leurs gains sont élevés, et plus l’alcoolisme, l’enfance
handicapée et sa protection s’épanouissent. Cette protection
: trente mille emplois.
Les handicapés, un million cinq cent mille consommateurs sans
besoin d’emplois, hélas !, pour eux, mais quelle aubaine pour
les forcenés de l’économie du gain !
Si la maladie, ce grand fléau humain et social, était
vaincue par la science, il faudrait la ressusciter, car elle assure
des centaines de milliers d’emplois thérapeutiques ou connexes.
Rappelons que l’humanité est condamnée à préparer
son supplice par la « civilisation » du gain, sinon cent
millions de militaires, d’arsenalistes et de fournisseurs d’équipements
dans le monde seraient transformés en autant de chômeurs,
puisque les services et la production utiles n’ont pas besoin d’eux.
L’économie ne pourrait le supporter et sombrerait dans le chaos.
Nous pourrions citer une trentaine d’autres fléaux sociaux, tous
créateurs d’emplois et, par conséquent, tous bienfaits
économiques. Ce serait fastidieux. Et puis, tout cela sent le
cadavre social en état de décomposition avancé,
en dépit des apparences qui peuvent encore illusionner les personnes
non averties.
Pour survivre aux coups impitoyables que lui assène sans arrêt
le progrès technique, la société du gain développe
les fléaux sociaux. Les individus s’y emploient de toute leur
énergie sous l’aiguillon de la nécessité de gagner
de l’argent pour vivre. De plus en plus gravement, cette société
accentue donc sans interruption son caractère de société
de voyous et de policiers, de pourvoyeurs d’alcool et d’alcooliques,
d’handicapés et de fous, de malades et de thérapeutes,
de travailleurs de l’armement et de soldats, d’affairistes, de publicitaires
et de créateurs de faux-besoins, de pollueurs et de pornos, d’empoisonneurs
et d’empoisonnés, de spéculateurs, de bureaucrates, de
bavards éloquents mais impuissants, de vandales de l’environnement,
etc... Bref, huit personnes actives sur dix sont des bâtisseurs
de l’inutile et du nuisible.
Il nous faut à tout prix sortir du piège dans lequel nous
sommes tous enfermés par notre salaire, notre bénéfice
ou nos honoraires, par l’obligation faite à tout le monde de
se procurer de l’argent, en un mot par le gain. Nous sommes comme des
crabes enfermés dans un panier par notre gain et qui se battent
entre eux. La lutte économique, sociale et politique approche
de son paroxysme.
Cependant, nous restons confiants.
La révolution matérielle est pratiquement terminée...
La production et le travail automatiques règnent en souverains
tout-puissants. L’emploi et le gain, expulsés de leur empire,
se réfugient dans les sombres cavernes de l’inutile et du nuisible,
répudiés par le coeur et la raison.
Pourtant cela n’empêche pas le chômage de grandir.
Il importe maintenant de compléter la révolution accomplie
par le progrès du machinisme, en remplaçant le gain, frappé
à mort, par un revenu social.
Matériellement, rien n’est plus facile. L’appareil est en place,
nous le verrons, tant il est vrai que les institutions nécessaires
à un ordre nouveau prennent naissance et se développent
dans l’ancien. La difficulté réside dans le retard de
la pensée sur l’évolution du monde. L’obstacle est d’ordre
psychique. Il est loin d’être insurmontable.
C’est une question d’information.
Là est le problème. Il faut coûte que coûte
lui donner une solution. Et alors, nos contemporains comprendront où
est l’intérêt général et la satisfaction
de leur égoïsme bien compris.
(Extraits d’un ouvrage en préparation).
Le professeur Alfred KASTLER, Prix Nobel de Physique, a bien voulu nous communiquer un extrait de « the Bulletin of the Atomic Scientists », Chicago, de novembre 1976, dans lequel il souligne pour nous un extrait d’une édition révisée en 1976 d’une étude intitulée « World Military and Social Expenditures » (Dépenses militaires et sociales du monde), par Ruth Leger Sivard, qui fut Economiste en chef de l’« U.S. Arms Control and Disarmament Agency » (Agence U.S. pour le Contrôle des Armes et le Désarmement). En voici la traduction :
Ce que 5 % du budget des armements permettrait
d’acheter :
Si les dépenses militaires du monde pouvaient être réduites
de 5 %, l’économie annuelle serait de ...15 milliards de dollars.
Que pourrait-on faire avec 15 milliards de dollars pour réduire
le vaste déficit social du monde Voici quelques possibilités
sous la forme de programmes coopératifs internationaux pacifiques,
et l’estimation de leurs coûts actuels. Chacun d’eux constitue
un apport significatif aux programmes existants. Ensemble, ils représenteraient
le point de départ d’un formidable fonds pour la paix.
- pour 200 millions d’enfants mal nourris, une nourriture de protéines
supplémentaires pour assurer le complet développement
de leur cerveau :
...4 milliards de dollars
- Pour les pays pauvres au bord de la famine, un développement
de l’investissement agricole pour augmenter la production de nourriture :
...3 milliards de dollars
- La création d’écoles primaires, offrant 100 millions
de places nouvelles pour les enfants qui ne peuvent, à l’heure
actuelle, être scolarisés :
...3 milliards de dollars
- Une aide d’urgence et une force internationale permanente de secours
pour l’assistance des pays touchés par une catastrophe :
...2 milliards de dollars
- un programme mondial de prévention contre la carie dentaire
par fluorisation :
...1,5 milliards de dollars
- Une éducation de base pour les 25 millions d’adultes encore
illettrés :
...1 milliard de dollars
- Une campagne mondiale pour enrayer la malaria :
...450 millions de dollars
- Un supplément de fer pour protéger contre l’anémie
300 millions d’enfants et de femmes en âge de porter des enfants :
...45 millions de dollars
- Un supplément de vitamines pour protéger 100 millions
d’enfants de 1 à 5 ans contre la cécité causée
par une déficience en vitamine A :
...5 millions de dollars
SOIT DIT EN PASSANT
C’est notre Président qui le dit, ou plutôt
qui le chante, maintenant. Parce qu’il sait chanter aussi. Et puis les
discours cela ne prend plus tellement. Fallait trouver autre chose.
Il a trouvé. Vous avez pu l’entendre y aller de sa chansonnette,
sans accordéon, mais en duo avec Annie Cordy devant les petits
enfants sages invités à l’arbre de Noël de l’Elysée.
C’était hier. Et nous sommes déjà demain. Comme
le temps passe ! Et, vous l’avez peut-être remarqué, ça
ne va pas beaucoup mieux. Si je n’avais pas peur de le décourager,
notre Président - il faut si peu de chose pour le déprimer
- je dirais même que ça va plutôt mal. Pourtant,
il avait l’air d’y croire. Eh bien c’est raté.
Moi, ce qui me nâvre c’est que chez nous, en France, on a tout,
à part le pétrole, pour être heureux. On a même
des idées. Et aussi, et surtout, des hommes de gouvernement à
la hauteur, que le monde nous envie. Même qu’il paierait cher
pour les avoir. Des fortiches, des économistes plus ou moins
distingués qui sortent tous de Sciences Po, ou de l’E.N.A., sans
parler de tous les sauveurs qui se bousculent au portillon pour prendre
la relève le cas échéant.
Et ça va mal quand même.
Cela dit, et il fallait le dire, il n’y a pas de raison de s’affoler.
On en a vu d’autres. Et notre vieil ami Antoine Pinay est toujours en
pleine force, à ce qu’on dit. Et fin prêt. Donc pas de
panique, mais regardons les choses en face.
Ce n’est pas la première fois que la France est en péril.
Déjà sous la Troisième République - ce qui
ne nous rajeunit pas - un député lançait un jour
du haut de la tribune de l’Assemblée Nationale, dans une métaphore
hardie, ce cri d’alarme : « Le char de l’Etat navigue sur un volcan
! ».
A l’époque cela faisait rigoler. L’éloquence fout le camp.
Comme le reste. Aujourd’hui tout ce que la situation fait dire - j’emprunte
l’image à un élu de la majorité qui n’avait pas
encore entendu chanter Giscard - : « Le char de l’Etat pédale
dans la choucroute ». Ce qui n’est guère plus rassurant.
Alors, il y a bien quelque chose qui cloche dans le système.
Un mal sournois, un virus filtrant, un microbe pathogène - que
sais-je ? - ronge notre société, qui, d’accès de
fièvre en dépressions, n’en finit pas de rendre l’âme.
Ce mal devant lequel tous nos économistes patentés perdent
sinon leur latin, du moins les pédales, se manifeste par deux
symptômes alternés : chômage, inflation. Mais ce
qui déconcerte ces graves personnages penchés sur le moribond,
c’est qu’ils ne peuvent améliorer l’un de ces états sans
aggraver l’autre. Si, grâce au traitement emprunté à
M. Purgon, l’inflation diminue, c’est le chômage qui augmente.
Et réciproquement. On ne sort pas de là.
Eh bien, on en est sorti. M. Raymond Barre, lui, a réussi ce
joli tour de force avec son plan le chômage et l’inflation croissent
en même temps.
Que faire ?
J’ai bien ma petite idée, mais n’étant pas plus économiste
que distingué, j’ose à peine l’exprimer. Et puis, après
le meilleur économiste français, de quoi j’aurais l’air
? Eh bien, toutes les thérapeutiques classiques ayant échoué
les unes après les autres, j’ose.
On sait que l’un des bons moyens de sortir de la crise c’est d’exporter.
Exporter ou mourir, quelqu’un, avant Giscard avait déjà
chanté cet air-là. Mais pour exporter il faut avoir des
prix compétitifs, comme on dit. Avec des prix compétitifs
l’étranger achète, les devises rentrent, le franc remonte,
on est sauvés.
Nous avons un million de chômeurs, bientôt deux millions,
si on laisse faire. Peut-être plus. Des gens qui ne sont pas contents
et qui grognent à tout propos. Qui ne demandent qu’à travailler,
se morfondent dans l’inaction et qui paieraient cher pour trouver du
boulot. Jouer à la pétanque ou regarder Guy Lux à
la Télé toute la journée, c’est long. Et déprimant.
Je ne propose pas de les faire payer pour travailler, ce serait un peu
exagéré, mais de les faire travailler à l’oeil.
Ils seraient déjà bien contents d’avoir du boulot, pourquoi
les payer en plus ? Vous voyez l’astuce ?
C’est du coup que nos prix deviendraient compétitifs. Mieux que
les Japonais. Et que le monde entier s’arracherait nos marchandises,
même notre veau aux hormones. Et que la France serait sauvée
une fois de plus.
Vous allez me dire - mais dites-le, allez, ne vous gênez pas -
que mon truc est complètement idiot. Je suis bien le premier
à en convenir. Mais si vous trouvez que le plan Barre d’austérité
c’est plus malin...
Alors, puisqu’il est démontré par les faits que l’on ne
peut sortir de la crise - même qu’on s’y enfonce - dans le système
capitaliste, il faut substituer à l’économie du profit
l’économie des besoins, ou Economie Distributive.
C’est de l’utopie ? On n’a jamais essayé.
Ce serait peut-être le moment.
Dans la revue « DAEDALUS », Harry G. JOHNSON,
professeur à l’Université de Chicago et à la London
School of Economics, écrit qu’en France et en Italie on confond
la recherche économique avec la facilité littéraire
et l’aptitude à pratiquer une rhétorique grandiloquente
: « La France, par exemple, vit sur des rêves de grandeur
et les récompenses y vont aux prétendus économistes
qui savent s’emparer d’idées puisées dans la production
anglo-saxonne et les traduire en concepts français... Les économistes
français les plus estimés sont les plus malhonnêtes
(the most fraudulent economic scientists). La Recherche économique
des pays latins est ruinée par le dilettantisme, les effets de
plume, et ne survit que par la pratique éhontée de la
contrebande intellectuelle... ».
Que penser alors lorsque le Président de la République
nous dit que M. Raymond Barre est le meilleur économiste français
?
***
Depuis la guerre du Kippour et l’augmentation du prix
du pétrole, il est de bon ton de déclarer que l’abondance
n’est pas possible pour tout le monde, que la famine menace, etc...
Or, lors d’une récente conférence de nutritionnistes qui
s’est tenue début décembre à Philadelphie, le Dr
TIMMER (Université de Cornell) a déclaré : «
A l’heure actuelle le monde produit de quoi fournir à chaque
individu 65 grammes de protéines et 3 000 calories par jour.
Malgré cela, un demi milliard d’êtres humains meurent de
faim ou sont sous-alimentés ». Ce qui montre bien, selon
le Dr Timmer, que ce sont les insuffisances de la distribution plutôt
que celles de la production qui sont à l’origine du mal.
C’est ce que nous disons depuis fort longtemps.
***
Une proposition à retenir, celle du professeur
ANGELOPOULOS, gouverneur de la Banque Nationale de Grèce qui,
dans son livre « Pour une nouvelle politique du développement
international », suggère que les pays industrialisés
mobilisent les capitaux non investis et utilisent une partie des énormes
crédits militaires mondiaux (300 milliards de dollars) pour élever
leurs productions afin de satisfaire les innombrables besoins des pays
du Tiers-Monde.
Nous ne pouvons qu’applaudir à l’énoncé de ce programme
dont l’application signifierait l’abandon de la notion de Profit.
***
Un moyen original pour créer des emplois :
construire des autoroutes à péage !
C’est en substance l’argumentation que développe M. PONTON, Ingénieur
Général des Ponts et Chaussées et Directeur Général
de la Société concessionnaire de l’Autoroute Esterel-Côte
d’Azur (tiens, il cumule deux emplois ce monsieur !) pour défendre
la perception d’un péage sur l’autoroute de contournement de
Nice qui amènera la création d’une quarantaine d’emplois
de receveurs. Voilà bien un exemple d’application fidèle
des consignes du gouvernement : il faut créer des emplois... à
tout prix.
***
La C.F.D.T. sur la bonne voie ? Oui, car si l’on en croit M. J. CHEREQUES, secrétaire général de la Fédération des Métaux de la C.F.D.T., le premier objectif à atteindre en 1977 est la réduction massive de la durée du travail pour accroître l’emploi. M. Chérèques a notamment déclaré : « Nous voulons briser l’idée que la diminution de la durée du travail est anti-économique et malthusienne ».
(Décembre 1976).
***
UN EXEMPLE A SUIVRE
Le Conseil Général du Val- d’Oise informe, par voie d’affiche, que les personnes âgées de 65 ans et plus peuvent désormais voyager gratuitement sur le réseau d’autocar du département et, en outre, bénéficier d’une réduction de 50 % dans le réseau S.N.C.F. de la banlieue parisienne ainsi que dans le métro parisien.
***
Si l’on en croit F.H. de Virieu, les économistes
du Parti Socialistes viennent de retarder la date du colloque qu’ils
préparaient sur la politique industrielle qu’il conviendra de
mener en France, secteur par secteur, lorsque la gauche sera au pouvoir,
parce que leurs premiers travaux font apparaître que toute remise
en ordre de l’industrie, toute adaptation de celle-ci aux exigences
de l’intérêt général et aux critères
d’une modernisation « raisonnable » débouchent sur
des suppressions d’emplois et donc une aggravation dramatique du chômage.
Nous sommes heureux de voir que nos camarades du P.S. découvrent
enfin que le progrès technologique supprime des emplois. Il ne
nous reste plus qu’à les convaincre que ça n’a rien de
dramatique... à condition qu’ils veuillent effectivement changer
de type de société. Nous avons beaucoup de suggestions
à leur faire pour cela... et nous ne leur en voudrons pas d’avoir
pris nos idées.
***
Malgré les succès croissants de l’industrie allemande, le taux du chômage en Allemagne Fédérale, est passé en novembre dernier de 4,3 à 4,8 % de la population active.
Etranger
[1] Le Docteur Malthus vient de recevoir un nouveau démenti
du Conseil International du Blé. En effet , la production mondiale
de cette céréale pour la campagne 1976-1977 va dépasser
les 400 millions de tonnes, soit une augmentation de 10 % par rapport
au record de 1973. Ce progrès considérable est dû
à un accroissement des rendements et des surfaces cultivées
ainsi qu’à l’introduction de nouvelles variétés
de blé dans les zones tropicales. Partout dans le monde, à
l’exception de l’Europe, des Etats-Unis et de l’Australie, la récolte
de cette année a été très bonne et il est
prévu que la prochaine le sera également.
Entre 1949 et 1976, la production mondiale de blé est passée
de 160 millions à 410 millions de tonnes. Dans le même
temps, la population mondiale a crû de 2,4 milliards à
4 milliards d’humains. La production de blé augmente donc plus
rapidement que la population. Comme les autres céréales
et la viande suivent une évolution parallèle, le spectre
de la famine paraît donc écarté.
Bien sûr, devant cette abondance, les prix mondiaux ont baissé
cette année. Aux Etats-Unis, la baisse atteint près de
25 % et le blé s’y vend un peu moins cher que le maïs. C’est
donc un désastre pour les producteurs dont les profits diminuent
et qui demandent l’aide du gouvernement fédéral. Déjà,
pour soutenir les cours, les gouvernements des Etats-Unis, de l’Australie
et du Canada avaient diminué les surfaces cultivées en
blé et contingenté la production dès 1969, engendrant
ainsi la rareté selon la recette traditionnelle.
Les excédents de céréales pourraient pourtant servir
à nourrir les animaux dont la chair serait sans doute plus savoureuse.
Mais les cours fixés en Europe par la Politique Agricole Commune
pour sauvegarder les revenus des agriculteurs sont si hauts qu’ils découragent
les éleveurs, et la part des céréales dans la ration
alimentaire du bétail ne cesse de décroître.
Toutes ces données montrent bien l’embarras dans lequel l’abondance
place l’économie de marché. Seule l’Economie Distributive
nous permettra de sortir de ces contradictions en supprimant la nécessité
de soutenir des cours en organisant la rareté.
[1] Titre et données empruntés au « Financial Times » de décembre 1976.
1976 s’est achevée dans la morosité
générale la majorité se déchire et cherche
une fois de plus un sauveur pour la France ; à juste titre les
salariés n’acceptent pas le gel de leur pouvoir d’achat ; les
patrons ne croient plus à la reprise et regardent mélancoliquement
baisser leurs carnets de commandes ; les licenciements se multiplient
et le gouvernement en admet maintenant la nécessité...
Quant à nos distingués économistes, ils ne trouvent
pas d’explications satisfaisantes, ni, a fortiori, de remède
à la « crise » que nous traversons. Ils sont en plein
désarroi, témoin P. Drouin, qui dans un récent
article du « Monde », s’interroge sur les causes du chômage
: K Parmi les curiosités, écrit-il, d’une crise polymorphe,
il y a celle, bien connue maintenant, de l’incapacité des économies
qui croissent, même à bonne allure, de fournir suffisamment
d’emplois à ceux qui en demandent ». Montrant que ni les
adeptes de M. Rueff, ni les « Keynesiens » ne peuvent donner
d’explication très satisfaisante à cette évolution,
P. Drouin en vient même à se demander si c’est le niveau
des investissements qui commande l’emploi.
-Pour nous qui connaissons les thèses de Jacques Duboin, les
choses sont claires depuis fort longtemps et nous pouvons même
affirmer que plus l’investissement croît et plus l’emploi diminue.
Pourquoi investit-on, en effet ?
Pour moderniser une usine ou pour créer de nouvelles entreprises.
Or, moderniser une usine, ça veut dire acquérir des machines
de plus en plus automatisées, qui, pour un moindre coût,
produisent plus, avec moins de main-d’oeuvre.
Investir pour créer de nouvelles usines ? Pour produire plus
?.. Pourquoi, puisqu’on s’efforce par tous les moyens de freiner la
consommation et que les usines existantes ne tournent qu’à 70
% de leur capacité normale de production ?
Malgré cette évidence aveuglante, on constate que sous
prétexte de lutter contre l’inflation, l’objectif de tous les
plans des pays industrialisés est de favoriser les entreprises
au détriment des consommateurs. C’est ainsi que le plan Barre
a pour but principal de comprimer la demande intérieure en instaurant
des impôts supplémentaires (sur le revenu, l’essence, les
bénéfices, la vignette, l’alcool, etc.) en essayant de
bloquer le pouvoir d’achat en 1977, en freinant les dépenses
publiques d’équipement, en resserrant le crédit, etc...
On demande donc aux industriels d’investir pour produire plus et aux
consommateurs de consommer moins. Même le meilleur économiste
français devrait comprendre que c’est contradictoire !
Mais où avais-je la tête ?
J’oubliais la panacée universelle : l’exportation. Il faut produire
plus, pour exporter davantage. Oui, mais c’est justement ce que veulent
faire tous les pays industrialisés. Et cela ne va pas sans problèmes
: la C.E.E. demande au Japon de réduire ses exportations d’acier,
les producteurs de chaussures des U.S.A. demandent l’arrêt des
importations, qui « coûtent » 26 000 emplois aux ouvriers
américains, etc... Restent, bien sûr, les pays du TiersMonde
dont les besoins sont immenses mais dont l’endettement global (150 milliards
de dollars) est tel qu’ils demandent un moratoire voire même des
annulations de dettes. Exporter vers ces pays n’est donc ni sûr
ni rentable.
Continuer à investir dans de telles conditions demande un sérieux
optimisme.
Les chefs d’entreprises n’étant pas des philantropes, il n’y
a donc rien d’étonnant à ce que, même pendant la
récente et éphémère « reprise économique
», l’investissement soit resté à un niveau assez
bas, car en économie Capitaliste continuer à investir
c’est tuer le profit.
Par contre en économie Distributive, investir c’est libérer
de plus en plus l’Homme du Travail.
1977 va voir s’exacerber les contradictions du capitalisme et, par la
force des choses, un plus grand nombre de gens seront amenés
à s’interroger sur la validité des doctrines économiques
classiques. Il nous appartient donc à tous de faire un gros effort
de propagande pour faire connaître et admettre les thèses
de J. Duboin qui peuvent, seules, nous éviter le pire.
« Dans notre société de consommation,
le nombre des vols augmente parallèlement au nombre de choses
à voler. »
Je relève cette phrase dans « HEBDO de Grenoble »
du 13 novembre 1976, en un article sur la criminalité.
J’accuse la publicité d’inciter à commettre le vol de
ces choses !
La publicité, envahissante, agressive, force le public à
vouloir posséder, coûte que coûte, des objets souvent
inutiles. On les achète sans discernement suffisant, sous la
pression morale de tentations savamment provoquées qui prennent
admirablement des formes multiples et variées.
Est particulièrement odieuse la publicité qui s’adresse
aux jeunes et pis encore celle qui viole la naïveté enfantine.
Les chourineurs modernes des mass-média exploitent à fond
le candide sourire de l’enfant qui sollicite de sa maman l’acquisition
de l’objet de ses rêves conditionnés. Les parents se privent
de l’essentiel pour satisfaire la soif d’inutile qui tourmente les gosses.
Avec son implacable logique, le jeune se dit : « Pourquoi n’ai-je
pas ce que tout le monde doit posséder ? La publicité
l’affirme.
Un provocateur au-dessus de tous soupçons.
Cette publicité omniprésente est plus
malhonnête que le vol qu’elle engendre car ce vol est punissable,
alors qu’elle jouit de l’impunité. On détrousse plus facilement
au coin des lois, qu’au coin des bois, disait-on jadis.
Les parents ont à peine les ressources pour faire face à
leurs dépenses élémentaires. Malgré cela,
le Moloch moderniste, monstre malfaisant, exige les sacrifices de son
culte et extorque, au nom de l’amour de l’enfant.
Mais si des parents ont la rare volonté de dire Non ?
Quelle autre solution choisiront les jeunes ? Ils affronteront les sarcasmes
de leurs camarades « Tes vieux ? Des demeurés, des épaves,
des pauv’ mecs, etc. ». Ces adolescents se replieront sur eux-
mêmes, passifs, frustrés. Ou bien, actifs, ils voleront
cette marchandise, dont il y a tant, disait Jacques Duboin, qu’on l’étale
sur les trottoirs. Comment ce qui est si abondant peut-il avoir une
valeur ? Si l’on subtilise une goutte d’eau dans cet océan d’objets
à vendre, le niveau de cette mer ne baissera pas. Mais la Société
vigilante condamnera celui qui a osé ne pas payer.
Il y a dans tout publicitaire un provocateur au vol, soit conscient
soit inconscient, en tous cas un réel facteur de délinquance
juvénile.
Le voleur de bicyclette.
Il y a peut-être un autre aspect du désarroi
de la jeunesse dans notre société de profit. Une anecdote
: Un jeune garçon économise pendant 2 ans en déposant
régulièrement à la Caisse d’Epargne. Son ambition
est d’acquérir l’outil de travail de Poulidor. Lorsque la somme
prévue est atteinte, ses parents lui retirent intérêt
et principal qu’il donne illico au marchand de cycles. Il revient à
pied chez lui, portant un cadre sur l’épaule. Les roues manquent,
car pendant que le garçonnet économisait, l’érosion
monétaire majorait les prix de 25 %.
Que peut penser un enfant du sérieux d’une, Institution qui,
en 24 mois de privation et d’espérance, ampute deux roues à
une bicyclette ? Du vol !
Les diaboliques.
Ce ne sont pas seulement les gens de gouvernement
qui font cette société dite de consommation pour les uns,
et surtout de consomption pour les autres, mais tous ceux qui, par leur
pouvoir, leur situation, leurs moyens financiers, disposent des rouages
essentiels. Devant si peu de morale de la part de ces êtres humains
respectables, puisque riches, les jeunes, ni plus ni moins courageux
ou chevaleresques que ceux des générations précédentes,
comprennent l’inanité d’attaquer ces grosses entreprises bien
défendues par des polices privées ou d’Etat, la Justice
et ses hommes dits de loi. Ils se sentent rejetés.
Si notre société veut des jeunes meilleurs, qu’elle commence
par s’amender, par ne plus tromper les enfants et les adolescents à
l’aide d’une publicité exploiteuse. La publicité est déjà
superflue pour le consommateur adulte, car elle ne le renseigne pas,
comme on le prétend, mais, toujours, l’abuse. La publicité
est, de nature, invariablement et inévitablement trompeuse, enjoleuse,
menteuse, dans ses termes comme dans ses résultats.
Mettons la publicité au banc d’accusation.
La première fois que Jacques Duboin prononça,
dans un Congrès, le mot « Socialisme », il fut accueilli
par un « Ah » enthousiaste.
Presque en s’excusant il répondit : « C’est que je viens
de loin ».
Il venait peut-être de loin, puisque Républicain de gauche
avec Caillaux, lorsqu’il devint ministre. Mais il était depuis
longtemps socialiste, dans le sens où il l’entendait, et, la
longue marche qui l’a conduit à l’affirmer, c’est à ses
interlocuteurs qu’il voulut la faire accomplir.
Déjà comme député il avait eu beaucoup de
mal à se faire entendre par les dirigeants de son propre parti.
« - Est-ce qu’on t’a demandé cela dans ta circonscription
» lui rétorquait-on chaque fois qu’il voulait engager le
fer. - Non évidemment puisque sa circonscription, comme toutes
les autres, n’était peuplée que d’électeurs au
« crâne bourré » de vieilles romances.
Devenu promoteur d’une nouvelle philosophie sociale et fort d’une expérience
politique enrichissante, il comprit vite qu’il fallait savoir doser
ses effets pour parvenir à débourrer efficacement les
crânes de ses contemporains.
Il fallait en 1932, alors que tous les esprits étaient traumatisés
par le chômage, prôner le « Droit au Travail »
pour avoir une certaine audience.
Les idées faisant leur chemin, influencées par les vieilles
écoles à la peau dure, force était plus tard de
se laisser accoler l’étiquette socialiste. Tout le monde en était,
même Hitler avec son national-socialisme.
Cependant dès 1944 Duboin peut préciser que son socialisme
est celui de l’abondance et non celui de la rareté.
Tel est l’invariable slogan des Grandes Centrales
Syndicales.
Restons braqués sur l’emploi peau de chagrin, c’est sage, c’est
simplissimus, donc c’est sain. Ne cherchons pas d’autre issue, il faudrait
réfléchir, analyser, ça fatiguerait la tête.
Et, si nous trouvions autre chose, quel branle-bas ! Ne nous laissons
pas entraîner sur la pente savonneuse de la révolution
technique, faisons l’autruche. Nos lois économico- sociales ont
été pensées à l’apparition de la lampe à
pétrole une fois pour toutes.
Nos ancêtres ont travaillé, nos grands-pères ont
travaillé, nos pères ont travaillé, nous, nous
voulons du travail...
La compétence syndicale ne peut être en défaut PLEIN
EMPLOI recommande-t-elle, plein d’emplois répétons-nous.
Nous vivons du travail, nos fils vivront du travail, leurs enfants vivront
du travail. Oui, le travail à perpétuité c’est
l’idéal, c’est la libération, susurrent les augures syndicaux,
s’inspirant révolutionnairement des prophètes de l’âge
de la houe qui allaient clamant, aux hommes en lutte contre l’ingrate
nature : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front
» !
- Que manges-tu travailleur ? Du travail, ou du pain, du lait, des fruits,
de la viande
- De quoi t’habilles-tu ? De travail ou de vêtements, de laine,
de tergal ?
- Où loges-tu ? Tu te tiens devant ta machine jour et nuit, ou
tu habites dans une maison créée pour toi et les tiens ?
Les nouvelles techniques de production t’offrent tout cela, en refusant
toujours un peu plus ton concours.
Tes efforts passés, tes efforts de chaque jour ont tous tendu
à créer, perfectionner ces techniques qui te relèvent
de ta tâche et t’apportent les biens que tu convoites. A présent
que tes efforts portent leur fruit, que s’offrent à toi loisirs
et bien-être, tu doutes, tant ton attente fut longue, tu chancelles,
tant ton espoir fut fervent.
Nous arrivons, nous entrons dans une nouvelle ère. Désormais
nous aurons toujours moins de travail et toujours plus de biens à
notre disposition. C’est notre conquête à tous, le couronnement
de nos efforts.
N’écoutons pas les augures - prophètes noyés dans
l’exégèse politico-idéologique qui nous aveuglent,
nous neutralisent par l’énormité de revendications d’un
autre âge, de l’âge pré-industriel.
Prenons fermement pied sur terre. Nous n’allons pas accepter cette condamnation
aux travaux forcés inutiles à perpétuité,
sous le prétexte que cet artifice comptable, imaginé par
le capitalisme pour sauvegarder sa raison d’être : LE PROFIT,
est la solution paresseuse ? Ce serait une démission et une stupidité.
Démission après la longue lutte pour notre libération
matérielle et sociale, des générations qui nous
ont précédés ; stupidité, car le palliatif
comptable des revenus dégagés par une production nuisible
est dangereux, et précaire par la dévaluation constante
de la monnaie qu’il entraîne, par son incapacité à
assurer durablement du travail : 1 MILLION 500 MILLE CHOMEURS avoués
malgré une production « exemplaire » d’armements.
Les Commissions d’Etudes, les Conseils Economiques des Grandes Centrales
ne se sont jamais appliqués à dégager l’impact
irréversible qu’a le progrès des techniques de production
sur l’emploi de la main d’oeuvre. C’est trop simpliste.
L’assaut du machinisme, de l’automatisme, aujourd’hui de l’ordinateur
libérant l’homme du travail, lui apportant produits et biens
pratiquement sans son intervention, est « tabou » pour ces
institutions.
Nos démarches auprès de toutes les Fédérations
syndicales - dans les années 50 - sur l’incidence primordiale
de l’élimination du travail humain par la mécanisation
et l’automation naissante, restèrent lettre morte.
Depuis, 25 années de progrès accélérés
se sont écoulées, et le slogan reste : « PLEIN EMPLOI
».
Cependant, malgré cette application au silence, l’évolution
technique se poursuit, le chômage s’accroît irrémédiablement.
« Il est à la mesure du progrès technique »
écrivait Jacques Duboin dès les années 30.
L’accès aux biens et aux services, pour des millions d’individus
(chômeurs et leurs familles), est désormais dépendant
de secours sociaux. Doit- on sous le prétexte de « PLEIN
EMPLOI ». s’axer sur des productions inutiles ou nuisibles telles
que des milliers de milliards d’armements qui risquent, un jour, d’être
utilisés à notre propre anéantissement. Ou bien
doit-on revendiquer : LE SALAIRE GARANT[ pour tous, prélude au
REVENU SOCIAL que nécessite la production technicienne avancée ?
Le climat d’insécurité sous toutes ses
formes, des moins graves aux plus abjectes, nous submerge.
Ne pensez-vous pas qu’il y a quelque chose de troublant à constater
que cette épidémie de perversion et d’agression atteint
l’ensemble des Etats de la Planète ?
On s’aperçoit, par une analyse logique des réalités,
que tous les régimes qui sévissent dans le monde, sans
exception, imposent à leurs administrés d’assurer leurs
moyens d’existence par l’« accumulation monétaire »,
acquise par leur participation au travail de production des biens mis
à leur disposition.
Cette condition est l’unique moyen de survie. De ce fait elle est pour
l’individu, et aussi pour les collectivités, le souci primordial,
inspirant le déchaînement des passions, de la concurrence
impitoyable, des pires excès.
On en arrive au bout de la chaîne au déchaînement
de cette calamité endémique qu’est la guerre.
La presse se fait l’écho d’une nouvelle épidémie
de suicides qui s’abat sur les commerçants menacés de
contrôles fiscaux.
Ne se suicident évidemment que les faibles, ceux qui ne sont
pas assez cuirassés pour résister aux sanctions ou se
défendre à armes égales contre des spécialistes
de la finance, des scrutateurs avertis des questions comptables et du
code des impôts.
Les avis sont partagés. Les uns prennent le parti des contrôleurs
et estiment les contrôles nécessaires pour lutter contre
la fraude, les autres prétendent s’opposer à ces contrôles
qu’ils trouvent inhumains.
Personne ne met en cause la légitimité de l’impôt
lui-même mais sa forme actuelle, la plus pernicieuse qui soit
et la plus sournoise : la forme déclarative.
C’est, sous cette forme, un affreux piège à nigauds, une
chausse-trappe ignoble, une incitation pernicieuse à la fraude
dans le but évident d’arrondir les recettes budgétaires
sur le dos des naïfs en difficultés financières perdant
la tête dans le maquis inextricable des lois, décrets et
règlements draconiens que-seuls les malins et les puissants peuvent
déjouer grâce au concours onéreux de leurs conseillers
fiscaux.
Comme la souris alléchée par le beau morceau de fromage
qui déclanchera le piège meurtrier, les commerçants,
en butte à la mévente, aux rentrées d’argent difficiles,
aux intérêts bancaires exorbitants, aux charges écrasantes
assorties de coûteuses pénalités de retard, guettés
par la faillite et le chômage, sont quelquefois tentés
de retarder l’échéance de l’impôt par des déclarations
fantaisistes. Ce faux pas, ils le payent chèrement lorsqu’ils
sont contrôlés au point de se sentir acculés à
la misère la plus noire. Certains préfèrent alors
se supprimer plutôt que d’endurer un calvaire qu’ils connaissent
peut-être déjà et dont ils se sont crus un moment
délivrés.
II faut absolument mettre un, terme à cette guerre froide à
retardement et la seule issue humaine c’est de supprimer les impôts
sous la forme déclarative.
Cette suppression, seule l’économie distributive peut la réaliser.