Le site est passé à sa troisième version.
N'hésitez-pas à nous transmettre vos commentaires !
Merci de mettre à jour vos liens.
Si vous n'êtes pas transferé automatiquement dans 7 secondes, svp cliquez ici
Adieu, sans regret, à cette année 1976
! Elle aura été surtout celle qui a vu s’éteindre
celui qui nous apporta tant de lumière. A sa mort, se manifestèrent
une foule de vieux amis, reconnaissants et fidèles du fond du
coeur, touchés comme par la perte d’un père. Pour nous,
ses proches, qui avions eu tant de désespoir à le voir
irrémédiablement décliner depuis ce jour fatal
de septembre 1974 où il fallut l’hospitaliser pour la pose d’un
stimulateur cardiaque, cette ferveur renforça notre conviction
qu’une oeuvre comme la sienne ne devait pas mourir avec lui.
C’est pourquoi, suivant sa volonté, nous avons entrepris, contre
vents et marées, de rassembler ceux qui ont bien compris son
enseignement et veulent aider à diffuser son humanisme.
Nous ne retiendrons que le bon côté de la polémique
de cet été, qui, je l’espère, peut enfin être
considérée comme éteinte. Elle a suscité
une levée de masse pour nous aider à relancer le journal.
Une grande majorité des abonnés s’est manifestée,
prêts à collaborer, à nous encourager, et, puisqu’il
le fallait bien, à participer au financement. Lecteurs, vous
avez été tellement formidables que la propagande repart
: l’un d’entre vous vient à lui seul de faire d’un seul coup
quatorze nouveaux abonnés. Qui dit mieux ? Les enchères
sont ouvertes et si vous suivez tous cet exemple, nous franchirons bientôt
le mur du silence !
Le droit à la parole étant rétabli, la discussion
collective s’amorce. La méthode d’analyse des faits économiques
de J. Duboin, appliquée à la crise actuelle par J. Le
Morvan, éveille la réflexion des lecteurs. Ils découvrent
que le capitalisme a changé ses batteries depuis 1929 : pour
ne plus avoir à détruire l’abondance, il organise l’austérité...
pour les travailleurs (voir par exemple dans le « Fil des jours
» le plan « anti-crise » de la CEE sur la sidérurgie).
Voici un sujet tout trouvé pour ceux qui envisagent de provoquer
des réunions de discussion autour d’un thème. En voici
un autre : « égalité économique tout de suite
ou par étapes ? » qu’a soulevé M. Dubois et que
reprend aujourd’hui J. Mermende.
Nous voici donc bien repartis pour que l’année qui vient voie
grossir nos rangs et, partant, se répandre nos thèses.
Au passage nous allons retrouver l’atmosphère de joie factice
à laquelle la publicité nous contraint. Qui est capable
de refuser un n ème jouet à son rejeton sans se sentir
un bourreau d’enfants ? Et tous les moyens sont bons pour pousser les
gosses à réclamer. La dernière trouvaille d’un
grand magasin de Troyes (la COOP) est d’exposer dans des cages exigues,
dans une atmosphère étouffante, de malheureux animaux
qu’on appelle sauvages, tout cela pour mieux attirer les enfants. Cette
année, un jeune éléphanteau, dont la photo orne
pour cela les murs de la ville, doit sacrifier son épanouissement
pour mieux contraindre les parents troyens à acheter. Quelle
honte !
En relisant J. Duboin
En 1937, Jacques Duboin publiait, sous le titre «
Libération », un livre dense d’informations et de réflexion.
Les pays capitalistes, tant américains qu’européens, venaient
d’être fortement éprouvés par la crise, dite de
« surproduction », des « années 30 »,
commencée en 1929.
« Les magasins sont pleins et les porte-monnaie sont vides »,
disait alors Jacques Duboin Cette constatation ne lui cachait pas le
caractère fondamentalement malthusien du régime capitaliste.
Celui-ci s’était laissé surprendre par le progrès
rapide des sciences et des techniques de production. Son malthusianisme
avait été submergé par l’abondance. La leçon
ne fut pas perdue.
A aucun moment, Jacques Duboin qui depuis des années disait et
écrivait que l’économie capitaliste repose sur la rareté
des biens, ne fut troublé. Il voyait dans les « crises
cycliques » et dans la plus violente de toutes, celle de 1929
et des années suivantes, la confirmation de sa position sociologique
: la vieille économie de la Rareté était bousculée
par la nouvelle et naissante économie, celle de l’Abondance.
Cette crise sonnait le premier glas de la société du Profit.
Il faut relire « Libération ». Détachons-en
les pages 42 et 43 dont la lecture sera particulièrement utile
à ceux qui s’imaginent que les dirigeants du régime de
l’Argent n’ont pas appris à combattre l’Abondance et qu’il y
a encore « surproduction »
« La rareté est inséparable de l’intérêt
particulier dans le régime des échanges. Pourquoi tel
producteur a-t-il intérêt à ce que ses produits
soient rares ? Tout simplement parce que, plus ils sont rares, plus
ceux qu’il fabrique ou qu’il vend ont de la valeur. Et comme lui-même
est soumis à la loi de l’échange, il est clair que plus
ce qu’il possède aura de la valeur, plus il pourra, en échange,
se procurer de richesses. C’est le souci de la rareté qui est
à la base des trusts, des ententes industrielles, des comptoirs
de vente, des contingents d’exportation ou d’importation. C’est ce même
souci qui, sous le nom d’assainissement des marchés, fait disparaître
des produits, afin de les raréfier et d’en augmenter la valeur
pour leurs producteurs ; c’est ce même souci qui pousse à
des limitations de production, comme pour les céréales,
la vigne, les betteraves, etc... ; c’est ce souci qui inspire tous les
efforts de valorisations, qui ne sont qu’une lutte contre une abondance
qui viendrait paralyser les échanges...
« Il est facile de découvrir que tout régime basé
sur l’échange ne peut être définitif, car il porte
en lui-même le germe qui le condamne un jour à disparaître
».
Jacques Duboin écrivait ces lignes en 1935 alors que la France
sortait à peine de sa propre crise de « surproduction ».
Devenus, enfin ! attentifs aux recommandations de l’économiste
britannique John Maynard Keynes, les responsables de la politique française
doublèrent les destructions des « excédents »
alimentaires et les mesures malthusiennes par le développement
des travaux publics et des fabrications d’armements qui permettent de
distribuer des revenus sans surcharger le marché de produits
à vendre.
Cette politique permit au capitalisme de gagner un répit d’une
quarantaine d’années mais, vers 1969, une nouvelle crise prit
le relais ; ce n’était plus une crise de « surproduction
» mais une crise monétaire, inflationniste.
Jacques Duboin avait eu raison de considérer la crise de 1929
non pas comme une crise prenant place dans la série des crises
« cycliques » de surproduction, mais comme la dernière
de ces crises et comme étant essentiellement une crise de régime.
Il avait même prévu dès 1961, dans sa brochure intitulée
« Pourquoi manquons-nous de crédits ? », la crise
inflationniste qui secoue aujourd’hui l’ensemble des pays capitalistes
développés.
Cette fois nous sommes bien en face d’une crise de régime et,
parmi tous les économistes et financiers de ce régime,
il n’y en a aucun qui soit en mesure de la surmonter. C’est qu’elle
n’est plus surmontable en économie marchande et qu’aucun d’eux
ne peut envisager de sortir de l’économie du Profit.
En ce qui nous concerne, nous n’avons plus devant nous des années
et des années pour convaincre nos concitoyens de la nécessité
de sortir du régime capitaliste. Ce n’est plus l’heure de nous
soucier de susceptibilités bourgeoises. Ce n’est plus l’heure
de proposer une lente évolution vers l’économie distributive
car c’est tout de suite qu’elle est applicable et nécessaire.
Nous devons faire comprendre à tous que si nos solutions économiques
et sociales ne sont pas rapidement appliquées, l’inflation et
le chômage demeureront les plaies constantes du régime
et que celui-ci, incapable de poursuivre l’expansion économique,
ne pourra se survivre qu’en nous imposant l’austérité
par des mesures dictatoriales.
« La France fera face » (Le Premier ministre).
En clair : les Français paieront la note, c’est-àdire
vous et moi, avec en prime les multiples désagréments
de coupures de courant intempestives et prolongées, pouvant dans
certains cas être dramatiques (hôpitaux, cliniques, etc...).
La projection à la T.V. du « Jour le plus long »
contraignit E.D.F. à imposer en Bretagne, « La nuit la
plus noire ». Même attraction la semaine suivante pour une
autre région.
Revanche et triomphe des technocrates du Kilowatt !
ENERGIE ET RENTABILITE
« Vous voyez bien qu’on ne peut assurer l’alimentation
du réseau français sans la construction et dare-dare de
centrales atomiques. On n’a que trop tardé, par la faute de ces
farfelus, de ces ignorants qui s’efforcent d’ameuter des sots, car l’atome
« pacifique » est sans danger, nous l’affirmons solennellement.
» (le D.G. d’E.D.F. et le directeur du C.E.A.... conjoints !).
Tiens donc ! sauf quand un « accident » se produit (les
journaux de France, d’Angleterre, des U.S.A., de Suède, du Canada).
Et les déchets ? Qu’en faire ? Immergés ou enterrés,
il faudrait enfin réaliser qu’ils restent sur notre planète,
et demeurent dangereux pour des milliers d’années. Joli cadeau
à faire à nos enfants ! Les vôtres aussi, Messieurs,
seront dans le coup !
« Bof ! les journalistes, c’est bien connu, ignorent tout de ce
dont ils parlent, de toutes façons, il faut maintenant y passer,
alors silence dans les rangs ! ».
Eh bien justement non ! Le citoyen-contribuable est en droit de se poser
des questions.
1° Pourquoi les gouvernements successifs ont- ils laissé
se développer aussi intensément les centrales à
fuel ? Parce que le pétrole était bon marché, répondent-ils.
Cette situation était cependant susceptible de changer ! La preuve
! Gouverner, m’a-ton appris, c’est prévoir. - Non, blablater
!
2° Pourquoi avoir toléré et même encouragé
la fermeture des mines, où il y a des centaines de millions de
tonnes qui peuvent en être encore extraites ? Et là où
ce n’est plus possible, la combustion du charbon dans le sous-sol même,
permet la production de gaz. Cela se fait bien en U.R.S.S. Pourquoi
ne pas avoir appliqué ce procédé chez nous ?
3° Pourquoi avoir ralenti à l’extrême la construction
de centrales hydrauliques ? Pourquoi n’avoir pas, là où
c’est possible, accéléré l’installation de micro-centrales
automatiques ? Et les usines marémotrices ? C’est fini ? Bien
trop chères, répond-on. Et la ligne Maginot, c’était
le père Noël ? Et le mur de l’Atlantique, c’était
gratuit ?
LES AUTRES SOURCES D’ENERGIE
On pourrait aujourd’hui, sans plus d’efforts, compte
tenu des techniques et moyens dont nous disposons, entreprendre enfin
le barrage de la baie du Mont Saint-Michel. Ving-cinq milliards de kwh
! Une paille ! De quoi réduire la facture des importations. Même
si cela doit faire de la peine à tous ceux qui, du puits à
la pompe, s’engraissent... sans se tacher !
Et pourquoi nos responsables politiques oublient- ils ces deux sources
d’énergie, inépuisables autant que gratuites : le vent
et le soleil ? Mais on ne s’y intéressera vraiment que le jour
où l’on aura trouvé le moyen de faire payer leur utilisation.
Tous les espoirs seront alors permis. Imaginons un compteur de calories
solaires dans chaque deux-pièces-cuisine. Quelle affaire ! Réussir
à faire payer les courants d’air ! Quelle trouvaille ! Quelle
source de bénéfice !
ANTICIPATION
Poussant plus loin les recherches, quel pactole serait
la mise au point, par les puissants laboratoires de la N.E.Z.A., d’un
micro compteur qui permettrait de facturer notre respiration ! Il ne
resterait plus qu’à en confier l’exploitation à la tentaculaire
I.T.N.B. (International Trou du Nez Business) avec ristourne possible
pour ceux qui consentiraient à évacuer dans les réservoirs
de la nouvelle géante l’I.T.T.CONS (International Trust and Trouduc
Consortium) le méthane s’échappant par l’autre extrémité
de la tuyauterie !
Cette prodigieuse source de gaz naturel nous libérerait du chantage
au pétrole. L’humanité serait alors sauvée, et
plus important encore, le capitalisme aussi ! Fini le spectre du chômage
! Que d’emplois créés pour la mise en place. Que de releveurs
de compteur, de contrôleurs fiscaux embauchés ! Quelle
nouvelle richesse ! Quels magnifiques profits ! L’âge d’or, quoi...
Oui, mais... comment financer ce formidable investissement ? Où
trouver tant d’argent ? Elémentaire, cher Watson. Les D.T.S. (Droits
de Tirages Spéciaux) dernier cri de la technique monétaire
sont tout indiqués. Puisque c’est aussi du vent !
LE GASPILLAGE DE L’ELECTRICITE
Aujourd’hui, étant donné le développement
atteint par l’ensemble de nos moyens de production, il est peu probable
que notre consommation d’électricité continue à
doubler tous les dix ans comme on le prétend. Cela doit ressortir
clairement des études de prospective faites par E.D.F.
Tiens ! Une fois encore coïncidence bizarre. C’est peut-être
la raison pour laquelle nous assistons depuis quelques années
à une campagne publicitaire intense pour le « Tout électrique
». On vient, provisoirement, par décence, tout de même,
d’y mettre une sourdine, mais elle se poursuit de bouche à oreille,
des agents d’E.D.F. aux abonnés présents ou futurs. Si
au point de vue « confort », c’est l’idéal, au point
de vue énergétique c’est parfaitement lamentable !
L’électricité est une forme haute d’énergie. Elle
se transporte facilement, se transforme facilement et avec un grand
rendement en énergie mécanique. La dégrader en
chaleur, forme basse de l’énergie, est un gaspillage éhonté
dans les circonstances actuelles. C’est un peu comme si, sous prétexte
de confort et d’énergie, on décidait d’importer des Rolls
Royce pour transporter les ordures ménagères.
La comparaison est peut-être un peu poussée, mais voyons
de plus près. Sur cent calories dégagées par la
combustion d’un certain poids de fuel dans la chaudière de votre
immeuble ou de votre pavillon, soixante-dix assurent votre chauffage,
et trente partent par la cheminée. Rendement d’une telle installation
: 70 %. Dans une centrale électrique, dont les chaudières
sont techniquement mieux adaptées et mieux conduites, vingt calories
seulement sont perdues. Le reste, quatre-vingts, produit de la vapeur
qui actionne une turbine, laquelle entraîne un alternateur, qui
débite dans un transformateur lequel alimente une ligne de transport
qui alimente un transformateur, puis un ou deux autres qui alimentent
enfin votre radiateur, lequel avec un rendement intrinsèque de
100 % ne restitue cependant que trente calories. Rendement de l’ensemble
: 30 %. Voilà un confort qui coûte cher à la Nation.
Mais Dieu soit loué, le chiffre d’affaires d’E.D.F. est en augmentation.
En son nom, on réussit à nous faire tout avaler. Et en
celui du « profit », même et surtout des centrales
atomiques. Quel marché en perspective. On était cependant
en droit de penser que les responsables d’un service public aussi important
auraient un comportement bien différent de celui d’un simple
boutiquier. Hélas ! Trois fois hélas comme aimait à
le dire « qui vous savez ». Mais peut-être pensait-il,
ce disant, à tous ceux sur lesquels il fut obligé de s’appuyer
?
LE GASPILLAGE DE L’ESSENCE
Autre gaspillage : la consommation d’essence. On a tellement seriné qu’un homme sans automobile n’était pas digne de son époque, ni même de ce nom, que sur cinq voitures, une seule transporte un passager. Pour aller chercher un paquet de cigarettes, on attèle 50 CV. Quant à la limitation de vitesse !! Vous avez déjà essayé, vous ? Ne pas dépasser les 90 km/heure vous donne droit à un coup d’oeil de commisération de la part de tous les autres conducteurs qui vous doublent allègrement. On fait figure de « demeuré ». En ville, la conduite « pied léger » vous vaut cette fois, invectives et « queues de poisson ». Curieusement l’augmentation du prix de l’essence ne fait qu’aggraver les choses (1). Ils veulent avoir du plaisir pour leur argent, les « champions ». Alors on « écrase le champignon ». On brûle du « coco ». On grille de la « gomme », on « cire » des embrayages. « C’est la vie çà », « çà fait marcher les affaires ». Et pour couronner le tout le maître mot est lâché « çà donne du travail » !!
DONNER DU TRAVAIL
En effet dans ce régime, où l’on produit
abondamment avec de moins en moins de peine à l’aide de machines
et d’automatisures, pour pouvoir consommer, « faut avoir du travail
». Alors allons-y gaîment :
Fabriquons des autos même s’il y en a tellement qu’on ne peut
plus s’en servir.
Fabriquons des engins de mort pour pouvoir vivre.
Construisons des centrales atomiques même si on doit en mourir
à terme.
Faisons la guerre, tas d’hurluberlus, c’est ce qui donne encore le plus
de travail. Dommage qu’on en crève au comptant.
Les hommes paraissent aujourd’hui mettre un point d’honneur à
être sur terre non pour y vivre le mieux possible, mais le plus
stupidement possible !
DE QUOI J’AVAIS L’AIR !
J’évoquais toutes ces choses dernièrement
devant des personnes réputées sérieuses et de «
bonne société », lorsque m’étant tu, attendant
leurs commentaires, je lus sur leurs visages le même étonnement
que celui que doit avoir un phoque découvrant une bicyclette
dans les glaces du pôle ! Puis un sourire condescendant se dessina
sur leurs lèvres pâles, sans un mot. Je réalisais
tout d’un coup, comme le chante le cher Brassens « j’avais l’air
d’un c.., ma mère » !
Tant il est vrai que : quel que soit le milieu, l’éducation et
le niveau d’instruction, la proportion d’imbéciles est une constante.
« En France, on n’a pas de pétrole, mais on a... »
la pléthore d’égoïstes bornés qui en dernière
analyse se comportent comme des « abrutis ». C’est le beau
résultat que la « pub », les « mass media »,
« l’audio-visuel » et les professeurs d’économie
politique ont, après bien des efforts, enfin obtenus.
Mais il reste heureusement une minorité d’esprits ouverts, et
c’est à eux que je m’adresse en leur disant : réfléchissez
un instant et reconnaissez avec moi que notre système des «
salaires-prix- profits », agonisant, dépasse en ridicule
mon « anticipation » et dégage une odeur plus nauséabonde
encore.
Concluons donc ensemble : sans financiers ni affairistes de tous poils,
les hommes cesseraient enfin de marcher sur les mains, et réaliseraient
peut-être qu’elles sont là pour être offertes !
(1) Voici comment se décomposent les F 2,25 d’un litre d’essence, à la pompe : Arabes : F 0,40 ; impôts : F 1,37 ; raffineurs et pompistes : F 0,48.
Sujets de réflexion
Notre camarade Marcel Dubois rappelle, dans le précédent
numéro de cep journal, que, selon Jacques Duboin, « l’économie
distributive comporte un troisième élément, fondamental
dans l’esprit de son créateur : l’égalité économique...
». Considérant la répulsion actuelle, fort généralisée,
à l’égard de cette égalité, Marcel Dubois
se demande s’il ne serait pas opportun de tempérer cette position
« par des étapes facilitant l’adaptation progressive des
mentalités ».
Que nous a donc enseigné Jacques Duboin sur ce point ?
Rouvrons ce livre de base qu’est « Libération ».
Je lis dans la troisième édition publiée en 1937,
page 229 :
« L’économie convenant à l’ère de l’abondance,
dans laquelle nous sommes entrés, doit distribuer tous les produits
créés et doit en produire le plus possible, grâce
à l’équipement dont le pays dispose et grâce au
travail humain encore nécessaire... ».
Vous lisez bien : « convenant à l’ère de l’abondance
». Certes ! nous sommes déjà entrés dans
cette ère mais quant à l’abondance, elle n’y est pas encore
entrée du fait de la lutte constante que lui livre le régime
capitaliste. Et c’est bien là ce que nous explique Jacques Duboin,
à travers son oeuvre tout entière.
A la page 233 du même ouvrage, Jacques Duboin précise sa
pensée comme suit :
« L’égalité économique absolue de tous n’est
pas indispensable à l’économie de l’abondance. Il est
possible de prévoir, surtout dans les débuts, tel ou tel
mode de distribution avantageant, par exemple, l’ancienneté,
les aptitudes, la responsabilité, la collaboration intellectuelle.
En fait, je ne vois pas le critérium dont on pourra se servir,
car l’idée d’abondance hurle d’être accouplée à
celle d’une distribution variant avec les individus, l’abondance excluant
la nécessité de faire des portions... L’idée de
récompenser le labeur fait encore partie de l’ère de la
rareté »... La cause n’est-elle pas entendue ?
Il y a bien des années que de nombreux militants pour l’économie
distributive préconisent, pour une période de transition,
la création d’un double revenu : un revenu social de base, égalitaire,
dont le pouvoir d’achat croîtra en fonction de la production nationale
et un « revenu d’émulation », récompensant
les services rendus à la collectivité mais fixé
une fois pour toutes, c’est-à-dire ne croissant pas avec la production
nationale. Ainsi au fur et à mesure de la marche vers l’abondance,
le rapport du pouvoir d’achat du « revenu d’émulation »
s’amenuisera par rapport à celui du « revenu social de
base ».
Sans traumatiser qui que ce soit, nous entrerions donc dans une société
socialiste et distributive authentique, c’est-à-dire conforme
à la vision de Jacques Duboin.
Réalités et perspectives
Sous ce titre, notre camarade J. Poncin propose d’ouvrir une rubrique et se charge de répondre à toute suggestion ou réflexions éventuelles adressées par les lecteurs à son intention.
Il faut constituer un « Service Social du Travail
».
La société future pourra réaliser sans entraves
les infrastructures nécessaires à l’instruction et à
l’éducation des jeunes, à leur formation intellectuelle
et physique ; puis, dans un dernier temps, après une sélection
basée sur les aptitudes extrêmement variées, sur
les goûts personnels, sur la valeur intellectuelle au sortir de
l’Université, orienter les uns et les autres vers une ultime
phase de formation en vue de l’affectation de chacun.
Cette formation des futurs responsables du Service Social ne sera pas
seulement théorique, mais les conduira dans les entreprises,
dans les champs au contact avec les réalités. Ils seront
ainsi, non seulement des Technocrates, mais des Maîtres d’oeuvre
dans la spécialité qu’ils exerceront tout au long de leur
affectation.
Il se constituera ainsi une « Hiérarchie de la Compétence
», infiniment noble, succédant à l’actuelle «
Hiérarchie de l’argent », dominée par l’appât
du gain, moralement gangrénée par l’océan des perversions
qui submerge la Société contemporaine.
Les situations matérielles seront les mêmes pour tous,
mais le désir d’occuper dans la vie active une situation à
un niveau élevé, provoquera une émulation remplaçant
avantageusement le fameux « aiguillon du profit » de notre
Société qui meurt d’excès spéculatifs de
toute nature.
SOIT DIT EN PASSANT
Dans une récente déclaration faite aux
approches de Noël, le Vatican, vous le savez peut-être, s’est
élevé contre la coutume, si répandue dans les familles
chrétiennes ou autres, d’offrir des jouets guerriers aux enfants.
Cette prise de position de l’Eglise, bien qu’un peu tardive (je pense
à cet évêque de New-York qui bénissait il
n’y a pas si longtemps les bombardiers américains partant pour
le Vietnam) et à laquelle la presse n’a pas donné toute
la publicité souhaitable, ne peut que réjouir le vieux
pacifiste que je suis.
Mais attention ! Au moment où, chez nous, en pleine déprime
économique, M. Raymond Barre a tant de mal à redresser
la situation, à relancer les affaires, à juguler l’inflation,
à créer des emplois, et tout - vous connaissez la chanson
- n’est- il pas à craindre que cela ne vienne compliquer son
boulot déjà ingrat ? Et compromettre le plan qu’il s’est
donné tant de mal à faire tenir debout ? Si les parents
de France se mettent à bouder les jouets guerriers pour leurs
chers petits est-ce que l’on ne va pas créer une crise grave
dans cette industrie bien française ? Je pose la question.
Et j’irai même plus loin. Imaginons - on peut toujours rêver
- que les chers petits anges, frustrés de leurs joujoux favoris,
en viennent, par représailles, à exiger le même
traitement pour leurs parents. Que des fils de militaires, ou d’industriels
de la tôle blindée, confisquent à leur papa de général
ou de P.-D.G. de la mort subite, ces beaux jouets de luxe que sont les
chars d’assaut, les MIRAGE, ou les missiles à tête nucléaire.
C’est du coup que la situation économique, déjà
pas très brillante, sombrerait dans le marasme le plus complet.
Avec tout ce qui s’ensuit, l’inflation, le chômage, et le reste.
On n’en est pas encore arrivé là, je veux bien. Pour l’instant,
la noble industrie des armements se porte à merveille, et ceux
qui en vivent se portent assez bien, merci. Tant pis pour ceux qui en
crèvent. Ou risquent d’en crever. Mais je répète,
pas de blague. N’allons pas compromettre par des initiatives, louables
certes, mais inconsidérées, le redressement entrepris
par le meilleur économiste français - c’est un connaisseur
qui l’affirme - et qui a déjà fait l’unanimité,
contre lui. Ce qui ne s’était jamais vu.
L’industrie des armements, en France comme dans le reste du monde civilisé,
est en plein essor. On ne le sait pas assez. Et c’est une chance pour
la société libérale, avancée ou pas. En
effet, dans un système économique où règne
la loi du profit, les progrès des sciences et des techniques
- oui, je rabâche - en apportant l’abondance, ont foutu la pagaille
sur les marchés de la planète. Car le profit ne peut se
réaliser que dans la rareté.
Depuis la grande crise mondiale - oui, grand-père, continue -
des années 30, les nations industrialisées, dont la France,
ont dû procéder à des destructions de richesses
que l’on ne parvenait plus à vendre, pour sauver l’économie.
Sans beaucoup de succès. La guerre est survenue à point
pour relancer les affaires, résorber le chômage et restaurer
le profit.
Mais tout à une fin. Même les meilleures choses. La guerre
terminée, il a bien fallu trouver un autre truc pour relancer
les affaires. Ce fut la guerre froide, la guerre tiède et les
expéditions coloniales.
Nous en sommes aujourd’hui à la paix armée. Ce qui est
déjà un progrès. Avec de petites gué-guerres
pour entretenir le moral des militaires. Une paix armée où
les forces de l’O.T.A.N. et celles du pacte de Varsovie se défient
avec leur arsenal nucléaire et jouent à « fais-moi
peur ».
La planète est ainsi devenue une poudrière qu’une étincelle,
ou un Amin Dada jouant avec des allumettes - pourrait faire sauter,
et nous avec.
Tant que l’on voit des enfants jouer avec des sabres de bois on peut
en sourire. Mais quand il s’agit d’adultes jouant avec des bombes nucléaires,
rien ne va plus. Il serait temps d’arrêter ce jeu de cons. Mais
qui le fera le premier ?
Certainement pas le libéral avancé qui préside
notre république. Il sait très bien que ce serait condamner
à mort le système économique, et du même
coup se condamner lui-même à aller pointer au chômage.
Ou à se reconvertir, sur la lancée de DEMOCRATIE FRANÇAISE,
dans la bande dessinée.
Militants attachés à la lutte de Jacques
DUBOIN, pour répandre et vulgariser ses travaux sur le problème
économique et social que bouscule l’évolution rapide des
techniques, lecteurs de « La Grande Relève » qu’il
fonda pour la diffusion de ses thèses sur l’Economie Distributive,
nous sommes issus de tous les milieux, de toutes les catégories
sociales, de toutes les obédiences.
La justesse, la logique, l’enchaînement des faits confirmant la
pertinence des analyses économiques de Jacques DUBOIN nous conquirent
et, à notre tour, nous participâmes, selon nos capacités
et notre allant, à la vulgarisation et à la diffusion
de la conclusion de ses travaux : L’ECONOMIE DISTRIBUTIVE.
Nous est-il loisible d’atermoyer, de lénifier nos conclusions
?
En retombant dans une argumentation affective nous perdons notre tonus
constructif, nos possibilités de diffusion efficace.
Notre subordination aux objectifs circonscrits des Mouvements «
amis » ne serait bénéfique ni aux uns ni aux autres.
Cet hara-kiri ne rendrait pas service à la collectivité.
Cette préjudiciable expérience nous venons de la vivre
voilà près de trois années que le très grand
âge de notre Président l’éloignait de tout contrôle
sur la teneur de « La Grande Relève » et interdisait
pour nous toutes réactions ouvertes qui eussent pû troubler
l’ultime espoir de ses dernières années. C’est alors,
déçus par notre impuissance, découragés,
que nous avons vu notre « Grande Relève » perdre
peu à peu son contenu constructif, devenir de si pauvre rédaction
qu’elle se transforma progressivement en un catalogue-argus... qui ne
nous permettait aucune diffusion sans porter un discrédit certain
sur notre action passée.
Nous ne saurions persister dans cette « voie » de l’annihilation
même de nos conceptions.
Les Mouvements divers que nous avons contactés, les milieux que
nous avons pénétrés depuis bien des années
déjà ont toujours peine à aborder l’examen objectif.
Le moelleux oreiller affectif est si doux, si facile y est l’exaltation...
que la pénétration de nos thèses y est lente. Néanmoins,
si nos contacts ne les ont pas dressés aussi spontanément
que nous l’espérions, nombre d’entre eux militent cependant avec
nous ; tant est grande l’attraction de la leçon des faits sur
les bonnes volontés. Mais combien reste lente et confuse leur
adhésion depuis ces années 50 ? Livrons quelques bribes
de nos suggestions d’alors :
UNE EXPERIENCE...
Nous lancions au CARTEL INTERNATIONAL de la PAIX,
dont nous étions membres (11 mouvements, groupes et associations)
: - « Vous voulez bâtir la Paix sur les bases économiques
qui conditionnent la guerre ! ». Et leur déclarions, au
cours de nos communes journées d’études pour asseoir la
Paix, que : - « Si nous voulons gagner l’adhésion active
des masses, parallèlement à la lutte contre les armements,
devenus le volant de l’économie (par les revenus et salaires
qu’ils libèrent sans contre-partie de biens de consommation),
il est indispensable, afin d’assurer la continuité de l’action
vitale du pays, d’en proposer les bases économiques : Revenu Social
- Monnaie de consommation - Partage de la tâche productive par
la population active, c’est-à-dire : l’économie distributive.
Nous fûmes étouffés, puis évincés
; mais nos thèses en conservant leur intégrité
gardèrent leurs forces explosives. En acceptant de conditionner
la diffusion de nos travaux et conclusions à l’adhésion
de nos amis en crise d’idéalisme, nous nous serions suicidés
et nous ne leur aurions pas rendu service pour autant. Nous aurions
au contraire contribué à les laisser dans la nuit. Nous
ne l’avons pas accepté et nombre de militants du Cartel nous
ont compris [*].
Actuellement, au stade plus critique encore du capitalisme, c’est moins
que jamais l’heure de mettre en sommeil ce qui est fondamental ; mais
au contraire, celle de vaincre nos dépendances affectives qui
nous poussent à mettre la charrue avant les boeufs.
Nous allons tenter de rendre à « La Grande Relève
» son tonus passé. Chacun de nous est invité à
cette tentative adhérents, lecteurs, vous avez à y concourir
par la diffusion, par votre participation, vos suggestions, vos échos
et articles.
Ne nous considérant pas les défenseurs exclusifs de l’objectivité
en matière économico-sociale, l’Economie Distributive
n’étant pas notre propriété mais une vérité
mise en évidence par l’examen du processus économique,
nous restons ouverts à tous.
[*] N.D.L.R.- Rapprocher ce texte de la proposition de loi de I’U.P.F., page 11.
J’ai pris l’initiative de faire un film sur ce que
sera la vie quotidienne dans une société distributive.
Que les mauvaises langues (je sais qu’il n’y en a pas parmi nous) se
rassurent, il ne sera aucunement fait appel à une subvention
quelle qu’en soit la provenance.
Voulant surtout m’adresser à ceux qui (en principe) ne sont pas
conditionnés, j’ai demandé au quotidien « LIBERATION
» de passer l’annonce suivante, publiée le 25 août
1976.
« J’en appelle à tous ceux qui croient en une Société
que d’aucuns qualifient d’utopique parce qu’ils ne savent pas quoi répliquer
quand on leur en parle. Devant le mur du silence que les formations
tant politiques que syndicales, religieuses, mystiques, philosophiques,
etc., etc..., élèvent devant nous depuis plus de quarante
longues années, nous avons décidé de faire un film
sur ce que sera la vie dans une pareille société. »
« Pour faire ce film, nous avons besoin de collaborateurs, amateurs
idéalistes mais ayant la tête sur les épaules, possédant
les appareils nécessaires aux prises de vues. »
« D’autres bonnes volontés seront les bienvenues. Elles
pourront être utilisées pour s’occuper de recherches documentaires,
du scénario suivant une ligne générale donnée,
de certains rôles, etc... »
« Ce film, sans but commercial, est destiné à servir
de support à des tournées de conférences-débats,
Que ceux que la question intéresse envoient leurs coordonnées
à LIBE. Il sera pris contact personnellement avec chacun d’eux.
»
A une restriction près : ceux qui espèrent gagner beaucoup
de fric avec cette affaire feront mieux de s’adresser ailleurs dès
maintenant. »
J’ai reçu 35 réponses et j’organise des réunions
de préparation. La prochaine a lieu le samedi 15 janvier à
15 heures, restaurant « La Gamelle », 32, rue des Trois
Frères, Paris-18°. Tous les lecteurs intéressés
sont cordialement invités.
Pour tout renseignement, m’écrire 12, rue Perdonnet, 75010 Paris
ou me téléphoner au : 206.33-80.
Personne ne peut plus ignorer que le machinisme et
le progrès technique ne permettent plus le plein emploi et qu’il
est inutile de le rechercher à tout prix.
Le service social ne peut plus être envisagé que par roulement
et d’une durée de plus en plus réduite. Mais les relevés
du travail par la Science ne doivent plus être des chômeurs
ou des retraités réduits à la portion congrue puisque
l’abondance est là, prête à satisfaire les besoins
de tous.
Que les révolutionnaires et les progressistes quittent une fois
pour toutes les ornières tracées par leurs anciens maîtres
à penser et s’ingénient à rechercher et à
faire adopter une économie distributive de cette abondance, au
lieu de la freiner.
Bloc-Notes
Comme nous l’avions annoncé, l’U.P.F. a tenu
son Congrès annuel. Nous avons reçu à cette occasion
une « proposition de loi pour le désarmement unilatéral
de la France ».
Dans l’exposé des motifs, l’U.P.F. y rappelle que « la
moitié des ingénieurs du monde travaillent pour les armements
et plus de 100 millions d’hommes vivent des industries de guerre ».
Et « qu’au cours de l’histoire, toutes les courses aux armements
ont conduit à la guerre ». L’U.P.F. estime que «
La France peut et doit prendre l’initiative capable de désamorcer
le désarmement mondial », alors que « les industries
de guerre représentent un secteur considérable de notre
économie et permettent d’équilibrer notre balance commerciale
».
La proposition de loi compte neuf articles où
sont demandés :
- La dissolution de l’armée, la destruction de tous les engins
de guerre.
- L’arrêt de toute fabrication d’armements.
- La reconversion des industries de guerre en industries de paix.
- Les salaires et appointements garantis aux éliminés
des industries en cours de reconversion.
- La répartition des crédits armements aux économiquement
faibles, écoles, hôpitaux...
- Le secours aux pays sous-développés.
- Le contrôle international d’un désarmement effectif.
- Une Fédération des Nations désarmées.
Cette proposition de loi a inspiré à notre camarade P. Cevonol le texte ci-dessous.
Nous aussi, sommes irrémédiablement
attachés à la Paix. Nous approuvons la généreuse
initiative de nos amis : tenter de secouer l’opinion sur une aussi inepte
et monstrueuse calamité qu’est la guerre, est éminemment
louable et civique.
Qu’ils nous permettent cependant de leur faire remarquer que nous restons
quelque peu pessimistes sur le résultat positif de cette consultation
parlementaire. Nous en avons vécu de nombreuses déjà
: appel contre les armements, appels pour la réduction du service
militaire, appels pour l’objection de conscience, appels tragiques pour
ceux qui sacrifiaient leur vie par la grève de la faim, pour
leur idéal de paix : les Ferjas, Leretour, Daunay, Lecoin, et
bien d’autres encore... Quelques personnalités seulement intervinrent.
Les grands Partis, même de gauche, restèrent muets.
Consultons-les à nouveau. S’il ne nous est pas permis trop d’illusion,
nous aurons toujours grossi notre voix, « La Voix de la Paix ».
Un grand pacifiste clairvoyant, pour barrer la route à la première
guerre mondiale, lança naguère du haut de la tribune :
« Le capitalisme porte en lui la guerre, comme la nuée
porte l’orage » !
C’était Jean Jaurès. Il fut assassiné !
La pertinence de cette courageuse stigmatisation n’est-elle pas suffisamment
établie par la condamnation à mort du grand tribun ?
Il ne se trouva personne pour reprendre son ultime alerte. Son sacrifice
fut vain.
Ses adeptes politiques ne postulèrent, comme aujourd’hui encore,
qu’un social-capitalisme. Les grandes campagnes pacifistes d’avant et
d’après la dernière guerre ne revendiquèrent la
Paix que dans le cadre économique qui conditionne la guerre.
Derrière Jacques DUBOIN, nous nous sommes engagés dans
la voie perçue par Jean JAURES. Sa clairvoyante alarme, l’échec
répété de tant de naturelles et farouches oppositions
à la guerre, nous firent en rechercher les racines profondes.
Leur emprise réside dans le processus : salaires- prix-profits.
Elles sont devenues un des rouages de plus en plus indispensable de
l’échange lucratif.
Nous déclarions déjà, au Cartel International de
la Paix, il y a près de 20 années : « Vous voulez
bâtir la Paix sur les bases économiques qui conditionnent
la guerre » !
Le pacifisme a fait du chemin depuis. En ajoutant à la proposition
de loi cette clause sur la distribution du budget de la Défense
Nationale à la collectivité sans contrepartie du travail
fourni, I’U.P.F. ouvre la voie à la solution rationnelle, met
l’accent sur le bon moyen d’amener la collectivité à lutter
contre les armements. Nous sommes donc d’accord avec enthousiasme pour
ce pas en avant.
C’est un pas décisif dans les préoccupations concrètes,
car l’application de cet article nous projette d’emblée dans
une économie où le salaire social sans contrepartie de
travail fourni doit être instauré sur une large échelle.
Les industries, les équipements et études, les productions
de tous objets qui rentrent dans les fournitures de guerre sont si étendues,
si diverses, si imbriquées les unes aux autres (ne vont-elles
pas des sous-vêtements au porte-avion... résumait J. DUBOIN
et l’on pourrait ajouter : du couteau de cuisine à la bombe à
hydrogène !) qu’il serait bien ardu de démêler les
intérêts lésés par la suppression de l’activité
économique des armements. Et, puisque l’U.P.F. en vient à
admettre la distribution du budget de la Défense Nationale à
la collectivité lésée - sans contrepartie de travail
fourni - elle nous rejoint dans notre conclusion de la revendication
d’un SALAIRE ou REVENU SOCIAL, que la production des biens, toujours
plus mécanisée, en voie d’automatisation croissante, exige,
nécessite pour son passage même à la consommation
?
Pourquoi ne pas en venir à la revendication du revenu social,
puisque la lutte contre la guerre (suppression des armements) le requiert
?
Solution vers laquelle s’acheminent nos voisins d’outre-Atlantique -
économiquement plus évolués - par la revendication
du salaire garanti, pour les mois à venir, comme nous le mentionnions
récemment.
Les productions inutiles, nuisibles, en perdant leur rôle de volant
de l’économie, y perdraient leur principale raison d’être.
La collectivité trouvant la sécurité de l’existence
par le revenu social, abandonnera plus volontiers le « job »
des armements ; les parlementaires même, qui sait ?... n’ayant
plus la hantise du développement du chômage, se laisseront-ils
peut-être aussi mieux convaincre de l’anachronisme de la solution
armée.
Ensemble, DERACINONS LA GUERRE.
Un petit groupe de personnalités, ne s’identifiant
dans cette initiative ni à des pays, ni à des institutions,
ont présenté à la presse un document « opinion
publique et désarmement ».
Reproduit aux Etats-Unis, en URSS et, en France, dans « Le Monde
» du 2 décembre, ce texte nous rappelle deux chiffres édifiants
: 60 % de la recherche de base et de développement sont consacrés
à la course aux armements qui occupe 50 millions de personnes.
La conclusion du texte cité est un questionnaire posé
à tout le monde. Nous le reproduisons ci- dessous pour les nombreux
lecteurs qui ne manqueront pas de vouloir y répondre. En effet,
les auteurs du texte n’envisagent que deux motifs à cette course
aux armements : soit un énorme gaspillage insensé, soit
la préparation volontaire et criminelle d’un holocauste.
Il semble donc qu’il nous appartienne de montrer à ces personnalités,
dont plusieurs ont reçu le Prix Nobel ou le Prix Lénine,
qu’il existe une troisième explication, non moins criminelle
et non moins absurde : la recherche d’un énorme profit
pour quelques-uns et, plus modestement, d’un salaire pour 50 millions
de travailleurs. La 8e question, et mieux encore la 10e seront l’occasion
pour nos camarades de préconiser LA mesure supplémentaire
capable de rendre inopérante cette troisième explication
qui est sans doute prépondérante : rendre impossible toute
spéculation en créant une nouvelle monnaie, basée
cette fois sur la production demandée par les consommateurs,
et n’ayant pas d’autre objet que de la leur répartir.
« Exporter ou mourir », c’était,
on s’en souvient, un des fondements de la doctrine économique
du IIIe Reich. On sait où cela nous a conduits, mais cela n’empêche
pas nos dirigeants de reprendre cette rengaine à leur compte
(en supprimant toutefois l’alternative « mourir », rendons
- leur cette justice !). Et tous nos brillants économistes de
nous donner en exemple la République Fédérale Allemande
qui, il faut bien le reconnaître, a réussi à conquérir
de nombreux marchés extérieurs aux pays industrialisés
(pays pétroliers, pays en voie de développement, pays
de l’Est dont les besoins sont considérables).
Seulement, et c’est là que le bât blesse, ces besoins sont
peu solvables, et les clients de la R.F.A. ont un endettement de plus
de 80 milliards de deutschmarks dont plus de la moitié sont dûs
par des pays de l’Est qui demandent sans arrêt de nouveaux crédits.
On voit donc qu’on fait tourner la machine pour l’exportation uniquement
pour donner du travail aux ouvriers allemands, sans que cela rapporte
quelque argent à la R.F.A. On peut se demander d’ailleurs ce
qui se passera si un jour certains pays débiteurs décident
unilatéralement de renier leurs dettes ?
*
De substantiels gains de productivité ont été
obtenus à la S.N.C.F. entre 1955 et 1976 : durant cette période,
les effectifs en personnel ont diminué ; de 99 600, les horaires
de travail sont passés de 48 à 40 heures par semaine,
et le trafic a doublé. Autrement dit, la productivité
du personnel - mesurée en unité de trafic par heure de
travail - a augmenté de 170%.
La S.N.C.F. se propose de continuer son programme de développement
des dispositifs automatiques pour améliorer le débit des
lignes et diminuer les effectifs, tout en renforçant la sécurité.
On constate, bien entendu, le même phénomène dans
toutes les industries modernes et l’on ne peut que s’en réjouir...
A condition d’adapter notre système économique pour que
cet accroissement de productivité et cette sécurité
accrue apportent un mieux-être à tout le monde.
*
Grande-Bretagne : le Prince Philip s’en prend à
l’Etat Providence : « Si l’Etat Providence assure une protection
contre les échecs sociaux, il ne permet pas aux hommes entreprenants
et à ceux qui travaillent dur de réussir comme ils le
méritent ».
En Grande-Bretagne, en effet, les indemnités de chômage
et les prestations sociales, ont augmenté de 16 % alors que les
hausses de salaires ont été beaucoup plus limitées.
Le Prince soutient que l’innovation, le risque et l’esprit d’entreprise
sont incompatibles avec une stabilité et une sécurité
complètes.
A ma connaissance, le Prince bénéficie à la fois
de la stabilité et d’une confortable sécurité.
Que faut-il en conclure ?
Que ce qui est bon pour lui n’est pas bon pour les autres... ou alors,
qu’il ne fait preuve ni d’innovation ni d’esprit d’entreprise ?
*
L’abondance c’est encore et toujours l’ennemi numéro
un :
Alors que le taux de marche de la sidérurgie française
n’est que de 55 %, la Communauté Européenne Economique
a mis au point un plan « anti-crise »
dont le but avoué est d’aboutir à une réduction
ordonnée de la production lorsque la demande fléchit.
La C.E.E. va fixer pour chaque entreprise, ou groupe d’entreprises,
les programmes de production. Oui plus est, la Commission fixerait un
prix minimal au dessous duquel les industriels ne devraient pas descendre
sous peine de sanctions.
*
Notre gouvernement ne manque jamais une occasion d’exhorter
les industriels français à exporter davantage, mais les
gouvernements des pays industrialisés en font autant de sorte
que cela conduit immanquablement à des conflits. Le dernier exemple
en date est celui qui oppose le Japon aux pays occidentaux à
propos de la construction navale, domaine dans lequel le Japon est en
passe de s’assurer la totalité du Marché. C’est ce qui
a conduit M. Raymond Barre, notre Premier ministre, à déclarer
: « Il faut que la concurrence soit loyale et que les pays qui
disposent d’avantages particuliers ne les utilisent pas de façon
néfaste... J’espère que le japon qui exerce une pression
suffisamment forte pour mettre en péril des pans entiers de l’industrie
européenne, comprendra qu’il est de son intérêt
de tenir compte des problèmes des autres ».
Quelqu’un a dit que le libéralisme économique c’est à
peu près la loi qu’impose un renard dans un poulailler.
Mais que se passe-t-il quand il y a deux renards dans un même
poulailler ?
*
Un des critères les plus sûrs pour évaluer
l’importance de l’innovation technologique sur l’économie est
la productivité on constate depuis la dernière guerre
mondiale que la productivité a toujours augmenté.
Faut-il donc s’étonner si, partout dans les pays industrialisés,
le chômage augmente ?
Dossier
Notre ami Jean Pennaneac’h qui a consacré de
longues années de sa vie à la Mutualité et aux
oeuvres sociales, nous a fait parvenir un intéressant article
dont il ne nous est possible que de reproduire des extraits.
Cet article traite de la situation de la Sécurité Sociale
et du comportement des malades et des médecins. L’auteur est
particulièrement choqué par le gaspillage de médicaments.
Il déplore, avec nous, l’insuffisance de « sens social
u dont ce gaspillage résulte.
Mais nous devons faire remarquer que, sur la base des cotisations ouvrières
et patronales actuelles, ce gaspillage ne représente que 13 %
des dépenses annuelles de la Sécurité Sociale.
II ne suffirait pas à provoquer un déficit financier.
Ce déficit résulte essentiellement du comportement de
l’Etat et du patronat.
L’Etat a mis à la charge de la Sécurité Sociale
(et donc de ses cotisants) une grande partie des frais hospitaliers
qui lui incombent (constructions, aménagements, équipements),
et il débite la Sécurité Sociale de frais d’hospitalisation
dont l’exagération est manifeste.
Quant au patronat, ce sont des milliards de cotisations non payées
qui s’accumulent...
Laissons la parole à Jean Pennaneac’h :
Les produits pharmaceutiques :
L’O.N.U. a déclaré que 250 spécialités
seraient suffisantes pour soigner toutes les maladies. Nous pourrions
être plus généreux sans atteindre les 10 000 mis
à notre disposition sans profit pour la santé.
Quand on sait que 40 % des produits sont efficaces, 30% inutiles et
30 % nocifs, dont une grande partie sont jetés à la poubelle,
on est en droit de se demander si nous sommes bien soignés...
Coupe sombre dans la multitude des produits pharmaceutiques ? Encore
un problème de société incompatible avec un régime de libéralisme type avancé qui, sous sa forme actuelle, ne laisse qu’aux puissances d’argent et aux monopoles le droit d’être libres d’exploiter l’ensemble des individus avec les contraintes multiples qui s’attachent à une société de consommation déréglée...
Jean PENNANEAC’H
30 ans de Présidence de Sté Mutualiste
25 ans au Conseil d’Administration de l’Union Départementale
Correspondant de la Sécurité Sociale
Quelques chiffres et précisions diverses :
Charges indument assurées par le régime
général à la place de l’Etat :
- dépenses d’enseignement médical et paramédical
: 270 millions de francs en 1976,
- prestations au titre du minimum vieillesse,
- allocations du Fonds National de solidarité, etc.
Diverses catégories sociales paient des cotisations inférieures
à celles des autres assurés sociaux, tout en bénéficiant
des mêmes prestations, soit 2,5 milliards de francs supportés
en 1976 par le régime général.
Les prix des biens et services médicaux croissent plus vite que
le niveau général des prix et salaires : les honoraires
médicaux ont augmenté en 1975 de 16,5 %, les frais d’hospitalisation
de 20 %, ainsi que les frais d’analyses, les indemnités journalières.
*
La consommation médicale augmente : les dépenses
de santé sont passées de 4 % du produit national brut
en 1960, à 5,9 % en 1974 et pourraient atteindre 7 % en 1980.
Cette consommation varie selon la situation sociale.
D’après le Centre de Recherches, d’Etudes et de Documentation
sur la Consommation, elle a été en 1975 :
412 F | pour un cadre supérieur |
406 F | pour un Parisien |
284 F | pour un ouvrier |
237 F | pour un habitant d’une commune rurale |
149 F | pour une personne sans protection sociale |
147 F | pour un membre d’une famille nombreuse. |
Les recettes de la Sécurité Sociale sont diversement réparties suivant les pays. D’après la CEE, elles étaient les suivantes en 1975 :
(1) |
(2) |
(3) |
(4) |
|
Belgique | 46,8 |
20,6 |
29,3 |
3,3 |
Danemark | 10,2 |
1,8 |
85,9 |
2,1 |
R.F.A. | 51,6 |
24,5 |
20,7 |
3,1 |
France | 67,6 |
20,0 |
10,8 |
1,6 |
Italie | 55,0 |
15,5 |
23,4 |
6,1 |
Luxembourg | 36,5 |
25,1 |
30,0 |
8,4 |
Pays-Bas | 43,1 |
35,9 |
12,4 |
8,6 |
Royaume-Uni | 37,0 |
17,1 |
38,0 |
7,8 |
(1) Cotisations et prestations d’employeurs.
(2) Cotisations des travailleurs.
(3) Taxes et subventions publiques.
(4) Revenus des capitaux et autres.
*
Tarifs de quelques établissements de l’Assistance Publique au 1er juillet 1976 :
Médecine générale | 382 F par jour |
Médecine spécialisée | 579 F |
Chirurgie et Maternité | 525 F |
Chirurgie spécialisée | 645 F |
Services hautement spécialisés | 1 145 F |
Pose de stimulateur cardiaque | 2 065 F |
Aux dernières nouvelles, le remboursement de ces frais aux malades aurait été restreint dans certains cas... en France.