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Éditorial
L’année qui commence va susciter bien des réflexions
sur la révolution. Mais, hélas, plus sur celle qui s’est
produite avec violence il y a deux cents ans que sur celle que nous
sommes en train de vivre, plus importante, plus vaste et plus lourde
de conséquences et dont la majorité de nos contemporains
ont à peine conscience.
En 89, un petit nombre de privilégiés profitaient seuls
des richesses du monde tandis qu’une écrasante majorité
était réduite à la misère. Il en est de
même aujourd’hui où le pouvoir exorbitant des gens de finances
est aussi abusif, aussi injustifié et peut-être encore
plus énorme que celui des nobles en 1789. Par contre, ce qui
rend ces privilèges encore plus intolérables, c’est l’énormité
des potentiels de production. Ils étaient inimaginables il y
a deux siècles. Ils nous offrent enfin la possibilité
d’abolir la misère. Et nous ne saisissons pas cette possibilité !
La révolution du XXe siècle est accomplie dans les moyens
techniques. La révolution des esprits est à peine commencée.
Justement la perspective de l’Europe de 1993 se présente, et
la lutte est déjà engagée : il y a d’un côté
les affairistes qui déploient tous leurs moyens, et ils sont
énormes, pour qu’elle leur profite. Et à eux seuls. De
l’autre côté il y a nous, les femmes et les hommes de bonne
volonté qui ont une chance à saisir pour que l’Europe
constitue une société humaine, conviviale, un monde intelligent,
respectueux des individus, de leur épanouissement, de leur développement,
de leurs cultures, de leur environnement. Une Europe qui offre un espoir
entre deux blocs « totalitaires », chacun à leur manière.
La tâche qui nous incombe est énorme. Mais nous sommes
nombreux à avoir tout à y gagner. Nous ne réussirons
que si chacun d’entre nous, à titre individuel, se sent responsable
de sa réussite. Et il ne suffit pas de critiquer les absurdités,
ni de dénoncer les abus. Et les discours politiques ont fait
la preuve de leur vanité. Il s’agit de faire réfléchir,
d’amener nos semblables à prendre conscience des possibilités
qui s’offrent, de proposer quelque chose de nouveau.
C’est la tâche que se sont assignée les distributistes,
et depuis bien des années. Hélas, même parmi les
lecteurs de ce journal, une grande majorité attendent que « les
autres » agissent. Beaucoup nous encouragent, nous soutiennent
financièrement, et c’est, hélas, indispensable. Mais fort
peu, trop peu, collaborent. Nombreux sont ceux qui n’osent pas, alors
que notre journal présente cette originalité d’être
ouvert au débat, puisqu’il n’est assujetti à aucune force
occulte comme c’est le cas, par exemple, de tous les journaux qui, vivant
de la publicité, ne sauraient déplaire à leurs
annonceurs.
Alors le voeu que je forme au seuil de 89 c’est de voir tous nos lecteurs
prendre des initiatives, agir, réfléchir, collaborer par
l’intermédiaire de la Grande Relève, pour construire une
Europe plus juste, plus humaine, plus ouverte, bref, une Europe distributive.
Nous avons participé, aux Rencontres Internationales
d’Annecy. Thème : « La dette du Tiers-Monde aujourd’hui.
Les O.N.G. (Organisation non gouvernementales) et la dette ». A
ces rencontres, on a pu entendre des hommes de terrain, de différents
ONG, des professeurs d’économie, des syndicalistes, des hommes
politiques et le secrétaire général adjoint de
la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le
Développement) des séances plénières et
des débats riches et éclairants, avec 5 carrefours, dont
un sur l’économie auquel nous participions.
Les exposés argumentés, étayés sur des chiffres,
certains décrivant des expériences vécues, faisaient
plutôt froid dans le dos, car si les pays riches pensent émerger
de la crise économique, les pays pauvres s’y enfoncent chaque
jour davantage.
Nous connaissons le développement démographique du Tiers-Monde
et la faible croissance, lorsque croissance il y a, de la production ;
dans l’ensemble, il en résulte un appauvrissement par tête
(9% de 1982 à 1987 pour l’Amérique du Sud).
Les responsabilités sont lourdes, aussi bien pour le Nord que
pour le Sud (nous gardons ces désignations de Nord et Sud par
commodité, bien qu’elles correspondent assez mal à la
géographie). Au Sud, nombreux sont les dirigeants qui ont détourné
des emprunts à des fins personnelles. Le cas le plus marquant
concerne Mobutu : sa fortune personnelle atteint 5 milliards de dollars,
soit curieusement la dette du Zaïre. C’est dire qu’il a puisé
dans la caisse ! L’argent détourné revient immédiatement
se replacer dans les banques prêteuses, du moins quand il en est
sorti, ce qui n’est pas toujours le cas, et les banques peuvent placer
à nouveau cet argent. Toutes fuites de capitaux confondues, on
estime à 70% de l’argent prêté les sommes revenues
dans les banques du Nord.
En ce qui concerne le Nord, en dehors de sa complicité dans ces
« combines » il y a plus grave : c’est le Nord qui fait la
pluie et le beau temps pour les prix des matières premières
qui sont décidés dans les Bourses de Londres ou d’ailleurs.
Très souvent, ces prix tombent au-dessous des prix de revient.
Comment, dans ce cas, les exportations peuvent-elles rembourser la dette
ou simplement les intérêts ?
Prévarication des dirigeants plus exportations désastreuses
(1)=pays en crise. D’où intervention du FMI, véritable
police financière, qui impose des mesures drastiques : économie
sur les dépenses indispensables au développement, sur
les dépenses de santé, d’éducation ; et exportation
à tout prix pour payer au moins le service de la dette. Le résultat
de toutes ces pressions ne manque pas d’être surprenant. La dette
du Tiers-Monde est de 1200 milliards de dollars, soit 6 fois le budget
de la France ou encore 100.000 tonnes d’or. Or depuis des années,
les pays pauvres envoient plus d’argent vers les pays riches qu’ils
n’en reçoivent : par exemple, 140 milliards de dollars de 1982
à 1987. Voilà où nous en sommes à la veille
du bicentenaire de la Révolution Française et de la Déclaration
des Droits de l’Homme ! Le Tiers-Monde est endetté, pressuré,
marginalisé (au Zaïre, par exemple, le PNB par tête
est abaissé de moitié de 1982 à 1985, pour atteindre
80 dollars, même pas le centième de celui de la France).
Lorsqu’on lit le dernier livre de Pierre Péan « L’argent
noir-Corruption et son développement » on est abasourdi.
Pour exporter à tout prix, à coup de bakchichs, le Nord
- et la France n’est pas la dernière - vend au Sud des projets,
des usines totalement inadaptées (2) qui souvent ne tournent
même pas. Un scandale de plus, au crédit du Nord qui opère
sans cesse des « raids » sur les pays déjà démunis.
Ajoutons enfin que le Nord -qui n’a pas de raison de se faire la guerre-
a, pour développer ses ventes d’armes, sciemment déplacé
au Sud les zones belligènes, même s’il ne s’agit souvent
que de guerres intérieures.
SOLUTION (S)
D’abord, au plus vite effacer la dette, en commençant
par les pays les plus pauvres, pour la plupart africains subsahariens ;
en attendant, au moins rééchelonner la dette et baisser
les taux d’intérêts. Effacer les dettes bancaires devrait
être facilité par le fait que les banques prêteuses,
pas folles, ont déjà provisionné, en créances
douteuses, en moyenne 50% de leurs créances. Quant aux créances
des états, elles doivent être effacées, fut-ce par
simple solidarité et pour compenser le mal que le Nord a fait
au Sud, le pillage auquel il s’est livré depuis des décennies
(des siècles même si on inclut la colonisation).
Aider les pays pauvres à former de vraies élites pour
construire avec elles des économies viables. Le sous- développement
n’est souvent qu’un maldéveloppement. Il faut leur « apprendre
à pêcher plutôt que leur donner un poisson ».
Régler le problème agricole : cesser de pousser ces pays
à supprimer leurs cultures vivrières pour des cultures
d’exportation destinées au seul confort des pays riches ; de même
ne plus raser leurs forêts. Etablir des prix de matières
premières raisonnables et stables.
Faire le nécessaire pour amener ces pays à freiner leur
développement démographique sans heurter cependant leurs
modes de pensées et leurs religions.
Cesser de leur vendre à tout prix des usines inadaptées,
donc inutiles et surtout des armes : Perez de Cuellar estimait en 1985
que 30 à 40% des emprunts servaient à acheter des armes.
Enfin, ce serait aussi leur rendre un service indirect que de lutter
contre la domination du dollar en donnant par exemple beaucoup plus
de poids à l’Ecu.
Car même en imaginant -et on en est très loin- une situation
« post-dette », le problème du Tiers-Monde resterait
presque entier si les pays riches ne se décidaient pas à
repenser radicalement le problème Sud et Nord-Sud. Qu’ils le
fassent au moins par intérêt et sagesse, à défaut
de le faire par générosité, car les gens du Tiers-Monde
ont le nombre, ils l’auront de plus en plus, et si le Nord persistait
dans son comportement actuel, gare au boomerang qui pourrait faire mal,
très mal (3). Pourtant, Susan George, politologue américaine
les met en garde dans son dernier livre
« Jusqu’au cou » : « nous sommes tous embarqués
sur le même Titanic, même si certains voyagent en première
classe. »
(1) La part du Sud dans les échanges mondiaux
est tombée de 28% à 18% depuis 1980.
(2) Tout le monde a entendu parler de cette fameuse « cathédrale »
que construit Houphouet Boigny.
(3) Déjà la politique des pays riches à l’égard
des pays pauvres a fait perdre aux premiers 3 millions d’emplois ; quant
aux emplois perdus de notre fait dans le Tiers-Monde, ils sont impossibles
à chiffrer.
C’est du moins ce qu’on pourrait croire à la
lecture de nombreux articles et statistiques, à entendre certains
discours : « L’économie française est en pleine santé »
(1) ; « Parfum de sortie de crise » (1) ; « Les entreprises
gorgées de bénéfices » (2) ; « Des bénéfices
quadruplés en 1988 : UTA bombe le torse » (3) . Même
cri de victoire dans tous les pays industrialisés. Mieux : « La
Suisse s’inquiète de la faiblesse de son chômage »
(4).
De fait, on pourrait supposer que les peuples sont satisfaits puisque
partout, lors d’élections majeures, ils reconduisent les « droites »
au pouvoir : RDA, Angleterre (3 fois), USA (3 fois), Israël, Canada...
L’exception France n’est qu’un trompel’oeil, car, si Mitterrand a été
réélu, c’est sans doute que la droite la plus bête
du monde a occupé deux ans le devant de la scène en effet,
en 1986, la cote du Président battait largement (22/23%) les
plus mauvaises cotes atteintes par les présidents de la Ve.
A l’heure où Reagan va quitter le pouvoir, flotte partout dans
le « Monde libre » un relent, ou un parfum, c’est selon, de
reaganomie, cette « économie de l’offre », cet ultra-libéralisme
dont le maître-mot est : déréglementation (Peu importe
que cette doctrine ait engendré un individualisme, un égoïsme
souvent sordide).
Cause ou coïncidence : l’économie capitaliste est à
nouveau florissante. L’OCDE prévoit pour 1988 une expansion moyenne
de 4% dans les pays industrialisés. Les entreprises ont retrouvé
leurs marges d’avant 1973. Un expert international confiait à
une journaliste du Monde (5) qu’il s’agissait d’un « boom digne
des 30 glorieuses » (sic). Finalement le krach d’octobre 1987 a
eu des résultats bénéfiques : comme nous l’avons
analysé dans la Grande Relève de Mai, une partie des investissements
boursiers a repris prudemment le chemin de l’industrie, même si
c’est à coups de raids ou d’OPA « régulières. ».
Cependant - peut-être pour conjurer le sort, car une rechute est toujours possible - on n’ose pas trop crier « Victoire, la crise est finie. » Pour le moment, on respire un « parfum de sortie de crise. » L’économie des USA connait depuis 6 ans une prospérité continue. Le Japon et l’Allemagne et des NPI (nouveaux pays industriels) comme Taïwan, la Corée du Sud, Hong-Kong, Singapour n’ont cessé d’avoir depuis plusieurs années des balances commerciales hautement bénéficiaires. Et en Angleterre « tout baigne »... ou presque, (nous verrons cela le mois prochain).
On pourrait donc croire qu’après 15 ans de crise-mutation, les économies capitalistes s’éloignent de la crise et même que celle-ci est terminée. La crise économique, stricto sensu, après tout, peut-être, mais, si c’était le cas, comme une victoire militaire chèrement acquise, elle laisserait derrière elle des destructions effroyables : essentiellement une société duale, dont la plaie principale est le chômage, mais aussi la précarité et la déqualification du travail (6).
Autrement dit, à la fois partie intégrante et conséquence, la crise sociale demeure. Elle est impossible à résoudre dans le cadre d’une économie marchande. Elle continue à s’aggraver. Nous rejoignons, à ce stade de la crise, ce que nous avons toujours étudié et craint : une sortie à droite de la crise.
Mais alors, direzvous, quel espoir pour les gens de progrès, pour nous distributistes ?
Il n’est pas possible que la chape qui pèse chaque jour plus lourd sur des individus de plus en plus nombreux, exclus, malheureux, au nord comme au sud, ne provoque pas des craquements, un réveil. L’histoire des luttes, globalement victorieuses, des ouvriers ou des populations du Tiers-Monde, pour plus de bien-être ou de justice, témoigne que rien n’est jamais acquis, ce que peuvent croire les privilégiés, ni perdu, ce que peuvent craindre les défavorisés.
(1) EDJ 27 octobre 1988,
(2) Le Canard 16 novembre 1988,
(3) Le Monde 16 novembre 1988,
(4) Le Monde 16 novembre 1988.
Explication : la raréfaction des chômeurs risque de faire
monter le prix de la maind’oeuvre.
(5) 20/21 novembre 1988,
(6) GR de novembre page 5 « Vers 50% de marginaux » : 51% des
Français âgés de 18 à 24 ans sont dans ce
cas.
Écologie :
Le 8 mars 1987, à peine trois mois après
avoir atteint son régime de pleine puissance, la centrale nucléaire
européenne de démonstration SUPERPHENIX était le
siège d’une grave avarie : une fuite de sodium de la cuve du « barillet »,
l’élément central du système de chargement et déchargement
du combustible, un complexe de quinze mètres de hauteur et de
dix mètres de diamètre situé dans le bâtiment
réacteur. Cette fuite révélait par elle-même
deux choses inquiétantes : une qualification insuffisante du
matériau employé et de sa mise en oeuvre ; l’inefficacité
de la procédure de contrôle qualité. Pire, moins
d’un an après la catastrophe de Tchernobyl, il ne fallut pas
moins de trois semaines aux responsables de la centrale pour se rendre
à l’évidence cesser d’incriminer une défaillance
inexpliquée du détecteur et informer les Services de Sûreté
que le signal de fuite correspondait à la réalité !...
Des examens ont mis en évidence une fissuration généralisée
de cette cuve. Certaines des causes de cette fissuration généralisée,
dont l’étude est encore en cours, ne pourront être établies
avant plusieurs mois.
Ainsi, malgré l’ampleur des moyens consentis (26 milliards de
Francs actuels), la centrale SUPERPHENIX semble dépasser les
limites de la maîtrise technologique de ses constructeurs et la
complexité de sa conduite la vigilance de ses exploitants. En
tout état de cause la sûreté de l’installation n’apparaît
plus garantie.
Deux options se présentaient alors (hormis l’abandon du projet
qui, en la circonstance, signifierait celui de la filière surgénératrice
au plutonium) reconstruire un nouveau barillet ou changer de concept
pour les transferts de combustible. Jugée trop coûteuse,
trop longue, voire quasiment impossible à réaliser selon
les termes mêmes de l’exploitant, la première a été
rejetée. Une demande de redémarrage de l’installation
sans barillet a donc été déposée une première
fois en septembre 1987 (rejetée) et de nouveau en septembre 1988.
Des bruits courent que la dernière demande pourrait sous peu
recevoir une réponse favorable des autorités. S’il en
était ainsi, pour la première fois au monde une centrale
nucléaire fonctionnerait sans que l’on puisse accéder
à son combustible, tant il est vrai que l’adaptation du système
de chargement-déchargement ne serait achevée qu’au printemps
1991 et que même en cas d’urgence aucun moyen spécial ne
serait disponible avant la fin de l’année prochaine. Une autre
grande première serait d’avoir un chantier à l’oeuvre
dans un bâtiment réacteur sans interruption de l’exploitation.
Les Français sont tenus dans l’ignorance du dossier. Qu’en est-il
de l’état de la cuve principale, celle du réacteur lui-même ?
Quelles sont les incidences de l’abandon du barillet comme stockage
intermédiaire du combustible sur la sûreté ? Seules
des réponses partielles ont été rendues publiques ;
elles sont insuffisantes. Pourquoi ferions-nous une confiance aveugle
au dispositif d’expertise et de décision officiel, pour qui l’affaire
de SUPERPHENIX représente tout bien pesé un échec ?
Nous, citoyens conscients et responsables, exigeons que toutes les informations
nécessaires à un examen complet de la sûreté
de SUPERPHENIX soient sans délai mise à la disposition
d’un groupe international de contre-experts dont nous avons reçu
le concours. Comme ce fut le cas dans le passé à propos
de grands projets nucléaires controversés -extension de
l’usine de retraitement de Windscale en GrandeBretagne, une usine équivalente
à Gorleben en RFA, les projets KBS de stockage de déchets
radio-actifs en Suède-, nous demandons que sur la base des informations
rendues publiques soit financé et rapidement mis sur pied un
débat contradictoire équilibré réunissant
des experts français et étrangers à propos de l’avenir
de la centrale européenne SUPERPHENIX.
Ceux qui nous gouvernent aujourd’hui s’étaient en 1980 solennellement
engagés à un tel débat. Le cours des choses a apporté
la preuve qu’ils auraient été bien inspirés de
respecter leur promesse dès 1981. Il n’est pas trop tard mais
il est grand temps. A la veille de fêter le bicentenaire de sa
fondation, la République Française se doit, à son
tour, de mettre de la démocratie dans les questions nucléaires.
Contact : L. Trussell, 38 rue Taine, 75012 Paris
MOTION SPECIALE
Réunis en congrès à Paris, le 6 novembre 1988,
les membres de l’Union Pacifiste de France adressent un fraternel salut
au peuple kanak.
Ils se prononcent pour l’autodé-termination de ce peuple, sans
préjuger de ce qu’il fera de sa liberté.
Les sociétés industrielles comme la notre doivent rompre
avec leur passé raciste et colonial, en accordant l’indépendance
aux populations extérieures à l’hexagone, là où
la dépendance à l’égard de la France n’est justifiée
ni par la culture ni par la géographie, mais par des prétentions
d’asservissement à des fins militaires.
MOTION FINALE
Les mois écoulés ont été caractérisés
par plusieurs démarches positives en faveur de la détente
Est/Ouest et de l’apaisement de certains conflits. Malgré leur
fragilité, ces différents espoirs créent un climat
plus favorable à la paix. Encore faut-il pour cela que cette
dynamique soit relayée et élargie. A cet égard,
des pays européens et notamment la France ont un rôle important
à jouer. Pourtant, la politique suivie par leurs gouvernements
ne laisse pas présager une telle orientation, bien au contraire.
Pour l’Union Pacifiste de France, une Europe dont un des soucis majeurs
serait la construction d’un troisième bloc militaire ne pourrait
que relancer une nouvelle étape de la course aux armements, reproduisant
les schémas tracés par les USA et l’URSS.
Une telle perspective, à l’heure où de nombreux experts
internationaux s’inquiètent des conséquences économiques
et sociales des dépenses militaires, aurait, en outre de perpétuer
des rapports inégalitaires avec les pays du tiers monde, tout
en freinant, à l’intérieur même des pays industriels,
un réel essort économique.
Face à ces contradictions, l’Union Pacifiste de France propose
le désarmement unilatéral.
Elle souhaite une meilleure coordination des mouvements de paix autour
d’objectifs significatifs dans la voie de la démilitarisation,
- mise en application des décisions de l’ONU en faveur d’un droit
réel et non restrictif à l’objection de conscience,
- libération de tous les réfractaires emprisonnés,
- mise en place avec les partenaires intéressés d’un calendrier
de reconversion de l’industrie d’armement,
- arrêt des essais nucléaires.
Elle appelle ces mouvements de paix à se regrouper autour de
l’idée du désarmement unilatéral.
Il y a les pauvres honteux : ceux qui se réfèrent
aux valeurs capitalistes, comme seul modèle de « normalité ».
Il y a les pauvres, résignés, qui faute d’avoir acquis
des explications sur leur sort, se croient individuellement frappés
d’une sorte de tare.
Il y a les pauvres qui se refusent aux valeurs de leur société
et tirent fierté de leur insurmontable inaptitude, comme étant
un signe de santé, d’honnêteté, d’échappatoire
vers des valeurs autres, différentes, utopiques, d’avenir...
qui les conduisent à une révolte thérapeutique.
La pauvreté endémique, chronique, liée à
une éthique de vie, se conçoit avec un certain orgueil
d’être inapte, dans un monde que l’on désavoue.
Quand on n’a pas le sou, on mange mal et à la longue on a des
malaises, des maladies chroniques, des séquelles digestives,
affaiblissement, étourdissements, baisse de la tension. Les dents
s’abiment, les cheveux tombent, on souffre de douleurs abdominales,
et on paie, beaucoup plus tard, les carences en vitamines, en protéines,
en oligoéléments, en calcium.
Quand on n’a pas le sou, on n’ose dépenser en chauffage : car
il y aura la note de gaz ou d’électricité au bout du compte,
le fuel, ou la grosse bouteille de butane. Bref, une échéance
où il faut sortir d’un seul coup une grosse somme.
Quand on n’a pas le sou, on est souvent mal logé ce qui devient
très perturbant pour les nerfs si on est plusieurs dans un espace
exigu : petit espace= gène par le bruit, les vapeurs et odeurs
de cuisine, l’humidité, l’absence d’un « coin à soi ».
Les enfants y attrapent des bronchites, n’arrivent pas à se concentrer
pour faire leurs devoirs, on ne peut isoler celui qui a une maladie
infantile, donc les autres l’attrapent aussi. Qui va les garder à
la maison ? Le dimanche, dit jour de repos, les petits s’ébattent,
pendant que la mère si elle travaille au dehors, fait tout l’arriéré
de lavage, ménage, repassage, cuisine d’avance, etc... Alors
c’est la nervosité, les menaces, les punitions, les gifles. Gêne
pour les voisins qui subissent les discussions et le bruit d’enfants
réunis dans une seule pièce.
Quand on n’a pas le sou, on remet de se faire soigner pour des traitements
non remboursés, des prothèses, des soins réguliers
qui demandent du temps ou des déplacements onéreux. On
reporte à plus tard des examens de dépistage parce qu’ils
sont trop chers, qu’ils vont immobiliser la mère de famille dont
le travail bénévole est précieux et qui ne peut
s’offrir une garde d’enfants.
Le manque d’argent, c’est une obsession de chaque
instant : on ne peut pas suivre les autres, s’ils vont en vacances,
s’ils vont au restaurant, s’ils participent financièrement à
une fête, si les collègues vous invitent à faire
du lèche-vitrine... C’est une sanction de tout ce qui est culturel :
journaux, cinéma, théâtre, concerts, ateliers de
formation, artistique, intellectuelle, professionnelle.
On ne peut pousser l’instruction de ses enfants : on a hâte de
les voir autonomes, surtout lorsque l’aîné de 3 enfants
atteint ses 18 ans et qu’on perd tous les droits de « famille nombreuse » :
allocation d’un logement, devenu trop lourd, gratuité des transports
ou réduction, allocations familiales. Tout d’un coup il faut
réduire le standing et pousser ses enfants à se « débrouiller
» à un âge où ils rêvent de mobylette,
de moto, de sorties... Et ils ont besoin de beaucoup de nourriture pour
finir leur croissance.
On « place » alors les enfants au maximum dans des institutions
où l’Etat peut les prendre en charge, les séparant...
Ils ne sont pas dupes et vous en veulent plus tard...
Alors on manque de confiance en soi : on culpabilise : il y a une culpabilité
à s’être mise dans une situation que d’autres n’imaginent
même pas, sinon comme objet d’étude.
Ce sont souvent les mères, parfois les pères, qui culpabilisent
quand du fait de leur « infériorisation » les enfants
manquent de l’essentiel, que leur avenir physique, moral, social est
en jeu. C’est la mère qui fait des démarches humiliantes
pour qu’ils soient placés, pris en charge, bénéficient
de réductions diverses. C’est une blessure, pour les parents,
que de voir traités leurs enfants en petits assistés.
C’est l’obligation de s’en remettre au paternalisme des administrations
d’assistanat, qu’il faut affronter dans des lieux publics. Par manque
d’argent, il semble qu’on n’ait pas été assez disponible
à ses enfants, qu’on les a souvent poussés dehors, puis
poussés à étudier « utilement », puis
poussés trop tôt à gagner leur propre vie, tout
de suite, n’importe comment, à n’importe quel prix, sans pouvoir
tenir compte de leurs aptitudes et de leur avis ! On ne leur a pas offert
ce qui leur faisait envie chez tel petit copain. On a baissé
le nez devant un professeur injuste, parce qu’on craint de les voir
mal jugés, ou renvoyés. On a alors doublement honte : de
son silence, ou de sa colère, de son impuissance, de voir retomber
sur des enfants qui n’ont rien demandé l’opprobe, l’injustice.
Trop longtemps apeurée, soumise, craintive, peu assurée,
on « loupe le coche », ouvrant la bouche trop tard et avec
anxiété : on n’a vraiment pas su y faire. On se compare
souvent aux autres, s’interrogeant sur leurs manières de vivre,
de dépenser, de penser, en les jalousant ils sont plus malins !
Pour certaines femmes, c’est alors l’acceptation sous leur toit de la violence de celui qui « ramène » un salaire, des injures, des humiliations. Elles se croient « bonnes à rien » alors qu’elles sont précisément « bonnes à tout faire ». C’est progressivement un repli, un complexe d’infériorité sur leur différence, une inhibition à sortir de chez soi, de son rôle, de son mutisme, parce qu’elles savent que toute tentative de libération se heurtera au MANQUE... d’argent, d’instruction, d’expérience... Elles espèrent toute leur vie être un jour comme tout le monde, pouvoir se mêler aux autres.
Etre sans argent, c’est ne plus avoir de repères exacts sur ses propres facultés, sa propre identité. Contrainte de tout supporter, en attendant...
L’idée de culture, d’instruction, est un véritable luxe. Il faut du temps, de la sérénité, de l’argent pour acheter les livres, une disponibilité d’esprit pour oser aller dans les bibliothèques. Dès qu’on s’élève un tant soit peu, on se trouve alors confronté à ceux qui ont pu acquérir des connaissances, bien plus jeunes, se faire au jargon universitaire, comprendre les dédales de l’organisation intellectuelle : il faut grapiller en dehors des heures de bureau ou d’usine et lire, sans guide, dans tous les sens pendant bien des années, avant de pouvoir mettre un peu d’ordre dans ses pensées.
Là où les plus privilégiés sont, depuis l’école primaire, sur des rails, où on leur a enseigné dans un ordre logique l’organisation sociale, l’économie, la politique, les origines du monde, la complexité du système de vie actuel...
On passe toute sa vie pour l’« autodidacte »,
pour l’amateur, pour quelqu’un qui se pose avec trop de gravité,
des questions particulières, qui ne sont pas au programme.
Tout cela paraît un peu ridicule à l’étudiant normal
qui est là pour préparer son avenir matériel.
A vouloir sortir de sa condition matérielle ou sociale, on risque d’essuyer des humiliations et des découragements, parce qu’on regarde la vie d’un lieu que les nouvelles personnes fréquentées n’ont pas connu.
Le Tableau pessismiste des perspectives de crise financière
majeure publié dans The Economist du 7 juillet 1988 (voir « La
Grande Relève » de septembre dernier) a dû susciter
pas mal d’interrogations angoissées parmi les lecteurs non-banquiers
de cet hebdomadaire ; il a dû sembler important aux éditeurs
de brouiller un peu le signal d’alarme si clair de l’article de Fred
BERGSTEN, « Apprivoiser le Monstre ». C ’est chose faite avec
le dernier éditorial sur les traitements financiers de Georges
Bush, Martin FELDSTEIN ; il est titré : « FELDSTEIN à
propos du DOLLAR, laissons le Marché définir les taux
de change »
On y retrouve évidemment, cuisiné à la sauce bancaire,
le menu pour gogo international, avec l’arrogance tranquille du financier
devenu expert, et des allusions seulement très indirectes aux
vérités décrites par BERGSTEN en juillet dernier ;
il importe en effet de calmer les curiosités sur le mécanisme
réel de la fabrication des taux et du déficit du budget
Américain.
FELDSTEIN commence par un exposé objectif des faits, un raccourci
de son diagnostic et du traitement qu’il propose :
« Par rapport au Yen, le Dollar a beaucoup varié ces derniers
quinze ans : -33% entre 1973 et 1978 ; +60% début 1985 et depuis,
une nouvelle chute de 50%. Les conséquences douloureuses à
l’extérieur des U.S.A. ont provoqué des pressions sur
les gouvernants pour le remplacement de la flotaison des taux bancaires
par un encadrement qui positionnerait le Dollar par rapport aux monnaies
de base »...
« Les choix d’un traitement économique de la crise ne se
ramènent pas à proscrire des mauvaises conduites pour
en adopter de bonnes ; mais bien plutôt à décider
1° si la valeur d’échange du Dollar doit être un but
en soi, et 2° si on doit sacrifier les autres buts à cette
position internationale du Dollar.
Ma réponse est claire : 1° la valeur du Dollar n’est pas en
soi un but, 2° les politiques économiques américaines
doivent répondre à d’autres impératifs. En résumé,
la valeur du Dollar devrait être laissée au verdict du
marché. »
Cette analyse est parfaitement correcte dans sa brutale concision. Oui,
une bonne monnaie doit être l’expression fidèle du rendement
des échanges ( intégrée sur l’espace du marché).
Elle doit rester un gadget le plus simple et commode possible pour faciliter
et représenter cet échange, donc optimiser l’activité
économique : en même temps lubrifiant et ticket de contrôle
de l’échange. L’ignorance et la passivité des utilisateurs
laissent aux banques le monopole indû de la production de cet
outil, et la manipulation abusive du pouvoir que leur confère
ce monopole. Comme tous les bénéficiaires de ce monopole,
Martin FELDSTEIN se garde de parler de la question de ce diktat bancaire ;
il le masque en démontrant que la situation actuelle justifie
le laisser-faire et en démontrant les vertus magiques des lois
du marché. Mais ce libéralisme est-il respecté
dans les relations de dépendance des monnaies européennes
vis à vis du Dollar ? Par le biais du Deutschemark nos petites
monnaies sont restées captives du système bancaire mondial.
Là, le bât a commencé à blesser sérieusement
depuis 1986, et le Président Reagan a failli subir le blâme
général pour son soutien inconditionnel du monopole des
banques, qui n’a pu être maintenu que grâce à l’approfondissement
du déficit budgétaire américain ; comment FELDSTEIN
présente t-il le problème ?
Ce fatal déficit budgétaire
« En 1983-1984, ceux qui auraient voulu qu’on inverse la tendance
de la hausse persistante du Dollar suggéraient correctement que
cette baisse couperait le déficit budgétaire. Mais avec
un président qui niait cette relation c’était impraticable.
Toute la responsabilité aurait incombé à la banque
de Réserve Fédérale, et la manoeuvre aurait supposé
un contrôle vraiment libéral de la monnaie ; l’inflation
aurait en fait augmenté, au lieu de céder ; nous avons
eu de la chance, ces demandes d’un Dollar stable n’ont pas été
écoutées »...
Toujours on nous bouche la seule perspective viable, celle d’un système
libéré du monopole bancaire : l’économie soumise
aux garrots de la dette et forcément inflationnaire et cela d’autant
plus qu’elle évolue rapidement. C’est vrai, l’ultra-libéralisation
« dé-règlementaire » du marché couplée
avec une honnête stabilité des taux d’intérêt
auraient aggravé les déséquilibres financiers aux
USA. et chez leurs partenaires industrialisés, et eût entraîné
une crise encore plus atroce des peuples appauvris par le système.
Pour finir sans trop d’encombres son mandat, R. REAGAN a encore de justesse
étouffé le scandale :
« Une banque de Réserve Fédérale qui refuserait
la pression à la hausse des prix domestiques pourrait juguler
l’inflation. Mais les raisons de ralentir le déclin du Dollar
sont justifiées par ailleurs : elles permettraient de gagner le
temps nécessaire aux nouveaux investissements. Malheureusement
les économistes ignorent trop les mécanismes ( non-linéaires)
du système pour pouvoir programmer utilement les vitesses de
déclin optimales. Et si le programme de déclin graduel
était annoncé, la manoeuvre serait automatiquement inapplicable
car elle serait contrée par les opérateurs financiers :
les investisseurs internationaux ne pourraient être persuadés
de conserver leurs bons en Dollars à des taux d’intérêts
constants que si on leur masquait l’intention de baisser la valeur réelle
du Dollar ; un traitement qui exige qu’on en déguise l’objectif
ne peut tenir longtemps. »
Conclusion archi-classique, et que signeraient aujourd’hui les élèves
BARRE et BEREGOVOY : le conseiller FELDSTEIN condamne toute intervention
sur les taux de change du Dollar « qui impliquerait un abandon
des priorités domestiques à l’intérieur »
Bravo encore une fois pour ce réalisme anti-mondialiste. Dans
le même temps qu’il souffle à l’Europe en plein rêve
SCHUMANADENAUERien un colossal BANK ZENTRUM qui poursuivrait en toute
quiétude le libéral-capitalisme à l’échelle
des 20 nations européennes, FELDSTEIN, ce nouveau bon américain,
espère soustraire son pays à la monstruosité mondiale ;
il ne se préoccupe pas encore de la conséquence inévitable
de tels systèmes, qui se reproduit avec une amplitude toujours
croissante depuis l’avènement de la Banque d’Angleterre et l’impérialisme
international : les grands déséquilibres du système
ont toujours mené à des guerres de plus en plus atroces ;
non, ami Martin FELDSTEIN, nous ne voulons pas d’un vingt et unième
siècle de guerre Amérique contre Europe !
Devançons la grosse ficelle pseudo-économique que nos
marchands d’Europe du capital bancaire veulent nous imposer pour un
troisième millénaire à la Georges ORWELL !
La condition pour dénoncer ce marché de dupes de la banquisation
Européenne, c’est une totale remise en cause de l’iniquité
du système de crédit bancaire actuel. Posons et re-posons
partout la question primordiale du rôle du crédit bancaire
dans l’économie, et lançons une campagne d’étude
des modalités pratiques du système du B.I.E.N. Aimons
notre belle Europe comme la source de cette libération, et épargnons
lui l’immense galère qu’on essaie de nous vendre pour 1993, pour
laquelle Georges ORWELL ne se serait trompé que de neuf ans.
Le contrôle soi-disant « libéral » de la monnaie
concédé actuellement aux banques c’est le contrôle
par leur monopole, qui n’a rien de libéral comme La Grande Relève
ne cesse de le clamer. Lorsqu’il cède un peu trop à la
facilité de sa jeunesse dorée comme en 1985-87, ce système
laisse entrevoir sa totale inadéquation, comme l’a montré
l’épisode boursier d’octobre 1987, dissous à la hâte
dans un scandale crapuleux. Plus il est crapuleux, plus il est facile
de masquer l’iniquité fondamentale du contrôle bancaire.
Un système vraiment libéral rendrait immédiatement
inacceptables les déficits et les gaspillages (militaires) du
modèle américain, et interdirait l’illusion d’une croissance
indéfiniment nécessaire des profits économiques
pour que le monde puisse continuer à être et prospère.
La civilisation est, il est vrai, menacée par la violence économique
présente ; la réforme du crédit est le seul remède
rationnel.
Suite à l’article d’Henri Muller « la
société de droit selon F. Hayek » paru dans la Grande
Relève de juin, je pense qu’il faut montrer les autres facettes
de cet économiste (polémiste) remis au goût du jour.
Né en 1890, il fut le dernier ministre des finances de l’empire
austro-hongrois. En 1930, il doit s’exiler une première fois
en GrandeBretagne à cause de la montée du nazisme en Autriche.
Là, il est le premier opposant sérieux de Keynes, ce qui
lui valut son deuxième exil aux Etats-Unis. Il est à l’origine
des théories américaines anarchocapitalistes, le nouveau
courant néolibertarien. Dans son ouvrage « Droit, législation
et liberté », Hayek développe une théorie
de la répartition du revenu fort instructive quant à la
« philosophie » ( !) sociale libérale.
Hayek affirme qu’il y a une liaison entre la répartition du revenu
(national) et la production (le produit national). Dans un système
productif, où la répartition du revenu est rigidement
déterminée, la production est faible (ex. le système
féodal était lié à une production faible).
Hayek va tenter de démontrer que le système le plus performant
est celui où la répartition personnelle n’obéit
à aucune loi. Ce système de revenu indéterminé
(pour chacun) est le système capitaliste. Pourquoi l’indétermination
individuelle est plus productive que la détermination individuelle ?
Au niveau des stimulants matériels, le travail de l’individu
serait fonction de l’espoir d’augmentation de son revenu. Si son revenu
baissait, cela ne changerait pas son espoir de gains ultérieurs.
La société doit éduquer ses membres dans cette
perspective. Cet espoir de gains futurs est le moteur de la société
capitaliste. Il est le stimulant, le facteur d’efficacité maximum.
Cette indétermination des gains n’empêche pas le calcul
économique.
Les lois de Pareto permettent d’apréhender l’indétermination
par des courbes dissymétriques de probabilité. Pour Hayek,
les prix ne suivent jamais les lois de Gauss (courbe en cloche symétrique)
car ils ne sont que l’expression de cette indétermination de
la répartition. Un même bien aura un prix différent
selon le pouvoir d’achat du demandeur (les prix ont tendance à
baisser face à de forts pouvoirs d’achat).
Le principe déterminé, il nous faut voir comment une société
doit fonctionner pour satisfaire ce principe. Hayek appelle cette société
la « catallaxie »... c’est une société dans
laquelle les individus doivent être des joueurs. Il faut que tous
les comportements économiques soient axés sur le jeu.
Ce jeu suppose une règle du jeu fixe, la même pour tout
le monde.
Il est intéressant de voir qu’il faut qu’il y ait indétermination
individuelle et détermination sociétale. Mais, ces règles
du jeu, les lois ne peuvent émaner de l’Etat, l’Etat ne peut
être garant de cet état de catallaxie. L’Etat étant
l’émanation d’un pouvoir ne pourra qu’établir la règle
à son avantage. Dans ce cas là, la répartition
individuelle ne sera plus indéterminée. L’espoir de gagner
ne sera plus réparti collectivement. Dans notre catallaxie, chacun
va tenter de réunir les conditions les plus favorables pour gagner.
La société est ainsi poussée en avant. Un esprit
de compétitivité assurera le rendement maximum de chacun.
La répartition individuelle n’est que le résultat du hasard.
Il y aura toujours des gagnants et des perdants mais ils ne seront jamais
les mêmes (sinon le jeu serait truqué). Dans ce système,
les pauvres ont intérêt à jouer. Nous voyons la
clairement que le fondement de la catallaxie (représentation
idéale du capitalisme) est la pauvreté : la vie politique,
économique et sociale n’est qu’un immense jeu dans lequel on
peut aussi bien perdre que gagner. Un peu de spéculation, beaucoup
de hasard et nous avons là le système idéal ( ?)
Avec ce résumé des thèses d’Hayek, on sent bien
un arrière goût de néo-libéralisme : le chef
d’entreprise entreprenant, une aide aux pauvres, la plus faible possible...
Il est simple de voir le fossé avec l’économie des besoins
(réels). Il est amusant de voir la façon dont Hayek théorise
le fonctionnement de la société capitaliste, mais on ne
perd pas de vue l’hypocrisie avec laquelle il affirme que les gagnants
ne doivent
(sans suite).
Le Monopoly est un passetemps qui, depuis sa création
aux Etats-Unis, a gagné le monde entier, y compris certains pays
de l’est. Ses règles sont, en gros, les mêmes que celles
d’un autre jeu auquel nous allons nous intéresser celui qui se
déroule autour des entreprises, de la bourse et des banques.
Il y a envers l’argent une attirance immémoriale en raison de
sa rareté pour le plus grand nombre, de son abondance ou de sa
surabondance pour quelques-uns. Contrairement aux siècles passés,
la production automatisée ne distribue plus le pouvoir d’achat
global nécessaire à son écoulement. Le régime
capitaliste se meurt. La société est en mutation. Les
temps sont donc durs ; les pauvres et les modestes comptent sur des gains
inattendus et fabuleux pour changer de catégorie et de vie. D’où
la prolifération des jeux. Ils envahissent tous les médias :
presse, radio, télévision et tous les loisirs cinéma,
théâtres, sport, etc... Les bulletins d’informations rapides
sont consacrés presque exclusivement à la bourse, au cours
du dollar, aux résultats des courses hippiques et aux jeux radiophoniques.
En dehors de cela, il ne se passe rien dans le monde ! Hélas,
comme l’on peut s’y attendre, au bout de tout, il y a beaucoup d’appelés
mais peu d’élus et certains, les initiés, sont quasiment
sûrs de gagner ; tandis que les autres, les profanes, sont quasiment
sûrs de perdre. Les dés sont pipés.
La partie de Monopoly cesse à une heure donnée, le gagnant
est le plus riche à ce moment-là ; étant entendu
que tous les joueurs avaient reçu, au départ, les mêmes
moyens. Bien que, comme dans la vie, le jeu comprenne aussi un banquier
qui tient le rôle dominant. La bourse, elle, même si elle
s’interrompt parfois, au moins dans chaque pays, ne s’arrête jamais,
et surtout les joueurs ont des moyens très inégaux au
départ.
Les grands capitalistes influents ne cessent d’être sur la brèche.
« ...Quand on a une affaire comme Paribas ou le Suez, on ne fait
que cela, matin, midi et soir et même la nuit... » Selon
le principe énoncé par le banquier Jean-Marc Vernes très
lié au RPR, d’après Stéphane Denis dans son livre
« Le Roman de l’Argent » (1).
Le Monopoly des assurances et des banques
Il s’agit là d’une relation étroite entre sociétés dont la raison d’être est presque uniquement financière. « A l’inverse de ce qui se passe dans les pays anglo-saxons,parce que la France est un pays qui n’a pas de vrai marché financier, les banques ont naturellement été amenées à trouver des capitaux importants stables et garantis dans les compagnies d’assurance... » écrit Stéphane Denis. Les Français traditionnellement méfiants et de souche boutiquière ou paysanne ne placent guère leurs disponibilités dans les valeurs mobilières, mais, quand ils en ont, plutôt dans la pierre. Les banques d’affaires manquent donc de fonds. Par contre nos compatriotes, ennemis du risque, s’assurent beaucoup. D’où les rapports qui se sont instaurés, à leur insu, entre les deux institutions. « ...Les groupes financiers privés entretiennent tous des assurances. Les liens entre le Suez et le GAN sont connus et passent par des voies complexes où l’intérêt personnel des hommes s’allie aux intérêts généraux des groupes. Les postes de directeurs financiers des compagnies d’assurances sont éminemment stratégiques. La masse des actionnaires et des assurés qui n’y voient que du feu ignorent, bien entendu, cet état de relations dont la logique est uniquement celle du profit financier. Il arrive cependant que telle ou telle opération attire l’attention des pouvoirs publics, encore que la direction des Assurances ; au ministère des finances, soit un Etat dans l’Etat, et entretienne soigneusement le mystère. Confiée longtemps à des hommes proches des dirigeants politiques -comme Michel Poniatowski.... ou Bertrand Balaresque... (elle)... se trouve, depuis 1896, au cour de la plus grande bataille financière des privatisations... » conclut S. Denis sur ce point. C.Q.F.D.
Le Monopoly des entreprises
Les entreprises ne sont que des prétextes à
spéculations financières entre les mains de ces grands
prédateurs. Leur intérêt primordial qui devrait
être la satisfaction des besoins de la consommation est relégué
bien loin dans leurs préoccupations. Le plus bel exemple de compagnie
devenue uniquement financière est celle de « Suez »
Après avoir manoeuvré pour ne pas verser l’impôt
sur les 34 milliards d’anciens francs reçus en 1958 en dédommagement
du canal, elle a basé son nouveau départ sur cette mise
initiale. Elle est restée une des premières en France
par son chiffre d’affaires bien qu’ayant perdu tout rapport avec sa
raison d’être principale d’origine. La bonne santé de la
production à la suite du krach boursier de 1987 est restée
un mystère pour les économistes orthodoxes. Il s’avère
qu’elle serait finalement due, tout simplement, à un fort accroissement
des prêts bancaires aux consommateurs qui a relancé les
achats des ménages. Les banques ont pris l’habitude de consentir
automatiquement à leurs clients un crédit renouvelable
de 12.000 à 60.000F. Ceux-ci sont donc à découvert
en permanence de 30 à 60% de ces sommes. 15% de la clientèle,
considérée comme capable de verser des intérêts
élevés serait dans ce cas (2). A quand des emprunts pour
faire face au paiement des agios, comme il est pratiqué par les
pays du tiers-monde en dette ? Et jusque quand cette fuite en avant durera-t-elle ?
Quoiqu’il en soit nos grands hommes d’affaires continuent à jouer
avec les entreprises et tout ce qu’elles contiennent : moyens de production
en hommes et en matériel, sans aucun souci humaniste. Spécialistes
des participations croisées, des OPA amicales ou inamicales et
bientôt des LBO (3), ils ont les yeux fixés sur les indicateurs
financiers des grands groupes en vue de les accaparer au moment favorable.
Durant les années 1981 à 1988, le patron des patrons n’est
évidemment pas Yvon Gattaz soupçonné de se satisfaire
des gouvernements socialistes, ni son successeur à la tête
du CNPF Périgot ; mais bien Ambroise Roux, Président de
I’AGREF, Association des Grandes Entreprises Françaises, qui
groupe, depuis 1976, les principales sociétés faisant
appel à l’épargne. Il la saborde en octobre 1982 et la
remplace aussitôt par l’AFEP, Association Française des
Entreprises Privées, afin de mieux mener la résistance
contre les tentatives socialistes. Il réussit d’ailleurs à
limiter les nationalisations jusqu’à la « libération »
de mars 1986. A. Roux avait fait rentrer habilement Robert Mitterrand,
frère du Président, dans le conseil d’administration de
la CGE en tant que Président d’une de ses filiales. Malgré
cela, et bien que R. Mitterrand lui ait fait part du désir du
Président qu’il reste à son poste de PDG, il démissionnera
« pour l’honneur » en octobre 1981. En dépit de la
privatisation de 1986, atteint par la limite d’âge, il ne reprendra
pas son poste, mais restera à la tête d’une quinzaine de
conseils d’administration. Et pourtant, ce n’était pas une situation
de moindre importance puisqu’il reconnaissait gagner, non pas 12 MF
par an comme l’avançait Pierre Mauroy, ni même 10 MF, mais
près de 8 MF, soit plus de 650.000F par mois ! Et encore, n’était-il
que le second salaire de France : Jean Delorme PDG de l’Air Liquide était
mieux payé que lui !
Ainsi, malgré les dires de M. Pebereau qui prend ses lecteurs
pour des naïfs, les « coups » se succèdent au
gré des événements. Les financiers se prennent
pour des constructeurs. Ils s’attribuent l’édification des moyens
de production. Dans une interview au journal « Le Monde »
du 22 novembre 1988, Pebereau de « Marceau Investissement »
qui attaque la « Société Générale »
se défend de le faire en liaison avec le gouver-nement socialiste
et il plaide « ...Voyez-vous des hommes ayant l’expérience
et le passé de François Dalle (l’Oréal) Gustave
Leven (Périer) ou Jean-Louis Descours (André) se prêter
à une opération politique ? lis sont des industriels qui
ont bâti leurs entreprises de leurs mains. Jamais aucun d’entre
eux n’a mélangé la politique et les affaires... ».
Ces gens doivent avoir les mains bien calleuses ! Le contrôle,
non seulement des grosses entreprises mais des groupes de grosses sociétés
« pesant » parfois près de 10 milliards de francs change,
entraînant des restructurations aveugles, des abandons d’usines,
des licenciements irréfléchis, des départs prématurés.
L’économie-casino avec son cortège de bruits de couloirs,
d’affolements injustifiés, de paniques provoquées, rend
impossible une gestion rationnelle des moyens de production.
Le Monopoly de la presse
Jean-Marc Vernes, autre personnage d’importance déjà
cité, commençait toujours ses conversations par cette
interrogation : « Quoi de neuf ? » Il savait que l’information
est la première des marchandises. Comment une démocratie,
même ploutocrate, pourrait-elle fonctionner sans l’information ?
Les grands hommes d’affaires, dont il est question ici, savent que le
pouvoir réside dans l’information.
Tout le monde se souvient de la bataille qui a opposé les groupes
Bouygues et Hachette pour le contrôle de TF1. Bataille gagnée
par Bouygues. Canal + reste tenu par André Rousselet plutôt
mitterrandiste.
Ne parlons plus de l’attribution de la 5 au groupe Hersant-Berlusconi,
ni du bouleversement qui a fait de M6 une chaîne généraliste.
Les positions continuent, là aussi, à évoluer.
Les grands managers capitalistes se sont de tout temps intéressés
à la presse. L’un de leurs grands soucis fut toujours de susciter
un concurrent au « Monde », journal admis comme référence
au centre gauche et même droit, mais d’esprit relativement indépendant.
De nombreuses tentatives eurent lieu depuis « Le Temps de Paris
» des années 50 lancé par la famille Michelin, jusqu’à
« J’informe » soutenu par A. Roux et F. Ceyrac. Elles ont
toutes échoué.
Alors ils se sont résolus à entrer dans les journaux et
hebdomadaires existants. La presse Hersant qui exerce un quasi monopole
dans certaines régions, comme Rhône Alpes, leur donne satisfaction.
Ils financent, en plus, le « Quotidien de Paris » (4) par
Jean Maxime Levêque du CCF, un autre « conjuré »,
et par
Jean-Louis Descours, Alain Chevalier ou Jean-Louis Giral (Fédération
des Travaux Publics) notamment au cours des années 1981-1982.
Afin de ne pas se fâcher avec ses patrons et de ne pas « cracher
dans la soupe », Stephane Denis précise bien : « ...sans
que les sommes atteignent jamais un montant en proportion avec le coût
du journal... et sans que cette collaboration financière prenne
... la forme d’une participation occulte ou publique au compte d’exploitation
du quotidien. » Mais convainc-t-il ?
Quant à l’hebdomadaire « l’Express » fondé par
J.J. ServanSchreiber et Françoise Giroud, puis repris par James
Goldsmith le capitaliste de presse anglo-saxon, il tombe du côté
d’Ambroise Roux, toujours lui, en 1987, lors de l’acquisition de la
Générale Occidentale par la CGE.
Enfin « Libération » de Serge July revenu de son
extrême gauche soixante-huitarde a lancé, en octobre 1987,
une augmentation de capital de 15 MF souscrite par André Descours
et Gustave Leven (Barristes) ainsi que Jérôme Seydoux et
Antoine Riboud (Mitterrandistes). Curieuse conjugaison ! mais qui explique
bien l’évolution du journal.
On le voit, l’indépendance de la presse, ambition des législateurs
de 1945 est devenue presque comme avant-guerre, au temps de la presse
pourrie, une proie facile pour le capital.
Le Monopoly de la politique
Le financement des partis, on le sait, est à
la base de bien des revirements, des hold-up inexpliqués et des
crimes mystérieux.
Depuis Horace Finaly, ami de Léon Blum, devenu Directeur général
de ce que l’on appelait, alors, la Banque de Paris et des Pays-Bas,
financier du Cartel des Gauches et du front populaires ; les socialistes
ont toujours trouvé, eux aussi, de l’argent. Actuellement, l’homme-clé
dans ce domaine est Jacques Attali chargé de toutes les affaires
financières délicates et qui en a été quelque
peu contaminé. Le Président est lié avec André
Rousselet et Jérôme Seydoux déjà cités,
mais aussi avec Guillain de Bénouville, François Dalle,
Gilbert Trigano, Antoine Riboud, les
Bettencourt, Félix Rohatyn et Patrice Pelat. Les rumeurs ont
impliqué des socialistes dans des affaires dont les principales
furent Luchaire et le Carrefour du Développement. Mais le Président
reste intouchable : « ...On ne me coincera pas sur l’argent. Que
l’on trouve autre chose. Mais ce sera dur : mes moeurs sont normales,
je ne me suis pas enrichi, mes collaborateurs non plus... » dit-il.
La carrière de Jean-Pierre Chevènement, d’après
l’auteur, aurait été en grande partie prise en charge
par l’UIMM (Union des Industries Métallurgiques et Minières,
successeur du Comité des Forges) ce qui éclaire son itinéraire
curieux depuis la gauche du parti jusqu’au Ministère de la Défense,
pourvoyeur de commandes très généreuses pour les
industries d’armement. Par contre, on ne parle pas de Mauroy, intouchable.
Les financiers sont très surréalistes : « Je sais
bien qu’un bilan français est un mensonge organisé, mais
j’ai découvert des réserves dont je n’imaginais même
pas l’existence... » déclare, sans rire, JeanMaxime Levêque,
PDG du Crédit Lyonnais lors de sa prise de fonction.
II en est de même des comptes de la nation. L’ex-banquier franco-suisse
Jean-Pierre François raconte que la décision de ne pas
sortir du SME (Système Monétaire Européen) fut
prise par François Mitterrand principalement au vu d’un rapport
de Renaud de la Genière, Gouverneur Général de
la Banque de France, repris par Delors, Fabius et Mauroy, selon lequel
il ne subsistait, au mieux, que quinze jours de réserve au Fonds
d’intervention de la Banque. Or, après enquête ultérieure,
il s’avéra qu’il restait 23 milliards de francs disponibles,
sans emprunter, ni modifier l’état des réserves. Le président
et Jacques Delors s’estimèrent trahis par le gouverneur manipulé
par les milieux d’argent, avec la complicité du Trésor.
Si cette histoire est vraie, il ne faut pas oublier qu’elle influença
grandement une décision d’où date le retournement spectaculaire
du PS vers la droite financière. Toutefois, l’on peut douter
que 23 milliards auraient changé la face des choses.
Le PC est soupçonné de rapports avec la Banque Commerciale
pour l’Europe du Nord dont les anti-communistes primaires ou secondaires
disent qu’elle servirait de relais aux fonds soviétiques. Mais
il est vrai que c’est le parti qui s’autofinance le mieux par les cotisations
de ses membres et les reversements de ses élus.
A droite, l’argent afflue de toutes parts. La campagne législative
de 1981 des candidats de la génération montante du RPR
et de l’UDF Barnier, Juppé, Noir, Séguin, Toubon, Alphandéry,
Millon, d’Aubert, Léotard, Longuet, Madelin, est financièrement
soutenue par les banquiers de l’AGREF. C’est un bon investissement pour
l’avenir « ...Mes poulains aiment bien le foin » déclarait
Marcel Dassault. Et quand on lui demandait : « Avez-vous donné
beaucoup à Giscard ? » Il répondait « Non je
l’ai gavé ». Le banquier Claude Bebear est le bailleur de
fonds de l’UDF de son parent Michel Pinton. Le budget annuel du RPR,
entre 1981 et 1986, est de 300 MF. Son trésorier est Robert Galley
qui gère le parti comme une entreprise. En 1988, Chirac nomme
à sa place le jeune députémaire de Chalon-sur-Saône,
Dominique Perben, invité récemment à la télévision
« pour se faire connaître sans y réussir ! » (5).
La « banquière » Gilberte Beaux de la Générale
Occidentale, soutient à fond Raymond Barre sans grand succès
jusqu’à présent, mais qui connaît l’avenir ?
Conclusions
La participation au jeu de Monopoly en vraie grandeur
est donc bien réservée à quelques femmes et hommes
de grande influence, autant managers que financiers. Elles et ils sont
à la tête des grands groupes et les politiciens sont obligés
de tenir le plus grand compte de leurs décisions. Là se
situe la césure entre les intérêts. Seuls ces grands
requins perdraient en cas de changement démocratique de l’économie.
Ne nous trompons pas d’adversaires, la bataille se joue non pas entre
communistes et socialistes, ni entre hommes et femmes, encore moins
entre distributistes et mondialistes. Elle oppose ces quelques personnages-là
et le reste des citoyens et citoyennes.
Cette lutte n’est pas perdue. La mode du libéralisme, éphémère
comme les autres modes, est en train de passer. Jean-Louis Bourlanges,
ancien membre du cabinet de Jacques Chirac, vient d’écrire un
livre « Droite année O » (6) où il cherche pourquoi
le RPR est en pleine déroute, passant de 44% des suffrages exprimés
pour Georges Pompidou le 1er juin 1969, à 19,9% pour Jacques
Chirac le 24 avril 1988, soit une chute beaucoup plus forte que celle
du PCF. Il pense que le libéralisme « poujadiste »,
le rejet de toute intervention même justifiée de l’Etat,
l’élitisme qui favorise les « gagneurs » au détriment
de tous les autres, ont été à l’origine de cette
déconfiture.
Au contraire, la commission sociale de l’épiscopat français
a diffusé, le lundi 17 octobre 1988, un document intitulé
« Créer et partager » qui s’adresse aux catholiques,
mais audelà « ...aux chefs d’entreprise, aux salariés,
aux syndicalistes, aux apporteurs de capitaux, aux responsables publics... »
(7)
Fruit de six années de réflexion, nous retiendrons seulement
de ce travail qu’il faudrait analyser en détail, que les évêques
français sont attachés à la gestion financière,
à condition qu’elle ne soit pas « l’objectif premier, plus
important que la production des biens et des services... ». Nous
aussi, mais nous pensons qu’il s’agit là d’un vice rédhibitoire
du régime capitaliste et c’est notamment pourquoi nous proposons
de le remplacer par une économie distributive.
(1) Editions Albin Michel 1988. Ouvrage d’où
sont tirés la plupart des renseignements contenus dans cet article.
(2) Voir « Les nouveaux mexicains » de Paul Fabra dans « Le
Monde » du 22 novembre 1988.
(3) Leveraged Buyout : rachat à crédit des entreprises
parleurs « managers ».
(4) Stéphane Denis, auteur du livre que nous commentons, est
lui-même éditorialiste au Quotidien de Paris. Il est donc
bien placé pour savoir d’où vient l’argent ...
(5) Emission « Questions à domicile » sur TF1 le
27 octobre 1988.
(6) Editions Flammarion 1988.
(7) Voir « Le Monde » du 18 octobre 1988.