Le site est passé à sa troisième version.
N'hésitez-pas à nous transmettre vos commentaires !
Merci de mettre à jour vos liens.
Si vous n'êtes pas transferé automatiquement dans 7 secondes, svp cliquez ici
Éditorial
Une évolution certaine se manifeste. Que ce
soit l’échec de la reprise américaine ou la prise de conscience
que la modernisation des entreprises ne permettra sûrement pas
de retrouver le plein emploi pour tous, l’opinion reconnaît enfin,
quelques dizaines d’années après nous, que le chômage
est un fait structurel. Et que, par conséquent, à moins
de refuser aux chômeurs le droit de vivre, il faut trouver les
moyens d’assurer la survie de tous ceux dont le travail n’est plus nécessaire
à la production. C’est un grand pas qui est franchi puisqu’il
y a encore trois ou quatre ans, quand on osait se préoccuper
du sort des chômeurs et des futurs chômeurs, on s’entendait
couramment répondre que ces paresseux n’avaient qu’à chercher
du travail...
Mais c’est le moment d’être très clairs et très
fermes dans nos propositions. En effet, alors même que les perspectives
électorales feraient croire que les partis politiques fourbissent
leurs armes pour s’opposer, on assiste en fait à un véritable
consensus, la droite et la gauche se retrouvant parfaitement d’accord
sur un point : il faut sauver la société capitaliste à
tout prix. Et comme le problème du chômage la met en danger,
il faut accepter l’idée d’un revenu minimum de survie afin d’en
atténuer les effets les plus scandaleux. Cette convergence de
partis opposés a été soulignée récemment
dans « l’événement du jeudi » (du 9 au 16
Mai) : un article sur le chômage mettait en relief précisément
le fait que deux députés proposent la même solution
: J-M Belorgey (P.S., Allier) après avoir défini le chômage,
« sanction non pas de la paresse mais de la non performance »
et déploré « les trous de la protection sociale
», propose « d’introduire dans la politique sociale la notion
de revenu minimal garanti » ; A. Zeller (U.D.F., Bas-Rhin), devant
la réduction de l’assistance, suggère la création
« d’un revenu minimum d’existence » et l’introduction de
« la notion d’handicapé social ». Plus concrétement,
dans l’Ille-et-Vilaine, le mouvement ATD-Quart Monde, avec l’aide de
la Caisse d’Allocations Familiales, garantit, en 1985, un revenu minimum
(3292 F mensuels pour un couple avec un enfant) à 130 familles.
Mieux : à Nîmes, le Conseil Municipal (le maire Cacharel)
décide de prélever sur son budget les fonds nécessaires
pour verser un minimum (2700 F) à tous les sans-ressources de
la ville. Ce consensus est tel que les chômeurs eux-mêmes
font chorus, tout au moins ceux que mène M. Pagat, puisque c’est
les 2/3 du SMIC qu’ils réclament !
Tout en nous félicitant de cette prise de conscience des besoins
vitaux de ceux que le monde échangiste rejette, nous devons souligner
qu’assurer ce qu’on appelait naguère un « minimum vital
» n’est qu’une mesure destinée à maintenir le système
capitaliste et non pas l’amorce de l’économie distributive. Elle
a, certes, l’avantage de montrer que notre époque voit se produire
une véritable révolution en matière financière
; révolution énorme, en ce sens qu’il n’y avait, depuis
des siècles, que deux façons légales de se procurer
de l’argent : vendre sa force de travail ou placer un capital pour qu’il
rapporte un intérêt. Et on constate qu’au XXe siècle,
il a fallu en inventer un troisième : des revenus doivent maintenant
être distribués sans contrepartie, ni contre un travail,
ni contre un intérêt. Cette troisième source de
pouvoir d’achat, à laquelle on commence à donner le nom
de revenu social, représente déjà environ 40 °7o
du revenu des ménages. Et devant l’essoufflement des deux autres,
nous disons que la troisième est appelée à les
remplacer, permettant ainsi l’organisation d’une économie des
besoins.
Mais tant que ces distributions resteront une aide versée à une certaine catégorie de gens, placés ainsi en position d’assistés, elles ne seront qu’une caricature de l’économie distributive. Ces aides sont un moyen d’amener ceux dont la production n’a pas besoin à survivre dans la misère, alors que c’est l’abondance que cette production serait capable de distribuer. C’est cette énormité, absurde, qu’il faut dénoncer. Proclamons-le bien haut, même si nous sommes encore les seuls, même si aucun parti politique n’est en mesure de comprendre, même si nous ne sommes pas compris des syndicats, même pas par celui des chômeurs : notre époque est révolutionnaire parce qu’il n’est plus nécessaire de prendre aux uns pour donner aux autres ; nous possédons les moyens de produire de façon à distribuer à tous un MAXIMUM vital ! Et il n’y a pas à s’entretuer pour cela...
Le Syndicat des Chômeurs a décidé de « descendre dans la rue », pour défiler, pacifiquement, le 30 mai, de la République à la Bastille - deux symboles - et de clamer, sur leurs banderolles aussi bien que dans leur mensuel « Partage » (tiré pour la circonstance à 100.000 exemplaires) leurs légitimes revendications, leurs angoisses, leurs droits, leur appel à la solidarité. Nous avons déjà, dans la Grande Relève, signalé et dénoncé la « situation » faite aux chômeur.
« Partage » donne des précisions effarantes (source : étude CFDT de fin 1984) :
- 998.806 chômeurs touchent une allocation de
base dont le montant moyen est de 3.400 frs, donc inférieur au
SMIC ;
- 551.406, en fin de droits, touchent 42 F 40 par jour, soit, 1.242
F par mois ;
- Les autres - environ 1 million - ne touchent rien (c’est à
peu près le chiffre donné par Krasucki à la télévision
et que nous avions repris dans la G.R.).
André Bergeron, qui n’est pourtant pas un «
dur », déclarait le 26 avril dernier : « Il y aura
un grand clash social, tôt ou tard, si le gouvernement et le patronat
n’apportent pas de solution aux problèmes du chômage. Pas
besoin de sortir de l’ENA pour comprendre cela (...) Ça peut
partir n’importe où, n’importe quand. » Il vient de récidiver
à l’occasion de la manifestation du 30 mai... et du match de
la Coupe d’Europe à Bruxelles. Pour lui, le chômage crée
un risque d’explosion similaire. Face à cette réalité,
le gouvernement a enfin pris de nouvelles mesures en faveur de l’indemnisation
et de l’insertion des chômeurs :
- le « bénéfice » des TUC sera étendu
eux jeunes de 22 à 25 ans, demandeurs d’emploi depuis plus d’un
an ;
- l’allocation spécifique de la solidarité versée
par l’Etat sera augmentée de 50 % ce qui ne fait guère
que 1935 francs par mois !) ;
- le minimum de ressources des chômeurs âgés de plus
de 57 ans et ayant travaillé plus de dix ans sera porté
à 2580 francs par mois. Enfin, un crédit de 500 millions
de francs a été ouvert pour lancer en 1985-86 un programme
de lutte contre la précarité et la pauvreté.
C’est mieux que rien, mais c’est une aumône indigne
d’un pays industrialisé qui doit et peut assurer à tous
un revenu décent.
Ce qui est intéressant, c’est que, dans le n° de «
Partage » distribué à la manifestation, on trouve
quelque parfum de nos analyses :
« Les mutations technologiques en cours démontrent en effet qu’il n’y aura plus jamais assez d’emplois à plein temps
pour toute la population en âge de travailler. Il faut donc réaliser
une réduction programmée de la durée du travail,
et, dans l’immédiat, passer aux 35 heures. Avec une compensation
salariale intégrale pour les bas salaires car il ne s’agit pas
de partager la misère. Le chômage est devenu aujourd’hui
un phénomène massif, structurel et de longue durée.
Il disloque le monde du travail, suscite de nouvelles et profondes inégalités
sociales et tend à créer une nouvelle classe de marginalisés
et d’exclus. Une économie dualiste s’instaure donc, avec son
élite privilégiée de travailleurs permanents et
ses masses flottantes de travailleurs précaires, de chômeurs
totaux ou partiels, mal on non indemnisés. »
Et dans le courrier des lecteurs, un chômeur lance un rappel au
gouvernement « socialiste » :
« L’article 23 de la Déclaration Universelle des Droits
de l’Homme dans son alinéa 1 spécifie clairement ce droit
fondamental : Toute personne a droit au travail, au libre choix de son
travail, à des conditions équitables et satisfaisantes
de travail et à la protection contre le chômage. »
***
Nous avons signalé, dans un précédent
article sur le chômage, qu’en France, en 1984, avec une production
en hausse de 2 °/« , le nombre des chômeurs avait augmenté
de 300.000 (et non de 86.000 comme l’avait prévu l’INSEE, fin
1983). Or, le Commissariat au Plan, dans une étude sur les conséquences
qu’aurait eue l’application de la « flexibilité de l’emploi
» selon Gattaz (le droit d’embaucher et de débaucher à
volonté doit créer des emplois) montre qu’il y aurait
eu 100.000 chômeurs de plus à court terme.
Par ailleurs, l’OCDE prévoit que, parmi les pays occidentaux,
c’est en France que le chômage croîtra le plus dans les
18 mois à venir, quels que soient les changements politiques
pouvant intervenir en 1986. Si l’équipe au pouvoir change, nous
verrons comment M. Toubon, RPR, justifiera sa belle envolée récente
: « Pour lutter contre le chômage, on ne le dira jamais
assez, il faut créer des emplois. » M. de la Palisse n’est
décidément pas mort et heureusement pour Toubon que le
ridicule ne tue plus.
Nous, nous ne dirons jamais assez - mais malheureusement nous n’avons
pas l’audience d’un Toubon - que l’économie de marché
est vouée à la logomachie en matière de création
d’emplois. On ne peut pas avoir le beurre - la productivité à
tout prix - et l’argent du beurre, l’emploi.
A suivre
L’industrie des armements, c’est bien connu, est un bon moyen pour faire tourner les économies défaillantes. Les Etats-Unis ne s’en privent pas. Mais non contents d’avoir vu le budget militaire américain plus que doubler en sept ans, les fabricants d’armements abusent largement de la situation. Le mois dernier la marine a annoncé qu’elle avais mis fin à des contrats en cours, pour prés de 1 milliard de dollars, avec la société General Dynamics, accusée par le secrétaire à la marine de pratiques commerciales anormales et cyniques. Mais ce n’est là que la partie visible de l’iceberg : les vicissitudes de General Dynamics sont devenues le révélateur d’abus et de corruption beaucoup plus larges dans les cercles liés aux industries de la défense. C’est ainsi qu’outre General Dynamics, sept des plus grands industriels de la défense, ICS, Sperry, Newport News Shipbuilding, Bell Helicopter, Mc Donnell Douglas, Rockwell Internatinal et Boeing, ont reçu la visite de contrôleurs du département de la défense et du service général de la comptabilité de l’Etat. Les enquêteurs ont ainsi découvert que l’administration de la marine avait payé des notes de plusieurs milliers de dollars pour l’entretien du chien de l’un des présidents de General Dynamics, qu’une firme avait trouvé normal d’envoyer une note de 12.333 dollars pour le financement de places aux matches sportifs du Forum de Los Angeles, sous prétexte que cela soutient le moral des travailleurs, qu’une autre avait présenté une addition de 10.173 dollars pour couvrir le déficit de son coiffeur maison... Bref, tout est prétexte pour essayer de faire rentrer des dollars. Côté corruption, c’est aussi gratiné : M.S.D. Lewis, président de General Dynamics, ne sait plus comment expliquer pourquoi sa firme achète des bijoux pour les offrir à la femme de l’amiral H.G. Rickover ni pourquoi une de ses filiales a négocié l’embauche du sous-secrétaire d’Etat à la marine alors qu’il était encore et devait rester pendant plusieurs mois en position d’approuver différents contrats de la marine avec cette société. Ce type de pratique est tellement répandu que ce sont maintenant 45 parmi les 100 plus grands fournisseurs d’armements des Etats-Unis qui se trouvent sous le coup d’investigations criminelles. A la fin du mois de Mars, l’armée de l’air annonçait la suspension des contrats de General Electric à la suite d’une fraude de 800.000 dollars sur la construction de têtes nucléaires et réclamait par ailleurs le remboursement de 168 millions de dollars pour des paiements qu’elle considérait comme injustifiés sur la construction de moteurs d’avions. Au mois d’Avril, le Pentagone a décidé de geler les paiements à General Dynamics en attendant d’avoir récupéré 154 millions de dollars qu’il estime avoir indument payés sur une série de contrats. En fait, toutes ces pratiques ne sont pas très nouvelles : il y a plus de quatorze ans que General Dynamics est accusée de surcharger les coûts de ses travaux et il est bien rare qu’un grand contractant n’ait pas au moins un contentieux en cours avec l’administration. Mais ce qu’il y a de nouveau, c’est qu’il y a cinq fois plus de cas depuis 1980, c’est-à-dire depuis l’élection de Reagan.
***
Ce n’est certes pas nous qui protesterons contre l’attribution
de revenus garantis à tous les citoyens, mais encore faut-il
qu’ils soient équitablement répartis, ce qui est loin
d’être le cas aujourd’hui chez les agriculteurs. Ce qui, par contre,
est inadmissible c’est que l’on dépense des sommes énormes
pour empêcher de produire des biens ou des services alors que
des millions d’hommes meurent de faim. Mais ces hommes ont le grand
défaut, pour notre système économique, de ne pas
être « solvables ». Ils n’existent donc pas ! il devient
par conséquent de plus en plus urgent de mettre en place un nouvel
ordre international. C’est ce que, timidement, propose la France. Dans
un article intitulé « Liberté, liberté chérie
» (« Le Monde » du 30 Mai 1985), Louis Mermaz, Président
de l’Assemblée nationale, écrivait : « Si la France,
d’une manière générale, a décidé
d’augmenter son aide aux pays en voie de développement, c’est
bien pour répondre à une exigence fondamentale de la conscience
humaine quand des millions et des millions d’hommes sont en dessous
du seuil de survie. Dans quelles circonstances pourrait-on invoquer
plus légitimement la défense des droits de l’homme ?...
Mais peut-on accepter dans le même temps les conditions économiques
et financières qui sont faites aux pays les plus faibles par
des Etats plus puissants ? Est-ce servir les droits de l’homme que d’accepter
le désordre monétaire, d’imposer la suprématie
absolue de sa monnaie, de laisser le tiers-monde s’installer dans un
endettement toujours plus lourd ? A-t-on le droit alors d’appeler à
la naissance d’un nouvel ordre international au service de l’homme ?... »
Bien sûr, ce nouvel ordre international nous l’appelons de tous
nos voeux, mais nous nous permettons de rappeler à M. Mermaz
que nous demandons depuis longtemps, sans succès apparent, que
son parti et le gouvernement mettent enfin en place une commission d’étude
de ce nouvel ordre international. Un certain nombre de nos camarades
ont des propositions très élaborées à y
faire.
LES THÈSES ÉCONOMIQUES
Dans notre rubrique « Les grandes thèses économiques », nous venons deconsacrer trois articles à résumer l’essentiel des théories de Karl Marx. L’article qui suit vient à point pour les compléter.
Jacques Duboin n’était pas un disciple. Son
indépendance d’esprit et sa puissance d’analyse en firent un
maître. L’envergure de ce maître n’était pas commune ;
c’est pourquoi les courtisans des politiciens en place l’ont bassement
combattu et ont tenté d’étouffer sa voix.
Dès 1930, Jacques Duboin comprit que le rapide essor de la science
et des techniques de production allait provoquer une abondance des produits
et des chômeurs ; et que cette nouvelle situation rendait nécessaire
une transformation profonde des institutions sociales. C’est à
l’étude de cette transformation que Jacques Duboin consacra ses
plus importants ouvrages.
On sait, notamment par la lecture de « La Grande Relève
», ce qu’était l’immense culture de ce penseur. Il lut,
la plume en main, les livres de tous les grands économistes des
temps de la rareté. Il crut trouver en Karl Marx un prophète
des temps futurs et lut avec soin le Livre I du « Capital ».
Il fut déçu par la science descriptive de Marx. Celui-ci
avait, certes, une claire conscience du développement des techniques
de production et du machinisme, et de ses conséquences sur la
vie des travailleurs, sans pousser plus avant l’étude de la mutation
économique et sociale devant résulter de cette nouvelle
situation. Or, pour Jacques Duboin, cette mutation constituait le problème
principal.
Du jeune Marx journaliste au maitre en économie
C’est à 24 ans que Karl Marx devint écrivain
en commençant par le journalisme politique. Il savait - et en
était exaspéré - que nombre de ses lecteurs ne
prenaient pas au sérieux les écrits du « jeune Marx
». II voulut que ses écrits futurs les obligent à
changer d’opinion. Il commença cette nouvelle entreprise en publiant,
en 1859, - il avait alors 41 ans - sa « Contribution à
la critique de l’économie politique » dont le premier chapitre
traitait du « capital » et de « la marchandise »,
tout comme le premier chapitre du livre qu’il publia 8 ans plus tard
sous le titre « Le Capital », celui sur lequel Jacques Duboin
se pencha pour découvrir Karl Marx.
Mais il manquait à ce livre la préface qui avait enrichi
le précédent. Celle qui m’avait enthousiasmé quelques
années avant car j’y retrouvais le point de départ de
la pensée économique et politique de Jacques Duboin qui
m’avait conquis au début des années 40. Des cinq pages
de cette préface prophétique je ne citerai ici que quelques
lignes où vous retrouverez l’essence de notre pensée commune
:
« A un certain stade de leur développement, les forces
productives matérielles de la société entrent en
contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui
n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété
au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors. De formes
de développement des forces productives qu’ils étaient,
ces rapports en deviennent des entraves. Alors s’ouvre une époque
de révolution sociale... ».
Ne croirait-on pas que ces lignes aient été écrites
pour servir de préface et d’introduction au livre que Jacques
Duboin publia en 1934 sous le titre « La grande Révolution
qui vient ? »
Ce n’est qu’en 1875 que Karl Marx constata l’étroitesse revendicative
des dirigeants de ce qui allait devenir, par le congrès de Gotha,
le « Parti Ouvrier Allemand », ainsi que leur absence d’horizon
politique. Il comprit alors que le voile de philosophie dont il enveloppait
ses écrits les rendait illisibles à l’immense majorité
des travailleurs. C’est pourquoi Marx et son ami Engels rédigèrent
ensemble un petit livre de 154 pages, dans une écriture accessible
à tous, qui fut édité en 1875 sous le titre : «
Critique du programme de Gotha ». C’est l’essentiel de cet ouvrage
qui fut retenu et diffusé par Vladimir Lénine, le plus
fidèle des disciples de Karl Marx.
Un militant : Vladimir Lénine
Lénine fut essentiellement un militant. Il ne
perdit jamais le contact avec le peuple soviétique soit par des
articles de presse lorsqu’il était exilé, soit par la
parole lorsqu’il était en Russie. Tenant compte que, depuis des
siècles, ses compatriotes vivaient en économie marchande,
il s’appliqua à leur faire comprendre que cette forme d’économie,
impliquant l’achat et la vente, et la recherche primordiale du profit,
constitue l’épine dorsale de toutes les sociétés
capitalistes et qu’il était indispensable de la remplacer au
plus tôt par une économie organisée non plus pour
le profit de quelques-uns mais pour la satisfaction des besoins de tous
; citons-le :
« Le socialisme veut que soit aboli le pouvoir de l’Argent, le
pouvoir du capital, la propriété privée de tous
les moyens de production, ainsi que la production marchande... ».
(Article paru dans le « Proletari » n° 25 de novembre
1905).
Jacques Duboin et la classe ouvrière
Les discours et les livres de Jacques Duboin étaient,
eux aussi, destinés au peuple français et non aux dirigeants
de la politique ou de l’économie. Et cependant c’est l’un d’eux,
Raymond Poincaré, qui déclara publiquement alors qu’il
parlait du Parlement que « le député Jacques Duboin
est, me semble-t-il, la meilleure tête du Parlement ». (Propos
rapportés au cours d’une réunion publique rue de Valois
par l’un des dirigeants du Parti Radical).
Bien que Jacques Duboin fut un député remarqué
et qu’il fut plus remarqué encore lorsqu’il devint le Secrétaire
d’Etat aux Finances dans le Ministère Joseph Caillaux, il était
aussi un écrivain déjà considéré
par les potentats du régime comme « un danger public »
; n’était-il pas le sociologue qui osait écrire que l’économie
marchande devait faire place à une « économie des
besoins » !
Dès 1939, les éditeurs habituels de Jacques Duboin se
« récusèrent » et aucun des éditeurs
importants, c’est-àdire bien équipés pour une large
diffusion, n’accepta ses manuscrits... Il fallut créer OCIA dont
les possibilités de diffusion étaient fort limitées...
OCIA a disparu mais, à ma connaissance, aucun grand éditeur
français n’accepte un livre écrit par un disciple de Jacques
Duboin...
Contrairement à Marx et à Lénine, Jacques Duboin
n’a jamais pensé qu’il fallait attendre d’une classe quelconque
de la société une initiative révolutionnaire. Profondément
cartésien, il faisait confiance en da raison pour gagner les
Français à la cause de l’Economie Distributive. Les milliers
d’auditeurs qui emplissaient les plus grandes salles de la Sorbonne
ou des grands clubs parisiens, et qui applaudissaient vigoureusement
ses propos, semblaient bien lui donner raison. Mais la grande presse
et les autres médias lui demeuraient hostiles. Ainsi que tous
les gouvernements. y compris ceux se disant « de Gauche ».
Notre regretté camarade Sarger, alors qu’il était membre
du comité directeur du « Mouvement Français pour
l’Abondance », fondé et présidé par Jacques
Duboin, eut un jour l’idée d’interroger le Comité Central
du Parti communiste sur sa propre position concernant l’économie
marchande que Marx et Lénine considéraient comme «
l’épine dorsale » de la société capitaliste.
Il lui écrivit dans ce sens et reçut une réponse
polie et franche reconnaissant que le Parti Communiste et ses conceptions
économiques n’étaient pas hostile à l’économie
marchande.
Jacques Duboin ne fut pas surpris de cette réponse. « Vous
espériez trop du Parti Communiste », dit-il à notre
ami.
« Que faire ? »
Dans un livre intitulé « Que faire ? »,
Lénine écrivait que le syndicalisme ouvrier ne préparait
les travailleurs qu’à des revendications dans le régime,
n’en concevant aucun autre. Il préconisait une éducation
à la fois politique et économique des militants du Parti
Communiste afin qu’ils puissent devenir des éducateurs actifs
de la classe ouvrière. La réponse faite à Sarger
ne l’aurait-elle pas découragé ?
Pour notre part, ne désespérons pas. La faillite politique
de la Droite puis de la Gauche n’ouvrira-t-elle pas les yeux et les
oreilles de nos compatriotes qui sont eux-aussi des fils de Descartes
?
Je suis convaincu que nous n’avons rien de mieux à faire que
de poursuivre l’oeuvre de Jacques Duboin. Il faut que nos « raisons
» deviennent une nécessité évidente pour
la grande majorité du peuple français.
J’accuse les dirigeants politiques ou financiers du
monde, quels qu’ils soient :
- de ne pas utiliser les progrès techniques uniquement pour les
besoins de paix et des hommes, mais d’inventer aussi des matériels
de plus en plus perfectionnés pour les détruire, et faciliter,
approvisionner ou soutenir les guerres et conflits locaux ;
- d’être incapable de lutter efficacement contre le chômage
alors que le besoin d’emplois existe dans les domaines suivants : enseignement
et formation professionnelle, constructions de logements sociaux et
réhabilitation, hôpitaux et services sociaux, équipements
sportifs et culturels, prévention et lutte contre la délinquance,
réforme pénale et réinsertion des condamnés
libérés, etc... ; l’argument du manque de crédits
ne tient pas puisqu’il disparaît en temps de guerre ;
- de maintenir ou développer les productions de matériel
militaire, soit pour des buts idéologiques, soit pour préserver
l’emploi, ou accroître les profits ;
- d’équilibrer ainsi les balances des paiements de leurs pays
en vendant et exportant de plus en plus d’armements, notamment aux pays
pauvres, qui auraient plutôt besoin de matériels industriels
ou agricoles et d’assistance technique ;
- de gaspiller chaque année des centaines de milliards dans les
armements alors que des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants souffrent
de la faim et meurent dans les pays sous-développés, ce
qui constitue notre génocide quotidien ;
- de limiter ou réduire en même temps les productions agricoles
pour lutter contre les excédents qui font baisser les prix, ou
doivent être stockés en raison de leur mévente ;
- de ne pas s’engager dans des négociations honnêtes, constructives
et permanentes pour aboutir à un désarmement général
progressif par une réduction annuelle de 5 % des budgets militaires,
ce qui permettrait une reconversion graduelle des appareils productifs ;
- d’asservir les êtres humains au profit d’un système monétaire,
financier, bancaire basé sur la spéculation permanente,
qui ne correspond plus aux besoins des sociétés modernes,
au lieu d’utiliser la monnaie au service des hommes en instaurant une
économie distributive d’une production en expansion, correspondant
aux besoins réels et non aux besoins solvables ;
- d’aggraver la misère des pays sous-développés
en leur accordant des prêts à des conditions draconiennes
qui parfois ne leur permettent même plus de payer les intérêts,
et augmentent la pauvreté de ceux qu’ils sont censés aider
;
- enfin de tromper les peuples en pratiquant cette immense hypocrisie
qui consiste à prôner dans les discours ou les textes la
morale, le respect de la vie, des droits de l’homme et de la démocratie,
la tolérance, la fragilité, la justice sociale, la lutte
contre le racisme ou le totalitarisme, et à prendre en même temps des décisions ou accomplir dans tel ou tel pays des actes qui sont une violation permanente de ces principes.
En lisant le n° 20 du journal « Partage
» de l’Association Syndicale des Chômeurs, on ne peut s’empêcher,
même si on veut éviter de rêver, de faire le rapprochement
entre les cahiers de doléances des chômeurs français
de 1985 et ceux des délégués aux Etats Généraux
de 1789. La révolution économico-sociale est-elle en route ?
Les conclusions de trois journées de réflexions et débats
sur le chômage sont résumées en six points dans
« Partage » par Philippe LE RAY :
1. LA LEGITIME DEFENSE. Maurice PAGAT rappelle que l’on est passé
d’un chômage conjonctuel de courte durée à un chômage
STRUCTUREL de longue durée. La moyenne du temps de chômage
dépasse maintenant 10 mois. 1 100 000 chômeurs sont en
fin de droit et certains d’entre eux estiment qu’ils sont en état
de légitime défense.
2. LE MINIMUM CHÔMAGE. La revendication essentielle dans l’immédiat
est d’obtenir un minimum chômage égal au moins aux 2/3
du S.M.I.C. Le minimum chômage doit être instauré
au même titre qu’existe le minimum vieillesse. Le candidat Mitterrand
s’y était d’ailleurs engagé. Le coût est d’environ
3 milliards de francs ; c’est à l’état d’en prendre la
plus grande part à sa charge.
3. PAS DE CHÔMEURS DECHETS. L’opinion s’habitue à l’idée
qu’il faut un « matelas de chômage », la société
ne peut avancer sans « produire de déchets » même
si ce sont des hommes et des femmes.
4. REPARTAGER LE TRAVAIL. Un des moyens d’y arriver, c’est le développement
du temps partiel. Dans un ménage qui reçoit deux bons
salaires, est-il nécessaire que le second soit à plein
temps ? On estime que le temps partiel généralisé
apporterait la création de 2 à 300 000 emplois.
5. LES T.U.C. MIEUX QUE RIEN. Il faut surtout que ce ne soit pas un
moyen de s’offrir de la main d’oeuvre à bon marché. Les
jeunes ne sont pas des fainéants puisqu’ils sont prêts
à travailler pour 1200 F plutôt que de se sentir inutiles.
6. DES CAHIERS DE DOLEANCE. Partout vont être rédigés
des cahiers de doléance exprimant les difficultés que
rencontrent les chômeurs et rassemblant leurs revendications ».
Mais, poursuit objectivement Philippe Le Ray :
« Il reste qu’en face de l’ampleur du chômage, LES VRAIES
SOLUTIONS SONT LOIN D’ÊTRE TROUVEES ».
Face à ces doléances, René Ruaux
va plus loin. Sous le titre « Scénario du futur. La révolution
de 1989 », il imagine qu’alors :
« - Des hommes n’avaient plus le droit au travail, ni au salaire.
- Des économistes sérieux vinrent donner des cours dans
ces maisons de chômeurs et ceux-ci furent franchement scandalisés
quand ils apprirent que beaucoup d’entreprises avaient retrouvé
assez de réserves pour s’autofinancer et même avaient reconstitué
des marges de profit leur permettant d’investir et de moderniser. Curieusement
elles ne le faisaient pas, attendant on ne sait quel évènement
Elles n’investissaient pas.
- Il n’était plus possible d’être Reaganien, tout le monde
savait que là-bas, on s’accommodait de 35 millions de gens en
dessous du seuil de la pauvreté.
- Les chômeurs de 1987 furent désormais considérés
comme la première classe de travailleurs en recyclage avec salaire
maintenu et reclassement garanti à la fin de l’année.
- Les affaires sont reparties à grand train et à notre
grande honte, nous sommes contraints de faire appel à la main
d’oeuvre étrangère ».
Alors je me pose la question : est-ce bien ça
l’idéal des chômeurs ?
Quel que soit l’endroit ou se tournent mes yeux, je retrouve les mêmes
consternations, les mêmes analyses, tes mêmes constats d’échecs,
mais aussi les mêmes bonnes volontés, les mêmes souhaits
de réforme de la société et les mêmes besoins
d’action. Mais quelque chose diffère : LA SOLUTION. Toute les
solutions envisagées n’ont aucune base économique solide
et ceux qui les proposent savent bien que ce ne sont que retouches sur
une toile déjà peinte. Par contre, nos propositions, elles,
sont destinées à adapter pour l’homme les conditions économiques
du 20e siècle qui, ELLES, SONT REVOLUTIONNAIRES !
Entre le manque de « vraies solutions » des chômeurs,
le système coopératif du parti humaniste et les rêves
d’André Ruaux, il existe le système distributif de Jacques
Duboin. Seule théorie globale, capable de résoudre l’ensemble
des problèmes que nous connaissons actuellement. Voilà
le formidable outil que nous avons entre les mains. A nous de le faire
connaître (d’abord aux chômeurs et j’en appelle à
chacun d’entre vous pour prendre contact avec la maison des chômeurs
de sa ville). Nous aussi, SOYONS ACTIFS. Devenons des « hommes
de terrain ». Considérons que chaque personne qui «
connait » le système distributif est un grain de sable
Lorsque le tas de sable sera suffisamment important, il nous suffira
d’ajouter de l’eau et le ciment des distributifs actifs pour obtenir
le béton qui servira d’assise à une nouvelle société.
Lectures
Livre-choc, VODKA-COLA, publié en 1977 (2),
n’était qu’un hors d’oeuvre. Celui d’Eric LAURENT apporte le
reste du menu : un documentation massive concernant les relations combien
singulières qui, à travers révolutions et guerres,
en dépit des escalades verbales, des menaces mutuelles d’extermination,
des « purges » et du goulag, de la course aux armements,
n’ont cessé de se poursuivre de 1917 à nos jours entre
les milieux d’affaires d’Outre Atlantique et les hauts dirigeants soviétiques,
par dessus la tête des Gouvernements.
Se voient notamment confirmées d’anciennes informations souvent
qualifiées de rumeurs, divulguées sous le manteau, faisant
état de l’active participation de plusieurs établissements
financiers américains et suédois à la révolution
de 1917. En fait, cette collaboration n’a guère connue d’éclipse
au coeur des décennies qui ont suivi. Armand HAMMER, personnage
central de cette fresque historique, 87 ans, multimilliardaire, ami
et confident des maîtres successifs du Kremlin de Lénine
à Gorbatchev, en est le symbole. C’est homme solitaire a oeuvré
pour la paix plus que tous les prix Nobel, parvenu à ligoter
les nations antagonistes par des liens d’intérêts industriels,
commerciaux et bancaires indissolubles.
De telles révélations constituent un coup sérieux
pour les propagandes invitées à une révision déchirante
de leurs thèmes favoris. Il n’y aura pas, il ne peut advenir
de guerre nucléaire impliquant les Etats-Unis et l’Union Soviétique.
Les Américains y perdraient le fruit de leurs stupéfiants
investissements à l’EST, et les Soviétiques le bénéfice
des technologies occidentales indispensables à leur développement.
Toute cette hystérie orchestrée de part et d’autre sur
le thème d’une menace d’agression relève ainsi d’une mystification.
Il s’agit seulement de soutenir l’ardeur du contribuable en habillant
l’adversaire d’une défroque de méchant loup. Tout au plus
encourage-t-on ça et là, en fournissant des armes, quelques
guerres conventionnelles entre pays tiers, guerres n’engageant pas les
deux grands, afin de soutenir l’activité économique, les
débouchés, l’emploi et les profits, grâce à
l’industrie florissante des armements et aux aides à la reconstruction
ainsi qu’alimentaires.
On continue néanmoins à multiplier l’armement nucléaire,
à en équiper des bases bien que sachant qu’il ne servira
jamais. C’est là un intéressant débouché
à ne pas négliger. Et comme le public commence à
s’interroger sur la nécessité de disposer de tant d’engins
alors que deux ou trois suffiraient amplement pour réduire l’adversaire
à merci, la guerre des étoiles est en train de prendre
le relais, assortie du même type de propagande.
Du côté occidental on a également souci de combattre
la subversion intérieure. Il importe d’endiguer le socialisme
dans la sphère d’influence américaine, là où
l’Occident puise ses matières premières, les approvisionnements
qu’il est impératif de soustraire à la socialisation.
Ainsi est-il nécessaire d’éduquer les populations dans
la méfiance, dans l’hostilité à l’égard
des régimes socialistes voués aux gémonies, dépeints
comme l’oeuvre du diable, comme l’empire du mal et que la propagande
s’acharne à noircir à dessein.
Le KGB est mis à toutes les sauces, suscitant un répulsion
salutaire voire une haine irraisonnée. On fait habiller les «
dissidents » accueillis à bras ouverts. On s’assure de
« taupes » au sein des gouvernements socialisants, chargées
de veiller au grain. Aux plus rétifs, on applique l’embargo à
titre de semonce, allant parfois jusqu’à l’occupation militaire.
D’autres piégés par l’« endettement, se voient offrir
un pactole en échange de l’installation de bases. Dans les cas
extrêmes, on arrange un coup d’Etat ou l’on fait assassiner un
Président.
Il appartient à des institutions internationales, Trilibérale
et autres, d’exercer une ferme pression sur les gouvernements tentés
de ruer dans les brancards, durant que l’OTAN et la C.I.A. soufflent
sur la braise pour entretenir le feu sacré couvant à l’abri
des armements.
Quant aux multinationales dont les dirigeants financiers qui sont aussi
les maîtres du jeu, elles se servent à la fois de la Trilatérale,
du Gouvernement américain, de l’OTAN, la main d’oeuvre, des infrastructures
et des débouchés dans les pays socialistes, pour étendre
et consolider le règne mondial de l’argent.
En résumé, le livre d’Eric LAURENT vient détruire
les ressorts d’une propagande jusque-là fondée sur la
crainte d’une guerre nucléaire rendue désormais impossible
- à moins d’un « accident » ou d’une erreur. Il met
en lumière la duplicité des milieux financiers américains
et internationaux seulement soucieux de profits et s’alliant, à
cette fin, avec leurs pires adversaires.
Le risque est multiple. Dessillant les yeux du contribuable, il informe
celui-ci de l’énorme farce dont il est victime-, il démobilise
l’opinion dressée avec si grand soin contre le socialisme en
dénonçant la désinformation coutumière aux
officines de propagande. Enfin il remet en question les thèses
les mieux ancrées, désarçonnant les détenteurs
de certitudes en la matière.
D’aucuns penseront que les Américains ont tort de livrer périodiquement
au public leurs archives les plus confidentielles, de laisser traîner
et se répandre d’aussi gros secrets que d’obstinés amateurs
d’inédit se font un devoir d’exploiter sans vergogne.
La corde pour les pendre.
(1) Eric Laurent (Ed. FAYARD, avril 85)
(2) Ch. Levinson (Ed. STOCK)
Le colloque organisé le 25 mai à Paris
a réuni une cinquantaine de « fidèles de la Grande
Relève », venus souvent de loin, Toulouse par exemple.
Six camarades belges n’avaient pas hésité à faire
le voyage aller-retour dans la journée.
Les retrouvailles ont été chaleureuses : 30, 40 voire
50 ans de militantisme n’ont pas altéré la foi des lecteurs
de la G.R. dans l’économie distributive, seule solution à
la crise de l’économie capitaliste, l’économie de marché.
C’est ce que rappela Marie-Louise Duboin dans son allocution de bienvenue,
dont voici quelques points forts : « Pourquoi cette réunion
? C’est surtout une réunion de travail qu’on entreprend. Elle
a lieu parce qu’un très grand nombre de gens nous ont écrit
en disant : « on veut se rencontrer, on veut bien faire une action
dans notre coin, mais rien ne vaut le travail qu’on peut mettre sur
pied ensemble. On a envie de se voir ».
« Il y a d’autre part le fait que beaucoup de gens se rendent
compte que les choses sont beaucoup plus prêtes qu’elles ne l’étaient
il y a quelques années encore... Il n’y a que depuis 3 ou 4 ans
que les gens commencent à admettre que la crise décrite
par J. Duboin depuis 50 ans est une crise structurelle. Gauche ou droite,
personne ne trouve une solution, personne n’arrive à sortir du
système. C’est vraiment nous qui avons quelque chose à
proposer ; il faut donc le faire. C’est pour cela que vous êtes
là.
Je voudrais saluer tous les gens qui sont distributistes depuis de très
longues années et leur dire que cela prouve que le distributisme
conserve. Vous avez tous suivi l’exemple de J. Duboin qui jusqu’à
94 ans a continué à écrire. Je crois qu’il n’a
été battu que par Jules Leclerc qui, lui, a tenu jusqu’à
99 ans. Donc vous avez de la marge...
Et puis je constate qu’il y a la relève, il y a enfin des jeunes !
Vous allez donc aujourd’hui mettre sur pied une action ; vous êtes
venus pour cela. Mais je voudrais souligner qu’il n’y a pas d’action
sérieuse possible s’il n’y a pas, parallèlement, je dirais
en même temps, un travail de réflexion, une étude
constante de ce qui se passe, de ce qui se fait, de ce qui se dit.
... La partie réflexion, vous avez compris que c’est la Grande-Relève
qui est là pour ça, c’est son rôle. Je m’engage
à maintenir ce support solide qu’il faut à toute action.
Donc c’est vraiment sur le parallélisme entre votre action et
le travail de base que se propose de continuer la G.R., qu’il faut essayer
de tabler pour rendre efficaces les débats d aujourd’hui ».
***
André PRIME, après la mise au point
d’ordre pratique, rappelle l’ordre du jour : « Autour du thème
: comment, à la faveur de la deuxième grande crise du
capitalisme, faire connaître nos thèses et faire en sorte
qu’elle finissent par s’imposer comme la seule solution possible ?
Il s’agit d’examiner les objectifs et les moyens sur deux périodes,
le court terme - 1 an - et le moyen terme - 5 ans -, le long terme n’étant
pas à l’ordre du jour.
En outre - c’est une nécessité permanente - étudier
en détail la crise (dont l’aspect le plus marquant est le chômage)
et surtout, les modalités de passage à l’Economie Distributive.
Il est, en effet, déterminant que notre réflexion « creuse »
ce problème sur lequel, il faut bien le reconnaître, notre
argumentation achoppe le plus souvent lorsque nous voulons convaincre.
Pour répondre au découragement qui parfois se manifeste
après tant d’années d’attente et de lutte - même
si la foi dans les principes reste intacte - André PRIME insiste,
après M.L. DUBOIN, sur le fait que la période est propice
au développement de nos thèses, comme après les
années 30. Si les 30 glorieuses » ont un peu occulté
l’inéluctabilité d’une économie distributive pour
sortir du capitalisme, la crise qui dure maintenant depuis plus de 10
ans rend notre raisonnement plus crédible que jamais.
En effet, le chômage croit (+14% en 1984 en France) avec l’augmentation
de la production. Aucun gouvernement - de droite ou de gauche - ne peut
résoudre ce problème crucial dans le cadre de l’Economie
de Marché.
Et le mythe de la reprise américaine - « de la sortie de
la crise » - s’effondre au bout de 2 ans à peine. Les résultats
du premier trimestre 1985 confirmant magistralement nos analyses =+0,70
% seulement au lieu des 4% attendus (10% au premier trimestre 1984).
Et cela, avec un budget militaire considérable : 8,5% du P.N.B.
et quel P.N.B. ! alors que les budgets militaires européens sont,
eux, de l’ordre de 4% du PNB. C’est pourquoi, il faut absolument se
préparer en un an à devenir un centre d’explication et
d’accueil pour tous les déçus de la gauche. Et en France,
ils seront légion, sûrement, en mars 86.
***
Les intervenants ont été nombreux et
le temps a manqué pour donner lecture des propositions de camarades
qui n’avaient pu venir. Qu’ils se rassurent : la richesse des exposés
et débats a permis de reprendre l’ensemble de leurs suggestions.
Les débats ont été très fournis et souvent
passionnés ; même s’ils s’écartaient parfois du
sujet exposé. Ce n’est pas grave : cela prouve la richesse de
la pensée des distributistes, leur besoin, à l’occasion
de ces retrouvailles, d’exprimer leur réflexion personnelle,
leur expérience.
La place et le temps ne nous permettent pas de reprendre ici les interventions
et débats. Ils se trouvent résumés dans la synthèse
qui suit et, comme nous avons tout enregistré sur magnétophone,
nous allons , pouvoir retranscrire - c’est un long travail - et nous
pourrons y revenir pour en développer les idées les plus
intéressantes.
En fin d’après-midi nous avons donc tenté une synthèse
des objectifs et moyens, en tenant compte raisonnablement de nos possibilités.
" L’objectif N° 1, à court terme,
c’est que chaque lecteur de la G.R. convainque au minimum une personne
- jeune de préférence car il faut impérativement
assurer la relève (La Grande Relève !). Mais c’est vraiment
le strict minimum. Les lecteurs actifs viseront un objectif plus élevé
: 3, 5, 10 personnes.
Parallèlement voir l’allocution de bienvenue de M. L. DUBOIN
- ces nouveaux « adeptes de l’E.D. s’abonneront à la G.R.,
et cela fera boule de neige : nouvel adepte - nouveau lecteur G.R. -
nouveau (x) adepte (s) - nouveau (x) lecteur (s) G.R. etc...
Les « cibles » : chômeurs, jeunes, socialistes, syndicalistes, verts etc... Un camarade a émis une idée d’un grand intérêt : « toucher » les entreprises où il est question de licenciements ou fermeture. Le même camarade, par contre, militant à la CFDT, nous a dit combien, même dans un tel syndicat, auprès des ouvriers, nos thèses rencontraient peu de compréhension, quand ce n’est pas une hostilité. Ce qui prouve que la tâche n’est pas facile ; il faut cependant persévérer.
" Les moyens retenus
- Les tracts existants à la G.R. D’autres tracts à concevoir,
ou simplement ponctuels (ainsi un tract à distribuer à
la manifestation du syndicat des chômeurs le 30 mai, ce qui a
été fait).
- La bande dessinée. La Grande Relève vient d’en éditer
une : ne tardez pas à la commander. M. L. DUBOIN la perfectionnera,
mais elle est très valable dans son premier jet.
N.B. nous avons expérimenté l’efficacité de la
B.D. en distribuant à la manifestation du Syndicat des Chômeurs,
un tract dont le verso était traité en B.D. : on se l’arrachait
!...
- Une brochure de grande diffusion de nos idées (30/40 pages)
comme il en existait au MFA après la guerre. Cette brochure s’appuierait
sur la situation aberrante actuelle et insisterait sur la monnaie, signe
essentiel de la faillite du capitalisme.
Elle doit être réalisée avant la fin de l’année
en principe, au plus tard en février/mars 1986.
- Une cassette magnétophone reprenant en gros le contenu de la
brochure : cela devrait faciliter de petites réunions à
3 - 5 - 10 personnes et permettre un débat.
Plus tard - mais sa confection n’est pas simple - une cassette vidéo,
formule plus vivante que la cassette magnétophone, est prévue.
- Diffusion des livres concernant l’E.D. et notamment :
- LES YEUX OUVERTS de J.DUBOIN
- LES AFFRANCHIS DE L’AN 2000 de M. L. DUBOIN
Chaque lecteur de la G.R. doit avoir à coeur
d’organiser des petites réunions, chez lui ou dans une petite
salle de café ; il faut, dans l’année qui vient, multiplier
cette excellente forme de propagande. Bien entendu, pour avoir un sens,
être efficaces, ces réunions doivent regrouper des non-convaincus.
- Les réunions de plus grande envergure - 20 - 30 - 50 personnes
ou plus ne sont pas interdites, bien sûr ! Au contraire, si un
camarade peut en organiser et a besoin d’un « coup de main »,
nous sommes prêts à aller l’aider.
- A la demande de certains camarades, nous examinerons la possibilité
de présenter des candidats aux élections législatives
de 86 ; non dans l’espoir qu’ils soient élus, mais pour qu’on
parle de nous, qu’on puisse bénéficier des possibilités
officielles des candidats sur le plan des médias : radios locales,
journaux, conférences de presse.
- Tout camarade qui pourra utiliser les radios locales devra le faire
ou nous avertir s’il veut de l’aide.
- Enfin, dans l’année qui vient, il faut « creuser »
l’étude des étapes intermédiaires, comment passer
du régime actuel à l’E.D. ou du moins à une «
amorce ». Faut-il viser l’Europe ? Demande est faite à
tous les gens qui ont assisté au colloque - mais également
à tous les lecteurs de la G.R. - de bien vouloir nous adresser
leurs idées, leurs suggestions.
Attention : il faut être réaliste, ne pas supposer le problème
résolu, ce qui est trop facile et que nous avons trop tendance
à faire.
Pour le moyen terme - 5 ans - il est apparu qu’il était prématuré
de rentrer dans les détails. Si, d’ici un an, nous avons réalisé
ce que nous nous sommes fixés - pour le court terme - une nouvelle
réunion permettra de faire le point et d’étudier de nouveaux
objectifs et moyens : « déçus du socialisme »
(députés non réélus compris) médias,
réunions importantes, élections européennes, etc.
A 5 ans, l’objectif est d’atteindre une audience comparable à
celle qu’ont pu avoir les JEUNES avant guerre (1), ou même le
MFA après la guerre ; pour fixer les idées, celle qu’ont
aujourd’hui les verts, le Cérès, le PSU (même diminué),
le MRG, le syndicat des chômeurs depuis peu.
En bref, que nous soyons connus, reconnus et entendus, sinon encore
écoutés-, comme le disait M. L. DUBOIN dans son allocution,
que nous puissions, la crise perdurant, le chômage s’aggravant,
apporter la seule solution possible à la crise du capitalisme.
A. PRIME
(1) 100.000 adhérents, des sections d’entreprises importantes (250 adhérents chez Renault), un journal hebdomadaire (Libération), des réunions publiques dans des salles comme la Mutualité (2.500 personnes) etc...