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AED _Archives_ Articles > N° 834 - mai 1985

 

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N° 834 - mai 1985

Un aveu   (Afficher article seul)

Un Almanach utile   (Afficher article seul)

Encore un rêve qui s’envole   (Afficher article seul)

Au fil des jours   (Afficher article seul)

Et le chômage ?   (Afficher article seul)

Le Parti Humaniste   (Afficher article seul)

Karl MARX -II -   (Afficher article seul)

La résolution du 25e congrès   (Afficher article seul)

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Éditorial

Un aveu

par M.-L. DUBOIN
mai 1985

Enfin un économiste lucide avoue ! Sous le titre « le bafouillage économique » P. Drouin dis sans ambage dans « Le Monde » du 9 avril : « Agiter avant de s’en servir. Les flacons de la théorie économique n’ont jamais tans eu besoin de cette étiquette ». Et il explique que les experts se lamentent aujourd’hui de n’avoir pas un nouveau Keynes, mais il se console en remarquant « Si les mutations profondes que vivent nos sociétés avaient pour effet de donner une leçon d’humilité à ceux qui croyaient disposer d’une politique économique au bous de leur baguette de sourcier, cela ne serais déjà pas si mal. » Eh oui, M. Drouin, aucun économiste officiel ne prend conscience que l’énorme mutation que nous sommes en train de vivre, sous la pression des transformateurs technologiques, nous oblige, que vous le veuillez ou non, à remiser toutes les théories économiques du passé ! Il faut innover au lieu de se cramponner aux recettes-miracles, qui, même si elles ont eu autrefois quelque effet, provisoire, s’avèrent aujourd’hui complètement dépassées par les événements.
P. Drouin se gausse du fais que ses collègues, au temps de Kennedy, n’avaient pas su prévoir que l’inflation pourrais croître, alors même que les affaires restaient dans un marasme noir ; que les experts avaient prévu, sous Reagan, une reprise spectaculaire de l’économie américaine alors que la croissance y faiblis es que les spécialistes prévoient maintenant une récession pour 1986.
Une lueur apparaît quand, quelques lignes plus loin, l’économiste du « Monde » semble enfin prendre conscience que les relations économiques sons en train d’échapper complètement aux responsables politiques des Etats, cc qui est dû surtout à l’importance des firmes multinationales qui ont les moyens de contourner sous les règlements ou contrôles financiers.
Hélas, dans la suite de cet article, on retrouve le Pierre Drouin attaché aux croyances auxquelles il a été formé, es qui l’ont conduis à qualifier un jour l’économie distributive « d’inflationiste », ce qui prouve bien qu’il n’en avais pas lu grand’chose.

Ce n’est apparemment pas le cas de son collègue Paul Fabra, qui, dans le même numéro du Monde, fais une analyse très proche de celle qu’on peut trouver dans «  Les yeux ouverts » : « A l’intérieur de chaque nation, on est passé graduellement d’un système de paiements au moyen d’espèces métalliques à la monnaie fiduciaire, puis scripturale... Une nouvelle étape est en train d’être franchie sous nos yeux, avec l’essor des règlements par cartes de crédit. » Autrement dit, conclut-il, et on croît entendre J. Duboin : « Le progrès en matière monétaire consiste à avoir recours à des instruments de paiement de plus en plus dématérialisés ». Comme Paul Fabra avais souligné qu’un « peuple entre dans le déclin quand il a oublié la raison d’être des instruments (institutions, lois, usages qui règlent la vie sociale) dons il continue à se servir en quelque sorte machinalement », on attendait de lui une conclusion courageuse, du genre « allons jusqu’au bous de cesse évolution de la monnaie dons nous avons compris le sens  » es on aurais vu poindre une monnaie de compte ou monnaie distributive. Hélas, trois fois hélas, P. Fabra, loin de tirer la leçon de cesse évolution, qu’il semblais pourtant avoir comprise, conclus qu’il faut remonter le temps ! Il cite Ricardo (1817) pour dire que la monnaie parfaite est une monnaie de papier « ayant une valeur égale à celle de l’or qu’il est censé représenter  ». Il y a bientôt deux siècles qu’on n’avais osé écrire pareille absurdité ! Quand P. Fabra aura trouvé une monnaie-papier ayant même valeur que de l’or... la crise sera vaincue !

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Un Almanach utile

par M. DUBOIS
mai 1985

Voici plus de trente ans que, bien avant les «  modes » écologistes, nous tirons les sonnettes d’alarme en matière de protection de la Nature et de sauvegarde de l’environnement.
Dès le début des années 1950, alors que les pénuries nées de la deuxième guerre mondiale commençaient à peine à être comblées, nous avertissions nos lecteurs que le progrès des techniques condamnait l’économie de marché, soit à disparaître, soit à pratiquer pendant quelques décennies une folle fuite en avant dont notre environnement et la qualité de la vie seraient les premières et principales victimes.
Prédictions hélas aujourd’hui réalisées, à un degré tel que dans le monde entier une gigantesque prise de conscience a déferlé. Malheureusement, comme nous l’avions également prévu, les plus louables efforts sont venus le plus souvent heurter le mur des intérêts financiers à court terme et la planète est aujourd’hui irrémédiablement défigurée.
Sait-on par exemple que :
- plus de 99 % des espèces animales de mammifères exterminées par l’homme ont disparu depuis l’année 1900 ;
- quarante-deux espèces et quarante-quatre sous-espèces d’oiseaux ont été victimes de la « civilisation  » ;
- 87 000 km2 de forêts disparaissent chaque année. D’ici à l’an 2000 un sixième des forêts qui recouvrent la Terre auront été rasées ;
- 200 000 à 300 000 hectares de terres agricoles doivent être abandonnées chaque année.

Tout cela c’est le constat d’un désastre. Nous l’empruntons à un livre paru en 1981 aux Editions Robert Laffont, et intitulé « Almanach COUSTEAU de l’environnement ».
Cet ouvrage se veut être un « inventaire de la vie sur notre planète d’eau ».
Pour tout homme désireux de participer activement à la protection de la Nature, il devrait constituer un véritable livre de chevet.
Rédigé par Jacques-Yves COUSTEAU entouré d’une pléïade de collaborateurs de premier plan et de toute l’équipe de la fondation COUSTEAU, il est en fait beaucoup plus qu’un inventaire.
Car au fil des pages (il y en a environ 600), nous trouvons non seulement une mine inépuisable de chiffres irréfutables, mais surtout d’innombrables exemples concrets des vrais motifs du désastre écologique aujourd’hui accompli, et des catastrophes à venir.
Gaspillage des ressources fossiles non renouvelables, gaspillages énergétiques, paralysie des études sur les énergies douces, désertifications, famines du TiersMonde, pluies acides, mers transformées en égouts et poubelles, extinction des espèces, marées noires, drogues, épuisement des réserves de pêche, non- récupération des déchets, urbanisations démentielles, excès du nucléaire civil, pirateries modernes, pesticides, nourriture empoisonnée, prolifération des toxiques chimiques, gaspillage de l’eau douce, développement des cancers, bidonvilles, maladies professionnelles, dégradations dues au tourisme, etc... etc... : autant de sujets ayant un dénominateur commun clairement mis en évidence dans chaque cas par les chercheurs - et les savants du monde entier.
Ce coupable numéro un de tant de tragédies humaines et planétaires, c’est le profit à court terme, c’est la structure même des économies de marché en opposition irréductible avec les vrais BESOINS. A cet égard, hélas, les systèmes politiques s’avèrent aussi impuissants les uns que les autres. Les communistes soviétiques disputent la palme aux capitalistes japonais en matière de violations délibérées des règles internationales de chasse à la baleine et de pêches industrielles. La pollution du lac Baïkal concurrence celle de la Méditerranée et les « accidents » nucléaires ont été aussi graves, et peut-être même plus nombreux, en Union Soviétique qu’aux Etats-Unis.

Des solutions pour l’avenir ?
L’Almanach COUSTEAU en énumère quelques-unes, mais sans grande conviction dans l’état actuel des mentalités.
Législations plus contraignantes ? certes, mais il faudrait d’abord réussir à faire respecter les lois actuelles.
Déclarations des droits des générations futures  ? Bravo, mais quand on voit de quelle manière est mise en pratique celle des droits de l’homme...
Transformation profonde des motivations humaines par l’éducation et l’instruction ? Bien sûr, mais comment y réussir dans le cadre pourrissant des économies du profit forcené ?
Application des méthodes d’agriculture biologique et, dans le Tiers-Monde, des techniques préconisées par notre ami René DUMONT, souvent cité ? Toutes les puissances d’argent s’y sont opposées.
Pour tous nos amis, la conclusion s’impose. Mais il faut convaincre. Pour convaincre, il faut agir. Et, pour agir, l’Almanach COUSTEAU peut constituer un outil de premier ordre au service de notre incessant plaidoyer pour l’économie des Besoins.

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Encore un rêve qui s’envole

Les créations d’emplois dans le secteur tertiaire.
par J.-P. MON
mai 1985

Dans l’esprit des conjecturistes, des économistes de tous bords et autres pythonisses, le secteur tertiaire (ou secteur des services) devait assurer la relève du secteur secondaire (ou secteur industriel) comme ce dernier était venu lui- même relayer opportunément le secteur primaire (l’agriculture) qui se débarrassait d’une main-d’oeuvre rendue désormais excédentaire par le développement du machinisme agricole. Il semble (et ce n’est pas pour nous étonner) qu’entre secondaire et tertiaire le passage ne se fera pas aussi facilement. C’est ce que décrit le « Nouvel Economiste » du 25 janvier 1985 dans un article intitulé « La fin de l’ère tertiaire ». L’auteur de l’article commence ainsi :
« Isolés dans leur tour de verre de La Défense, ils n’ont pas voulu croire à l’impensable. A la seule idée qu’ils allaient faire l’objet d’un train de licenciements, 350 ingénieurs ou cadres de Technip, le géant de l’ingénierie, séquestraient tout leur état-major. On ne licencie pas les gens que l’on retrouve dans les mêmes restaurants. Souci des convenances ancré dans une réalité historique autant qu’économique  : en France, les « Trente Glorieuses » furent celles du bureau plus que de l’usine. La crise a beaucoup plus dégraissé les « cols bleus » que les « cols blancs ».
En plein écroulement de la sidérurgie, Sacilor et Usinor repeignaient de neuf leurs sièges sociaux au moment où ils fermaient leurs usines. Aujourd’hui, les repreneurs de Creusot-Loire récupèrent d’abord l’actif industriel et inscrivent les bureaux parisiens au passif, rayant sans états d’âme des centaines d’emplois du « tertiaire » haut de gamme. Les planqués deviennent les plaqués. L’univers disparate des services, cette masse d’emplois qui ne se trouvent ni dans l’agriculture ni dans l’industrie, donne aujourd’hui des signes généraux d’essouflement. Au cours des vingt dernières années, 72 millions d’emplois tertiaires ont été créés dans l’OCDE, alors que l’emploi total augmentait de 60 millions. Depuis 1975. malgré la brillante exception américaine, l’écart se rétrécit  : 23,5 millions contre 22. Les postes perdus pour les ajusteurs se retrouvaient chez les assureurs, les mineurs bifurquaient dans le nettoyage, etc. Mais aujourd’hui, fini ce gigantesque transfert. Dans le monde du bureau, l’horizon aussi se couvre. Le tertiaire continuera à créer des emplois. Mais moins qu’avant, moins qu’ailleurs. Médecine trop douce pour vaincre le « cancer du chômage ». L’âge d’or du tertiaire, que les économistes voyaient prendre harmonieusement le relais comme pourvoyeur d’emplois de l’agriculture mécanisée du XIXe siècle et de l’industrie automatisée au XXe, toucherait-il à sa fin avant même le XXIe ? La France peut-elle être l’Amérique ? Là-bas, c’est le «  miracle tertiaire » qui a sauvé les Américains du chômage. Six millions d’emplois créés depuis octobre 1982, plus de quatre millions pour les seuls services. Décrivant le meilleur des mondes du travail en 1999, le Bureau of Labour Statistics cite comme métiers vedettes les gardiens d’immeuble, les coursiers, les secrétaires, les employés, les infirmiers et autres chauffeurs de poids lourd. Vision peu exaltante des « services  », mais numériquement non négligeable. Même si les plus forts taux de croissance concernent les cols blancs du binaire  : la population des analystes, programmeurs, opérateurs et techniciens de maintenance informatique doublera d’ici à 1999. »
En France, le Commissariat au Plan prévoit que les services resteront créateurs d’emplois dans les années à venir (12.000 à 27.000 créations nettes d’emplois par an d’ici à 1988) mais l’INSEE annonce de son côté que l’industrie manufacturière perdra à elle seule 140.000 emplois en 1985. Ce qui fait un rapport création/suppression voisin de 10 !
Depuis 1977 le commerce de gros alimentaire ne cesse de perdre des emplois (-3,3 %) et dans le petit commerce le nombre de faillites s’accroît. Les effectifs des banques et des assurances ont augmenté moins vite (8,9 % et 9,2 respectivement) que l’ensemble du secteur tertiaire (14,6 %) si bien qu’aujourd’hui les cris d’alarme se multiplient devant la révolution informatique : « Il y a 10 à 15 % de sureffectif dans les banques » disent les patrons du Crédit du Nord et du Crédit Lyonnais. « 60.000 emplois seront supprimés dans les banques d’ici à 1990 » précise M. David Dautresme, directeur du Crédit du Nord. « Dans une branche où les 2/3 des dépenses d’exploitation correspondent à des dépenses de personnel, une « adéquation » des effectifs aux tâches sera nécessaire » souligne élégamment le président de l’Association Française de Banques. Qui plus est, les experts prévoient qu’avec l’informatique les petites agences bancaires vont évoluer vers des agences automatiques où les transactions seront réalisables en libre service et sans manipulations d’espèces. Ce n’est donc pas dans ces secteurs qu’il faut attendre des créations d’emplois.
Dans l’ingénierie, l’heure est aux concentrations et aux allègements d’effectifs : sur 20.000 emplois, 2.000 ont disparu rien qu’en 1984. Bref, malgré un certain besoin du côté de l’ingénierie informatique et de l’audiovisuel, les perspectives ne sont pas roses. « Seule certitude, écrit le journaliste du « Nouvel Economiste », les services resteront les premiers créateurs d’emplois d’ici à 1990, en Europe, mais à un rythme bien inférieur à celui des Etats-Unis, du Canada ou du Japon. Encore faut- il souligner que dans ces pays où les emplois industriels stagnaient, le transfert massif des emplois vers le secteur tertiaire s’est traduit par des gains de productivité médiocres (aux Etats-Unis la productivité dans le commerce stagne depuis 1979, elle n’augmente que de 0,3 % dans les banques et les assurances et de 0,6 % dans les services marchands alors qu’elle progresse de 1,6  % dans l’industrie manufacturière qui n’est pourtant pas un modèle de productivité). Un autre aspect négatif de ces transferts d’emplois aux Etats-Unis et au Japon, c’est la dualité du marché du travail « Dans l’industrie, les salariés, fortement syndicalisés et protégés par des conventions collectives avantageuses, renforçaient leurs positions. En outre, les conditions de travail des cols blancs se dégradaient. Les salariés des services - souvent des femmes - ont servi d’amortisseurs aux formidables à-coups de la conjoncture américaine. Derniers embauchés, premiers licenciés, avec des salaires nettement inférieurs à la moyenne du secteur industriel. La flexibilité du travail n’y est pas un vain mot. La durée hebdomadaire a été abaissée à 32 heures dans les services et les commerces, certains étant ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le partage du travail « job sharing ») s’y développe rapidement, afin d’éviter les licenciements. Les salariés de United Airlines ont ainsi sauvé 200 emplois. Le job sharing est pratiqué dans 12 % des banques, mais seulement 2 % des industries manufacturières.
Après toutes ces tristes constatations, que croyez-vous que conclut le journaliste du « Nouvel Économiste » ? Que tout continuera comme à présent :
« Les économistes de l’an 2050 liront vraisemblablement avec scepticisme l’abondante littérature consacrée au clivage entre l’industrie et les services au XXe siècle. La prolifération du « fourre- tout » tertiaire (qui représente déjà 70 % du PIB américain) aura vraisemblablement phagocyté l’industrie, ne laissant subsister de façon autonome qu’une frange du secteur agricole. Et encore... Les multinationales du siècle prochain vendront indifféremment des biens et des services. Signe de cette évolution : la National Steel Corp., l’un des grands sidérurgistes américains, vient de changer de nom pour devenir la National Intergroup Inc. Un changement de patronyme qui accompagne une diversification vers l’énergie, les services financiers ainsi que la distribution. Demain, Usinor dans la télématique et Nordmed dans le grand commerce ? Le tertiaire est mort. Vive l’industrie du troisième type ! »
Il oublie de nous dire si le problème du chômage aura été résolu, combien et comment on travaillera, quel sera le niveau de vie des populations et... celui des travailleurs au rabais, etc. Autrement dit, il ne conclut rien, comme d’habitude, après pourtant avoir analysé correctement la situation. On peut, par contre, trouver quelques réponses plus précises dans ce qu’écrivait récemment le directeur du marketing de Wang Laboratoires Inc. (une société fabriquant du matériel informatique) dans un article intitulé : « L’impact de la bureautique sur les travailleurs de la connaissance » (Globe com, Atlanta, 1984) : « A mesure que le travail deviendra plus facile à faire grâce à la technique, la productivité continuera à croître progressivement.
La durée moyenne de la semaine de travail diminuera de sorte qu’au début des années 1990 ceux qui iront encore travailler au bureau n’y seront que 30 heures par semaine. Nous ne travaillerons’ probablement que quatre jours par semaine et nous aurons treize semaines de vacances par an. Ceci pose d’autres problèmes de société, tels que l’utilisation du temps de loisir... Le travail bénévole peut ainsi devenir une option plus réaliste quand nous n’aurons plus à nous rendre chaque jour au travail. »
Dommage que le directeur de Wang ne nous parle pas, lui non plus, de revenus mais son analyse montre au moins comment va évoluer la société. Après tout, c’est peut-être ainsi qu’on s’acheminera vers l’économie distributive !

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Au fil des jours

par J. SZECHENYI
mai 1985

L’ABONDANCE : TOUJOURS LA BÊTE NOIRE DE L’ÉCONOMIE

Il n’est pas nécessaire d’avoir lu les ouvrages de Jacques Duboin pour le savoir. Regardons simplement les commentaires du journal « Le Monde » du dimanche-lundi sur les cours des matières premières ; voici quelques extraits de ce qu’on a pu lire ces derniers mois :

Le caoutchouc : « Pour la première fois depuis deux ans, afin de mettre un frein à la baisse des cours, le directeur du stock régulateur a procédé à des achats de soutien (...) car les cours du naturel ne doivent pas tomber en dessous de 166 cents malais le kilo. »

Le zinc : « Nouvelle et vive progression des cours (...). La raréfaction des disponibilités a mis le « feu aux poudres », accentuée par une grève qui paralyse les installations d’une importante société australienne. »

Le nickel : « Une réduction de 25 % de la production à cause de la grève qui se poursuit chez Western Mining Corp Holding Ltd en Australie a contribué à la fermeté du nickel ».

Le cuivre : « (ayant connu) déjà une orientation favorable au cours de ces dernières semaines, il a vivement progressé à la suite du tremblement de terre au Chili. »

Les textiles : « Les cours du coton ont été soutenus sur le marché de New York. La récolte pakistanaise est évaluée pour la saison en cours à 5,7 millions de balles, supérieure de 500 000 balles à l’objectif assigné.  »

Le sucre : « Chute des cours (...). Autre facteur défavorable, la récolte de l’Afrique du Sud atteindra le niveau record de 2,30 millions de tonnes, soit presque le double de la campagne 1983-84. »

« Nouvelle et sensible baisse des cours du sucre (...). Des stocks abondants pèsent toujours sur le marché.  »
« Les cours du sucre n’arrivent toujours pas à décoller et pour cause... La surabondance est toujours omniprésente. »
Les oléagineux : « Les cours ne cessent de se replier au fil des semaines. Les prochaines récoltes s’annoncent sous le signe de l’abondance. »
Le blé : « La perspective d’une diminution variant entre 3,6 % et 6 % des superficies ensemencées en blé d’hiver a donné un petit coup de fouet à cette céréale.  »
Le soja : « Nouveau recul des cours de tourteaux de soja. Toutefois, la récolte brésilienne de soja risque d’être inférieure en raison de pluies diluviennes. »
Ainsi, grèves, tremblements de terre, pluies diluviennes deviennent garants de la bonne marche de secteurs de production de matières premières ; et quand cela ne suffit pas à maintenir les cours, il faut constituer des stocks ou réduire les superficies agricoles.
D’ailleurs, le 11 mars, à une réunion des ministres de l’Agriculture de la CEE, on a entendu Michel Rocard - encore ministre de l’Agriculture - plaider en faveur de l’utilisation industrielle des céréales. On prévoit en effet que sur les 32,7 millions de tonnes de blé de la récolte française de 1984, plus de 5 millions ne pourront être écoulées (« Science & Vie » - avril 1985).
L’abondance frappe à nos portes, et on fait tout le possible pour l’empêcher d’entrer ! Cette attitude demeurera pourtant inévitable aussi longtemps qu’on s’acharnera à se faire l’avocat de l’économie de profit, qui a pour ennemi n° 1 l’Abondance.

ETATS-UNIS : FINIE LA REPRISE

Outre-Atlantique, la surabondance de céréales est encore plus difficilement vécue : les exportations sont en baisse, et l’écoulement à l’intérieur du pays n’est pas non plus aisée. Cette situation devient d’autant plus grave cette année que Reagan, soucieux d’enrayer l’énormité du déficit budgétaire, a supprimé les subventions aux agriculteurs. Parmi les derniers, nombreux sont ceux qui font faillite et qui doivent mettre leur exploitation en vente.
C’est ce qui a conduit, dans l’Etat de l’Ohio, à une perte de confiance des épargnants, vis-à-vis des banques auprès desquelles les agriculteurs insolvables avaient emprunté : on se précipitait pour retirer les dépôts des banques concernées. Les pouvoirs publics ont dû alors intervenir - le 15 mars 1985 - pour fermer soixante-dix banques de cet Etat pendant quelques jours, après lesquels, des accords ayant été passés et la confiance étant plus ou moins restaurée, la réouverture s’est faite, mais les sommes pouvant être retirées ont été strictement limitées.
Cette panique a eu pour effet d’amorcer la baisse du dollar, confirmée quelques jours plus tard, après l’annonce du taux de croissance estimé pour le 1er trimestre 1985 : 2,1 %. (Les experts avaient prévu 4 %).
Un mois auparavant, l’Association des Economistes avait considéré (à raison de 52 % des économistes contre 17 %) que les Etats-Unis entreraient l’an prochain dans une phase de récession. Celle-ci se produira peut-être encore plus tôt que prévue.

MULTIPLICATION DES VICTIMES DU F.M.I.

Le FMI (Fonds monétaire international) continue à faire appliquer aux pays pauvres endettés, en échange de l’octroi de crédits, des politiques d’austérité de plus en plus rudes, qui se traduisent par de fortes baisses du pouvoir d’achat que les populations commencent à ne plus supporter. Au Soudan par exemple, on a pu voir des milliers d’étudiants manifester contre le FMI, rejoints par des foules criant « Nous avons faim ! ». C’est cette agitation qui, d’abord sévèrement réprimée par la police, a conduit au renversement du gouvernement. Mais que sont les gouvernements, sinon des institutions garantes de la pérennité du système et donc de l’oppression des individus ! Le problème n’est ainsi guère moins difficile en Argentine - pays maintenant dit « démocratique » - où un million d’employés de l’Etat menacent de se mettre en grève si leurs salaires ne sont pas indexés à 90 % de l’inflation, qui est de l’ordre de 1250 % ; autrement dit, ils ne veulent pas que leur pouvoir d’achat diminue de plus de 10 % par an !

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Et le chômage ?

par A. PRIME
mai 1985

Certes, depuis le début de l’année - et particulièrement pendant la campagne des cantonales - le PS a pu, avec juste raison, s’enorgueillir de certains résultats, tant sur le plan économique que social.
Sur le plan économique : inflation, en 1984, de 6,7 % au lieu de 14 % sous M. Barre ; balance des paiements équilibrée  ; reprise de l’investissement productif + 11 %...
Sur le plan social : retraite à 60 ans ; minimum vieillesse : + 68 depuis 1981 ; SMIG : + 60 % ; 5e semaine de congés payés, etc...

MAIS LE CHÔMAGE ?

C’est un domaine dans lequel orateurs ou tracts socialistes ne s’aventurent guère : seuls les « TUC »... Mais cette hirondelle - même avec 100 ou 150 000 emplois à mi-temps - ne peut faire le printemps... le printemps du « plein espoir  » de 1981.
Le 1er février, à Rennes, F. Mitterrand, dans un discours assez remarqué, avait tout d’abord recensé « ce qui allait ». Mais il lui fallait bien venir à «  ce qui ne va pas » : c’est l’emploi. « Le gouvernement Mauroy, le gouvernement Fabius se sont attaqués aux racines du mal, c’est-à-dire aux déficits, à l’inflation. A partir de là, on peut repartir du bon pied. Vous me direz : « Mais quand ? Vous avez hérité de 1 700 000 chômeurs. Vous en êtes à 2 400 000 ». C’est trop. C’est la priorité absolue. (...) Il est impossible, sans avoir guéri le mal à la source, d’empêcher la progression du mal. (..) Nous avons déblayé le terrain. Nous sommes en mesure de nous attaquer au chômage. (..) Le gouvernement prépare des mesures. Non pas un plan supplémentaire de lutte contre le chômage, mais vous en verrez les effets. Je suis confiant. Non pas pour que le chômage cesse mais pour que la courbe commence à s’inverser. Et ce jour- là, les Français retrouveront l’espoir. lis sauront que nous avions raison. »
Evidemment, le chef de l’Etat, ex-chef du PS, sait bien que son électorat de mai 1981 ne l’a pas porté au pouvoir pour que les chômeurs - avoués - passent de 1 700 000 à 2 400 000 en 4 ans. M. Mauroy, par la suite, avait suffisamment insisté pour qu’on se maintînt « sur la crête de 2 millions de chômeurs  », en attendant la décélération. Hélas, c’est le contraire qui s’est produit : la courbe n’a fait que grimper malgré un « traitement_ social » intensif du chômage  : préretraite, retraite à 60 ans, stages formation... Et le traitement social du chômage ne pouvait durer qu’un temps  : après, il fallait bien se colleter au traitement économique et c’est alors que l’on constate que l’économie marchande NE PEUT PAS résoudre le problème du chômage.
Les militants socialistes n’ont peut-être pas tous oublié le « Projet Socialiste » de 1980 ; notamment le chapitre sur « le DROIT A L’EMPLOI » : « Oui, le plein emploi est possible. Il n’y a pas d’urgence plus grande que de rendre aux travailleurs et aux travailleuses de France leur dignité d’homme ou de femme, de les faire sortir de cette condition d’assistés ou de marginaux dans laquelle les cantonne le pouvoir actuel ».
« Le pouvoir actuel ? ». En 1980, c’était Giscard. Mais en 1985...
Le chômage est un immense gaspillage » ; « Le chômage est un cancer social » ; « Pour sortir de la crise, il faut sortir du capitalisme en crise ».
Il y a une différence fondamentale entre la crise des années 30 et la crise actuelle, même si elles sont de même essence  : la première fut soudaine, la production baissa massivement, les chômeurs se trouvèrent pratiquement sans ressources  ; la deuxième s’est développée lentement, la production n’a jamais chuté, en France du moins, au dessus du point de croissance zéro, le chômage est indemnisé (de plus en plus mal, il est vrai). OR LE CHOMAGE ATTEINT DES PROPORTIONS BIEN SUPÉRIEURES A CELLES DES ANNÉES 30.
Alors qu’en 1982 et 1983, avec une croissance quasi nulle, le chômage n’avait augmenté que de 5 %, en 1984, avec une croissance de 2 % - ce qui n’est pas « catastrophique » comme le clame la droite - le nombre des chômeurs a augmenté de 300 000 (14 %). Eclairant, non ? Rappelons qu’en novembre 1983, l’INSEE prévoyait doctement... 86 000 chômeurs de plus par an avec une croissance de la production de 1,60 %. On est loin du compte : 214 000 chômeurs de plus que prévu et avec 2 % de croissance et non 1,60 %.
Comment M. Mitterrand peut-il espérer que, dans ces conditions, « la courbe commence à s’inverser » ?
" Les TUC ? 100 000 à 200 000 jeunes à mi-temps avec des salaires très bas : c’est mieux que rien, mais chacun sent bien à quel point c’est dérisoire face à l’ampleur du problème.
" Le travail partagé ? Cas isolés montrés en exemple à la télévision. Michel Albert, dans son livre « Le Pari Français », avait préconisé cette solution. Mais les patrons ne vont pas s’encombrer d’une double gestion de personnel, d’un double souci de licenciements, etc... Sauf avantages marquants... à la charge de la communauté. Et de toute façon, cela, comme les TUC, ne génère que des demi-salaires : ce n’est pas ainsi qu’on peut « relancer la consommation », donc la machine économique.
" Les techniques de pointe ? On affirme qu’elles vont créer de nouveaux emplois : vrai, c’est l’évidence même. Mais qui oserait soutenir qu’elles créeront plus - ou simplement autant d’emplois - que les anciennes industries, mécanisées, robotisées en supprimeront ? Donc globalement, pas de résorption du chômage à attendre de ce côté.
" Le tertiaire, l’informatique, la bureautique... ? Là aussi une grande espérance s’effondre : les techniques nouvelles « rejettent désormais des emplois du tertiaire.
" L’investissement productif ? Pendant des années, le meilleur économiste de France, M. Barre, puis les socialistes, ont repris l’antienne. Aujourd’hui la baudruche est enfin dégonflée. Nul économiste, nul journaliste sérieux, nul homme politique sincère n’ose soutenir que l’investissement productif est créateur d’emplois ; sinon le temps de perfectionner ou de créer des machines qui jetteront à la rue les travailleurs : voyez l’automobile, le téléphone, etc...
L’investissement non productif - bâtiment, grands travaux - créerait un certain nombre d’emplois : mais, là, ce sont les crédits qui manquent.
" La réduction du temps de travail ? On en reparle, surtout après la grande grève de 1984, en RFA, de l’I.G. Metall. Mais tout le monde - socialistes en tête - ne la conçoit qu’avec diminution parallèle des salaires, donc du « pouvoir d’acheter » ; alors que les syndicats allemands, non politisés, défendant leurs seuls intérêts, demandaient carrément 35 heures sans baisse du salaire : cela devait résorber environ 500 000 chômeurs. Comme ils n’ont obtenu que 38h30, l’incidence sur le chômage est faible.
Il est vrai que si l’on réduisait de façon significative - à 35 heures par exemple - le temps de travail, on créerait 400 à 500 000 emplois. Au mieux. Mais si on diminue le pouvoir d’achat,, on ne résoudra pas le problème de la consommation, donc de la production, donc de la crise (cf. le partage du travail). Et, étant donné la concurrence démentielle de l’économie marchande mondiale, il n’est guère concevable que les dirigeants d’un seul pays prennent le risque de telles décisions. Il faudrait pour le moins un consensus européen.
Ce survol des solutions « capitalistes » montre clairement QU’AUCUNE MESURE - ET MÊME QU’AUCUNE SOMME DE MESURES - ne peut résorber, de nos jours, un taux de chômage allant de 8 à 14 %, puisqu’avec les fantastiques progrès techniques - robotique notamment - des dix dernières années, on constate que même une augmentation de 2 % de la production jette 300 000 travailleurs à la rue. De fait, on ne cesse de nous brandir de futurs « dégraissages » : 50 à 100 000 par- ci, 30 000 par-là... Mais alors -dernier recours- une croissance annuelle des « 30 glorieuses » retrouvée (5 à 6 °/o l’an) résorberait-elle le chômage ? Ce taux de croissance absorberait en gros les 300 000 nouveaux venus sur le marché chaque année. Avec des techniques bien évoluées, et au vu des chiffres actuels, au mieux une croissance de 5 à 6 l’an empêcherait le chômage d’augmenter, mais jamais elle ne résorberait 2 500 000 chômeurs en France, 3 500 000 en Angleterre... (1)
Et - question importante - un tel taux de croissance est-il encore possible ? C’est bien le cas en Amérique, direz-vous, depuis 2 ans. Nous nous permettons de renvoyer le lecteur à notre article «  America, America » (G.R. de janvier) : c’est le « keynésianisme militaire » (+ 9 à 10 % de crédits en volume chaque année) de « Reagan le libéral », qui a relancé l’économie américaine, en super- crise les 2 premières années de son mandat. Voyez avec quel acharnement Reagan - en « honnête » représentant du lobby militaro-industriel - se bat pour empêcher le Sénat et la Chambre de réduire le budget militaire.
C’est pourquoi la reprise américaine, par ailleurs en dangereux déséquilibre (déficits budgétaire et commercial) n’a pas entraîné de reprise significative des économies européennes, comme les experts l’annonçaient : il faudrait sans doute, comme aux USA, augmenter fortement les dépenses militaires (2). Mais avec quel argent ? La planche à billets ? Inflation... alors que l’Amérique, le pays le plus riche du monde, draine les réserves du monde entier pour couvrir son déficit budgétaire, dû essentiellement à l’importance des dépense militaires. La boucle est bouclée. Et pour autant, l’Amérique a toujours 7 à 8 % de chômeurs.
En conclusion, le gouvernement socialiste qui continue - et bien mieux que la droite - à gérer une économie de marché, ne peut espérer voir le chômage se résorber, ni même la courbe s’inverser malgré une augmentation de la production de 2 à 3 %.
En effet, on n’a encore rien vu en France des effets de la robotique, de la bureautique... (le Japon possède 200 000 robots, autant que le reste du monde).
Or les socialistes pensent dur comme fer (voir la Convention socialiste de décembre 1984 sur le thème « Modernisation et progrès social ») que la modernisation, à terme du moins, recréera le plein emploi.
Seul le remplacement du capitalisme par un socialisme authentique - comme le prévoyait en 1980 le projet socialiste - permettrait de résoudre le chômage et la fameuse « crise ». Mais c’est sous une autre dimension politique : il faudra bien, cependant, qu’un jour ce socialisme-là ait rendez-vous avec l’HISTOIRE, si l’homme veut survivre. A nous, Distributistes, d’oeuvrer avec conviction pour que ce régime arrive.

(1) Lionel Stoléru écrit, dans son nouveau livre « L’Alternance tranquille » « Pour supprimer le chômage en France par le seul effet de la croissance, il faudrait une croissance de 27 % par an pendant des années.
(2) En France et en RFA, les dépenses militaires représentent un peu plus de 4 % du P.N.B., 5 % en Angleterre, contre 8,5 % aux USA (5,5 % du temps de Carter).

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Le Parti Humaniste

mai 1985

Suite à l’éditorial de Marie-Louise DUBOIN dans le numéro de mars, il nous a été demandé de présenter le Parti Humaniste.
Libre de toute attache aux partis traditionnels, que nous considérons dépassés et inaptes à résoudre la crise, le Parti Humaniste intervient sur la scène politique pour changer les conditions de vie devenues inacceptables pour l’être humain (chômage, précarité du logement, baisse du pouvoir d’achat, violences, aggravation de la situation internationale).
Nous constatons que depuis des décennies ceux-ci ont comme unique préoccupation : conserver ou acquérir le pouvoir, sans se soucier des nécessités réelles des populations.
En aucun cas l’on ne demande l’avis des gens, en aucun cas on les invite à la participation. On, les invite à consommer oui mais n’appelons pas cela participer. Ne dites pas non plus qu’il y a les loisirs et la culture car eux-aussi sont devenus des produits de consommation. Tout est parfaitement organisé pour consommer et non pour participer.
De plus la notion de pouvoir ne peut être remise en question.

On nous occupe avec des thèmes secondaires mais jamais avec l’essentiel ; c’est-à-dire : qui prend les décisions  ? En fin de compte qui décide de tout ? Eh bien c’est simple... ceux qui gouvernent !
Qui gouverne ?
- les monopoles économiques (les multinationales) ;
- les monopoles idéologiques (les gros partis politiques, enfin... gros en moyens mais pas en adhésion populaire) ;
- les monopoles organisationnels (le centralisme d’Etat et les médias). Ceux qui -gouvernent ne sont pas seulement ceux qui sont élus, mais aussi ceux qui tirent les ficelles. Il ne faut donc pas s’étonner si les populations ont perdu foi dans les systèmes démocratiques.
Ce que les gens ressentent c’est qu’ils sont manipulés et impuissants face aux appareils mis en place par des minorités qui, de façon immorale, cherchent à conserver leurs privilèges.
Et plus le temps passe et plus leur contrôle se raffermit, car les gens suivent de moins en moins. Attention ! car les réactions violentes et les régimes totalitaires sont favorisés dans de telles situations. Oui, nous disons attention aux actions violentes et au totalitarisme. Ce sont les fruits des systèmes irresponsables que l’on subit depuis des décennies.
Face à cela, et pour donner une réponse positive et constructive, il n’y a qu’une alternative : la DEMOCRATIE DIRECTE.
La démocratie directe, c’est favoriser la participation, c’est rendre la politique avant tout au service de l’être humain. Ses fondements doivent donc reposer sur des valeurs humaines. En ce sens, le PH propose les 5 points suivants comme méthode d’action :
- LA NON-VIOLENCE ACTIVE Toutes nos entreprises sont et seront résolument non-violentes. Aucune action violente n’est justifiable, qu’elle soit physique, économique, raciale ou psychologique.
- L’ETRE HUMAIN COMME VALEUR CENTRALE
Aucun parti, aucune idéologie, aucune croyance, ni raison d’Etat, ni intérêt spéculatif au-dessus de l’être humain.
- LE COOPERATIVISME ET L’AUTOGESTION
Ce sont les seules formes d’organisation qui appellent la responsabilité et la participation dans le monde du travail. Nous dénonçons les minorités qui se sont octroyé les moyens de production.
- LA NON-DISCRIMINATION
Dans notre société, dite développée et civilisée, toutes les formes de discrimination sont inacceptables. Il n’y a rien d’essentiel dans les différences de
sexe, de nationalité, d’âge, de race, de religions et autres.
- LA LIBERTE DE CHOIX
Face aux monopoles et aux valeurs établies de la société, nous revendiquons la possibilité de les remettre en question, et proposons la reconnaissance de nouvelles alternatives.
Sur de telles bases, nous nous organisons, c’est ce que nous verrons dans notre prochain article. Déjà vous pouvez nous écrire au : Parti Humaniste, 5, rue Danville, 75014 Paris.

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LES THÈSES ÉCONOMIQUES

En reproduisant des extraits du livre « Libération » publié en 1936 par Jacques DUBOIN, nous avons abordé, le mois dernier, et poursuivons aujourd’hui, l’analyse des thèses de

Karl MARX -II -

par J. DUBOIN
mai 1985

L’énergie extra-humaine était si peu utilisée au moment où parut la théorie de la plus-value qu’il fallut encore attendre quarante années pour avoir des statistiques à peu près précises sur les progrès considérables qu’elle avait accomplis pendant ce laps de temps... en trente-quatre ans la puissance disponible a été multipliée par 9.
Rien de tout ceci n’existait en 1867 et nous passons sous silence une autre source prodigieuse d’énergie : le pétrole, qui va fournir des milliards de chevaux-vapeur pour le service de la production ou des transports. Or, en 1867, la consommation du pétrole était limitée à celle de la lampe qui porte son nom. C’est tout l’éclairage dont disposaient Marx et ses contemporains. Nous avons vu, dans un chapitre antérieur, que dans un laps de temps de 60 années, toutes postérieures à Karl Marx, la production du charbon et du pétrole a été multipliée par le coefficient 17.
Il paraît donc indispensable de compléter la théorie de Karl Marx, car si la valeur d’une chose peut encore se mesurer à la quantité de travail qu’a exigée sa création, il est clair que ce n’est plus uniquement du travail humain. A celui-ci est venu s’ajouter celui des chevaux-vapeur dans une proportion toujours grandissante, ainsi que nous venons d’en donner un bien rapide aperçu.
Le patron ou le capitaliste continue bien à acheter le travail de l’ouvrier contre la quantité de subsistances dont celui-ci a besoin pour pouvoir continuer à travailler ; mais il achète encore le travail des chevaux-vapeur que lui fournissent la houille, le pétrole, les chutes d’eau et qui vont actionner son outillage. Et à quel prix paie-t- il leur travail ? Au prix de toute marchandise, c’est-à-dire en principe au prix fixé par la loi de l’offre et de la demande. Et ce prix est très inférieur au salaire qu’il aurait fallu payer à l’ouvrier pour la même quantité de travail, car si le patron ou le capitaliste n’avait pas trouvé d’avantages à cette substitution, il n’aurait jamais eu l’idée d’employer des machines. C’est le désir de réaliser plus de profit qui pousse logiquement le producteur à améliorer son outillage.
Karl Marx ne pouvait certes pas, en 1867, prévoir l’emploi massif de l’énergie extra-humaine qui allait concurrencer toujours plus âprement ce travail humain dont il parle dans sa théorie de la plus- value. Cela ne change rien, dira-ton, à la théorie elle-même, en ce sens que Karl Marx avait bien prévu que le patron ou le capitaliste, désireux de réaliser le plus de profit possible, devait tout naturellement essayer d’augmenter cette plus-value. En effet nous avons vu que Karl Marx n’ignorait pas que le producteur chercherait tout naturellement soit à payer un salaire moins élevé, en obligeant l’ouvrier à s’approvisionner à un économat patronal, soit à allonger la journée de l’ouvrier tout en lui payant le même salaire ; soit encore en remplaçant l’ouvrier par la main-d’oeuvre féminine ou enfantine qui coûte nécessairement moins cher. On peut donc prétendre que l’emploi de l’énergie extra-humaine rentre dans le cadre de ces mêmes préoccupations. Si Karl Marx n’en parle pas implicitement, il n’a dit mot non plus, et pour cause, du système Taylor, ni même de la rationalisation qui, à leur tour, et après la mort de Marx, ont eu ’comme conséquence d’augmenter la production, tout en diminuant la main-d’oeuvre nécessaire.
On ne peut plus en douter puisque toute l’histoire de ces dernières années en est la preuve : nous assistons au contraire à une .baisse constante de la plus-value, sauf dans un secteur momentanément privilégié, c’est-à-dire celui dans lequel la concurrence ne joue plus, et celui où l’Etat vient en aide au producteur par tous les moyens divers que nous connaissons.
Mais si cette baisse ne pouvait pas être prévue dans la théorie de la plus-value, elle découle des prémisses mêmes dont Karl Marx s’est servi pour échafauder tout son raisonnement.
Reprenons-le donc à la base Karl Marx, très judicieusement, part de l’échange, qui forme la base de tout notre régime économique. Le salaire de l’ouvrier, dit-il en substance, n’échappe pas à la loi de l’échange. C’est le patron ou le capitaliste qui achète la force de travail de l’ouvrier pour en disposer à son gré : il a payé la main-d’oeuvre à son juste prix car on doit entendre par là sa véritable valeur d’échange. C’est la faute du régime s’il en est ainsi, mais dans le régime il ne peut pas en être autrement. Jusqu’ici le raisonnement est impeccable, mais, il ne faut pas l’arrêter là. La loi de l’échange va jouer encore pour la plus-value tant que nous resterons dans le régime. En effet, grâce au travail de ses ouvriers, le patron ou le capitaliste est à la tête d’un stock de produits fabriqués qui est sa propriété  : Que va-t-il en faire ? Le consommer lui-même ? Jamais de la vie, car ce n’est pas pour cela qu’il a fait fabriquer ces produits. Il va donc chercher à les écouler dans le public, c’est-à-dire à les vendre à des clients. Mais c’est encore la loi de l’échange qui va intervenir, car vendre : c’est échanger contre de l’argent. De sorte que la plus-value de Marx ne constitue un profit qu’autant que le stock est vendu au-dessus de son prix de revient. C’est là précisément que la plus-value va s’évanouir dès le moment où la capacité d’achat est en baisse. La plus- value du patron ou du capitaliste, telle que la définit Marx, n’est donc plus qu’un profit en puissance. Pour le réaliser, il faut essentiellement que le revenu national le permette, celui-ci n’étant autre chose que la masse de capacité d’achat. Et qui crée cette masse de capacité d’achat ? Nous savons que c’est la production elle-même.
Pourquoi crée-t-elle aujourd’hui moins de capacité d’achat qu’au temps où vivait Marx ? Précisément à cause de l’emploi intensif des chevaux-vapeur. Le travail de ceux-ci a permis d’actionner un outillage qui a créé des produits en regard desquels il n’est plus possible d’inscrire, proportionnellement, la même capacité d’achat d’autrefois, mais une capacité d’achat beaucoup moindre : celle du prix payé aux producteurs d’énergie, celle du prix payé aux constructeurs de matériel et l’amortissement de celui-ci ; celle payée aux producteurs d’engrais, etc., etc.
La production scientifique remet en circulation proportionnellement moins d’argent que la production telle qu’elle fonctionnait au temps de Marx. De sorte qu’apparaissent les stocks invendus entraînant la disparition rapide de la plus-value.
C’est que la capacité d’achat, née d’une production déterminée, est presque inversement proportionnelle aux progrès de la technique. Nous prenons ce dernier mot dans son sens le plus large, de façon à ne pas le limiter aux chevaux-vapeur dont nous venons de parler, mais à lui faire englober la technique de l’ingénieur, du chimiste et de l’agronome.

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ERREMENTS AU P.C.F. :

La résolution du 25e congrès

par H. MULLER
mai 1985

L’imagination n’était guère au rendez-vous de ce 25e Congrès où l’on a psalmodié la litanie habituelle des « il faut » et des « n’y a qu’à  », prêché pour un rassemblement autour d’un «  socialisme à la française », sorte d’ectoplasme, trompe-la-faim pour la grande foule des victimes de l’argent, celles de l’économie de profit, de l’économie libérale et marchande.
Rassembler ? C’est le voeu commun à tous les partis politiques. Encore faut-il annoncer un programme, un projet de société. Or, ni le programme réformiste du P.C. ni son projet de société autogestionnaire et de participation emprunté à ses pires adversaires, trotskystes du P.S.U. et gaullistes du R.P.R., ne semblent mobilisateurs pour un électorat si longtemps dupé. Quant à l’économie mixte à laquelle la Révolution fait aussi référence, le professeur Jean Baby en avait fait, il y a des années, le procès sans appel : socialisation des pertes, individualisation des profits. Leçon oubliée.
Un rassemblement contre la crise ? N’est-ce pas rejoindre le discours des partis de droite pareillement désireux d’y mettre fin, c’est-à-dire de rétablir la fermeté des prix menacée par les crues de production, par l’insuffisance des débouchés, de libérer les profits, de restaurer le plein emploi, la prospérité des banques, celle des entreprises et des marchands, bref de juguler la maudite abondance cause de tout le mal ?
Enfermé dans ses dogmes, le P.C. doit affronter mille et une contradictions que sa dialectique s’efforce d’éluder. A placer l’emploi en première ligne sans référence à sa finalité, à sa nécessité, la Résolution accorde un blanc-seing au gaspillage. Nous sommes entrés dans l’ère de la robotique, de la biotechnique. Il n’est pas besoin de plus d’emplois pour créer plus de richesses. La production marche bien, trop bien même. C’est non pas l’accroissement des richesses qui pose problème, leur incroyable profusion en témoigne, mais leur écoulement, leur distribution dans l’équité.
Droit au travail ? Mais aussi droit au loisir, aux activités libres, loisir aujourd’hui permis par la diminution considérable du travail encore nécessaire pour assurer les approvisionnements utiles. Il faut seulement dissocier les revenus de la durée de l’emploi et, pour cela, souscrire à une révolution économique et monétaire (1) à laquelle le P.C. reste hostile, a priori.
Egalité des chances ? Une illusion. Une expression vide de sens, passe-partout.
La chance tient aussi, le P.C. l’oublie, au milieu d’éducation, aux relations familiales, à l’état de fortune, aux alliances, aux talents particuliers, au caractère, à l’hérédité, au sexe, à la couleur de la peau, à la prospérité de l’employeur, à la nature de l’emploi et à bien d’autres paramètres.
Réforme fiscale, allègement des charges des entreprises, appel à l’initiative, aux responsabilités ? Ici, le PC ratisse très large, espérant amadouer les P.M.E. en empruntant leur vocabulaire, leurs slogans. Pourtant le petit patronat ne ménage guère son personnel. Apre au gain, volontiers frondeur, ennemi des syndicats, il cultive l’anti-communisme à l’image de tous les bien-pensants.
Renforcement du rôle des syndicats, collectifs autogestionnaires, élections, conseils d’élus ? Voilà qui n’arrange guère l’ouverture en direction de ces mêmes P.M.E. Il en va de même de la participation des travailleurs à la gestion. Ce vieux serpent de mer a la vie dure. A chacun son métier. Il appartient aux directions et aux cadres des entreprises d’assumer leurs décisions selon leur compétence. L’excès de palabres nuit au rendement et le système de la participation crée d’injustes inégalités chez les salariés de même qualification. Quant à l’actionnariat ouvrier, ses dupes se multiplient avec les dépôts de bilan.
Le P.C. n’oublie pas les paysans, promettant de soutenir les cours, dans la foulée de tous les gouvernements précédents confrontés au « maudit problème », celui des excédents. Il laisse toutefois le revenu de l’agriculteur tributaire de sa seule récolte, c’est-àdire du hasard des conditions météorologiques, de la chance ou de la malchance qui vient ruiner son effort, le fruit de son travail.
Amélioration du pouvoir d’achat ? C’est l’Arlésienne, jamais au rendez-vous pour des millions de ménages aux prises avec leur propre quotidien tellement différent de sa mise en carte par les indices officiels. La citadelle des prix, celle des marges du commerce n’apparaît-elle pas inattaquable ? Qui s’y intéresse ? De toute évidence, ni les partis ni les syndicats, plus soucieux des droits des travailleurs que de ceux des consommateurs.
Créer de nouveaux débouchés ? Tous les Etats l’ont fait en mobilisant l’argent de leurs contribuables et vogue la galère ! Il importe seulement que le pouvoir soit en bonnes mains, au service des affairistes, des producteurs et des marchands que l’Etat débarrasse de leurs encombrants surplus, auxquels il procure marchés et profits. Il en va tout particulièrement ainsi pour les armements et les guerres, sources intarissables de, débouchés, de profits et d’emplois, balancier économique, soupape aux excédents industriels et miniers, pactole pour les banques, remède radical au chômage et, pour cette seule raison, acceptés par le parti qui n’y trouvent pas malice, envisage seulement leur « réduction progressive ».
Il est douteux que « le poids et l’action des pays socialistes aient contribué à instaurer une coexistence pacifique  ». Deux camps ont dû s’affronter dans une lutte à mort et le monde s’est vu précipité dans une course aux armements dont consommateurs et contribuables font les frais. Le socialisme a besoin d’une paix que le capitalisme refuse de lui accorder.
Les réalisations soviétiques ne sont pas niables. Elles surclassent parfois en maints domaines et par leur gigantisme, celles des pays capitalistes. Associés aux profits d’Etat, ces succès, fruit d’une relative rareté, finiront par décliner aux premières manifestations d’abondance que devra combattre, à son tour, le capitalisme d’Etat.
« Un socialisme à la française » ? Un socialisme à monnaie de consommation recueillerait, à cet égard, tous les suffrages (1). Malheureusement, les thèses de BELLAMY, objet d’un tabou, n’ont jamais rencontré d’écho au sein de l’appareil du parti. Pourtant « l’enjeu de civilisation en cette fin du XXe siècle » est bien l’accommodement des structures économiques à l’abondance déferlante et à l’éloquente diminution du travail exigible, nécessaire

aux approvisionnements.
On ne se libérera pas de « domination du capital exploiteur  » sans révolution monétaire. Faire du travail un but pour la vie, c’est nier les virtualités d’accomplissement de l’être humain dans l’espace de liberté que lui offre l’accroissement de son loisir. En alléger au maximum le fardeau, tel devrait être le rôle dévolu au progrès, un progrès purgé de ses exigences financières.

La règle démocratique attribue à la majorité le monopole de la vérité, du jugement, alors que la raison est plus souvent l’apanage de minorités pourvues de maturité, de réflexions, mais privées des moyens de se faire entendre.
C’est au niveau des centres de décision, à celui des médias que doivent s’exercer la propagande idéologique et l’action des groupes de pression.
Au gouvernement, le P.C. s’est surtout heurté à une nuée de « taupes » préparant les conditions d’un retour au pouvoir d’une Droite libérale pressée d’en ressaisir les rênes, de restaurer les privilèges chers à ses mandants, ceux de l’argent.

(1) « Projet de Société pour Demain » - 1977 publié 1982).

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