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Les années passent vite, trop vite... La pensée demeure et les tristes souvenirs ne peuvent s’effacer. Les mières, les conflits et les guerres continuent à régner sur toute la planète.
Ni les chefs d’état, ni les innombrables organisations n’arrivent à réorganiser une société désaxée par les faux plaisirs et conditionnée aux inégalités criantes. Dans ces moments très difficiles, il est réconfortant de rencontrer de vrais amis qui œuvrent pour la solidarité et l’évolution de la pensée réfléchie. Cela est une prodigieuse satisfaction et un bonheur que l’on ne peut comparer à nul autre.
À tous et à toutes, je vous adresse mon message d’amitié et de réconfort avec mes vœux pour que nous puissions voir s’instaurer dans l’année à venir des actions certaines de Solidarité, de Justice et de Paix.
Les voeux qu’exprime Albert Chantraine sont ceux de
toute l’équipe de la Grande Relève, unie avec ses lecteurs
pour lutter pour un monde meilleur parce que ce monde est enfin possible,
même si trop peu de gens en ont pris conscience.
On aimerait, quand commence une nouvelle année, trouver dans
l’actualité au moins l’ombre d’une vague perspective qui ferait
entrevoir ne fut-ce qu’un soupçon d’espoir d’une petite évolution
de nos responsables, dans le bon sens... Hélas, quelle rage de
voir que nos gouvernants, non seulement suivent une politique qui est
à l’opposé du socialisme à la Française
qu’ils promettaient avant 1987, mais, et c’est bien plus grave, font
l’apologie de toute une idéologie arriviste dans laquelle l’idéal
est de gagner de l’argent, n’importe comment et à n’importe quel
prix, fut-ce au mépris de l’homme. Jean Malrieu dénonce
dans nos colonnes l’évolution du Nouvel Observateur qui après
avoir été le porte parole de ceux qui rêvaient d’un
changement vers un monde plus convivial, donc véritablement socialiste,
exalte aujourd’hui cette sordide mentalité de la loi du plus
fort, comme dans la jungle.
Parvenu au pouvoir, porteur de tant d’espoirs, le parti socialiste se
devait d’utiliser tous les moyens, qui lui étaient donnés,
pour tenter de « sortir du capitalisme en crise », comme
il l’avait annoncé dans son projet socialiste qui précisait
: « il ne s’agit pas pour nous d’aménager le système
capitaliste mais de lui en substituer un autre ». S’il avait été
alors démontré que ceci était rendu impossible
par la coalition parfaite ( ???) de tous les autres pays refusant désormais
(contre leurs propres intérêts commerciaux), tout échange
avec nous, alors on aurait compris que le PS changeât sa stratégie,
qu’il entreprît de préparer, d’abord, par exemple, avec
ses partenaires européens en proie à la même crise,
une sortie concertée de cette crise. Mais sans trahir l’idéal
de tous les hommes et les femmes de bonne volonté qui n’aspirent
qu’à vivre ensemble le plus convivialement du monde.
Au lieu de cela, on assiste à un veule suivisme de l’idéologie
dominante, parce qu’agressive. On continue à élever chaque
enfant dans une certaine idée du monde, à lui apprendre
qu’il doit montrer qu’il est le meilleur en prenant, en toute circonstance,
la première place. On présente les Etats-Unis comme le
modèle de la réussite économique, en oubliant que
ce grand pays a retardé autant qu’il l’a pu l’acheminement de
vivres vers ceux qui mouraient de faim en Ethiopie, parce que l’Ethiopie
a un gouvernement marxiste. Enfin en France même, face à
la montée du chômage et de la pauvreté qui en est
la conséquence logique, les médias n’imaginent pas d’autres
remèdes que l’appel à la charité que lance l’abbé
Pierre. Les médias amplifient cet appel, mais cela ne remet rien
en cause. La charité a existé de tout temps, elle soulage
mais elle ne résout rien. Ce grand élan de solidarité
soulevé par l’abbé Pierre prouve au moins que l’homme
peutêtre sensible à la misère d’autrui et donc qu’il
est un être sociable. Mais nous ne sommes plus au Moyen-Age. Nous
avons, au XXe siècle, d’autres moyens que la charité pour
assurer l’épanouissement de tous. Ce n’est pas par des aumônes
que nous résoudrons les problèmes de société
dans les pays industrialisés et à plus forte raison, ceux
du Tiers-Monde. Ce n’est pas en développant l’assistance que
nous évoluerons vers la société sans pauvre QUI
EST POSSIBLE !
Bhopal (Inde) : 2500 morts, des milliers de blessés dont beaucoup resteront peut-être aveugles. Nous avons tous vu ces images tragiques à la télé. Ces morts, ces blessés d’un pays en voie de développement ne font que s’ajouter à la longue liste des victimes du capitalisme sauvage. En Inde, l’usine qui utilisait l’isocyanate de méthyle, gaz responsable de la catastrophe, sera définitivement fermée. En France nous avons aussi une usine qui manipule ce gaz pour fabriquer des pesticides essentiellement utilisés pour combattre les parasites des betteraves. Et cette usine, elle est située près de Béziers, c’est-à-dire loin des régions d’utilisation du pesticide en question. Pourquoi ? Parce que les élus locaux se sont démenés pour que Union Carbide, le producteur américain d’isocyanate de méthyle, installe son usine dans leur région pour créer des emplois. Et que croyez-vous qu’il se passe après le petit frisson d’horreur indienne ressenti à Béziers comme ailleurs ? Eh bien, les syndicats CFDT et CGT ainsi que le personnel de La Littorale (c’est ainsi que s’appelle l’usine en question) s’opposent aux écologistes qui souhaitent l’arrêt de l’utilisation de l’isocyanate de méthyle et la reconversion de l’usine. Une telle catastrophe, ça n’arrive qu’aux autres ! Nous, on n’est pas sous-développés et on sauvegarde nos emplois. Il n’y a que ça qui compte. C’est d’ailleurs le même raisonnement qui conduit ces mêmes syndicalistes à travailler dans des usines d’armements et à manifester... pour la paix !
Mais ça n’est pas pour autant une raison d’approuver les idées du patronat sur la « flexibilité » de l’emploi. Comme si en licenciant plus facilement on pouvait créer plus d’emplois ! Faut vraiment être naïf pour croire une telle énormité, même si elle est parée des plus belles plumes technocratiques. Il est vrai que depuis quelque temps l’entreprise et le patronat deviennent en France les enfants chéris des socialistes. Témoin, entre autres, cette déclaration de M. Rocard à la Convention Nationale du PS qui s’est tenue à Evry les 15 et 16 Décembre derniers : « Si le combat des socialistes a commencé contre les patrons, aujourd’hui la réalisation de leurs espérances sociales dépend de la vitalité de l’esprit d’entreprise » et il a ajouté que les socialistes devaient admettre que l’écrasante majorité des hommes travaillent pour de l’argent. Hélas, trois fois hélas, c’est là l’échec le plus cuisant que l’on doit reprocher aux socialistes. Ils avaient le droit, dans un environnement mondial hostile et en crise, de perdre la guerre économique au sens capitaliste, mais ils n’avaient pas le droit de perdre la guerre culturelle. Et c’est ce qu’ils ont fait en voulant prouver qu’ils savaient gérer aussi bien que la droite.
Outre-Rhin l’image du patronat traverse une bien mauvaise passe : des enquêtes effectuées depuis la fin des années 70 par le fisc ont révélé au public tout un écheveau compliqué de relations financières liant directement les firmes aux milieux politiques dont personne ne soupçonnait l’importance. Actuellement plus d’un millier de procédures judiciaires sont en cours aussi bien contre des personnes que contre les plus grandes sociétés du pays accusées d’avoir versé des fonds illicites aux partis, généralement aux partis conservateurs. Les inspecteurs des impôts ont mis à jour de véritables sociétés secrètes qui agissaient en sous-main avec des pouvoirs exorbitants, telles que, par exemple, la Staatsburgerliche Vereinigung qui, sous couvert d’une association pour la défense de l’économie de marché, centralisait les donations d’une cinquantaine des plus grosses entreprises bancaires et industrielles de la R.F.A. Et on retrouve sur le même banc des accusés deux anciens ministres libéraux de l’économie et l’ex-fondé de pouvoir du groupe Flick, accusés de corruption. Faut-il rappeler que le groupe Flick a largement bénéficié sous le IIIe Reich de ses relations privilégiées avec le régime nazi. Même si le groupe Flick est un cas extrême, comme le souligne un député social-démocrate, « jamais dans l’histoire contemporaine allemande, le patronat ne s’est situé du côté de la démocratie ». De telles réflexions pourraient peut-être inspirer les socialistes français ?
Certains parmi eux ont pourtant de bonnes idées. C’est ainsi que Mme Neiertz, porte-parole du groupe socialiste, a déclaré que de nombreux députés socialistes souhaitent que soit créée une nouvelle allocation constituant « un minimum social garanti » qui permettrait de trouver dans les prestations sociales un moyen de prendre en compte les cas les plus dramatiques de privation d’emploi ou de ressources. Evidemment, ça serait un début. Inutile de rappeler que, pour nous, ce qu’il faut c’est un revenu maximum garanti à tous. Mais pour ça, il faut d’abord changer les mentalités et ce n’est pas à cela que les socialistes s’emploient (voir plus haut).
Certains rocardiens s’interrogent « sur ce qui sera l’un des problèmes fondamentaux des années à venir, celui du partage du travail. Face à une mutation technologique qui fait désormais croitre la productivité plus rapidement que la production, ce partage est inéluctable. Il pose des problèmes redoutables pour les travailleurs (quelle compensation salariale ?) comme pour les entreprises (comment ne pas affecter la production et les coûts ?). Examiner les solutions à apporter, prendre en compte la formidable évolution sociale qui peut en découler (quels loisirs, quelle démocratie nouvelle seront possibles ?) marque une avancée importante dans la pensée des socialistes. »
C’est, bien sûr, encourageant pour nous mais encore faudrait-il aller plus loin. Pour cela je suggère à ces militants du PS de lire « Les Affranchis de l’An 2000 » de M.L. Duboin et de faire évaluer par les économistes et les statisticiens officiels les implications, financières de cette nouvelle société.
Après la réélection « triomphale
» (60% des voix) (1) de Ronald Reagan, ce n’est évidemment
pas avec l’enthousiasme du jeune héros du film d’Elia Kazan que
nous poussons ce cri. L’Amérique de Reagan, il est vrai, n’a
pas grand chose à voir avec celle de 1896, époque à
laquelle Kazan situe son histoire.
Il nous a semblé important, à l’aube de ce nouveau quadriennat
du plus que septuagénaire Président-cowboy, de faire le
point sur « son » Amérique. Elle est en effet le
plus puissant pays de la planète : son PNB représente
le quart du PNB mondial et elle consomme le tiers de l’énergie
mondiale. Politiquement et économiquement, socialement, militairement,
où en sont les USA ?
" A tout seigneur, tout honneur : Reagan - « Vous n’avez
encore rien vu » : C’est par ces mots qu’il terminait son allocution
à ses partisans au soir de son élection. Ceux-ci l’avaient
accueilli aux cris de « quatre ans de plus ». Notre travail
n’est pas fini ; il reste encore beaucoup à faire... La reprise
économique sera pour tout le monde », avait dit Reagan.
" Sur Antenne 2, le lendemain, Delors, ne semblait pas lui faire
écho en répondant aux questions de Christine Ockrent.
Il disait en substance que la « reprise » américaine
ne l’épatait pas, qu’elle était basée sur une politique
financière discutable, sinon douteuse, que la France ne pouvait
se permettre, comme les USA, de combler son déficit commercial
par la « planche à billets », bref, que nombre de
Français seraient moins enthousiastes s’ils étaient mieux
éclairés sur l’économie américaine...
" Le même soir, l’éditorialiste du Monde écrivait
: « Le complexe militaro- industriel, dont le poids dans la reprise
américaine est considérable, ne jouera certainement pas
dans le sens d’une reprise des négociations sur la limitation
des armements... Le Président paraît de plus en plus convaincu
de la nécessité de mettre en place un réseau d’antimissiles,
le programme dit de « la guerre des étoiles »...
Les Américains ont consacré le pouvoir d’un homme pour
qui l’égoïsme sacré est un élément
constitutif du patriotisme - l’Europe n’a donc a en attendre aucune
espèce de cadeau ou d’attention particulière. Demain,
comme hier, elle sera entendue à la seule mesure de sa force
et de sa résolution ».
" Enfin - c’est le plus important - Reagan à peine confirmé
dans son fauteuil présidentiel, les chiffres se mettent à
parler, confirmant un ralentissement marqué de l’économie
américaine : le taux de croissance du PNB, qui était de
10,1 au 1er trimestre 1984, tombe à 7,1 au 2e trimestre et chute
à 1,9 au 3e. Passager ? Voire...
Essayons d’analyser. Pendant sa campagne électorale de 1980,
Reagan, entouré de « monétaristes », avait
promis d’éliminer le déficit budgétaire, de réduire
les impôts, de limiter au strict minimum l’intervention de l’Etat.
Or pendant les deux premières années, sa politique économique
a plongé l’Amérique dans la pire récession qu’elle
ait connue depuis la guerre : chute (2) de la production, augmentation
du chômage. On a alors voulu faire croire que c’était l’étape
nécessaire pour qu’apparaissent enfin le ciel bleu et la prospérité
; à preuve un élément significatif la réduction
de l’inflation (à quel prix !). Le marasme persistant - sans
le crier sur les toits, bien sûr - changement radical de politique
: on passe du monétarisme et de l’ultra-libéralisme à
un keynésianisme non avoué, à une intervention
de l’Etat. Essentiellement :
1) les crédits militaires connaissent une progression fantastique,
passant de 5,2 à 8,5 % du PNB : cela représente un nombre
considérable de milliards qui relancent la machine économique ;
2) l’Etat intervient massivement par des subventions qui jouent le même
rôle et contribuent à créer un déficit budgétaire
colossal. C’est qu’en effet, le Président américain ne
bénéficiant pas de la durée d’un septennat, il
fallait tout faire pour assurer un deuxième mandat ; après
on verrait. (Puisqu’on « n’a encore rien vu » !).
Nous, qui sommes moins optimistes que Reagan, que « voyons-nous
» ? (avec de nombreux économistes, du reste)
" Le déficit budgétaire - qui devait
être résorbé en 1984 - atteint des chiffres jamais
vus : 195 milliards de dollars en 1983 ; 200 ou plus en 1984. 6 % du
PNB (que sont nos malheureux 3 % qui déclenchent les lazzi de
la droite béate devant Reagan ?). La dette fédérale
atteint 1 500 milliards de dollars presque la moitié du PNB US)
; le service de la dette 150 milliards (17,5 % du budget). Pour mémoire,
1980, sous Carter, le déficit était de... 60 milliards
de dollars.
" Pour subventionner pareil déficit, l’épargne que
consacrent les Américains aux emprunts d’état est nettement
insuffisante. D’où une politique toute « bête »
pour attirer les capitaux étrangers : le dollar - recherché
par l’Etat - monte, donc les capitaux affluent. En 1984 près
de 100 milliards de dollars viendront de l’étranger alimenter
le pays le plus puissant du monde. N’est-ce pas... le monde à
l’envers ? Cette « razzia » est dramatique pour les investissements
dans le reste du monde : quoi de plus sûr, de plus facile, que
de se reposer sur le dollar ? C’est à tel point qu’un économiste
US a pu écrire : « En continuant à attirer les capitaux
étrangers pour financer nos déficits budgétaires,
les Etats-Unis sont engagés dans une forme « d’impérialisme
de l’épargne » - ». Mieux, pour éviter tout
ralentissement de cette « manne étrangère »,
surtout à la veille des élections, le congrès,
en juin 1984, a supprimé la taxe de 30 % sur les intérêts
versés aux investisseurs étrangers en obligations américaines.
On ne répètera jamais assez à tous ces braves gens
qui prennent la valeur du dollar pour un signe de bonne santé
de l’économie américaine, que c’est précisément
le contraire qui correspond à la réalité profonde.
Et que dire du déficit du commerce extérieur (première
conséquence en grande partie d’un « dollar fort »
?) De 28 milliards de dollars en 1981, il passera aux environs de 120
en 1984. Mais, comme le remarquait J. Delors, les Américains,
eux, peuvent faire fonctionner la « planche à billets »,
billets consacrés monnaie internationale à Bretton Woods
au lendemain de la guerre.
" Le libéralisme ? Parlons-en. Reagan
a battu tous les records : en 1983, les subventions à l’agriculture
ont atteint 53 milliards de dollars, soit près de deux fois le
revenu annuel des agriculteurs (en France, les subventions de l’Etat
ou de la Communauté Européenne représentent 75%
du revenu agricole). Electorat oblige... sans compter l’autorisation
de vendre du blé à l’URSS, « l’empire de Satan ».
On n’a pas non plus oublié la subvention - équivalent
à une nationalisation - de la 8e banque américaine, la
Continental Illinois : 4,5 milliards
pour éviter la banqueroute... et les réactions en chaîne.
On ne parle jamais dans la presse des nombreuses banques américaines
qui font faillite. Quant à la principale subvention - l’armement
- nous avons déjà vu de combien elle avait augmenté
en 4 ans. Elle atteint 300 milliards de dollars, soit le 1/3 du budget.
" La politique sociale. Il est de notoriété
publique que Reagan a diminué le budget social (nouvelle coupe
sombre de 9 milliards en 85 pour les allocations « bas revenus
») ; qu’en 1984, 35 millions d’Américains - 15 % de la
population - vit au dessous du seuil de pauvreté (contre 29 millions
en 1980) ; que les plus pauvres deviennent encore plus pauvres alors
que les plus riches sont de plus en plus riches (10 % de plus en moyenne).
Nous avions, dans la Grande Relève de mars 1984, dans un article
intitulé « Sortir de la crise : à gauche ou à
droite », essayé de montrer le danger de voir une société
duale émerger de la crise, dans la société capitaliste.
Cela se vérifie, hélas, aux USA ; et cela se propage dans
les autres pays capitalistes qui n’ont d’yeux que pour l’Amérique
de Reagan. (Voyez en France, la « découverte » des
« nouveaux pauvres »). Quelle conclusion apporter à
ce survol ?
Au risque de choquer, nous disons Reagan a été réélu
? Tant mieux. Pourquoi ? Nous sommes persuadés - compte tenu
des faits et des opinions relatés dans cet article - que la reprise
américaine est factice, fragile, vouée à l’échec
à court terme. Reagan, qui a menti, triché, va maintenant
devoir payer pour son premier quadriennat. Imaginons que Mondale ait
été élu. Il aurait hérité immédiatement
- rappelez-vous : 1,9% de croissance au 3e trimestre - des méfaits
des options Reagan et il aurait « porté le chapeau ».
Reagan va devoir assumer son échec. Seul. Et cet échec
aurait (« aura », espérons-nous), un formidable retentissement
dans les autres pays, chez ses admirateurs notamment ; chez nous, les
Chirac, Barre et consorts. C’est sans doute la seule chance de la vraie
gauche pour 1986, si l’édifice s’écroule d’ici là.
La « fausse sortie » de la crise d’une Amérique tant
admirée. encensée, montrerait clairement que la crise
du capitalisme est bien structurelle, incontournable, comme nous le
soutenons, et non conjoncturelle, liée aux grandes mutations
techniques en cours, comme on veut nous le prouver.
Mais il faut demeurer très attentif. Le capitalisme aux abois
peut toujours avoir recours au pire : la guerre, des « petites
guerres », civiles ou non (voir, dès le lendemain de l’élection
de Reagan, le « montage » du cargo de Migs 21 contre Managua)
ou, si nécessaire, la Guerre, la « grande ». C’est
faire preuve de légèreté - ou d’ignorance - que
de balayer le danger d’un revers de main en invoquant la dissuasion,
l’équilibre de la terreur. La « guerre des étoiles
» n’est pas un mythe : cette nouvelle stratégie repose
sur des études très sérieuses. Les médias
nous familiarisent avec cette idée. Le jour où l’un des
deux grands aurait trouvé la parade totale - ou presque - aux
engins nucléaires de toute sorte, qui sait s’il ne prendrait
pas le risque d’essayer d’en finir avec l’adversaire.
(1) : D’après un sondage SOFRES/LE MONDE, 38
% des Français auraient voté pour Reagan contre 25 pour
Mondale. Alors...
(2) : Chute et non baisse, comme chez nous, ce qui relativise les 7
% affichés lors de la reprise.
On nous rendra cette justice l’échec du gouvernement
de la gauche, nous l’avions prévu et annoncé bien avant
les élections de 1981. En acceptant de gérer l’ordre établi,
la gauche avait du même coup lié son sort à celui
d’un système économique en train de s’effondrer.
Ce que nous n’avions pas prévu, c’est que cette gauche déconfite
et désemparée se verrait aujourd’hui bafouée et
répudiée par ceux-là mêmes qui s’en étaient
servis pour se hisser au pouvoir.
Dans cette course à l’ignominie, l’hebdomadaire de Jean Daniel
a une fois de plus une longueur d’avance. « La gauche a-t-elle
un avenir ? » titre « Le Nouvel Obs » du 26 octobre
84. « Oui à droite » répond en substance Jacques
Julliard dans un éditorial qui restera dans les annales de la
presse française comme un des sommets du cynisme et de la dégueulasserie
médiatiques.
Electeurs de 81, hommes qui aspiriez légitimement à changer
d’existence et qui aviez pris pour argent comptant les promesses du
candidat Mitterrand et les rodomontades de Chevènement sur la
rupture avec le capitalisme, voyez de quel ton méprisant on parle
aujourd’hui de vous dans les sphères du pouvoir « socialiste
». « Si la gauche a échoué, écrit Julliard,
c’est parce qu’elle s’appuie sur des classes sociales en perte de vitesse
et pourvues d’un faible dynamisme : ouvriers, employés, fonctionnaires.
» Il ne vous l’envoie pas dire le grand stratège de la
rue d’Aboukir. Des débiles et des minables juste bons à
défendre des avantages acquis et à réclamer des
sous, voilà ce que vous êtes, des ilotes irresponsables
qui manifestent leur mécontentement en désertant les urnes.
Quant au programme commun, si utile en 81 pour extorquer vos suffrages,
savez-vous ce qu’on en pense au Nouvel Obs : du bla-bla-bla, des calembredaines.
« Les uns après les autres, écrit Julliard, les
ingrédients traditionnels de la gauche ont démontré
leur inefficacité. Que reste-t-il aujourd’hui du fameux tryptique
socialiste ? La vérité oblige à dire que l’autogestion
est à la trappe, à la planification au placard et la nationalisation
au pain sec. Quant au Keynésianisme, sous les espèces
de la relance par la consommation, il a fait faillite ».
Les candidats de la droite aux législatives de 86 n’auront pas
besoin de se fouler pour fermer le bec aux candidats de la gauche. Il
leur suffira de ressortir le Nouvel Obs.
« Alors que faire ? » questionne notre censeur : «
C’est simple, la gauche doit changer. Elle doit se moderniser, retrouver
une philosophie de la production et une culture de gouvernement ».
Pour le cas où vous n’auriez pas bien saisi ce que signifient
ces sentences sybillines, notre oracle précise en pontifiant
: « Il s’agit que la gauche se pense et s’affirme de façon
permanente comme parti de gouvernement, non comme force d’opposition.
» Autrement dit que la gauche remise aux accessoires ses idéaux
et ses valeurs, qu’elle se pose en partenaire responsable de la Droite
pour la gestion du système et, bien entendu, pour le partage
de l’assiette au beurre. « Qu’elle ose paraître ce qu’elle
est » s’écrie Julliard en reprenant l’apostrophe de Bernstein,
le pape de la social- démocratie.
Ne croyez pas que le Diafoirus du « Nouvel Obs » ait trouvé
cela tout, seul. Il y a un répondant de marque en la personne
du Président Mitterrand et ne se fait pas faute de le citer.
« Est-il possible de bâtir un nouveau scénario avec
les mêmes acteurs ou avec d’autres ? » s’interrogeait le
Président le 12 octobre dernier à Agen devant un auditoire
médusé. Toute la filouterie et le
machiavélisme naïf du personnage sont dans cette phrase
. cauteleuse. Après nous avoir mené en bateau en 81 avec
le « scénario » euphorisant du programme commun,
voilà aujourd’hui alors qu’il coule à pic dans les sondages,
l’aimable suborneur nous en propose un autre, plus austère mais
tout aussi illusoire, dans lequel nous sommes invités à
jouer à nouveau les figurants. Il prend la peine de nous avertir :
si ce rôle de figurants ne nous convient pas, il ira les chercher
ailleurs. A droite par exemple comme l’y invitent de façon pressante
ses « conseillers » des multinationales et les savants experts
de la Nouvelle Gauche. Il ne manque pas d’air le Président Mitterrand
!
Si l’accusation de machiavélisme vous choque, alors lisez le
superbe, l’éblouissant article de Claude Julien dans : «
Le Monde Diplomatique » de novembre dernier dont nous reparlerons
plus loin : « Le Corset Libéral ». Claude Julien
a placé en exergue de son article un extrait du « Prince
» de Machiavel manifestement destiné à éclairer
par analogie avec la Florence des Médicis, notre actualité
et la trahison de la gauche par les « socialistes » l’avertissement
qu’il lance au premier d’entre eux à la fin de son article (in
coda venenum), à travers la référence à
César Borgia, est dépourvue de toute ambiguïté
: « Le Prince, écrit Julien, peut ne pas, être fidèle
à ses engagements et cependant perdre à la fois sa réputation
et ses Etats ».
L’accusation reste cependant voilée. Il n’en va pas de même
avec le terrible réquisitoire dressé en Septembre dernier
par Paul Thibaud dans la revue « Esprit » dont il est le
directeur. P. Thibaud, héritier d’Emmanuel Mounier, est un des
hommes les plus pondérés et les plus respectés
de la presse française. Sa dénonciation précise
et circonstanciée de la politique du pouvoir actuel n’en a que
plus de poids. Ce à quoi nous assistons, c’est à «
un véritable changement d’identité politique » nous
dit Thibaud. Pour rester au pouvoir le nouveau Prince-Président
n’envisage ni plus ni moins que de changer d’image et de majorité,
de se « délester » (c’est le terme qu’emploie Thibaud)
« d’une gauche naïve dont il a encouragé les illusions
au temps où elles pouvaient sembler porteuses ». Le directeur
d’« Esprit » ne prononce pas les mots de forfaiture ou d’escroquerie,
mais le coeur y est. « François Mitterrand, constate Thibaud,
se donne les moyens d’utiliser les électeurs de droite pour assommer,
voire dissoudre sa propre majorité ». Comme dirait Roro
de Bab-el-Oued : « Plus dégueulasse, tu meurs ! »
Thibaud, relève « l’empirisme sans principes » du
chef de l’Etat et « la désinvolture cynique » de
ses lieutenants, Fabius et Chevènement en tête. Sa condamnation
finale est sans appel : « Le mitterrandisme a toujours eu de la
peine à prendre au sérieux les idées, il a toujours
cru qu’on pouvait à volonté s’en servir, les mobiliser
ou les congédier, les faire apparaître et disparaître
comme les thèmes musicaux au gré du compositeur. Il est
tenté aujourd’hui de les rejeter en bloc alors qu’il devrait
au contraire commencer à les respecter. En est-il capable ? »
C’est le portrait d’un Frégoli, d’un Arsène Lupin de la
politique que nous trace Thibaud. Image consternante que corrobore Louis
Colvert dans un article du « Canard Enchaîné »
du 31 octobre. Parlant d’André Rousselet, nouveau PDG de Canal-Plus
et grand ami du Président Mitterrand, Colvert écrit :
« Ce partenaire de golf du Président aime à dire
qu’il ne compte aucun socialiste parmi ses amis. Au delà du bon
mot que Tonton ne manque jamais d’apprécier, le constat est d’une
lucidité qu’il faut saluer ». Le sens de l’humour du Président
porte un nom, le cynisme. Le « bon mot » qu’il apprécie
tant et le sarcasme de Colvert qui dissimule son mépris écrasant
pour notre classe politique en disent long sur l’atmosphère faisandée
des milieux « socialistes ». (2) Le terme de socialisme
n’a pas seulement disparu de leurs discours. Ils se marrent quand on
le prononce devant eux, dans l’intimité de leurs bureaux. Peut-être
même, ces joyeux flibustiers se tapent-ils sur les cuisses ! Les
électeurs de 81 ont bonne mine. (3)
A travers ces palinodies et les manoeuvres du pouvoir, ce qui se dessine
c’est une restructuration du paysage politique français, la préparation
à pas feutrés d’un vaste compromis historique entre les
cliques dirigeantes de Gauche et de Droite. C’est le sens de la «
decrispation » et de la « cohabitation » tant prônées
par les édiles des deux bords. Devant l’aggravation de la crise
du système et la montée des périls, un consensus
entre les partis de « l’arc constitutionnel » est jugé
indispensable. Pour les cas où les politiciens ne le comprendraient
pas assez vite, leurs mentors des milieux d’affaires (nous avons failli
écrire leurs sponsors) le leur rappelleraient avec insistance.
Ce n’est pas pour rien que l’on trouve tant de représentants
du capitalisme international dans les coulisses du pouvoir « socialiste
». Il n’y a pas qu’en Allemagne que les banquiers arrosent avec
une égale sollicitude les paris conservateurs et les partis sociaux-
démocrates.
Il va de soi que le compromis avec la Droite n’a de sens et n’est négociable
que si la gauche gestionnaire conserve une audience suffisante et le
contrôle d’une fraction appréciable du corps électoral.
La Gauche politicienne, comme n’importe quelle firme, doit défendre
ses parts de marché. D’où, parallèlement aux tractations
secrètes avec la Droite au niveau des états-majors, en
vue de partager du pouvoir (et du gâteau), un grand effort de
propagande pour retenir ou récupérer les électeurs
qui ont tendance à filer vers l’opposition ou à se réfugier
dans l’abstention. C’est à ce souci que correspondent les campagnes
menées depuis la rentrée par « le Nouvel Obs »
et les autres officines d’intoxication à la solde du pouvoir,
en prévision des prochaines échéances électorales.
Il faut en dire un mot.
Un débat ouvert dans « le Nouvel Obs » du 5 octobre
sur le thème » La folie du Libéralisme » nous
avait mis la puce à l’oreille. Les apprentis-sorciers de la «
Nouvelle Gauche », affolés par le glissement à droite
de l’opinion dont ils étaient les premiers responsables, essayaient
de redresser la barre. C’était la première manifestation
de ce « sursaut idéologique » que réclame aujourd’hui
ce triste bouffon de Poperen à la tribune du P.S. Tous les cracks
de l’écurie néo-libérale « de gauche »
avaient été convoqués sur le pont par le capitaine
en second du « Nouvel Obs » assisté de Michel Rocard
: F. de Closets, Alain Minc, Guy Sorman, Priouret. Il n’y manquait que
Michel Albert et J.J. le Turlupin qui, visiblement, avaient préféré
se planquer. Les efforts déployés par ces branquignols
pour tenter de sauver le bateau et d’arrimer la cargaison rappelaient
les meilleurs films comiques de Mack Sennett.
Il y a quand même de bons moments dans la vie. Entendre Jacques
Julliard qui faisait il n’y a pas longtemps l’apologie à peine
déguisée de Hayek, fustiger les « zozos du libéralisme
» dont le plus bel échantillon Guy Sorman s’agitait à
ses côtés, Alain Minc champion du capitalisme sauvage tenter
de se démarquer des ultra-libéraux de droite, Michel Rocard,
ministre d’un gouvernement totalement soumis aux impératifs de
l’économie marchande, dénoncer « ces libertés
qui nous enchaînent et affament le monde » et faire l’éloge
du protectionnisme, çà ne manquait pas de sel.
On avait vite compris que la consigne donnée à ces élégants
discoureurs était de rameuter et de regonfler une clientèle
électorale fortement traumatisée par les échecs
et les embardées du gouvernement « socialiste » et
qui s’égaillait dans tous les sens.
Les violons cependant avaient du mal à s’accorder. Comment en
aurait-il été autrement avec un chef d’orchestre attrape-tout
qui prétendait faire jouer deux partitions à la fois ?
Ceux qui étaient chargés de récupérer les
électeurs de gauche prônaient une certaine dose d’intervention
de l’Etat dans les affaires économiques, les autres qui avaient
la tâche délicate de retenir les électeurs centristes
attirés par l’opposition, multipliaient les ronds de jambe pour
les persuader de la supériorité de leurs produits sur
ceux de la concurrence qui n’étaient, selon eux, que de grossières
et dangereuses contrefaçons. Julliard, premier violon de l’orchestre
de chambre du Nouvel Obs arrivait à jouer sur les deux thèmes
à la fois. C’est un virtuose. Le plus désopilant de tous
ces clowns cependant était Guy Sorman, impayable dans le rôle
de tête à claques que lui avait confié l’organisateur
de cette pantalonade. (4).
Si çà marche si fort pour la Droite, disait Juliard dans
le rôle de M. Loyal, c’est parce qu’elle nous a volé nos
idées. Et Paillasse/Sorman de surenchérir : « C’est
un formidable malentendu, se lamentait Sorman. Je suis fasciné
par les facultés inouïes de récupération de
la classe politique qui en 3 ans a fait du libéralisme son discours
dominant ». Il a une belle santé notre marchand de sornettes
! Ce qui nous fascinait, nous, c’était son incroyable culot.
Comme si ce n’était pas lui, l’apologiste de l’idéologie
reaganienne, et ses acolytes du Nouvel Obs, les supporters les plus
insidieux du Libéralisme, les secteurs les plus actifs de cette
intoxication des masses qu’ils affectaient aujourd’hui de déplorer.
On nageait en pleine imposture. Toutes ces singeries et ces protestations
n’avaient d’autre but que de dissimuler une évidence grosse comme
une maison : ce ne sont pas les idées de gauche qui ont filé
à droite comme l’affirme Julliad avec une insigne mauvaise foi
; ce sont au contraire les idées et les valeurs de droite qui
ont envahi et intoxiqué la gauche. Parallèlement et subsidiairement,
pourrait-on dire, à l’infiltration du PS par les puissances d’argent.
Les agents de cette colonisation idéologique, ce sont ceux-là
même qui font mine à présent de la dénoncer,
les histrions du « Nouvel Imposteur ». La 5e colonne de
la Droite, le cheval de Troie du reaganisme en France, ce sont eux.
De cet aréopage de faux-jetons, un seul nous inspire jusqu’à
un certain point de l’indulgence. C’est ce pauvre Rocard dont l’interview
traduisait le cruel embarras, la tragique dichotomie de la gauche schizophrénique.
« Pour que la gauche trouve le salut, affirmait Rocard, il faut
d’abord qu’elle se souvienne qu’elle est la gauche. « Parce qu’elle
l’a oublié ? questionnait ironiquement son interlocuteur, F.O.
Giesbert. Vacherie à laquelle Rocard répondait par cette
savoureuse considération en forme d’aveu : « Aujourd’hui,
nous sommes dans une monstrueuse pagaille sémantique et idéologique.
Personne ne sait plus de quoi il parle. » Michel Rocard nous permettra
de lui demander : A qui la faute ? Sinon à lui et à François
Mitterrand, c’est d’abord au PS qu’on le doit.
Le désastre idéologique et politique de la gauche gestionnaire
que nous n’avons cessé d’annoncer se précise chaque jour
un peu plus. Un ouvrage récent « La Gauche en voie de disparition
» de Laurent Joffrin en dresse le constat en termes très
proches des nôtres qui prouvent que nous sommes lus à défaut
d’être cités . « La gauche au pouvoir, écrit
Joffrin devait rompre avec le capitalisme. Elle a rompu avec le socialisme
». Et de pronostiquer lui aussi la débâcle prochaine
des socialiste devenus sous la férule de François Mitterrand,
les syndicats de faillite du capitalisme français : « Ils
doubleront la défaite électorale d’une défaite
culturelle et sortiront de l’histoire pour une ou deux décennies.
» Nous sommes beaucoup plus catégorique que Joffrin. Cette
défaite, la gauche gestionnaire (communistes compris) ne s’en
relèvera pas. Elle est d’ores et déjà entrée
dans les poubelles de l’Histoire.
Il y a 10 ans Roger Garaudy prédisait que Georges Marchais serait
le fossoyeur du PCF. Il n’avait pas prévu que François
Mitterrand deviendrait symétriquement le fossoyeur du Parti Socialiste.
Rendons hommage aux fossoyeurs. Objectivement, sur la longue durée
historique ils jouent un rôle positif. En déconsidérant
et en enterrant l’idéologie et les organisations gestionnaires,
ils auront contribué à déblayer le terrain et a
préparer la renaissance de la gauche. Ils auront enterré
les illusions et les fausses solutions qui égarent et stérilise
depuis plus d’un siècle les forces de changement. Ils auront
aidé les hommes à prendre conscience des véritables
dimensions et des véritables données de leurs problèmes.
C’est ce que nous essayerons de montrer dans notre prochain article. Nous avions d’abord pensé l’intituler « Du bon usage des fossoyeurs ». A la réflexion et pour souligner notre indéracinable optimisme, nous avons finalement choisi ce titre : « Mort et Résurrection de la Gauche ». TODT UND VERKLARUNG.
(2) Cela nous rappelle la réflexion d’un de
nos amis : On se demande pourquoi les Présidents de la République
et leurs invités vont tirer les faisans à Rambouillet.
Il y en a beaucoup plus dans les couloirs de l’Elysée et des
ministères circumvoisins. Il est vrai, ajoutait-il, que dans
ce cas-là ils risqueraient de s’entretuer.
(3) Pourquoi pensons-nous tout à coup à Pierre Juquin
du PCF célébrant la victoire de la gauche à la
Bastille en Juillet 81 « Je suis heureux » s’écriait-il
en étreigant Michel Rocard. Depuis on ne l’appelle plus au Parti
que « l’imbécile heureux du Comité Central ».
Et à Allaize, candidat socialiste miraculeusement élu
en Ardèche en 81, auteur de cet impérissable slogan :
« Pour vivre à l’aise, votez Allaize. »
(4) Guy Sorman, propagandiste du reaganisme et auteur d’un ouvrage «
la Révolution libérale » qui a bénéficié
d’un battage éhonté, vient de se faire étriller
de main de maitre, ainsi que toute l’école néo-libérale,
par Claude Julien dans un article du « Monde Diplomatique »
que nous avons déjà évoqué : « le
Corset libéral ». Tous les Français devraient lire
cet article.
Un des premiers distributistes, qui fit, dans sa jeunesse tant de conférences aux côtés de J. Duboin, vient de publier un nouveau livre :
Le titre du dernier livre du physicien Albert Ducrocq,*
est évocateur !
Après une étude approfondie des applications de l’électronique
à l’informatique et à la robotique, A. Ducrocq situe les
conséquences radicales où nous accule pour un proche avenir
le niveau technique atteint.
En homme de science, A. Ducrocq ne codifie pas par le détail
notre vie future, mais trace à grands traits les inévitables
adaptations économiques contenues dans le fait technique.
« Savez-vous que, clame-t-il : Au cours des 15 ans à venir,
le monde va connaître plus de changements que depuis l’homme de
Cro-Magnon ? ».
« Les Etats hier gouvernaient les hommes ; ceux-ci auront pour
mission d’administrer les choses. »
- « Vous utiliserez une monnaie électronique solide comme
l’or, rapide comme la lumière ».
En conclusion Albert Ducrocq s’applique à démontrer que :
Comme l’explosion initiale créa les éléments, l’homme
crée les techniques qui le transfèrent dans une vie nouvelle.
* Editions Plon (1984).
La transition
Destruction ou stockages de denrées alimentaires,
« banque du sol », de telles pratiques, exigées par
la « règle du jeu », agressent les consciences, narguant
l’insatisfaction de tant de nécessiteux.
Que faire des excédents stockés devenus propriété
collective de la Nation ? Rappelons qu’en décembre 1968, un ensemble
de propositions concrètes avait été soumises au
Ministre de l’Agriculture par l’intermédiaire du Directeur des
Affaires économiques de l’Assemblée permanente des Chambres
d’Agriculture. Etudiées de longue date et de nature à
résoudre le problème, ces propositions prennent aujourd’hui
un relief tout particulier eu égard à l’ampleur des excédents
et au développement d’une « nouvelle pauvreté ».
Elles se résument comme suit :
- Ouverture et notification, en faveur des sous-consommateurs notoires
( chômeurs, immigrés, bénéficiaires de l’aide
sociale, communautés charitables ) d’un crédit renouvelable
mensuellement, utilisable seulement sur carte, de paiement spéciale.
- Remise au ayants-droit d’une carte de paiement du type INNOVATRON
à mémoires. Chargée d’un avoir en monnaie électrique,
la carte se décharge au fur et à mesure des achats, dans
un « lecteur » qui en positionne le solde. La carte «
vidée », son titulaire l’approvisionne à nouveau
dans la limite de son crédit mensuel.
- La présentation de cette carte donne accès a des entrepôts
spéciaux, DISTINCTS de tout local commercial, exclusivement approvisionnés
en excédents et gérés par des personnels communaux
ou par des bénévoles s’y relayant. L’acheminement des
denrées aux points de distribution est assuré par des
transports mis à la disposition des Municipalités, des
Associations ou des gérants, par les services des Domaines (ou
par l’Armée). Il est essentiel que les lieux de vente soient
distincts des établissements commerciaux qui n’interviennent
d’aucune manière dans l’opération.
- Les denrées sont mise en vente aux prix courants du commerce
local.
La carte remplit la fonction de « bons », de « monnaie-matière
» à usages polyvalants, donnant le choix à consommer.
Quand, localement, il n’y a plus d’excédents à répartir,
on ferme l’entrepôt et l’on attend de prochaines livraisons pour
honorer de nouveaux crédits. L’opération peut être
interrompue à tout moment sans perturber l’économie générale.
Il n’y a pas de nouvelles quantités de monnaie venant charger
la circulation donc ni pesée sur les prix ni risque d’inflation.
Outre l’écoulement des excédents, le procédé
offre un autre intérêt. Cette conversion d’excédents
jusque-là stériles, en crédits mobilisables, permet
la constitution d’un fonds de salaires venant s’ajouter aux allocations
de chomage. Elle fait de catégories de sous- consommateurs, jeunes
sans emplois et autres chômeurs, des salariés utilisables
à tarif plein par les Municipalités, les Associations
ou Organisations diverses, pour des travaux d’utilité collective,
dénués de rentabilité.
Grâce aux crédits gagés par les excedents, les Municipalités
peuvent donc, à leur choix, ou bien réaliser leurs programmes
à moindre coût en crédits normaux, ou bien accroître
le volume de leur travaux. Sans obérer leur budget. Enfin des
entreprises sont également appelées à reconsidérer
des embauches à débours réduits sur ces bases nouvelles.
Le système peut s’étendre et intéresser les excédents
apparaissant au niveau des producteurs locaux ou des invendus sur les
lieux de vente au détail (forans) en ce qui concerne les denrées
périssables. Les Municipalités ou des Associations subventionnées
jouent alors le rôle de comptoirs d’achat et de vente, achetant
aux prix de production, en monnaie « courante » et revendant
aux chômeurs contre présentation de leur carte, aux prix
du commerce local, en échange de prestations.
A ceux qui objectent le manque à gagner infligé au commerce,
il convient de faire observer que le procédé ne fait qu’élargir,
pour une durée limitée, le nombre de ces privilégiés
qui, propriétaires de jardins potagers, d’exploitations fruitières
ou maraichères, font de l’auto-consommation.
D’autre part, le commerce n’a guère à redouter le reflux,
temporaire. de ces mini-clients aux ressources insignifiantes, que les
cartes de paiement dirigeront vers les magasins communaux ou associatifs.
On admettra difficilement que l’on puisse contraindre des consommateurs
à se contenter de mini- ration, interdisant aux catégories
les plus défavorisées par la malchance de profiter de
l’occasion que leur offre la concrétisation d’une monnaie de
consommation dans une carte de paiement, de s’approvisionner à
part entière durant quelque temps.
Ajoutons enfin que la formule de cette monnaie de consommation, également
applicable à l’aide aux pays en voie de développement,
est parfaitement connue des organisations européennes et internationales
telles la F.A.O., le F.E.O.G.A. et de la plupart des centres de décision
qui n’attendent que l’action d’unn groupe de pression pour y souscrire
et la généraliser.
La transition
Dimanche 14 octobre 1984 ! Le journal du Dimanche
publie les résultats de son sondage mensuel I.F.O.P. Les Français
y apparaissent politiquement démobilisés. Ils semblent
avoir pris conscience de ce que, gauche ou droite, n’ont pas de solution
à leurs problèmes. Avec le même insuccès,
le cinquième de la bande des quatre clame son désir d’entrer
dans le jeu.
Devant les jeunes gaullistes, M. Barre, s’opposant à M. Chirac
et Giscard d’Estaing, refuse la « cohabitation » et rejoint
M. Chevenement.
A 12 heures, sur TF1, M. Bergeron note très sévèrement
la copie du « jeune premier ministre » traitant des salaires
de la Fonction Publique.
Plus tard, sur RTL, M. Hano expose clairement le plan de sauvetage de
la Régie Renault, qu’il présentera demain aux sections
syndicales de son entreprise et impose une stricte discipline.
Peu après, sur EUROPE 1, M. Marchelli s’essaie, difficilement,
à éviter les pièges de la « politique politicienne
» et se maintient dans un syndicalisme catégoriel imprécis.
Les syndicats reprochent au gouvernement l’insuffisance de ses décisions
et de ses projets ; à l’opposition, l’absence d’un plan de société
valable. Ils se gardent de rien proposer, pour « juger les politiques
à leurs actes ». Position confortable. Facile. Inefficace.
***
Rappelons des certitudes :
- Le plein emploi, au sens où nous l’entendions, ne reviendra
plus. Modifier mentalité et structure socio- politique est indispensable.
- Les notions de travail et de revenu doivent être dissociées.
- Aujourd’hui les sans travail sont marginalisés. Nouveaux pauvres,
jeunes chômeurs et jeunes-vieux-pré-retraités on
perdu leur signification. La vague japonaise des suicides nous menace.
- Le droit au travail, inscrit dans la construction est supprimé,
remplacé par une assistance insuffisante et immorale aux «
exclus de la production ».
- Le « temps disponible », étalon de la vraie richesse
» ( Karl MARX ) est là, à la portée de nos
mains tendues. L’impuissance des politiques et des syndicats nous empêche
de l’atteindre. Prisonniers du système monétariste, ils
sont incapables d’aménager le temps libre.
***
Alors ? Il est nécessaire de :
- Reconnaître, franchement, l’existence d’une économie
à deux vitesses. Dont une nulle.
- Dissocier le couple travail-salaire pour l’instauration d’un «
revenu social » à chaque individu de sa naissance à
sa mort.
- Lier le droit au travail, pour tout individu apte, à l’obligation
du devoir de travail dans une occupation d’utilité collective,
entraînant un complément au revenu social.
- Constituer, ainsi, une structure d’accueil pour les « dégraissés
» de « l’économie compétitive ». Ils
seront de plus en plus nombreux, mais de moins en moins perturbants
s’ils retrouvent, par cette occupation, leur signification d’hommes.
- Mettre les entreprises françaises (nationales ou privées)
à égalité avec leurs concurrents étrangers
du système monétaire international - en voie d’effondrement
- par l’allègement des charges et l’assouplissement des contraintes.
***
C’est un schéma de la transition vers l’économie
du futur. Nul ne peut la définir. Cette transition durera longtemps
; 15 ans, dit Albert DUCROCQ. Probablement davantage. Il existe probablement
d’autres démarches. Celle-ci est rendue possible par la création
d’une monnaie intérieure (le francin) assurant le paiement du
revenu social et de ses compléments.
Rattaché, au sommet de l’Etat, à la monnaie internationale,
le francin sera l’unité d’une monnaie gagée sur la valeur
des biens et services fournis aux collectivités dans tous les
domaines négligés, parce que non « rentables »
au sens du monétarisme. Ces « occupations d’utilité
collective » utiliseront tous les moyens ( locaux, matériel,
outillage ) laissés inutiles par les « restructurations
». Elles produiront des richesses de toutes natures, surtout des
services, sans peser sur l’économie de marché au plan
international.
Si l’ECU européen existait, il n’y aurait aucun problème.
En l’attendant, faisons « comme si », et créons le
« francin », unité d’une monnaie interne, fondante,
(peu ou pas thésaurisable) qui disparaîtra au fur et à
mesure de son utilisation, par ses détenteurs, les « exclus
», remis dans leur dignité par un travail allant en s’amenuisant
au fil des ans. C’est une expérience vers la monnaie d’après
demain, celle de « l’économie distributive ».
En 1936, les JEUNES étaient encore des utopistes.
en 1984, grâce à « la carte de paiement gérée
par ordinateur », ils seraient les vrais réalistes !
C’est le sens de « jevien » ( Jeunes et Vieux Inventent
l’Economie Nouvelle ) et des actions JV menées à l’échelon
local ( canton, quartier... ) par les organisations locales du vastes
Mouvement Associatif, immense richesse, inexploitée, de notre
pays.
Une seule crainte : le danger de la bureaucratie inefficace ( A.N.P.E.
). Evitable par la vigilance des organisations de base.
En cette fin du XXe siècle, les fulgurants
progrès des techniques de production ont permis à l’abondance
de devenir réalité quotidienne, ( axiome maintes fois
démontré ) mais aussi aberrant que cela puisse paraître,
niant cette évidence, l’on s’entête à vouloir conserver
des structures économiques, basées sur la rareté,
donc totalement dépassées face à l’abondance. De
ce fait, contradictions et antagonismes ne cessent de s’abattre sur
le tissu social, dont l’exemple plus frappant, le plus cynique, es>
quotidiennement démontré par la pauvreté endémique
et galopante, contre laquelle on cherche à enrayer l’évolution,
sinon la rendre plus supportable ! se gardant de mettre en cause le
vecteur profit. Les secours s’effectueraient par le canal de la «
distribution ». Bonne idée en l’occurrence, mais sachant
que ce terme signifie gratuité, antithèse de vente, ce
paradoxe conduit à l’interrogation suivante : « comment
pourra-t-on distribuer gratuitement, et longtemps des biens et denrées
aux nécessiteux, dans une économie où tout s’achète,
se vend ? Face à cet antagonisme, tôt ou tard apparaîtra
un point de rupture, c’est pourquoi conservera-t-on un bandeau sur les
yeux, en traitant « d’utopistes » ceux qui proposent la
solution qui satisfasse aux conséquences du progrès, et
réponde à la réalité économique contemporaine
potentiellement « abondanciste » ? Cette réalité
n’est- elle pas « Distributive » ? où Répartitive
? Le terme importe peu.
Revenant à la pauvreté, qu’envisage-t-on dans l’immédiat
? Primo ; faire payer. les riches, secundo : accroître les oeuvres
charitables, organismes de secours, etc... Que penser de ces solutions
? Suite aux explications suscitées, elle ne peuvent que soulager
momentanément les cas les plus désespérés,
sans pour autant supprimer la pauvreté dans son ensemble, ainsi
que dans ses causes initiales, sorte de remède empirique face
à un cancer !
D’une part, de quels riches s’agit-il ? De ceux qui possèdent
de gros capitaux, facteurs de revenus, où de ceux qui perçoivent
de gros revenus, sans capitaux ?... en attendant de faire payer les
moins pauvres, avant qu’ils le deviennent à leur tour ! Solution
aussi mathématique qu’absurde ! car la masse grandissante de
pauvres percevra toujours des miettes (pâtée pour chiens
! ) permettant de survivre. D’autre part, ce cercle vicieux conduira
à l’égalité dans la pauvreté, au lieu d’aller
vers l’égalité dans l’abondance. Si la guerre n’est pas
une fatalité, la pauvreté économique l’est encore
moins. Etre pauvre en 1984, alors que des montagnes de produits s’amoncellent...
ces invendus que l’on stocke, avant de les détruire, tandis que
d’autres sont détruits avant d’être proposés : «
assainissement des marchés... rentabilité exige ! Atteignant
le comble de l’absurdité, de la bêtise, pérennisant
ce « Babylone économique », pleuvent les subventions,
les aides aux destructions ! etc... » Quand pleuvra-t-il ce pouvoir
d’achat (monnaie de consommation) qui seul, fait défaut aux deshérités
du gâteau-production ?... Ces pauvres ne pouvant acheter ce dont
ils ont besoin, de ce fait, ruinent ceux qui ont à vendre ! qui
réclame et exige qu’au lieu de subventionner pour détruire,
l’on subventionne pour consommer en fonction des besoins réels,
en commençant par subventionner les plus démunis ? Ces
subventions représentant leur part d’usufruit d’une production
collective, escroquée par le biais du profit, en attendant de
distribuer à tous, des producteurs aux consommateurs, un «
Revenu social garanti », éliminant radicalement la pauvreté
matérielle, artificiellement entretenue, dans le but de satisfaire
à une monnaie aussi artificielle, transformant des courants d’air,
en d’énormes profits ? Contradicteurs de l’économie distributive,
avez-vous une autre solution à proposer ?
LES THESES ECONOMIQUES
Nous poursuivons la reproduction d’extraits du livre « Libération » publié en 1936 par Jacques Duboin, afin de passer en revue les principales thèses économiques. Nous abordons aujourd’hui :
Ce sont encore les premières crises industrielles
et la misère qu’elles entraînent qui vont inspirer à
des hommes, d’origine très diverses, les premières théories
économiques d’inspiration socialiste. Ces novateurs réagissent
tous contre le laissez-faire dont ils dénoncent les désordres
et les contradictions. En particulier la libre concurrence leur apparaît
intolérable ; c’est elle qu’ils vont combattre car ils entrevoient
justement qu’elle conduit au monopole de fait qu’exercera le plus fort.
Ils s’efforceront donc d’harmoniser les intérêts qui s’opposent
si violemment dans le régime capitaliste, et leurs conceptions,
heurtant les préjugés et le désordre établi,
apparaîtront, en vrac, comme de simples utopies.
Leur pensée généreuse était que, même
dans l’ère de la rareté qui, à eux aussi, paraît
devoir être éternelle, l’intérêt particulier
ne doit pas être le guide unique des actions humaines. De là
leur idée de morceler la société en petits groupes
économiques où règnera la justice et la fraternité,
avec l’espoir que, de la réunion de tous ces petits groupes,
finira bien par jaillir une société nouvelle. Il était
malheureusement trop tôt pour renverser un courant dont la force
était loin d’être épuisée. La révolution
de 1848 se chargera de le leur faire comprendre, en les ramenant durement
aux réalités.
Fourier (1772-1837) n’est pas un socialiste au sens ordinaire du mot puisqu’il ne fait pas l’effort intellectuel nécessaire pour s’affranchir du régime. Son fameux phalanstère réunit le maximum de confort possible pour les hommes qui y vivent, grâce à la collectivisation des frais généraux qui grèvent le budget familial. Mais il comporte des appartements pour toutes les bourses. Enfin le phalanstère est une autarcie consommant tout ce qu’elle produit. Ce qui lui manque est procuré par l’échange avec d’autres phalanstères. Autre fait curieux : le phalanstère distribue des dividendes répartis, assez arbitrairement d’ailleurs, entre tous les coopérants. Mais Fourier veut que le travail devienne attrayant, et sur plus d’un point, il prévoit les transformations sociales qu’apportera obligatoirement le progrès technique. Signalons enfin qu’il est l’inventeur du minimum vital dont il veut faire bénéficier tous les hommes, et que devait ressusciter Rodrigues, quatre-vingts ans plus tard, sans le transformer en maximum vital comme l’abondance le permettait déjà sans inconvénients (1).
Owen (1771-1858), gros industriel anglais, avait été fortement impressionné par la crise économique de 1815. Il recherche les moyens d’en éviter le retour et, courageusement, tente de s’évader partiellement du régime. Il déclare la guerre au profit qui, pour lui, consiste en tout ce qui dépasse le prix de revient. C’est la recherche effrénée du profit qui déchaîne les méfaits de la concurrence. Mais comme le profit s’exprime en monnaie, c’est la monnaie qu’Owen (2) veut supprimer en la remplaçant par des bons de travail... Il est le fondateur de l’association coopérative, qui rêve de se passer de tous les intermédiaires. William Thompson, son disciple, développera davantage encore cette idée de la coopérative de production, qu’il justifie en montrant que, dans le régime capitaliste, l’ouvrier ne touche qu’une partie du salaire auquel son travail devrait lui donner droit. N’est-ce pas déjà, sous une forme assez vague, la théorie de la plus-value qui trouvera sa place un peu plus loin dès que nous examinerons les théories de Marx ?
Cabet (1788-1856) est connu pour son voyage en /carie, qui fait de lui un précurseur du communisme. Il voulut l’appliquer dans la rareté en fondant, comme Owen, une colonie en Amérique. Celle-ci fut obligée de se transformer afin de pouvoir se maintenir quelques années.
Avec Proudhon (1809-1865) nous retombons d’abord en
pleine doctrine saint- simonienne, car son mot fameux : la propreté,
c’est le vol ! doit être entendu dans le sens de la dîme
prélevée sur le travail d’autrui. Lui, aussi, va chercher
une explication de la spoliation de la classe ouvrière. C’est,
croit-il, parce que le patron ne paie à l’ouvrier que la valeur
de son travail individuel, alors qu’il tire profit de toute la valeur
du travail collectif de son personnel. En effet, le travail accompli
par une équipe d’ouvriers se servant d’engins mécaniques
est beaucoup plus productif que celui qu’accompliraient séparément
ces ouvriers dépourvus d’engins mécaniques. Proudhon a
mis en relief une part de vérité en faisant cette constatation.
Pour qu’elle soit complète, il faut que le patron réussisse
à vendre toute sa production à un prix supérieur
au prix de revient. Proudhon n’a pas vu, qu’en fin de compte, c’est
le consommateur solvable qui joue le rôle principal...
Proudhon est l’auteur de la fameuse banque d’échange, organisation
qui doit procurer l’argent nécessaire pour acquérir les
terrains, l’outillage, et constituer le fond de roulement dont toute
entreprise a besoin pour fonctionner... Il imagine de créer des
bons d’échange qu’une banque, sans capital, délivrera
à ceux qui veulent escompter leurs effets de commerce... C’est
l’idée du crédit gratuit ou tout au moins du crédit
mutuel.
Louis Blanc (1811-1882) fut également un grand adversaire de la concurrence dont il fit le procès dans son Organisation du travail, qui eut, en 1841, un très gros succès. On lui doit aussi la conception de l’atelier social, prototype des coopératives ouvrières de production. Dans son esprit, cette cellule doit se développer au point de donner naissance à toute la société nouvelle car l’atelier social, comme il l’imagine, aura une telle supériorité sur l’industrie privée que celle-ci deviendra impossible. C’est donc par la concurrence qu’il aura raison de la concurrence.
J.D.
1) Fichte, disciple de Kant, écrivait en 1800
que l’Etat doit donner à chacun le sien et ensuite le protéger
: le but de toute activité humaine est de vivre, et tous ceux
que la nature a introduits dans la vie ont un droit égal à
pouvoir vivre. C’est la première proclamation du « droit
à la vie » !
2) Il est intéressant de noter que c’est grâce à
lui que le Parlement britannique interdit, en 1819, de faire travailler
dans l’industrie les enfants de moins de neuf ans.