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UN très ancien lecteur de la Grande Relève » m’écrit :
« Comment se fait-il que vous ne parliez plus des destructions
scandaleuses de produits agricoles, du café brûlé
dans les locomotives, des vignes arrachées, du blé dénaturé,
du lait versé dans les égouts ? »
*
Nous avons dénoncé, il n’y a pas si longtemps encore,
la destruction massive de belles récoltes de choux-fleurs ou
de pommes de terre, en Bretagne par exemple. Mais le marché s’est
organisé, depuis l’époque où, entre la «
crise de 1929 » et le début de la guerre de 1939, la destruction
des récoltes était la première réaction
de défense de producteurs préoccupés, avant tout,
de maintenir la rareté des produits qu’ils mettaient sur le marché,
car c’est la rareté d’un produit qui permet d’en tirer le meilleur
prix... en économie libérale.
Depuis, face à l’abondance des récoltes, les producteurs
ont renoncé à l’économie libérale. Il faut
le souligner, car vouloir supprimer l’économie libérale
est le plus violent reproche qu’on nous fait, à nous distributistes.
Or c’est pourtant ce qui a été fait de la façon
la plus officielle, la plus légale et la plus large, puisqu’à
l’échelle de toute la Communauté Européenne, pour
les productions agricoles. A croire que toute l’organisation du marché
agricole a échappé à l’attention de nos détracteurs
!
Seulement voilà, il y a une différence, et elle est de
taille, entre le but que nous poursuivons et celui des organisateurs
du Marché Commun. Nous, nous disons : il faut organiser l’économie
de façon à ce que tout le monde puisse profiter de la
production réalisée répartir équitablement
entre tous le travail à faire et le pouvoir d’accès aux
biens produits, par un Service Social et un Revenu Social pour tous.
Tandis que les législateurs de la Communauté Européenne
n’ont aboli les règles de l’économie libérale que
dans le seul but de maintenir pour une seule catégorie sociale,
celle des producteurs agricoles, la rentabilité de leur travail
en leur garantissant des revenus, quels que soient les aléas
du marché.
*
Rappelons quelques faits et quelques chiffres éloquents à
propos du Marché Commun Agricole. C’est dès 1956, soit
une dizaine d’années après la guerre, que les agriculteurs
français recommencent à se plaindre « d’excédents
» et à trouver que le marché national est trop étroit.
Un an après, le 25 mars 1957, le traité de Rome institue
la Communauté Économique Européenne ayant pour
objectif d’établir une union douanière et de mettre en
oeuvre une politique économique commune à six pays européens.
Les difficultés sont telles que « l’Europe verte »
n’est achevée qu’en 1968. Quatre ans plus tard, quatre autres
pays, dont la GrandeBretagne, s’y associent. Ainsi, en 1977, la Communauté
rassemblait- elle 259 millions de consommateurs et 8,5 millions de producteurs.
On notera que malgré ces chiffres (plus de 30 consommateurs pour
un seul producteur), jamais les consommateurs n’ont eu de représentants
quand il s’est agi d’établir la politique agricole commune.
Et quelle est cette politique ? Chaque année, le Conseil des
Ministres de la Communauté fixe un prix MINIMUM pour les principales
productions agricoles, et ce prix est en général beaucoup
plus élevé que le prix pratiqué ailleurs dans le
monde. Autrement dit, les importations ne sont pas libres car les prix
que nous payons sont plus élevés que ceux que proposeraient
les concurrents étrangers. La raison en est simple : les économistes
qui ont organisé ce marché, et qui se déclarent
les défenseurs du libéralisme économique, ont décidé
de taxer les produits importés jusqu’à ce qu’ils soient
plus chers que les nôtres. Au besoin, pour annuler la concurrence,
certains produits sont interdits (ce fut le cas de la viande de boeuf
congelée jusqu’en 1978).
A l’inverse, pour permettre aux producteurs européens de vendre
leurs produits à l’extérieur de la C.E.E., un organisme
exécutif de la Communauté, le F.E.O.G.A. (Fonds Européen
d’Orientation et de Garantie Agricole, créé en 1962),
leur verse une aide à l’exportation, égale à la
différence entre le prix garanti et le prix pratiqué à
l’extérieur. C’est ainsi que la viande vendue en 1975 par les
Européens à l’U.R.S.S. au prix de 3,60 F le kilo a été
payée aux producteurs au prix garanti du marché européen,
ce qui a représenté une charge de 18,250 milliards de
francs (et non pas de centimes) pour les pays membres.
A l’intérieur de la Communauté, si le prix du marché
est supérieur au prix fixé, tout va très bien,
tant mieux pour les producteurs et tant pis pour les consommateurs.
Mais si le prix du marché (le prix « libre ») est inférieur,
le même F.E.O.G.A. a aussi pour mission de payer aux producteurs
la différence avec le prix garanti. Si ce prix du marché
devient inférieur à un prix dit de retrait, les organisations
de producteurs sont autorisées (et elles le font) à ne
pas mettre en vente les produits de leurs adhérents qui, en contrepartie,
reçoivent une indemnité. Enfin, pour les fruits et légumes
et la viande de porc, il existe un prix fixé auquel les organismes
d’intervention achètent ce qu’ils appellent les excédents
en cas dé « crise grave », c’est-à-dire lorsque
« pendant trois !ours consécutifs les cours ont été
inférieurs à ce prix ». On est bien sûr ainsi
que plus lamais les prix ne baisseront sur le marché pour la
ménagère. Notons qu’à ces sommes s’ajoutent les
montants compensatoires monétaires destinés à compenser
les disparités de prix entre les États de la Communauté
lorsque l’un d’eux dévalue sa monnaie. Ajoutons encore que les
États membres aident directement leurs propres agriculteurs :
crédits à un taux d’intérêt plus bas de 5%
que le taux courant, les contribuables payant cette différence,
prise en charge de la Sécurité Sociale, investissements
pour l’équipement des campagnes, fiscalité forfaitaire
et aides diverses : selon les données de la C.E.E., les États
interviennent ainsi pour des montants DEUX FOIS supérieurs à
ceux de la Communauté.
Et ce F.E.O.G.A., comment est-il alimenté ? On a dit, au début,
que lés taxes sur les produits importés des pays tiers
compenseraient les Montants versés aux producteurs pour leur
garantir le prix fixé. Il n’en est rien. Les dépenses
du F.E.O.G.A., rien que pour garantir les prix, sont passées
de 17 milliards de francs en 1967 à 68 milliards en 1980 !
Pourquoi cette augmentation des dépenses ? A cause de la croissance
de la production dans le monde qui, bien évidemment, entraîne
la baisse des prix sur le marché mondial. Ainsi les contribuables
sont amenés à payer de plus en plus cher pour que les
consommateurs (c’est-à-dire eux- mêmes) ne puissent pas
profiter de la baisse des cours mondiaux !
C’est pour maintenir les prix du sucre et des produits laitiers que
nous dépensons le plus. Pour le sucre, dont la production était
qualifiée d’excédentaire, le Marché Commun a fixé
en 1975-1976 un contingent, au-delà duquel les producteurs doivent
verser une cotisation destinée à financer les pertes à
l’exportation sur le marché mondial. En 1978, ces cotisations
ont constitué 21,3% de l’ensemble du budget de la C.E.E. Mais
l’année suivante, le prix garanti aux producteurs était
de 2400 F la tonne alors qu’il était descendu à 1 000
F sur le marché libre, parce que la production avait encore augmenté.
Pensez qu’en 1900, la production mondiale de sucre n’atteignait pas
10 millions de tonnes. En 1920, elle dépassait 16,8 millions,
trente ans plus tard elle avait doublé, en 1970 elle dépassait
72 millions, en 1980, 86 millions.
« Le Monde » du 3 août dernier, dans sa page économique,
titrait de façon catastrophique un véritable « effondrement
» du sucre, le cours en ayant baissé de 40% depuis le début
de l’année. Le journaliste commentait : « La raison de
cet effondrement est simple, c’est la surproduction... la récolte
de sucre pour l’exercice 1981-1982 pourrait atteindre 98 millions de
tonnes... Par ailleurs, ajoutait-il, de nouveaux producteurs apparaissent
: l’Inde, par exemple, dont la récolte est supérieure
de près de 3 millions de tonnes à la précédente,
cherche à écouler des quantités importantes de
sucre sur le marché mondial, tandis que ses stocks augmentent
rapidement ».
L’Inde ! Un des pays du monde où règne la misère
la plus noire cherche à vendre son sucre parce qu’elle en a trop
! Qui peut, devant cette énormité, soutenir une politique
économique qui ne raisonne que sur la base financière ?
On nous pousse par toutes sortes d’astuces, nous qui avons les moyens
de payer, en Europe, et de façon encore plus écoeurante
aux États-Unis, à consommer de plus en plus de sucre.
Mais les Indiens, !es Africains, les Porto-Ricains, et même les
Européens qui ne peuvent pas vendre leur travail, ne sont pas
pris en compte par ceux qui établissent les règles économiques
miques : pas de moyens de paiements ? Pas de besoins ! La production
mondiale peut déborder, elle n’est pas pour eux.
*
Après tout, fera-t-on remarquer, n’est-il pas légitime
de vouloir garantir des revenus à ceux qui produisent notre nourriture
? Bien sûr. Nous prétendons même qu’en gageant la
monnaie sur la production, c’est à tout le monde qu’on peut garantir
un revenu. Mais ce n’est pas du tout ce à quoi est parvenue la
politique agricole commune, car la grande majorité des agriculteurs,
malgré ces énormes dépenses et ces destructions
inadmissibles, se plaint de voir son niveau de vie se dégrader
de plus en plus...
Pourquoi ? Parce que cette politique garantit le même prix par
denrée à tous les agriculteurs, du petit producteur qui
a dû s’endetter pour s’acheter un tracteur au gros « industriel-agricole
» qui possède tout un parc de machines modernes. Alors
quand la Communauté décide, par exemple, de garantir une
augmentation de 1% du prix du blé, ceci se traduit, pour l’exploitant
qui produit 8 000 quintaux par an, par un apport supplémentaire
de 14 000 F, tandis que pour le petit agriculteur qui récolte
200 quintaux, ceci ne fait qu’une somme dérisoire, 360 F par
an ! Et comme sur les 600 000 exploitations qui existent en France,
moins de 3% fournissent le tiers de la production, on comprend que cette
politique faite pour les agriculteurs n’aboutit qu’à creuser
l’écart entre le niveau de vie d’une minorité de gros
exploitants, qui en sont seuls bénéficiaires et une majorité
de petits qui fournissent un gros travail mais ont de plus en plus de
mal à vivre.
Alors, est-ce bien pour en conserver ce principe que l’argent va à
l’argent et que ceux qui n’en ont pas n’ont qu’à mourir de faim
qu’il fallait abandonner le libéralisme économique ?
Pour les gouvernements de droite comme de gauche un seul mot d’ordre,
la rigueur : en Norvège, le gouvernement conservateur présente
un budget de rigueur (réduction des investissements publics et
de ceux des communes, réduction des impôts sur les profits
des entreprises, augmentation du prix de l’électricité,
...) ; au Danemark, il y a un peu plus d’un mois, le gouvernement social-démocrate
démissionnait parce qu’il ne pouvait pas faire adopter par le
parlement des mesures d’austérité économique et
le gouvernement de coalition centre-droite qui lui succède s’empresse
de présenter un autre plan d’austérité (économies
draconiennes dans les dépenses de l’Etat, taxation des caisses
de retraites, ...) ; en R.F.A., le nouveau gouvernement (chrétien-démocrate-libéral)
décide la compression de certaines allocations sociales, le gel
des augmentations de retraites et des salaires de la fonction publique
; En France, en présentant le IXe plan, Rocard, avec la bénédiction
de Mitterand, annonce une « rigueur confirmée » (il
faut « renforcer l’indépendance de la France par une compétitivité
nouvelle ») ; en Suède, le nouveau gouvernement (social-démocrate)
dévalue de 16 %, prépare un budget très austère
(freinage des dépenses de l’Etat et des communes pour limiter
le déficit budgétaire, annonce une baisse inéluctable
des revenus...) ; même au Japon (d’où, dit-on, viennent
tous nos maux) la situation n’est guère brillante (croissance
économique ralentie, aggravation du déficit budgétaire
qui atteint 400 milliards de nos francs, soit 6% du PNB, stagnation
de la demande intérieure, baisse des exportations, ....) ; en
Angle terre, là c’est vraiment le délire au congrès
des conservateurs (parti du Premier Ministre) on propose de «
dégraisser » les services publics, de privatiser l’éducation
et la médecine, de réduire les dépenses publiques,
de rétablir la peine de mort et les châtiments corporels,
de renforcer la répression sous toutes ses formes...) .
Bref, on est partout dans la plus totale absurdité.
*
C’est qu’en effet tout le monde veut être compétitif,
et bien sûr, plus compétitif que le voisin afin de pouvoir
exporter (« exporter ou mourir » disait déjà
le ministre de l’Economie de Hitler). Pour cela, il faut faire serrer
la ceinture à ses nationaux pour réduire les coûts
de production ; il faut réduire l’inflation car cela entraîne
la baisse des taux d’intérêts, donc favorise les investissements
et donc les créations d’emplois. On peut aussi dévaluer
pour vendre moins cher, etc...
La dévaluation, ça n’est pas du tout du goût des
voisins.
C’est ainsi que le Danemark proteste violemment contre la dévaluation
suédoise qualifiée par le ministre des Finances de déraisonnable,
d’injustifiée et d’antisolidaire : « c’est le début
d’une guerre commerciale entre les pays industrialisés, du genre
de celle que nous avons connue au moment de la crise de 1930 où
chaque pays croit pouvoir se débrouiller au détriment
des autres ».
Du coup, le Danemark s’apprête lui aussi à dévaluer.
Il n’y a pas de raison de s’arrêter en si bon chemin... A la longue
la monnaie ne représentera plus rien.
Autre stupidité : investir pour créer des emplois. Tous
les chefs d’entreprises investissent quand ceci leur permet de produire
plus avec moins de main-d’oeuvre. La création d’emplois, c’est
le cadet de leurs soucis... et comme les machines n’achètent
pas ce qu’elles produisent, les producteurs ne peuvent plus vendre :
c’est ça la véritable crise, et pas autre chose.
*
Le comble, c’est quand on investit non seulement pour diminuer les
emplois mais encore pour réduire les capacités de production.
C’est le cas de la sidérurgie.
Témoin les déclarations de M. Davignon, vice-président
de la commission européenne chargée . des affaires industrielles
: La Communauté a mis en place depuis un an un nouveau code des
aides très rigoureux ; les subventions publiques qui doivent
d’ailleurs disparaître complètement en 1985, ne sont autorisées
que si les modernisations qu’elles permettent s’accompagnent d’une réduction
des capacités de production
Le taux d’utilisation des capacités de production dans la sidérurgie
est de 62 % dans la CEE, de 60 % au Japon et de 40% aux Etats-Unis.
Rappelons que dans la CEE, depuis la fin de 1978, 151 000 emplois ont
été supprimés.
*
En septembre, aux Etats-Unis, le chômage vient de dépasser le taux de 10,1% (près de 12 millions de chômeurs) ; ce taux est pour la première fois supérieur à celui de la crise de 1929.
*
Ce rapide tour d’horizon nous montre que quelles que soient les politiques
menées dans le monde, on ne sait plus que faire contre «
la crise ». Les économistes les plus lucides commencent
à l’admettre. C’est ainsi que M. J. Steinberg, de Cambridge,
écrivait dans le « Financial Times » du 7 septembre
: « Les gouvernements pendant les quinze années qui viennent
vont faire des promesses qu’ils ne pourront tenir et en seront punis.
Il est manifeste qu’aucun gouvernement, où que ce soit, n’a la
moindre idée de ce qu’il faudrait faire pour sortir de l’actuel
stagflation » (le mélange de stagnation et d’inflation).
Et si on faisait l’Economie Distributive ?
AVANT DE VOTER DE NOUVELLES LOIS
LA volonté de changement, dans une société comme
la nôtre, est plus qu’explicable. C’est à vrai dire une
sorte de légitime défense de l’individu inlassablement
agressé dans sa vie quotidienne. Encore faut-il que, si changement
il y a, ces derniers aillent dans le sens souhaité, et surtout
se révèlent efficaces.
A cet égard, on ne peut qu’être surpris de voir avec quelle
frénésie sont discutées et votées des dizaines
de lois nouvelles alors que les gouvernements s’avèrent incapables
de faire appliquer les lois existantes.
Je n’aurai pas le mauvais goût de faire allusion ici aux professionnels
de la chienlit qui se défoulent allègrement et sans le
moindre risque au nom de la « permissivité », qu’elle
soit libérale avancée ou socialiste : brûleurs de
feux rouges, motards pétaradeurs, briseurs de lampadaires et
de cabines téléphoniques, vandales en tous genres se relaient
pour donner aux relations humaines, spécialement dans les grandes
villes, un caractère aussi désespérant qu’exaspérant.
Il s’agit là d’un phénomène de pourrissement intellectuel
et moral dont la disparition progressive exigera, dans la meilleure
hypothèse, une ou deux générations.
APPLIQUER LES LOIS EXISTANTES
Mais il existe d’autres exemples, beaucoup plus limitatifs, et par
conséquent plus révélateurs, de non application
de lois existantes.
C’est ainsi qu’en mars dernier le Directeur du service des fraudes publiait
une lettre dénonçant l’introduction frauduleuse des tourteaux
d’arachide contaminés d’aflatoxine, pour nourrir à bas
prix notre bétail (vaches laitières notamment). Or l’aflatoxine
est une moisissure toxique qui naît sur les tourteaux d’arachides
stockés dans de mauvaises conditions. On !a tient pour responsable
de certaines hépatites, et elle serait même cancérigène.
A la suite de cette lettre, le Conseil supérieur de l’hygiène
a été saisi... et a nommé un groupe de travail.
En attendant, note le « Figaro » du 25 mars qui publie ces
informations « on ne comprend pas pourquoi une série de
réglementations limitant les teneurs en aflatoxine des aliments
pour animaux d’élevage ne sont pas respectées. Dernier
en date, l’arrêté du 19 juillet 1976 stipule catégoriquement
: sont considérés comme impropres à la vente pour
l’alimentation des animaux les produits qui contiennent des teneurs
d’aflatoxine supérieures à celles fixées par le
présent arrêté. Or, les contrôles de dosage
d’aflatoxine dans les aliments du bétail seraient aujourd’hui
aussi peu efficaces que ceux des oestrogènes avant le boycottage
du veau. Ajoutons qu’aucune réglementation n’existe pour les
dosages d’aflatoxine dans l’alimentation humaine des adultes : une carence
de taille ! Laquelle n’est qu’à peine compensée par la
loi sur les produits diététiques et de régime qui
protège ce secteur, où figurent les petits pots pour bébés.
Et puis, - c’est un paradoxe de notre réglementation - des antibiotiques
sont autorisés pour combattre les moisissures de croûtes
de fromages, afin de neutraliser les aflatoxines qui pourraient s’y
développer. Mais on laisse, en revanche par camions entiers,
les tourteaux porteurs de toxines, en provenance du port d’Anvers, franchir
nos frontières ».
MAIS CHANGER LE REGIME ECONOMIQUE
Lorsque Mme Rosemonde PUJOL, signataire de l’article du « Figaro
», prétend ne pas comprendre, elle se calomnie bien inutilement
aux yeux de ses lecteurs puisque, sans qu’aucun de nos amis ne le lui
ait soufflé, elle résume parfaitement elle-même
le fin mot de l’histoire « Tout, dans cette affaire, est de savoir
ce qui est le plus rentable : protéger à long terme la
santé des consommateurs, ou nourrir à bas prix les animaux
quels que soient les risques que peuvent engendrer ces... économies
».
Bravo, chère Madame, pour cette conclusion cynique mais lucide.
Nous nous permettrons d’ajouter que :
- en économie des Besoins un tel dilemme ne se poserait évidemment
pas,
- nous scrutons vainement l’horizon sans voir poindre ce vrai changement.
ILS sont partis sans espoir de retour les emplois de ceux qu’on appelle
les cols bleus, partis avec les industries qui les employaient. Les
uns et les autres ont été balayés par le raz-de-marée
technologique qui constitue le fond de la crise que nous traversons.
Il s’agit des industries traditionnelles, comme les aciéries,
l’automobile, le caoutchouc et les textiles qui, il n’y a pas encore
si longtemps formaient la charpente de notre économie. Rien qu’aux
EtatsUnis, elles ont perdu, depuis 1978, plus d’un million d’emplois
qui ne seront jamais créés à nouveau. Plus de 1
500 d’entre elles ont définitivement fermé leurs portes
depuis 1975.
Pourquoi ? Parce que les industriels américains ont de plus en
plus recours à l’automatisation des ateliers et aussi parce que,
là où elle n’est pas possible ou rentable, mieux vaut
laisser les tâches subalternes de fabrication à la main
’à des pays à bas salaires. En Chine, par exemple, la
main-d’oeuvre est payée 1,06 francs de l’heure. Aucun ouvrier
de pays industrialisé ne peut accepter de travailler à
ce tarif.
Quelques chiffres précisent l’ampleur du désastre. Toujours
aux Etats-Unis, l’automobile a vu son personnel réduit d’un tiers
eh 4 ans. En 20 ans, le nombre des travailleurs du rail a baissé
de 68 %. Globalement, les aciéries ont perdu 57 % de leurs ouvriers
en 25 ans et le textile 41 %.
Le phénomène est irréversible. Les travailleurs
qui accomplissent des tâches« manuelles dans des secteurs
où l’automation est possible ou dont les activités peuvent
être transférées à l’étranger sont
menacés dans leur emploi à court ou à moyen terme.
Qu’ils n’espèrent pas se reclasser tous dans les domaines en
expansion. Si, au cours des trois dernières années, les
emplois des cols blancs ont augmenté de 5 %o en moyenne, ceux
des cols bleus ont baissé de 10 %.
Que peuvent faire les travailleurs en présence de cette évolution
? Certains peuvent se recycler dans des secteurs nouveaux après
avoir reçu une formation nouvelle. Pour diverses raisons, tous
ne le peuvent pas. Le pourraient-ils qu’ils ne seraient pas sûrs
d’être embauchés.
Directement menacés de licenciement d’autres acceptent, ou même
proposent, qu’on réduise leurs salaires espérant ainsi
permettre à leur entreprise de’ retrouver sa rentabilité
en réduisant ses coûts de production. Mais qu’ils ne se
fassent pas d’illusions. Ils ne font que retarder l’échéance.
Une autre attitude consiste pour les travailleurs à racheter
leur entreprise et à l’exploiter eux-mêmes. Qu’on en juge.
En décembre 1981 les employés d’une usine de roulements
à billes de la Général Motors ont repris leur usine
sur le point de fermer. Leur première mesure a consisté
à voter une réduction de 25 % de leurs salaires. En France,
M. Krazucki déclarait il y a quelques jours qu’il n’était
pas possible d’accepter une baisse de pouvoir d’achat pour 1982. Comment,
pourtant y échapper dans un tel contexte ?
Pour remonter le moral de la nation les économistes annoncent
l’avènement de l’ère post-industrielle, sorte de nouvel
Eden où les usines seront propres et agréables et dont
les tâches répétitives auront été
bannies. Une étude de l’université Carnegle-mellon prévoit
que d’ici l’an 2000, 3 millions d’ouvriers auront été
remplacés par des robots. A peu près dans le même
temps, ajoute cette étude le chiffre d’affaires de l’industrie
américaine de lai robotique aura été. multiplié
par près de 50. Soit, mais un chiffre d’affaires ne représente
pas des : emplois. Moins optimiste, un dirigeant syndicaliste voit, la
nouvelle société coupée en deux par un fossé
de plus en plus profond séparant les riches des moins riches.
Il a peut-être bien raison.
• Extrait d’un entretien avec J. Ellul du « Nouvel Observateur » du 17-7-82 :
D’un entretien avec J. Ellul dans « le Nouvel Observateur » du 17 juillet :
J.E.- Pousser une politique d’automatisation extrêmement
rapide de l’ensemble des entreprises françaises implique une
réduction brutale des possibilités de travail, par conséquent
une augmentation du chômage. C’est-à-dire qu’il faut réviser
les idées que nous avons en tête, à savoir : travailleur
avec un salaire ou chômeur avec une indemnité. Ce n’est
plus possible. Dans l’O.C.D.E., il y a 28 millions de chômeurs
; pour 1985., on en prévoit 35 millions. Ce n’est pas en créant
trois cents emplois par-ci par-là que l’on va résorber
ça. Autrement dit, cela suppose que l’on pense une politique
de changement total de répartition du revenu national. Ça
ne peut plus fonctionner avec des salaires, ce n’est pas possible. Il
y a un gâteau global que l’on partage en tranches approximativement
égales ; pas forcément totalement égales ; le travailleur
. ne reçoit plus un salaire mais sa part de revenu national,
et le non-travailleur aussi...
N.O. - Est-ce que vous ne croyez pas qu’à ce moment-là
l’obstacle ne réside pas tellement dans la définition
politique, gouvernementale ou administrative du chômeur, mais
dans la tête du chômeur lui-même et dans la manière
dont il ressent son statut ?
J.E.- Pas si on cesse de distinguer, comme on le fait encore,
chômeur et non-chômeur ; pas si le travail n’est plus la
valeur suprême de la société et devient une activité
parmi les autres pas si on comprend réellement qu’après
tout le travail de la ménagère équivaut au travail
de la femme dans son bureau ou que le travail de l’artisan qui vend
ses bijoux dans la rue équivaut au travail de l’ouvrier en usine,
si le travail n’est plus la valeur de la société ! C’est
là le retournement mental. Parallèlement, il faudra enfin
accepter dans les entreprises une extraordinaire souplesse - rendue
possible par l’appareillage moderne - dans le travail, une très
grande diversité dans les horaires, etc.
(Envoi de nombreux lecteurs dont Mme Montanet de Grenoble et M. Couton, de Paris).
• Extrait du « Journal du Centre (27.7.82) :
REPENSER LE TRAVAIL
par Jean-François KESLER
« La France compte environ deux millions de chômeurs. La
disparition du chômage ne peut pas être envisagée
à court terme. Il faut donc reprendre le travail.
A la vérité, ce qui s’impose c’est une révolution
mentale. Il devient nécessaire de distinguer entre rémunération
et emploi. L’avènement de l’« Etat-Providence » et
l’édification d’un vaste système de sécurité
sociale ont déjà constitué une rupture radicale
avec la pensée économique libérale. A partir du
moment où ont été attribués des allocations
en cas d’impossibilité de travailler pour quelque cause que ce
soit (maladie, invalidité, maternité, vieillesse, etc.)
le lien entre travail et revenu a été rompu. L’assurance
chômage procède d’ailleurs du même esprit. Il n’est
plus nécessaire, dans nos sociétés développées,
de travailler pour percevoir un revenu (étant entendu que les
revenus de remplacement n’ont rien à voir avec l’assistance et
présentent toutes les caractéristiques d’un salaire).
Il faut aller plus loin. A l’heure actuelle, le travail a une double
dimension : une dimension financière (c’est le moyen pour chacun
de gagner sa vie, s’il est apte au travail), et une dimension morale
(l’homme trouve sa dignité dans le travail). Certes, cette deuxième
dimension est battue en brèche par les nouveaux modes de pensée.
Pourtant, elle demeure fondamentale.
C’est pourquoi il convient d’adopter le diptyque suivant tout homme
a droit à un revenu minimum, lié au niveau de la production
nationale, quelle que soit sa situation ; tout homme, s’il est apte
au travail, doit travailler.
Mais, il faut ensuite distinguer entre emploi (rémunéré)
et occupation (non rémunérée).
Il doit exister des obligations réciproques entre le travailleur
sans emploi et la société. A la société
d’assurer à tout travailleur sans emploi un revenu de remplacement.
Au travailleur sans emploi de contribuer, à la mesure de ses
capacités, aux besoins de la société, sans pour
autant exiger un salaire, étant donné qu’il est déjà
pris en charge par cette société. C’est donc le lien entre
rémunération et occupation qu’il faut rompre. L’employeur
ne doit pas être forcément le payeur. Le payeur, déjà,
n’est pas toujours employeur ».
(Envoi de G. ROTYCOLARD, Paris)
« L’effort devra être poursuivi durant de longues années
», annonçait dernièrement notre Ministre des Finances
revenu dans la foulée de ses prédécesseurs.
Il ne semble guère, pourtant, que la production utile nécessite
tellement d’emplois et d’efforts, sinon pour s’écouler, si l’on
en juge par l’amoncellement des marchandises à la recherche d’acheteurs,
la publicité délirante qui coûte une fortune aux
consommateurs, les millions de ’chômeurs qui se croisent les bras,
l’ampleur des gaspillages. Disons que la majorité des efforts
que l’on nous presse d’accomplir sans répit, la vie durant, ont
pour seule fin de nous procurer l’argent nécessaire à
écouler ce qui est à vendre avec profit. Il faut donc
entretenir la circulation d’une masse monétaire au flux capricieux
qui va et vient sans cesse, enfle et désenfle au gré du
hasard, de la conjoncture, se répandant à travers mille
canaux le long desquels se pressent les multitudes avides d’y prélever
leur part, de la disputer à autrui, le temps de former leur revenu
et d’en disposer en remettant cette part en circulation.
Système absurde qui subordonne l’approvisionnement des populations
à la ronde de l’argent, qui conduit à greffer une effarante
organisation financière et comptable sur les activités
productrices, à occuper à vide des millions d’emplois
gaspilleurs de ressources et d’énergie, à remuer d’himalayennes
montagnes de paperasses, enfin et surtout à limiter la production
aux étroites limites du marché sans souci des autres besoins
auxquels, matériellement et techniquement, cette production serait
en mesure de faire face.
Il est d’autres moyens que cette ronde de l’argent pour rétribuer
le travail et procurer au consommateur le pouvoir d’achat lui permettant
d’en acquérir les fruits. Une distribution des revenus en monnaie
de consommation n’a rien d’utopique. II est temps de s’en préoccuper
avant qu’une débâcle financière et monétaire
ne vienne balayer les derniers vestiges de morale et de sécurité
plaqués comme un vernis sur une civilisation pourrie par l’argent.
En fait, la ronde de l’argent avec ses codes, ses procédés
pour favoriser l’accumulation des revenus par une minorité, paraît
avoir été conçue en vue de satisfaire, sans limite,
les besoins de clans privilégiés par la chance. Ainsi
les appels à l’effort et à l’austérité visant
à rétablir la santé monétaire, à
relancer la circulation de l’argent par le biais du profit et de l’investissement,
concourent-ils, en dernière analyse, à la sauvegarde d’aberrantes
prérogatives.
BREVE, mais meurtrière (comme toute guerre) , la guerre des
Malouines est terminée. Vainqueurs et vaincus font les comptes,
les premiers exultant, les seconds maugréant, tout en analysant
les causes de leur défaite ; tous semblant ignorer que dans toute
guerre, il n’y a globalement ni vainqueur ni vaincu (au sens combattant
du terme), l’un n’étant que le corollaire de l’autre.
Une réalité : des cadavres ! (2000 aux Malouines). Des
blessés par milliers, civils et militaires. Des destructions
de toutes sortes I Les véritables vainqueurs (sans risque), n’étant
en fait que les marchands de canons, alimentés par ..une finance
pléthorique, sorte de vautours invisibles, rôdant silencieux
autour des champs de carnage.
Les téléspectateurs qui ont regardé et écouté
l’émission du 9 - juillet dernier, intitulée « Les
Milliards des Malouines », ont pu, grâce à cette
émission courageuse, se faire une idée sur les dessous,
homériques et cyniques, concernant ce genre d’activité.
HOMERIQUE : - Lorsqu’on apprend que le missile « BM 40 »,
(Exocet) qui envoya par le fond le SHEFFIELD (bâtiment de la Royal
Navy), est fabriqué en France, lequel fut vendu 5 millions aux
Argentins... Qui coulèrent le navire, appartenant à nos
amis Anglais ! Et combien d’autres. Pour corser le tout, au nom de croyances
dont chacun est libre, il n’apparaît pas moins que l’on «
sacralise » toujours les conflits ! N’a-t-on pas vu (presse écrite)
des prêtres catholiques argentins bénissant combattants
et armements, avant le départ pour le front... Avant d’aller
combattre l’adversaire, qui partait probablement dans les mêmes
conditions ?
Pour conclure qu’au nom d’une Divinité ( ?) guerrière et
sanguinaire, une fois de plus l’on s’est allègrement étripé
!... Belle civilisation ! God save the King !
CYNIQUE : - Un courtier en armes (quel beau métier !) interrogé
sur le cas de conscience que pouvait susciter un tell business, ne fut
nullement impressionné, encore moins angoissé. Dans ce
monde d’argent, il faut bien gagner sa croûte !... Même
si elle a des relents de charogne !...
A propos des surenchères sur l’armement : - Quel pays n’augmente
pas son budget de la défense ?- Les conflits, soigneusement entretenus,
peuvent-ils, à longue échéance, ruiner un pays
?
- Non, fut-il répondu, omettant de dire pourquoi ? Et omettant
de préciser que les crédits de guerre (crédits
de mort) sont inépuisables !... Toutes destructions conduisant
à la rareté étant synonyme de profit !...
La guerre étant là façon radicale de détruire
l’abondance socialement utile, mais non rentable, pour une économie
de profit. Quelle honte...
Interrogé sur la puissance meurtrière de l’« Exocet
», un quidam de l’armement n’hésita pas à faire
l’apologie de l’inventeur du missile... Grâce à l’industrie
de l’armement, 300 000 emplois sont assurés (salaire lié
à l’emploi), esclavagisme moderne.
Gloire à l’inventeur, autrement dit à ceux qui sont financés
pour découvrir et fabriquer des armes de plus en plus meurtrières...
Gloire au Dieu-Profit, aux pieds duquel des hommes s’agenouillent.
Civilisation ou sauvagerie ?
L’homme, considéré biologiquement, est la plus formidable
de toutes les bêtes de proie, et vraiment la seule qui dévore
systématiquement sa propre espèce. (William JAMES).
Présentement, il est bien certain que le désarmement ne
peut être unilatéral. Cependant, pour qu’il devienne effectif,
il serait nécessaire de commencer par supprimer sa raison d’être
contemporainement (guerre économique) ; soit sa rentabilité
financière. Une possibilité : - Créer une monnaie
de consommation (revenu social), non spéculative, parce que non
thésaurisable, faute de quoi l’on devrait inscrire aux frontispices
des Monuments aux Morts des guerres (d’hier, d’aujourd’hui et de demain
?) : « Morts aux champs d’horreurs ». Pour la plus grande
gloire des marchands de canons ; ainsi que pour la survie de l’économie
de profit... !
L’argent est « le nerf de la guerre » dit-on ? Oubliant
que la monnaie n’est qu’un canulard démystifiable. Combattre
la guerre, n’est- ce pas avant tout exiger que les crédits fabriqués
pour l’industrie de mort doivent se substituer à des crédits
de paix, permettant le « Droit à la vie pour tous ».
Maintenir des idées et des publicités fausses est une
insulte à l’intelligence et à la raison !...
Soyez résolument, farouchement contre la guerre.
Il n’y a pas de guerres justes. Vivre c’est aimer et non tuer.
On ne meurt jamais pour sa patrie comme le pensent certains inconscients.
On meurt tout simplement pour défendre les puissances de l’Argent...
Ne tolérez pas que vos enfants s’affublent de vêtements
militaires.
Pas de carnavals qui rappellent les tueries...
Refusez de voir dans le drapeau un symbole de gloire...
Suivez la voix de la PAIX !
Suivez la voie de la PAIX !
Parlez du désarmement unilatéral pour préparer
le désarmement général.
Et parlez surtout du surarmement de la Pensée Réfléchie.
Ne mourez plus pour la patrie
mais vivez pour elle
vivez pour la Vie.
Lectures
A l’heure où les tenants de la libre entreprise manifestent leur opposition aux efforts de justice sociale tentés par le gouvernement, H. Muller développe son analyse d’un document publié par l’Institut de l’Entreprise. Il s’attache à démontrer que sous la proclamation de beaux principes (créativité, goût du risque, respect de la liberté, etc...) se cachent la loi implacable du profit et son mépris des besoins d’une immense majorité.
LÉCHÉ avec beaucoup de soin, le document ne semble avoir
fait de vagues ni dans les milieux patronaux, ni parmi la gent syndicale,
ni sur la place publique. les médias n’ayant guère été
prolixes à son sujet. Destiné à redorer le blason
de la libre entreprise malmenée par le pouvoir socialo communiste,
à restaurer les vertus du libéralisme économique,
le Manifeste ré-entonne le crédo des entreprises du style
des années 20, crédo d’un capitalisme triomphant des années
bénies d’après- guerre, se référant au catéchisme
hérité d’A. Smith et de J.B. Say.
Aujourd’hui, les nouveaux droits obtenus par les travailleurs dans leurs
entreprises incitent les directions à prêter une meilleure
attention au consensus social selon l’exemple japonais, condition devenue
essentielle à une meilleure efficacité, à une meilleure
productivité, à un meilleur profit, sans qu’il soit question,
pour autant, d’y faire participer salariés et clients. Mini—coûts,
maxi-prix, telle a toujours été la règle d’or de
l’optimum de profit.
Les chefs d’entreprises et leurs administrateurs redoutent dé
perdre leurs aberrants privilèges, ceux que la règle du
jeu confère aux profits sources de revenus, pour dix pour cent
de la population, dix pour cent promus par la chance, par le hasard,
plus que par l’effort, le mérite, l’utilité sociale, privilèges
dont la légitimité pose éternellement question.
LES POSTULATS DU LIBERALISME
La défense de tels privilèges se fonde sur une série
de postulats que les chefs d’entreprises s’efforcent de faire admettre
par ceux-là mêmes dont ils exploitent le travail et les
besoins, postulats qui leur sont bien commodes pour éviter de
remettre quoi que ce soit en question.
Ainsi le progrès social serait-il lié au progrès
économique défini a priori comme sa condition nécessaire
et SUFFISANTE. Ainsi le respect des lois économiques conditionnerait-il
l’efficacité économique et le progrès social. Ainsi
la conjonction de quelques intérêts individuels concernant
une minorité coïnciderait- elle nécessairement avec
les intérêts du plus grand nombre. Ainsi, seule la libre
entreprise favoriserait-elle la créativité et l’initiative.
« Exceptionnelle intégration de l’économique et
du social, contribution au progrès humain » ? Mais c’est
bien le système de la libre entreprise avec ses règles,
ses codes, ses conventions, qui a fabriqué deux millions de chômeurs
en France, trois en Grande-Bretagne, deux en Allemagne, dix à
vingt millions aux Etats-Unis. Mais qui, du patron de choc impitoyable
ou du patron social palabreur, a la confiance, la faveur des financiers,
des administrateurs ? Avant d’être au service de l’homme, l’entreprise
est au service du profit. N’a-t-elle pas obligation de limiter sa production
au seuil des besoins hors-marché, d’ignorer ces derniers quelle
que soit leur légitimité ou leur urgence ?
La créativité est l’affaire des personnels salariés,
ingénieurs et techniciens. On la dit impulsée par le profit
; mais la recherche est tout aussi féconde dans l’aire du socialisme.
« Initiative et responsabilité » ? L’entreprise,
observe le Manifeste, accepte la sanction de l’échec. Elle cultive
le goût du risque.
« Le risque » ? Il se manifeste à chacun tout au
long de l’existence dans mille et un domaines. Du banquier au clochard,
tout le monde cherche à s’en prémunir. L’échec
? Qui l’accepte ? Pourquoi donc ces interminables procès entre
fournisseurs et clients, ces ruses de Sioux pour dissimuler un détournement
fiscal, falsifier une comptabilité ? Et lorsque les viticulteurs
du midi se voient menacés par la concurrence, acceptent-ils l’échec
? Non. Ils font sauter les cuves à l’explosif, bloquent les routes
et arrêtent les trains. Ou bien ils quémandent des aides
à l’Etat, imités par les sidérurgistes et trente
six autres professions.
« La compétition se joue sur la performance » ? Encore
faudrait-il s’entendre sur le sens du mot. Performance en qualité,
à prix et profit élevés, ou performance en nombre
de clients satisfaits ?
QUELLE LIBERTE ?
« Laisser à chacun la liberté de choisir ou de
modifier son lieu de résidence » ? Croit-on que le salarié,
propriétaire de son logement, souhaite vraiment changer de résidence
au gré des exigences de l’entreprise qui l’emploie ? Et quand
une industrie se transplante de Lorraine à FOS chacun a-t-il
liberté de faire choix de son lieu de résidence ? Qui
voudrait aller séjourner à Tahiti ou aux Seychelles, est-
il libre de le faire ? Mais depuis des lustres, on berne l’opinion avec
ce genre de calembredaines.
« La libre entreprise doit veiller à ce que les règles
fixées par le Pouvoir et les institutions publiques ne portent
pas atteinte aux libertés propres aux chefs d’entreprises ».
Ces libertés, le Manifeste les énumère comme suit :
- liberté de disposer à leur gré des profits de
l’entreprise. Ainsi nul n’a droit de regard sur la part de profit affectée
à la consommation, aux dépenses des administrateurs, à
l’accroissement de leur patrimoine personnel. Liberté également
de spéculer, de se livrer à toutes sortes de jongleries
financières, d’alimenter des caisses électorales, de subventionner
des partis politiques ;
- liberté de coopter les administrateurs, d’embaucher ou de débaucher.
Libre choix des hommes ? En ce domaine, nul n’a encore contrarié
le choix des entreprises. Ce sont tout au plus celles-ci qui se livrent
à des surenchères pour débaucher chez un concurrent
ses meilleurs éléments ;
- libre choix des investissements. Ils se font selon le critère
de l’optimum de profit. Le souci du bilan financier passe avant le souci
du consommateur. On investit plus volontiers dans des entreprises étrangères
qu’en renouvellement d’outillages dans la firme elle-même. Avant
l’intérêt général, c’est la rentabilité
du capital qui guide le choix des investissements. Des entreprises préfèrent
travailler en Corée ou utiliser la main-d’oeuvre des pays du
sud-est asiatique, voire celle des démocraties populaires. D’autres
investissent dans les casinos, le commerce des armes et des machines
à sous.
L’abus des libertés est une constante en matière de libre
entreprise. Les directions affectionnent les voyages et la fréquentation
des palaces, les congrès aux antipodes où elles claquent
l’argent soustrait à leurs clients, au fisc et à leurs
salariés, menant grande vie dans les salles et les cercles de
jeux, couvrant épouses et autres de colifichets, bijoux et vêtements
de haut luxe. Les efforts de rigueur qui encombrent le vocabulaire patronal
ne concernent guère les faramineux traitements que s’octroient
les Directions. Ils s’appliquent, en revanche, sans discrimination au
monde des petits salariés soumis à une discipline de fer,
à un environnement souvent débilitant, inhumain, à
ses cadences et à des horaires.
Sur le rôle irremplaçable du profit, les propos patronaux
sont invariablement dithyrambiques. Pourtant, le profit est à
l’origine de la lutte des classes. Il crée souvent le sentiment
d’injustices, d’inégalités mal tolérées.
Ceux-là qui, en raison de leur profession ou de leur fonction,
tirent du profit le plus clair de leur revenu, se sont construit un
code qui leur permet de manipuler les prix à leur guise, c’est-à-dire,
de voler autrui de la façon la plus légale. Rien, absolument
rien, ne justifie, en effet, l’importance démesurée de
cette mainmise sur les droits à consommer d’une clientèle
livrée au bon plaisir du marchand, en échange d’une prestation
dont la valeur relève de l’arbitraire.
POUR QUI TRAVAILLE L’ENTREPRISE ?
Il faut reprocher à l’entreprise libérale de s’aligner
sur la structure du marché national et international plutôt
que d’épouser les besoins réels des chefs de famille dont
elle utilise la force de travail pour faire du profit en vendant aux
mieux nantis des produits de luxe de bon rapport, inaccessibles aux
personnels qu’elle emploie.
Avant de viser le marché mondial, l’entreprise ferait mieux de
satisfaire les besoins intérieurs dont une minuscule fraction
s’exprime sur le marché exclusif de ses attentions. Mais la règle
du jeu a fait de la finalité humaine du travail, un sujet tabou
dont il ne sied pas de débattre.
QUI TRAVAILLE POUR ELLE ?
L’idée d’une morale évoque l’honnêteté,
le civisme, le souci du bien commun, celui de la qualité, le
respect des priorités. Or les entreprises fraudent à qui
mieux mieux. Elles exploitent la main-d’oeuvre immigrée et féminine,
les apprentis, elles escroquent, trompent leur clientèle à
tout propos : qui par de fausses garanties, qui par des astuces de fabrication
destinées à réduire les durées d’usage,
qui par de fausses apparences visant les contenants et les contenus,
qui par de pseudo-calculs de prix intégrant un profit plusieurs
fois supérieur au coût.
Le consommateur saigné à blanc, c’est au tour du contribuable
d’être pris pour cible. Les entreprises en mal de débouchés
se tournent vers l’Etat, quémandant aides, marchés, subventions,
dégrèvement, rachat de leurs stocks. Celles qui exportent
ou travaillent à l’étranger bénéficient,
à la fois, d’un appui diplomatique, de l’action des services
officiels chargés de négocier les accords commerciaux,
et d’une garantie du COFACE couvrant les risques politiques.
L’entreprise libérale ne respecte ni les minorités constituées
des non-solvables qu’elle marginalise, confiant à l’Etat le soin
de pourvoir à leur survivance, ni les concurrents malchanceux
qu’elle s’acharne à tuer, à achever, ni l’environnement,
les sites qu’elle détruit, massacre au nom du profit.
L’abondance de littérature patronale à la gloire du libéralisme
économique traduit l’inquiétude des directions mises en
cause par un pouvoir a priori hostile. Il s’agit de plaidoyers pro domo
visant à préserver le standing des hauts nantis, le pouvoir
de l’argent et l’échelle des valeurs propres à la société
régentée par le profit.
Une pléiade de professeurs, d’économistes, de studieux
jeunes gens nourris des théories classiques n’ont cessé
de se relayer pour entendre l’hymne aux vertus de la libre entreprise.
Purgée de ses tares, nymbée d’une auréole, celle-ci,
devenue le nombril du monde, habilement maquillée, nous est présentée
tout vêtue de lin blanc et de propreté candide.
UN DETOURNEMENT...
Cependant, l’entreprise libérale n’est ni plus ni moins qu’un
maillon parmi bien d’autres, de la chaîne sans fin dont le rôle
est d’approvisionner les besoins des populations. Dévoyée
par le système du profit avec ses exigences, cette mission se
borne, pour lors, à n’en satisfaire qu’une faible fraction. L’entreprise
n’est qu’un champ clos où l’on s’affronte pour la seule conquête
de l’argent et du pouvoir qu’il confère.
Liberté, profit, responsabilité ? Disons que ni la liberté
ni le profit ne sont pour les personnels astreints aux horaires, aux
cadences, à l’encagement, écrasés par la hiérarchie,
la bureaucratie, les règlements intérieurs, empêchés
souvent de circuler et de parler librement, obligés à
quitter leur foyer de bon matin pour aligner des chiffres ou gratter
du papier.
... ET LE PARAPLUIE !
Quant à la responsabilité dont se prévalent les
chefs d’entreprise, mieux vaut parler dans de nombreux cas de fuite
devant les responsabilités. Quoi de mieux qu’un dépôt
de bilan assorti d’un règlement judiciaire pour éponger
une perte et dégraisser les effectifs sans bourse délier,
refilant aux ASSEDIC le soin de pourvoir aux indemnités de licenciement
? On en voit d’autres filer en Suisse ou à St-Martin lestés
de gros sacs d’écus, sans souci pour leur personnel, sans souci
de leurs fournisseurs et des sous-traitants victimes d’une mauvaise
gestion.
L’entreprise libérale reste un facteur d’insécurité
pour les travailleurs qu’elle utilise et rejette au gré des exigences
du profit. Les chefs d’entreprises ne sont pas tous, loin s’en faut,
des paragons de vertu mais ils se disent outragés, offensés,
dès que leur civisme ou leur honnêteté sont mis
en doute.
La comparaison de certains services publics avant et après les
nationalisations n’est certes pas en faveur de l’entreprise privée
; témoins : les chemins de fer et les réseaux de distribution
d’électricité.
AUTRES PERSPECTIVES
Les valeurs du libéralisme, portées au pinacle par ses
ardents thuriféraires, appartiennent à un passé
révolu. D’autres perspectives autrement exaltantes s’offrent
à l’activité des chefs d’entreprises dans le cadre d’un
système à monnaie de consommation qu’il appartient à
des élites informés de promouvoir, élites aidées
en cela par l’action concertée des consommateurs victimes de
la société du profit et soucieux d’échapper aux
effets d’une crise née de l’accélération du progrès
technique aux prises avec des usages monétaires inadéquats,
crise qui ne peut que déboucher sur le chaos et sur la guerre.
Bien sûr, tout n’est pas noir dans l’entreprise. Après
tout, c’est à son activité, c’est aux initiatives de ses
dirigeants que nous devons d’être approvisionnés. Aux prises
avec les réalités financières propres à
leur profession, les chefs d’entreprises ne font qu’observer une règle
du jeu dont ils sont parfois victimes. Et il existe nombre de dirigeants
consciencieux scrupuleux, honnêtes et même sociaux. Disons
seulement que ce ne sont pas ceux-là les plus prospères.
EN FINIR AVEC LE MARCHÉ !
Il ne s’agit ni de fustiger les défauts des hommes ni de nier
leurs progrès. Les hommes sont victimes d’une règle du
jeu dont l’effet tend à dévoyer les progrès accomplis.
Les dirigeants sont seulement coupables de s’enfermer pans un rassurant
cocon, de s’illusionner sur les vertus supposées d’un système
conçu pour satisfaire à 100 % les besoins d’une minorité,
en attelant à la tâche la masse de ceux auxquels le système
ne sait concéder qu’une infime fraction des fruits de leur propre
labeur.
Il est humain de leur part de défendre un système qui
leur permet d’accéder à des revenus hors du commun et
d’exercer un pouvoir sur autrui par le biais de l’argent. Leur tort
est de chercher à faire partager leur foi aux victimes de leurs
jongleries financières.
Il faut seulement en finir avec le règne, avec le pouvoir conféré
à l’argent, rompre avec un type de monnaie, avec des pratiques
monétaires aberrantes qui donnent de nos jours la mesure de leur
malfaisance, paralysant le travail, rationnant les multitudes. Il faut
pouvoir, non pas adapter la production aux besoins du marché,
mais étendre la consommation aux limites matérielles et
techniques de l’appareil de production. Plus de malthusianisme, plus
de stockages, plus de destructions, plus de ces productions pour l’emploi,
pour le profit, détournées de leurs fins naturelles.
Une règle du jeu différente permettra aux dirigeants d’exercer
leur fonction dans un cadre différent, pour un objectif différent
produire pour les besoins utiles aux familles, aux collectivités,
au développement des entreprises, avec d’autres motivations que
le profit : la qualité dans l’abondance, le moindre gaspillage,
le moindre coût humain, la réussite technologique. La considération
viendra de la tâche bien accomplie. Les avantages de revenu n’en
seront plus la cause mais l’attribut.