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Editorial
NOTRE but est de faire comprendre la nécessité de l’économie
distributive à tous les peuples de la terre. Mais comme les Français
sont les plus à portée de notre voix, nous montrons le
plus souvent cette nécessité pour les pays industrialisés,
à qui nos thèses apportent la solution à la crise
qu’ils traversent depuis plusieurs dizaines d’années.
Or les méfaits de l’économie marchande sont encore bien
plus graves pour les pays du TiersMonde ; au point que le Secrétaire
Général de l’O.U.A., Edem Kodjo, a déclaré
: « L’Afrique vit des temps tellement difficiles que sa survie
est en question », car « si les choses devaient continuer
ainsi, seuls huit à neuf pays sur les cinquante pays africains
pourraient survivre d’ici quelques années » (1).
De tous les pays du Tiers-Monde, c’est en effet en Afrique que la situation
est la plus catastrophique. D’après le rapport du Comité
d’aide au développement, pour 1980, la progression moyenne du
revenu par habitant, dans les « pays à faible revenu »
(2) a été quinze fois plus faible que l’ensemble des pays
en voie de développement, et selon les prévisions les
plus prudentes, ce revenu devrait encore diminuer de 0,3 % par an de
1980
à 1985.
Pourquoi ? Est-ce parce que l’Afrique n’a pas de ressources suffisantes
pour nourrir ses habitants ? Pas du tout. L’Afrique est une des dernières
terres du monde pleine de promesses. De l’aveu même du Président
du Comité d’aide au développement, une grande partie du
continent est riche en ressources minérales inexploitées,
son sous- sol doit renfermer de vastes gisements de pétrole et
de gaz naturel, son potentiel hydro-électrique encore vierge,
est le plus vaste du monde : « Exploitées de façon
rationnelle, efficace et équitable, ces richesses pourraient
être une source à la fois de profits pour les Africains
et d’approvisionnement pour le reste du monde » (3).
Alors ? Parce qu’à la colonisation « officielle »
a succédé dans ces pays une colonisation économique
encore plus catastrophique que celle qui a théoriquement pris
fin après la deuxième guerre mondiale. La main-mise des
sociétés capitalistes sur l’économie, et donc sur
la politique de ces pays, étouffe totalement leur développement.
Alors qu’il est vital d’y appliquer des méthodes de culture individualisées,
prenant en compte la diversité des climats, de mettre au point
les technologies appropriées, de mettre en place l’irrigation
nécessaire et possible, et même d’implanter une «
arido-culture » tout à fait efficace, les pays industrialisés
ont transformé ces pays sous- développés en débouchés
pour leurs produits, répandant pour cela l’idée que ces
pays sont incapables de pourvoir eux-mêmes à leurs besoins,
et leur inculquant une mentalité d’assistés. Toutes les
études agronomiques sérieuses montrent pourtant que la
pauvreté naturelle du Tiers-Monde est un mythe. Même le
Sahel, qu’on a présenté comme l’une des régions
les plus déshéritées du monde, peut être
dès aujourd’hui auto-suffisant et pourrait même très
vite devenir exportateur (4). Mais il serait alors un rival des pays
développés sur le marché mondial !
On pourrait écrire des volumes sur les responsabilités
directes ou indirectes de l’économie de marché envers
le sous-développement de ces néo-colonies à l’agonie,
montrer comment on a ainsi délibérément amené
ces pays à se tourner vers l’extérieur au lieu de développer
leurs propres ressources. (On a même modifié leurs habitudes
alimentaires pour mieux les conditionner à nos marchés).
*
Quelques efforts sont faits par les Africains conscients de cette abominable
exploitation à des fins mercantiles, et soucieux de prendre en
main leur destin. La plus spectaculaire de ces réactions est
celle de : l’O.P.E.P. Mais il en est une autre, passée sous silence,
extrêmement intéressante pour nous. C’est celle du colonel
Kadhafi qui, depuis 1969, est parvenu à accroître de 50
% le produit national brut de la Lybie, et pas uniquement sur le plan
pétrolier. Pourquoi le gouvernement français mène-t-il
campagne contre Kadhafi ? Pourquoi s’oppose-t-il si farouchement à
son rapprochement avec le Tchad, mobilisant au maximum contre lui les
pays africains qu’il tient sous son influence ? Est- ce parce que Kadhafi
a su faire profiter largement tous les Lybiens du développement
de leur pays ? Rappelons en effet que Kadhafi a institué une
société socialiste islamique sur les bases de son «
Livre vert » dont bien des termes, tant sur la démocratie
que sur l’économie, rappelleront nos thèses à nos
lecteurs. Citons par exemple
« La propriété pourrait bien changer de mains,
le résultat serait le même...
La solution finale à ce problème consiste à abolir
le salariat par la libération de l’homme de l’asservissement
dans lequel celui-ci le maintient...
...L’exploitation de l’homme par l’homme et la constitution par un individu
d’une fortune dépassant ses besoins, constituent une entorse
à la loi naturelle et l’amorce d’une perversion et d’une déviation...
Il n’y a pas de salariés dans une société socialiste,
il y a des associés ; le revenu appartient à l’individu
et il l’emploie comme il l’entend pour satisfaire ses besoins. C’est
la part d’une production, qui lui revient et dont il est un des éléments
indispensables... ».
(1) Voir : « Problèmes économiques », de
décembre 1980.
(2) C’est-à-dire ceux dont le produit national brut par habitant
était en 1978 égal ou inférieur à 360 dollars
par an, soit trente sur les cinquante Etats, représentant une
population de plus de 200 millions d’habitants.
(3) « l’Observateur de l’OCDE », de janvier 1981.
(4) Voir les conclusions du Colloque de Nouakchott de 1979.
EN 1854, le Grand Chef Blanc à Washington offrit d’acheter
une large zone du territoire indien et promit une « Réserve
» pour le peuple indien.
La réponse du chef Seattle a été décrite
comme la plus belle et la plus profonde déclaration jamais
faite sur l’environnement.
« Comment pouvez-vous acheter ou vendre le ciel, la chaleur de
la terre ? L’idée nous paraît étrange. Si nous ne
possédons pas la fraîcheur de l’air et le miroitement de
l’eau, comment pouvez-vous les acheter ?
Chaque parcelle de cette terre est sacrée pour mon peuple. Chaque
aiguille de pin luisante, chaque rive sableuse, chaque lambeau de brume
dans les bois, chaque clairière et chaque bourdonnement d’insecte
est sacré dans le souvenir et l’expérience de mon peuple.
La sève qui coule dans les arbres transporte les souvenirs de
l’homme rouge. Les morts des hommes blancs oublient le pays des hommes
et de leur naissance lorsqu’ils s’en vont se promener parmi les étoiles.
Nos morts n’oublient jamais cette terre magnifique, car elle est la
mère de l’homme rouge. Nous sommes une partie de la terre et
elle fait partie de nous. Les fleurs parfumées sont nos soeurs
; le cerf, le cheval, le grand aigle, ce sont nos frères. Les
crêtes rocheuses, les sucs dans les prés, la chaleur du
poney, et l’homme. tous appartiennent à la même famille.
Aussi lorsque le grand chef à Washington envoie dire qu’il veut
acheter notre terre, demande-t-il beaucoup de nous.
Le Grand Chef envoie dire qu’il nous réservera un endroit de
façon à ce que nous puissions vivre confortablement entre
nous. Il sera notre père et nous serons ses enfants. Nous considérons
donc votre offre d’acheter notre terre. Mais ce ne sera pas facile.
Car cette terre nous est sacrée.
Cette eau scintillante qui coule dans les ruisseaux et les rivières
n’est pas seulement de l’eau mais le sang de nos ancêtres. Si
nous vous vendons de la terre, vous devez vous rappeler qu’elle est
sacrée, et vous devez apprendre à vos enfants qu’elle
est sacrée et que chaque reflet dans l’eau claire des lacs pare
d’événements et de souvenirs dans la vie de mon peuple.
Le murmure de l’eau est la voix du père de mon père.
Les rivières sont nos frères, elles étanchent notre
soif. Les rivières portent nos canoës et nourrissent nos
enfants. Si nous vous vendons notre terre, vous devez vous rappeler
et l’enseigner à vos enfants, que les rivières sont nos
frères et les vôtres, et vous devez désormais montrer
pour les rivières la tendresse que vous montreriez pour un frère.
Nous savons que l’homme blanc ne comprend pas nos moeurs. Pour lui,
une parcelle de terre ressemble à la suivante, car c’est un étranger
qui arrive dans la nuit et prend à la terre ce dont il a besoin.
La terre n’est pas son frère, mais son ennemi, et lorsqu’il l’a
conquise, il va plus loin. Il abandonne la tombe de ses aïeux et
cela ne le tracasse pas. Il enlève la terre à ses enfants
et cela ne le tracasse pas. La tombe de ses aïeux et le patrimoine
de ses enfants sont laissés dans l’oubli. Il traite sa mère,
la terre, et son frère, le ciel, comme des choses à acheter,
piler, vendre comme les moutons ou les perles brillantes. Son appétit
dévorera la terre et ne laissera derrière lui qu’un désert.
Je ne sais pas. Nos moeurs sont différentes des vôtres.
La vue de vos viles fait mal aux yeux de l’homme rouge. Mais peut-être
est- ce parce que l’homme rouge est un sauvage et ne comprend pas.
Il n’y a pas d’endroit paisible dans les viles de l’homme blanc. Pas
d’endroit pour entendre les feuilles se dérouler au printemps,
ou le froissement des aies d’un insecte. Mais peut-être est-ce
parce que je suis un sauvage et ne comprends pas. Le vacarme semble
seulement insulter les oreilles. Et quel intérêt y a-t-il
à vivre si l’homme ne peut entendre le cri solitaire de la sterne
ou les palabres des grenouilles autour d’un étang la nuit ? Je
suis un homme rouge et ne comprend pas. L’indien préfère
le son doux du vent s’élançant comme une flèche
au-dessus d’un étang ; et l’odeur du vent lui- même, lavé
par la pluie de midi ou parfumé par le pin.
L’air est précieux à l’homme rouge, car toutes choses
partagent le même souffle : la bête, l’arbre, l’homme partagent
le même souffle. Mais l’homme blanc ne semble pas remarquer l’air
qu’il respire. Comme un homme qui met plusieurs jours à expirer,
il est insensible à la puanteur. Mais si nous vendons notre terre,
vous devez vous rappeler que l’air nous est précieux, car l’air
partage son esprit avec tout ce qu’il fait vivre. Le vent qui a donné
à notre grand- père son premier souffle a aussi reçu
son dernier soupir. Et si nous vendons notre terre, vous devez la garder
à part et la tenir pour sacrée. Nous considérons
donc votre offre d’acheter notre terre. Mais si nous décidons
de l’accepter, j’y mettrai une condition : l’homme blanc devra traiter
les bêtes de cette terre comme des frères.
Je suis un sauvage et ne connais pas d’autres façons de vivre.
J’ai vu un millier de bisons pourrissant sur la prairie, abandonnés
par l’homme blanc qui les avait abattus d’un train qui passait. Je suis
un sauvage et ne comprends pas comment le cheval de fer peut être
plus important que le bison tué par nous seulement pour subsister.
Qu’est-ce que l’homme sans les bêtes ? Si toutes les bêtes
disparaissaient. l’homme mourrait d’une grande solitude de l’esprit.
Car ce qui arrive aux bêtes arrive bientôt à l’homme.
Toutes ohoses se tiennent.
Vous devez apprendre à vos enfants que le sol qu’ils foulent
est fait de la cendre de nos aïeux. Pour qu’ils respectent la terre,
dites à vos enfants qu’elle est enrichie par les vies de notre
race. Enseignez à vos enfants ce que nous avons enseigné
aux nôtres que la terre est notre mère. Tout ce qui arrive
à la terre arrive aux fils de la terre. Si les hommes crachent
sur le sol, ils crachent sur eux-mêmes.
Nous savons au moins ceci : la terre n’appartient pas à l’homme
; l’homme appartient à la terre. Cela, nous le savons. Toutes
choses se tiennent comme le sang qui unit une même famille. Ce
n’est pas l’homme qui a tissé la trame de la vie : il en est
seulement un fil. Tout ce qu’il fait à la trame, il le fait à
lui-même. Même l’homme blanc, dont le dieu se promène
et parle avec lui comme deux amis ensemble, ne peut être dispensé
de la destinée commune. Après tout, nous sommes peut-être
frères. Nous verrons bien. Il y a une chose que nous savons et
que l’homme blanc découvrira peut-être un jour - c’est
que notre Dieu est le même Dieu. Il se peut que vous pensiez maintenant
le posséder comme vous voulez posséder notre terre ; mais
vous ne pouvez pas. Il est le Dieu de l’homme, et sa pitié est
égale pour l’homme rouge et le blanc. Cette terre Lui est précieuse,
et nuire à la terre, c’est accabler de mépris son créateur.
Les blancs aussi disparaîtront ; peutêtre plus tôt
que toutes les autres tribus. Mais en mourant vous brillerez avec éclat,
ardent de la force du Dieu qui vous a amenés jusqu’à cette
terre et qui, pour quelque dessein particulier, vous a fait dominer
cette terre et l’homme rouge. Cette destinée est un mystère
pour nous, car nous ne comprenons pas lorsque les bisons sont tous massacrés,
les chevaux sauvages tous domptés, les coins secrets de la forêt
chargés du fumet de beaucoup d’hommes et la vue des collines
en pleines fleurs ternie par des fils qui transportent la voix. Où
sont les buissons ? Disparus. Où est l’aigle ? Disparu. La fin
de la vie est le début de la survivance. Car toutes choses se
tiennent. »
En 1966, René Dumont préconisait la création d’une Agence mondiale de développement alimentée par un impôt international de solidarité, de la façon suivante :
« Le 1 % du revenu national conviendrait aux seuls pays semi-riches,
ceux qui ont encore chez eux de larges zones sous-développées,
comme l’Italie. Il serait vite nécessaire de demander 2 % aux
autres nations de la Communauté économique européenne
(C.E.E.).
» Les pays un peu plus riches (Suisse , Australie, Canada) pourraient
donner 2,5 %. Les Etats-Unis et le Koweit seraient fort capables de
donner 3 %. Pour y parvenir, il faudrait une solide pression d’une fraction
croissante de la population, éprise de solidarité vraie...
» N’oublions pas que le temps presse. »
Cette proposition fixait, en chiffres raisonnables, l’effort qui s’imposait
aux pays pourvus et montrait aussi ce que pouvait avoir de dérisoire
la demande de 0,70 % du P.N.B. fixé par les Nations-Unies. En
1976, trois pays seulement, la Suède, la Norvège et les
Pays-Bas, avaient atteint cet objectif. Le pays le plus riche, les Etats-Unis,
dé tient presque le record de la mesquinerie.
Le projet de René Dumont allait beaucoup plus loin, car celui-ci
était le seul à connaître les besoins réels
du Tiers-Monde...
Hélas, sous le poids de la routine et des préjugés
mais davantage encore par intérêt égoïste,
les pays nantis refusent toute solution universelle de caractère
fraternel... L’Occident se refuse à toute aide alimentaire gratuite...
L’activité que René Dumont a consacrée à
la conservation des ressources naturelles et à l’amélioration
du sort des populations affamées et sous-alimentées est
prodigieuse...
Et pourtant, il faut bien se rendre à l’évidence : sa
propagande persévérante, courageuse, lucide, a échoué.
Jamais la Nature ne fut plus maltraitée, jamais les peuples du
Tiers-Monde ne furent plus malheureux qu’ils le sont aujourd’hui. Et
le titre même du dernier ouvrage de R. Dumont, Paysans écrasés,
Terres massacrées, est significatif de l’échec d’un effort
qui n’a connu aucune défaillance pendant près d’un demi-siècle.
Pourquoi cet échec ?
La réponse tient en peu de mots :
il est vain de vouloir protéger la Nature, pour en dispenser
les fruits équitablement à tous les hommes, sans modifier
de fond en comble les structures fondamentales de l’économie
qui la détruit.
Cette économie, aujourd’hui reconnue responsable de la dévastation
et du gaspillage des ressources de la Nature comme des conditions de
vie misérables qui sont celles des populations condamnées
à subsister sur des terres érodées, épuisées,
désertifiées, c’est le libéralisme économique...
D’année en année, notre système de production réclame
de moins en moins de main-d’oeuvre. Continuer à lier le droit
aux moyens d’existence à l’accomplissement d’un travail productif,
c’est condamner un grand nombre de travailleurs au chômage. Le
grand problème économique n’est plus celui de produire,
mais de distribuer les produits.
(1) Ce texte est extrait de « Un écologiste accuse », voir page 14.
Étranger
IL y a lieu de faire rechercher, saisir et appréhender en tous
points et en tous lieux, un individu dangereux, pyromane incurable,
tenant des propos incendiaires, menaçant notre sécurité,
se disant Président de République centre-américaine.
Identité : Daniel Oduber-Quiros, pas d’alias connus. Cet individu
est parvenu, en juin, à fracturer la porte des WC du siège
de l’Unesco, place Fontenoy à Paris et de là, à
gagner la tribune d’où il s’est approprié le micro. Il
s’est adressé aux honorables et inoffensifs représentants
de diverses nationalités, appartenant au monde des Lettres, des
arts, de la science, de la philosophie, de l’économie qui participaient
à une « Table ronde » sur le thème «
Quel monde laisserons-nous à nos enfants ? ». Il a, volontairement,
troublé le ronron apaisant des somnolences. Ses propos démentiels,
proférés en espagnol, ont été passés
en traduction simultanée par des interprètes internationaux,
ignorant la qualité d’intrus du sus-nommé. L’effet a été
déplorable. Certains auditeurs, abusés, se sont laissés
aller à applaudir. Ils ont dû, par la suite être
repris en mains et rassurés (sur le plan financier) par MM. Bloch-Dassault,
Boeing Westinghouse, ManuRhin, Kachelnikov, etc., appelés d’urgence
à leur chevet.
La démence de Daniel David Oduber-Quiros consiste à dire
que son pays, le Costa-Rica*, a décidé depuis 20 ans de
supprimer l’Armée nationale. Celle-ci a été interdite
par la Constitution. De ce fait il n’y a pas de militaires, ni de dépenses
d’armement. Le Nicaragua, au nord, et le Panama au sud, qui disposent
d’armées coûteuses, n’ont pas exécuté une
seule initiative belliqueuse. A l’ouest, le Pacifique, à l’est,
l’Atlantique n’ont pas submergé le pays sous des raz-de- marée
désapprobateurs.
Oduber a osé avancer que les sommes consacrées durant
ces 20 années aux armements, par les pays voisins, dont la situation
économique est semblable à celle du Costa-Rica, ont retardé
leur développement économique, social, éducatif
et culturel. A l’opposé, son pays a accompli des progrès,
mené ses programmes rapidement à terme. Il y a désormais
au Costa-Rica assez d’écoles primaires pour toute la population
(365 957 enfants scolarisés). Avec le prix d’un avion de guerre
type déjà ancien (on n’en achète pas de modernes
dans la région) il peut financer 8 établissements d’enseignement
secondaire (116 037 jeunes dans le secondaire et technique, 38 629 dans
le supérieur**). Le revenu réel par tête de Costaricain
a doublé.
L’aberration mentale du Président serait survenue alors qu’il
visitait un hôpital pour enfants. Il y aurait vu un garnement
agricole, aux cheveux ayant deux teintes une bande décolorée,
marquant la phase où il était « nourri » (sic)
par ses parents et une partie noire, correspondant à celle où
il avait été nourri à l’hôpital.
Le pyromane, mettant à profit le trouble jeté dans les
esprits et protégé par un écran fumigène
provenant de la combustion des havanes cubains (complices) a réussi
à prendre la fuite dans une voiture officielle immatriculée
en vert « CD - CR ».
Sans attendre son arrestation, des mesures rétablissant l’ordre
ont été prises. A San José, capitale du Costa-Rica,
la Constitution de 1871 a été rétablie. La présidence
a été retirée à Oduber et confiée
à Rodrigo Carazo-Odio, élu le 5 février 1978, qui
contrairement à son nom n’est pas idiot, et « fait »
dans l’odieux visuel. L’Armée a été rétablie,
avec pour commencer 5 000 hommes. Les représentants en fournitures
d’armement peuvent, enfin, librement pénétrer dans le
petit Etat. Des aménagements en matières d’impôts
ou taxes sont à envisager en compensation du manque à
gagner de la période 19581978. Le nouveau régime sandiniste,
maître du Nicaragua laisse peu d’espoir de voir la région
nord s’animer d’un conflit. Par contre, au sud, le Panama (Armée
11 000 hommes) privé des Royalties du canal, en plein désenchantement
économique, pourrait trouver quelques justes motifs d’intervention.
Détail encourageant : le Panama avait recueilli le Chah pendant
quelques mois.
En cas d’arrestation d’Oduber, inutile d’alerter un magistrat de l’ordre
judiciaire, le passer sur le champ, aux pertes et profits.
* « L’Heure d’être ». 21570 Autricourt-
Brion. Informations UNESCO.
** « Le Journal de l’année 1980 » (Larousse édit.).
LE numéro de mars 1980 du mensuel écologique «
Vert » comporte entre autres, une remarquable enquête de
Frédéric Lewino sur la récupération des
déchets.
Sujet d’importance, car le gâchis actuel ne peut durer sans conséquences
graves pour l’avenir de l’humanité, compte tenu du caractère
évidemment limité des ressources réelles de notre
planète. Sans compter que les décharges sont à
la fois inesthétiques et malsaines.
Il nous paraît intéressant de résumer pour nos lecteurs
les principaux chapitres de cette enquête et surtout de mettre
en évidence la nocivité de notre système économique
actuel, principal obstacle à toutes les tentatives de recyclages
que permettraient, dans une économie des Besoins, les techniques
modernes.
*
Ordures ménagères
Production annuelle : 14 millions de tonnes en 1979, avec un taux de
collecte de 90 %.
Taux de valorisation actuels 32%, dont :
- 21 % produisant de l’énergie par incinération,
- 11 % transformés en compost.
Par contre, 4 000 communes pratiquent la collecte sélective
qui a permis en 1978 de récupérer :
130 000 t de verre
260 000 t de papiers cartons
3 600 t de plastiques
6 500 t de vieux chiffons.
Cette collecte sélective pourrait déboucher sur la mise en application de divers procédés de récupération du contenu énergétique des matériaux actuellement non récupérés dans les ordures ménagères, évalué à 5 % de la consommation de l’industrie française.
Exemples :
Procédés REVALORD, TRISOC et COMBUSOC, pour récupérer
papiers, verres, ferrailles et plastiques par tri mécanique,
Procédé HYDROMER pour obtenir par compression des blocs
solides combustibles et des boues compostables,
Procédé COMBOR pour produiredes granulés combustibles.
MAIS ...
« Si la collecte sélective est toujours rentable dans un
bilan énergétique, elle ne l’est pas toujours financièrement
pour la commune...
« Certaines communes s’opposent purement et simplement à
toute collecte sélective car elles ont besoin du pouvoir calorifique
des papiers, cartons et plastiques pour obtenir le meilleur rendement
de leurs usines d’incinération dont elles récupèrent
dans un but commercial la chaleur produite...
« De nombreuses municipalités ne peuvent s’engager financièrement
dans la récupération des matériaux : il leur en
coûterait plus cher que la mise en déchar
ge. »
*
Déchets industriels
Stocks actuels : 150 millions de tonnes.
Taux de recyclage des métaux :
37,7 % pour le fer
27 pour l’aluminium
37 pour le cuivré
50 % pour le plomb 29 % pour le zinc
« chiffres encore bien faibles quand on sait que le recyclage
représente une économie énergétique conséquente.
Le raffinage de déchets d’aluminium, par exemple, nécessite
de 5 à 10 fois moins d’énergie que celui du minerai correspondant. »
Pour le mercure, dont la revalorisation permet de limiter une pollution catastrophique, 450 tonnes de déchets contenant 60 tonnes de mercure pur attendent chaque année d’être traitées.
MAIS...
« Si le recyclage n’a fait l’objet d’aucune recherche poussée
jusqu’à la fin des années 60, c’est tout simplement que
les pays occidentaux pillaient sans vergogne les réserves en
matières premières et en pétrole des pays du tiers-monde.
L’augmentation vertigineuse des cours de ces produits à partir
de 1973 remet les pendules à l’heure écologique...
« Les industriels ne tiennent pas à baser tout un circuit
de production (aux investissements énormes) sur les bases mouvantes
des cours des déchets passant souvent du simple au triple en
quelques jours...
« Le bilan des bourses de déchets, destinées à
mettre en contact les industriels producteurs de déchets et ceux
susceptibles de les utiliser, n’est pas brillant, car elles manquent
de crédits.
« L’Agence Nationale pour la récupération et l’élimination
des déchets (ANRED), établissement public, devient de
plus en plus un organisme industriel qui possède des intérêts
dans des établissements privés par le biais des prêts
financiers, ce qui est une façon de lier son sort avec celui
des industriels et donc d’être amené à les défendre...
»
*
Le papier
Consommation annuelle 1979 : 6 millions de tonnes.
Déchets mis en décharge en 1979 : 4,2 millions de tonnes,
soit l’équivalent de :
71,4 millions d’arbres
ou 2,94 millions d’ha de forêts
ou 1,68 millions de t de fuel.
Taux de récupération : 6,5 % alors qu’il pourrait atteindre
60 %.
MAIS .. .
« Certains producteurs étrangers n’hésitent pas
à pratiquer le dumping (baisse artificielle des cours) pour mettre
en difficulté les industriels qui misent sur le matériau
de récupération. »
*
Les plastiques
Déchets produits en 1979 : près d’un million de tonnes.
Recyclage actuel : 45 000 tonnes, plus les 210 000 tonnes incinérées
avec les ordures ménagères.
La revalorisation sous cette forme est d’ailleurs, une absurdité,
car l’incinération d’une tonne de plastique ne fournit que 0,65
"tonne d’équivalent-pétrole alors que sa fabrication
a nécessité 1,8 tonne de pétrole.
Les déchets peuvent être découpés en fines
lanières pour améliorer la qualité des revêtements
routiers, ou pour fabriquer des tubes, des canalisations, des poteaux
synthétiques. Les thermoplastiques peuvent être chauffés,
ramollis et dotés d’une nouvelle forme (polyéthylène,
PCV, polystyrène, polyamides, etc...).
MAIS .. .
« La rentabilité financière de la collecte des matières
plastiques est encore trop aléatoire pour tenter de nombreuses
communes.
« Lentement, mais sûrement, des structures de collecte,
de tri, de traitement, et, de revalorisation se mettent en place. Mais
il ne faut pas se leurrer, les écologistes ne sont pas pour grand-chose
dans ce changement de cap de notre Société. Agiter l’épouvantail
de la pollution, dénoncer un gaspillage suicidaire des ressources
naturelles de la terre a bien moins fait qu’une multiplication des prix
du pétrole... ».
*
Le caoutchouc
Déchets annuels : 30 millions de pneus, 350 000 tonnes d’objets
divers.
Recyclage : 5 % des pneus de tourisme, 30 % des pneus de véhicules
utilitaires (rechapés), 1/3 des autres déchets industriels.
Le caoutchouc recyclé peut pourtant être :
- transformé en poudrette pour les industries de la chaussure
et du garnissage,
- régénéré, après dévulcanisation,
pour les revêtements de sol et les chaussures,
- utilisé pour peupler les fonds marins sableux,
- transformé en granulés et incorporé au bitume
des revêtements routiers pour donner une chaussée plus
solide, plus adhésive, et offrant une moindre adhésion
à la glace,
- incinéré par pyrolyse, sans pollution.
MAIS .. .
« La vente d’un pneu rechapé offre une moins grande marge
bénéficiaire au garagiste que celle d’un pneu neuf...
« Aucune collecte sélective du caoutchouc domestique n’existe
».
*
Le verre
Déchets actuels : 1 million de tonnes par an.
Taux de recyclage : 8 %, faible taux qu’aucune raison technique ne peut
expliquer, alors qu’une tonne de verre refondu fait économiser
100 kg de fuel !
Le calcin de verre pourrait également être mélangé
à l’asphalte pour donner un excellent revêtement routier,
ou transformé en verre expansé à structure cellulaire
pour les panneaux de construction et la confection de bétons
légers ou de tuyaux d’égouts.
Si 90 % des emballages plastiques étaient remplacés par
des bouteilles en verre consignées (infiniment plus saines),
on pourrait économiser 370 000 tonnes d’équivalent-pétrole,
soit 37 % de l’énergie consommée par l’industrie d’emballage
des boissons alimentaires en 1978 !
MAIS ...
« l’achat d’une bouteille en verre revient moins cher à
l’industriel que la mise sur pied d’un système de consigne. C’est
de bonne guerre commerciale... Mais là où le bât
blesse, c’est quand le fabricant de boisson achète une verrerie
car à ce moment son intérêt consiste à vendre
contenu et contenant. Pensez que sur les 10,80 frs d’un pack de bière,
2,80 frs servent à payer le verre des bouteilles. Allez demander
à BSN, fabricant de verre et propriétaire de brasseries,
ce qu’il en pense !... ».
*
L’agriculture
Déchets annuels :
- 260 millions de tonnes en 1973, dont 214 millions de tonnes réutilisées
comme engrais,
- 25 millions de tonnes de paille pratiquement non valorisées,
- 1 900 000 tonnes de déchets animaux (équarisseurs, boucheries
et abattoirs) .
Sans compter les soi-disant surproductions agricoles scandaleusement
versées en décharges et brûlées, pendant
que se multiplient les quêtes dominicales pour lutter contre la
faim dans le monde.
Or nous pourrions produire annuellement, grâce au gaz de fumier,
4 millions de tonnes d’équivalent pétrole pour l’ensemble
du parc bovin français, soit 80 % de la consommation énergétique
des agriculteurs, tout en obtenant après traitement, un fumier
au pouvoir fertilisant accru !
De même brûler 5 à 6 millions de tonnes de paille
dans les champs revient à perdre 2 millions de tonnes de pétrole.
On pourrait également traiter la paille à la soude pour
servir d’alimentation au bétail, ou l’utiliser pour fabriquer
de la pâte à papier, des panneaux, ou des substrats pour
micro-organismes.
Autres exemples :
- 7 millions de tonnes de lactosérums rejetés par l’industrie
fromagère pourraient, après traitement, remplacer le soja
dans l’alimentation des porcs,
- les vinasses et mélasses rejetées par les industries
du vin et du sucre pourraient être incorporées dans l’alimentation
animale ou constituer des substrats pour cultiver des levures sources
de protéines,
MAIS ...
« La revalorisation des sous-produits agricoles se heurte à
l’obstacle économique : variabilité de production saisonnière
; pas de marché encore amorcé ; prix de l’énergie
encore trop bas pour que certaines techniques soient rentables...
« Les solutions sont multiples. Il s’agit simplement de lancer
des programmes de recherches et d’aider au financement d’unités
de traitement. »
CONCLUSION
Amis écologistes, une fois de plus, aidez-nous à répandre
cette vérité incontestable :
S’il existe un seul déchet, irrécupérable, qui
peut et doit être mis d’urgence à la poubelle, c’est bien
le régime économique actuel !
A Valognes, dans la Manche où, en décembre dernier, il
venait remettre le prix Alexis de Tocqueville au sociologue américain
Riesman et, par la même occasion, dire aux foules accourues sur
son passage tout le bien qu’il pense de lui-même et du libéralisme
avancé dont il est le plus illustre propagandiste, M. Giscard
d’Estaing a été plutôt fraîchement accueilli.
Selon les gazettes, des centaines de manifestants - allez savoir pourquoi,
peut-être pour se réchauffer - sont venus troubler la cérémonie
en criant : « Giscard y en a marre ! ». Et pour montrer
que dans la Manche on n’est pas manchot, ils ont lancé des pommes
pourries, probablement excédentaires, sur le cortège officiel.
L’une d’elles, une erreur de tir sans doute, a même atteint le
falzar du président qui a été légèrement
maculé.
Ce n’est pas grave. Giscard en aura été quitte pour se
payer un autre pantalon et en mai prochain ses électeurs se chargeront
peutêtre de lui fournir la veste. La prochaine fois il mettra
son pull-over à col roulé. Le plus grave c’est ce qu’a
dit Giscard. Car ce petit intermède non prévu au programme
des réjouissances ne l’a pas empêché d’y aller de
son discours. Il était venu pour ça. L’auteur de «
Démocratie française » a parlé, comme il
se doit, de M. de Tocqueville auteur de « La démocratie
en Amérique » et que l’on dit fondateur de la science politique.
Une sorte de Raymond Barre du XIXe siècle, de libéral
avancé avant la lettre. Dommage que ce Tocqueville soit mort
depuis longtemps. Giscard aurait pu en faire son premier ministre pour
nous sortir un bon coup du merdier dans lequel le premier économiste
de France nous a mis. Mais ça, le président, qui est poli,
s’il l’a pensé, ne l’a pas dit.
Ce qu’il a dit, en revanche, sur le bilan globalement positif, comme
dirait l’autre, du giscardisme, ne nous change guère des discours
que l’on entend depuis sept ans et des satisfecit qu’il se décerne
généreusement chaque fois qu’il a l’occasion de tenir
le crachoir. Pour moi, je n’ai retenu de la longue profession de foi
du président que cet aveu pour le moins inattendu. « Je
suis un libéral inguérissable ».
Ça m’a fait un choc. Certes, je me doutais que cela n’allait
pas très fort depuis un moment. Depuis son voyage au Mexique,
dont je crois vous avoir parlé, Giscard n’avait plus la grande
forme. Etait- ce le surmenage ? On attendait chaque jour un-bulletin
de santé pour nous tranquilliser. Cette phrase ne nous rassure
pas. S’il ne s’agissait que d’un peu de déprime il n’y aurait
pas lieu de dramatiser. Cela se soigne. Rien de tel qu’une cure de Beaujolais,
quelques semaines de repos à Brégançon, un safari
en Afrique du Sud, pour retrouver la forme. Et rester quinze jours sans
voir la tronche de Raymond Barre, ça vous remonte le moral. Mais
si, comme je le crains, c’est la grosse tête, et surtout s’il
s’agit d’une rechute, cela devient sérieux. Ce n’est pourtant
pas une raison pour désespérer. La science du XXe siècle
a fait d’extraordinaires progrès en médecine comme dans
tous les autres domaines. Le cas du président Giscard, quoiqu’il
dise, n’est plus aujourd’hui incurable. Grosse tête ou pas, quelques
mois de traitement intensif par des spécialistes dans un hôpital
psychiatrique auront raison de son mal. Ça durera ce que ça
durera, mais il s’en sortira. Toutefois je tiens à le mettre
en garde ; qu’il reste en France. Surtout qu’il n’aille pas se faire
soigner en U.R.S.S. comme c’est devenu la mode, sous prétexte
que les savants russes sont à la pointe du progrès dans
ce domaine et réalisent des guérisons spectaculaires.
Les soviétiques seraient capables de le garder une fois guéri
et de nous refiler Brejnev.
Cela dit, et réflexion faite, dussèje décevoir
Giscard, ce n’est pas lui le plus malade. C’est la civilisation du XXe
siècle. Héritière des structures économiques
des siècles passés elle n’a pas su s’adapter aux progrès
foudroyants des sciences et des nouvelles techniques de production et
reste, avec les grosses têtes qui nous gouvernent, incapable de,
résoudre le problème de simple bon sens devant lequel
les hommes se trouvent confrontés : la misère dans l’abondance.
Le malade, c’est le libéralisme avancé. Avancé
au point qu’il est en pleine décomposition comme un vieux camembert.
Poursuivant notre série de lettres aux candidats, nous vous proposons ce mois-ci d’écrire à A. Krivine, Secrétaire Général de la Ligue Communiste Révolutionnaire et candidat à l’élection présidentielle.
À Alain Krivine
C/O « ROUGE »
2, rue Richard Lenoir
93108 Montreuil.
Lecteur attentif de « Rouge », je cherche en vain, depuis
le départ de votre campagne pour la Présidence, le tracé
d’un programme économique, que nécessite cependant la
conjoncture actuelle. Programme que vous ne pouvez, selon l’option politique
à laquelle vous vous êtes rallié, que concevoir
éminemment social. Le sujet semble tabou ! Le serait-il aussi
pour la L.C.R. ?
Dans ma lecture de « Rouge » n° 952, page 12, sous la
signature P.R., je relève que vous reliez étroitement
l’objectif « plein emploi » à la défaite giscardienne
; d’accord avec vous pour la salubrité de cette dernière
éventualité, mais je ne découvre pas comment cette
défaite pourrait avoir la vertu de résoudre le chômage
et assurer l’existence de ceux qui, désormais refoulés
de l’emploi, deviennent cause du blocage de l’économie, car «
Celui qui ne peut acheter ruine celui qui voudrait vendre », constatait
naguère Jacques Duboin. Le chômage, avec le marasme qu’il
entraîne, n’est pas le simple effet d’un changement de visage.
Il est la crise même de l’économie échangiste, il
est une conséquence directe du fonctionnement de la structure
économique parvenue à un niveau élevé des
techniques de production, où l’homme, travailleur- consommateur
se trouve éliminé de la production par la mécanisation
et l’automatisation. Ce défaut de consommateurs solvabilisés,
et qui ne pourront plus jamais l’être par une production qui éliminera
toujours plus leur concours, entraîne la mévente et l’économie
se bloque.
Au moment où le problème de la production est résolu,
c’est le problème de la solvabilisation de la consommation qui
devient le n° 1 et qu’il reste à résoudre. J. Duboin
pro. posa qu’il le soit par un Revenu Social accordé à
tous sans considéralion du travail fourni, c’est-à-dire
par la socialisation de la production et de la consommation par l’ECONOMIE
DISTRIBUTIVE (1).
Ce système de répartition sociale distributive est une
révolution, direz-vous ? Est-elle pour effaroucher la Ligue Communiste
Révolutionnaire ?
Nous vous demandons de soumet. ire à la Commission Economique
de la L.C.R. le problème critique de la solvabilisation de la
consommation par un Revenu Social et d’en diffuser la conclusion-programme
à l’occasion de votre candidature à la Présidence.
Telle est notre contribution résolument révolutionnaire
à l’instauration d’une véritable économie socialiste
d’intérêt général qui nous mettrait à
l’abri de toute survie du capitalisme.
Acceptez, camarade, dans cet espoir, nos fraternelles salutations distributistes.
(1) Les thèses en sont rappelées régulièrement dans « La Grande Relève », pages 2 et 16 auxquelles nous vous invitons à vous reporter.
Exporter... et mourir !
Produire pour exporter, c’est peut-être le plus grand mal dont
souffrent les pays en voie de développement : obnubilés
par le modèle occidental, ils s’industrialisent à outrance
et abandonnent pour cela les cultures vivrières. L’Inde en est
un exemple type. Ce pays a en effet réussi à se doter
d’une bonne infrastructure de base et d’industries lourdes lui assurant
une certaine indépendance. L’Inde vient même maintenant
concurrencer les pays développés sur un certain nombre
de marchés. Cela a permis essentiellement d’élever le
niveau de vie de la classe moyenne, c’est-à-dire d’environ 60
millions de personnes (le pays compte à peu près 665 millions
d’habitants).
Mais l’Inde a échoué dans son entreprise de réduction
de la pauvreté et des inégalités. En effet, sur
les 5 millions de personnes qui chaque année viennent s’ajouter
au marché du travail, 10 % à peine peuvent trouver un
emploi dans les secteurs secondaire ou tertiaire. Les 90 % restant dépendent
pour leur subsistance du secteur agricole. Tant et si bien que l’agriculture
utilise 74 % de la force de travail du pays. Mais les investissements
en machines et équipements modernes qui ont été
utilisés pour rendre l’agriculture compétitive sur le
plan international ont provoqué une diminution du nombre des
emplois de sorte que le nombre des travailleurs sans terre continue
de s’accroître, avec les conséquences que l’on sait.
*
Certains économistes indiens ont pris conscience du problème
et l’on pouvait lire dans « l’Indian Express » du 24 décembre
1980 :
« L’expérience a montré qu’aucune mesure sociale
et aucun plan visant à protéger les revenus et l’emploi
des paysans sans terre, ainsi que des travailleurs de la petite industrie
(distincte des filiales de la grande industrie), ne pouvaient être
efficaces sans réforme structurelle des rapports de production,
des schémas d’investissements et des modes de répartition
du revenu. Sans changements drastiques dans tous ces domaines, proclamer
des objectifs de croissance et d’éradication de la pauvreté
reste des slogans peu convaincants et sans valeur opérationnelle.
»
*
D’autres pays sont en train de repenser leurs systèmes de développement.
C’est en particulier le cas du Niger au sujet duquel on pouvait lire
les remarques suivantes dans « le Monde » du 10 janvier
dernier :
« Enfin, tranche également avec le désenchantement
consécutif à la fin du boom de l’uranium, la fierté
de l’équipe gouvernementale nigérienne d’en avoir terminé,
depuis 1979, avec le recours systématique à l’aide internationale
en matière de vivres. Depuis deux ans déjà, en
effet, le Niger a atteint l’autosuffisance alimentaire. Les, cultures
vivrières ont été développées au
détriment des cultures industrielles : de 260 000 tonnes en 1973,
la production d’arachide est tombée à 74 000 tonnes en
1979 et, celle de coton de 5 200 à 3 400 tonnes, mais, en revanche,
durant la même période, la production de céréales
est passée de 1 159 000 tonnes à 1 484 000 tonnes. «
La dernière récolte couvre à 120 % les besoins
vivriers du pays », nous a t-on confirmé récemment
à Niamey. »
*
En 1980 les dépenses militaires du Japon ne représentaient que 0,9 % du P.N.B. contre 3,85 % en France. Peut-être faut-il chercher là aussi l’explication du boom économique japonais ?
*
Le cadeau des banques japonaises à Chrysler : sept banques japonaises
abandonnent leurs créances se montant à 156 millions de
dollars. Elles demandent en contrepartie à Chrysler d’en payer
cash 15 %. Ce sont donc environ 130 millions de dollars que les sept
banques vont faire passer au compte des « pertes et profits ».
Croyez-vous que si les banques ne pouvaient pas créer de monnaie
à leur convenance, ou presque, elles abandonneraient aussi facilement
une telle somme ?
*
De toutes façons, elles ne sont pas à court d’idées,
les banques, pour faire du profit
En Grande-Bretagne, selon les statistiques publiées au début
du mois de janvier, l’année 1980 a compté le plus grand
nombre de faillites jamais enregistré.
Au cours du dernier trimestre seul, 2 068 sociétés ont
été mises en liquidation, soit une augmentation de 35
% par rapport à 1979.
Les experts se demandent pourquoi il n’y en a pas eu davantage et pourquoi
elles n’ont touché que de petites entreprises. En fait, il semble
que ce soit parce que les banques ont monté dans les coulisses
des opérations de sauvetage coordonnées par la Banque
d’Angleterre. Personne, hormis les initiés, ne connaît
l’ampleur du phénomène. Ce qui est sûr, c’est que
les grandes banques auraient décidé de constituer cette
année une provision de 200 millions de livres (200 milliards
de francs) pour « créances douteuses » ou irrecouvrables.
C’est en réalité un excellent moyen pour les banques de
comprimer artificiellement leurs bénéfices et de déjouer
ainsi les plans du Chancelier de l’Echiquier qui envisage de les imposer
sur leurs « bénéfices excessifs ».
Questions agricoles
NOUS avons décrit précédemment les mesures de
transition vers l’Economie Distributive ; - écoulement garanti
des produits agricoles à un prix rémunérateur par
une forte hausse du pouvoir d’achat des consommateurs les plus défavorisés,
- financement de cette hausse par création monétaire.
Cela implique une longue stabilité des prix à la production
une fois le relèvement effectué : relèvement indispensable
pour que les agriculteurs ne se sentent plus assistés. En échange,
la stabilité de leurs prix ne devrait pas être difficile
à obtenir à partir du moment où la collectivité
nationale cesse de récupérer ses dépenses par une
augmentation des impôts.
On peut ajouter la prise en charge par l’Etat des retraites agricoles
pour tous les paysans aux faibles revenus. Cette retraite, suffisamment
élevée, remplacerait la maigre « Indemnité
Viagère de Départ » (I.V.D.).
Que les retraités aient cotisé ou non, peu importe. Avoir
travaillé dur toute sa vie est un argument suffisant. D’ailleurs,
n’oublions pas que c’est la production elle-même qui garantit
les retraites et non les cotisations. Comme elle garantit l’ensemble
des revenus.
Or, son accroissement dépend de moins en moins du nombre d’actifs,
ce que nos économistes se refusent à voir. Les mécanismes
économiques (1) dissimulent cette réalité.
Mieux que cela, en termes monétaires classiques, elle apparaît
comme un appauvrissement, alors qu’il s’agit du contraire !
Nous ne pouvons dire combien de temps durera l’expansion monétaire
chargée de préparer la voie à l’Economie Distributive
pleine et entière. Les mentalités n’y semblent pas prêtes
dans le monde agricole, qui craint de se voir « fonctionnarisé
».
Il faut pourtant en finir avec l’opposition « fonctionnaire -
travailleur indépendant ». Chacun dépend des autres
et nous savons ce qu’est la liberté réelle des agriculteurs
surmenés aujourd’hui. Bien sûr, ils n’ont aucune peine
à se sentir plus responsables que beaucoup de salariés.
Mais dans la mesure où ils tiennent à leur responsabilité,
ils ne seront pas déçus. L’Economie Distributive reposera
sur une société d’individus libres, conscients de leurs
devoirs et responsables de leur tâche. Mieux : elle permettra
l’existence d’une telle société.
Non seulement elle n’étouffera pas l’esprit d’initiative, mais
celui- ci est indispensable au fonctionnement d’une société
de ce genre. Sans précédent, car toutes les sociétés
connues à ce jour sont des sociétés de coercition,
ce qui explique leurs malheurs. Elles reposent toutes sur la domination
de la majorité par une aristocratie.
Pour qu’une société fonctionne correctement, il faut qu’elle
assure à tout individu qui remplit ses devoirs sociaux la protection
maximale possible. Il ne s’agit pas d’« assistance », comme
voudraient le faire croire tant de bons esprits, mais de réciprocité
normale entre la société et ses membres, réciprocité
absente jusqu’ici.
La société distributive sera, en quelque sorte, fondée
sur un contrat passé entre des citoyens réunis autour
d’un même projet assurer leur existence, et de la manière
la plus agréable.
Comme les autres, l’agriculteur recevra son revenu social augmentant
avec la production et plus encore, à partir d’un certain rendement,
avec la qualité. L’agriculture ne se bornera pas à remplir
les estomacs, mais deviendra un moyen fondamental de garantir la santé
de tous.
Moyennant une qualité suffisante, le paysan n’aura d’autre souci
que de produire : la collectivité assurera l’écoulement
sous la responsabilité d’autres personnes. Nous l’avons vu, chacun
devra être responsable de sa tâche, mais sans qu’elle le
submerge comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui dans le secteur
privé (paperasse, réglementations, débouchés,
etc.). Une fois l’Economie Distributive pleinement installée,
les prix ne serviront plus qu’à régler l’écoulement
de la production à une cadence régulière, en rapport
avec la masse des revenus sociaux, et non à rétribuer
les vendeurs. (Ils percevront aussi leur revenu social).
Nous espérons nous aussi en l’égalité économique.
Mais l’humanité ne l’obtiendra que lorsqu’elle la méritera.
D’ici là, un progrès énorme sera fait par la réduction
de l’éventail des revenus, abusifs chez nous. En attendant que
les mentalités soient prêtes à accepter sa disparition,
le seul argument en faveur d’une hiérarchie est le besoin que
l’on peut avoir de telle ou telle profession.
Dans ce cas, les avantages sociaux doivent servir uniquement à
orienter les travailleurs vers cette profession.
L’agriculture en fait partie comme secteur fondamental (nourriture et
santé). Il s’agit d’y ramener les effectifs nécessaires
pour développer et maintenir la qualité des produits,
et aussi pour humaniser le travail.
Nous l’avons mentionné dans les articles précédents
: on, ne peut assimiler le travail agricole à un autre. Le calendrier
est impératif. L’agriculteur peut - et doit - avoir des loisirs,
mais sur un rythme différent. Cela impose des compensations.
Quel sera, à ce stade, le régime de la propriété
? Nous ne pouvons le prévoir. La question prend moins d’importance
en Economie Distributive, capable de fonctionner avec un régime
de propriété privée par le biais de la monnaie.
Mais elle se règlera probablement toute seule, pour peu que la
tendance actuelle se prolonge.
D’abord, presque toute la terre de France est aux mains des banques,
en raison de l’endettement des agriculteurs. En second lieu, dans une
économie où l’on produit pour vendre, la propriété
des entreprises (agricoles ou non) finit par être partagée
avec les consommateurs. Surtout lorsque la vente devient de plus en
plus difficile. Même si cette propriété est très
diluée, le comportement de la clientèle peut signifier
la vie ou la mort de tout secteur économique.
Ajoutons à toutes ces causes l’aide de la collectivité
et nous comprendrons facilement le déclin de la propriété
individuelle (propriété des moyens de production, bien
sûr).
En favorisant, au départ, les initiatives des agriculteurs euxmêmes
(coopératives, G.A.E.C. (groupements agricoles d’exploitation
en commun), etc), on arrivera beaucoup plus facilement à des
solutions heureuses.
Pour l’organisation générale du travail, un agriculteur
nous propose la formule suivante : des fermes spécialisées,
pour éviter le surmenage, mais sans excès, à cause
des rotations et assolements nécessaires. Ces unités seraient
associées, par exemple, de la manière suivante :
- céréales ou céréales-élevage ;
- légumes ;
- fruits ou vignes.
Cet agriculteur n’envisageait pas forcément une Economie Distributive
mais l’idée nous paraît judicieuse. Une telle formule permet
l’échange de services et la fourniture de fumier.
Le même nous a exprimé ses doléances.
« Nous ne demandons rien d’autre que la parité avec l’industrie.
Je ne me plains pas de mon revenu. Mais divisé par le nombre
d’heures de travail, cela fait moins que le SMIC !
En pleine saison, je travaille souvent 10 heures par jour.
Si on ne veut pas augmenter les prix à la production, qu’an allège
au moins nos charges (détaxation du carburant à l’exemple
des Pays-Bas). Et avec ça, on voudrait que nous soyions ompétitifs !
Je n’ai pas de terre, je la loue.
Je n’ai pas envie de m’endetter et d’immobiliser du capital dans l’achat
d’une propriété ».
Cette opinion ne nous semble pas isolée.
(1) Un régime économique où l’on fait passer un bien (l’Abondance) pour un mal et un mal (la Rareté) pour un bien, ne peut être qualifié que de complètement faux. N’oublions pas que cela résulte de ses propres mécanismes puis que c’est la rareté qui fait le profit.
USÉS par l’effort, un million de salariés quémandent
un repos qu’ils ont mérité tandis que se multiplient les
cas sociaux pris en charge par un Budget qui n’en peut mais. Cependant,
Patronat et Gouvernement, relayés par les médias, respectueux
des équilibres financiers, disent et répètent qu’il
n’est pas possible de satisfaire de telles revendications qualifiées
de déraisonnables.
La question n’est pas de savoir si l’équilibre économique,
si la monnaie résisteraient à cette charge nouvelle. Une
semblable préoccupation ne recouvre jamais que des abstractions
financières faites de jongleries monétaires. Il s’agit
très simplement d’évaluer si trop d’emplois ne sont pas
gaspillés à des fins dénuées d’utilité
et, surtout, si le volume des approvisionnements susceptibles d’être
assurés par un nombre plus restreint de travailleurs peut se
maintenir à un niveau suffisant pour alimenter, à un taux
décent, les besoins des retraités et préretraités.
Les techniciens ont déjà répondu par l’affirmative
à cette dernière interrogation. Quelque dix milliards
d’heures sont, chaque année, gaspillées sans qu’il en
résulte un iota d’accroissement du produit national utile : multiplication
des commerces et des marques concurrentes se disputant les mêmes
clientèles, industrie publicitaire, échanges pour le profit,
productions pour le revenu, pour l’emploi, prolifération des
démarcheurs, temps et activités consacrés à
faire circuler l’argent, sans parler de l’abrègement des durées
d’usage, de la fabrication et du commerce des armes, des opérations
de prestige, de la bureaucratie et autres gaspillages.
Ainsi le travail de moins de dix millions d’individus, assurant par
roulement le plein emploi des équipements, devrait suffire à
approvisionner les besoins de nos compatriotes à leur taux actuel.
A elle seule, notre agriculture n’est-elle pas en mesure de nourrir
cent millions de consommateurs ? tandis que d’autres capacités
de production ne sont guère utilisées qu’à 60 ou
70 % de leur optimum technique ?
On stocke un peu partout. On recherche des débouchés jusqu’en
Chine. Les paysans détruisent périodiquement de grandes
quantités de denrées et se lamentent d’une abondance qui
les ruine. Le potentiel de production utile devrait donc permettre d’approvisionner,
dans l’immédiat et sans gêne pour autrui, les quelque 500
000 candidats à une retraite anticipée et de servir une
ration entière au reste des retraités. On ne discerne
là aucune impossibilité matérielle ni technique.
C’est notre système à monnaie transférable qui
interdit aux retraités et aux chômeurs de consommer ce
que le pays est en mesure de produire.
Alors si ce qui apparaît techniquement et matériellement
possible, ne peut l’être du point de vue financier par la faute
d’une règle du jeu évidemment absurde, force est de conclure
que le temps est venu d’accomplir une révolution économique.