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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 787 - mars 1981 > Mise en place d’une société nouvelle

 

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Questions agricoles

Mise en place d’une société nouvelle

par J. MESTRALLET
mars 1981

NOUS avons décrit précédemment les mesures de transition vers l’Economie Distributive ; - écoulement garanti des produits agricoles à un prix rémunérateur par une forte hausse du pouvoir d’achat des consommateurs les plus défavorisés, - financement de cette hausse par création monétaire.
Cela implique une longue stabilité des prix à la production une fois le relèvement effectué : relèvement indispensable pour que les agriculteurs ne se sentent plus assistés. En échange, la stabilité de leurs prix ne devrait pas être difficile à obtenir à partir du moment où la collectivité nationale cesse de récupérer ses dépenses par une augmentation des impôts.
On peut ajouter la prise en charge par l’Etat des retraites agricoles pour tous les paysans aux faibles revenus. Cette retraite, suffisamment élevée, remplacerait la maigre « Indemnité Viagère de Départ » (I.V.D.).
Que les retraités aient cotisé ou non, peu importe. Avoir travaillé dur toute sa vie est un argument suffisant. D’ailleurs, n’oublions pas que c’est la production elle-même qui garantit les retraites et non les cotisations. Comme elle garantit l’ensemble des revenus.
Or, son accroissement dépend de moins en moins du nombre d’actifs, ce que nos économistes se refusent à voir. Les mécanismes économiques (1) dissimulent cette réalité. Mieux que cela, en termes monétaires classiques, elle apparaît comme un appauvrissement, alors qu’il s’agit du contraire !
Nous ne pouvons dire combien de temps durera l’expansion monétaire chargée de préparer la voie à l’Economie Distributive pleine et entière. Les mentalités n’y semblent pas prêtes dans le monde agricole, qui craint de se voir « fonctionnarisé  ».
Il faut pourtant en finir avec l’opposition « fonctionnaire - travailleur indépendant ». Chacun dépend des autres et nous savons ce qu’est la liberté réelle des agriculteurs surmenés aujourd’hui. Bien sûr, ils n’ont aucune peine à se sentir plus responsables que beaucoup de salariés. Mais dans la mesure où ils tiennent à leur responsabilité, ils ne seront pas déçus. L’Economie Distributive reposera sur une société d’individus libres, conscients de leurs devoirs et responsables de leur tâche. Mieux : elle permettra l’existence d’une telle société.
Non seulement elle n’étouffera pas l’esprit d’initiative, mais celui- ci est indispensable au fonctionnement d’une société de ce genre. Sans précédent, car toutes les sociétés connues à ce jour sont des sociétés de coercition, ce qui explique leurs malheurs. Elles reposent toutes sur la domination de la majorité par une aristocratie.
Pour qu’une société fonctionne correctement, il faut qu’elle assure à tout individu qui remplit ses devoirs sociaux la protection maximale possible. Il ne s’agit pas d’« assistance », comme voudraient le faire croire tant de bons esprits, mais de réciprocité normale entre la société et ses membres, réciprocité absente jusqu’ici.
La société distributive sera, en quelque sorte, fondée sur un contrat passé entre des citoyens réunis autour d’un même projet assurer leur existence, et de la manière la plus agréable.
Comme les autres, l’agriculteur recevra son revenu social augmentant avec la production et plus encore, à partir d’un certain rendement, avec la qualité. L’agriculture ne se bornera pas à remplir les estomacs, mais deviendra un moyen fondamental de garantir la santé de tous.
Moyennant une qualité suffisante, le paysan n’aura d’autre souci que de produire : la collectivité assurera l’écoulement sous la responsabilité d’autres personnes. Nous l’avons vu, chacun devra être responsable de sa tâche, mais sans qu’elle le submerge comme c’est trop souvent le cas aujourd’hui dans le secteur privé (paperasse, réglementations, débouchés, etc.). Une fois l’Economie Distributive pleinement installée, les prix ne serviront plus qu’à régler l’écoulement de la production à une cadence régulière, en rapport avec la masse des revenus sociaux, et non à rétribuer les vendeurs. (Ils percevront aussi leur revenu social).
Nous espérons nous aussi en l’égalité économique. Mais l’humanité ne l’obtiendra que lorsqu’elle la méritera. D’ici là, un progrès énorme sera fait par la réduction de l’éventail des revenus, abusifs chez nous. En attendant que les mentalités soient prêtes à accepter sa disparition, le seul argument en faveur d’une hiérarchie est le besoin que l’on peut avoir de telle ou telle profession.
Dans ce cas, les avantages sociaux doivent servir uniquement à orienter les travailleurs vers cette profession.
L’agriculture en fait partie comme secteur fondamental (nourriture et santé). Il s’agit d’y ramener les effectifs nécessaires pour développer et maintenir la qualité des produits, et aussi pour humaniser le travail.
Nous l’avons mentionné dans les articles précédents  : on, ne peut assimiler le travail agricole à un autre. Le calendrier est impératif. L’agriculteur peut - et doit - avoir des loisirs, mais sur un rythme différent. Cela impose des compensations.
Quel sera, à ce stade, le régime de la propriété  ? Nous ne pouvons le prévoir. La question prend moins d’importance en Economie Distributive, capable de fonctionner avec un régime de propriété privée par le biais de la monnaie. Mais elle se règlera probablement toute seule, pour peu que la tendance actuelle se prolonge.
D’abord, presque toute la terre de France est aux mains des banques, en raison de l’endettement des agriculteurs. En second lieu, dans une économie où l’on produit pour vendre, la propriété des entreprises (agricoles ou non) finit par être partagée avec les consommateurs. Surtout lorsque la vente devient de plus en plus difficile. Même si cette propriété est très diluée, le comportement de la clientèle peut signifier la vie ou la mort de tout secteur économique.
Ajoutons à toutes ces causes l’aide de la collectivité et nous comprendrons facilement le déclin de la propriété individuelle (propriété des moyens de production, bien sûr).
En favorisant, au départ, les initiatives des agriculteurs euxmêmes (coopératives, G.A.E.C. (groupements agricoles d’exploitation en commun), etc), on arrivera beaucoup plus facilement à des solutions heureuses.
Pour l’organisation générale du travail, un agriculteur nous propose la formule suivante : des fermes spécialisées, pour éviter le surmenage, mais sans excès, à cause des rotations et assolements nécessaires. Ces unités seraient associées, par exemple, de la manière suivante :
- céréales ou céréales-élevage ;
- légumes ;
- fruits ou vignes.
Cet agriculteur n’envisageait pas forcément une Economie Distributive mais l’idée nous paraît judicieuse. Une telle formule permet l’échange de services et la fourniture de fumier.
Le même nous a exprimé ses doléances.
« Nous ne demandons rien d’autre que la parité avec l’industrie. Je ne me plains pas de mon revenu. Mais divisé par le nombre d’heures de travail, cela fait moins que le SMIC !
En pleine saison, je travaille souvent 10 heures par jour.
Si on ne veut pas augmenter les prix à la production, qu’an allège au moins nos charges (détaxation du carburant à l’exemple des Pays-Bas). Et avec ça, on voudrait que nous soyions ompétitifs !
Je n’ai pas de terre, je la loue.
Je n’ai pas envie de m’endetter et d’immobiliser du capital dans l’achat d’une propriété ».
Cette opinion ne nous semble pas isolée.

(1) Un régime économique où l’on fait passer un bien (l’Abondance) pour un mal et un mal (la Rareté) pour un bien, ne peut être qualifié que de complètement faux. N’oublions pas que cela résulte de ses propres mécanismes puis que c’est la rareté qui fait le profit.

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