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« La Grande Relève » offre à ses lecteurs,
en cadeau de Nouvel An, une présentation allégée,
rajeunie. Nous avons fait cet effort parce que, décidément,
« La Grande Relève » reste le plus solide moyen pour
nous faire comprendre. Certains d’entre nous caressaient le dessein
d’utiliser la période des élections présidentielles
pour mener une vaste campagne de propagande. Mais ce sont des centaines
de millions de francs dont il faudrait disposer. Une page de publicité
dans « le Monde », en rubrique économique, coûte,
73 000 F (plus de 7 millions de centimes) et pour une seule parution
!
Il faut donc concentrer nos efforts sur le journal, en élargir
l’audience par tous les moyens possibles. Et comme on nous a souvent
reproché d’avoir une présentation « rétro »,
et qu’en plus nous traitons un sujet « sérieux »,
« pas commercial », nous avons cherché
à attirer l’oeil et à le retenir. Il faut bien se rendre
à l’évidence qu’il ne suffit pas de proposer la solution
aux problèmes économiques et sociaux que tout le monde
cherche... Il faut, en plus, plaire !
En retour, nous espérons pouvoir compter sur nos abonnés
pour renouveler leurs efforts faire le siège non seulement de
leur entourage, mais aussi des points de vente. « La Grande
Relève » est vendue dans quelques kiosques de gares
parisiennes ou de grande correspondance, près de certains hôpitaux,
dans des villes d’eau. Mais nous pouvons augmenter le nombre des points
de vente si des lecteurs nous en proposent. Nous avons toujours des
tracts disponibles (les pages 2 et 16 en recto-verso) et nous projetons
d’en préparer d’autres. Enfin la réédition, augmentée
de chiffres récents, du livre de Jacques Duboin « Libération »
est en chantier. Et, sait-on jamais, l’année 1981 verra peut-être
le retour de « Kou l’ahuri »...(*)
*
Ce pauvre Kou, qui découvrait en 1934 un monde plongé
dans la misère, devant ces stocks de marchandises qu’on a fini
par détruire, faute de pouvoir les vendre ! Quel serait son ahurissement
de voir que près de cinquante ans n’ont pas permis à l’homme
de réagir devant de telles absurdités : on nous demande
de plus belle de nous serrer la ceinture, un nombre croissant de gens,
même en France, n’ont pas de quoi vivre, alors que les campagnes
se dépeuplent et que les paysans se plaignent de ne pouvoir vendre
leu ; s productions. Que dirait Kou en voyant les syndicats réclamer
le plein emploi, les patrons refuser la diminution des heures de travail
tandis qu’on prône la compétitivité et qu’on lance
pour cela la robotique ! Il aurait de quoi être encore plus ahuri
qu’autrefois s’il était mis au courant des faits les plus récents
en ce domaine : la General Electric, aux Etats-Unis, s’apprête
à lancer un programme complet d’automation qui pourra remplacer
la moitié environ des 37 000 travailleurs de ses chaînes
d’assemblages. Un nombre croissant de travailleurs qualifiés
va être remplacé par la technologie ; les plus récents
robots sont déjà contrôlés par ordinateurs
et dans les prochaines années, quand la nouvelle génération
de robots qui est en chantier sera réalisée, les meilleurs
appareils actuels apparaîtront comme des outils grossiers. Les
grandes sociétés d’électronique vont bouleverser
le marché des robots avec des engins d’assemblage capables de
« voir » et de « sentir » : les laboratoires
Draper ont créé une « main » de serrage capable
de mesurer les déplacements pendant une opération et sa
programmation lui permet de corriger la position d’un boulon qui aurait
été placé incorrectement. Une caméra de
télévision, faisant office « d’oeil » est
utilisée par Renault : elle est capable d’identifier chacune
des 200 pièces qui lui sont présentées au hasard
sur une chaîne. Le robot peut alors les atteindre, les saisir
séparément avant d’effectuer les opérations nécessaires.
La prochaine étape est celle des robots « pensants »
qui pourront prendre un nombre restreint de décisions. Ces robots,
doués d’autonomie, pourront distinguer les éléments
d’un ensemble mélangés dans un chariot, en examiner les
défauts, puis décider de les utiliser ou de les rejeter
suivant leur état. De telles analyses répétées
seront mises en mémoire par le robot qui pourra ainsi observer
le taux de reproduction d’un défaut. Et si ce taux venait à
dépasser une certaine norme, le robot n’aurait plus qu’à
signaler à son collègue robot de la production qu’il faut
intervenir à tel niveau de la pièce en question.
On est très loin des rêves d’économistes attardés
qui voyaient le développement de l’automatisation créateur
d’emplois... pour fabriquer les robots. Non seulement ils se fabriquent
déjà eux-mêmes, mais en plus ils se corrigent mutellement.
Et la robotique se développe, et à toute allure pour la
raison très simplement expliquée par le directeur de l’assemblage
de la société Loockheed en ces termes : « pour chaque
dollar que vous dépensez en robotique, vous épargnez en
fait trois dollars par an ».
*
Devant une perspective aussi prometteuse, comment des scientifiques, comment des chercheurs, qui côtoient chaque jour des moyens aussi révolutionnaires, peuvent-ils manquer d’imagination au point de traiter d’utopiste celui qui vient leur dire : l’ère du salariat s’éteint comme s’est éteinte auparavant l’ère des serfs et de l’esclavage !
* Livre publié par J.D. en 1934.
DEPUIS longtemps, les lecteurs de notre journal sont familiarisés
avec les néfastes répercussions de notre système
économique sur notre vie quotidienne.
Mais nous avons peut-être eu le tort de trop insister sur les
conséquences des pollutions sous toutes leurs formes : alimentation
frelatée et nuisances de toutes natures, qui pourraient facilement
être évitées dans une économie des Besoins
où l’élimination du souci du profit à tout prix
permettrait de prendre toutes les mesures utiles (et aussi possibles
que connues) pour concilier les nécessités de la production
avec les intérêts vitaux des individus.
Malheureusement les méfaits de la société mercantile vont encore beaucoup plus loin. Il est en effet loisible à des interlocuteurs partiaux de prétendre que les atteintes à notre environnement sont l’inévitable contre-partie de la production de masse, dont nous bénéficions par ailleurs, et qu’après tout, mieux vaut par exemple une alimentation industrielle de mauvaise qualité qu’une famine soi-disant inévitable avec des méthodes agricoles traditionnelles.
Des petites escroqueries...
Or la meilleure preuve qu’une telle argumentation est totalement fallacieuse,
c’est que ce même culte du profit incite les producteurs non seulement
à limiter au strict minimum les mesures de sécurité
ou de lutte contre la pollution, mais aussi à saboter délibérément
la qualité des produits offerts, de manière à rendre
inévitable leur renouvellement.
Des exemples ? Il en existe à la pelle et depuis bien des décennies
nous avons dénoncé dans ces colonnes les petits scandales
des ampoules électriques ou des lames de rasoir. Et chacun de
vous, j’en suis convaincu, a eu mille occasions de pester contre les
prises électriques moulées non réparables, contre
la disparition des pièces détachées concernant
la plupart de nos appareils électro-ménagers ou radiophoniques,
dont les modèles se succèdent à une cadence accélérée
à seules fins de rendre inévitables les mises à
la poubelle.
Le numéro 154 de septembre 1980 de « Que choisir »,
la publication mensuelle de l’Union fédérale des consommateurs,
nous révèle (après bien d’autre) deux nouveaux
exemples de ces pratiques aussi éhontées que courantes.
Le premier concerne la durée d’utilisation des crayons à
bille qui a été systématiquement réduite
de moitié : en 1976 en effet, un crayon à bille couvrait
2 750 mètres d’écriture ; en 1980 il s’arrête à
1 490 mètres.
Le second, beaucoup plus grave concerne la composition des encres utilisées
pour les crayons feutres et les marqueurs. Après analyse il est
apparu que ces encres comportent de hautes doses de produits toxiques
comme le méthyglycol, l’éthylino-glycol et le xylène.
Les enfants, qui utilisent ces marqueurs par prédilection, sont
donc exposés à ce que leurs yeux, leurs voies respiratoires,
leur peau et leurs muqueuses souffrent gravement d’un contact prolongé
avec ces substances, classées comme nocives et irritantes par
l’Institut national de la recherche et de la sécurité,
et par le Conseil de l’Europe. Et tout ceci en dépit des mentions
« NON TOXIQUE » apposées ici et là avec un
cynisme déconcertant...
...aux crimes odieux
Ainsi mises le dos au mur, les bonnes âmes dévouées
à la défense des économies de marché vous
rétorqueront peut-être avec un sourire désarmant
que tout ceci ne va finalement pas très loin et qu’il est bien
normal de consentir quelques sacrifices pour la sauvegarde du plein
emploi (sic...).
Hélas, si la société mercantile multiplie ainsi
les petites escroqueries, cela ne l’empêche nullement d’accumuler
également les atteintes directes à la vie des hommes.
Rappelez-vous ce que nous avons déjà écrit au sujet
des marées noires ou des suppressions de gardiennage de passages
à niveau : lorsqu’une étude de rentabilité révèle
que le montant financier des risques de pertes de vies humaines est
moins élevé que celui des mesures à prendre pour
les éviter, ces risques sont délibérément
acceptés... Un nouvel et accablant exemple de ces agissements
absolument criminels vient de nous être fourni par le tragique
tremblement de terre d’El Asnam d’octobre 1980 et ses dizaines de milliers
de victimes. Ce n’est pas « La Grande Relève », mais
« le Figaro », qui dénonce l’absurdité de
la réédification de la cité sur les lieux mêmes
du sinistre de 1954, et surtout le rejet volontaire des techniques pourtant
bien au point de construction des immeubles dans les zones menacées
par des secousses sismiques. Pourquoi ce rejet ? Parce que, nous dit
« le Figaro », l’utilisation de ces techniques était
onéreuse, et tout à fait contraire aux intérêts
des promoteurs qui ont préféré construire encore
plus haut !! Et tout ceci en dépit des avertissements les plus
catégoriques d o n n é s en temps utile par les meilleurs
sismologues de notre époque. Dans ce même « Figaro
», nous lisons aussi que les Etats-Unis ont mis au point des appareils
capables de mesurer la tension des sols et de prévoir ainsi les
tremblements de terre avec une précision très satisfaisante.
Malheureusement, ajoute ingénument ce journal, ces appareils
coûtent si cher que leur utilisation généralisée
n’est même pas envisageable...
Construire
plutôt que détruire
Comment l’opinion publique d’un pays qui se veut évolué
et démocratique peut-elle accepter sans broncher de tels défis
au plus élémentaire bon sens ? Et comment ceux de nos
compatriotes qui en prennent conscience n’auraient-il pas parfois, surtout
s’ils sont jeunes, la tentation de tout casser ? Mais pour reconstruire
quoi ?
Il est bien certain que pour l’observateur impartial non encore abruti
par le gavage orthodoxe, l’impression dominante est d’être enfermé
dans une véritable prison sur les murs de laquelle viennent se
briser les tentatives les plus louables dans leurs intentions. Entre
la prétendue inflation et le trop réel chômage,
les soi-disant solutions apparaissent si contradictoires entre elles
que nos dirigeants donnent l’impression de vouloir résoudre la
quadrature du cercle. Et lorsqu’au moment précis où le
8e Plan prévoit officiellement plus de 2 millions de chômeurs
dans les prochaines années, un Alfred SAUVY consacre un livre
entier à nous expliquer que le progrès technique, l’informatique,
et la bureaucratique, vont créer plus d’emplois qu’ils n’en supprimeront,
il y a évidemment de quoi se dire que dans un tel monde de fous
il n’y a plus rien à perdre.
Pourtant, mettre le feu à une prison n’a de justification que
s’il est impossible d’en ouvrir tout simplement les portes avec une
clef. Or voici presque un demi- siècle qu’une clef nous a été
tendue par Jacques DUBOIN pour nous évader du système
infernal au sein duquel nous demeurons enfermés par ignorance
ou par sottise. Franchissons la première enceinte en dissociant
au moyen du Revenu social le pouvoir d’achat du nombre d’heures de travail
fournies. Puis le plus vite possible ouvrons la seconde et dernière
porte en redonnant à l’Argent, par la réforme monétaire,
le caractère qu’il n’aurait jamais dû perdre, à
savoir celui d’une simple unité de mesure de valeur, et de répartition,
des biens de consommation. Et nous voici dehors, face à toutes
nos difficultés, à tous nos problèmes, et Dieu
sait qu’ils n’auront pas été pour autant effacés
d’un coup de baguette magique. Mais nous voici libres enfin d’assumer
notre destin et de lutter pour bâtir un avenir qui ne soit plus
un désespérant abandon !
Aurons-nous assez de lucidité et de courage pour saisir cette clef et nous en servir avant de sombrer dans l’effarant cataclysme dont tous les signes avant- coureurs barrent aujourd’hui notre horizon ? C’est en tout cas le moment, pour tous nos amis, de ne pas manquer les occasions offertes par l’élection présidentielle ; car les Jeanne d’Arc (1) qui vont prétendre sauver la France ne nous proposeront pas l’Economie des Besoins si elle ne leur est pas vigoureusement réclamée. Et cela n’est pas l’affaire des autres, mais celle de chacun de nous.
(1) Cet article a été rédigé avant le dépôt de la candidature de Mme Marie- France GARRAUD.
QUELLE situation cruelle que celle du naufragé sur son radeau
entouré de l’immensité liquide mais sans une seule goutte
à boire. Toutes proportions gardées certains pays des
Caraïbes et de la Corne de l’Afrique subissent le même supplice.
Situés au bord de l’océan ils sont régulièrement
victimes de la sécheresse.
Pour y remédier, quelques-uns, plus riches, font venir de l’eau
douce dans les besoins extrêmes au prix de 56 francs le mètre
cube. C’est encore moins cher que la bouteille d’Evian vendue dans les
gares, mais tout de même. C’est en songeant à ces pays,
et à d’autres, que des chercheurs de l’Université de Delaware
ont mis au point une machine ingénieuse qui transforme l’eau
de mer en eau pure et douce.
Le Delbuoy est un ensemble formé d’une bouée et d’une
pompe qui utilise la force des vagues pour faire passer sous pression
l’eau de mer à travers un filtre spécial constitué
d’une membrane qui sépare le sel de l’eau. L’opération
élimine également toutes les impuretés, y compris
les polluants chimiques. L’eau douce obtenue peut être acheminée
à terre au moyen de tubes plastiques, par exemple, et consommée
sans problème puisqu’elle répond aux normes les plus exigeantes.
La houle de la mer agite la bouée qui, à son tour, met
en mouvement la pompe submergée. L’eau passe alors à travers
le filtre sous une pression de 56 kilos au centimètre carré.
La production ? Entre 5 et 6 mètres cubes par jour. Bien sûr,
deux questions viennent à l’esprit. Que se passe-t-il si la mer
est calme ? Evidemment pas grand chose. Mais ces machines pourraient
être installées dans les régions parcourues par
les vents alizés, soit une zone qui va en gros du 30e degré
nord de latitude au 30e degré sud. Or les alizés soufflent
presque constamment.
Deuxième question : comment augmenter la production pour satisfaire
les besoins d’une population côtière ? On peut multiplier
ces machines peu coûteuses et économiques le mètre
cube produit ne revient qu’à un peu plus de deux francs) et réserver
le précieux liquide obtenu à des usages prioritaires comme
la boisson ou l’irrigation au goutte à goutte. Pas question de
s’en servir pour laver les voitures.
L’entretien de ces machines est, nous dit-on, d’une grande simplicité
et les gens du cru ne devraient avoir aucun mal à s’en occuper,
même s’ils n’ont pas reçu de formation technique. Ils pourraient
même fabriquer la bouée avec des matériaux locaux
bon marché comme le bambou. Seule la pompe devra être fournie
par des industriels.
Les chercheurs ont même envisagé le cas où la mer
viendrait à se déchaîner, mettant l’installation
en danger. Ils ont prévu de relier la pompe à la bouée
au moyen d’un chaînon faible qui, si les forces auxquelles est
soumis l’engin deviennent considérables, se rompra, sacrifiant
la bouée mais protégeant la pompe qui tombera au fond
de l’eau où on pourra ensuite la récupérer. Tout
le monde avait compris qu’il ne s’était jamais agi d’installer
ces machines, ne serait-ce que parce qu’elles doivent être constamment
reliées à la terre, à des distances considérables
des côtes.
Emportés par leur élan, les chercheurs ont même
pensé que leurs pompes pourraient, si on le voulait, fournir,
non pas de l’eau douce, mais de l’eau de mer sous pression susceptible
d’alimenter un compresseur et, pourquoi pas, produire du froid et permettre
de conserver des aliments. Ils ont calculé qu’avec une seule
machine on arriverait à conserver environ trois tonnes de poisson.
Souhaitons que ces travaux sortent rapidement du laboratoire pour entrer
au stade de l’expérimentation en milieu réel avant la
production commerciale.
En offrant à des populations isolées dans des îles,
par exemple, ce dont elles ont le plus besoin, avant même l’énergie,
c’està-dire l’eau douce, les chercheurs de l’Université
du Delaware ont bien mérité. Mais qui va payer la facture
? Ces bouées représentent-elles un marché suffisant
pour que des producteurs s’y intéressent ? Il est indiscutablement
des cas où une volonté doit se substituer au profit. Ces
cas sont légion.
« Le combat contre l’inflation doit se mener en veillant à ce que la demande globale ne croisse pas plus vite que la production ». C’est une déclaration percutante (une de plus) de R. Barre, qui voudrait nous faire croire que « s’il y a inflation, c’est qu’il y a trop d’argent pour trop peu de marchandises ».
*
Même son de cloche (c’est le cas de le dire !) chez J. Meo, économiste en chef du R.P.R. qui, critiquant la « croissance douce » prônée par le Président de la République et « l’austérité en pente douce » pratiquée par le Premier ministre. écrit dans un article intitulé « Le Défi Français » (« Le Monde » du 22-11-1980) : cette politique « conduit au sous-emploi, à la hausse des prix par la rareté, au blocage du niveau de vie ». Il est vrai que R. Barre a traité J. Méo de « muscadin de l’économie ». Ils disent pourtant bien la même chose tous les deux ! Barre est donc un autre muscadin de l’économie.
*
C’est encore l’inénarrable Debré, qui, évoquant
la situation en Pologne, a souhaité que la France aide ce pays
financièrement et alimentairement. Pour cela il a proposé
d’instaurer « un jour sans viande pour la Pologne », car
les quantités ainsi dégagées de la consommation
française pourront être acheminées vers la Pologne.
Barre, Méo, Debré sont des « paléo - économistes
» qui se croient encore à la fin du 19e siècle.
Ils ne se sont pas encore aperçu que le problème auquel
se trouvent confrontées les économies occidentales, ça
n’est pas produire mais vendre ; ce n’est pas la rareté mais
au contraire l’abondance !
*
Les conneries économiques ne sont d’ailleurs pas l’apanage de
la droite qui nous gouverne. C’est ainsi qu’on a pu voir lors du Colloque
« Economie et Santé » (21-22 novembre 1980), M. Delors,
économiste du P.S., approuver la déclaration suivante
: « Il faut enfin pour l’assurance-chômage faire appel à
la solidarité en demandant aux fonctionnaires de verser une cotisation
». Pourquoi ne pas demander aussi aux retraités de verser
leur obole à ladite assurance ?
Au cours du même colloque on a aussi parlé « du rôle
positif des dépenses de santé, créateur d’emplois
et de technologies nouvelles ».
Et dire qu’il y en a encore qui pensent que « du moment qu’on
a la santé... ».
Ce sont de mauvais citoyens qui ne veulent pas développer l’emploi
!
*
Malgré ses richesses pétrolières, la Grande-Bretagne
est le pays industrialisé le plus éprouvé par la
récession. (Ça prouve au moins que la récession
n’est pas toujours due au pétrole !). Entre septembre 1979 et
septembre 1980, la production industrielle a baissé de 11,4 %,
le chômage atteint le niveau de celui des années 30 (2,1
millions de sans-emploi, soit 60 % de plus en un an) et on prévoit
entre 3 et 3,2 millions de chômeurs d’ici un an ; le déficit
budgétaire est de 11,5 milliards de livres. Et il n’y a que 18
mois que Margaret Thatcher est au pouvoir. Bravo, c’est un beau résultat.
Rappelons que Mrs Thatcher est une grande admiratrice de Milton Friedman,
le monétariste bien connu, conseiller de Pinochet et du gouvernement
israélien (en Israël, l’inflation atteint facilement 100%
par an). Mais consolons-nous, depuis qu’elle préside aux destinées
du Royaume Uni, Mrs Thatcher a fait considérablement remonter
la livré Sterling, qui vaut maintenant plus de 10 francs.
*
Il y a quand même des gens qui se posent des questions. Ainsi
Jean-François Kahn, qui dans « Les Nouvelles Littéraires
» du 4 décembre 1980 s’inquiète « du silence
des analystes » : Rappelant la faillite du système léniniste,
l’échec des solutions de type social-démocrate classiques,
illustré par les défaites électorales des socialistes
suédois ou des travaillistes britanniques, et le naufrage des
solutions néo-libérales en Grande-Bretagne, en Israël
et en France, J.-F. Kahn s’étonne que « nos brillants analystes
restent muets » et se demande pourquoi. Il écrit : «
Redouterait-on de reconnaître qu’aujourd’hui il n’y a plus d’idéologie
classique capable de résister à l’épreuve des faits
et qu’il est temps d’inventer quelque chose de totalement neuf ? ».
J.-F. Kahn ne doit pas connaître l’économie distributive...
*
A Valognes (Manche), V.G.E. a déclaré le 5-12-1980 :
« Il faut conserver ce qui peut être conservé ; il
faut changer tout ce qui doit être changé ».
Faut avoir fait l’E.N.A. pour dire des choses aussi profondes.
Il est vrai qu’entre deux volées de pommes à cidre, V.G.E.
a précisé : « Il faut conserver tout ce qui fait
la force de la France : ses institutions, sa vigoureuse cellule familiale,
son attachement à la terre, mais aussi sa culture, son respect
pour l’intelligence et pour la science, la capacité de travail
de ses ouvriers et son attachement inébranlable à la liberté.
» Plus brièvement on dit : « Travail, Famille, Patrie
».
Décidément, V.G.E. est un homme du passé !
Jean-Pierre MON
Dans le cadre de la campagne proposée par notre camarade de Pagney (voir G.R. n° 783) nous vous suggérons d’adresser la lettre ci- dessous à M. Georges Marchais, Secrétaire du P.C.F., place du Colonel Fabien, 75019 PARIS, et à tous les militants communistes que vous pourriez connaître.
Monsieur le Secrétaire Général,
C’est avec le plus grand intérêt que j’ai pris connaissance
de votre « Plan de lutte contre la crise, pour le changement »
dont je ne puis que reconnaître la grande générosité.
Je crains cependant que les cent trente et une mesures que vous préconisez
pour atteindre les quatre objectifs que vous vous êtes fixés
(des emplois pour tous, un travail humain, une vie libre et responsable
dans une société fraternelle, une société
pour la jeunesse) ne soient pour la plupart illusoires... à moins
que vous n’ayez cédé à une certaine démagogie
électorale.
Avant d’examiner les principales de ces mesures, je voudrais revenir
rapidement sur un de vos objectifs, le premier : vous voulez des emplois
pour tous mais vous savez très bien que le progrès technique
(dont vous êtes un chaud partisan, si j’en crois ce que vous écrivez
sous le titre « Je combats pour la Science » dans «
l’impulsion » de décembre 1980) supprime un nombre croissant
d’emplois dans l’industrie et bientôt aussi dans le secteur des
services. Pour atteindre votre objectif, vous proposez la création
chaque année de 500 000 emplois supplémentaires, la réduction
de la durée du travail et l’octroi d’une cinquième semaine
de congés payés.
Mais ne craignez-vous pas que ces mesures n’empêchent les entreprises
de réaliser les profits que vous souhaitez qu’elles fassent «
dans l’intérêt de la société socialiste »
et êtes-vous bien sûr aussi que la « personnalité
s’épanouisse dans le plein emploi » ?
Ne croyez-vous pas, qu’au lieu de réclamer le plein emploi, il
serait plus réaliste d’exiger un revenu garanti pour tous, travailleurs
ou non, le travail, corvée nécessaire au bon fonctionnement
et à la prospérité de la société,
étant effectué à tour de rôle par chacun,
selon ses capacités ,sous la forme d’un service national dont
la durée irait diminuant au fur et à mesure que se moderniserait
« l’outil de travail » ?
Vous proposez, pêle-mêle, d’augmenter fortement l’impôt
sur les revenus, de porter immédiatement le S.M.I.C. à
3 300 francs par mois, d’augmenter les prix à la production des
produits agricoles, de défendre le franc, de combattre l’inflation
et de nationaliser vingt-trois groupes industriels. Vous ne me ferez
pas croire que vous ne percevez pas l’inanité, voire les antinomies
de ces mesures, qui provoqueraient sans nul doute la fuite et la dissimulation
des revenus et des capitaux, des faillites innombrables de petites entreprises
et l’inflation que vous voulez combattre.
Appliquer ces mesures en conservant des structures qui resteraient capitalistes
(d’Etat) et les règles monétaires actuelles condamnerait
le pays à subir le sort du Chili d’Allende ou celui plus récent
et moins voyant de la Jamaïque. Car, et vous le savez bien, les
grands intérêts financiers privés, les multinationales
dont vous dénoncez si souvent le pouvoir, savent organiser leur
défense en bloquant les approvisionnements extérieurs,
en empêchant les ventes à l’étranger, en provoquant
des grèves et des sabotages...
Non monsieur Marchais, ce n’est pas avec les mesures que vous proposez
que vous pourrez atteindre les objectifs généreux que
vous vous êtes fixés.
Vous n’y parviendrez que si vous changez totalement les règles
du jeu monétaire, c’est-à-dire si vous remplacez la monnaie
telle que nous la connaissons, thésaurisable, par une monnaie
de consommation, annulée dès qu’elle a été
utilisée, comme un vulgaire ticket de métro.
Vous ôterez ainsi tout pouvoir aux affairistes et aux financiers,
vous pourrez « casser le pouvoir de l’argent ». En associant
cette monnaie de consommation à un revenu garanti pour tous,
vous résoudrez d’un seul coup les problèmes d’impôts
(devenus inutiles) , de nationalisation (puisque tous les personnels
directeurs et administrateurs de société deviennent des
salariés) , d’inflation (puisque la monnaie n’est créée
qu’en fonction de la production disponible) et bien sûr, d’emplois.
Je me permets encore de vous demander comment vous conciliez votre souhait
que la France dispose d’un armement nucléaire efficace et opérationnel
avec votre désir de stopper la recherche et la production de
nouvelles armes dont la bombe à neutrons ? Je ne vous ferai cependant
pas l’injure de penser que vous défendez la production des armements
pour sauvegarder l’emploi.
Si comme je le crois néanmoins, vous souhaitez sincèrement
l’avènement d’une société véritablement
socialiste, vous vous devez, M. Marchais, de proposer des mesures qui
sortent enfin des sentiers battus d’une époque révolue
: faites campagne pour UN REVENU GARANTI pour tous et pour UNE MONNAIE
DE CONSOMMATION.
Soit dit en passant
L’auteur de « Sortir de la pagaille », notre ami Maurice
Laudrain, n’avait pas lu « La 3e Vague » de l’Américain
Alvin Toffler, dont on parle beaucoup en ce moment, quand il écrivait
son bouquin. Ou alors il pensait à autre chose. Sinon il aurait
renoncé à l’écrire. A quoi bon ? On n’a plus besoin
de lui pour en sortir, maintenant. Il y a du nouveau. Même le
professeur Barre peut aller se rhabiller. Il suffit d’un peu de patience.
C’est tout simple, mais il fallait y penser. La nouvelle qui noue arrive,
portée par la troisième vague, dispensera désormais,
s’ils ne sont pas trop pressés, tous les sauveurs suprêmes
qui se bousculent déjà au portillon derrière Coluche
et qui en sont restés en matière économique à
Ricardo, J.-B. Say, Keynes, voire à Alfred Sauvy que j’allais
oublier, d’élaborer au prix d’interminables nuits blanches quelques-uns
des chefs-d’oeuvre du génie humain appelés plans de redressement,
avec lutte contre l’inflation et le chômage et label de garantie,
et qui vont finir généralement dans les corbeilles de
Matignon, sous formes de cocotes en papier.
Donc, selon le futurologue Alvin Toffler, il y a de l’espoir. On en
sortira. Et tout seuls. Je veux dire sans demander la recette à
M. Raymond Barre ou à ses pareils. Dans cet important ouvrage
« La 3e Vague », abondamment documenté et dont je
recommande la lecture, l’auteur analyse la crise que traverse le monde
moderne et qui fait suite à la révolution industrielle,
tandis que commence un nouveau bouleversement avec l’arrivée
en force (le l’électronique.
Je déplore pourtant que tout au long de ces 500 pages passionnantes
qui nous font entrevoir un avenir plus radieux que nous le laisse espérer
le spectacle de ce XXe siècle finissant incapable de s’adapter
aux foudroyants progrès des sciences et des techniques, je déplore
qu’Alvin Toffler n’ait pas fait la moindre mention en passant à
l’Economie Distributive. Pourquoi « l’Utopie » de Jacques
Duboin n’aurait-elle pas sa petite place dans la « Sociologie
du Futur » ? Ça ferait pourtant gagner du temps. Oui, pourquoi
? Je vais vous le dire : parce que les grosses têtes qui mènent
le monde - mais le mènent où. ? - et gouvernent au pifomètre
dans la tempête entre Charybde et Scylla, je veux dire entre l’inflation
et le chômage, avec des millions de demandeurs d’emploi et des
tonnes de marchandises « excédentaires » fabriquées
par des robots, ne connaissent pas de système économique
régi autrement que par la loi sacrosainte du marché. C’est
ce qu’on leur a enseigné à Sciences Po.
En attendant, la pagaille généralisée, qui sévit
depuis plusieurs lustres sur notre charmante planète de plus
en plus déboussolée, ne semble pas troubler le sommeil
d’Avin Toffler. La terre continue de tourner. Plutôt mal. Mais
elle tourne, comme disait déjà Galilée. Dans les
pays sous-développés où règne une effrayante
misère on continue à crever de faim, mais aussi à
acheter des armes. Parce qu’il est plus facile de se procurer des armes,
même hors de prix, pour s’entretuer, que des vivres de première
nécessité pour ne pas mourir. Allez savoir pourquoi. Et
dans les pays civilisés où triomphe l’abondance on continue
à déverser des choux-fleurs sur les routes et à
fabriqaer des armes de guerre. Parce qu’il est plus facile de vendre
des mitrailleuses ou des bainbordiers lourds, que du lait en poudre
et du cassoulet en boîtes. Mais là. on sait pourquoi.
Tout cela n’empêche pas le futurologue Alvin Toffler de faire de beaux rêves. Selon lui tout va s’arranger. Comment ? Par l’action combinée « du hasard et de la nécessité » empruntée à Jacques Monod. Faisant état des travaux du savant Prigogine, né à Moscou mais devenu Bruxellois, il nous décrit la manière dont les termites édifient leurs nids. On voit d’abord ces bestioles aller et venir de la façon la plus désordonnée, déposer ça et là, comme un chien fait sa crotte, un bout de mucus, au petit bonheur la chance, sans plan préétabli ni la moindre idée directrice. Ils se baladent dans tous les sens, à gauche, à droite, en zig-zag. Peu à peu ça pousse, ça monte, ça s’agglutine et, si le hasard le veut, si la nécessité s’y prête et si le vent souffle du bon côté, ça prend forme, on se demande comment, et ça devient - miracle - cette architecture complexe qui fait l’admiration des connaisseurs : une termitière.
Alors, pourquoi se casser la tête ? Faisons comme les termites, ne cherchons pas à être plus malins, il suffit d’attendre. Chez nous, en France, on a déjà construit le Centre Pompidou et les abattoirs de la Villette en appliquant, sans le savoir, - comme M. Jourdain faisait de la prose - la méthode des termites. On est dans une belle pagaille, c’est vrai. Mais le plus dur est fait. Ne cherchons pas à en sortir par les moyens classiques qui ont d’ailleurs tous échoué jusqu’ici, restonsy. Grâce à l’action combinée du hasard et de la nécessité on en sortira.
Mais ne me demandez pas dans quel état.
Dès 1941, les stratèges financiers américains ont commencé à préparer la réorganisation de l’économie industrielle mondiale de l’après- guerre sur (les bases extrêmement favorables aux Etats-Unis. Leurs plans se sont concrétisés en 1944 à Bretton Woods par la création du Fonds Monétaire International (F.M.I.) et de la Banque Mondiale (B.M.). Le dispositif a été complété un peu plus tard par la signature des accords « G.A.T.T. » (Général Agreement on Traffic and Tade). Quels étaient les rôles ou les fonctions de ces organismes ou accords ?
- Toutes les nations membres du FM.I. (44 à Bretton Woods) (levaient accrocher leur monnaie au dollar américain ou à l’or (dont les Etats-Unis détenaient à l’époque 72 % des réserves mondiales). Cela permettait en fait au F.M.I. de fixer les taux de change des monnaies des puissances adhérentes.
- Créée en principe pour fournir aux pays d’Europe les fonds nécessaires à leur reconstruction, la Banque Mondiale s’est progressivement mise à accorder des prêts aux nations non industrialisées pour aménager leur infrastructure (ports, routes, ...) de façon à faciliter l’exportation des matières premières vers les pays industrialisés.
- Le but officiel des accords G.A.T.T. était de « libéraliser » les échanges commerciaux entre nations. En fait, ils permettent essentiellement de rendre plus malaisée pour les pays les plus pauvres la protection de leur industrie naissante.
Bien entendu, les trois systèmes ne fonctionnent pas indépendamment les uns des autres : c’est pourquoi il est interdit à la Banque Mondiale d’accorder (les prêts à tout pays non affilié au F.M.I. ou ne souscrivant pas aux accords G.A.T.T.
On peut constater que le dispositif mis en place a bien joué
son rôle pour le plus grand profit des multinationales. Et malheur
aux récalcitrants !
Un nouvel exemple (le « mise au pas » vient de nous être
donné par les élections jamaïcaines (lu 30 octobre
dernier, où le Parti National Populaire (P.N.P.) au pouvoir depuis
1972, vient d’être balayé « démocratiquement
» par une vague (le mécontentement dont l’ampleur a finalement
surpris les jamaïcains eux-mêmes. Que s’est-il donc passé
?
L’envoyé spécial du « Monde » à la
Jamaïque décrivait ainsi la situation peu avant les élections :
« Elu premier ministre en 1972, réélu en 1976, M.
Michaël Manley, président du People National Party (P.N.P.)
a engagé son pays dans la voie du « socialisme démocratique
». Les réalisations sociales de son gouvernement sont incontestables
: réduction de moitié de la mortalité infantile,
éducation gratuite, alphabétisation des adultes, établissement
d’un salaire minimum, égalité de traitements pour les
femmes, mise en place de conseils de communautés permettant aux
citoyens de participer directement aux décisions affectant leur
vie quotidienne.
« Mais M. Manley s’est fait des ennemis. Une réforme agraire
pourtant timide a fait peur aux grands propriétaires terriens.
Le renforcement du contrôle de l’Etat sur les échanges
internationaux a aliéné les industriels qui n’investissent
plus depuis 1975. L’augmentation des taxes sur la bauxite et l’alumine,
la création d’une association internationale des producteurs
de bauxite, dont le siège est à Kingston, ont poussé
les multinationales implantées à la Jamaïque à
baisser la production ici, quitte à l’augmenter dans d’autres
pays du monde. Enfin, les prises de positions en faveur d’un nouvel
ordre économique international où l’admiration pour M.
Fidel Castro, dont M. Manley fait publiquement état, ont braqué
contre lui un nombre considérable de personnes, aussi bien à
l’intérieur qu’à l’étranger.
« La situation économique se résume en deux chiffres
: le produit national brut par tête a diminué de 25 % en
sept ans ; le chômage se situe aux environs de 35 % ».
Comment en est-on arrivé là ?
La Jamaïque est obligée d’importer 70 % de sa nourriture,
notamment à cause des structures et des habitudes alimentaires
héritées de l’époque coloniale. Elle avait besoin
d’emprunter pour financer ses importations. C’était donc une
proie facile pour les Etats-Unis.
« En 1974, le gouvernement de M. Manley obtenait du F.M.I. un
premier droit de tirages au titre des financements compensatoires, qui
devait être suivi de nouveaux prêts, en 1976 et en 1977.
En 1978, il impose une série de dévaluations qui finiront
par atteindre 50 %, le gel des salaires, la diminution des dépenses
publiques et la mise en place des conditions redonnant au secteur privé
un rôle dominant. Le gouvernement de M. Manley décide d’accepter
les conditions du F.M.I., en échange de quoi il devait recevoir
une aide qui aurait pu s’élever à 429 millions de dollars.
« En décembre 1979, la Jamaïque n’ayant pas rempli
une des conditions concernant ses réserves et devises, l’organisme
international impose de nouvelles mesures, notamment une diminution
des dépenses publiques devant entraîner le licenciement
de près de 20 des fonctionnaires. Le gouvernement refuse puis
convoque des élections anticipées pour donner au pays
l’occasion de décider du chemin à suivre ».
Comme l’explique M. N. Girvan, ancien directeur de l’Agence Nationale de Planification
« Accepter les conditions du F.M.I., c’était mettre un terme au processus de réformes engagées et, par là, nous discréditer. Nous ne pouvions pas accepter des mesures renforçant le secteur privé, c’est-àdire ceux-là mêmes qui s’opposent à toute modification de l’ordre social existant. »
Les Jamaïcains n’ont pas compris et c’est désormais un
homme à la solde des Etats-Unis, M. E. Seaga, qui gouverne le
pays. Avant même sa victoire, M. Seaga était assuré
de pouvoir obtenir un crédit de 300 millions de dollars du secteur
privé américain et les banques américaines avaient
fait savoir que la Jamaïque pourrait bénéficier d’une
aide accrue s’il l’emportait.
Le nouveau gouvernement va ainsi pouvoir ouvrir dans des conditions
très favorables les négociations sur sa dette extérieure
qui s’élève à 1 milliard de dollars. Les Etats-Unis
peuvent maintenant relancer la mise en place du « Caricom »,
le marché commun des Caraïbes...
Tout le monde vous dira, j’en suis sûr, que le peuple jamaïcain
a choisi souverainement et démocratiquement son nouveau gouvernement
et que les Etats-Unis sont restés neutres.
C’est un exemple à méditer.
Chassés du secteur primaire (agriculture) et du secondaire (industrie) par les progrès de la science et des techniques permettant de remplacer les hommes par des machines de plus en plus perfectionnées, bon nombre de nos concitoyens, hommes et femmes, ont cru pouvoir se réfugier dans le secteur tertiaire (activités de bureau, banques, assurances, etc...) .
C’était sans compter sur l’avènement de l’informatique et de la télématique qui progressent à pas de géant et qui s’introduisent dans les secteurs les plus reculés des activités professionnelles.
A ce sujet, vous trouverez ci- dessous les constatations auxquelles se livre René Wormser dans la revue « Choisir », sous la forme d’une étude intitulée « La société informatisée et les femmes ». (Nous pensons que ces constatations s’appliquent aussi bien aux hommes qu’aux femmes).
Nous publions quelques extraits de cette étude dont le sous-titre est : « Effets et conséquences de la télématique au niveau de l’emploi » :
... Il est évident que l’informatisation des sociétés
apportera un gain considérable de productivité, mais il
faut compter sur une aggravation du chômage, surtout dans le secteur
des services :
BANQUES : l’économie d’emploi pourrait tendre jusqu’à
30% dans les 10 années à venir.
ASSURANCES : même proportion envisagée.
SECURITE SOCIALE : mouvement moins rapide, mais poussé par la
nécessité de réduire les coûts de cette administration.
POSTE : le trafic interne des administrations et entreprises s’effilochera
avec le développement de la télécopie et de la
téléimpression. Or ce trafic représente 60 % du
courrier actuel.
ACTIVITES DE BUREAU : énorme secteur diffus dans l’ensemble de
l’économie, constitué de 800 000 secrétaires parmi
les 2 millions de l’ensemble des agents de bureau. L’informatisation
va peser sur les effectifs. Un nouveau type de secrétaire va
se dégager, dont les tâches seront davantage de surveillance
que d’exécution. L’informatisation de ce secteur sera extrêmement
rapide. L’isolement et la dispersion des employés au sein des
entreprises ne leur permettra pas de résister à cette
évolution avec des effets sur l’emploi à coup sûr
massifs.
Ainsi apparaît, ait niveau de l’emploi une baisse quantitative,
dont les femmes seront les premières et les plus nombreuses victimes,
puisque ce sont elles qui occupent en majorité le secteur du
tertiaire.
C’est l’évidence même !
LA faim persiste dans le Tiers-Monde, parce que la nourriture est contrôlée par les tenants de l’économie libérale, c’est-à-dire que les riches et eux seuls en tirent bénéfices.
« Puisqu’une moitié de l’humanité n’a pas grand chose à attendre de l’autre moitié, elle ne peut compter que sur son héroïsme. Les damnés de la terre décideront peut-être bientôt de ne pas mourir en silence. »
La plupart des pays du TiersMonde n’en sont pas encore à élever la voix. Beaucoup restent muets, ce qui est le signe de leur indicible souffrance.
Notre propos (1) est de faire un tour dans ce sombre horizon en laissant parler les faits et en parlant pour eux, avec objectivité, quand ils ne se montrent pas suffisamment éloquents. En revanche, nous attendons du lecteur qu’il manifeste la loyauté de voir les choses comme elles sont et non pas comme il voudrait qu’elles soient, ce qui le conduira inévitablement...
- à reconnaître qu’un siècle de libéralisme économique a plongé l’humanité dans le malheur une première guerre mondiale, le bolchevisme, Hitler, la seconde guerre universelle, la ruine de l’Europe, la course folle aux armements, la famine du Tiers-Monde ; que le commandement d’amour du message chrétien n’est pas civilisateur, que les pays qui s’en réclament ne sont pas des communautés fraternelles, que là où la foi est fervente et unanime, comme en Amérique latine, l’Eglise n’est pas avec les pauvres qui. sont mal traités, affamés, torturés...
- à déplorer que la Révolution verte, mise sur pied par la fondation Rockefeller ait été détournée de son objectif humanitaire de sauver le Tiers-Monde de la faim, au seul profit des sociétés multinationales agro-alimentaires, rendant ainsi les pauvres plus pauvres et faisant les riches plus riches ; à juger sans ménagement la C.I.A. (Central Intelligence Agency) pour avoir, en 1953, rendu son trône au chah d’Iran répudié par 99 % de son peuple, avoir prolongé pendant un quart de siècle le règne tyrannique d’un monarque condamné à abdiquer et être responsable de l’actuelle confusion...
- à réprouver la manoeuvre de la fondation Ford qui a ramené, en 1965, dans le camp occidental, l’Indonésie, grâce à l’organisation diabolique du massacre de plusieurs centaines de milliers de paysans soupçonnés de sympathie communiste...
- à convenir que l’Alliance pour le progrès, élaborée généreusement par John F. Kennedy, en vue de la démocratisation et de l’émancipation économique de l’Amérique latine, a finalement introduit dans ces pays rongés par la misère, des dictatures inhumaines, soutenues par le militarisme américain, qui ne recule pas devant le meurtre, pour s’opposer à tout mouvement vers la liberté, comme au Chili...
- à admettre aussi que la recherche du plein emploi devient absurde dans un régime économique de concurrence et de profit dont la finalité est la réduction, puis la suppression du labeur humain, remplacé dans les usines par les robots, dans les bureaux par les ordinateurs et les microprocesseurs...
- à adopter, au-delà de nos diversités, de nos objectifs, de nos styles de vie de nos divergences d’opinions, un esprit planétaire, ainsi qu’à faire naître l’idée que la Terre est notre deuxième patrie, qu’elle mérite d’être respectée comme une mère nourricière et non pas maltraitée comme elle ne cesse d’en souffrir et risque d’en mourir...
- à comprendre, enfin, et à encourager l’action du Club de Rome qui s’efforce de créer un nouvel esprit de solidarité active et de coopération entre tous les peuples, toutes les nations et à participer à tout mouvement économique qui cherche, par une production abondante de biens socialement utiles la satisfaction des besoins matériels et spirituels de chaque individu pendant toute son existence, à la manière du socialisme distributif.
Nous voilà, dès lors, tous concernés et il devient du devoir de tout homme sensé de combattre, par tous les moyens en son pouvoir, jusqu’au niveau de la contestation, un régime qui, sacrifiant la promotion de l’homme au profit d’argent et à l’enrichissement d’une minorité privilégiée, compromet dangereusement l’issue de la bataille que le monde est condamné à livrer, s’il veut survivre.
(1) Ce texte est extrait de l’introduction de « Un écologiste accuse ».
Lectures
Il y a à boire et à manger et bien autre chose encore
dans le gros livre de Mar IEL qui, sans être indigeste, loin s’en
faut, rassemble le fourre-tout de 50 années de réflexions
autour des thèmes du distributisme.
L’ouvrage laisse perplexe quant à l’organisation, qu’il décrit,
de la société distributive, à la densité
des précisions ayant trait à la vie sociale. C’est une
sorte de CORAN, de THORA laïque régentant du berceau à
la tombe, la vie de chaque individu.
Après une critique bien charpentée du capitalisme, Marc
IEL s’enlise dans une conception irréelle de la nouvelle société,
posant en postulat l’égalité des besoins pour des individus
de même âge. C’est Robinson débarquant sur la planète
des singes. Son projet fait table rase des us et coutumes, des habitudes
de chacun, tous liens rompus avec ce qui a précédé.
Aux habitants de cette planète, on impose une réglementation
étroite du cadre de vie, allant jusqu’à dicter à
chacun ce qu’il doit manger. Marc IEL ’fait de sa société
un univers de tickets et de bons. Il veut ignorer la diversité
et la singularité, lai. sent f i des individualités, du
besoin de dépassement, des « différences »
qui forment la trame de toute vie sociale.
Sa société est une société rigoureusement
égalitaire, miraculeusement débarrassée des pesanteurs
inhérentes à la nature humaine, la réceptivité
intellectuelle étant supposée la même au niveau
de chaque individu.
Venue de la pensée anarchiste, une telle caporalisation surprend.
Elle n’est pas dans le droit-fil de la tolérance revendiquée
par les mouvements distributistes. D’aucuns se diront que s’il faut
en passer par là pour atteindre le stade d’une civilisation idéale,
mieux vaut s’accommoder de celle que l’on a avec ses imperfections.
Il faut savoir sacrifier à certaines injustices, à certaines
inégalités si l’on ne veut ni stériliser la recherche.
l’initiative féconde, ni paralyser les compétences. Peut-on
réellement croire à l’efficacité de l’appareil
productif si l’on commence par placer tout le monde devant la même
gamelle face à une discipline de fer ?
Qui plus est, Marc IEL évacue la monnaie de consommation pour
lui substituer un étalon « temps de travail efficace »,
bien peu réaliste eu égard aux mille cas concrets auxquels
ce système de valeur ne saurait s’appliquer, notamment en matière
de travail intellectuel, créations d’art, services, etc...
Marc IEL semble avoir été piégé par un ensemble
de vues sommaires visant la monnaie et l’abondance.
Lectures
Y. Gattaz fait partie de cette pléïade de besogneux attelés
à une impossible mission : la défense de la « libre
entreprise », considérée comme le système
le plus apte à procurer le maximum de bien-être au maximum
de personnes. Les faits démentent, aujourd’hui, les visions paradisiaques
d’Adam Smith et de J.B. Say, prophètes d’un autre siècle.
Qu’à cela ne tienne. Ayant choisi de nier l’inadaptation de nos
usages monétaires à l’accélération du progrès
technique, Y. Gattaz et ses confrères en religion libérale
tentent, contre l’évidence, de démontrer que les faits
ont tort. Leur foi est émouvante mais elle ne suffit pas à
convaincre. Une hirondelle ne fait pas le printemps. Toute entreprise
reste vulnérable, exposée à la concurrence extérieure,
pourchassée par le fisc, assujettie au crédit, à
l’humeur de ses banquiers, paralysée par la grève, par
d’incessants contrôles, par des ruptures d’approvisionnements,
des carrences de main d’oeuvre qualifiée, sinistres, accidents
et mille autres aléas.
Contre un marché qui se dérobe. le courage, la ténacité,
l’adaptabilité du petit patron comptent pour moins qu’un pipi
de chat.
* Un livre de Y. Gattez.