Le site est passé à sa troisième version.
N'hésitez-pas à nous transmettre vos commentaires !
Merci de mettre à jour vos liens.
Si vous n'êtes pas transferé automatiquement dans 7 secondes, svp cliquez ici
LE programme économique du prochain Président des Etats-Unis
annonce le retour triomphal d’un libéralisme économique
effréné dans ce pays Retour qui réjouit bien évidemment
les milieux d’affaires (comme en témoigne a hausse du dollar
qui a suivi l’élection du cow-boy) mais qui par conséquent
n’annonce rien de bon sur le pan social. A tel point qu’on s’étonne
qu’une propagande anti- Carter ait réussi à faire élire
si massivement le candidat appuyé par les champions du capitalisme.
Nous, Français, sommes bien mal placés pour reprocher
ce vote aux Américains ; nous avons élu (moins massivement
il est vrai) un Président dont le programme économique,
réalisé par R. Barre, est en tout point semblable et tout
aussi réactionnaire. Il suffit pour s’en convaincre, d’analyser
le programme Reagan.
Il comporte une réduction importante des dépenses publiques
: 3 % en 1981, 6 % en 1982, 8 % en 1983 et 10 % les deux années
suivantes. Comme il prévoit dans le même temps une augmentation
sensible des dépenses militaires et que l’équilibre du
Budget est un dogme qu’on ne remet pas en cause, ce sont forcément
les dépenses sociales qui vont baisser. Ceci est à rapprocher
d’une part de la déclaration faite au Sénat, lors de la
discussion sur le Budget 1981, par le Rapporteur Général
Blin, sénateur des Ardennes, soulignant « le caractère
courageux de certaines mesures, notamment le freinage massif des équipements
publics », et d’autre part du fait que dans ce budget c’est la
première fois qu’en temps de paix les dépenses d’équipement
militaire seront supérieures aux dépenses d’équipement
civil.
Le second point du programme américain est la réduction
des impôts directs, de 10 %, pour chacune des trois années
à venir. Il témoigne de l’influence de l’économiste
Arthur Laffer qui estime qu’au-dessus d’un certain niveau, l’impôt
décourage la production. Ceci est apparu comme un magnifique
cadeau fiscal dont la promesse a sûrement beaucoup influencé
le choix des électeurs. Mais ils ont été trompés,
car il est prévu que dans le même temps les recettes devaient
au total continuer à augmenter, ce qui signifie donc la hausse
des impôts indirects. Or les impôts indirects sont les plus
injustes puisqu’ils sont payés également par les riches
et les pauvres.
Une série de dérèglementations accompagnera ces
mesures, tels les dégrèvements fiscaux accordés
par le biais d’une accélération des amortissements, la
réduction de l’impôt sur les bénéfices (et
même la suppression de l’impôt sur les superbénéfices
des compagnies pétrolières que Carter avait eu tant de
mal à faire passer). Des réductions d’impôts, analogues,
sur les sociétés, ont été réalisées
récemment en France. Et les fameux Pactes pour l’Emploi résultent,
tout compte fait, en une diminution des charges pour les sociétés
qui embauchent des jeunes.
Le Conseiller de Reagan en politique monétaire
fait ses preuves auprès de Pinochet, de Margaret Thatcher et
en Israël (qui eut 100 % d’inflation en 1970 et prévoit
160 % cette année). C’est Milton Friedman. Il annonce une politique
monétaire « saine, stable et prévisible ».
La stabilité du Franc était aussi au programme de R. Barre,
avec sa lutte contre l’inflation. On a vu sa belle réussite sur
toute la ligne puisque même la dévaluation du franc ne
sera pas évitée (après l’élection présidentielle...)
.
Enfin Reagan promet le rétablissement de la confiance par la
poursuite d’une politique économique nationale, c’est-à-dire
d’exportations dynamiques. Pour cea, on adoucira les lois sur l’environnement,
on développera le nucléaire, voire même les surrégénérateurs.
Politique semblable suivie par Raymond Barre, mais avec évidemment
un handicap, car le poids économique de la France n’est pas celui
des Etats-Unis.
*
Et voilà comment partout c’est la loi du plus fort, la loi du
plus gros, de celui qui a le plus de moyens, qui s’impose. C’est la
loi de la jungle. Et la manifestation dénommée « escargot
» récemment lancée par les conducteurs de poids
lourds, pour imposer leur intérêt, en est une excellente
image, ô combien édifiante !
Or, le rôle des gouvernements n’est pas d’augmenter les injustices
en aidant les forts à mieux écraser les faibles. C’est
au contraire d’imposer une loi plus humaine, plus juste et plus intelligente.
Leur rôle est avant tout un rôle social, que les économistes,
perdus dans les nuages de leur jargon et de leur vision du monde, ont
totalement oubliée. On voit de pareilles erreurs dans toutes
les corporations. C’est celle de l’architecte qui oublie... l’escalier.
Mais pour les économistes, responsables du présent et
de l’avenir de tout un peuple, ces erreurs d’intellectuels qui perdent
pied sont autrement graves. Elles sont criminelles. Non seulement parce
que la production d’armements, qu’imposent leurs lois économiques,
pousse à la guerre. Non seulement parce que pour être «
plus compétitif » on fait courir des risques énormes
et des dommages irréversibles à la planète. Mais
aussi sûrement parce que le nombre de miséreux ne fait
que croître. Et je ne parle pas du Tiers-Monde. A côté
de nous, même cachées, il y a des familles entières
qui ne touchent même pas une allocation, qui n’ont rien pour vivre.
Il faut lire les rapports des délégués du Secours
Catholique : leur aide a dû augmenter de 30 à 80 %, selon
les endroits, en un an. Ils connaissent des situations de plus en plus
nombreuses de familles qui font des dettes pour manger. Ils reçoivent
dans leurs permanences, des parents en pleurs venant demander de quoi
manger pour leurs enfants. De grands ensembles de la région parisienne
sont devenus des bidonvilles en hauteur ; dans l’un d’eux, de 15 000
habitants, 10 % ne peuvent pas payer leur loyer, et gaz et électricité
leur sont coupés. En plein vingtième siècle, dans
un pays riche comme le nôtre, ces délégués
ont dû reprendre une forme d’assistance qu’ils pensaient dépassée
: la distribution de colis alimentaires. Ils voient des personnes qui
n’ont rien mangé « depuis trois ou quatre jours »,
qui disputent leur nourriture aux chats et aux chiens. Et sur les jambes
des enfants des plaies inguérissables qui dénoncent les
carences alimentaires.
*
Voilà l’oeuvre du meilleur économiste de France. Et ce comédien de Reagan va prendre le même chemin !
LES syndicats de salariés ont pour but de défendre l’intérêt
des travailleurs dans le panier de crabes du capitalisme. Jusqu’à
présent leurs efforts ont été réellement
positifs si on constate l’importance et le nombre d’améliorations
des conditions de travail et de rémunération qu’ils ont
arrachés depuis près de cent ans à la suite des
progrès techniques.
Mais la lutte est de plus en plus difficile. Le capitalisme se défend
et le combat pour des conditions de vie meilleure n’est jamais fini.
Au fur et à mesure des progrès techniques les salariés
veulent, eux aussi, en être bénéficiaires et ils
ont raison.
Or, c’est le contraire qui se produit depuis quelque temps : le nombre
de chômeurs grandissant montre le nombre de ceux qui perdent leur
emploi et de ceux qui voient diminuer leur pouvoir d’achat.
La lutte harassante que mènent les travailleurs est soutenue
et revivifiée par les syndicats constamment sur le qui-vive.
Mais la conjoncture économique a tellement changé depuis
l’intervention massive des progrès techniques que l’on peut constater
l’échec d’un certain nombre d’actions syndicales. La fermeture
totale ou partielle de certaines entreprises non compétitives
ou financièrement pas rentables, les licenciements de personnel
pour restructuration, ont-ils pu être évités ?
Si les syndicats ne veulent pas se leurrer ni susciter des espoirs utopiques
ils doivent prendre conscience que la grève, qui jusqu’ici était
la forme la plus dynamique pour le maintien de l’emploi et du pouvoir
d’achat, perd son tranchant du moment où il est possible d’augmenter
la production en réduisant la main-d’oeuvre manuelle ou intellectuelle
remplacée par des mécanismes automatiques et autonomes.
Et cela est vrai non seulement dans certains secteurs comme la sidérurgie
ou le textile, par exemple, mais dans un nombre de plus en plus grand
de branches industrielles, commerciales et administratives, car tout
« patron » a intérêt à investir pour
améliorer la productivité par l’emploi de matériel
automatique.
Autrefois le patronat, pour lutter contre les grèves, employait
quelques miséreux pour en faire des briseurs de grèves,
des « jaunes ». Aujourd’hui la science et les techniques
lui permettent de remplacer de plus en plus souvent les « jaunes
» par des machines ou des appareils automatiques acquis, en principe,
non pour mater la grève, mais pour améliorer la productivité.
En fait les techniques sont en train de rendre la grève progressivement
impossible faute de « combattants ».
C’est pourquoi les salariés, ouvriers, employés, cadres
peuvent toujours élever des protestations par des meetings, des
cortèges ou de toute autre manière. Leurs grèves
gênent de plus en plus souvent les autres travailleurs. Rien n’empêche
l’augmentation du nombre de ceux dont la production, Ia gestion et le
commerce n’ont plus besoin. Et les chômeurs, eux, ne peuvent plus
faire grève.
Parfois, quand les tenants du capitalisme disent la vérité
ils avouent que nous connaîtrons, en France, dans les toutes prochaines
années quelques deux millions de chômeurs, pardon, de demandeurs
d’emplois, et ils laissent timidement espérer un prochain renversement
de la tendance. Timidement, car ils savent que cet espoir est fallacieux
puisque ce qui caractérise justement la période actuelle
c’est que, pour la première fois dans l’Histoire, la production
augmente (limitée pourtant à environ 3 % par an)) en même
temps que le chômage (environ 10%).
Au mieux une forte reprise de l’activité économique et
l’augmentation massive des exportations françaises ne pourraient
se faire que par la compétitivité donc par l’automatisation,
c’est-à-dire par !’augmentation du chômage.
Les syndicats ne voient-ils pas qu’on ne peut créer des emplois
qui soient financièrement rentables que dans les secteurs ou
les pays à faible technicité ?
Dans ces conditions quelles actions utiles les syndicats peuvent-ils
entreprendre ?
Quand le progrès entraîne la suppression d’emplois, parce
que dans toute économie de marché la compétitivité
est de rigueur, il n’est plus rationnel de réclamer le droit
au travail et il serait stupide de demander l’arrêt - impossible
- du progrès technique. Car il est vain de souffler contre le
vent quand le vent devient tempête. Le droit au travail est une
exigence périmée parce que impossible à satisfaire
quand le travail se raréfie.
C’est donc le droit à la vie qu’il faut exiger puisque les produits
nécessaires à la vie existent Et le droit à la
vie se concrétise par un revenu correspondant à la production
nationale et adapté à une qualité de vie que la
science et les techniques rendent à présent possible.
Une société assez avancée pour savoir produire
automatiquement ce qui, il y a quelques années, exigeait une
armée de travailleurs manuels et intellectuels doit être
capablé d’assurer à l’armée des sans-emploi un
revenu en rapport avec l’expansion de la production.
Les syndicats, s’ils étaient réalistes, ne devraient pas
se contenter de réclamer la diminution dés heures de travail
pour un même revenu, c’est-àdire la répartition
du travail encore nécessaire afin de transformer le chômage
d’un certain nombre, en loisirs supplémentaires pour tous.
Ils devraient aussi, en dehors dés revendications courantes dans
le cadre du capitalisme, et puisqu’ils né peuvent pratiquement
rien faire contre la marée montante du chômage, avoir pour
objectif la création d’un revenu pour tous non seulement garanti
mais en rapport avec la production générale du pays, ce
qui signifié que les chômeurs forcés toucheraient
quand même leur salaire.
Cela poserait, il est vrai, immédiatement, même en cas
d’autogestion, deux sortes de problèmes :
- D’une part : comment occuper intelligemment des gens qui ne travaillent
pas afin qu’ils ne s’ennuient pas, comment faire pour qu’ils sachent
trouver une occupation qui leur soit agréable et qui soit, si
possible, utile à la société ? Problème
urgent qui ne peut être résolu que par la culture donnée
à tous suivant leurs aptitudes et auquel il faut réfléchir
dès maintenant.
- D’autre part : comment et où trouver l’argent nécessaire
pour fournir un revenu à tous, pour payer la culture et les loisirs
à ceux dont la production n’a plus besoin ?
Cette dernière question paraît évidente et insoluble
à qui accepte d’emblée les structures fondamentales d’une
économie de marché.
Et ceux qui croient qu’il y a une solution à ces problèmes
en se contentant de modifier l’économie de marché oublient
qu’il n’est pas possible, malgré leur bonne volonté, de
dégager des sommes importantes sans qu’elles se retrouvent d’une
manière ou d’autre dans les prix ou dans les taxes et impôts.
Les prix ne peuvent donc que continuer à monter et la lutte pour
le rattrapage des salaires est sans fin. En outre la lutte contre la
hausse des prix ne peut que stimuler la mécanisation et l’automatisation
c’est-à-dire l’augmentation du chômage.
Prendre l’argent chez les riches n’est pas une solution, car impossible
à réaliser puisque lés riches n’ont pas de disponibilités
liquidés - et s’il leur fallait vendre leurs biens pour «
faire de l’argent » à qui les vendraient-ils ?
Si les meilleurs financiers du monde se montrent incapables de trouver
une solution à tous ces problèmes, c’est qu’ils ne veulent
pas abandonner les privilèges acquis ou qu’ils refusent de raisonner
hors du cercle vicieux dans lequel se débattent tous les capitalistes
libéraux ou étatiques. Dans ces conditions ils né
seront pas non plus capables d’imaginer un moyen pour maintenir des
retraites décentes quand le nombre dés ayants-droit augmentera
pendant que le nombre de cotisants diminuera. Et il diminuera même
si une politique de natalité est couronnée de succès.
Le syndicalisme par contré doit pouvoir raisonner hors du cadre
de toute économie de marché et chercher à comprendre
si un autre système économique est possible. Tout en veillant
à satisfaire au mieux les revendications immédiates des
salariés, le syndicalisme doit voir plus loin et orienter ses
exigences vers le revenu garanti, la culture pour tous et étudier,
dès maintenant, les moyens pratiques pour y parvenir, même
si ces moyens ne correspondent pas aux « canons » de l’économie
de marché libérale ou socialiste.
Car ces moyens existent, même s’ils ne sont encore appliqués
nulle part. Les tenants du régime les taisent évidemment,
car leur idéal n’est pas l’homme, mais le maintien du système
dont ils profitent. Le syndicalisme, par contre, dont le but est l’épanouissement
de l’homme, ne doit pas les taire. Il devrait se rappeler que Châteaubriand
avait écrit dans ses « Mémoires d’Outre-Tombe »
que « le salariat n’est que l’esclavage prolongé ».
Il devrait se rendre compte que vouloir sortir de l’esclavage c’est
obligatoirement sortir du capitalisme privé sans tomber dans
les difficultés du capitalisme d’Etat. Cela exige l’abandon de
l’économie de marché, même de celle qui s’intitulerait
« économie de marché socialiste ». En effet,
toute économie de marché maintient les structures financières
du capitalisme quelle qu’en soit la formé, comme par exemple
celle qui fait inclure les revenus des citoyens dans le prix de la production
ou dans le montant des taxes et des impôts.
Le comportement actuel du syndicalisme pourrait faire croire qu’il en
est encore à admettre que hors de l’économie de marché
il n’y a point de salut. Pourtant les syndicalistes du début
de ce siècle avaient bien défini le but du syndicalisme
par l’excellente formulé de « l’abandon du salariat ».
Pourquoi les syndicalistes d’aujourd’hui ne l’emploient-ils plus ?
Serait-il indigne d’un syndicaliste intelligent de reprendre l’oeuvre
d’un Jacques DUBOIN qui, lors de la grande crise économique des
années 30, avait déjà préconisé un
moyen inédit d’éviter la dernière guerre et de
sortir véritablement de la société de profit pour
assurer à chacun, comme prime de civilisation, un revenu social
en rapport avec le progrès ?
Si les syndicalistes persistent à vouloir trouver dés
solutions provisoires dans le cadre des régimes existants, dans
l’espoir qu’une société socialiste vienne un jour prochain
en apporter de définitives, la société socialiste
s’éloignera toujours comme les mirages dans le désert
font reculer l’oasis en vue - et les syndicats continueront à
faire fausse routé avec toutes les graves et dramatiques conséquences
qui en résulteront.
LETTRE A M. DEBRÉ
La lettre de notre camarade de Pagney a suscité
l’enthousiasme (le nos lecteurs dont beaucoup se déclarent prêts
à la forme d’action proposée.
L’analyse ci-dessous du programnne de M. Debré (tel qu’il ressort
d’une interview accordée à des journalistes) avait été
écrite avant qu’il soit entendu que de telles analyses seraient
transformées en lettres. Si nos lecteurs, cependant, veulent
envoyer cette lettre à M. Debré, il pourraient y ajouter
quelques lignes sur notre propre programme. en s’aidant, par exemple,
des résumés de nos thèses des pages 2 et 36.
On peut aussi. évidemment, suggérer que M. Debré
daigne nous dire ce qu’il en pense...
REPONDANT aux questions que vous posaient deux journalistes du «
Monde », vous avez attaqué en flèche. « Tôt
ou tard », dites-vous,« la nécessité du sursaut
apparaîtra ». Nous n’avons jamais dit autre chose dans les
colonnes de « La Grande Relève ». S’agit-il bien
du même sursaut ?
Première raison de réagir, de « se rebeller »,
selon vos termes, Monsieur le Président, la dénatalité.
On s’y attendait. Pourquoi diable les Français iraient-ils fabriquer
de futurs petits chômeurs dont l’éducation, de plus en
plus volontiers confiée au secteur privé, va leur coûter
de plus en plus cher ? On ne peut pas s’offrir tous les luxes. Mais
que faire pour promouvoir une véritable politique de la famille
? Sur ce point, pas grand chose. Sans doute quelques allocations vite
grignotées par la vie chère, alors qu’il faudrait de véritables
raisons d’espérer en l’avenir.
Deuxième point traité, la puissance industrielle et agricole
de la France qu’il faut à tout prix promouvoir. Mais quelle puissance
? Celle qui vise à satisfaire des besoins raisonnables ou celle
qui s’essouffle à rechercher des créneaux où l’on
excelle encore pour quelque temps avant d’être détrôné
par un concurrent dont la main-d’oeuvre est sous- payée ? A l’heure
des grands transferts mondiaux où l’on assiste à une redistribution
des productions orchestrée par les multinationales conçues
pour ce projet, que reste-t-il à notre pays ? Les armements sans
doute. Ce n’est guère rassurant.
Ancien Premier ministre, vous parlez ensuite d’« une grande politique
de solidarité sociale ». Bien. Mais un peu plus loin vous
évoquez les charges qui pèsent sur les entreprises et
qui sont « !’expression d’une nécessaire solidarité
sociale » pour dire : « il faut cesser de les augmenter
pour lutter contre la concurrence extérieure ». Alors,
où est le grand dessein ?
Quant à la cinquième semaine de congés payés,
n’y comptez pas trop. Elle serait bienvenue « en période
d’expansion économique ». Il n’en est donc pas question
pour l’instant.
Dans le domaine de la monnaie, vous regrettez les occasions qu’on a
laissé passer de lutter contre l’inflation et ses causes intérieures.
Mais que fait donc M. Barre ? N’a-t-il pas constamment la main sur le
robinet du crédit pour ralentir l’économie au prix d’un
accroissement du chômage ? Que feriez-vous donc ? On tremble.
Le reste du discours est politique et franchement électoraliste.
A la fin de l’interview on n’en sait guère plus qu’au début
et le peu qu’on sait n’indique pas d’amorce d’une solution originale
aux problèmes que nous traversons. Votre message économique,
M. Debré, celui qui nous intéresse, pourrait peut-être
se résumer à cette formule : Ayez de nombreux enfants
et serrez-vous la ceinture d’une main en travaillant de l’autre ».
Merci, M. Debré.
Les dirigeants du centre, de gauche et de droite sont de simples instruments
dirigés par les puissances occultes de l’Argent. Ces puissances
tiennent en mains toutes les richesses de la terre. Aidés par
les ordinateurs. les grands financiers savent tout ce qui se passe sur
tous les points du globe, en un temps record. Ils peuvent ainsi détruire
ou instaurer des régimes suivant leurs désirs, niais toujours
dans le seul but d’exploiter les hommes. Tous les hommes baissent l’échine
devant les maîtres de l’argent. Rares sont ceux qui refusent de
subir leurs pensées ataxiques, rares sont ceux qui travaillent
à la démystification de l’Argent.
Evidemment ceux qui, se libèrent et disent la vérité
ne sont pas bien vus. C’est extrêmement difficile de démystifier
et réussir une percée dans la Jungle du mental humain.
C’est une rude tâche que de vouloir éveiller des esprits
étroits conditionnés, depuis des siècles, à
rester esclaves.
On peut lire dans la conclusion d’un récent rapport de l’O.C.D.E.
qui vient de paraître sous le titre « Changement technique
et politique économique » : « Les problèmes
les plus difficiles ne viennent pas du potentiel scientifique et technologique
en tant que tels, mais plutôt de la capacité de nos systèmes
économiques à faire de ce potentiel un usage satisfaisant.
Le succès des politiques d’adaptation dépendra largement
de l’aptitude de nos sociétés à exploiter leur
capital intellectuel et technologique afin de répondre aux défis
sociaux et économiques qui nous attendent dans les vingt dernières
années de ce siècle...
Le changement technique, pas plus que la croissance économique
n’est une fin en soi : il doit trouver sa légitimité ultime
et l’indispensable soutien politique dans sa correspondance très
étroite avec les aspirations et les décisions des populations
de nos pays. »
L’analyse est effectivement bien faite mais rien ne sera possible tant
que l’on restera en économie de profit.
*
A propos de progrès technologiques, les Américains envisagent
de « réindustrialiser » les Etats-Unis sur le modèle
japonais. Il est vrai que dans l’optique capitaliste l’exemple du Japon
fait rêver : dans la revue « Energies » du 10 octobre
dernier, on pouvait lire sous le titre « Perspectives Japonaises :
« Pour les huit premiers mois de 1980, le volume des exportations
japonaises a progressé de 14% ».
Ce résultat est dû en majeure partie à un accroissement
de la compétitivité du Japon sur les marchés extérieurs
grâce notamment à des innovations technologiques.
Par exemple, un nouveau câble de transmission et un « robot
père ». Ainsi la Compagnie Nippone des Téléphones
a lancé le 5 septembre dernier un système de transmissions
par fibres optique capable de fournir 25 fois plus d’informations que
les câbles classiques ; il sera vendu dans maints pays.
Quant au « robot constructeur d’autres robots », c’est la
firme Fujitsu qui a récemment présenté un prototype
digne de la science fiction : le « robot père » fournit
en pièces brutes et en éléments métalliques
les machines automatiques où, selon des programmations par ordinateurs
et avec des microprocesseurs, seront produits d’autres robots semblables...
».
*
Mme Brigitte Gros, sénateur des Yvelines, aurait dû mieux se documenter avant de rédiger son rapport pour le Président de la République, consacré à « L’avenir de l’automobile en France ». Mme Gros conclut en effet qu’il faut robotiser l’industrie automobile pour résister aux Japonais, autrement dit, qu’il faut remplacer l’homme par la machine. Jusque là nous applaudissons. Mais là où nous nous marrons c’est quand elle ajoute « Les hommes qui ne travailleront plus à la chaîne pour fabriquer des voitures seront, après un cycle de formation, employés à fabriquer des robots ». A mon avis, elle n’est pas au courant !
*
Autre chose : « La France a-telle un déficit commercial ? ». C’est la question que se posait L. Lammers dans la revue « Energies » du 24 octobre dernier. Constatant qu’entre les recettes des pays pétroliers du Golfe Persique et leurs dépenses il existe une différence de vingt milliards (pour la période 1974-1979 inclus), L. Lammers écrit :
« Cette différence ne peut évidemment provenir
que des pays excédentaires puisque les pays en déficit
ont obligatoirement une comptabilisation plus transparente des mouvements
de fonds. Après enquête, il apparaît que la seule
explication possible est celle des ventes d’armements, qui s’effectuent
dans des conditions de secret et d’opacité de nature également
à modifier le sens de bien des déclarations.
Pour ce qui concerne la France, il faut par exemple savoir que les statistiques
du commerce extérieur des armes ne sont pas enregistrées
dans leur totalité. Si l’on trouve, en effet, traces des petits
matériels de guerre ou protection intérieure (pistolets,
fusils, mitrailleuses légères, munitions, etc.), en revanche
les matériels lourds et les matériels sophistiqués
n’apparaissent jamais, ni en nombre ni en valeur, et les statistiques
douanières ne les reprennent jamais. Ces matériels sont
tellement gros qu’ils deviennent aveuglants...
Mais alors, dans ces conditions, que penser du déficit commercial
de la France ? Et de celui des autres pays ? Car cette situation ne
concerne pas que les pays du Golfe. Pour en rester dans leur secteur
cependant, disons que la France entretient une très importante
mission militaire en Arabie Saoudite, par exemple, là où
nous avons quasiment le monopole du matériel blindé, l’aviation
étant un domaine réservé à l’armement américain.
La France n’est pas inactive non plus dans les autres pays. Donc, une
bonne question est : quelle est la véritable position de la balance
commerciale de la France avec les pays pétroliers, toutes ventes
incluses ? Mais la réponse est difficile. sinon impossible. »
SOUS ce titre, que « Le Monde » du 15 décembre 1970
a publié en « Libres Opinions », je déplorais
que, depuis la fin de la guerre, les « antifascistes » de
France et d’ailleurs n’aient pas hésité à conforter
le régime franquiste par leurs vacances en Espagne (« parce
que c’est moins cher que chez nous ») et leurs investissements
dans les promotions immobilières, hôtelières, touristiques
et bancaires (« parce que c’était rentable »). La
conclusion était que, aveugles et pusillanimes pendant 25 ans,
ces combattants de la liberté l’avaient trahie par leur comportement,
puis soutain « découvraient l’Espagne », à
BURGOS d’où un procès inique déclenchait enfin
les passions et... la lumière. Les résistants espagnols
m’apprirent plus tard que cet article avait été traduit
et diffusé dans tout le pays. Les événements actuels
démontrent bien le poids de l’extérieur sur l’économie
espagnole.
Aujourd’hui, nous découvrons l’URSS, à KABOUL. Il a fallu
l’Afghanistan, il a fallu SAKHAROV pour que s’organise la protestation,
que s’affirme le refus, le refus des relations commerciales et culturelles,
le refus des Jeux Olympiques. Il a fallu 25 ans, depuis la dernière
guerre, pour qu’une partie du monde proteste clairement contre l’asservissement
de peuples satellites, contre les procès, les goulags, les hôpitaux
psychiatriques, les bannissements, les privations de situation et de
travail, les interdictions de circuler dans le pays et d’en sortir,
tout ce qui est contraire à toutes les Chartes et à tous
les accords, de l’ONU à HELSINKI, aux élémentaires
droits de l’homme dans tout pays civilisé, il a fallu 25 ans
pour la manifestation du refus.
Non, la guerre n’est pas la solution, la guerre ne sera jamais plus
une solution : le napalm apatride a grillé les Vietnamiens qui
se voulaient communistes comme il carbonise les Afghans qui s’y refusent.
Pour rien. La guerre ne résout que les problèmes commerciaux
posés par le système marchant : il faut des débouchés
pour pouvoir ventre, il faut consommer pour pouvoir produire. Or il
y a peu d’années Charles LEVINSON (1) a écrit que les
échanges entre les deux blocs avaient pris une telle ampleur
qu’ils rendaient impensable, parce qu’inutile, la guerre : échanges
commerciaux (des pays d’Amérique du Sud, transformés en
boucheries anti-communistes, livrent leur blé à l’URSS),
échanges de services, technologiques, scientifiques (quant les
savants ne décident pas de rester chez eux) . A noter . lorsque
deux adversaires possèdent : les moyens de détruire dix
fois la planète, la preuve est faite que les fabrications d’armements
ont d’autres buts que leur utilisation : à l’Ouest, le complexe
militaro-industriel défend des intérêts très
précis ; de l’autre côté « la course »
se justifie par l’encerclement hostile, depuis la naissance des soviets,
et la volonté de propagation universelle de l’idéologie.
Il paraît possible de prétendre qu’une idéologie
est discutable lorsque ses résultats matériels, dans une
partie du monte entièrement soumise à sa loi, n’ont en
60 ans pas mieux progressé. En face, depuis 1929, la libre entreprise
- jointe aux jeux de la bourse et du hasard - n’a encore provoqué
qu’une guerre mondiale, et beaucoup d’autres qui se succèdent,
et deux crises économiques dont l’actuelle empire tous les jours
: de bons esprits pensent la résoudre par la guerre nucléaire.
Il paraît possible de proposer que les chefs des pays concernés
- il s’agit des deux blocs qui se terrorisent, et du reste du monte
qui pâtit de cette situation -, que les responsables de tous les
Etats du monde se réunissent le plus tôt possible pour
organiser la vie de la planète. Sur deux thèmes.
- Il est mal envisageable que 500 millions d’êtres humains meurent
de faim dans les années 80 (2). L’argent prévu pour les
armements sera reporté sur la production, le transport et la
distribution gratuite des produits nécessaires à la survie
des condamnés.
- La preuve étant ainsi faite que la vie (et le bonheur) des
hommes n’est pas nécessairement liée à leur commerce
et à leur profit pécuniaire, l’idéologie nouvelle,
devenue commune aux blocs et au Tiers-Monte, se concrétisera
dans les efforts de la production, de toutes les productions de paix,
en vue de la satisfaction des besoins des hommes, de tous les hommes.
Le premier thème sera combattu par l’évocation du chômage
(probablement 20 % des travailleurs) provoqué par l’arrêt
des armements, et de la débâcle des « balances de
paiements » des pays concernés. La riposte sera : pourquoi
discourez-vous depuis 35 ans sur le désarmement puisque le chômage
et votre système des échanges le rendent impossible ?
La solution sera : les principes nouveaux et l’économie nouvelle
qui permettront d’assurer l’existence des sinistrés de la faim
assureront aussi l’existence des sinistrés qui, à l’Est
comme à l’Ouest, risquent de ne plus manger parce qu’ils risquent
de ne plus travailler.
Le second thème sera combattu par l’évocation de la concurrence,
mère du progrès ; et du profit, moteur du travail. La
riposte sera : la concurrence est devenue mortelle sur le plan national
(faillites dues aux bas salaires « d’ailleurs ») et sur
le plan international (le Marché Commun - ses vins, ses légumes,
ses fruits, ses moutons -, la sidérurgie et l’automobile - leurs
crises, leurs craintes d’avenir -) ; et le profit aggrave les inégalités
entre les hommes. La solution sera : travailler pour produire, et non
plus pour « gagner ». Produire pour consommer, et non plus
pour « vendre ».
- Vous prétendez changer le monde en cinquante lignes ?
- Vous préférez le voir détruit en cinquante secondes ?
A vous de jouer.
(1) Dans « VODKA-COLA » (voir G.R. n° 756).
(2) « Le Monde » du 18 juillet 1980.
Soit dit en passant
Je ne voudrais pas décourager N. Raymond Barre, surtout par
ces temps de grogne et de rogne où il aurait plutôt besoin
d’être réconforté, mais autant le prévenir
tout de suite pour lui éviter une grosse désillusion :
ce n’est pas demain, en dépit de tout le mal qu’il se donne,
de tous les efforts qu’il nous demande si gentiment et de tous les plans
qu’il nous concocte, qu’on va en sortir.
Sortir de quoi ?... De la... Oui. vous voyez ce que je veux dire. De
l’auberge, si vous préférez. Parce qu’on s’y enfonce.
Un peu plus chaque jour. Et les nouvelles que nous apprenons par les
journaux ne sont pas faites pour remonter le moral, sinon celui des
fabricants, négociants et trafiquants d’armes en tous genres.
Parce que la noble industrie du casse-pipes, toujours à la pointe
du progrès, en France comme ailleurs, même dans les pays
où l’on crève de faim, se porte bien, merci. Mais cela
ne suffit pas pour relancer les affaires plutôt languissantes
en ce moment et pour donner du travail à nos 1 500 000 ex-chômeurs
devenus demandeurs d’emploi.
Mais en cherchant bien on trouve quand même, et c’est heureux,
des nouvelles rassurantes dans les journaux. Du moins à première
vue. Celle que nous annonçait V.S.D. du 17 septembre est du nombre.
Mais ne nous emballons pas. Pour nous changer un peu de l’Afghanistan,
de l’Ouganda, de la Bolivie ou du Golfe Persique qui prend la relève,
et autres pays en voie de développement qui font l’actualité
quotidienne, des envoyés spéciaux de V.S.D. sont allés
faire un petit tour du côté de Vilcabamba (Equateur) pour
y chercher des hâvres de paix et de tranquillité.
Pas plus que moi, je suppose, vous n’êtes allés à
Vilcabamba (Equateur). Il n’existe pas, à ma connaissance, le
moindre village- vacances du Club Méditerranée installé
dans ce bled. Mais ça va venir.
Apprenez que dans ce patelin hier encore ignoré du reste de la
planète, perdu au fond d’une vallée où l’on n’arrive
que par des chemins muletiers en partant de Guayaquil - vous me suivez
? - vivent une trentaine d’hommes et de femmes âgés de
plus de cent ans et dont le doyen, né en 1850 - c’est pas d’hier
- toujours bon pied, bon oeil et le reste, vient de téter en
famille au milieu de ses 34 petits enfants, son 130e anniversaire. Et
peut-être même, pour couronner la cérémonie,
faire un futur centenaire à son épouse. Qui dit mieux
?
De nos jours les nouvelles vont vite, et la renommée de Vilcabamba
a déjà franchi les frontières de l’Equateur pour
se répandre dans le monde dit civilise. Des missions médicales,
des savants et des chercheurs venus de tous les pays sont sur place
où ils essayent de trouver l’explication de cette extraordinaire
longévité pour en tirer un traitement ou la recette miracle.
Ça n’a pas traîné. On nous révèle
déjà, et la chose n’est pas pour nous surprendre, qu’une
société américaine vient de créer la «
Vilcabamba Corporation International " pour exploiter l’eau de
la rivière qui coule dans cette vallée, riche, dit-on,
en sels minéraux, qui sera vendue 1 dollar 50 la bouteille et
distribuée en Europe !...
Alors, à la bonne vôtre ! Bientôt nous verrons trôner
sur la table familiale ou sur le zinc du bistrot, à la place
jusqu’ici réservée au Beaujolais, la bouteille de Vilcabamba.
Il faudra s’y faire.
Cela n’ira pas sans provoquer des troubles graves. Nous verrons peut-être,
une fois de plus, les viticulteurs en colère barrer les routes
nationales, mais ce coup-ci ce sera pour lancer sur le service d’ordre
des cocktails molotov confectionnés avec des bouteilles de Vilcabamba.
Nos malheurs ne s’arrêteront pas là. L’arrivée en
masse des centenaires venant grossir le nombre des retraités
videra rapidement les caisses de la Sécurité Sociale,
mettant le pays - et avec lui la Société libérale
avancée - au bord de la faillite.
Devant la gravité d’une crise pans précédent M.
Barre, ou son successeur, n’aura plus d’autre choix, faute de mieux,
que d’appliquer une recette presque centenaire elle aussi, tombée
on ne sait pourquoi en désuétude bien qu’elle ait fait
ses preuves.
Cette recette en trois points la voici : 1° Procéder à
l’arrachage des vignes qui seront remplacées sur tout le territoire
par des cocotiers. 2° Faire grimper sur les coco. tiers tous les
centenaires. 3° Secouer vigoureusement.
Puisque l’homme descend du singe, à ce qu’on dit, pourquoi n’y
remonterait-il pas ?
Il est déjà sur la bonne voie.
DANS le dernier numéro de la « G.R. » j’ai été
particulièrement intéressé par l’article de Roland
Carpentier : « Le Fédéralisme en Economie Distributive
». Comme l’auteur, je crois qu’il s’agit d’un complément
nécessaire à la doctrine de Jacques Duboin.
Ses adeptes actuels donnent parfois l’impression de minimiser le fait
que l’Economie Distributive constitue une révolution touchant
tous les aspects de la vie sociale, toutes les relations interhumaines,
qu’elle est en somme plus radicale que ne le fut la révolution
léniniste.
Instaurer l’égalité économique revient non seulement
à détruire le capitalisme, mais à faire disparaître
toute forme d’inégalité dans tous les domaines et à
tous les niveaux. La notion d’inégalité n’est pas seulement
un incident de parcours dans l’histoire morale de notre race, mais un
concept enraciné en nous et sur lequel furent construits tous
les systèmes sociaux passés et présents. Tellement
enraciné qu’on le retrouve dans la plupart des sociétés
animales. L’égalité économique doit éclater
et se prolonger dans l’égalité morale sinon elle connaîtra
le sort des grands principes proclamés par la Révolution
française ou la Révolution bolchevique. L’Economie Distributive
ne postule pas simplement l’égalité, elle met les hommes
dans une position où ils sont effectivement égaux. Ou
bien ils acceptent le principe authentiquement et l’étendent
progressivement à toutes leurs conceptions, et le système
fonctionne, ou bien ils se contentent d’une acceptation de principe,
superficielle et l’on débouche très vite sur Une course
aux avantages les plus divers. Exactement comme cela s’est produit en
URSS et ailleurs.
Le seul contrepoids possible à nos tendances égoïstes
universelles réside en une totale liberté de choix. Je
choisis une vie sociale dans laquelle autrui est considéré
comme un complément indispensable et apprécié de
ma propre existence. Notre interdépendance n’aliène en
rien notre liberté puisque nous la recherchons comme gratifiante
; nous sommes donc parfaitement égaux et nul ne songe à
dominer autrui.
Un tel état d’esprit n’est pas du ressort d’un décret
administratif, il s’acquiert au sein d’une communauté vivante,
tissant entre ses membres des liens suffisamment personnalisés
et non coercitifs. C’est la définition d’une commune autogérée,
le contraire exact d’un Etat centralisateur et autoritaire.
Comme néanmoins la distribution implique l’existence d’organismes
distributifs, tant pour le travail que pour les revenus, le fédéralisme
décrit par R. Carpentier jouera ce rôle.
J’ai esquissé moi-même cette idée dans « La
Société Amicaliste » après avoir longuement
réfléchi à tous les aspects du problème
(1). Je ne connaissais pas alors les théories de Jacques Duboin
; lorsque j’en pris connaissance je compris qu’elles s’adaptaient fort
bien à mes conclusions mais qu’il pouvait être utile de
les compléter par une conception fédéraliste de
la société future. Comment peut-on imaginer qu’un Etat
auquel on remettrait le fantastique pouvoir de programmer, d’organiser
la totalité des activités économiques et de distribuer
la totalité des revenus, ne serait pas un Etat coercitif ? 63
ans après sa fondation, l’Etat soviétique donne-t-il des
signes de dépérissement comme le voudrait la théorie
marxiste ?
Il est d’ailleurs à remarquer que les Etats socialistes ou capitalistes,
peu importe, ne rejettent pas systématiquement toute forme de
fédéralisme. Il leur importe seulement de conserver le
pouvoir effectif et les relations de subordination.
Par les progrès techniques nous sommes entrés dans une
ère d’abondance potentielle qui change la totalité des
rapports entre hommes, en supprimant la nécessité d’écraser
le prochain pour survivre. Il nous reste à adopter les structures
sociales nouvelles, découlant de cette « Grande Relève
des Hommes par la Science ».
(1) Voir G.R. n° 773 et 774.
La terre est pour les hommes leur unique vaisseau
le constater devrait les rendre plus sages
afin que celui-ci ne fasse pas naufrage
mais éviteront-ils le dernier soubresaut ?n’ont-ils pas jusqu’alors réglé leurs différends
dans des affrontements de plus en plus sanglants ?peu enclins à rechercher ce qui les unissait
étant toujours prêts à s’entre déchirer
il est temps maintenant de changer les rapports
qui jusqu’à ce jour rendent vains les efforts
des hommes éclairés qui eurent pour desseins
de conduire les peuples vers un meilleur destinessayons de changer les rapports de naguère
qui amenaient ceux-ci à se faire la guerre
désormais leurs besoins pouvant être assurés
le temps est venu pour eux de vivre en paix.
Chronique de l’Elysée-Palace
Confidences recueillies par Jacques VEAU (ex Bonhomme) Français Moyen et rapportées par E.R. BORREDON.
Mais y a-t-il encore une Economie ?
Quand une nation comme la nôtre demande au commerce des armes
d’assurer l’équilibre financier de nos échanges internationaux
et trouve un élément de satisfaction dans le fait qu’elle
concurrence dans ce domaine les plus grandes puissances de notre temps,
que penser d’une économie tributaire de ce triste privilège
?
Peut-on encore, en l’occurence, se présenter comme un défenseur
des Droits de l’Homme quand on favorise la destruction industrielle
de l’Etre Humain ? Car les armes sont fabriquées pour tuer. Que
devient le droit fondamental à la vie ?
En une autre matière, celle de la production agricole intérieure,
est-il admissible de voir détruites ou jetées à
la décharge et souvent spectaculairement comme cet été
en Bretagne, des récoltes de légumes et de fruits, soi-disant
excédentaires, dont tant de personnes manquent dans le monde
et même chez nous ?
Est-ce cela, l’Economie ?
Dans les manuels de mon éminent Premier ministre, ces péripéties
sont pudiquement ignorées. Il est beaucoup plus facile de raisonner
en équilibres financiers dans un système de rareté
et de profits et de préconiser pour résoudre le problème
des échanges nationaux et internationaux une véritable
foire d’empoigne camouflée sous le vocable de « libre concurrence
».
Que devient la notion de liberté dans ce contexte ?
Liberté de détruire l’entreprise du voisin compatriote
ou étranger, et de priver d’emploi ses salariés ! Liberté
de pousser les producteurs de biens de consommation courante de base
à détruire les fruits de leur activité !
Non, vraiment, depuis bientôt sept années que cela dure,
il n’y a pas de quoi pavoiser.
Et la libre entreprise, si prônée par mon coadjuteur, que
peut-elle dans ces conditions ?
Si on la conçoit comme application de la libre concurrence dans
une société libérale avancée, elle pourrait
se traduire par : « n’importe qui, n’importe où, n’importe
quand, n’importe quoi et n’importe comment » !
Voyons, ce n’est pas sérieux.
Et il est bien évident qu’il n’est pas possible d’encourager
et d’aider de telles pratiques autrement que par de beaux discours.
Car elles ne peuvent que conduire à une désorganisation
croissante des processus de production personnalisés et cela,
au seul profit des grosses entreprises robotiques qui, non seulement,
éliminent la maind’oeuvre humaine traditionnelle, mais détruisent
en outre le véritable esprit artisanal d’entreprise qui a été
pendant longtemps la manifestation- la plus enviée de l’Economie
de notre pays.
Où en est-on maintenant ?
Un exemple, parmi d’autres, va vous le montrer. Dans fin département
du Sud-Ouest, une menuiserie fondée il y a une cinquantaine d’années
par le père est reprise en charge en 1975 par le fils qui exerce
seul son activité dans un atelier spacieux, créé
par ses soins, avec l’aide des machines et outils les plus perfectionnés
dans le travail du bois - mais ce matériel ne se substitue en
rien à l’initiative clé l’artisan qui continue à
concevoir les formes et à les exprimer plus facilement et plus
rapidement grâce à lui.
En un mot, le recours à la technicité n’affecte en rien
la créativité qui demeure l’essentiel dans l’élaboration
de la production constituée ainsi exclusivement par des articles
d’une qualité que l’on ne peut trouver dans les grandes exploitations
vouées au machinisme intégral. Mais, alors que l’importance
des investissements immobilier et technique permettrait normalement
à une dizaine de compagnons de travailler à plein temps,
les contraintes financières résultant de l’application
des lois sociales, certes justifiées en elles-mêmes, mais,
en l’espèce, inadaptées, s’opposent irrémédiablement
à un développement de cette entreprise qui serait bénéfique
à tous égards.
Et c’est ainsi que des moyennes et petites entreprises de toute nature
végètent, périclitent et disparaissent par milliers
tous les ans dans notre pays alors qu’elles en représentent les
valeurs les plus soi nés.
C’est en cela que le système est faussé et qu’une autre
politique s’imposait depuis le début de mon septennat si l’on
avait voulu réellement sauve garder l’essentiel des possibilités
de redressement.
Et, en ce domaine, je ne peux qu’exprimer un sincère et profond
« mea culpa, mea maxima culpa ». Aussi, j’envisage très
sérieusement en ce qui me concerne, et pour faciliter votre bon
choix, de ne pas me représenter à vos suffrages le 26
avril 1981.
J’ai fait un rêve.., pour une fois j’ai cru à un tribun
! Mais laissez-moi vous expliquer. Déçu par l’apathie
générale des salariés qui subissent sans broncher
l’injustice, la hiérarchie, les impôts, les inégalités,
la vie chère.., et trompés par leurs représentants
syndicaux, je me suis mis à rêver d’un homme, syndicaliste,
hors du commun, surgi du temps de la Charte d’Amiens, qui oeuvrerait
à la place de la base qui ne sait pas encore se déterminer
elle-même.
Et ce syndicaliste déconseillait d’emblée aux salariés
de continuer le mode de grève « traîne-savates »
qui consiste à demander des augmentations de salaires - 10 F
pour l’ouvrier, 1 000 F pour l’ingénieur - toujours dépassées
par les prix. Et il nous dirigeait vers une action plus efficace et
plus concrète de grève, et nous disait : Faisons une grève
générale pour obtenir la suppression de l’impôt
sur nos revenus pour commencer ; et ceci pour tous ceux qui sont salariés
ou en retraite. Après, sur cette base d’action, nous ferons aussi
une grève générale pour l’obtention de la gratuité
dans tous les transports en commun trams, bus, métros, chemins
de fer - payer la fatigue d’un voyage pour aller travailler, cela dépasse
l’entendement ! Ainsi, après satisfaction de leurs revendications,
les salariés reprenaient confiance en leur combativité
et à nouveau, quelque temps après - mais pas trop tard
pour ne pas permettre au patronat de relever la tête - leur «
leader » les appelait à faire une grève générale
pour la gratuité dans la consommation de l’eau, du gaz, de la
lumière et ainsi de suite au fur et à mesure des acquis,
pour la gratuité du courrier postal et du téléphone,
de la santé, (le l’instruction publique et de tout ce qui doit
être obtenu dans les services publics - on ne paie pas un service
public, on en use gratuitement ! -
Notre syndicaliste qui avait une audience incalculable auprès
des salariés en leur montrant la voie à suivre, nous disant
que cela est un commencement vers l’Economie Distributive et que nous
pourrons ainsi continuer notre action avec toutes les autres sortes
de consommateurs. De plus, ces grèves actives auront une efficacité
certaine en concevant de les faire de façon productrice et distributive,
dans toutes les professions où cela est applicable , il nous
assurait encore que puisque les techniques très avancées
de production nous relèvent de notre labeur - autrement dit nous
envoient au chômage - que les salariés qui travaillent
encore, mais en instance de chômage, déclenchent une grève
générale pour obtenir la garantie de la totalité
de leur salaire pour le jour où ils seront licenciés...
Quelle exultation que ces coups de boutoirs contre la société
capitaliste !
Mais un rêve ne dure pas et la réalité nous montre
que ce n’est pas nos chefs syndicaux actuels, tous compromis dans la
collaboration avec le patronat et le capitalisme, qui s’enhardiraient
à défendre ainsi les salariés et les consommateurs
! Ça ne fait rien quand même, la réalité
est parfois dure à supporter !
On ne saurait être plus délicat ! Savez-vous comment la
Sécurité Sociale dénomme la Caisse qui s’occupe
des retraités ?
- La CRAM vieillesse.
Pour qui est diplômé d’argot, il n’y a pas de mystère
; comme en vieux français, « cram » c’est le feu
éliminateur ! Voilà le programme, m’sieurs-dames : les
vieux on les fait cramer. Merci. A une époque où le carburant
est cher, on fait trop d’honneur aux vieux schnocques en les faisant
servir jusqu’au bûcher inclus, en qualité de combustible.
Que le son du corps est au stère au fond des Crams. Donne-lui
tout de même l’adresse, dit le Révérend Père
: La Cram-vieillesse, 110, rue de Flandre, 75951 Paris Cédex
10.
Sciences et Avenir (n° 402, août 1980) nous informe de certaines
innovations techniques dans le domaine de l’éclairage. La firme
Philips commercialise une ampoule contenant un petit tube fluorescent,
avec régulateur miniaturisé de tension et d’intensité.
Cette ampoule de 18 watts donnerait la même lumière qu’une
ampoule à filament de tungstène de 75 watts. D’où,
dit la publicité, une dépense de quatre fois moins d’énergie.
Toutefois, la nouvelle merveille coûte dix-neuf fois plus cher
que l’ampoule traditionnelle, et pèse 530 grammes au lieu de
35 grammes. Mais elle dure 5 000 heures.
Face à cette innovation technique, la General Electric (qui vend
la moitié des lampes à incandescence des États-Unis)
va lancer en 1981 l’ « Electronic Halarc », ampoule combinant
les vertus du filament de tangstène et celles de l’arc à
vapeur d’halogénures. Elle aussi doit durer 5 000 heures et consommer
trois fois moins d’énergie que les ampoules traditionnelles à
incandescence. La General Electric espère bien devancer Philips
dans le renouvellement des stocks.
Westinghouse n’est pas en reste et espère bien devancer General
Electric avec son ampoule à tube fluorescent qui durera 7 500
heures.
Enfin, la G T E Sylvania annonce de son côté pour 1981
une « Miniarc », contrôlée électroniquement,
qui fournira avec 40 watts la même lumière qu’une lampe
à incandescence de 200 watts.
—« o »—
La télévison s’est fait l’écho de cette guerre
des ampoules, en la situant dans le cadre de la compétition pour
les économies d’énergie, en laissant le soin aux auditeurs
d’apprécier l’intérêt que portaient les grandes
compagnies industrielles à l’intérêt général.
Mais ni la revue ni la télévision n’ont fait allusion
aux précédentes initiatives des grands trusts General
Electric et Westinghouse se sont efforcés pendant plus de 10
ans d’empêcher ou de retarder l’introduction des lampes à
fluorescence aux États- Unis (1). En 1939, General Electric demandait
à tous ses vendeurs de cacher que les lampes à fluorescence
économisaient des frais d’éclairage. E. Mandel cite le
cas d’une ampoule électrique supérieure, inventée
au début de 1930 et qui, selon les estimations, aurait économisé
dix millions de dollars pour les consommateurs, mais n’a pas été
mise sur le marché (2). Le même auteur reproduit la déclaration
de M.O.D. Young, qui fut président de la General Electric : «
Les capitalistes sages évitent d’exploiter de nouvelles inventions
et ne s’engagent que lorsque le public est prêt à une demande
massive. » (3)
C’est bien ce qui se passe maintenant, les circonstances sont favorables
pour ces messieurs.
Adret (4) rappelle que la firme qui a inventé les tubes fluorescents
ne les a mis sur le marché qu’après avoir découvert
le moyen d’en réduire le fonctionnement de 1 000 heures au lieu
de 3 000.
Ainsi, après avoir gaspillé le travail humain et prostitué
l’intelligence inventive au sabotage du progrès technique, les
grands patrons de l’industrie électrique se présentent
comme grands économiseurs d’énergie et bienfaiteurs de
l’humanité.
(1) A.A. Bright Jr. The Electric Lamp Industry, cité par E.
Mandel : Traité d’Economie Marxiste, Tome II, chap. XII.
(2) D’après Technological Trends, cité dans Lilley : Men,
machines and History.
(3) D’après Rupert Maclauron, Invention and Innovation in the
radio industry.
(4) Travailler deux heures par jour (Editions du Seuil, 1977).
BLOC-NOTES
Cette nouvelle étude du SIPRI examine dans quelle mesure les
guerres et autres activités militaires contribuent à la
dégradation de l’environnement. Ce livre ajoute aux arguments
humanitaires des arguments écologiques pour conclure à
la nécessité de renoncer aux armes de destruction massive
et à l’utilisation des guerres pour régler les disputes
entre nations.
La guerre dans un monde fragile est la troisième d’une série
d’études publiées récemment par le SIPRI sur l’impact
des guerres sur l’environnement. Les deux autres titres, Les conséquences
écologiques de la seconde guerre d’Indochine (1976) et Les armes
de destruction massive et l’environnement (1977) sont également
disponibles en anglais aux adresses ci-dessus.
Le SIPRI est un organisme indépendant qui se consacre à
l’étude des problèmes de paix et de guerre, en particulier
les problèmes de désarmement et de règlements internationaux
concernant les armements. L’Institut est financé par le Parlement
suédois. Le personnel, les directeurs et le conseil scientifique
appartiennent à diverses nationalités. Les publications
de SIPRI sont utilisées de par le monde par de nombreuses organisations
comme les Nations Unies et dans les négociations internationales
ou nationales concernant les questions d’armement. Elles sont désormais
considérées comme une source d’information incontestée.
(1) La guerre dans un monde fragile est publié (en anglais)
par Taylor & Francis Ltd., Londres.
SIPRI Information Department, Sveavägen 166, S-113 46 Stockholm
(Suède).