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N° 754 - mars 1978

Les élections... et après   (Afficher article seul)

La fable du maçon   (Afficher article seul)

Questions à poser aux candidats   (Afficher article seul)

L’économie distributive utilisée dans la démagogie   (Afficher article seul)

Qui ment ? Qui trompe les Français ?   (Afficher article seul)

Au fil des jours   (Afficher article seul)

Argent et soumission   (Afficher article seul)

Lectures   (Afficher article seul)

Accouchement difficile   (Afficher article seul)

Lettre à toutes les gauches   (Afficher article seul)

Frères ennemis ou faux problèmes   (Afficher article seul)

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Les élections... et après

par M.-L. DUBOIN
mars 1978

Voie sans issue
Les 12 et 19 mars : LE PEUPLE EST SOUVERAIN...
Mais dès le 20 mars : LE CAPITAL REPREND LE POUVOIR

VOUS n’en avez pas par-dessus la tête de la campagne électorale ? Jamais on ne nous en aura autant saturés  ! Pas un bulletin de radio, pas une information télévisée qui ne cite de nouvelles ( ?) déclarations politiques...
Mais en est-on mieux informé pour autant ? Pas du tout, et 70  % des Français, d’après un sondage, pensent que les politiciens ne leur disent pas la vérité. Ce qui vient confirmer le témoignage fait récemment à la télévision par un ancien ministre, Françoise Giroud, selon laquelle le Président de la République estime qu’il est des vérités à ne pas dévoiler au peuple de France, jugé apparemment incapable de les comprendre...
Et avez-vous remarqué à quel point ce sont toujours les mêmes qu’on nous passe ? Quelles que soient les réunions qui se tiennent partout en ce moment, ce sont toujours les mêmes dix ou douze « leaders » des grands partis qu’on cite. Et s’il se disait quelque chose d’intéressant dans une petite réunion  ? Tant pis. Elle ne nous sera rapportée que si un immense déploiement de moyens publicitaires et tapageurs a réussi à attirer l’attention des journalistes. Et si c’est le Président de la République lui-même qui se lance dans l’arène pour indiquer quel est son choix personnel, qu’il qualifie donc de bon choix, tous les moyens nationaux sont mis à sa disposition, camions, cars pleins de CRS, aviation, police et jusqu’aux Ponts et Chaussées mobilisés pour refaire la chaussée sous ses pas.
Autre constatation : il existe aujourd’hui un langage officiel, celui qui est propre aux meneurs politiques et aux journalistes de télévision. Si bien que pour se faire entendre, il semble nécessaire d’avoir passé son langage dans un certain moule, sans doute fabriqué à l’E.N.A., définissant les formes, les phrases, les mots à employer. Pourtant l’immense majorité des Français parle une langue très différente. Ainsi la télévision et la radio ne sont l’expression que d’une infime minorité de Français. Et le public est à tel point conditionné que si un ouvrier ou un paysan a, par hasard quelques secondes la parole, c’est son langage qui surprend : il parait incongru. L’apparence, à la télévision compte tellement plus que le fond que nombreux sont les Francaises-Francais qui ont élu pour Président celui des candidats qui « passait » le mieux la rampe.

*

Ras le bol ou non, très nombreux sont nos lecteurs qui nous ont demandé un numéro spécial pour les élections, contenant l’essentiel de nos thèses, des références, des questions à poser aux candidats. Ils veulent participer aux discussions qui vont avoir lieu un peu partout pour y faire réfléchir sur nos propositions. Nous ne pouvons que les aider et les encourager en souhaitant que leur exemple soit suivi par tous nos lecteurs.

CE QU’ON NOUS PROPOSE

NOUS ne nourrissons aucune illusion quant aux possibilités de changement par le renouvellement d’une Assemblée législative qui, d’ailleurs, ne détient pas le pouvoir.
Pour nous, quelle que soit l’issue du scrutin, l’absurdité du régime économique continuera ses ravages puisqu’aucun des partis en présence ne propose vraiment d’y remédier.
Il n’y a aucune raison de penser que si la majorité actuelle l’emporte, elle entreprendra de changer une situation qu’elle détient depuis vingt ans. Nous savons d’expérience comment ses belles paroles et ses promesses de démocratie ou de justice se transforment dans les faits. Même s’ils voulaient réagir, les tenants de ce régime sont liés par les intérêts qui les ont mis en place.
Il est donc normal que beaucoup d’espoirs convergent vers la gauche, par opposition. L’échec des négociations pour actualiser le programme commun a déçu certains. D’autres l’ont interprété comme la preuve d’une conviction sincère dépourvue d’électoralisme chez les négociateurs. Pour nous. il a été la confirmation qu’il n’est pas possible d’établir un programme de gouvernement satisfaisant des aspirations sociales sans changer le système des prix-salaires-profits. Nous appuyons la lutte fort légitime des travailleurs contre l’emprise du grand capital, mais nous ne pouvons pas suivre lorsqu’il s’agit, pour sauvegarder des emplois, de maintenir coûte que coûte n’importe quelle usine, n’importe quelle fabrication inutile ou nuisible, avions de prestige et armes nucléaires compris.
Entre l’injustice et le gâchis, une troisième voie s’est fait jour. Sous l’étiquette d’écologistes se regroupent ou votent tous ceux qui veulent qu’on pense avant tout à l’homme, à la qualité de sa vie, à son épanouissement. Mais cette attitude. parce nu’ elle a pour mobile une réaction contre l’absurdité environnante et ses dangers, n’a pas atteint le stade constructif de proposition d’une nouvelle société. Etre contre les pollutions du corps et de l’esprit c’est bien, mais prêcher pour cela le renouveau de la moralité ou le renoncement aux progrès techniques... Autant dire à un alcoolique invétéré : « Sois raisonnable, cesse de boire  ! ».

CHERCHER LA CAUSE...

NOUS aussi, et depuis plus de 40 ans, nous dénonçons tous les gâchis et toutes les absurdités qui nous environnent. Mais nous en cherchons objectivement la cause profonde, pour en déduire la façon de l’éliminer en adaptant notre système social aux conditions économiques du XXE siècle.
On a toujours tendance, en France surtout, à imputer tous nos malheurs à ceux de nos compatriotes qui ne partagent pas nos opinions. On dénonce l’avidité du patronat, l’âpreté au gain des paysans, l’incompréhension des bureaucrates, la faiblesse des gouvernements, la démagogie des partis politiques, la disparition de la moralité, l’égoïsme des jeunes, etc... Tous ces reproches que les hommes s’adressent mutuellement sont sans doute en partie fondés. Mais les tares ainsi dénoncées ne sont que les conséquences d’un régime économique et social périmé.
Lorsqu’on fait l’analyse de ce qui ne va pas, on aboutit à dénoncer une effarante disparité des moyens dont disposent les êtres humains pour vivre. Pour ne parler que de ce qui se passe en France, on constate que des êtres qui placent la fraternité dans leur devise vivent, les uns dans des conditions misérables, à côté d’autres pour qui on a dépensé des dizaines de milliards pour leur permettre seulement de gagner quelques heures lorsqu’ils veulent traverser l’Atlantique. Depuis des siècles, les conditions de vie des malheureux n’ont pratiquement pas évolué, en comparaison du bouleversement total des moyens dont disposent depuis quelques décennies les plus favorisés. On raconte que le fisc réclame à un chanteur un milliard d’impôts (ce nui n’est donc qu’une fraction de ses revenus), cela représente combien de fois le salaire annuel d’une caissière d’hypermarché  ?
On constate donc que les prodigieux progrès techniques dont nous ayons été témoins ont profité d’une façon scandaleusement inégale aux classes laborieuses et aux privilégiés. La disparité est bien plus grande qu’à la veille de la révolution de 1789.
Et c’est ainsi qu’au cours de la campagne électorale on pourra entendre les uns réclamer pour les travailleurs, et de fanon tout à fait légitime, une relance de la production tandis que les autres réclament au nom de l’environnement un arrêt de la croissance et des pollutions qu’elle entraîne. Mais ni les uns ni les autres ne s’aperçoivent que ni la relance ni le frein ne viendront à bout des inégalités sociales.
C’est au niveau de la répartition des moyens de disposer de la production qu’il faut agir.
Et c’est à ce niveau que se situent nos propositions.

D’OU VIENT LE POUVOIR D’ACHAT ?

IL n’y a pas de mystère : c’est la production qui est la source de tous les pouvoirs d’achat : les producteurs avancent l’argent nécessaire pour paver la production. les clients les remboursent en achetant les produits, soit directement. soit par l’intermédiaire de commerçants. intermédiaires et prestataires de services, fonctionnaires et militaires, dont le pouvoir d’achat, prélevé sur celui des consommateurs ou des contribuables, n’est qu’une étape dans le cycle qui se referme au niveau d’une nouvelle production. C’est ainsi que LE VOLUME DE LA PRODUCTION CAPITALISTE EST DETERMINE PAR LE POUVOIR D’ACHAT DES CONSOMMATEURS. L’ECONOMIE CAPITALISTE NE PREND EN CONSIDERATION QUE LES BESOINS SOLVABLES.
Et si la production est réalisée avec moins de travail humain, elle injecte dans ce circuit d’autant moins de pouvoir d’achat, les machines qui réalisent la production n’en percevant et n’en distribuant guère. Les chômeurs ainsi éliminés du cycle, sont autant de clients en moins pour les commerçants, pour les prestataires de service, autant de contribuables en moins, alors qu’ils augmentent les charges fiscales des autres, ce qui fait monter les prix. D’où une crise grandissante depuis qu’il est « rentable » pour un producteur de remplacer un travailleur par un automatisme.

LA SOLUTION

IL convient donc de repenser le mode de distribution du pouvoir d’achat, dès lors que celui qui est en vigueur n’est plus adapté aux moyens modernes de production et que cette inadaptation entendre une crise grave par les injustices qu’elle crée et qu’elle accentue.
Le moyen est simple, même s’il bouleverse les habitudes : le pouvoir d’achat ne doit plus dépendre des fluctuations de l’emploi. Il faut dissocier, pour tout individu, ses revenus de son temps de travail et réaliser un système d’économie distributive (voir n°161. Le volume de la production à réaliser doit être décidé en prenant en considération les besoins réels et les possibilités de les réaliser (matières premières, énergie, état des sols, machines, environnement, etc.) et non plus en fonction d’une monnaie dont la valeur chute quand le leader d’un parti politique s’enrhume. C’est cette décision de production qui est fondamentale et détermine toutes nos conditions de vie. C’est parce qu’elle repose actuellement sur la disparité des moyens d’achat qu’elle augmente le fossé entre les riches et les pauvres. C’est en devenant l’affaire de tous qu’elle permettra la vraie démocratie.
Le volume de la production (et bien entendu celui des services nécessaires) étant ainsi décidé, on possède les moyens d’en déduire la quantité de travail humain qu’il faut employer pour les réaliser. Ceci définit la durée du service social auquel chacun est tenu de participer à son tour et selon ses aptitudes.
Il reste alors à distribuer la production ainsi décidée et réalisée par tous. Le moyen est simple : il suffit de créer une monnaie destinée à cet effet. Une monnaie qui représente exactement la production à répartir et qui perd sa valeur dès qu’elle a été utilisée. Comme il ne s’agit pas d’obliger tout le monde à manger tant de kilos de pommes de terre, d’acheter tel manteau de série et de parcourir tant de kilomètres par an, il faut remettre périodiquement à tout individu, homme, femme. enfant, (in revenu qu’il dépensera selon ses goûts et ses besoins. L’important est que la somme des revenus distribués soit l’équivalent de la production en biens et en services réalisés par l’ensemble de la société. Et les choix faits par les consommateurs, inscrits par les détaillants (comme à l’heure actuelle) doivent aider à la détermination convenable de la production à renouveler, Ainsi ce ne sont plus les besoins solvables qui décident, ce sont les besoins réels des consommateurs. D’autant plus réels que les campagnes publicitaires pour une absurde société de consommation n’auront plus de raison d’être : pousser à la consommation se traduira par augmenter le temps de travail social obligatoire pour tous.
Il faudrait, dans un exposé complet, en examiner en détail toutes les conséquences. Par exemple, expliquer qu’en ce qui concerne les échanges avec l’étranger, il s’agit toujours de troc, marchandises contre marchandises, même si le troc n’est pas direct. Il est donc possible de tenir une comptabilité de ces échanges, quelle que soit la monnaie dans laquelle on l’exprime.
Il faudrait surtout mettre en relief les conséquences humaines d’une telle redistribution du travail, des biens et des services. On s’apercevrait vite que si elle ne résout pas tous les problèmes, elle apporte une solution raisonnable et équitable à la plupart de ceux dont les conséquences sont aujourd’hui les plus désastreuses.

MAIS nous n’avons pas la place ici d’exposer la totalité d’une théorie qui a fait l’objet d’un très grand nombre d’ouvrages (1) depuis sa création par Jacques Duboin. Notre équipe de rédaction se contente de saisir les faits d’actualité qui permettent d’en apprécier les avantages par rapport à la réalité.
De tous ces avantages, le moindre n’est sûrement pas l’égalité de tous devant la connaissance, l’information et la prise de décision. C’est pourquoi nous consacrerons de prochains articles à ces questions fondamentales et nous demandons d’ores et déjà à nos lecteurs d’y apporter leurs réflexions personnelles.

(1) Voir sous la rubrique « Initiatives » p. 14 et en dernière page, les moyens d’emprunter ou de se procurer ces ouvrages.

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La fable du maçon

LETTRE OUVERTE A M. V. GISCARD D’ESTAING
par M.-L. DUBOIN
mars 1978

C’EST un Français moyen qui vient vous féliciter, Monsieur le Président, pour la façon dont Mous nous faites comprendre, avec la fable du maçon, qu’il y a intérêt à réparer plutôt qu’à démolir, pour reconstruire la maison.
Mais, puisqu’il y a réparation à faire, votre serviteur voudrait en connaître la nature et le pourquoi.
Il lui apparaît que le gros-oeuvre, les murs, sont solides ; il y a dans cette maison (on le devine sans peine, c’est notre pays) de très bonnes terres et des paysans compétents, courageux, pour les cultiver, de bons ingénieurs et ouvriers, pour faire marcher des usines modernes.
Il y a bien le toit qu’on ne peut jamais complètement réparer, qui laisse filtrer l’inflation, le chômage. Ceci est inquiétant. Si l’on faisait appel à l’architecte pour vérifier ?
Le voici. Il cherche, et ne trouvant rien d’extraordinaire, ni au grenier, ni dans la maison même, décide d’aller voir les fondations, et là, stupéfaction : il semble qu’un séisme, analogue à un tremblement de terre, soit passé par là !
Le principal pilier, celui que l’on appelle libéralisme économique, est fissuré de toutes parts. On lui a même mis de nombreux étais ; leur nom étant inscrit sur chacun d’eux, il est facile de les identifier : aide aux personnes âgées, aide aux handicapés, aide aux chômeurs, aide aux grandes entreprises en difficulté, aide aux reconversions d’emploi, aide aux femmes restant au foyer, aide à l’exportation, en cédant parfois à vil prix des produits en excédent ( !), aide au F.O.R.M.A. pour garder une certaine rentabilité aux produits agricoles où l’abondance est devenue une calamité, et combien d’autres aides plus ou moins importantes sans lesquelles le pilier du libéralisme se serait effondré !
Se retournant, l’architecte aperçoit les deux autres principaux piliers de l’édifice et comprend tout de suite pourquoi il pleut dans la maison l’un de ces piliers anormalement élevé  : l’offre, par rapport à l’autre, la demande, empêche l’équilibre de l’édifice ; il provoque des lézardes sur le toit ; les pluies de chômage et d’inflation rendent le sous-sol mouvant, accentuant le danger d’écroulement.
Expliquant ces choses, l’architecte conseille de construire un nouveau pilier ayant de larges assises, pour rétablir l’équilibre et empêcher de pleuvoir.
C’est, explique-t-il, la seule réparation vraiment efficace.
Sur ce, l’architecte construit la maquette du nouveau pilier de l’édifice et la présente au maçon.
Puis-je vous dire le nom de cet architecte, Monsieur le Président  ; il s’appelait Jacques Duboin, et sa maquette c’est l’Economie Distributive, édifiée il y a près de cinquante ans. Il a prévu la plus grande révolution économique de tous les temps, celle qui provient des progrès foudroyants des techniques. Depuis l’édification de la maquette, toutes ses prévisions se sont vérifiées.

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Questions à poser aux candidats

par P. SIMON
mars 1978

LA campagne électorale offre une occasion unique d’obliger les politiciens à reconnaître l’insuffisance de leur programme et les contradictions dont il est farci. A cet effet, voici quelques questions précises qu’il faut leur poser :

A TOUS LES CANDIDATS

I.- Estimez-vous normal un état de choses qui laisse 2 millions de Français dans la misère (J, faute de pouvoir d’achat, alors que la production est si abondante que les magasins regorgent de marchandises, qu’on « assainit » les marchés agricoles, et que des milliers de travailleurs sont obliges de se croiser les bras ?
S’il vous répond qu’une croissance forte est nécessaire et que seul un essor industriel vigoureux peut assurer à la France le maintien et le développement du niveau de vie, l’amélioration de l’emploi, faites lui remarquer qu’il est absurde d’inviter les industriels à produire davantage alors qu’ils sont incapables de vendre ce qu’ils ont déjà produit.
II.- Pourquoi les Français ne sont-ils pas capables d’acheter ce qu’ils sont capables de produire ? Est-ce que cela ne choque pas le simple bon sens ? Alors que proposez-vous pour en finir avec cette contradiction stupide ?
III. - Pourquoi les Français ne sont-ils pas capables de «  financer » ce qu’ils sont capables de produire ?
Donner ici l’exemple d’une mdnicipalité qui voudrait construire une école, ou un hôpital, ou des logements. Pour exécuter ces travaux urgents tout est à pied d’oeuvre : matériaux, outillages, techniciens et travailleurs. Pourquoi la municipalité est- elle obligée de renoncer à ces travaux ou tout au moins de les ajourner, sous prétexte qu’elle manque d’argent  ?
Qui fabrique les crédits ? L’argent n’est aujourd’hui que du papier (billets de banque) et des
écritures (monnaie bancaire). Qui a donc le droit de fabriquer cet argent selon son bon plaisir en exigeant qu’on lui en rembourse davantage ?
IV.- Notre système financier nous empêche à la fois de produire et de consommer, quelles réformes proposez-vous de faire ?

AUX DEPUTES SORTANTS QUI ONT FAIT PARTIE DE LA MAJORITE

I.- Le gouvernement que vous avez soutenu de vos votes (parfois sans enthousiasme) s’est vanté d’avoir fait reculer le chômage. C’est la preuve que son « plan de redressement  » a été couronné de succès. En même temps, il entend développer la productivité qui diminue le nombre des emplois. A quel moment parle-t-il sérieusement  ?
II. - N’avez-vous pas autorisé le gouvernement à prendre des milliards dans nos poches pour subventionner l’exportation à bas prix ou à crédit bon marché de produits que les Français n’ont pas les moyens d’acheter ?
III.- Comment trouver des débouchés chez les autres quand les autres se plaignent aussi d’en manquer ? Comment ferez-vous communiquer des vases qui débordent ? Que coûtent chaque année les organismes du Marché Commun aux contribuables français  ?
IV.- Pourquoi plus les produits se vendent mal, plus leurs prix montent  !

AUX CANDIDATS DE LA GAUCHE

I.- En quoi votre programme se différencie-t-il fondamentalement de celui des candidats de droite ?
II. - Si vous entendez augmenter les salaires, quelles mesures prendrez-vous pour que cette augmentation ne soit pas incorporée dans le prix de vente ? donc pour qu’elle n’augmente pas le prix de la vie ?

(*) Voir « Le Monde » du 17 novembre 1977 : « Le quart- monde en France : deux millions de personnes ».

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L’économie distributive utilisée dans la démagogie

par R. CARPENTIER
mars 1978

Dans son discours de BLOIS sur les « objectifs  » d’action pour les libertés et la justice », qu’il a prononcé, Raymond BARRE a, à la proposition n° 18, déclaré qu’il sera institué.., en 1979 (pourquoi pas tout de suite) un Revenu Minimum (pourquoi pas maximum)... mais pour les familles ayant trois enfants au moins.
Or, cette parodie d’Economie Distributive (si elle voit le jour, O promesses électorales !) sera employée de façon démagogique pour favoriser l’expansion démographique !
Serait-ce à dire que notre idéal peut être galvaudé au point de l’accommoder à la sauce capitaliste pour replâtrer une économie libérale croulante et perpétuer ainsi l’inégalité et la domination ?
Non, Messieurs les profiteurs, l’Economie Distributive ne pourra être instituée que dans une Société s’étant débarrassé de votre économie marchande et de toutes les injustices qu’elle représente ; y compris celle de promouvoir l’expansion démographique qui fait aussi courir le monde à la catastrophe !
L’Economie Distributive n’est pas une panacée permettant de jeter de la poudre aux yeux des consommateurs. L’Economie Distributive est la Libération Economique et Sociale complète de l’Humanité. C’est l’Abondance dans la production, et la consommation par le REVENU SOCIAL MAXIMUM POUR TOUS. Alors, je vous en prie, ne la salissez pas  !

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Qui ment ? Qui trompe les Français ?

par J.-P. MON
mars 1978

LE 28 janvier 1978, le Président de la République, discourant à Verdun sur le Doubs sur le « bon choix » que les Français seront appelés à faire les 12 et 19 mars prochains, déclarait : « Je ne permettrai jamais que les Français puissent dire : on nous a trompés. » (gros titre dans « France- Soir », bien sûr).
Les Français ont la mémoire courte, c’est bien connu, et tout le monde en profite et nos gouvernants les premiers.

Le barrage contre l’inflation

CAR enfin, n’est-ce pas ce même Valéry Giscard d’Estaing (pas encore Président de la République, il est vrai) qui, en 1960, proclamait fièrement : « J’ai élevé contre l’inflation un véritable barrage ». Barrage qui s’est révélé de la même solidité que le barrage de triste mémoire de Malpasset, puisque, depuis 1960, et selon le très officiel I.N.S.E.E., les prix ont augmenté de 262 %.
N’est-ce pas encore le même Valéry Giscard d’Estaing qui, ministre des Finances de 1962 à 1966, puis (après avoir fait campagne contre le général de Gaulle en 1969), de 1969 à 1974 nous a répété tous les ans avec la même assurance que la hausse des prix ne dépasserait pas... la moitié (ou à peu près) de ce qu’elle s’est avérée être en fait.
Nos lecteurs savent, eux, depuis longtemps, qu’en économie capitaliste il est vain de prétendre lutter contre l’inflation et que ce « mal terrible » est nécessaire pour assurer l’expansion.
Nous ne ferons pas au Président de la République, ancien élève de l’Ecole Polytechnique et de l’Ecole Nationale d’Administration, l’injure de croire qu’il l’ignore... Mais alors, pourquoi nous répéter à longueur d’année que l’inflation sera vaincue ? Qui veut-il tromper, sinon les Français ?

R. BARRE et la Trilatérale

QUI ment, qui trompe les Français lorsqu’il feint de s’indigner des ingérences américaines dans la politique française ou italienne sinon le Premier ministre R. BARRE, dont on ne parle jamais de l’appartenance à la Trilatérale  ?
La Trilatérale ? Rares sont les Français qui savent ce que c’est. La grande presse n’en parle pas (et pour cause !).
Eh bien, sachez que cette Commission internationale a été fondée en 1973 par David ROCKEFELLER, président de la Chase Manhattan Bank, et qu’elle regroupe en son sein les tout-puissants d’Amérique du Nord, de l’Europe et du Japon (1).
Son but, c’est d’unifier le Nord pour faire face au Tiers-Monde et s’opposer a la progression électorale communiste en Europe de l’Ouest.
Estimant que les democraties « liberales » tendent à devenir ingouvernables (2), quelles sont gravement menacées par les intellectuels et les journalistes, la Trilaterale entend renforcer le principe d’autorité. (Nous voilà donc avertis !).
C’est cette commission qui a « fabriqué » Jimmy CARTER (1) et qui lui a impose ses principaux collaborateurs tels que le vice-président Walter MONDALE et Zbignew BRZEZINSKI, principal collaborateur du President et premier directeur de la Trilatérale.
Lorsque l’on sait tout cela, on peut apprécier l’étendue de la duplicité du Premier ministre et on ne s’étonne plus de sa politique systématique de mise au pas de la Presse et dd démantèlement de l’Université, pas plus que de la liquidation, pour le plus grand profit des Américains, de secteurs clés de l’économie tels que l’informatique ou l’industrie des composants électroniques, ou encore, dans le domaine des réacteurs nucléaires, le choix des systèmes à eau pressurisée (licence Westinghouse) au détriment de la filière française graphite-gaz.
Ce ne sont là que quelques exemples, très révélateurs et très inquiétants, des mensonges de nos gouvernants actuels, et la liste est longue des déclarations et des promesses que « les Princes qui nous gouvernent » depuis vingt ans nous ont faites et qui n’ont pas été tenues ! Mais dans la Trilatérale il n’y a pas que des banquiers et des hommes politiques :
Il faut aussi que les agriculteurs français, objets depuis quelque temps (pourquoi, diable ?) de la sollicitude du Président de la République et de son Premier ministre, sachent que Michel DEBATISSE, président de la puissante F.N.S.E.A., appartient lui aussi à la Commission Trilatérale. Cela leur permettra peut-être de voir sous un jour nouveau les problèmes qui se posent à eux.
Enfin, nos camarades membres de la C.F.D.T. pourront aussi interroger leurs dirigeants sur les raisons de l’appartenance à cette même Trilatérale de l’un des leurs, René BONETY.
Ces quelques compléments, ou dessous de table, que nous vous avons donnés et qui permettent de voir la vie politique française et internationale sous un tout autre aspect, qui est-ce qui vous les refuse, qui vous les cache, et pourquoi ? N’est-ce pas le pouvoir en place ?
Alors, qui ment ? Qui trompe les Français ?

(1) Le Monde Diplomatique, n°272, Novembre 1976.
(2) The crisis of Democracy, Report on the governability of democraties to the Trilateral Commission - New-York University Press, 1975.

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Au fil des jours

par J.-P. MON
mars 1978

A qui se fier ?
Le très sérieux « Wall Street Journal » qui, a notre connaissance, n’est pas un journal gauchiste ni l’instrument de Moscou, offrait récemment à ses lecteurs un éditorial dans lequel on pouvait lire : « Les ennuis du Président Valéry Giscard d’Estaing viennent peut-être du fait qu’il a choisi un professeur d’économie politique comme Premier ministre  » !
Quand on sait que R. BARRE a été qualifié de «  meilleur économiste français » par le président de la République lui-même, on ne peut guère avoir beaucoup d’illusion sur la capacité des autres économistes et des ministres.

*

Dans une interview au « Monde » du 5 novembre 1977, Lionel STOLERU, secrétaire d’Etat au Travail, se félicite de ce que, sous l’impulsion de M. BEGIN, Israël revienne enfin à l’économie libérale. Et Stoleru pose la question  : « Est-ce qu’Israël est disposé à accepter dans les années à venir la rançon du libéralisme, c’est-à-dire l’accroissement des inégalités sociales...  »
Voilà donc un aveu dépourvu d’artifices. Gageons que M.  Stoleru ne manquera pas de rappeler cette définition du libéralisme tout au long de sa campagne électorale.
Pour ceux qui ne le sauraient pas, je signale que M. Lionel Stoleru est membre du Carrefour Social Démocrate.

*

Apres quoi le meme Stoleru declare : « Le socialisme est synonyme de societe d’assistance, d’assurance tous risqués et d’interventionnisme public ». Je suis cependant sur que lorsqu’il ne sera plus ministre, ce qui ne saurait tarder, M. stoleru trouvera tout naturel de percevoir sa retraite payée par l’Etat et de continuer a beneficier des prestations de la Sécurite Sociale.
Quant a l’interventionnisme public qu’il deplore tant, n’est-ce pas le gouvernement dont il est membre, qui le pratique allègrement pour prendre en charge les déficits des grosses entreprises privées dont les patrons sont, bien sur, de farouches defenseurs de l’economie liberale... quand il font des benefices ?

*

L’INSEE a calculé que le montant total des aides directes et indirectes de l’Etat a la metallurgie (secteur privé) s’était monté en 1976 à 60 milliards de francs lourds, ce qui représente 3 478 francs par mois et par salarié.

*

Dans un article intitulé « Politique de classe » (« Le Monde » du 25-11-77) M. Pierre URI écrit. « Certaines années les subventions de tous ordres versées par l’Etat aux entreprises privées ont été plus élevées que les dépenses de fonctionnement direct des administrations civiles... On fait porter le blâme aux entreprises nationalisées alors qu’à travers elles et grâce à des ventes (transport des marchandises, gaz ou électricité, ...) au-dessous du prix de revient s’opère un énorme transfert en faveur de l’industrie privée. Il n’est pas étonnant qu’en contre-partie la part disproportionnée des charges publiques retombe, par l’impôt sur le revenu, sur les travailleurs, et, par l’impôt indirect (aux taux les plus élevés du monde), sur les familles les plus modestes, celles qui dépensent tout ce qu’elles gagnent...
Entre les impôts non réclamés et la masse des subventions de tous modèles, c’est, chaque année, depuis vingt ans, quelque chose comme 7 à 8 % du produit national qui, aux frais des contribuables effectivement trappes, va au maintien du pouvoir en place ».
Apres quoi M. BARRE prêche la rigueur pour les salariés.

*

C’est quand meme bien pratique cette societe liberale avancee : estimant que le traffic n a pas atteint l’importance qu elle escomptait pour lui permettre d assurer sa rentabilité, la societe de l’Autoroute Paris-Est-Lorraine vient de demander de resilier le contrat de concession qui la lie aux pouvoirs publics.
En d autres termes, elle veut revendre a l’Etat l’autoroute qu’elle a construite, parce qu’elle ne fait pas des benéfices suffisants.
Mais entendez le tintamarre que ça ferait si les partis de gauche proposaient de nationa-liser les autoroutes !

*

En Norvège, pour lutter contre le chomage, le gouvernement veut réduire ta consommation en 1975 (faut-il vraiment être un économiste brillant pour voir qu’en diminuant la consommation, on diminue le chômage...) .
Le Fonds Monétaire International exige du pauvre Portugal qu’il renforce les mesures d’austérité et notamment qu’il réduise sa croissance économique pour pouvoir bénéficier d’un prêt.
Il est vrai que le déficit de la balance commerciale portugaise aura atteint en 1977, 2,4 milliards de dollars. Mais c’est bien peu de choses à côté de celui des Etats-Unis qui dépasse 20 milliards de dollars et qui selon les experts restera à ce niveau pendant plusieurs années consécutives. Mais les Américains, eux, se moquent du Fonds Monétaire International et font baisser leur dollar afin d’exporter plus facilement leurs productions.
L’Austérité n’est pas pour les Américains !

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Argent et soumission

par A. CHANTRAINE
mars 1978

Pour soumettre les hommes à l’argent
Dans les écoles petites ou grandes
On leur apprend tout simplement
Grace a des faux enseignements
A demeurer des ignorants
Soumis a la mystification
Des dispensateurs de l’argent.

Le monde est soumis à l’argent
Parce que les hommes émotionnels
Sont dirigés comme des pantins
Par des « hommes d’affaires » très malins
Qui savent bien tirer les ficelles.

L’argent, veau d’or, est déifié
Par notre système financier
Qui fait crouler l’économie.

NON. L’Argent ne sert pas à vivre
Son rôle est celui de détruire.
Mais pour bien le comprendre
Il faut très grande intelligence
Ou mieux encore : grande conscience.

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Lectures

mars 1978

Dans le numéro 154 de la revue « Pour l’enfant vers l’homme », éditée par la Fédération Cornec des parents d’élèves, nous relevons les conclusions d’un article de Jean-Louis BRUN.
L’article, intitulé : « Anticipation 2977 » est un récit de socio-fiction. Sa conclusion pourrait être pour demain, mais pourquoi pas dès aujourd’hui ?
« Toutes ces qualités constituent autant de valeurs que doit dispenser une école ouverte à tous - foyer d’éducation permanente - se proposant de permettre dans une société améliorée qu’elle contribuerait à promouvoir, de ne plus concevoir le travail comme une malédiction, de retrouver le sens de la communication, de faire du temps libre un temps authentiquement libéré. Dans une telle structure non plus fondée sur le profit ou le plaisir de dominer, l’homme pourrait se consacrer à lui-même et aux siens, pour bâtir son bonheur et celui de ses proches tout en coopérant naturellement à la promotion du bienêtre de la société. Savoir-aimer et savoir-comprendre le feraient ainsi accéder à l’indispensable savoirentreprendre qui permet de progresser... »
« Que voilà une réflexion féconde pour approfondir et développer notre engagement... »

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En relisant J. Duboin

Accouchement difficile

par P. BUGUET
mars 1978

APRES les grands battages complaisamment televises pour conditionner l’opinion publique, commencent les intarissables commentaires sur le rite electoral, pour achever de désorienter l’électeur.
Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour imaginer que ces préoccupations sélectionnées, enfoncées dans la cervelle du Français moyen, porteront leur fruit : la prolongation du statu-quo économico- social.

POUR COMBIEN DE TEMPS ENCORE ?

NOUS ne lisons toujours pas dans le marc de café, mais nous pouvons dire qu’à la vitesse du développement du chômage et de la dévaluation ,le blocage dés échangés ne tardera plus longtemps à nous contraindre à un nouveau mode de répartition des biens.

CONSTAT DE FAIT

JACQUES Duboin écrivait, il y a 40 années C’est la production sous toutes ses formes (y compris les entreprises de transport, de vente, etc.) qui solvabilise les besoins des consommateurs, dans la mesure où ils participent.
Vouloir l’ignorer dans le bouleversant assaut des techniques de production auquel nous assistons c’est de l’inconscience ou du calcul intéressé. Eluder les adaptations comptables qui découlent de l’irréversible déclin du mode de solvabilisation de la consommation, ce n’est plus seulement de la suffisance inconsciente, c’est le mépris volontaire de l’intérêt collectif.

INCONSCIENCE DES HOMMES POLITIQUES

NOS hommes politiques de tous horizons sont unanimes à partager cette inconscience. Admettons-le des partis conservateurs, accrochés à la survie de leurs privilèges ; mais des partis dits de gauche, se prétendant progressistes !... Quelle notion se font-ils donc encore du socialisme qui s’impose de nos jours  ? Alors que notre équipement productif de plus eh plus automatisé nous inonde de biens sans contre-partie, nos « socialistes » prônent l’échange, propre à l’économie de rareté.
- les uns persévèrent dans le réformisme, cherchant à corriger les défauts du régime capitaliste, tout en conservant sa structure échangiste et son mode de répartition des biens : « à chacun selon ses oeuvres ».
- les autres louchent vers le socialisme d’Etat, mitigé de réformisme, qui conserve également la répartition échangiste, mais sous direction étatique et où la formule de répartition dés biens devient : « à chacun selon sa fonction  ». C’est blanc bonnet et bonnet...
Par la vertu des options politiques, l’échange de l’âge de la faux subsiste, alors qu’il est irrémédiablement condamné par les techniques nouvelles de production.

UNE DEFINITION DU SOCIALISME DE NOS JOURS

Citons la claire conception du Socialisme que Jacques Duboin précisa dans « DEMAIN OU LE SOCIALISME DE L’ABONDANCE  » (1)
« Dans un pays où la production peut croître en meure temps que le chômage, le socialisme ne consiste ni dans un changement de personne (toute chose restant en l’état), ni dans la confiscation de l’argent des riches, ni dans l’agitation des masses populaires, ni dans la simple conquête du pouvoir, ni dans l’amélioration du sort des déshérités dans le cadre de la société actuelle, ni de la participation de la classe ouvrière aux bénéfices de la classe dirigeante, ni même dans le partage des terres, qui est une ineptie de première grandeur dans les pays où il n’y a plus de travail pour tout le monde, ni dans le changement des gérants de l’appareil de production, etc...
« Le socialisme est une organisation nouvelle et permanente, dont l’essence est de remplacer par une seule entreprise nationale la totalité des entreprises privées ; c’est donc l’exploitation collective des moyens de production avec droit individuel et égal aux produits.
« En d’autres termes : le SOCIALISME est l’égalité des conditions économiques de tous les membres de la société  : Revenu égal à âge égal. Le socialisme ne peut se réaliser que dans une société sans classe, ce qui implique que les échanges n’existent plus et que production et distribution sont devenues fonctions sociales.
« Il ne s’agit pas simplement d’une révolution politique consistant uniquement dans quelque changement dans la constitution, ou d’une diminution ou une extension des libertés publiques, ou dans des mutations dans le personnel dirigeant : il s’agit d’une révolution sociale, c’est-àdire du remplacement des lois et des règlements sur lesquels reposent la vie civile et la manière de vivre de chacun, par d’autres lois transformant tous les rapports sociaux. (2)
« A la vérité, toute doctrine économique doit s’adapter au mode de production des richesses et évoluer avec le progrès des techniques.
« Dans une société où l’abondance est possible, le socialisme ne peut plus être celui qui convient à un pays où la disette est obligatoirement le lot d’une importante fraction de la population. Ce qui revient à dire que partout où l’échange demeure le véhicule de la distribution, le socialisme doit être, lui aussi, basé sur l’échange  ; mais là où l’abondance peut régner grâce à un haut degré d’équipement économique, où les échanges sont donc devenus rares et difficiles, un socialisme nouveau est devenu nécessaire, et, par la force des choses, ne peut plus être construit sur l’échange. Nous l’appelons le SOCIALISME DE L’ABONDANCE pour l’opposer à celui de la rareté. Et si j’insiste sur cette distinction, c’est que le premier s’impose comme le seul régime économique désormais possible dans un pays ayant atteint le stade de l’abondance, tandis que le second ne se propose que d’apporter plus de justice dans le fonctionnement des échanges ». (3)
De nos jours, en l’an 1978, 34 années après sa parution, (1) l’évolution des faits s’est poursuivie ; leur pression est si forte que l’échangisme se meurt et fait anarchiquement place aux revenus sociaux (revenus sans contre-partie de travail humain) des centaines maintenant sont répartis à la collectivité sous des dénominations variées.
Sous le couvert de la compétition électorale, la complaisante et large orchestration des problèmes tronqués, par la presse, la radio et la télévision, est devenue indispensable pour gagner du temps et masquer la nécessité de codifier un mode de répartition distributif.
N’est-ce pas significatif ?

(1) Les citations sont extraites de : « Demain ou le Socialisme de l’Abondance ». Editions O.C.I.A. 1944 (2e édition).
(2) Pages 143 et 144.
(3) Page 145.

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Lettre à toutes les gauches

par J. LEBLAN
mars 1978

Avant d’agir, il est nécessaire de savoir ce que l’on veut, de définir au moins dans ses grandes lignes fondamentales l’OBJECTIF à atteindre.

LE BUT

...OR, la quasi totalité des partis dits «  de gauche » petits ou grands et la plupart des révolutionnaires ou de ceux qui désirent l’être nous parlent de nationalisations, de cogestion ou d’autogestion, etc., et se taisent sur l’ESSENTIEL, à savoir que le socialisme est incompatible avec l’économie de marché pour une raison fondamentale qu’il conviendrait de crier clairement.
Lorsque les machines permettent de produire toujours plus avec moins de travail humain, il devient nécessaire de rétribuer les consommateurs en se basant sur l’ensemble de la production et non plus sur le nombre d’heures de travail !
L’organisation économique nécessaire à la mise en pratique du grand principe de base énoncé plus haut implique l’abolition de l’économie marchande, c’est-à-dire de l’économie capitaliste privée ou nationalisée, dans la création d’une monnaie socialiste nouvelle, une monnaie dite de « consommation » (voir p. 16) de manière à maintenir constant l’équilibre entre la quantité de pouvoir d’achat disponible et la quantité de production disponible pour la consommation. Cette monnaie nouvelle devrait être répartie entre tous les consommateurs sous forme de REVENU SOCIAL à vie.
Ce sera en France le mérite de l’économiste sociologue Jacques Duboin d’avoir précisé la nature et le mode de répartition de la nouvelle monnaie qui s’impose de plus en plus.

LES MOYENS D’Y PARVENIR

LE but étant défini avec suffisamment de clartéet de précision, le problème des moyens poury parvenir se pose. Quel est donc, ACTUELLEMENT, l’obstacle principal qui s’oppose à la mutation économique et sociale ? Mais c’est tout simplement l’IGNORANCE de l’immense majorité de la population conditionnée. Et pour elle cette mutation est indispensable.
Une « révolution » accomplie par une « dictature des conditionnés » ne pourrait déboucher que sur une autre forme de capitalisme : capitalisme d’Etat, capitalisme autogestionnaire ou autre... où les notions de rentabilité, de compétitivité et de rendement continueraient à empêcher la mise en place de la machine au service de l’homme et à la véritable libération par les loisirs, condition nécessaire à la diffusion de la culture sans laquelle il ne peut y avoir de liberté de penser véritable.
Mais qui peut prétendre détenir le monopole de la vérité en ce domaine très complexe ? Qui peut prévoir comment la mutation devra (ou pourrait) s’accomplir ? En vérité, personne ! La révolution est dans les choses avant d’être dans les esprits et l’on ne peut que constater qu’aucune des révolutions de notre passé proche n’a pu se débarrasser de l’économie marchande. Il est vrai que ces révolutions se sont toujours déroulées jusqu’à présent dans des pays où des conditions matérielles et culturelles très difficiles n’ont pas permis d’instaurer rapidement une économie distributive.

L’ECONOMIE PRIME LE POLITIQUE

D’ailleurs il y a des hommes dits « de droite  » qui ont compris que l’économie capitaliste n’est plus viable tandis que des hommes dits « de gauche » ( ?) continuent envers et contre tout à se vautrer dans le marécage pourri de l’économie de marché. Or... l’économie prime le politique... L’économie distributive d’abord.
En ce qui concerne les moyens pour parvenir au socialisme distributif, nous pensons que l’insurrection armée est impraticable dans des pays comme le nôtre où d’ailleurs les degrés de misère et d’injustice sont insuffisants pour la justifier et l’on pourrait dire de cette guerre civile ce que l’on peut dire de toute guerre nationale :
« PAS UN SEUL DES MAUX QUE L’ON VEUT EVITER PAR LA GUERRE N’EST UN MAL AUSSI GRAND QUE LA GUERRE ELLE-MEME ». (Bertrand Russel).
Et nous pensons avoir dans la situation actuelle cette certitude : lorsque nous luttons contre l’ignorance, lorsque nous déconditionnons les moutons en leur apprenant clairement que l’économie de marché est incompatible avec le socialisme digne de ce nom, nous augmentons le degré de probabilité de réalisation future de la grande mutation indispensable à la survie du genre humain.

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Ni les Socialistes, ni les Communistes, pas même les écologistes ne proposent de mettre fin à l’économie de marché...

Frères ennemis ou faux problèmes

par J. CARLESSE
mars 1978

DEPUIS la scission du Congrès de Tours, Communistes et Socialistes ont, à plusieurs reprises, tenté de se coaliser pour prendre le pouvoir ; mais leur entente n’a vraiment été fructueuse que lorsqu’il s’est agi de barrer la route à un dictateur, à un régime se déclarant activement anticommuniste. Dans ce dernier cas les marxistes étaient toujours prêts à faire les plus grandes concessions pour s’attirer la sympathie de la plus grande frange électorale dite de gauche.
Mais cette entente n’a jamais pu être durable, le danger écarté, car les mêmes raisons qui ont provoqué la scission de Tours demeurent toujours.
Entre le P.C et le P.S., et à plus forte raison le M.R.G., il y a non seulement tout un système économique fondamentalement différent mais aussi un mode tout à fait différent de Gouvernement.
Alors que le P.C., quoiqu’il s’en défende, est pour la dictature du prolétariat (par chef interposé évidemment et parti unique), le P.S. et le M.R.G. sont pour une démocratie parlementaire. Et, alors que le P.C. ne conçoit la société future que collectiviste, étatique, centralisée, rigoureusement planifiée, le P.S et le M.R.G. restent attachés à l’économie de marché.
François Mitterand ne s’en défend d’ailleurs pas, qui le 22 septembre, place du Colonel Fabien, a déclaré à Georges Marchais : « ...Nous partons de postulats différents. Votre conception des nationalisations s’intègre dans une conception de la société future qui n’est pas la nôtre », et le 30 septembre, à la télévision, à l’intention de Jacques Chirac « ... Je ne suis pas marxiste ».
Pour les communistes, les nationalisations du programme commun doivent être un engagement non réversible et même promotionnel vers un étatisme intégral, alors que pour les socialistes, elles ne sont qu’une façon d’acquérir, dans des secteurs bien limités, la maîtrise du développement, et de réduire le chômage, en maintenant en activité des entreprises qui périclitent.
La cassure était donc inévitable au moment de conclure, et on peut prédire qu’il n’y aura pas de soudure, l’enjeu étant de taille.
Le temps n’est déjà plus aux révoltes pour le pain. La sécurité matérielle ne hante plus, avec autant d’acuité qu’autrefois, les esprits ; on est tenté de croire qu’elle est désormais acquise ou en bonne voie de l’être.
Les sociétés bâties sur un schéma mathématique ne passionnent que de moins en moins les progressistes.
Avec les écologistes on pense un peu plus à l’humain.
Ce besoin d’utopie (demain on rasera gratis) qui sommeille dans le coeur de tout homme, s’il accouche épisodiquement encore de verbalisme violent ou même d’incompréhensible terrorisme, ce n’est jamais que par l’action d’une infime minorité.
L’audience importante que rencontre le mouvement écologiste prouve que la majorité des hommes attache plus d’intérêt à la qualité de la vie, à la protection de la nature, à la liberté, au respect de l’individu et à son indépendance, qu’au confort et à l’aisance assurés par une mécanisation outrancière de la société.
Le courant régionaliste et décentralisateur qui s’amplifie de plus en plus milite contre l’étatisme rigoureux des rêveurs d’une société dirigiste, nationalement planifiée, dépersonnalisée.
L’enjeu de la course qui s’engage entre le P.C. et le P.S. n’est donc plus la victoire du programme commun. mais la suprématie d’un parti sur l’autre.
Pour arriver à leurs fins les responsables de chacun des camps délesteront leur programme de la plus grande partie de leurs utopies au bénéfice d’un réformisme crédible par le plus grand nombre même s’il s’engage dans des voies malthusiennes.
Les abondancistes doivent se garder de tomber dans le même traquenard. Notre objectif primordial à ne pas perdre de vue, c’est la distribution de l’abondance de telle sorte qu’elle ne soit plus une calamité mais un bienfait pour tous. Notre premier pas. une monnaie naissant avec la production et s’amortissant à la consommation.
Ce premier pas assuré, toutes les générosités sont dès lors permises, et, ce qui semblait utopique et forcément contraignant, apparaîtra d’une limpide facilité.

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