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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 750 - octobre 1977

 

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N° 750 - octobre 1977

Les écologistes au secours du dollar U.S. ?   (Afficher article seul)

Ecologie des besoins   (Afficher article seul)

L’idée de l’économie d’énergie   (Afficher article seul)

Croissance et progrès techniques   (Afficher article seul)

Camelots et politiciens   (Afficher article seul)

Haro sur le progrès   (Afficher article seul)

A propos d’un socialisme humain   (Afficher article seul)

Au fil des jours   (Afficher article seul)

III - Les problèmes : nouveau témoignage   (Afficher article seul)

Allez vous faire pendre ailleurs   (Afficher article seul)

Jacques Duboin et l’Amérique   (Afficher article seul)

Le choix inévitable de l’espèce humaine   (Afficher article seul)

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DOSSIER : CROISSANCE ET ECOLOGIE

Les écologistes au secours du dollar U.S. ?

par M.-L. DUBOIN
octobre 1977

LE gouvernement américain est en face d’un très grave danger qui menace sa suprématie sur tout le monde occidental, qu’on pourrait croire, pourtant, solidement établie.
Ce grave danger se place sur le plan monétaire et résulte de l’obligation où se sont trouvés les U.S.A., ces dernières années, de payer avec beaucoup plus de dollars que prévu, les matières premières et le pétrole dont la croissance de leur production capitaliste avait besoin. Le dollar étant jusqu’ici considéré comme une monnaie forte, tous ces fournisseurs n’ont pas trouvé de meilleur placement que de prêter, d’investir ces dollars... aux Etats-Unis, dont la prépondérance, dans tous les domaines de l’innovation technologique, leur inspirait confiance. Pour maintenir leur hégémonie, les Américains ont utilisé les dollars de leurs créditeurs pour aider au développement du TiersMonde, dont l’endettement atteint aujourd’hui près de 300 milliards de dollars (soit 150 000 milliards d’anciens francs). Il est manifeste que ces pays sont incapables de rembourser pareille somme.
On comprend dès lors quelle catastrophe ce serait pour toutes les institutions bancaires rattachées au dollar, si les créanciers venaient réclamer les dollars qui leur sont dus. Et pourquoi ne le feraient-ils pas ? On peut même imaginer qu’un vent de panique financière les amène à se grouper. Ce serait alors purement et simplement la faillite des Etats-Unis.
Cette crainte, fort bien perçue par le gouvernement américain, explique toute sa politique actuelle, et en particulier, l’alliance trilatérale. Le seul moyen de limiter la demande monétaire n’est-il pas, comme le suggère L. Lammers (*) « d’en limiter le besoin et, pour cela, limiter la croissance.
Mais il faut et il importe que cette limitation soit mondiale pour qu’elle puisse avoir quelque chance d’être acceptée, bon gré, mal gré. Telle apparaît être la conclusion de l’exécutif américain actuel. »

« L’analyse fondamentale de ce choix », poursuit ce journaliste, « conduit à constater que la limitation de la croissance s’inscrit comme une nécessité monétaire exclusivement, une nécessité absolue pour sauver le dollar et maintenir les U.S.A. en position de prépondérance. Pas du tout fondamentalement par nécessité écologique, scientifiques, d’économies de ressources naturelles... »

Il faut méditer cette hypothèse sur la stratégie américaine qui pourrait avoir débuté avec le premier rapport du Club de Rome et des spécialistes du M.I.T. Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir.
Elle coïncide remarquablement avec le déploiement de la vaste campagne écologique dont nous sommes témoins.
La croissance pour le profit, la croissance à tout prix, la croissance anarchique qui n’est pas voulue pour l’homme, pour TOUS les êtres humains, a été suffisamment dénoncée, sans cesse, dans ces colonnes, pour qu’il nous soit possible, sans risquer d’être mai compris, de dire aujourd’hui que la limitation contre nature de la croissance n’est pas la solution. Et ceci tant que deux êtres humains sur trois, comme c’est le cas, resteront sous-alimentés. Cette politique est une nouvelle manifestation de l’incapacité des dirigeants du monde à adapter leur système monétaire aux besoins de l’humanité.

(*) Dans « Energies », N° 1087 du 16 septembre 1977.

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DOSSIER : CROISSANCE ET ECOLOGIE

Ecologie des besoins

par M. DUBOIS
octobre 1977

ON en aura décidément beaucoup parlé en 1977. Depuis les élections municipales de mars dernier, dans lesquelles ils ont joué un rôle dont l’importance a surpris, les mouvements écologistes n’ont pas chômé, prenant un peu partout des initiatives souvent spectaculaires dont les gouvernements ont dû se préoccuper ; du Canada au Larzac, des bébés phoques aux centrales nucléaires, leurs actions ont été, en France, auscultées avec d’autant plus d’attention que la grande consultation de 1978 approche.

Or chaque fois qu’un mouvement, ou une idée, accentue son impact sur l’opinion publique, on assiste à l’envol des suiveurs, désireux de récupérer à leur avantage le courant ascendant, même au prix d’une altération profonde des objectifs initiaux. C’est bien ce qui s’est produit cette année où les partis politiques les plus importants, tout comme les groupuscules les plus divers, ont allègrement pataugé dans un vocabulaire dont la publicité commerciale elle-même n’a pas hésité à s’emparer avec son cynisme habituel  : tout est maintenant biologique, à la mode de grand’mère, super naturel, etc., etc...
Mais au delà des mots et de la mode, a-t-on vraiment progressé  ? A-t-on vraiment défini ce programme d’action cohérente dont l’urgence apparaît chaque jour plus clairement aux yeux les moins avertis ?

LE MASSACRE CONTINUE

Je réfléchis à tous ces problèmes dans mon petit village landais où j’écrivis, en septembre 1973, un article intitulé « L’Oeillet des Dunes » (GR n° 708 de décembre 1973). Comme prévu, le désastre s’est accentué au point qu’une émission télévisée l’a choisi comme modèle de ce qu’il ne faudrait plus faire, mais tout n’a pas été montré. Personne n’a dénoncé les agissements des promoteurs qui, en catastrophe, quelques jours avant l’arrivée des touristes pour les vacances de Pâques, ont fait boucher et repeindre les fissures de plusieurs centimètres qui zigzaguaient le long des constructions à peine achevées  ; personne n’a parlé de la petite route longeant le chenal marin qui s’est affaissée à plusieurs reprises tandis que les « espaces verts » et les « terrasses avec barbecue individuel » disparaissaient sous les centaines de mètres cubes de sable que les vents d’hiver ne manquent jamais de projeter. Et tout cela parce que, à coups de millions, ont été obtenus des permis de construire dans une zone présentant toutes les caractéristiques du domaine maritime, travaillée sans cesse par des marées d’une violence dont les estivants allemands ou hollandais, principaux acheteurs, n’ont aucune idée.
Cas isolé ? hélas non 1 et à quelques kilomètres au nord voilà que s’installe MERLIN, le massacreur de la côte normande et de la Vendée, avec ses énormes moyens, sa publicité fracassante, ses cubes de béton arrangés à toutes les sauces dont la laideur est l’image de marque essentielle. Tandis qu’au sud c’est tout le front de mer de BIARRITZ qui est attaqué. On a ainsi la quasi certitude que, derrière le décor en trompe l’oeil de la mode écologique, la machine à gros profit continue imperturbablement son oeuvre de destruction irréversible et c’est pourquoi, devant la naissance de nouveaux mouvements, aussi bien intentionnés et parrainés soient-ils, le scepticisme est inévitable si ces mouvements ne sont pas convaincus de l’absolue nécessité d’abattre l’obstacle n° 1 : le régime financier actuel.

LA VERITABLE ECOLOGIE

C’est ce que j’ai essayé de faire admettre récemment aux dirigeants du nouveau groupe Paul- Emile VICTOR derrière lequel se sont rangés les pionniers et les vrais lutteurs de la défense de la Nature. Jacqueline AURIOL, Alain BOMBARD, Jacques-Yves COUSTEAU, Jacques DEBAT, Louis LEPRINCE-RINGUET, Haroun TAZIEFF.
Nous ne manquerons pas de tenir nos lecteurs informés des suites de cette action destinée principalement à oeuvrer d’une manière réaliste.
Il faut en effet éviter de tomber dans le piège d’un utopique rousseauisme, bien évidemment incompatible avec les données démographiques de notre siècle. Les contestataires aux longs cheveux, armés de leurs guitares et de leurs bonnes volontés, ont eu le grand mérite de frapper les esprits, mais le grand tort de donner des arguments à tous ceux qui voudraient remiser l’écologie au rang du folklore, et d’assimiler ses disciples à de doux rêveurs plus ou moins farfelus. Oui, il faut loger, nourrir, donner des loisirs au plus grand nombre ; oui, il faut trouver de nouvelles formes d’énergie pour prendre le relais des sources actuelles basées sur des matières premières dont les réserves ne pourront que s’épuiser à une cadence sans cesse accrue. Mais il faut faire tout cela avec le seul souci de satisfaire les vrais BESOINS des hommes et non de réaliser à court terme d’énormes profits auxquels tout est sacrifié. La querelle du nucléaire, par exemple, qui a fait tant de bruit cette année et suscité déjà tant de violences, est une fausse querelle. En elle- même la technique de l’atome peut donner des résultats étonnants si, débarrassée des fausses priorités actuelles (rentabilité - nationalisme étriqué - répercussions militaires), elle est mise au service de l’Homme avec toutes les précautions qu’imposent la sécurité et la qualité de l’environnement.
Mais pour en arriver à cette « ECOLOGIE des BESOINS », il faut deux conditions essentielles. D’abord beaucoup de compétence technique. Et cette première condition est relativement facile à satisfaire car, en France et ailleurs, existent des chercheurs, des savants, des techniciens prêts à mettre toutes leurs connaissances au service d’objectifs nettement définis.
Mais il faut aussi (je n’ose pas écrire surtout) nous débarrasser totalement de cette économie de marché, de cette gangue financière dans laquelle s’engluent les efforts les plus méritoires et les derniers espoirs de sauver ce qui peut l’être encore.

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DOSSIER : CROISSANCE ET ECOLOGIE

L’idée de l’économie d’énergie

par P.-N. ARMAND
octobre 1977

Sortant en diagonale de chez moi je croise un regard oblique dans la figure de mon ami Scoly, géomètre les jours de pluie.
A équidistance, je lui lance : « As-tu entendu la Radio, bourriquot ? ».
- A quel propos ?
- L’économie de pétrole ! En avançant l’heure de soixante minutes on a fait une économie de milliers de tonnes de carburant !
- Et alors ?
- Comment, et alors ? Mais ça prouve que si on a pas de pétrole on a vraiment des idées. L’ennui c’est qu’on manque de conviction. Pourquoi nous limiter à ces quelques milliers de tonnes ? On peut économiser le double en avançant de deux heures, le triple de trois heures et ainsi de suite. Si on pousse l’aiguille, ma fille, de 24 heures, on économise 1/365e de la consommation annuelle et si l’on quitte la pendule pour le calendrier, en proclamant par arrêté gubernatorial, que le 30 mars sera à l’avenir le 1" avril et même que 77 sera 78, on a plus besoin de pétrole du tout.
- Stop ! Je t’arrête, si on continue comme ça... on devient exportateur et à qui on le vendra notre pétrole... aux Saoudiens ?

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DOSSIER : CROISSANCE ET ECOLOGIE / SCIENCES ET TECHNIQUES

Croissance et progrès techniques

par J.-P. MON
octobre 1977

LES pays occidentaux, et plus généralement les pays industrialisés, sont secoués par une crise économique dont la durée inhabituelle est sans commune mesure avec celle des « récessions conjoncturelles » qui frappent périodiquement le monde capitaliste : inflation, augmentation continue du chômage, surproduction agricole, ralentissement de la production industrielle sont devenus le souci majeur des gouvernants en place et de ceux qui aspirent à leur succéder.
Pour assurer un impossible et illusoire plein emploi, les uns et les autres, suivant leurs options politiques, préconisent une croissance forte, une croissance modérée, une nouvelle croissance, voire même une croissance nulle. Et, avec un manque d’imagination consternant, les uns et les autres ressortent des oubliettes les vieux remèdes qui depuis longtemps ont fait la preuve de leur inefficacité. Cela va de la surtaxation de certains produits agricoles (lait, matières grasses...) dont la production est jugée excédentaire (pays membres de la Communauté Economique Européenne), à l’idée de pénaliser les entreprises qui mettraient en service des machines éliminant la main d’oeuvre (C.F.D.T.), en passant par le retour à la terre et à la nature prôné par certains écologistes (comme Pétain !) ou au développement du travail manuel cher au sous-ministre STOLERU. Tous feignent d’ignorer que les mouvement économiques dépendent presque uniquement du développement scientifique et technique, et non des phénomènes monétaires.
Tout montre en fait que l’économie mondiale se trouve à la fin d’une phase ascendante du cycle de KONDRATIEV. (Kondratiev est un économiste russe né à la fin du siècle dernier qui a constaté que le développement de l’économie se faisait en suivant des oscillations lentes d’une durée de vingt-cinq à trente-cinq ans correspondant à des phases de croissance suivies par des phases de décroissance).
L’économiste autrichien SCHUMPETER (mort en 1950) a montré que les phases ascendantes du cycle de KONDRATIEV correspondaient à l’apparition et à l’utilisation intensive d’une ou plusieurs techniques majeures. Il a schématisé ce phénomène sur le graphique suivant :

Impact des principaux progrès techniques sur l’économie (SCHUMPETER)

Nous voyons que les diverses phases ascendantes correspondent successivement au développement de la sidérurgie et du textile, du chemin de fer, de l’électricité et enfin du pétrole et de l’automobile.
Tout semble donc indiquer que nous nous trouvons à la fin de la phase ascendante impulsée par le développement de l’automobile et de l’industrie pétrolière. On peut penser que le «  grippage » du système économique en ce point du cycle est dû à une augmentation insuffisante du niveau de la productivité (qui pourtant n’a fait que croître depuis 1947) et qu’une nouvelle phase ascendante ne prendra naissance qu’en s’appuyant sur de nouveaux progrès techniques.
Il est très vraisemblable, comme le montrent de nombreux indices, que les techniques qui amorceront le nouveau cycle de croissance seront essentiellement les télécommunications et l’informatique, toutes deux dépendant des progrès fulgurants réalisés par l’électronique et la microélectronique.

Parallèlement aux efforts que nous faisons pour promouvoir une économie correspondant aux besoins des hommes, il nous paraît nécessaire de présenter à nos lecteurs quelques-uns des aspects des nouvelles techniques qui vont rapidement révolutionner notre vie quotidienne. C’est ce que nous allons entreprendre dans nos prochains numéros sous la rubrique « SCIENCES et TECHNIQUES ».

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Camelots et politiciens

par B. KASSINE
octobre 1977

IL vient de m’arriver une aventure qui me servira de leçon, et je voudrais vous en faire profiter. Hier soir, on sonne à ma porte. Mon mari m’avait bien recommandé de ne jamais ouvrir aux gens que je ne connais pas. Mais on ne saurait passer sa vie à se méfier de son prochain... Bref, j’ai entrouvert mon huis... Un homme très bien, portant complet, cravate, cheveux courts et lunettes teintées d’intellectuel, s’est très correctement présenté, mais en parlant si vite que je n’ai pas bien saisi et je n’osais pas lui demander de répéter.Comme j’essayais de comprendre ce qu’il me disait, il a placé, sans que j’y prenne garde, son pied droit de telle sorte que je ne pouvais plus refermer ma porte. Malheur ! dès lors, j’ai dû me farcir tout son boniment, et quel boniment ! Il avait un aspirateur miraculeux à me vendre. C’est inimaginable ce qu’il a pu me raconter  ! J’en ai déjà un ? Aucune importance, il me le rachètera pour me permettre d’en changer. Le mien marche bien ? Ce n ’est pas possible. Seul le sien est inusable. Et puis aucun ne peut faire aussi bien autant de travail. Toutes les marques rivales vendent des appareils désuets qui ne valent rien, il les connaît tous. Le sien est tellement meilleur que c’est, en fait, pour me rendre service qu’il s’efforce de me le vendre. D’ailleurs cela ne lui rapporte rien, au contraire, il se sacrifie pour m’offrir cette chance de me simplifier la vie. Il ruine sa santé à faire des démarches, mais il a une famille à nourrir. Il me conseille de passer commande tout de suite, car demain les prix vont augmenter et j’aurai gâché une occasion que je regretterai amèrement, etc...
La force de cet homme résidait dans sa façon de parler, sans reprendre souffle, sans me laisser placer un mot, dans sa rapidité pour sauter d’un argument à un autre sans me laisser le temps de réfléchir, et je compris vite que je n’avais plus qu’une seule chance de le voir partir avant que mon rôti ne soit brûlé  : lui passer la commande qu’il voulait. C’est par lâcheté et par lassitude qu’on cède à ce genre de baratineurs, pour se débarrasser d’eux et de leurs discours. Et c’est ainsi que des gens qui se disent probablement non violents vous anéantissent pas leur violence... verbale.
Cette aventure a eu toutefois l’avantage de m’amener à réfléchir.
Combien de faits, me dis-je, se déterminent ainsi, par la force de persuasion d’un bonimenteur ? Du camelot qui se transforme en clown dans les couloirs du métro au démarcheur à domicile qui a une police d’assurance, une voiture ou un appartement à placer, aussi bien que du porte-parole d’une association qui propose ses théories comme on vante une marchandise au responsable d’un parti politique qui se meut en vedette de télévision, notre monde capitaliste exalte dans tous les domaines le don d’éblouir ses semblables pour mieux les contraindre. Combien de gens votent sur l’impression laissée par les camelots de la politique et décident ainsi de notre destin ?

Au fond il y a un point commun à tous ces gens qui vivent de leur « bluf » : ce qu’ils cherchent à placer, ce n’est pas leur marchandise, contrairement à ce qu’ils prétendent, c’est eux-mêmes ! Soit parce qu’ils trouvent ainsi leur salaire, dans cette triste société de profit. Soit parce qu’ils éprouvent le besoin de se voir toujours placés à l’avant-scène pour mieux s’entendre parler.

Les partis politiques, et même jusqu’aux mouvements d’extrême gauche (qu’on peut croire plus sincères car ils savent n’avoir aucune chance) ont parmi eux de ces arrivistes. Même les groupes écologistes, gui sont à la mode, luttent entre eux à celui gui regroupera les autres !

On pourrait espérer qu’une association humanitaire soit naturellement à l’abri de ce danger. Ce serait oublier que plus on est idéaliste, plus on fait facilement confiance. Mais si une responsabilité flatteuse s’y présente, elle peut fort bien tenter un ambitieux gui n’a pas pu, jusque là, trouver de meilleur moyen d’assouvir sa soif de mener les foules. Prendre cette responsabilité pour une « situation », se voir enfin celui gui décide au nom des autres, peut être pour lui le meilleur moyen de se défouler d’un complexe de supériorité.

J’ai compris cette fois pourquoi ma grand-mère disait dans sa sagesse qu’il ne faut jamais se fier aux beaux parleurs. Mais peut-on vérifier toujours ce qu’on vous dit avant d’accorder sa confiance ? Et c’est tellement plus généreux de la donner gratuitement !

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EN RELISANT J. DUBOIN

Haro sur le progrès ! Ce n’est pas d’hier qu’on accuse le progrès d’être la source de nos maux. Les lignes suivantes ont été écrites par J. Duboin dans « La Grande Relève » du 16 mai 1959. A leur lecture, on constate qu’en vingt ans les mentalités n’ont guère changé et que la peur du progrès est toujours autant exploitée. N’est-ce pas parce que seul le progrès est révolutionnaire ?

Haro sur le progrès

octobre 1977

ON se plaint avec raison des difficultés que nous rencontrons à faire admettre le principe de l’Abondance, celle-ci bouleversant notre économie actuelle construite sur la rareté. Nous nous heurtons à l’incompréhension et surtout à l’indifférence du public que toute nouveauté désoblige. Chacun éprouve une répugnance en effet à abandonner les idées acquises et les habitudes prises. Qu’on se souvienne que le Parlement et l’Université de Paris voulaient poursuivre comme sorciers les premiers imprimeurs qui vinrent d’Allemagne s’installer à Paris !
C’est bien loin, penserez-vous peut-être. Mais, au siècle dernier, les chemins de fer ont soulevé l’indignation générale  ! A leur sujet, un aimable lecteur m’adresse une documentation dont voici quelques extraits :

*

Les caricaturistes s’en donnèrent à coeur joie. Ils montraient l’effet de ventilation produit par le passage d’un train : Tous les bestiaux dans les champs seraient renversés. Et comment le mécanicien pourrait-il rester sur sa locomotive si elle filait à 35 kilomètres à l’heure ? Quant aux voyageurs, ne seraient- ils pas complètement gelés en hiver ? Enfin, dans le moment où la locomotive démarrera, est-ce que tous les voyageurs assis en arrière ne seront pas jetés sur leurs vis-à-vis ?
Ces observations judicieuses étaient présentées au nom du plus élémentaire « bon sens ».

*

Il s’agit là du grand public, mais les élites  ? Interrogeons-les
Voici Michelet, historien illustre, professeur au Collège de France : il soutient que le passage trop rapide d’un climat à un autre produirait un effet mortel sur les voies respiratoires.
Voici Arago, un des plus grands savants du XIXe siècle ; polytechnicien, membre de l’Académie des Sciences, directeur de l’Observatoire, membre du gouvernement provisoire de 1848. En 1838, chargé du rapport à la Chambre sur une proposition de loi tendant à la construction d’un réseau, il déclare « Non, vous ne devez pas vous abandonner aux illusions, même en matière de locomotive à vapeur ; n’allez surtout pas croire que deux tringles de fer donneront une face nouvelle aux Landes et à la Gascogne ». (Rires et applaudissements.)
Et, en sa qualité d’homme d’Etat, il démontrait. chiffres en mains, que les chemins de fer ruineraient la Nation. « Que deviendront les rouliers, les commissionnaires, les aubergistes, les charrons, les marchands de chevaux ? »
Il met aussi en garde les voyageurs contre les maladies nerveuses provoquées par les trépidations, contre les inflammations de la rétine que déterminerait la rapide succession des images, et contre la pleurésie au passage des tunnels, et les catastrophes dues à l’explosion des locomotives...
Voici maintenant un grand économiste, Victor. Considérant, le philosophe qui prit la suite de Fourier. Il a calculé soigneusement que le travail des locomotives sera inférieur au travail humain pour construire les lignes. Il est évident (sic) qu’elles ne pourront jamais grimper les côtes, ni mettre en communication des lieux qui sont à des altitudes différentes. Il pose enfin une question judicieuse : Créer un long ruban horizontal et niveler le sol, n’est-ce pas estropier la planète ?

*

En Angleterre, opinion unanime : construire des chemins de fer, c’est détruire les oiseaux, affoler les bestiaux, tarir le lait des vaches, provoquer des incendies. Quand on ouvre les premiers chantiers, il faut les faire protéger par la troupe.
Cette tentative décide Thiers, le grand Thiers, le futur Président de la République, à faire lui-même une enquête outre-Manche, car on le sollicite d’autoriser ces mêmes travaux en France. A son retour, il monte à la tribune de la Chambre et déclare : « Non, la locomotive trop chargée tournerait sur place : les chemins de fer ne sont qu’un instrument scientifique pour les enfants, ils sont sans utilité ! C’est à peine si l’on construirait 20 kilomètres par an ». Et il termine par ces mots : « Si jamais je vous demandais de concéder une voie ferrée, vous me jetteriez à bas de la tribune  ! ».. (Les députés se lèvent pour lui faire une longue ovation.)

*

Vous souriez ? Mais lorsque les premières autos s’aventurèrent sur les routes, les paysans leur jetèrent des pierres. Aujourd’hui, ils sont assis dedans et trouvent qu’elles ne vont jamais assez vite.
Quand, il y a une quarantaine d’années, les rues de Paris n’étaient encore sillonnées que de voitures à chevaux et de quelques rares automobiles. qui eût cru qu’un jour viendrait où il faudrait réglementer la circulation, installer des signaux lumineux, discipliner les chauffeurs, les contraindre à respecter une certaine allure, à stopper tous ensemble, etc... Jamais les Français n’accepteront cette odieuse dictature, aurait-on répondu ils sont trop indépendants : les Français sont des hommes libres !
Comme on répète aujourd’hui que jamais ils n’accepteront de planifier leur production, puis de la distribuer...

*

Maintenant qu’on « assainit » les marchés sous prétexte qu’ils sont « engorgés » de produits, que les cultivateurs barrent les routes pour se plaindre de récoltes « excédentaires », M. Jean Fourastié enseigne imperturbablement, au Conservatoire des Arts et Métiers, que ce dont nous avons besoin est encore très rare ; et M. Alfred Sauvy, au Collège de France, que les défenseurs de l’Abondance sont des utopistes...
Soyons indulgents, chers utopistes mes frères, car les hommes sont forcés de s’adapter tôt ou tard aux événements. A nous d’éveiller leur intelligence !

P.S. - Envoyez cet article à quelque attardé, ce qui évite de lui écrire !

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REFLEXIONS

A propos d’un socialisme humain

par P. BUGUET
octobre 1977

DANS le journal « LE REFRACTAIRE » des « Amis de Louise LECOIN », nous lisons, sous la signature de Jeanne Humbert, la présentation du livre de René DUMONT  : « SEULE UNE ECOLOGIE SOCIALISTE » (Laffont - Paris).
Après avoir rendu hommage à R. Dumont sur la continuité de sa philosophie et de son penchant social, relaté ses dénonciations du gaspillage de la nature et son émoi à constater la rapacité et le manque total du sens de responsabilité des gaspilleurs, Jeanne Humbert conclut que R. Dumont inscrit dans son livre : - un plan rationnel d’économie équilibrée. « à la recherche d’un socialisme humain ».

A notre tour nous félicitons R. Dumont pour ce Souci qui est éminemment le nôtre.

Nous ajouterons cependant que : Ce « Socialisme humain » ne pourra s’épanouir que dégagé du profit ; dire qu’il sera précédé par un plan rationnel d’économie équilibrée c’est dire qu’un tel plan est possible avant ; dans notre économie capitaliste, c’est là l’utopie.

Nos amis écologistes peuvent donc encore contester les atteintes à la nature pendant quelques lustres : à supposer que le système du profit ait encore de beaux jours.

Ce qui ne semble pas évident à regarder la chute accélérée de la monnaie et l’accroissement du chômage ; « Celui qui ne peut acheter, ruine celui qui ne peut vendre » disait Jacques Duboin qui préfaça  : « MISERE ET PROSPERITE PAYSANNE » de R. Dumont.

Tentons d’écourter ce cheminement « d’ECONOMIE EQUILIBREE ». Rappelons à R. Dumont que naguère il participa à nos travaux pour l’instauration d’une économie qu’impose le progrès des techniques, une économie dégagée du profit l’ECONOMIE DISTRIBUTIVE de l’abondance. Cette voie directe ne serait-elle pas plus courte, et plus rationnelle encore dans la phase critique du profit que nous vivons ?

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Au fil des jours

par J.-P. MON
octobre 1977

Devant la montée continue du chômage (5,8 millions de chômeurs dans la Communauté Economique Européenne, soit 500 000 de plus qu’au début de l’été) et constatant que les remèdes classiques de stabilisation et de relance sont inefficaces, les experts des Neuf pays membres, de la Communauté sont en plein désarroi :
- les uns affirment que la solution du problème de l’emploi ne pourra être trouvée que grâce à une croissance soutenue ;
- les autres pensent que l’obsession du développement industriel est injustifiée du point de vue de l’emploi car la plupart des entreprises disposent encore d’une importante marge de productivité et qu’en fait le secteur industriel est un secteur où l’emploi plafonne...
Moyennant quoi, suivant on ne sait quelle logique, les uns et les autres se montrent hostiles aux mesures de réduction hebdomadaire ou annuelle de la durée du travail, à l’avancement de l’âge de la retraite, à l’allongement de la scolarité obligatoire, mesures qui, selon eux, sont coûteuses, généralisables rapidement et qui entament définitivement le potentiel de production... Comprenne qui pourra.
Et cependant un point fait l’accord unanime des experts, c’est que le chômage durera et s’aggravera encore.
Parmi les sans emploi, la part des jeunes de moins de 25 ans ne cesse d’augmenter. Elle dépasse en moyenne 40 %. Lors du dernier colloque organisé par le Conseil de l’Europe sur le thème «  Les jeunes et l’emploi », quelques chiffres particulièrement éloquents ont été avancés : au cours des dix dernières années (c’est donc bien avant le début de la « crise du pétrole » qu’on se plaît à accuser de tous nos maux) le nombre de jeunes au chômage a été multiplié par 9 en France, par 6 en R.F.A., par 5 en Angleterre, en Belgique et aux Pays-Bas, par un peu moins de 2 en Italie.

*

Un signe encourageant cependant. Au cours du présent colloque, un des participants, M. Feldheim, professeur de sociologie à l’Université libre de Bruxelles, a déclaré que « la plupart des dispositions prises actuellement ne sont que des mesures correctrices superficielles. Ce sont des solutions au coup par coup, souvent improvisées, qui ne touchent pas au fond du problème qui est de trouver un nouveau système économique cohérent où l’emploi et la technologie se marient harmonieusement  ». Nous lui envoyons tout de suite « La Grande Relève  ».

*

Dans la rubrique « Idées » du «  Monde » des 20 et 21 septembre 1977, le Pr. Friedmann constate que « le temps disponible pour les loisirs n’a cessé de croître depuis le début des révolutions industrielles  » mais que « ce temps libéré n’est pas le temps libre, durée préservée des multiples contraintes extérieures où, dans une société «  meilleure » la personnalité tenterait de s’exprimer et. si elle en a l’étoffe, de s’épanouir »...
Mais alors, nos sociétés, qu’elles soient d’abondance ou de pénurie, la pression des « besoins » et de la publicité enferme l’individu dans le cycle produire-consommer et se manifeste sous des formes variées tout aussi contraignantes  ».
Parlant ensuite de la nécessité de préparer les travailleurs à utiliser leur temps « libéré  », Friedmann souhaite que l’Etat consacre des sommes importantes à l’éducation « véritable » ainsi qu’à la multiplication et à l’équipement des Maisons de la Jeunesse et de la Culture. Il pense qu’alors l’homme pourra se «  désaliéner » dans un travail librement choisi.
Il restera bien sûr des tâches ingrates, sans intérêt, et cela quels que soient les progrès techniques et les structures sociales, mais « on peut raisonnablement prévoir que la durée hebdomadaire de ces tâches sera, en tous cas, de plus en plus réduite et constituera une sorte de service social d’une trentaine d’heures par exemple, réparti sur un maximum d’individus actifs ».
Bien que ne proposant pas de mesures monétaires propres à mettre en place une telle société, on voit que le Pr. Friedmann s’approche à grands pas de nos thèses.

*

Le « Plan Acier » du gouvernement prévoit une diminution des capacités de production de 33.7 millions de tonnes à 31,5 millions de tonnes d’ici à 1980. Entre temps, l’Etat aura investi dans l’affaire 7 à 8 milliards de francs. Payer pour produire Moins, c’est une bien étrange politique !
Mais qui donc a dit que le premier Ministre était le meilleur économiste de France ?

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En huit mois (du 1er janvier au 31 août 1977) le déficit commercial des Etats-Unis a atteint le niveau record de 17,6 milliards de dollars (en 1972, pour l’année entière, il n’avait été que de 6,4 milliards).
Quoi d’étonnant donc, si pour favoriser leurs exportations, les Américains font volontairement baisser leur dollar !

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LES QUESTIONS AGRICOLES

Poursuivant une série d’articles sur l’agriculture biologique, notre camarade Jean Mestrallet explique aujourd’hui comment on peut lutter contre le parasitisme.

III - Les problèmes : nouveau témoignage

par J. MESTRALLET
octobre 1977

« DE 8 à 18 ans, j’ai été en proie aux rhumatismes ; j’avais des angines toute les années  », nous dit Monsieur R..., cultivateur au Touvet (Isère). « Après quelques années d’alimentation saine et d’homéopathie, tout cela a disparu ».
Le cas s’ajoute à une liste déjà bien longue, même si l’agrobiologie ne suffit pas toujours à empêcher quelques drames.
« Maintenant les oiseaux reviennent y compris les rapaces : aigles, hiboux » (1), nous dit encore notre maraîcher.
Cela n’élimine pas toujours les attaques de parasites. Mais nous allons voir qu’il faut aborder ce problème de façon toute nouvelle.
L’agrochimie lutte contre les parasites, microbes, virus, champignons ou insectes de la manière suivante : destruction par le procédé le plus radical. Le résultat, vous le connaissez déjà  : plus on traite, plus il faut traiter. Et vous le retrouvez dans votre assiette... On appelle cela du « Progrès ». Nous, nous l’appelons un échec complet.
L’attitude de l’agrobiologiste est bien différente.
Dans l’agrochimie, le parasite ou l’agent infectieux est la cause ; dans l’agriculture biologique, c’est une cause secondaire et d’abord une conséquence : le parasite ou l’agent infectieux peut vivre longtemps « en bonne intelligence » avec la plante. Lorsqu’il attaque, c’est qu’elle est affaiblie pour une raison ou pour plusieurs :
- patrimoine génétique déficient (comme pour nous, les bipèdes) ;
- manque de certaines substances protectrices (cuivre, magnésium, etc.) ;

- excès de certaines autres substances (azote, notasse) ;
En un mot. déséquilibre minéral oui traduit souvent un déséquilibre du sol, incapable de nourrir la plante correctement (2).
Notons qu’il s’agit là des premières découvertes. II reste encore beaucoup à faire en ce domaine. Mais l’on est vraiment sur une voie de progrès, comme en témoigne la baisse générale du parasitisme et des maladies sur les exploitations biologiques.
« Alors, pourquoi ne parvient-on pas à les supprimer complètement  ? », ne manquent pas de répondre nos adversaires. «  Faut-il laisser les limaces dévorer nos légumes ? ».
C’est précisément à partir de ce problème que nous allons étudier le parasitisme aujourd’hui. Les limaces demeurent un cauchemar du jardinier. Nous-mêmes avons été victimes d’invasions massives, comme un agriculteur maraîcher du voisinage dont nous admirions les légumes l’année dernière en pleine sécheresse. Nous essayons pourtant les méthodes biologiques depuis six ans dans ce jardin et notre voisin lui-même a banni toute chimie sur ses terres depuis dix ans !
Alors, ne suffit-il pas d’incriminer l’équilibre du sol ? L’appétit des limaces resterait une cause déterminante ?
En réalité, ce n’est qu’une apparence de contradiction, car sans rejeter la thèse classique de la prolifération des mollusques, on peut très bien expliquer les dégâts par une déficience du sol. Quelques notions courantes nous le feront comprendre aisément : un bon sol n’est pas seulement un sol riche. C’est un sol où l’air et l’eau circule facilement. Pour cela, comme pour maintenir les minéraux en équilibre et surtout pour permettre leur utilisation par les plantes, il faut de l’humus en abondance ; nous l’avons déjà vu.
Les pluies diluviennes de cette année ont inondé de nombreuses exploitations, y compris celle de notre maraîcher, asphyxiant littéralement le sol. Même en l’absence d’eau stagnante, comme dans notre jardin, le sol, déjà naturellement lourd, se tasse. Si bon soit-il au départ, un sol tassé ne joue plus son rôle comme il devrait. Avec des conditions aussi draconiennes, le meilleur sol peut se trouver momentanément en difficulté.
(Rappelons au passage les caractères physiques d’un bon sol : un mélange harmonieux de sable, d’argile et de limon. L’humus corrige fortement les déséquilibres mais il vaut mieux y remédier quand on le peut).
La suite est facile à comprendre : les plantes mal nourries deviennent fragiles et la proie des mollusques ou d’autres parasites. Un sol riche en humus rétablit l’équilibre, mais entre temps l’attaque a eu lieu. C’est dans de telles conditions qu’Alvin Seifert a observé de rares attaques de parasites. Les sols sableux se comportent mieux cette année, mais certains agrobiologistes estiment qu’une invasion de limaces révèle une insuffisance de calcaire. La même observation a été faite par des jardiniers amateurs. Nous-mêmes avons stoppé l’invasion des limaces sur les pommes de terre avec du lithothamme (algue calcaire) . A vous de renouveler l’expérience.
Effectivement, les attaques restent souvent sélectives ; là aussi, nous avons pu le constater. Des choux attaqués par des limaces restent indemnes une fois repiqués. Il est vrai que nous n’avions pas ménagé le fumier (composté en surface) et l’engrais vert. Et il existe des jardins épargnés par ces rongeuses.
A ceux que nos mésaventures feraient douter des méthodes biologiques, nous dirons nue notre agriculteur, déjà cité au début de cette série d’articles pour ses rendements en blé, a de nouveau une bonne récolte. Mais tout autour beaucoup se plaignent.
Quels enseignements pouvons-nous tirer de tous ces faits ?
Tout d’abord adopter une attitude nouvelle vis-à- vis du parasitisme  : c’est un précieux baromètre. Il nous signale que dans le sol quelque chose ne va pas et que nous allons manger des légumes dévitalisés, amoindris par certaines carences. Ce n’est pas une raison pour les laisser dévorer ou les jeter à la poubelle, mais cela signifie qu’il est nécessaire de rétablir l’équilibre du sol lorsque l’invasion des parasites se prolonge. Dans ce cas, apportons un amendement tel que des algues, de la poudre de roches ou des phosphates naturels par exemple , mieux encore, augmentons la teneur en humus.
On peut aussi tirer profit de ces manifestations parasitaires en évitant de repiquer les légumes atteints lorsqu’on possède des plants en abondance, ou en les arrachant lorsqu’il faut éclaircir. Quoi qu’il en soit, le cas des choux mentionné plus haut prouve que les légumes affaiblis peuvent redevenir sains.
S’il est absolument nécessaire d’utiliser le poison (cela peut arriver pour juguler une attaque massive), procéder comme indiqué auparavant en le mettant dans des boîtes. Si l’on en manque, éviter d’en verser des kilos sur le sol. le plus possible hors des planches. L’industrie serait bienvenue de fabriquer des « rigoles » en plastique nue l’on pourrait installer dans des sillons avec des granulés dedans.
La prochaine fois, nous envisagerons le cas des arbres et de la vigne. Pour ce dernier, nous aimerions que notre camarade Jean Mateu nous dise comment les gens du Roussillon voient le problème et pourquoi

ils tiennent à sa culture.
Nous remercions aussi Pierre Guillot pour son article. Pourrait-il nous apporter quelques témoignages supplémentaires ?
Agriculture biologique, médecine naturelle, écoIogie et économie distributive peuvent s’épauler mutuellement pour aboutir à ce changement radical espéré par tous les gens qui veulent en finir avec un monde de plus en plus invivable.
En attendant, que les consommateurs réclament des produits exempts de pesticides 1 Ils n’ont que ce qu’ils demandent (ou ne demandent pas...) .

(1) On voit à quelles ahurissantes conclusions mène l’économie capitaliste : on dépense des milliards pour fabriquer des tonnes d’insecticides alors que la protection des oiseaux résoudrait le problème gratuitement !- Mais c’est justement
ce qu’il ne faut pas.
(2) Lire à ce sujet les ouvrages du R.P. Favier, d’A. Voisin et de Delbet, en vente à » Nature et Progrès » ou dans les magasins diététiques.

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Allez vous faire pendre ailleurs

par M. DIEUDONNÉ
octobre 1977

Projet de lutte contre le chômage :
- Verser une prime aux jeunes sans emploi qui consentiraient à travailler à l’étranger.
Langage non formulé : Voici de l’argent, déblayez le terrain de la statistique et allez vous faire pendre ailleurs...
Aveu tacite : Le chômage est devenu une institution permanente.
Cause : Le travail des jeunes, invités à s’expatrier, est désormais inutile, car il est remplacé par celui des machines, de plus en plus automatiques.
Remède : Diminuer la durée de travail imparti à chacun, afin de permettre à tous d’avoir un emploi utile. Cela n’est pas possible en économie du gain, où une telle augmentation des charges entraînerait une énorme augmentation des prix. C’est seulement possible en dissociant le travail du revenu, c’est-à-dire en remplaçant le salaire, d’ailleurs menacé avec l’emploi par le travail des machines, par un revenu social.
Causes mensongères pour cacher la vraie cause, et surtout le remède : la « conjoncture », la « récession  », la « morosité » et autres pauvretés qui n’expliquent rien, et n’apportent aucune solution. D’où les palliatifs les plus saugrenus.

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Etranger

Jacques Duboin et l’Amérique

par P.-N. ARMAND
octobre 1977

C’EST aujourd’hui de deux côtés différents que nous parvient la confirmation, si besoin était, de la justesse d’appréciation de J. Duboin à propos de ce qu’il exposait sur le plus grand état capitaliste de la planète.
Du côté gouvernemental d’abord, avec la politique sociale du Président Carter, ensuite, du côté de l’opposition avec la position du Parti Libertarian.
L’évolution de l’Etat fédéral s’accentue de plus en plus vers un « esprit social ». Parmi les projets qui couvent, le Sénat doit discuter une sorte de garantie à vie de l’emploi dans l’industrie métallurgique. L’aide sociale (Welfare), qui a accordé 60 des 400 milliards de dollars du budget fédéral 1976 pour le seul recours aux mamans seules et sans travail, y ajoute son appui à 26 millions d’individus sur les 220 vivant aux Etats-Unis.
Le Président Carter aurait l’intention de faire beaucoup mieux avant 1979 en garantissant, par exemple, un salaire minimal mensuel de 2 250 F à toute personne ne pouvant ou ne voulant plus travailler. Le Welfare constate que le nombre des individus secourus augmente deux fois plus vite qu’en 1967. Depuis 1957, la population US a augmenté d’un tiers, mais le nombre des fonctionnaires a quadruplé. Le Welfare lui-même paye 300 000 nouveaux fonctionnaires.
Comme l’on sait, mondialement, que le fonctionnaire ne risque pas de produire, on en tirera le douloureux enseignement de J. Duboin : «  Lorsqu’il n’est plus nécessaire de payer un homme pour qu’il produise, l’Etat doit le payer pour qu’il s’épanouisse ».
L’opposition à J. Carter est, bien sûr, assurée par le Parti Républicain mais un Parti politique nouveau (fondé en 1971) « The Libertarian » (200 000 voix aux Présidentielles) se réclame d’un anti-étatisme absolu : Chacun, capitaliste et trusts compris, peut faire entièrement ce qu’il veut sauf l’exercice de la violence physique. Ce Parti qui ressemble au M.F.A. autant qu’une belette ressemble à un dinosaure, apporte des révélations qui n’en seront pas pour les abondancistes. Le Liber. tarian est indigné par toutes les mesures sociales.
C’est dans la Grande Relève que, pour la première fois, on a pu apprendre que la plus Grande crise économique de tous les temps, celle du krach financier du fameux « Black Wednesday  » de 1929 n’avait pas connu son terme par application du «  New Deal » de Roosevelt. mais bien grâce à l’intervention militaire des USA dans le second conflit mondial.
Un livre intitulé « Incroyable machine à pain » publié en 1975 par un groupe de chercheurs de San Diego (Californie) se réclamant quelque peu du Libertarian affirme textuellement dans l’extrait publié par « Le Point » du 11-7-77 (p. 85) :
« Idée reçue et acceptée par tous : c’est Franklin Roosevelt, avec son « New Deal », après la crise de 1929, qui a donné le signal d’intervention massive de l’Etat dans l’économie grâce à ses grands programmes, ses lois de soutien aux syndicats, le salaire minimum garanti et, surtout, la fixation du cours du dollar sur l’or, l’interdiction aux citoyens d’acquérir du métal précieux. C’est ainsi, dit-on, que Roosevelt a pu gagner la bataille contre la grande dépression et le chômage.
Tout cela est faux, archi-faux, répliquent les auteurs de «  l’incroyable machine à pain ». Chiffres en main, ils reprennent et vulgarisent de nombreux travaux « libertarians ». Herbert Hoover, le prédécesseur de Roosevelt, était déjà intervenu depuis longtemps. Quant à Roosevelt, il n’a rien gagné du tout : il a fallu la guerre et la mise en place d’une formidable machine à produire des armements pour que le chômage soit résorbé. Cela est tellement vrai, affirment les «  libertarians », que l’Amérique a eu peur de démobiliser les hommes et les usines en 1945. Elle a inventé - avec la complicité, il est vrai, de l’Union Soviétique - la guerre froide, la course aux armements, la conquête spatiale. Bref, l’Etat a dépensé des milliards pour assurer le plein emploi, clef de voûte des théories de John Maynard Keynes, l’économiste britannique maître à penser de Roosevelt et des hommes d’Etat occidentaux depuis quarante ans.
Aujourd’hui, c’est l’échec partout ».

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Tribune libre

Le choix inévitable de l’espèce humaine

par J. LEBLAN
octobre 1977

SOUS la pression des événements, l’humanité se trouve devant une alternative : ou une effroyable apocalypse ou une révolution, véritable mutation de ses structures économiques, politiques et sociales.
Trois grands fléaux, fruits de l’ignorance, de la volonté de puissance, de la cupidité, menacent en effet l’existence du genre humain : l’explosion démographique ; le nationalisme ; l’économie marchande.

L’explosion démographique.

Chaque heure, la population du globe s’accroît de 8 000 personnes, soit en un an 75 millions ! Presque la population de la France et du Bénélux réunis...
« Croissez et multipliez, remplissez la Terre et soumettez-la (Genèse 1, 28) ». A partir de quel nombre pouvons-nous considérer la Terre comme remplie par les hommes ? La Bible, muette à ce sujet, laisse donc aux hommes le soin d’en décider. Le commandement majeur « Tu aimeras ton prochain comme toi-même  » nous permet de répondre : La Terre doit être considérée comme remplie à partir du moment où l’accroissement de la population menace l’épanouissement, le bonheur des humains, à plus forte raison quand il menace leur environnement et leur sécurité. Donc planification des naissances.

Le Nationalisme.

Capitaliste ou socialiste, chaque Etat refusera tout contrôle, d’où l’impossibilité de réduire les armements, et à plus forte raison leur suppression.
Cette folie furieuse de nos constructeurs aveugles, la multitude d’inconscients qui laissent faire, sont la cause d’un gaspillage fantastique de richesses et d’efforts coûteux.
Une seule solution pour sauver l’espèce humaine de l’anéantissement quasi total : la suppression des armées nationales, prélude à un Fédéralisme Mondial.
L’intérêt général et les intérêts individuels, inséparables, exigent la disparition des intérêts dits ’’ nationaux », antagonistes.

L’économie marchande et capitaliste.

Dans le monde actuel il n’y a que des capitalismes  : celui qu’on appelle libéral et le capitalisme d’Etat «  socialiste ».
Les méfaits de l’économie mercantile ont été dénoncés depuis longtemps (Jésus - Proudhon - Marx - Engels - Lénine - Bellamy - Kropotkine - Duboin) : absence de limites à la propriété, exploitation du bétail humain, sous-consommation en même temps que lutte acharnée contre l’abondance.
La recherche effrénée du gain engendre l’expansion constante d’une production souvent sans utilité réelle ou même nocive, dont la vente est assurée par une publicité tyrannique, mensongère et abrutissante. Produire, pour le Profit, n’importe quoi, n’importe comment avec une inconscience incroyable des conséquences.
Avoir toujours plus, en oubliant d’être. La Révolution est dans les choses avant d’être dans les esprits.
Une Economie Distributive, axée sur les besoins réels avec une monnaie gagée sur la production, voilà l’aspect économique du véritable Socialisme à venir.
S’adapter ou disparaître.
Laisserons-nous tuer nos enfants ou nos petits ?

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