NOUS constituons le seul courant de pensée qui offre un programme
susceptible de venir à bout de cette crise économique
contre laquelle butent toutes nos vedettes politiques. Et alors qu’on
a pu noter, au cours de la campagne du premier tour, un remarquable
progrès dans le sens de nos thèses, de la part de «
petits candidats » de gauche (telle celle du P.S.U., H. Bouchardeau),
certains de nos lecteurs nous ont dit être décidés
à ne voter que le jour où un candidat présenterait
notre programme... Pour eux, c’est tout, tout de suite, ou rien. Est-ce
la meilleure façon de faire avancer les choses dans le sens qui
mène où profonds changements qui sont nécessaires
?
Non, car s’abstenir de choisir entre les deux candidats du second tour,
c’est donner à Giscard une possibilité de poursuivre sa
politique catastrophique : elle n’a cessé d’aller exactement
à l’opposé de tous les progrès qu’il est possible
de faire dans le sens qui mène vers l’Economie distributive.
Cette volonté de barrer la route à la politique menée
par Giscard ne peut pas se laisser ébranler par les promesses
électorales du président sortant quand on les compare
aux faits. Et pour juger ces faits, il ne saurait y avoir de façon
plus objective que de prendre les propres courbes du ministère
de l’Economie et du ministère du Budget, que nous reproduisons
ci-dessous (1).
Qu’y lit-on ? Sur la première, que la production industrielle
a augmenté. Sur la seconde, que le chômage a augmenté
encore plus vite. Voici donc confirmée l’une des bases de nos
thèses : la production a de moins en moins besoin du labeur humain
; il est désormais possible à l’homme d’être remplacé
par la machine. A nous donc de nous organiser pour que cette relève
se fasse dans le sens de l’épanouissement humain.
Est-ce là la politique qui a été menée ?
Non, car on sait que l’indice des prix à la consommation a plus
que doublé (augmentation de 100,7%) en sept ans, soit deux fois
plus vite qu’avant le septennat, et que le taux de salaire horaire ouvrier
a baissé, comme le montre la troisième courbe.
L’accroissement de la productivité n’a donc pas profité
aux travailleurs. Alors à qui ? Une comparaison éloquente
répond à cette question : quand Giscard a été
élu, les actifs de deux banques, le Crédit Lyonnais (126
milliards, nouveaux) et la Société Générale
(110 milliards) étaient, à eux deux, à peu près
équivalents au Budget de la France (259 milliards). A la fin
du septennat, le Budget de la France, compte tenu de l’inflation, est
passé à 536 milliards, il a donc à peu près
doublé. Et les actifs des deux banques ? Eux, ils ont plus que
triplé ! lis atteignent 800 milliards ! Est-ce nécessaire
de faire un dessin ? Si oui, il faudrait représenter tout l’argent
que les banques cachent au fisc parce qu’elles sont autorisées
à garder des milliards « en réserve pour couvrir
les risques d’impayés » ; elles conservent ainsi plus que
ce qu’elles déclarent. Faites-en autant, vous verrez ce qui vous
arrivera. Et le comble, c’est que ces provisions pour risques sont d’autant
moins justifiées que lorsqu’une banque « accorde »
un prêt à une entreprise, elle prend des gages et en cas
de faillite de son client, elle est servie avant les créanciers
! C’est là la liberté que réclament les banques !
Tandis que dans le même temps augmentait le nombre des pauvres
qui constituent le quart monde des sans ressources, et que le nombre
de faillites atteignait un chiffre record. Quelle liberté pour
eux ?
Tout ceci n’est pas inévitable, même dans le régime
des « prix- salaires-profits ». A la loi du marché
s’ajoute un choix politique, qui sous Giscard était celui de
son Premier ministre, Chirac, puis Barre. Ce choix politique de la droite
se trouve très clairement exprimé dans le traité
d’économie politique publie par le Professeur Barre. Il s’agit
vraiment pour lui de favoriser les plus forts au mépris des plus
faibles, et tant pis pour les « canards boiteux ». La droite
accorde des subventions aux grosses entreprises compétitives
et verse une aumône, quand elle ne peut plus l’éviter pour
son image de marque, aux vieux travailleurs ou aux agriculteurs, la
veille des élections... Les Français seront-ils encore
longtemps dupes, parce que Giscard parle bien ? Ne voient-ils pas avec
quelle malhonnêteté il a usé du mandat qui lui était
confié pour placer les membres de sa famille en des situations
qui leur rapportent indûment de belles fortunes ? Ne sait- on
pas que sa politique africaine était surtout destinée
à protéger le marché de l’uranium qui rapporte
aux petits cousins ? Et si on a oublié que sans le « Canard
Enchaîné » tout le monde ignorerait les cadeaux qu’il
a reçus, on ne peut que condamner ses complaisances intéressées
(à nos frais) pour un individu tel que Bokassa.
Est-il possible de laisser pendant sept ans de plus la droite nous mener
vers le fascisme, imposant une politique économique aberrante,
injuste, dégradante et d’autant plus stupide que les moyens existent
d’en poursuivre une toute autre ?
***
Notre vote pour Mitterrand est destiné d’abord à arrêter
le massacre, en mettant fin à l’emprise des « hommes de
Giscard » sur tous les rouages de notre société.
Le mépris du président sortant pour la démocratie
s’est d’abord manifesté par un usage abusif de tous les pouvoirs
: du pouvoir législatif par l’utilisation du système du
vote bloqué, du pouvoir exécutif en contraignant les ministres
à se soumettre à sa volonté ou à se démettre
(comme l’a fait Chirac), du pouvoir de justice, en donnant des directives
aux juges, contraints d’obéir sous peine d’être limogés.
Puis sa mainmise s’est étendue aux différents niveaux
des administrations par la nomination de ses féaux d’abord aux
plus hauts postes, puis de plus en plus bas dans la hiérarchie
: il a ainsi soumis l’information, qui met l’opinion publique sous condition
(on a pu voir avec quelle servilité les présentateurs
de télévision traitaient le candidat Giscard), et impulsé
dans l’enseignement une orientation qui méprise tous les efforts
de réflexion et renforce la sélection par l’argent.
Notre choix est un refus de voir se poursuivre la remise en cause de
tous les progrès qui semblaient acquis, tant sur le plan social
que sur le plan de l’éducation.
Nos propositions sont destinées à ce que dans les décisions
économiques, la recherche d’un profit pour quelques-uns, cède
le pas à la satisfaction des besoins exprimés par tous.
Comment pourrions- nous approuver une politique qui n’a cessé
de remettre en cause le service public (je pense à tous les marchés
qu’E.D.F., ou les P.T.T. par exemple, passent à des sociétés
privées, lorsqu’il s’agit de marchés « rentables
») ? L’exemple le plus frappant à propos des choix économiques
et de leur motivation sous Giscard est certainement celui du «
Tout Nucléaire » : la décision ne fut prise ni par
les usagers, ni par leurs députés. Elle le fut par un
groupe de pression constitué des représentants des entreprises
privées qui allaient être chargées de son exécution
! Après quoi la police est envoyée pour faire taire ceux
qui protestent d’un tel choix !
Nous n’avons cessé de dénoncer la course aux armements
et le marché des armes. Comment pourrions-nous approuver une
politique qui a fait de la France le premier marchand d’armes par habitant
? Nous ne pouvons soutenir un président qui a décidé
seul de neuf interventions militaires dans le monde pendant son septennat !
Nous disons que le travail doit être réparti entre tous
de façon à ce que tous profitent des progrès techniques
qui peuvent soulager leur peine. Comment pourrions-nous aider à
prolonger la politique économique d’un Barre qui déclare
en haussant les épaules que la proposition de réduction
à 35 heures de la semaine de travail est une absurdité
qui déclenche l’hilarité ?
***
A l’opposé de la politique poursuivie par Giscard (malgré
ses brillantes déclarations), la gauche, où F. Mitterrand
est le seul en mesure de l’emporter, propose un espoir.
Certes, elle ne programme pas l’économie des besoins pour demain.
Mais s’imagine-t-on qu’un gouvernement, élu dans les conditions
actuelles, pourrait par décrets, changer tout ce qui a besoin
de l’être après tant d’années de pouvoir conservateur
? Les changements se font sous la pression de l’opinion. Il faut donc
d’abord libérer l’information et développer la démocratie
de base. A ce point de vue, la gauche ne peut pas faire pire que la
droite.
Et puis la gauche a parlé de « rompre le lien entre l’Etat
et l’oligarchie financière ». Elle s’est prononcée,
sans hausser les épaules, pour une réduction de la semaine
de travail, pour une politique d’embauche dans les services publics,
d’investissements dans le domaine des équipements collectifs,
de démocratisation véritable de l’enseignement, pour une
autre politique pour l’Université, pour le développement
des recherches d’énergies renouvelables, pour la régionalisation
et la libération des initiatives locales. Dans un rapport sur
sa politique en matière de logement on a même pu lire :
« La question fondamentale est de savoir si le logement est et
restera un objet de consommation lié à une économie
de marché... ou bien ne doit-on pas rechercher les bases d’un
droit réel au logement et, pour cela, envisager d’autres modes
de production ? »
Alors, peut-on faire le procès de la gauche sans lui avoir donné
la possibilité de réaliser la politique qu’elle annonce
?
Votons massivement pour le candidat de la gauche car refuser l’alternance
c’est reculer la mise en place de l’Economie Distributive en faisant
le lit du fascisme.
(1) Notes Bleues « indicateurs pour la France ». Supplément au n° 1719 de Problèmes Economiques du 15 avril 1981.
Les hommes et les femmes qui travaillent dans les productions inutiles
et nuisibles ne sont que de pauvres esclaves au service du système
financier et de leurs servants parasites.
Restant soumis à leurs seigneurs, ils participent au plus grand
gaspillage de tous les temps, à la misère des peuples
et à la faim dans ce monde.
Les vrais travailleurs de l’utile sont une minorité qui vivent
mal, mais qui font bien vivre une multitude d’affreux parasites.
Quand prendront-ils conscience, les uns et les autres, que les machines
sont créées pour les servir et non pour les asservir ?
Est-ce si difficile de prendre conscience ?
Dissocie la monnaie de la notion de profit
Et tu transformeras les hommes et le monde.
On peut lire dans un quotidien du Parti socialiste édité spécialement à l’occasion des élections présidentielles, un article de Daniel Mayer (1) intitulé Justice et Paix. Nous en publions quelques extraits.
... Il s’agit de fournir aux pays les plus déshérités
l’aide nécessaire pour survivre puis se développer. Refuser
d’utiliser le paternalisme, de créer un néo-colonialisme,
qu’il soit industriel, commercial ou idéologique et qui fait
de la nation aidée le vassal de l’Etat tutélaire. Créer
un organisme international chargé de récolter la part
des pays donateurs et de la distribuer équitablement aux pays
bénéficiaires.
Ensuite, en direction de la justice. Il s’agit de supprimer les inégalités
sociales et l’arbitraire de la raison d’Etat. Donc, de créer
les organismes permettant, en dépit de la notion sacro-sainte
de « non-ingérence » (c’est-à-dire de complicité
entre Etats), de substituer aux décisions unilatérales
en matière de justice (et notamment d’extradition, de droit d’asile,
de possibilités de quitter son pays et d’y revenir) des arrêts
équitables. La création d’une cour pénale internationale
pourrait en être le moyen essentiel.
Permettre une égale distribution des richesses matérielles
et morales entre individus dans le cadre de la nation et une égale
répartition des richesses entre nations, cela s’appelle respectivement
la justice et la paix. Ce n’est guère loin du socialisme tel
qu’on peut le rêver et même le concevoir.
J’entends bien qu’on criera à l’utopie à la lecture de
ces deux propositions. J’accepte seulement l’idée de lenteur,
de longueur de temps, pour arriver, à ces créations. Encore
que l’on ne puisse évaluer à l’avance les brusques mutations
qui s’opèrent dans l’opinion publique lorsqu’un choc émotionnel
accélère le processus de réflexion.,
.. . Quant à la notion de folie cachée derrière
le reproche d’utopie, Jean Jaurès y répondait déjà
(le 23 janvier 1903, à la Chambre des députés)
: « Le progrès humain se mesure à la condescendance
des sages pour les rêveries des fous, et l’humanité aura
accompli son destin lorsque toute sa folie aura pris la figure de la
sagesse. »
« Combat Socialiste »
(N° 17, jeudi 19 mars 1981.)
(1) Président de la Ligue internationale des droits de l’homme. Conseiller de François Mitterrand.
JOUEUR de foot bancal télévisé à Chamalières,
d’accordéon télévisé chez gros Léon,
apparition télévisée en pull, petit déjeuner
avec de bénins boueux du Bénin à l’Elysée,
la Marseillaise-escargot, les safaris centrafricains ou polonais, et
autres amuse-gueules, Giscard dit d’Estaing va faire sa trouée
de Belfort, pour les Présidentielles.
Les scandales : insécurité permanente élevée
à la hauteur institutionnelle, bordel hallucinogène dans
les Universités, laxisme des tribunaux (les tueurs au talc amnistiés,
à peine condamnés, diams de Papy Bokassa, coups de Bourse
d’Anémone, feuille d’impôts zéphir, promesse de
7% maximum d’inflation, à l’arrivée, 14 % (ou 17, nul
ne sait exactement), danse macabre ministérielle : Fontanet exécuté,
Boulin suicidé, De Broglie exécuté, Journiac accidenté,
etc., sur un quarteron (1/4 de cent s.v.p.) ça fait un goal average
sévère.
Desservi par le général Joffre, alias Babarre, qui s’entête
à Bourbakiser, collectionne les mauvaises notes, zéro
à l’exportation, zéro pointé en popularité,
zéro double pour l’ascension des prix qui montent en flèche
et tombe à pic sur le con-sommateur.
La vente du château du Fresne à Authon et ses 637 hectares,
pour la bagatelle de 3 milliards 500 millions de centimes. En vendant
ce château, M. Giscard renonce au rapport des terres en dépendant
900 000 F, moins 35 000 F d’impôts (et on dira que les paysans
n’en paient pas !) . Naturellement, la S.A.F.E.R. n’a pas été
informée de cette aliénation. Le produit de la vente est
casé : sur des terrains aux U.S.A. (Georgie et New Mexico) après
les labours déjà acquis en Argentine en 1977. On reste
fidèle à la terre, que Diable. Ah, ces Auvergnats !
Simultanément « il » réalise aussi les petits
cailloux de Bokassa (du moins ceux « rescapés » selon
l’expression du porte-parole de l’Elysée).
Par dessus le souk, le pétrole qui flambe ! Notre Giscard qui
n’avait été élu (d’un mince 0,50 %) que parce qu’il
nous avait fait croire qu’il était un technicien supérieur
de l’économie et des finances, doit déplorer aujourd’hui,
que son ex-copain, le général, Qui-vous-avez-su, ait fait
don à l’Algérie, en cadeau de divorce, du Sahara pétrolifère,
alors que les Algériens n’y avaient, auparavant, jamais posé
une babouche.
Avec toutes ses petites casseroles accrochées à sa redingote
présidentielle, notre actuel petit maître aura quelques
difficultés à franchir la barre des 50 % au premier tour.
Ça, ira mieux au second. Mais qu’adviendrait-il si la Constitution
prévoyait, non pas deux candidats demeurant en lice, mais les
trois premiers du ballotage ?
A voir l’imbroglio social dans lequel se complaisent les hommes, la
pagaille économique qui profite aux plus malins, les répressions
en tout genre exercées par les institutions, toutes les contraintes
qui sont l’armature de la Société, on est tenté
de crier : ils en ont de la chance, les maîtres du monde !
Ah oui, ils en ont de la chance d’avoir affaire à des peuples
qui courbent l’échine, supportent la hiérarchie, l’inégalité,
l’exploitation. D’avoir affaire à des peuples ignorants, crédules,
et de plus, pacifiques, mais acceptant tous les crimes, les injustices,
les saloperies que commettent sur eux les nantis. Peut-on être
aussi dociles, gober tout ce que les prophètes bavent dans leurs
journaux, à leur télévision ? Et se contenter des
restes, des rejets pollués, des déchets de la production
? Subir la volonté de puissance que des hommes exercent-sur d’autres
hommes ?
Mais, sait-on jamais, un ras-lebol, un sursaut de révolte, peut
modifier la structure sociale. Si un jour un éclair de raison
jaillissait de ces peuples, pour le moment amorphes, et que brusquement
un feu d’artifice social éclatait qui balayerait tous ces parasites
du corps social... s’il s’avisait de réfléchir, le troupeau
populaire, et par exemple, d’appliquer la grève générale
productrice et distributive, cette grève qui recommande aux producteurs
salariés de continuer à produire, mais plus pour les propriétaires
et les patrons, plus pour vendre, pour le profit, ni pour un salaire,
mais pour distribuer l’abondance des produits à tous les consommateurs,
pour satisfaire les besoins réels par un revenu social, en se
passant de tous les possédants et de tous ceux qui ordonnent
et appliquent des lois protégeant leurs privilèges. Si
tous les peuples, mus par un élan de générosité,
de fraternité, d’émancipation et de libération
se disaient que ce sont eux, les producteurs, qui doivent organiser
leur propre Economie de façon Distributive, Egalitaire et Libertaire...
Profitez-en, rois, dictateurs, présidents de Républiques,
banquiers, patrons de multinationales, promoteurs immobiliers de tous
requins des richesses de la terre, vous avez encore peut-être
de beaux jours pour pressurer les peuples. Mais ceux-ci ne l’accepteront
pas toujours. A ce moment-là, alors, gare !...
Pour le moment, vous avez de la chance ! Mais le salariat, le capitalisme
et l’Etat, qui sont l’ossature de votre protection, ne sont pas éternels.
L’égalité économique viendra, le Fédéralisme
viendra... et ce jour-là - les peuples n’ayant pas besoin d’employer
la violence sur les hommes, mais ne l’exerçant que sur les choses
-, l’humanité sera sauvée ! Utopie ? Le vingt-et-unième
siècle le dira !
En cinq ans, 25 % des emplois ont été supprimés
chez Renault Véhicules Industriels qui s’apprête à
licencier 3 600 personnes d’ici à 1984 et à embaucher
« 950 jeunes diplômés formés aux techniques
nouvelles de l’électronique et de la robotique ». Autrement
dit, l’opération se solde par la disparition de 2 600 emplois.
Et il y a encore des gens pour dire que les nouvelles technologies sont
créatrices d’emplois !
La dernière mode chez les économistes de tout bord est
de dire que ce sont les Petites et Moyennes Industries qui créent
le plus d’emplois, le gouvernement a décidé (Conseil des
ministres du 11 mars 1981) de faire un effort prioritaire pour l’automatisation
en doublant d’ici à 1982 les investissements d’automatisation
et de multiplier par trois la production française de matériel
d’automatisation. En particulier, les « Machines et Equipements
de Conception Avancées » et les « Automatisations
des Processus de Production » seront étendues aux P.M.I.
De là à nous faire croire que le problème du chômage
sera résolu, il n’y a qu’un pas que nos économistes franchissent
allègrement ! Comme si l’automatisation pouvait avoir des effets
différents dans les P.M.I. et dans les grands groupes industriels
!
*
Les dirigeants américains, eux, sont plus francs : un rapport pour le ministère des Transports des Etats-Unis prévoit que d’ici 1985, plus de 20 000 emplois seront supprimés dans l’industrie automobile et dans les industries annexes du fait de l’automatisation croissante des usines. Le rapport indique (ce qui semble être une constatation de bon sens) qu’il y a contradiction entre la création de postes et l’accroissement de la productivité. Les syndicats proposent comme solution des congés payés et la réduction du temps de travail. Les semaines de 4 ou même 3 jours devraient être prochainement envisagées par les grandes firmes automobiles.
*
Il faut dire que l’industrie automobile américaine vient de recevoir un beau cadeau du gouvernement Reagan : le report ou l’annulation de 34 normes concernant la sécurité des passagers et la défense de l’environnement. Cela leur fera économiser 1,4 milliard de dollars (soit 7 milliards de francs actuels) sur cinq ans. Les futures victimes des accidents de la route ou de la pollution paieront.
*
Au fait, savez-vous que le gouvernement Reagan compte 13 ministres
millionnaires (en dollars, bien sûr) ?
Dans son programme économique, ce gouvernement prévoit
d’importantes réductions dans les budgets sociaux (2,3 millions
de dollars en moins en 1982 pour les bons alimentaires), dans les budgets
de l’enseignement et de la recherche. Par contre, le budget militaire
sera en hausse : 188,8 milliards de dollars en 1982 (soit 27 0/0 du
budget total des EtatsUnis) et il est prévu qu’il continue d’augmenter
jusqu’à atteindre 37 du budget en 1986. L’essentiel de ces crédits
sera consacré aux matériels conventionnels (ce qui enrichira
considérablement les industries concernées).
Pendant ce temps, le fossé entre riches et pauvres s’élargit
: 37 millions d’Américains pauvres sont recensés auxquels
s’ajoutent 29 millions de vieux et d’invalides. Contrairement à
ce que nous raconte la bonne presse française, un fort courant
se développe aux Etats-Unis en faveur de la sécurité
sociale, de « l’Etat Providence », de l’intervention des
pouvoirs publics dans l’économie, des droits de l’individu envers
la société... Certains se demandent si le risque reste
le bon choix. Le « Washington Post » écrit : «
Il se peut que dans un monde de très grande organisation, la
sécurité favorise de meilleurs résultats économiques
que la crainte de perdre un emploi. »
*
La Banque Mondiale veut créer une filiale « Energie »
destinée à favoriser la mise en valeur des sources d’énergie
dans le Tiers-Monde. Ce projet a fait l’objet d’un très large
consensus de la part des pays membres.
Mais le gouvernement Reagan refuse absolument d’y participer. Rien d’étonnant
à cela quand on sait que les Etats-Unis devraient fournir près
de 40% de la demande mondiale en charbon en l’an 2000. Il ne peut donc
pas être question pour les capitalistes américains de perdre
une parcelle de cette manne juteuse.
On observe en effet une demande de plus en plus forte de charbon. Et
ce marché du charbon est dominé par les grandes compagnies
pétrolières qui non seulement achètent et exploitent
les mines mais encore créent et entretiennent les moyens de préacheminement
au port et maîtrisent totalement la flotte charbonnière.
Une telle intégration empêche l’acheteur de contrôler
les coûts. Les compagnies américaines détiennent
ainsi plus de 50 % des réserves de charbon des EtatsUnis. On
pense que le marché du charbon pourrait rapidement se trouver
entre les mains d’un cartel de moins de 10 sociétés multinationales.
Voici un article qu’un de nos lecteurs a proposé au journal
« Le Monde », où, d’après André Fontaine,
il allait être accepté...
Las... les économistes de cet estimable journal sont intervenus,
pour s’y opposer. Ce qui n’a pas empêché P. Drouin, dans
son article du 3 mars dernier, d’en « piquer » une des idées
essentielles...
IL y a une évidence tellementaveuglante que personne nesemble
la voir, c’est que l’entrée dans l’ère de l’informatiqueest
incompatible avec le maintiende l’économie de marché,
souspeine de réduire la plus grandepartie de l’humanité
au chômage.
Il est clair que l’introduction d’une technologie qui tend à
remplacer le travail humain par des artefacts ne peut qu’écarter
du marché de l’emploi ceux qui n’ont rien d’autre à .’échanger
que leur force de travail. Ce n’est pas la technologie et l’informatique
qui sont en cause mais le cadre économique et social dans lequel
elles sont mises en oeuvre.
Préconiser, pour sortir de la crise, comme le font J.J.S.S. et
des politiciens de tous bords, l’alignement sur le modèle de
développement japonais et la course à l’informatisation,
sans mettre en question les rapports de production, c’est une inconséquence
qui confine au crétinisme.
On objectera à cette façon de voir que dans le passé,
les révolutions technologiques non seulement n’ont pas réduit
l’emploi mais ont contribué à le faire augmenter.
C’est raisonner superficiellement et par fausses analogies. Tout d’abord
les gains de productivité obtenus par la révolution industrielle
étaient sans commune mesure avec ceux de la révolution
informatique qui tend à éliminer radicalement l’intervention
humaine du procès de la production.
La différence fondamentale des deux périodes est cependant
ailleurs : les révolutions technologiques du passé s’accompagnaient
d’une expansion considérable du champ et du volume de la production,
ce qui compensait au plan de l’emploi, les compressions d’effectifs
résultant des progrès de la productivité.
Au surplus, l’innovation technologique était réservée
à une minorité de pays privilégiés qui tiraient
part de leur supériorité technique pour mettre en coupe
réglée les pays sous-développés. Les profits
de l’impérialisme permettaient aux métropoles de subventionner
une multitude d’emplois parasitaires (les fameux services) qui servaient
à éponger les forces de travail en surnombre.
La situation globale n’est plus la même à partir du moment
où, d’une part, l’expansion se heurte aux limites physiques de
la croissance et atteint un seuil à partir duquel elle devient
destructrice et où, d’autre part, l’affectation des capitaux
tend à s’internationaliser.
A partir de ce moment, les effets négatifs du progrès
technologique sur le plan de l’emploi se font sentir à plein,
sans compensation au niveau de la production et sans discrimination
au plan géographique. Tous les pays se trouvent désormais
logés à la même enseigne et la relation entre gains
de productivité et marginalisation des forces de travail s’affirme
inéluctablement. L’inégalité des rémunérations
joue même en faveur de Tiers-Monde qui attire les industries à
forte composante de maind’oeuvre. Le Tiers-Monde n’en reste pas moins
le plus touché par le sous-emploi. Les taux de chômage
sont en train de rattraper ceux de la grande dépression des années
30 : 20 à 40 % dans les pays en voie de développement
(Amérique latine, Asie du Sud-Est, Turquie, Egypte, Nigéria,
etc.), 8 à 12% dans les pays développés.
L’internationalisation du marché a pour effet d’aggraver les
confrontations et les déséquilibres du système
et de rendre inopérantes les politiques nationales de relance
d’inspiration keynésienne qui servaient naguère de palliatifs
provisoires à la crise endémique du capitalisme. Elle
interdit aussi des aménagements de caractère institutionnel
comme la réduction de la durée du travail puisque les
Etats qui y auraient recours subiraient un handicap par rapport à
ceux qui les refusent.
Le dysfonctionnement du système est devenu tel que même
en période de prospérité, même si l’expansion
se poursuit - au prix d’une course suicidaire aux armements - le niveau
de l’emploi régresse. Les courbes de l’emploi et de l’activité
économique sont désormais dissociées. En Europe,
pour un taux de croissance de 3 à 4 %, l’O.C.D.E. prévoit
une baisse de l’emploi de 1%. La signification de ce phénomène
ne peut plus être éludée : même si la crise
peut être différée, la tendance à l’aggravation
du chômage s’avère inexorable ; elle est devenue structurelle.
Et cependant les applications de l’informatique, l’industrie des micro-processeurs,
la robotique, la bureautique n’en sont qu’à leurs débuts.
A la fin des années 80, il faudra un taux de croissance d’au
moins 10 % simplement pour maintenir le niveau de l’emploi, ce qui est
tout à fait hors de portée, compte tenu des contingences
d’ordre écologique et des désajustements du cycle.
Cette impasse planétaire où s’enfonce l’économie
de marché, on aimerait que les hommes et, les partis de gauche
en prennent conscience et l’inscrivent au coeur de leur réflexion
et de leur stratégie pour sortir de la crise. Au lieu de quoi,
on les voit s’égarer et battre la campagne du côté
de Keynes ou même de Milton Friedman, discourant sur les moyens
de relan-
cer la demande ou d’améliorer la compétitivité
des entreprises nationales, les contraintes du marché étant
acceptées et révérées comme des vérités
sacro-saintes et des réalités intangibles. Dans ces conditions,
les discours de l’opposition et ceux de l’ordre établi finissent
par se confondre. Le même objectif les sous-tend. Les controverses
entre les partisans du néolibéralisme et ceux du néo-keynésisme
(on pourrait parler d’un match, entre l’Ecole de Chicago et l’Ecole
-de Cambridge) ne portent que sur les moyens.
Marx lui-même n’est plus d’aucun secours, car il est passé
à côté de la cible. S’il a repéré
et dénoncé les méfaits du capitalisme, sauf en
de rares et fugitives illuminations, il n’en a compris ni la nature
profonde, ni le fonctionnement. Il les a même occultés
sous la chape de plomb du matérialis-me historique et pour avoir
adopté comme point de départ de son analyse du «
Capital » les thèses apologétiques de Ricardo sur
la valeur- travail. Bricoleur de la dialectique, Marx est l’auteur de
cette colossale bévue qui consiste à dire que le capitalisme
s’effondrera parce qu’il entrave le développement des forces
productives. Alors que c’est juste le contraire qui est vrai. Loin de
freiner le développement des forces productives, le capitalisme
les déchaîne et les hypertrophie en même temps qu’il
les télescope et les anéantit sous le double aiguillon
de la concurrence et de l’innovation technologique (causalité
en boucle). Car la finalité du système n’est pas de satisfaire
les besoins des hommes mais d’alimenter la bataille économique
que se livrent les entreprises sur le marché et qui engloutit
une part sans cesse croissante du produit de la société.
Jamais l’image du tonneau des Danaïdes n’a été aussi
appropriée. Investir pour être compétitif, autrement
dit pour écraser, neutraliser, stériliser les investissements
et la production des organisations concurrentes, voilà le «
leitmotiv » du discours capitaliste répété
« ad nauséam » par les représentants du système
(1). Considérée globalement, à l’échelle
de la planète, cette logique de la guerre conduit à l’intensification
de l’exploitation et à la dilapidation exponentielle des ressources.
Ce qui explique, soit dit en passant, qu’avec une capacité globale
de production multipliée par 30 (estimation modeste), les classes
et les pays privilégiés ne vivent pas beaucoup mieux qu’il
y a un siècle et le reste du monde beaucoup plus mal. Un quart
de l’humanité est au bord de la famine. La Société
de l’An 2000 est déjà perceptible : des cités orgueilleuses
qui abritent une minorité de gestionnaires et d’e
LE facteur a déposé dans ma boîte à lettres,
il y a quelques jours, une circulaire de « Frères d’espérance
», mouvement international qui « lutte pour que disparaissent
de la terre : la faim, la maladie, l’ignorance, l’oppression, la guerre
». Le thème du message, cette fois-ci, est le sort des
enfants du monde face à des systèmes qui, quels qu’ils
soient, cherchent davantage à se perpétuer qu’à
assurer le bien-être de ceux qu’ils administrent.
Afin de sensibiliser ses lecteurs, s’il en était besoin, la circulaire
cite des faits et des chiffres qui donnent froid dans le dos. Certains
ont été empruntés à l’hebdomadaire «
La Vie ». Je ne peux résister au désir de les communiquer.
En ce moment, dans le monde, 500 millions d’enfants souffrent de malnutrition
; 200 millions ne reçoivent aucune éducation ; 50 millions
sont astreints à un travail proche de l’esclavage. Plus de la
moitié des 10 à 15 millions de réfugiés
qui hantent le monde sont des enfants.
En Thaïlande, les enfants sont vendus moins de 280 francs aux usines
et aux bordels de Bangkok. Au Paraguay, des gamines de 12 à 13
ans sont (déjà !) rejetées des maisons de prostitution.
Au Maroc, des enfants travaillent tout jeunes à des tâches
trop dures, comme cette petite fille de 9 ans amputée par le
métier à tisser trop lourd qu’elle ne savait pas manier.
Ceux-là sont victimes des « lois économiques »,
d’autres de la violence policière comme ces 400 bébés
argentins qui ne connaîtront jamais leurs mères torturées
et exécutées. Il faut s’arrêter, car tout cela est
insupportable ; mais la liste n’est pas close.
QUE FAIRE ?
On peut, bien sûr, comme le font les Frères d’Espérance,
apporter une aide ponctuelle. C’est bien mieux que rien. On le devine,
les sommes nécessaires à résoudre cet effroyable
problème du malheur des innocents, sont considérables.
Mais, souligne la même circulaire « pour éliminer
la variole, il a fallu vingt-cinq ans aux médecins de la planète.
Il fallait trouver 30 millions de dollars, c’est-à-dire 5 heures
des dépenses mondiales en faveur de l’armement ». On voit
bien où continuent à aller les priorités des gouvernements.
Et ce n’est pas M. Reagan, ni M. Brejnev qui diront le contraire.
Pendant qu’on fourbit des armes de plus en plus meurtrières et
coûteuses, on délaisse (mais ne sont-ils pas plus difficiles
à résoudre ?) les problèmes tragiques que pose
la croissance rapide d’une population mondiale qu’on ne maîtrise
plus. Prenons-en pour exemple l’extraordinaire surpeuplement dont souffre
l’Indonésie, malgré une politique antinataliste vigoureuse.
On s’achemine à Java vers des densités de 1 000 habitants
u kilomètre carré, qui se pressent sur un sol épuisé
par la déforestation et l’utilisation intensive dès engrais.
`
Pour remédier efficacement à ces désordres profonds
qui mènent la planète aux dérèglements les
plus graves et font peser la menace d’un holocauste massif, il faut
instaurer un nouvel ordre mondial. Les hommes politiques doivent percevoir
enfin l’interdépendance des nations et l’admettre. La Situation
actuelle où le monde se partage entre un cinquième de
riches et quatre cinquièmes de pauvres dont les effectifs vont
croissant ne peut se prolonger indéfiniment.
Je voudrais citer pour conclure un texte du Dr Jean Barry que me communique
un de nos lecteurs, M. Convard René : « Une véritable
crise mondiale de société et de civilisation est engagée.
L’humanité de demain aura à choisir entre sa fin et son
devenir. Seul le cerveau humain, par une élévation du
niveau de conscience, une flambée d’intelligence et de lucidité,
peut et doit nous détourner de cette apocalypse. »
DANS sa chronique du 31 janvier dernier, sur France-Inter, Michel Droit
analysait avec beaucoup d’émotion le dernier livre de Roger Ikor
« Je porte plainte ».
Sujet de cet ouvrage ? Il s’agit, hélas, d’un récit atroce
et vécu celui de la mort, à l’âge de 18 ans, du
propre fils de l’auteur. Ce solide garçon de 1,75 m avait adhéré
à l’une de ces nombreuses sectes qui prolifèrent un peu
partout dans le monde d’aujourd’hui. C’est contre elles, nous a dit
Michel Droit, que Roger Ikor porte plainte, car leur action destructive
a inexorablement retiré à son fils les moyens et les raisons
de vivre. Sous couvert d’écologie et de spiritualisme, les adeptes
sont invités à se nourrir de graines, à jeûner
même totalement pendant 3 ou 4 jours consécutifs, à
refuser toute assistance médicale. Et c’est ainsi qu’après
un affaiblissement progressif et une, plaie purulente soignée
par application d’argile, le jeune homme est décédé
: il pesait 42 kilos.
COMMENT REAGIR
Bien entendu, Michel Droit ne s’est pas contenté d’une brève analyse de ce drame. Il en a évoqué les causes profondes et notamment ce désarroi des jeunes devant un avenir menaçant, au sein d’une société vidée de tout idéal. Est-il possible d’y remédier ? En première étape, Michel Droit a suggéré deux mesures dont l’efficacité paraît des plus douteuses :
1) L’interdiction des sectes : indépendamment des objections
de principe toujours prêtes à surgir au nom des libertés
d’opinion, d’expression et de réunion, on voit très mal
en effet comment cerner suffisamment le sujet pour éviter un
contournement des textes. Où tracer la frontière entre
les groupements parfaitement licites des défenseurs de la Nature,
ou des adeptes d’une nourriture végétarienne, ou des praticiens
du yoga, et les fameuses sectes ?
2) L’abrogation de la loi fixant la majorité à 18 ans
loi néfaste selon Michel Droit, parce qu’elle paralyserait l’action
des parents et leur ôterait tout moyen juridique de s’opposer
à l’adhésion de leurs enfants.
Là encore, nous sommes sceptiques pour au moins deux motifs.
Le premier est le caractère purement théorique de l’interdiction
parentale s’appuyant sur la minorité de l’enfant. Autant les
parents peuvent exercer une action décisive par une information
objective, autant l’opposition autoritaire peut-elle tout au plus retarder
l’affiliation à la secte, et ce au prix d’un braquage des plus
dangereux pour l’avenir.
Le second est une constatation de fait : les adolescents ne sont pas
les seuls à se laisser séduire et nous connaissons tous,
dans notre entourage, des adultes apparemment pondérés
et réfléchis qui décident un beau jour de rompre
toute attache avec leur passé professionnel et familial, pour
tenter l’aventure d
T OUT le monde se souvient du célèbre roman de John Steinbeck
: « Les raisins de la Colère » qui décrit
la grande misère des ouvriers agricoles et des petits fermiers
américains chassés de leurs terres par les grandes compagnies
fondées peur créer une agriculture industrielle et rentable
au sens capitaliste du terme. Pourchassés, matraqués par
les milices privées chargées de faire régner «
l’ordre », les malheureux paysans n’avaient d’autres ressources
que de fuir vers l’Ouest en quête d’un problématique emploi.
Arrivés en Californie, ceux qui avaient survécu, découvraient
que l’Eldorado promis n’était qu’un bagne qui leur permettait
tout juste de ne pas mourir de faim. C’était en 1929, aux Etats-Unis.
En 1980, en Europe, en découvre que des populations rurales ne
mangent pas tous les jours à leur faim. Ça se passe en
plein coeur de l’Espagne, en Andalousie, où 80 000 journaliers
sent au chômage près de dix mois sur douze.
Ils arrivent pourtant à manger « Les femmes vent glaner
après les récoltes, eu cueillir les fruits sauvages. Les
hommes tirent un lapin de temps en temps, chacun se débrouille.
On s’entraide. Les commerçants font crédit. Mais les repas
sent souvent uniques et le gaspacho (soupe) constitue la principale
nourriture. »
Chaque été, c’est la même chose. Il n’y a plus de
travail, car la mécanisation s’accélère dans cette
région agricole, grande comme le Portugal. On remplace les cultures
qui utilisaient beaucoup de maind’oeuvre (betteraves coton, olives,
vigne) par des cultures entièrement mécanisées
(blé, tournesol, plantes oléagineuses). On arrache les
oliviers, car la production n’est plus rentable même si l’en paie
peu la main-d’oeuvre. Certaines terres ne sent pas exploitées
et d’autres le sent insuffisamment.
« Le plus grave peur les journaliers, dit le père Diamantino
Garcia, prêtre à Les Corrales, c’est l’absence d’avenir,
l’absence d’espoir. Le seul héritage que les parents offrent
à leurs enfants c’est une valise et le train peur sertir de la
misère. Nous n’avons rien. La seule terre que nous possédons
est au cimetière. Les ouvriers ne connaissent même pas
le métier de paysan. Ce sent des chiens perdus. » Le syndicat
des ouvriers agricoles est opposé à la mécanisation
« sauvage et irréaliste » et demande une redistribution
des terres et leur collectivisation. Mais peur le syndicat des propriétaires,
il faut au contraire industrialiser l’Andalousie. On sait ce que ça
veut dire. La Californie des Andalous, c’était jusqu’à
mainte
nant le reste de l’Europe de l’Ouest (sur 6 500 000 Andalous, 2 500
000 vivaient hors de leur pays), mais la « crise » qui sévit
contraint les Andalous à rentrer chez eux. Ça n’est pas
l’entrée de l’Espagne dans le Marché Commun qui y change
quelque chose, puisque la production agricole des 10 est déjà
excédentaire et qu’en ne sait comment la freiner.
L’industrialisation alors ? ça n’est pas, non plus, la solution.
Voyez l’Irlande (2) qui détient en Europe le record de la construction
d’usines (600 entreprises internationales) et celui de la croissance
industrielle (production doublée en dix ans et accroissement
annuel de 8 %). Mais cela s’est fait au prix d’une urbanisation démente
(30 % de la population de l’île vit à Dublin). L’agriculture
a suivi le mouvement et s’est mécanisée, de sorte que
les 500 000 agriculteurs de 1950 ne sent plus que 220 000 en 1980. Ceux
qui quittent la terre vont travailler dans l’industrie mais de moins
en moins car cela demande l’accroissement du nombre de création
d’usines. Et pourquoi faire finalement ? Les emplois sont moins nombreux
et le chômage, comme partout, s’accroît. Les nouveaux pestes
fournis par les filiales de multinationales sent à la merci d’une
crise eu d’une décision du conseil d’administration siégeant
aux antipodes.
Là, comme dans tous les pays en voie de développement,
la surexploitation des richesses naturelles, la concentration urbaine,
la désertification des campagnes, la fragilité économique
et sociale sont la règle générale.
Est-ce là le prix à payer peur que l’Europe de l’Ouest
devienne une grande puissance économique, comme les Etats-Unis
?
Et peur combien de temps ?
La faim et le chômage doivent- ils devenir le lot de la majorité
pour sauvegarder le profit d’une minorité ?
Nous ne pouvons que faire nôtre la réflexion de J. Steinbeck
(3) « Le travail de l’homme, et de la nature, le produit des ceps,
des arbres doivent être détruits pour que se maintiennent
les cours. C’est là une abomination qui dépasse toutes
les autres ! »
Il faut changer de système économique ou périr.
(1) « Le Monde » du 10-9-1980.
(2) « Le Monde » du 18-5-1980.
(3) Des raisins de la Colère.
Soit dit en passant
EN plein mois d’août de l’année dernière, pendant
que Giscard chassait le faisan à Rambouillet ou le zébu
en Afrique noire, l’Olympia présentait au public parisien un
spectacle de gala que l’on ne voit pas tous les jours. [lu moins dans
une salle de music-hall. Ce spectacle, que Giscard a raté, et
c’est dommage, dont le titre « MAGIC AND CO » illuminait
de néon le boulevard de la Madeleine, réunissait les plus
illustres magiciens de l’hexagone.
J’y suis allé. Pas tant pour le spectacle lui-même que
pour les spectateurs. II y avait du monde. Des gens bien de chez nous
avec de bonnes bouilles de contribuables comme vous et moi. Désireux
de s’instruire pour épater les copains. Ebahis. Et qui applaudissaient
à tous les tours de passe- passe chaque fois qu’un prestidigitateur
sortait un lapin blanc de son chapeau.
On se serait cru à une conférence de presse dans les salons
de l’Elysée ou à une séance d’investiture à
l’Assemblée nationale quand le Premier ministre vient faire son
numéro à la tribune et demander un vote de confiance.
La seule différence c’est qu’au Palais Bourbon les places sont
gratuites et que le lapin blanc y est remplacé par un plan de
redressement définitif.
Je me trouvais aux premiers rangs de l’orchestre - j’avais fait la queue
pendant deux heures pour avoir une bonne place - et je ne perdais pas
une bouchée du spectacle, celui qui se déroulait sur scène
et celui de la salle.
Je m’attendais, j’étais venu un peu pour ça, à
reconnaître parmi tous ces visages épanouis quelques célébrités
du monde politique, assez reconnaissables pour occuper jusqu’au ras-le-bol
la « une » des journaux et les écrans de la télé,
même s’ils n’ont rien à dire. Déception : Giscard,
Peyrefitte, Ponia, Alice Saunier-Seïté, Barre, et autres
Lecanuet, brillaient par leur absence. Ou alors ils se cachaient. Peut-être
portaient-ils de fausses barbes pour ne pas être reconnus. Mais
je ne vois pas Alice avec une barbe.
Je veux bien admettre que tous ces graves personnages avaient des choses
plus importantes à faire ce jour-là. Du moins le pensaient-ils.
Voir un match à la télé, poser la première
pierre d’un Q.H.S., prononcer un discours pour le centenaire d’Hégésippe,
sinon lancer un nouveau sous-marin nucléaire, jouer à
la pétanque ou aller à la pêche. Que sais-je encore
?
Je pense qu’ils ont eu tort. Le discours, le sous-marin nucléaire
pouvaient attendre. Ce qui ne peut plus attendre, en revanche, sans
risques d’explosion, c’est le problème de l’inflation et du chômage.
Un problème qui, à l’heure où j’écris et
selon les chiffres officiels, concerne 1 680 000 personnes, dont 693
000 jeunes, et auquel le prestidigitateur de Matignon, même avec
le secours d’un ordinateur, n’a su apporter de solution qu’en transformant
d’un coup de baguette magique les chômeurs en demandeurs d’emploi.
Il faut quand même en finir. Sortir de ce merdier, comme dit si
élégamment M. Leprince-Ringuet de l’Académie Française.
Et pour en sortir je ne vois que deux moyens.
Le premier, c’est d’inviter les princes qui nous gouvernent - si on
peut appeler ça gouverner - à retourner à l’école.
Mais pas à Sciences Po, ni à l’E.N.A., ils en sortent,
et avec la grosse tête. A l’école des Magiciens, je veux
dire. Il en existe trois en France, selon le « Journal du Dimanche
», dont l’A.F.A.P. (Association Française des Artistes
Prestidigitateurs) qui se fera un plaisir de leur expliquer, pour commencer,
comment on fait sortir un lapin blanc de son chapeau. Car il y a un
truc, vous pensez bien. En moins de dix leçons à 75 francs
de l’heure, ce sera un jeu d’enfant, et pas ruineux, pour ces surdoués,
de faire disparaître deux millions de chômeurs - car il
y en aura bien deux millions d’ici-là - au fond du chapeau.
Le second moyen - il faut tout prévoir, même un raté
dans l’exécution du numéro - c’est, vous l’avez deviné,
l’Economie Distributive, cette « utopie » que notre camarade
Maurice Laudrain a brillamment actualisée dans son livre «
Sortir de la pagaille » (1), livre que son auteur, s’il était
académicien, aurait pu titrer : « Sortir du Merdier ».
Mais c’est une utopie dont nos grosses têtes ne veulent pas entendre
parler. Alors, laissons-les à leurs statistiques, à leurs
taux d’inflation, leur P.I.B., leurs déficits budgétaires,
leurs excédents agricoles, leurs plans de redressement et leur
merdier, si ce jeu les amuse.
Laissons-les dire que l’Economie Distributive est une « utopie
» comme on le disait il n’y a pas longtemps des voyages dans la
Lune. Puisque dans la Lune, ils y sont allés.
Et n’en sont pas encore revenus.
(1) Voir page 15.