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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 1083 - janvier 2008

 

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N° 1083 - janvier 2008

Au fil des jours    (Afficher article seul)

Gérard-Henri Brissé, en parcourant la grande presse, n’a pas trouvé de quoi être optimiste en ce début d’année.

Allemagne, France, même combat   (Afficher article seul)

Jean-Pierre MON constate que le modèle allemand, qui faisait en France l’admiration des économistes et autres journalistes bien pensants, a du plomb dans l’aile.

Grève des transports : arrêtez le cirque !   (Afficher article seul)

Le Rhône est empoisonné, il empoisonne, et cela va durer. Mais pourquoi ?   (Afficher article seul)

Marie-Louise Duboin montre sur l’exemple dramatique de l’empoisonnement du Rhône par des déchets, l’absence de pouvoir des élus face à celui de l’argent.

Grenelle a-t-il résolu le problème des déchets ?    (Afficher article seul)

Le CNIID fait le bilan : les négociations ont montré que les maires s’opposent au moratoire sur les incinérateurs. Cela suscite des questions à poser aux candidats.

Le Sol   (Afficher article seul)

« Osons ensemble... »   (Afficher article seul)

Présentation et programme des Rencontres 2008 de L’Écologie au Quotidien du 16 au 29 janvier 2008 à Die.

L’échange   (Afficher article seul)

Alors que Jacques Duboin voyait dans le partage le signe d’une évolution de l’échange.

Lettre ouverte à Jean-François KAHN   (Afficher article seul)

Pouvoir d’achat et marges commerciales   (Afficher article seul)

Henri Muller estime que le “privilège” qu’on veut enlever à quelques salariés n’est pas plus injuste que les gains à la loterie !

Et il propose toute une série de mesures pour faire baisser les prix, au lieu de ne se focaliser que sur la seule revendication salariale pour améliorer le pouvoir d’achat.

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Chronique

Ce mois-ci, c’est Gérard-Henri Brissé qui a suivi pour nous le fil de l’actualité dans la grande presse…

Au fil des jours

par G.-H. BRISSÉ
31 janvier 2008

L’actuel président de la République a été comparé à un talentueux bateleur de foire : l’avocat qu’il fut n’a pas son pareil pour plaider une cause, pour assurer la défense de ses amis, qui se retrouvent au Fouquet’s, sur un yacht de luxe ou dans la maison de campagne de son grand ami G.W. Bush, le bien connu défenseur planétaire des droits de l’homme. Il n’a pas son pareil pour obtenir la libération des otages de diverses organisations politiques contestées, … en échange de quoi ?

Mais on peut être un remarquable avocat, donner le change par des artifices oratoires, s’entourer de bonne plumes pour préparer ses dossiers, et, à l’expérience, se révéler un piètre magistrat suprême pour le peuple de France. Celui-ci attend de lui qu’il cesse de lui faire payer les avantages, fiscaux et autres, concédés à une minorité de super-privilégiés, d’appuyer les revendications d’une seule organisation syndicale, la patronale, qu’il entende les clameurs des plus déshérités et de s’exhiber au milieu des plus riches.

Par delà les subterfuges

Travailler plus pour gagner plus ! Son slogan est lancé. Fallait-il pour autant augmenter substantiellement ses propres émoluments ? Alors que 85 % de ses compatriotes peinent pour freiner la décrue de leur pouvoir d’achat ? — On rétorque qu’il fallait mettre de l’ordre dans le budget de l’Élysée, fait de bric et de broc. Soit ! Mais le moment était-il bien choisi pour entreprendre pareille démarche ?

Comment faire comprendre à ce président, qui est entouré d’une Cour de béni-oui-oui, que l’on ne gère pas la France comme on administre le triangle Neuilly-Auteuil-Passy ? Que gérer le pays comme le Conseil Général du département des Hauts-de Seine, qui est le plus riche de France, c’est prendre le risque de créer une situation insurrectionnelle ?

J’ai déjà maintes fois suggéré l’introduction d’une taxe obligatoire de 0,1 % sur les transferts bancaires, sachant bien que dans certains milieux ceux-ci s’opèrent souvent en numéraire et échappent ainsi à tout contrôle — un grand patron, qui mettait de côté des millions d’euros au profit d’une “caisse noire” patronale, le sait bien. Ce mode de recouvrement de l’argent public ne serait nullement une nouvelle variante d’un impôt sur le capital : ce serait une façon à la fois simple, efficace et facile à mettre en œuvre, d’accroitre le budget des ménages. Car ceci permettrait, en effet, de dépénaliser le travail et de supprimer l’impôt sur le revenu sous sa forme actuelle, avec les “niches fiscales” qu’il génère, englobant les budgets de la Sécurité Sociale et des retraites, véritables “monstres du Loch Ness” du déficit, qui ne feront que s’aggraver d’année en année pour des raisons technologiques et démographiques, par delà toutes les mesures qui seront prises pour en assurer une bonne et saine gestion.

Il faut admettre, une fois pour toutes, que le mode de recouvrement actuel du budget de l’État et des services publics n’est pas le bon parce qu’il repose sur des salaires qui ont évolué vers la précarité et le temps partiel, entraînant une diminution inexorable des cotisations. Selon le slogan officiel, travailler plus serait gagner plus, donc cotiser plus, mais comme les heures supplémentaires sont maintenant exemptées de cotisation, cela ne marche pas !

Notre très chrétienne ministre Christine Boutin devrait penser que les enfants de Don Quichotte sont aussi des enfants du Bon Dieu, et quand on les voyait être bousculés ou basculer dans l’eau devant Notre-Dame, on pensait à Michel Audiard qui, lui, ne voulait pas les voir traiter comme des canards sauvages*.

Le dernier affront qu’aurait pu faire à son hôte, et auquel n’a pas pensé le pourtant inventif colonel Kadhafi, eût été, avant de partir, de leur offrir sa tente !

Paul Vincent.
———
*allusion au titre de l’un de ses films les plus célèbres

Grève de gratuité

Nos lecteurs se souviennent que La Grande Relève a publié, dans son numéro d’octobre dernier, un article de Franck Vasseur intitulé “Une grève peut être sympathique et efficace”, qui montrait la possibilité et l’intérêt d’une grève de gratuité.

Il se trouve que le quotidien France Soir, dans son numéro du 7 novembre, donc un mois plus tard, publiait un article allant dans le même sens : il annonçait “Une grève de la gratuité” proposée par le Syndicat Sud-Rail et la Fédération des Usagers des transports et des Servies publics qui permettrait aux voyageurs de “circuler sans payer”. Une telle proposition joindrait évidemment l’efficacité au souci de ne pas indisposer des usagers qui sont des travailleurs comme les autres.

Or, en novembre dernier, on a assisté, en réaction à un accident de circulation, à de véritables émeutes qui se sont produites au moment des grèves. Ces incidents ont montré que le danger existe qu’un gouvernement manipulateur utilise les grèves sous leur forme traditionnelle pour persuader la population que toute manifestation est assimilable à celle de voyous susceptibles d’être poursuivis en justice…

La justice en question

…Ou à ce qu’il restera de justice après la suppression de quelque trois cents juridictions sur tout le territoire national ! À ce propos, il va bien falloir vider les prisons, car elles débordent, donc relâcher des citoyens présumés innocents jusqu’à leur jugement. À défaut d’une loi d’amnistie, entachée de populisme, et faute de tribunaux pour les juger, on élargira ceux qu’on avait préjugés suspects… !

Quant à la suppression des tribunaux de commerce et des conseils de prud’hommes, elle arrange bien certains. Alors, va-t-on remplacer ces tribunaux par des “maisons de la justice et du droit” où seront exercées des fonctions d’arbitrage, au prix de plusieurs centaines de millions d’euros ? Les licenciements d’entreprises se feraient alors par consentement mutuel, et le code du travail, ce monument de 2.400 pages et quelque 400 lois, serait réduit à sa plus simple expression, à l’instar de l’ex-traité de constitution européenne, trituré en “traité simplifié” sans que le bon peuple soit consulté…

Allègements de charges

L’hebdomadaire Marianne, dans son numéro daté du 3 au 9/11/2007, annonçait que « le syndicat voudrait faire modifier le système des allègements de charges pour qu’il devienne favorable aux augmentations de salaires ». Notons en effet que ces derniers pourraient, pratiquement, être doublés par la suppression des charges et que l’État pourrait récupèrer ce manque à gagner par les rentrées de TVA qui seraient engendrées par la consommation des produits et services faisant peu appel aux importations. Les entreprises y trouveraient un intérêt à recruter. Et ceci permettrait de régulariser, au moins pour une large part, le travail clandestin.

Mieux, un revenu social garanti permettrait de juguler l’inflation dont il constituerait même un outil de maîtrise. Il peut être organisé à l’aide d’une variante de code-barres et de cartes de crédit spécifiques, faciles à instaurer en encadrant la consommation, sans être pour autant une entrave à la liberté d’accès aux produits ou aux services largement disponibles sur le marché.

Privatisation des services publics

Dans cette même édition de Marianne, je lis que la privatisation forcenée de la poste et des télécommunications, services publics s’il en est, et que nous avons si souvent dénoncée, a abouti en fait, sous le couvert d’une concurrence dévoyée, à l’entente et à la domination de trois grands groupes… dont les marges sont très juteuses. Environ 40 % !

Quant aux banques, elles seraient contraintes à « pratiquer la vérité des prix », donc « à facturer clairement leurs services ». Ce qui serait une petite avancée en faveur du consommateur, car ce dernier ne comprend plus rien dans la masse des “agios”, “frais de fonctionnement”, “cotisations d’assurance”, et autres, qui émaillent son compte bancaire et grèvent de plus en plus lourdement son budget. Mais si sa banque lui propose des “placements” dits de “bons pères de famille” à 4 % et que, parallèlement, elle lui facture des “agios” ou des “incidents de paiement” à 17,5 %, c’est de l’arnaque ou je ne m’y connais pas !

Laissons vivre les banques, mais on pourrait bien exiger, en contrepartie des intérêts dont elles bénéficient, qu’elles pilotent une cotisation obligatoire de 0,1 % sur les transferts bancaires.

« Ainsi que la plupart des gens de ma génération, j’ai été élevé selon le principe que l’oisiveté est mère de tous vices. Comme j’étais un enfant pétri de vertu, je croyais tout ce qu’on me disait, et je me suis ainsi doté d’une conscience qui m’a contraint à peiner au travail toute ma vie. Cependant, si mes actions ont toujours été soumises à ma conscience, mes idées, en revanche, ont subi une révolution. En effet, j’en suis venu à penser que l’on travaille beaucoup trop de par le monde, que de voir dans le travail une vertu cause un tort immense, et qu’il importe à présent de faire valoir dans les pays industrialisés un point de vue qui diffère radicalement des préceptes traditionnels.

Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l’aisance et la sécurité. Nous avons choisi, à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n’y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment. »

Bertrand Russel
Éloge de l’oisiveté (éd. Allia, Paris 2002)
(envoi de Serge Bagu).

Métapolitique

La grande presse avance une autre suggestion, celle d’une « politique massive de construction pour résorber un déficit d’un million de logements en France » ; cette issue passe « par une taxation dissuasive des plus-values issues de la spéculation pour pouvoir aménager plus de logements sociaux ». À côté de cette nécessité absolue, « le droit au logement opposable » est bien superfétatoire !

Bien “légères” paraissent d’autres orientations. Par exemple la maîtrise des prix à la consommation, alors que les prix des matières premières ne cessent d’augmenter ! Alors qu’on observe, en France, des vols, purs et simples, de métaux lourds et de câbles électriques destinés à la revente. Et des migrations de la faim, comme dans un pays du tiers monde. Voilà des années que je suggère la constitution, à l’échelle planétaire, d’un stock de matières premières et l’instauration d’une monnaie de réserve mondiale de référence qui soit soustraite aux aléas de la spéculation.

S’agissant des produits alimentaires, on s’était habitué à ce qu’il y ait trop de lait, trop de blé, trop de sucre, trop de choux-fleurs ou de fraises, etc. L’introduction sur le marché des produits qu’on nomme improprement “bio-carburants”, c’est-à-dire de carburants issus de végétaux et censés concurrencer le pétrole, nous persuade maintenant du contraire. Mais dans la GR 1080, l’étude signée Dominique Guillet intitulée “Mettez du sang dans votre moteur” nous a mis en garde, à juste titre, contre un pareil dérapage. S’il faut des bio-carburants, que ce ne soit pas au risque de mettre en péril l’équilibre alimentaire ! Mais en faut-il ?

S’agissant des OGM, leur degré de nocivités sur les organismes n’est pas établi, et ils peuvent s’étendre à d’autres cultures, la plus grande prudence s’impose donc à leur égard, comme l’a souligné avec force José Bové. Un moratoire de quelques mois, et en plein hiver, apparaît bien dérisoire, alors qu’on a laissé se développer en France et en Europe un lobby pro-OGM qu’il va s’avèrer difficile d’endiguer…

On relève également dans la grande presse d’intéressantes considérations sur la gestion de l’eau, matière première ultra-sensible s’il en est, reprise en mains par des municipalités ou par des communautés de communes. Marianne signale une récente étude de Que Choisir ? sur la gestion du service public de l’eau qui fait état « d’importants écarts de prix d’une commune à l’autre », qui se répercutent évidemment sur les taxes locales. Les bons élèves se recrutent parmi les communes ayant repris en régie leur gestion de l’eau.

Bonne année !

Les “réformes” imposées au pays sont-elles adéquates et conformes aux attentes du plus grand nombre ?

— On est en droit d’en douter. Car l’une des dernières en date, la fusion de Suez et d’EDF, puis la mainmise de l’État sur 3 % du capital d’EDF, soi-disant au profit des universités, ramenée finalement à 2,5 %, soit 3,7 milliards au prix d’une dégringolade boursière pour EDF, est l’un de ces tours de passe-passe qui s’assimile à une opération financière douteuse, à l’instar de l’instauration, dans les années 1950, de la vignette auto destinée à des personnes âgées… qui n’en ont jamais vu la couleur !

— Qui paiera ce manque à gagner pour EDF ?

— Bien entendu, les usagers ! Comme naguère les clients des Telécom !

Déjà, de nouvelles hausses des tarifs du gaz et de l’électricité sont prévues, sans contrepartie de hausse des salaires, des retraites ou des moyens accordés aux collectivités. Alors, on peut bien nous annoncer aussi une grande “conférence” (une de plus !) des partenaires sociaux sur les sujets ultra-sensibles que sont la hausse des prix et la baisse du niveau de vie… on sait que, contraints par le poids de la dette publique, les représentants du gouvernement auront les poches vides !! Comme Anne, ma soeur Anne, du haut de leur tour branlante aux pieds d’argile, ils attendent la hausse de la croissance et des activités productrices de richesses, disent-ils.

En fait, au cours des deux dernières décennies, la richesse nationale a été multipliée par presque cinq : ce sont donc les modalités de sa répartition qui sont à revoir ! Olivier Besancenot l’affirme également, avec grand courage et beaucoup de bon sens. Malheureusement, il ne propose aucun remède pour en sortir : il en reste à une “lutte des classes” fort hypothétique tellement les choses ont changé depuis le temps où vivait Karl Marx !

— En résumé, qu’a-t-on entrepris pour améliorer le niveau de vie des jeunes, des salariés “moyens” et des retraités ?

— Ils ont eu droit à de beaux discours.

Afin de ne pas effaroucher le bon peuple, les médias n’évoquent plus la montée de l’insécurité depuis le scrutin présidentiel. Mais ce n’est pas en “jugeant” les coupables de troubles, en leur mettant des bracelets électroniques et en installant quelques caméras supplémentaires que l’on résoudra les graves défis qui se posent à une société en pleine mutation.

Comme ce n’est pas en faisant payer des “franchises médicales”, à l’exemple d’une assurance privée, que l’on trouvera une solution aux problèmes de santé.

Pas plus qu’en imposant des “cartes” —scolaire, sanitaire, judiciaire etc.—, extrêment restrictives, sous prétexte d’évolutions démographiques.

Tout cela nous ramène au XIXème siècle.

Sous prétexte d’économies financières, la France est entrée en régression !

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Actualité

Allemagne, France, même combat

par J.-P. MON
31 janvier 2008

Le chroniqueur économique du Monde, Éric Le Boucher, poussait un long cri de désespoir dans l’édition des 14-15 octobre sous le titre : L’Allemagne vire à gauche. La catastrophe, selon lui, est que « au moment où la France s’engage dans les réformes, l’Allemagne semble y renoncer. L’Agenda 2010, corpus réformateur mis en place en 2003 par Gerhard Schröder, est mis en pièces, morceau par morceau, aussi bien par le Parti social-démocrate (SPD) que par l’Union chrétienne démocrate (CDU), dans un mouvement commun vers la gauche archéo, purement redistributiste ». L’horreur, quoi ! « Outre-Rhin, l’heure est à “la réforme des réformes”, c’est-à-dire à leur recul. Alors que les prochaines élections ne sont que dans deux ans, les partenaires de la coalition ont déjà engagé la course aux cadeaux sociaux ».

Cette critique est aussi celle du “Conseil des experts”, un groupe de cinq “Sages”, chargé de conseiller le gouvernement allemand en matière de politique économique. Il a, en effet, adressé un sévère avertissement à la “grande coalition” dans son rapport annuel publié en novembre, soulignant que les réformes du précédent gouvernement (SPD-Verts) avaient « contribué au come-back économique de l’Allemagne », alors que le gouvernement dirigé par Angela Merkel a tendance à « contrecarrer d’importantes réformes, voire même à faire marche arrière », ce qu’il déplore. Ces cinq “sages” s’en prennent tout particulièrement aux projets d’allongement de la durée de versement des allocations de chômage et aux correctifs sur la retraite à 67 ans parce qu’ils vont à l’encontre de l’objectif de hausse du nombre de salariés âgés… Selon eux, l’Allemagne vieillit, ses institutions sont paralysantes, sa productivité est faible, son université dépassée, son système d’innovation toujours défaillant, etc., bref, ils estiment que la transformation en une économie du XXIème siècle reste à faire et que l’État devrait y consacrer tous ses moyens (on croirait entendre les “déclinologues” français !) Et Éric Le Boucher s’inquiète : « Les politiques en seront-ils capables à deux ans des élections ? Espérons que oui, sinon nos politiques à nous qui ont tant tardé à s’inspirer du bon exemple allemand, voudront vite copier le mauvais ».

Pourtant le plan Harz IV (à savoir : coupe dans les remboursements de santé, révision du système de retraites et réforme du marché du travail…) [1], mis en place par Schröder avant qu’il ne perde les élections, a été repris par la “grande coalition” présidée par Angela Merkel, et, de l’avis même des économistes “bien pensants”, il a été efficace puisque les déficits sont en voie de résorption, le chômage en forte baisse et les exportations en hausse … « La rigueur acceptée par les salariés a permis de retrouver la compétitivité » se réjouit Le Boucher. Mais il doit constater que « les petits jobs et les réformes Schröder ont créé de nouveaux pauvres, ce qui choque en Allemagne (souvenir des années 1930) et provoque un vif débat. Le climat social a basculé. Les conducteurs de train ont engagé des grèves d’avertissement, les plus dures depuis quinze ans, menées par un syndicat résolu qui réclame 30 % de plus sur la feuille de paie. […] Dans le privé, les organisations de la métallurgie, de la chimie et du commerce ont déjà arraché des hausses ». Décidément, on croirait qu’il s’agit de la France. D’autant qu’en matière de lutte contre la pauvreté l’Allemagne ne fait guère mieux que le tandem Boutin-Hirsch : selon le rapport annuel du Kinderhilfswerk (réseau d’aide à l’enfance), publié le 15 novembre, « depuis la diminution de l’aide sociale pour les plus démunis au début de 2005, le nombre d’enfants pauvres en Allemagne a doublé et dépasse aujourd’hui 2,5 millions ».

La “social-démocratie“ !

Cela n’a, apparemment, pas trop touché le SPD qui, lors de son congrès réuni à Hambourg fin octobre, a réélu son président, Kurt Beck, avec 95,5% des voix, ce qui montre que les socio-démocrates allemands ne veulent pas aller trop loin dans la révision des réformes du plan Harz IV. Ce parti cherche seulement « à corriger quelques points sans aller en arrière » selon les propres termes du président Beck qui n’a cependant pas manqué de fustiger, comme il se doit, le « néolibéralisme » de la droite !

Une telle démarche ne pouvait qu’intéresser le PS français, qui a envoyé une délégation à Berlin pour « étudier les nouvelles voies qu’élaborent les principaux acteurs de la gauche réformiste de l’Union européenne ». Elle y a entendu un jeune député reconnaître, à propos du plan Harz IV, que « ces mesures douloureuses - qui ont contribué à relancer la croissance et l’emploi – ont été imposées sans avoir été vraiment discutées dans le parti […] ». Ce représentant de la gauche du parti au Bundestag a ajouté : « Au congrès, nous aurions pu trouver une majorité sur une ligne plus radicale mais le texte proposé parle notre langage et il n’est pas question de faire marche arrière ».

Le fabiusien Henri Weber, qui conduisait la mission française, en a conclut que « la réforme de l’État protecteur ne peut être menée à bien sans avoir au préalable longuement préparé l’opinion, les syndicats et a fortiori le parti, et qu’on ne peut pas passer en force et dans l’urgence ». Les propos d’autres participants socialistes à cette rencontre ne sont guère plus encourageants [2].

Jean-Luc Mélanchon, qui ne faisait pas partie de la délégation à Berlin, tente de sauver l’honneur de son parti en étant beaucoup plus critique : « Le PS a toujours un métro de retard ; alors que le SPD s’interroge sur les moyens de sortir de l’impasse socio-libérale, il se demande s’il doit s’y engager ». Sa crainte est que « l’état de sidération totale dans lequel se trouvent les socialistes français leur fasse perdre de vue que la social-démocratie d’Europe du Nord, à force de considérer que la question du partage des richesses est secondaire, a accumulé les désastres électoraux. »

En quoi il a bien raison !

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[1] À l’époque, ce plan a été analysé dans nos colonnes, voir GR 1049, pp. 5-6, puis évoqué par exemple dans les GR 1070 et 1080.

[2] Voir Le Monde du 16/10/2007.

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Actualité

Grève des transports : arrêtez le cirque !

par H. MULLER
31 janvier 2008

Environ 5 % de l’ensemble des salariés ont hérité d’un statut privilégié en matière de retraites. N’en cherchons pas la légitimation. Ils n’en sont pas responsables. C’est le hasard, omniprésent dans le quotidien de toute vie, qui a sélectionné cette minorité. Une injustice ? Cherche-t-on noise aux gagnants des loteries ? Aux héritiers auxquels échoit un magot qui tombe du ciel ? La chance leur a souri ? Tant mieux pour eux ! Les inégalités, les différences sont dans la nature des choses. Les injustices et les passe-droit engendrés par les usages monétaires sont pareillement véhiculés par le hasard, à travers le tissus social. Vouloir rétablir un semblant d’équité au prix d’un séisme dévastateur aux séquelles imprévisibles ? On en voit aujourd’hui les résultats ! Laissons donc aux cheminots leur régime de retraite, seule façon d’arrêter le cirque des grèves.

Leur financement ? Un service public doit être libéré du carcan de la rentabilité et satisfaire l’usager, ce qui implique un choix budgétaire, certes peu commode, parce qu’en ce domaine les lobbies font la loi : au service des grands groupes industriels, commerciaux et autres, ils interviennent auprès des centres de décision politique.

Or les transports publics donnaient toute satisfaction à l’usager : bon matériel, ponctualité des horaires, personnel compétent. Et pour des histoires de bouts de papiers, d’écritures comptables, soudain la vie s’arrête, la chienlit s’installe ! C’est dire le rôle néfaste de l’objectif de rentabilité en matière de service public, en conflit avec l’utilité.

Puisse cette chienlit déboucher sur une prise de conscience de l’inéluctabilité d’une rupture avec nos usages monétaires. Abordons enfin l’étude d’un modèle monétairement innovant qui enverrait sur la touche toutes ces organisations financières, parasites des activités de production de biens et de services !

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Réflexions à propos de l’environnement :

Suzanne et Bernard Ballet ont signalé à nos lecteurs les problèmes posés par les usines de retraitement des déchets, en commentant dans notre précédent numéro le livre de D.Dietmann “Déchets ménagers - le jardin des impostures”. La pollution du Rhône est un autre exemple, elle est telle qu’il faudrait agir de toute urgence pour y mettre fin. Mais…

Le Rhône est empoisonné, il empoisonne, et cela va durer. Mais pourquoi ?

par M.-L. DUBOIN
31 janvier 2008

Un reportage édifiant était diffusé les 18 et 31 décembre sur France 5. Il dévoilait que les eaux du Rhône sont tellement empoisonnées par les rejets d’une usine qu’elles sèment la mort.

« La beauté du Saint-Gothard ne laisse rien présager du drame écologique qui se joue en aval. Dans ce massif des Alpes suisses, berceau de deux grands fleuves, on a peine à imaginer que le Rhône est à l’agonie, lentement empoisonné par le PCB, ou polychlorobiphényle, plus connu sous l’appellation de pyralène », commentait Anne-Laure Fournier en présentant ce documentaire réalisé par Sébastien Deurdilly. L’explication suivait : le PCB est un isolant utilisé dans la fabrication de transformateurs et de condensateurs, il s’accumule sous forme de déchets, de rejets ou de résidus dans les sédiments du fleuve, et ce produit toxique, qui a une durée de vie de plusieurs centaines d’années, a la propriété de se concentrer dans les graisses.

Dans un rapport récent, le WWF évoquait ce « Tchernobyl à la française » et dénonçait les négligences des pouvoirs publics et les responsabilités industrielles. Deux usines de retraitement des ordures sur les rives du cours d’eau y étaient notamment pointées du doigt.

Plusieurs études font état d’une augmentation de 70 % des cas de cancers dans la région, ainsi que de problèmes de fertilité, de croissance et de dégradation du système immunitaire. Les preuves et les témoignages abondent.

Mais rien n’y fait, les usines qui sèment cette mort sont prospères et elles continuent à infecter la région.

L’interdiction, qui a été faite, de consommer les poissons pêchés dans le fleuve n’est évidemment pas la solution. Il est manifeste qu’il faut, de toute urgence, faire cesser ces rejets. Ensuite, pour “guérir” le Rhône, il faudrait lui faire subir le même traitement que pour le Rhin, traitement qui a duré plusieurs dizaines d’années et qui a coûté des milliards d’euros. Cela ne peut résulter que d’une décision des pouvoirs publics.

Pour alerter les responsables, entre autres démarches, un colloque a été organisé, auquel le Président de la région PACA a été convié, pour qu’il constate et qu’il agisse.

Il est venu. Il a vu. Il a pris conscience de l’énormité des dégâts, de leur source et de l’urgence.

Puis il a conclu, et publiquement : le pouvoir politique n’y peut rien, celui de l’argent est plus fort que lui.

Ce flagrant constat d’échec est révoltant, mais c’est un aveu que les responsables politiques n’ont, en général, pas le courage de faire, alors qu’ils le vivent au quotidien.

Citons cependant un autre témoignage, à plus haut niveau et à plus grande échelle. Il s’agit de celui du “haut représentant de l’Union européenne pour la politique et la sécurité commune”, Javier Solana. En cette année du cinquantième anniversaire de l’UE, il a osé déclarer que la mondialisation, si elle permet à beaucoup de vivre mieux, « libère également des forces que les gouvernements ne peuvent ni maîtriser, ni arrêter ».

Cet aveu d’impuissance est un peu facile, car ce sont pourtant bien les gouvernements qui ont décidé d’ouvrir les vannes au pouvoir des capitaux. Ce sont eux qui présentent leur propre rôle comme consistant à aider les entreprises de leur pays, impliquant par là que le bonheur des peuples, dont ils ont accepté la charge, résulte automatiquement de la prospérité des entreprises. C’est bien sous ce prétexte qu’ils se transforment en représentants de commerce. Il faut voir comme ils en sont fiers quand ils se vantent d’avoir conclu des contrats de plusieurs milliards, fut-ce avec des pays qui ne respectent pas les Droits de l’homme ! Ce qui prouve que la dégradation de l’environnement et les graves problèmes de santé qu’elle engendre proviennent d’abord d’une absence de démocratie : les responsables, y compris dans ce qu’on appelle les démocraties modernes, sont au service non pas de tous, mais essentiellement de ceux qui ont un capital à faire croître.

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Réflexions à propos de l’environnement :

Grenelle a-t-il résolu le problème des déchets ?

31 janvier 2008

À l’issue des discussions qui se sont tenues en présence du Ministre J.-L. Borloo, de nombreuses avancées ont pu être actées. Le CNIID [1] salue donc la nouvelle orientation qui a été prise en matière de prévention et de valorisation matière, mais regrette l’incohérence qui consiste à continuer à autoriser de nouveaux incinérateurs ; lors des tables rondes d’octobre, les ONG avaient demandé un moratoire concernant la construction de nouvelles capacités d’incinération et de co-incinération. Il a été refusé, notamment par l’Association des Maires de France (AMF). Cette opposition a d’ailleurs récemment conduit deux villes, Fos-sur-Mer et Port-Saint-Louis-du-Rhône, à démissionner de l’AMF.

•Nous avons obtenu que les plans locaux de prévention soient désormais obligatoires lors de l’élaboration des Plans Départementaux d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés. Ces plans de prévention seront financés par la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dont les recettes seront réorientées à cette fin.

•Un objectif de réduction des déchets de 5 kg par habitant et par an pendant 5 ans a été acté, et Eco-Emballages s’est engagé à réduire les emballages de 1 kg/hab/an.

•Des avancées ont été négociées en matière de responsabilité financière des producteurs à l’égard de leurs produits en fin de vie. Les barèmes de leur contribution devront être proportionnels aux efforts d’éco-conception fournis, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

•Début 2008, la contribution financière des producteurs va passer à 80 % [2] pour la gestion des déchets d’emballages. Le barème sera revu afin d’y introduire des critères permettant de favoriser les emballages réduits ou recyclables.

•Une nouvelle filière mettant en œuvre la responsabilité élargie du producteur sera créée au printemps 2008.

•Concernant les déchets dangereux des ménages, une filière mettant en œuvre la responsabilité élargie du producteur verra le jour en 2009, ce qui devrait contribuer à éviter la dispersion de substances dangereuses dans le flux général des déchets. Une autre filière, élargissant la responsabilité des producteurs de meubles sera créée, date non indiquée. Ces nouvelles filières devraient inclure des barèmes favorables à la prévention et permettre de développer la récupération et le recyclage, notamment pour les meubles. Le déplacement du coût de gestion des déchets, du contribuable vers les producteurs, devrait inciter ces derniers à réduire les déchets issus de leurs produits.

•La tarification incitative pour l’enlèvement des ordures ménagères sera désormais obligatoire, sa mise en œuvre est laissée aux collectivités…

•Des objectifs de valorisation matière (recyclage et traitement biologique des matières organiques, compostage et méthanisation) ont été fixés. Pour ses déchets ménagers, la France devra atteindre un objectif de 35 % en 2012 et 45 % en 2015 (nous en sommes aujourd’hui à 19 %, les efforts à fournir sont donc importants).

• Des efforts devront être faits en ce qui concerne les déchets organiques : normes assurant la qualité du compost, contrôles à effectuer à l’entrée des centres de compostage. Des engagements contractuels auront lieu entre les agriculteurs et les départements pour assurer des débouchés au compost.

•Il a été décidé d’augmenter la TGAP sur la mise en décharge [3] et d’en créer une pour l’incinération. Les montants n’ont pas été arrêtés, mais deux scénarios ont été retenus : soit la taxe sur la mise en décharge passerait à 40 ou 20 euros/tonne, soit la taxe sur l’incinération oscillerait entre 5 et 10 euros/tonne.

•Nous n’avons pas pu obtenir l’arrêt de la construction de nouveaux incinérateurs, mais seulement la garantie que la priorité ne sera plus à l’incinération. Mais nous avons obtenu l’instauration de contrôles des dioxines en continu, et un renforcement accru de la surveillance.

La circulaire de 1994 sur les mâchefers sera abrogée. Le besoin d’un contrôle renforcé et de recherches complémentaires a été reconnu.

Les négociations au sein du “Grenelle de l’Environnement” soulèvent donc certaines interrogations. Entre autres : POURQUOI les maires se sont-ils opposés à un moratoire sur de nouveaux incinérateurs ? Quels intérêts sont donc en jeu ? Quel est l’objectif prioritaire des maires ?

Questions à poser aux candidats au cours de la prochaine campagne pour les élections municipales …

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[1] Le CNIID, 21, rue Alexandre Dumas 75011 Paris, est une association écologiste fondée en 1997 par N. de Sainte-Agathe et P.-E. Neurohr.

Il a révélé en 1997 la contamination de certains produits laitiers (yaourts, fromages, etc.) par les dioxines.

Depuis, son présupposé de départ : “il y a un manque dans la société française en matière d’information indépendante sur les déchets” s’est confirmé.

Ses campagnes ont pour but d’informer sur la toxicité des déchets en général, ou sur un type de déchet particulier, de dénoncer les atteintes environnementales et sanitaires liées à leurs traitements et de proposer des alternatives saines. Il intervient par le biais de conférences partout en France, des envois de documentation aux personnes qui le souhaitent, propose des actions …

Le CNIID assure le secrétariat de la Coordination nationale pour la réduction des déchets à la source, qui regroupe plus de 290 associations de terrain qui combattent des incinérateurs et décharges en projet ou existants et promeuvent la réduction des déchets à la source comme solution alternative.

Le CNIID adhère à des réseaux transnationaux d’ONG tels que le réseau international Global Anti-Incineration Alliance et le réseau européen Health Care Without Harm Europe.

[2] elle est à 47 % actuellement.

[3] 9,90 euros/tonne aujourd’hui.

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Tribune libre

Le projet Sol, dont nous avons souvent parlé déjà, vient de s’implanter dans la région de Belfort et de Montbéliard. À cette occasion, son animateur local, le sociologue Axel Othelet rappelle à nos lecteurs l’essentiel de la volonté qui est à la base de cette monnaie qui est “parallèle” donc conçue pour circuler parallèlement à la monnaie capitaliste :

Le Sol

Pour revenir au fondement des échanges
par A. OTHELET
31 janvier 2008

L’être humain a besoin de relations sociales et d’échanges. C’est son fondement ontologique d’animal social. Or, la base des échanges comme lien et interdépendance est devenue, avec la création de la monnaie, une dérive centrée sur l’accumulation et la spéculation. La marchandisation des biens et des services a eu raison de la pureté des échanges. Ce constat est bien connu, c’est pourquoi il est inutile de s’étendre sur ce préambule.

En revanche, ce qui est moins connu demeure les tentatives de solutions pour contrarier le système du tout spéculatif. Ces solutions se trouvent dans le fourmillement d’idées des acteurs du développement local et durable et de l’économie sociale et solidaire. Depuis 1999, par la voie de quatre grands acteurs de l’économie sociale : la Macif, la Maif, le Crédit coopératif et Chèque déjeuner, l’idée de créer une monnaie alternative électronique se fait jour, le Sol. Elle est influencée par les différentes expériences des pays d’Amérique Latine portant sur les monnaies locales ou complémentaires, voire alternatives, dans le cas de faillite du système monétaire classique, à l’image de ce qu’a connu l’Argentine en 2001. Elle trouve sa source dans le système monétaire classique en inversant son précepte de base : celui de la spéculation pour le transformer en perdition et en éthique de l’achat basée sur la solidarité.

Expliquons-nous : alors que la monnaie classique permet toutes sortes de placements afin d’obtenir une rentabilité pour le placeur et permet des achats en tout genre, parfois dépassant les principes de base de l’éthicité, notre monnaie Sol ne peut être placée tout en favorisant des achats limités dans une perspective solidaire ou pédagogique. En effet, si le soliste (porteur de la carte Sol) ne dépense pas ses Sol, ceux-ci seront perdus pour lui à différentes échéances. En revanche, ils ne seront pas perdus pour tout le monde, puisqu’ils permettront d’alimenter un fonds destiné à soutenir des micro-projets. Premier exemple de solidarité.

Permettre l’achat de biens ou de services dans le secteur du commerce équitable, des produits biologiques… favorise le soutien de ces secteurs d’activités qui, bien qu’en développement, ne représentent qu’un poids relatif dans les flux commerciaux. Montrer son soutien à ceux qui défendent la juste rémunération des producteurs dans les pays pauvres et des producteurs locaux complètement dépassés par les grandes multinationales, voilà un second exemple de solidarité.

Transformer le temps de bénévolat en Sol, c’est valoriser le travail invisible au sens du PIB comme nous l’a bien montré P. Viveret dans son rapport « les nouveaux facteurs de richesse ». Mettre à profit ce temps dans le cadre d’un réseau d’inter échanges de services entre plusieurs associations, c’est le signe d’un troisième exemple de solidarité.

Les vertus d’un tel type de dispositif sont nombreuses et, tout son intérêt demeure dans la possibilité pour chaque utilisateur ou prestataire de services d’en trouver d’autres en fonction de ses propres préoccupations. En effet, s’inscrivant dans le cadre d’une expérimentation jusque fin 2008 et dans les dynamiques de développement local, la forme du Sol peut s’adapter en fonction des réalités, des ressources et contraintes territoriales. C’est pourquoi, il est une innovation sociale dans la mesure où l’imagination des acteurs lui permettra de s’étendre.

Par ailleurs, le Sol a ceci de particulier qu’il allie des éléments originels de l’économie avec la modernité en ce sens qu’il revient aux principes de base de l’échange tout en s’appuyant sur un dispositif informatique très sophistiqué. L’objectif de ses promoteurs de développer le dispositif sous la forme informatique est explicitement éthique au sens où il permet d’éviter les dérives rencontrées dans d’autres expériences de monnaies alternatives. Une monnaie complémentaire dite fiduciaire, même lorsqu’elle ne prend pas les couleurs de l’euro ou du dollar, peut présenter des risques de spéculation ou de « délinquance » dès lors qu’elle permet de se procurer des biens ou services avec. Avec le Sol, ce risque est limité dans la mesure où la carte à puce est nominative et qu’elle sait détecter le type de sol contenu en écriture (sol coopération, engagement ou affecté) tout en orientant le porteur de la carte vers un type précis de consommation. L’exercice est encadré, il y a des fois où la pédagogie s’avère plus forte que ses détracteurs.

Dans un monde en tension manifeste où les enjeux autour de l’amenuisement des principales énergies peut faire craindre au pire, retrouver du sens à l’échange, à l’interdépendance qui constitue le socle des sociétés humaines, n’est-ce pas là un beau projet qui peut redonner un véritable contenu au vivre ensemble ?

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Rencontres 2008 de

L’Écologie au Quotidien
du 16 au 29 janvier 2008 à Die

Voici la présentation que fait le réseau Écologie au quotidien (tel/fax : 04 75 21 00 56, mail : ecocitoyensdie [arobase] hotmail.com, site : www.ecocitoyens.info) pour annoncer cette , rencontre qui aura lieu au Chastel, à Die, dans la Drôme :

« Osons ensemble... »

31 janvier 2008

Nous traversons une crise majeure qui est une véritable rupture historique. Il faut, explique Miguel Benasayag, « trouver les voies de dépassement de la tristesse dominante… on entend dire qu’il n’y a plus de révoltes contre l’utilitarisme dominant qui considère le monde, les hommes, la vie, comme des “utilisables”, c’est parce que les gens sentent qu’ils ont beaucoup à perdre ». Notre société traverse une véritable crise de culture. Oser ensemble, oser se rencontrer, oser travailler ensemble, oser lutter, oser rire, oser vivre, oser être ensemble.

Alors nous essayons de créer, ici et maintenant, une multitude de pratiques montrant, concrètement, à quelles conditions d’autres formes de sociétés et de vies sont possibles...

L’émancipation est donc avant tout existentielle et non pas simplement économique et politique. Notre travail s’inscrit dans l’effort, non de souffrance, mais de création, de joies partagées, de vie qui vainc la survie, la tristesse sociale et l’ennui individuel.

On dit souvent que dans les « Rencontres de l’Ecologie au Quotidien », le mot « Rencontres » est aussi important que le mot « Ecologie ». Les premiers pas de l’écologie sont la création de liens de solidarité concrets. Rompre l’isolement est le début d’un engagement pour la vie.

Sur notre pays Diois, le grand objectif de notre Charte de territoire est : « Ensemble, osons construire un pays d’avenir, équilibré et ouvert, pour y vivre mieux et plus nombreux ».

Les peurs diverses et variées paralysent l’innovation, les initiatives et souvent les édiles... Nous devons oser, comme le décline cette Charte, à la fois trame et accord, et décliner ces orientations dans les transversalités obligées par les Accords Internationaux de 1992 de Rio de Janeiro : protection de l’environnement, promotion d’une économie respectueuse de la planète, cohésion sociale, participation du public au processus décisionnel que l’on nomme “développement durable” dans les espaces de négociation et “écologie » dans la société civile.

« Le pessimisme de la connaissance n’empêche pas l’optimisme de la volonté » disait Antonio Gramsci.

Oser, c’est cet optimisme de la volonté, de la création...

« L’optimisme, c’est voir la vie à travers un rayon de soleil » chantait Carmen.

Un rayon en janvier.

Programme de ces rencontres

Jeudi 17 Sobriété Heureuse
Vendredi 18 Fêter le Vivant
Samedi 19 Pour un Eco-Territoire
Dimanche 20 Œuvrer Ensemble
Lundi 21 Ecologie sociale
Mardi 22 Reconsidérer la richesse
Mercredi 23 Voix de Femmes
Jeudi 24 Semences Citoyennes
Vendredi 25 Conter la Vie
Samedi 26 Terres Solidaires
Dimanche 27 Sciences en Conscience
Lundi 28 Se Rencontrer
Mardi 29 Beauté du Monde.

Marie-Louise Duboin y interviendra le 22, en compagnie de Celina Whitaker, coordinatrice du projet SOL, de Marilyne Mougel Coordination Rhône-Alpes de l’URSCOP et de Patrick Viveret, philosophe, conseiller référendaire à la Cour des comptes. Résonance Locale : Marie Leroy.

À partir de 17h30, sur le thème Donner du sens à nos échanges, seront présentés le projet Sol et le distributisme, ainsi annoncés :

L’idée du Sol : imaginer une monnaie ayant pour finalité de replacer l’économie au rang de moyen et non de fin en contribuant à un développement plus humain.

Le distributisme : une économie de répartition, distribuant équitablement les richesses produites, afin que chacun puisse vivre, s’épanouir, se rendre utile, se cultiver, se sentir responsable, prendre part aux décisions.

À partir de 20h30, sur le thème Pour une politique du bien-être, le Produit Intérieur Doux sera opposé au Produit Intérieur Brut (PIB), qui comptabilise sans aucune distinction toutes les activités génératrices de flux monétaires : des catastrophes, des accidents, écologiquement ou humainement destructeurs sont intégrés positivement dans le calcul du taux de croissance, ainsi les activités socialement utiles se trouvent dévalorisées par nos systèmes comptables …

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Page d’anthologie

En économie distributive, l’échange n’est plus le “donnant-donnant” entre deux individus. Le citoyen apporte bénévolement sa contribution personnelle à la société qui lui assure, pendant toute sa vie, les moyens de s’épanouir. La monnaie distributive, qui permet ce contrat entre individu et société, n’est donc pas une monnaie parallèle mais une monnaie alternative à la monnaie actuelle.

Le texte suivant, extrait de ÉGALITÉ ÉCONOMIQUE, rappelle pourquoi Jacques Duboin voyait dans cette mutation de l’échange une évolution de la société humaine :

L’échange

par J. DUBOIN
31 janvier 2008

C’est la nécessité d’utiliser leur intelligence à placer la nature dans les conditions voulues pour qu’elle leur fournisse le nécessaire, c’est cette impérieuse nécessité, qui obligea les hommes à se mettre au travail.

Et plus tard, cette même intelligence leur a permis de découvrir qu’en se divisant le travail, ils obtiendraient des résultats meilleurs, donc des produits plus nombreux. Mais, arrêtons-nous ici : voici les hommes en possession de produits plus nombreux, le problème va maintenant consister à répartir ces produits entre tous. Comment le résoudre sans avoir recours à l’échange ? N’est-ce pas, grâce à l’échange, que quelqu’un peut se procurer ce qui lui manque, en fournissant à un autre ce dont il a besoin ?

Ainsi l’échange va devenir le véhicule de la distribution des produits entre tous les hommes. Personne n’a pu s’en affranchir dès l’instant que, vivant en société, il y trouve installée la division du travail, par conséquent la nécessité de faire exclusivement une tâche qui, en lui permettant de produire à satiété un objet ou une partie de cet objet, le prive nécessairement de tous les autres. L’échange est donc une conséquence de la division du travail, conséquence elle-même de la disette.

Et nous voici en possession du fil d’Ariane, car, en étudiant le mécanisme humain de l’échange, nous allons découvrir les conséquences sociales qu’il devait entraîner…

L’échange repose sur le principe : qui ne donne rien, n’a rien. C’est dire que, pour se procurer quelque chose, il faut fournir, au préalable, quelqu’autre chose ; mais cela ne signifie rien de plus. Malheureusement, les économistes y ont vu bien davantage, et notamment la preuve que les deux choses en présence ont la même valeur, sous prétexte qu’on consent à les échanger. D’où leur fameuse et éternelle loi de l’offre et de la demande.

Concédons que les deux choses ont la même valeur d’échange, ce qui n’implique, ni qu’elles aient même valeur intrinsèque, ni même valeur au regard de chacun des échangistes. Un exemple va le faire comprendre : voici un homme tombé dans un précipice ; il réussit, en jouant des pieds et des mains, à gravir la paroi traîtresse ; mais, épuisé, le cœur lui manque pour accomplir l’ultime effort nécessaire. Un autre homme, en sécurité sur la terre ferme, n’a qu’à tendre la main pour le sauver. Un échange devient possible :

— Aide-moi, dit le désespéré.

— Donne-moi tout ce que tu possèdes, répond l’autre.

Nos économistes concluent que le marché est équitable parce que la loi de l’offre et de la demande a joué.

Or, un échange n’est équitable qu’autant que les deux parties sont sur un pied d’égalité économique absolue. Il ne faut pas que l’une, talonnée par d’impérieuses nécessités, soit obligée de conclure sans discussion, tandis que l’autre, placée dans des conditions excellentes, a la possibilité d’attendre que la première se rende à merci.

Ainsi, toutes proportions gardées, le riche occupe la terre ferme et le pauvre se débat dans le précipice ; car l’échange, c’est la loi du plus fort. Les hommes l’ont si bien compris qu’ils approprièrent le sol et les instruments de production afin de devenir les plus forts : après quoi les autres furent obligés de travailler pour eux, en échange d’un salaire tout juste suffisant pour leur permettre de vivre.

Ne dites pas que j’exagère ou que j’invente quoi que ce soit : l’échange a toujours été une injustice, car il consiste à recevoir plus qu’on ne donne et Aristote l’avait déjà signalé quand il a dit : celui qui commet l’injustice s’attribue plus qu’il ne doit avoir, et celui qui la souffre reçoit moins qu’il ne lui revient.

Cette injustice a toujours été si criante qu’on a vu certaines cités du moyen âge instituer l’arbitrage obligatoire des prud’hommes pour fixer un prix qui n’avantagerait ni l’acheteur ni le vendeur.

En conséquence, nous comprenons que les hommes aient remarqué que l’échange favorise celui qui a su accumuler des réserves qui manquent aux autres. On ne doit pas en conclure que l’homme riche, par définition, soit un être sans entrailles : il joue son jeu, dit-on vulgairement, comme tout le monde joue le sien en régime échangiste. La richesse est d’ailleurs chose très relative et vous allez voir qu’on est toujours assez riche pour opprimer un plus pauvre que soi.

L’échange fonctionne-t-il équitablement entre le travailleur et le patron ? Non, puisque l’ouvrier qui offre son travail et le patron qui, en échange, lui paie un salaire, ne sont pas économiquement sur un pied d’égalité. Il suffit de voir comment la discussion s’engage entre eux. Pas d’embauche, écrit le patron ou le directeur à la porte de l’usine, s’il n’est pas disposé à faire un échange. On embauche de telle heure à telle heure, écrit-il, si, au contraire, il y est disposé. À la suite de quoi, il fait connaître le prix de l’heure et les conditions du travail, en se réservant de dénoncer ce pseudo-contrat à la minute où son intérêt bien compris l’exigera. N’est-ce pas à prendre ou à laisser ? Dans la négociation, le rôle de l’ouvrier ou de l’ouvrière s’est borné à dire oui ou non. Hésiteraient-ils qu’on répondrait : si vous n’en voulez pas, un autre sera bien heureux d’accepter.—Et si le travailleur faisait valoir ses charges de famille, le dénuement de son foyer, la maladie d’un des siens, on lui répliquerait tout naturellement : Quoi ! vous êtes dans la misère et vous hésiteriez à prendre ce qu’on vous offre ?

Ce dernier mot peint l’injustice de l’échange dans une société évoluée, lorsqu’il existe, dans le monde, des milliers et des milliers de travailleurs constamment à la recherche du patron qui acceptera de les exploiter…

Pourquoi cette injustice nous surprendrait-elle du moment que l’échange fait appel au sentiment égoïste de l’homme ? N’auriez-vous jamais remarqué que, dans un échange, plus on est pauvre, et plus on s’aperçoit que ce qu’on peut offrir a moins de valeur d’échange ? Prenez le cas du chômeur dont la situation est peut-être la plus douloureuse, parce que la plus misérable. Qui ne donne rien, n’a rien étant la loi de l’échange, comment celui qui n’a rien peut-il échanger quelque chose avec celui qui a quelque chose ? Lorsque tout ce qui existe a été approprié, il n’est resté à l’homme que son travail. Mais si personne ne veut acheter ce travail ? Et pourquoi l’achèterait-on du moment qu’on n’en a pas besoin ? Ainsi ce régime condamne à se croiser les bras celui qui, précisément, a besoin de tout, parce qu’il n’a rien. Prétendre que c’est en vertu d’une loi naturelle, c’est oublier qu’il n’y a jamais de contradiction dans la nature, alors que la situation du chômeur, dans nos sociétés modernes, est la contradiction la plus monstrueuse qui puisse se concevoir. Réfléchissez à l’existence du chômeur et des siens. Cet homme, sa femme, ses enfants ont constamment sous les yeux le spectacle de tout ce qui leur manque ; on l’étale de la façon la plus tentante à la vitrine des magasins. Mais, en fait, rien n’est à l’échelle de leurs moyens, et c’est par un refus indéfiniment répété que le père est obligé de répondre aux demandes les plus raisonnables de ses enfants. Cependant, ces objets si nécessaires existent, ils se gâtent, quelquefois même ils sont volontairement détruits. Qu’importe ! S’ils sont, en fait, à portée de la main du chômeur, la loi de l’échange les transporte fictivement sur une autre planète. Certes, le chômeur reçoit quelquefois une allocation, sorte de prime qu’on lui donne pour qu’il accepte de rester malheureux. Elle va illustrer ce que je vous disais tout à l’heure, à savoir que l’échange défavorise toujours le plus pauvre.

Jacques Duboin,
Égalité économique, 1939,
(extrait de la 9ème édition, chez Grasset)

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Dans la lettre ci-dessous, dont il nous envoie copie pour publication, Yves Gourbeault invite Jean-François Kahn, le directeur de l’hebdomadaire Marianne à plus de bon sens que lors d’une récente émission de télévision :

Lettre ouverte à Jean-François KAHN

par Y. GOURBEAULT
31 janvier 2008

Cher Monsieur,

Pour l’émission “C. dans l’air” du 21 novembre, Yves Calvi avait réuni un juriste, M. Ray, un économiste, M. Touati et vous-même, J.-F. Kahn, qu’on ne présente plus.

J’ai été consterné par la qualité médiocre de ce débat. Je vous ai tous entendu exprimer des opinions qui me paraissent aberrantes, tout particulièrement de la part de l’économiste. Pour essayer d’y voir un peu plus clair, je pense qu’il faut faire preuve d’un minimum de bon sens.

1 - « Travailler plus, pour gagner plus ».

Ce slogan Sarkozyste qui a, bien entendu, été repris au cours du débat, bat tous les records de l’ineptie :

- Première observation : est-ce que l’objectif de tout un chacun doit être de gagner plus ? N’est-ce pas plutôt de vivre mieux et de rechercher avant tout une meilleure qualité de vie ? Et pourtant, c’est dès l’école que s’installe dans l’esprit des jeunes le goût de la compétition et le désir d’avoir plus, et toujours plus, fût-ce au détriment des autres. Au contraire, l’école devrait avoir pour ambition de développer, dès le plus jeune âge, le souci du bien public et de la solidarité, en un mot, de développer le sens civique des enfants.

- Deuxième observation : Travailler plus ? Il faudrait s’interroger sur le sens du mot travail. Ce terme implique l’action de faire, c’est-à-dire de créer un bien matériel ou de rendre un service, et de se donner de la peine pour le faire. Or, de tout temps, l’homme a cherché à créer de plus en plus d’outils de plus en plus perfectionnés et performants, pour faire de plus en plus de choses avec de moins en moins d’efforts. Depuis le début de l’ère industrielle jusqu’à nos jours, les progrès techniques se sont développés à un rythme de plus en plus effréné ; on peut en déduire, vollens nollens, que la valeur du travail n’a plus le même sens qu’autrefois, le travail de l’homme est de moins en moins nécessaire, au moins pour la production de biens matériels puisque la technique a pris le relais. La production de services, plus élastique, a également ses limites.

En France, et c’est vrai dans tous les pays développés, que signifie “travailler plus” quand nous déplorons d’avoir 5 millions de chômeurs ou d’exclus, et que les entreprises se séparent de leurs salariés avant qu’ils n’atteignent l’âge de la retraite ? De qui se moque-t-on ?

Parlons maintenant de l’activité ; le Larousse en donne deux définitions : « vivacité et énergie dans l’action » et « occupation de la personne ». C’est avec cette dernière acception que l’activité, nécessaire à la santé et à l’équilibre de l’homme, peut et doit constituer un substitut au travail (sous forme de culture, de sport et autres occupations) dès lors que les besoins élémentaires sont satisfaits. Chacun peut donner une extension plus ou moins large à ses besoins élémentaires, mais de toute façon, ils doivent rester élémentaires (nourriture, santé, logement).

« Toujours plus » n’est pas la formule du bonheur.

2 - Les 40 ans de cotisations

Compte tenu de l’augmentation de la durée de la vie, je ne vois personnellement aucun inconvénient à ce que la durée légale du travail pour le droit à la retraite, soit porté à 40 ans et même au-delà, à condition que la durée hebdomadaire du travail soit réduite en conséquence, car je préfère au slogan Sarkozyste, la formule de Guy Aznar « Travailler moins pour travailler tous ». Dans son principe, la loi des 35 heures était une bonne loi. Malheureusement elle a été appliquée d’une façon désastreuse, sans concertation et sans explication, trop vite, sans nuances, sans contrepartie pour son financement, bref tous les ingrédients étaient réunis pour la faire capoter.

3 - La croissance

Je vois rouge quand j’entends évoquer, à tout bout de champ, la croissance comme remède miracle à tous nos maux, sans jamais en définir ni la nature, ni l’objet. On associe souvent à la croissance, la création de richesses. Quelle croissance ? Quelles richesses ? Attention à ne pas détruire la planète : les richesses ne sont-elles pas, en dernier ressort, les richesses de la nature ? Les autres n’étant, le plus souvent, que de fausses richesses, dans la plupart des cas la croissance doit être assimilée à un gaspillage démesuré d’énergie et de matières premières.

4 - Il faut réduire les impôts et les dépenses.

Superbe formule démagogique, qui ne veut rien dire tant qu’on ne définit pas le pourquoi des impôts et le pourquoi des dépenses.

• Les impôts. Normalement, ils sont là pour permettre à l’État, supposé impartial et arbitre, de faire régner la solidarité entre tous les citoyens, autrement dit de faire participer les plus riches aux dépenses nécessaires pour assurer aux moins favorisés les moyens de satisfaire leurs besoins élémentaires. Reste à élaborer une fiscalité aussi équitable que possible… !

• Les dépenses. Normalement elles doivent être engagées pour le bénéfice de la Collectivité au travers des services publics : accès à l’eau potable et à l’énergie, santé, formation, transport, courier, communications, protection (armée, police, pompiers), justice, sécurité sociale, administration fiscale, etc.

Et pourquoi pas les retraites ? Sur ce sujet brûlant, pourquoi s’obstiner à asseoir des prestations uniquement sur le monde du travail, salariés et employeurs ? Le financement des retraites devrait être assumé par la communauté toute entière car il s’agit d’une charge nationale qui nous concerne tous, puisque nous sommes tous condamnés à vieillir.

Le problème n’est pas de réduire bêtement les impôts et les dépenses, mais d’assurer l’équilibre entre les uns et les autres. Pour la recherche d’une meilleure qualité de la vie pour tous, il faudrait peut-être, au contraire, les augmenter !

Ce sont là quelques réflexions que m’a inspirées ce débat de “C. dans l’air”, mais il y aurait encore beaucoup à dire !!

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Pouvoir d’achat et marges commerciales

par H. MULLER
31 janvier 2008

Focalisée sur la seule revendication salariale, l’action syndicale concernant l’accroissement du pouvoir d’achat semble en négliger l’autre facteur : celui des prix, des marges commerciales parfois délirantes, pratiquées à la seule initiative des distributeurs, des détaillants, des prestataires de services, souvent insensibles à une concurrence sans effets durables sur les prix qu’ils imposent à la clientèle.

Des “charges” nécessairement incluses dans les prix, il faut retenir plus particulièrement les budgets publicitaires, leur démesure. Or augmenter les salaires c’est, à coup sûr, augmenter les coûts et les prix, réduire la compétitivité des entreprises de production et, souvent le pouvoir d’achat des consommateurs à revenus fixes.

Réduire les prix au niveau de la distribution offre un tout autre intérêt, tant pour la majorité des consommateurs que pour les entreprises, celles ci conservant la maîtrise de leurs propres marges tout en bénéficiant d’une relance de la consommation.

Quelques uns des moyens propres à diminuer les prix ?

• légiférer pour fixer des limites aux marges commerciales à l’instar du taux d’usure, de l’indexation des loyers, du prix du gaz, des plafonds aux budgets électoraux, etc ;

• faire pression sur les firmes conseillant des barêmes de prix à leurs concessionnaires, à leurs franchisés.

• faire pression auprès des chambres syndicales de commerçants ;

• axer la revendication sur le niveau des marges commerciales, sur une nécessaire diminution des budgets publicitaires, des gaspillages qui leur font cortège ;

• grèves d’achats ciblées, boycott ;

• manifestations à l’image de celles des agriculteurs, avec pour objectifs : la baisse des tarifs du gaz, de l’eau, des assurances, de l’essence (taxes), des intérêts de la dette publique (annulation partielle de la dette bancaire).

• enfin, changer la règle du jeu : dissocier les revenus des prix ;

• revenus distribués en monnaie de consommation en contre-partie d’un service social (contribution à l’approvisionnement des besoins de la société).

• revenus dissociés de l’emploi (de sa durée, de sa permanence).

• prix dissociés des coûts (recherche du “bon prix”, propre à écouler les approvisionnements au rythme des flux de production).

Sans un projet monétairement innovant, il est vain d’espérer remettre d’aplomb une société pareillement dévoyée par d’absurdes d’usages monétaires où la rentabilité entre en conflit quasi-permanent avec l’utilité, la sécurité, la qualité, l’abondance et la moralité.

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