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Quatre chiffres après la virgule ! C’est maintenant
au dix-millième près qu’on nous serine, à chaque
bulletin d’information, le cours du dollar. Et puis le cours du yen,
le cours de l’once d’or, le cours du lingot, le cours du napoléon,
etc. Si les média, et la pub qui les paie, veulent nous asservir
au culte de l’argent, il y a cependant un ras-lebol qui semble enfin
se manifester, ci et là. Peut-être que les infirmières
au SMIC commencent à se poser des questions, à force d’entendre,
chaque jour, que les actions montent en Bourse... Elles vont peut-être
s’étonner en entendant aujourd’hui qu’une offre d’achat de 135
milliards de Francs vient d’être rendue publique en Angleterre.
Surtout si elles savent que les plus gros achats se font à l’aide
d’argent emprunté (*), et si elles découvrent que le fait
de privilégier le dollar comme monnaie pour les échanges
internationaux permet aux Etats-Unis de vivre aux dépens du reste
du monde : leur dette extérieure dépassait 2.600 milliards
de dollars à la fin de 1988, plus de la moitié de leur
PNB, l’endettement des ménages est encore plus élevé
: 3.000 milliards de dol
lars, celui des sociétés y atteint 4.000 milliards de
dollars. Ces chiffres faramineux vont bien finir par inciter les citoyens
de 1989 à se demander d’où vient ce fric ? Comment est-il
crée ? Pour le profit de qui ?
Si la grande majorité d’entre eux n’a pas encore
pris conscience que les "lois" du marché et les habitudes
financières dites libérales ont édifié un
volcan sur lequel le monde aura bien du mal à survivre, il se
trouve, ô miracle, que ces abus sont enfin dénoncés
par quelques (rares) économistes ou responsables. Peut-être
parce que le Président de la République Française
lui-même a pris des initiatives dans ce sens ?
De sorte que, dans ce numéro que nous avons voulu orienter sur
les questions monétaires, nous n’avons pas eu besoin de répéter
les critiques du système du marché que nous faisons, au
fil de ces colonnes, depuis des décennies : il nous suffit maintenant
de citer - excusez du peu - un Prix Nobel d’économie ou le Gouverneur
de la Banque de France ! C’est ce que fait ci-dessous J-P Mon. Un autre
témoignage d’expert nous est apporté par D. Bloud, analysant
un livre récemment publié par un spécialiste de
la banque.
La dénonciation des vices du système monétaire actuel n’est qu’un premier pas. Il faut en plus, d’une part, proposer un autre système et, d’autre part, envisager les modalités de passage.
Toujours en avance, les distributistes ont depuis longtemps
des propositions cohérentes : sur le plan local, la monnaie distributive
monnaie de consommation, donc non thésaurisable, et gagée
sur la production et les services disponibles, c’est à dire sur
la réalité ; pour les échanges extérieurs,
des contrats de troc, exclusivement telle fourniture contre telle autre,
à telle date, sous l’arbitrage d’un organisme supranational.
Spéculation, création monétaire "ex-nihilo",
commerce de promesses et autre inventions aussi pernicieuses devant
être impossibles et considérées pour ce qu’elles
sont des insanités conférant des pouvoirs injustifiés,
sans lien avec la réalité économique, et qui ont
mené le monde à l’absurde.
La recherche, pour nous, porte sur la transition, car une décision
de cette ampleur ne sera pas prise de si tôt à l’échelle
mondiale, pas plus au sommet des 7 plus riches qu’à celui des
7 plus pauvres, le TOES.
Nous avons déjà présenté plusieurs propositions contribuant à cette recherche. Elles se placent généralement dans le cadre de réformes progressives, avec l’existence provisoire de deux systèmes parallèles, le capitalisme libéral et une amorce de système distributif. Citons les plus récentes que nous avons publiées : le "Plan Hunebelle", les travaux du GRAHP animé par R. Hairy, et la monnaie verte de G. Denizeau. Il faudrait à ces propositions l’appui d’une expérience concrète, récente, et à une échelle suffisamment grande pour être concluante. Une telle expérience est en projet, nous en reparlerons si elle se réalise.
Nous présentons aujourd’hui une proposition qui se rapproche plutôt de celle de la "monnaie-calorie" de G.Ostenbrock. Elle nous vient du Pays de Galles, et, ayant dù la traduire très vite, nous espérons ne pas l’avoir trahie. Il s’agit d’une réforme non pas du système financier en général, mais de tous les impôts, à transformer en une taxe unique, basée sur l’énergie qui est incluse dans ce qui fait l’objet de toute transaction. L’auteur de cette proposition, Farel Bradbury, aimerait la faire accepter au niveau européen et nous a demandé si les distributistes étaient prêts à la défendre. A eux de répondre.
(*) par exemple, l’achat de Nabisco par Kohlberg et Cie, pour 25 milliards de dollars, a coûté (et donc rapporté aux banques prêteuses) 700 millions de dollars d’intérêts.
Alerte ! après des années de soi-disant surproduction alimentaire, voici la soi-disant pénurie. Les bataillons serrés des spécialistes de la prévision montent à l’assaut de l’opinion pour la convaincre que la famine nous guette, avec, en renfort, la caution invoquée de la "communauté scientifique".
La malédiction
Les mythes millénaires resurgissent à propos aux approches de l’an 2000. Aux années de vaches grasses, ne peuvent que succéder des années de vaches maigres. Dans le tréfonds de l’esprit des êtres humains ordinaires, il faut bien qu’il en soit ainsi puisque cela a toujours été.
"Ce qui fut, cela sera ; ce qui s’est fait se refera et il n’y a rien de nouveau sous le soleil". (L’Ecclésiaste 1,9).
L’Histoire étant un éternel recommencement, il ne peut y avoir de paix sur terre, de même qu’il ne peut y avoir de mutation dans la production et les échanges. Donc, il faut continuer à préparer les guerres futures, même au temps où l’arme nucléaire est capable de faire disparaitre toute vie sur terre. Alors, lorsque le progrès scientifique et technique apporte l’abondance potentielle qui menace le profit et le système économique actuel, il faut bien que la pénurie revienne puisqu’il en a toujours été ainsi. Le régime capitaliste, s’il n’a pas été éternel dans le passé... l’est devenu et c’est bien ainsi.
Tel est le raisonnement inconscient du citoyen moyen et de l’économiste à la mode, jusqu’au plus distingué...
La conjoncture
La mousson tardive aux Indes, les inondations au Bengladesh, l’invasion des criquets en Afrique, la désorganisation de l’agriculture en URSS et la sécheresse en Chine, aux Etats-Unis et au Canada se sont conjugués, c’est vrai, pour donner de mauvaises récoltes depuis l’an dernier. Les stocks de céréales ont donc chuté de 110 millions de tonnes et la production de l’année 1988 de 57 Mt. Lester Brown du Worldwatch Institute relève que la production mondiale de céréales avait augmenté, entre 1950 et 1984, de 624 Mt à 1645 Mt. Soit un accroissement de la production par habitant de 40%, qui s’est transformé en diminution de 14% depuis 1984. Il faut ajouter que la population du globe s’accroit en même temps au rythme annuel de 86 millions de personnes ce qui pose problème, mais la démographie est une autre question, trop vaste pour être abordée ici.
Cette situation inquiète évidemment les agronomes et les statisticiens. Une commission mondiale sur l’environnement et le développement a été chargée de l’étudier par l’Assemblée générale des Nations Unies depuis 1983. Présidée par Mme Gro Harlem Brundeland, Premier Ministre travailliste de Norvège et M. Mansour Khalid, du Soudan, elle a publié son rapport en avril 1987 (1). Les éléments principaux dont nous faisons état dans cette chronique ont été repris notamment par "Le Monde" dans un article d’Eric Fottorino (2) et par René Dumont, dans une étude du "Monde diplomatique" (3). L’ancien candidat écologiste à la Présidence de la République a donné une série de conférences en France (4) et a écrit un livre (5) dans lequel il commente ses idées sur ce sujet.
La FAO (6) et le Groupe de Vézelay (7) ont également repris ces informations. Ce dernier groupe a lancé un appel "Pour des Etats-Généraux de la planète" qui seraient chargés de rechercher les solutions "les plus efficaces pour sauver les équilibres vitaux" du globe et "... les formes de développement susceptibles d’assurer à tous les hommes et aux générations à venir les conditions d’une existence digne et harmonieuse et l’établissement de relations équitables entre les pays les plus industrialisés et les autres...".
Les conjectures
Les principaux accusés de ces méfaits sont les fameux CFC (Chloro-fluoro-carbones) qui seraient à l’origine de la destruction partielle de la couche d’ozone au-dessus des pôles, principalement. Or, cette couche nous protège des rayons ultra-violets solaires qui seraient, sans cela, capables de détruire toute vie sur terre. D’un article très documenté de Patrick Aimedieu (8) sur la chimie des grands froids, il résulte que ces produits chlorés ne seraient pas les seuls en cause ; les éruptions volcaniques le seraient également. D’autre part, le refroidissement de la stratosphère resterait sans interprétation claire. Cette question n’est pas sans intérêt si l’on sait que la stabilité des CFC les rendra dangereux pour encore plusieurs décennies, malgré les accords intergouvernementaux partiels intervenus récemment (9).
L’augmentation de la teneur en dioxyde de carbone (C02) ainsi que le méthane (CH4) de l’atmosphère serait également à l’origine de "l’effet de serre" qui, piégeant les rayons solaires, provoquerait un réchauffement global du climat. Ce phénomène serait dû au déboisement de plus en plus généralisé, y compris par les pluies acides, et à l’utilisation intensive des combustibles fossiles (charbon, lignite, dérivés du pétrole). Remarquons à ce propos que les centrales nucléaires civiles sont moins polluantes pour l’environnement puisqu’elles économisent cette dernière forme de production énergétique. Sur les six années les plus chaudes (en moyenne mondiale), quatre se situent entre 1980 et 1987. C’est cette raison qui expliquerait la sécheresse dans certaines régions de la terre et la diminution du débit des grands fleuves. Quant à l’élévation moyenne de la température, elle pourrait provoquer la fonte partielle des calottes glaciaires polaires et menacer les régions de terres basses,comme par exemple, la Hollande...
Les essais thermonucléaires qui mettent en jeu des températures et des pressions autrement inconnues sur terre, sont tabous et leurs effets sur le climat sont inconnus.
Malgré les incertitudes et le doute scientifique que nous avons soulignés, les mesures supranationales prises ou envisagées sont évidemment fondées. La défiance ne doit pas, dans ce cas, engendrer l’indécision et la prévention s’impose.
Le bilan
Sous l’avalanche des statistiques pessimistes, il convient néanmoins de réagir. Même si l’espoir est faible, l’instinct de survie de l’espèce nous pousse à tenir compte de chiffres plus prometteurs. Si nous devons survivre, il faudra bien en rechercher les moyens.
Et d’abord, les stocks mondiaux, même décroissants, n’ont pas disparu. D’après la FAO, il faudrait que la production céréalière augmente de 220 Mt en 1989, soit de 12%, pour que les réserves soient reconstituées. Lorsque l’on considère les fortes variations, en baisse, de 1988 par rapport à 1987, il n’est pas exclu que cela se produise. Si ce n’est pas le cas en 1989, ce peut très bien l’être les années suivantes. La conjoncture se retournerait une fois de plus. C’est si possible, d’après d’autres experts, que les représentants des Etats-Unis, du Canada et de la CEE se bataillaient encore en début d’année sur les mesures à prendre afin de faire diminuer les aides que les gouvernements accordent à leurs agriculteurs pour le soutien des prix. Pour en donner une idée, il s’agissait de 27 et 23 milliards de dollars respectivement aux EtatsUnis et dans la CEE en 1987 (9).
D’autre part, personne ne s’est opposé au plan de mise en jachère européen (11). Ajoutons que les plafonds fixés aux productions de céréales et d’oléagineux restent toujours en vigueur, ce qui fait dire au commentateur du bilan cité ci-dessus que l’occasion d’assainir le marché céréalier a été ratée et qu’elle "ne se représentera pas de si tôt"’.
Comme nous le voyons, selon les spécialistes auxquels l’on se réfère, les vues changent radicalement pénurie pour les uns, abondance pour les autres. Nous avons l’habitude : depuis les fausses alarmes du rapport du Club de Rome sur les "limites de la croissance" (12) jusqu’au "planté" magistral de tous les économistes ( !!) sans exception qui avaient prévu de très mauvaises années 1988 et 1989 à la suite du krach financier du 19 octobre 1987, alors qu’elles ont été excellentes. Tous (les mêmes) le reconnaissent maintenant (13).
La spéculation
Contrairement à la réponse peu aimable que René Dumont a faite à notre courte intervention au cours de l’une de ses réunions (4), nous savons bien compter. Et pourtant, nous ne faisions qu’introduire quelques nuances dans son raisonnement. Le célèbre écologiste s’est éloigné de l’économie distributive, c’est entièrement son droit. Il commence à se différencier du mondialisme alors qu’il s’en déclarait encore récemment très chaud partisan dans l’étude citée ci-dessus (3). Nous connaissons aussi fort bien les risques d’un mondialisme autoritaire (14). Même s’il abandonnait aussi les thèses mondialistes, nous ne saurions pas et ne songerions pas à l’en empêcher. Mais René Dumont estime manifestement que son soutien au tiers-monde est antinomique de nos thèses. Or il n’en est rien.
Il sait fort bien, car l’agronomie n’a pas de secrets pour lui, que les progrès scientifiques en cette matière ont été foudroyants depuis les années 70 ; révolution verte (blé et maïs hybrides), mécanisation agricole, amélioration des engrais et des semences, etc... et qu’ils sont très prometteurs pour l’avenir : biologie et génétique agricoles, cultures sans sol, etc... Faisons confiance aux scientifiques pour nous sortir, une fois de plus, de nos difficultés à condition que nous leur en donnions les moyens. Méfions-nous plutôt des philosophes et des moralistes qui ont montré leur incapacité à intégrer les connaissances techniques dans leur raisonnement. Rassurons les tiers mondistes et les écologistes. Nous, distributistes, n’avons aucunement l’intention de surexploiter la planète et d’ignorer son équilibre écologiste.
Le capitalisme est instable par nature. Il se complait dans les extrêmes et les spéculateurs ne gagnent jamais plus qu’avec les hausses ou les baisses qui résultent d’engouements plus ou moins sciemment organisés. C’est aussi un régime à courte vue : le long terme et la sérénité lui sont étrangers. La pénurie, ou même sa seule perspective, rétablit le profit dont il ne peut se passer. Les controverses dont nous avons parlé sont, il faut le savoir, au centre de luttes d’intérêts énormes. Les propagandes les plus insidieuses et les plus puissantes n’en sont point exclues.
Quant à nous, face aux modes éphémères de la pensée philosophique ou économique, nous garderons, la lucidité et nous agirons par tous les moyens en notre pouvoir pour que la foule des êtres de bonne volonté nous rejoigne enfin. Nous savons où sont nos adversaires et où sont nos amis.
(1) "Our common future" Oxford University
Press 1987 traduit en français sous le titre "Notre avenir
à tous" Editions du Fleuve et les Publications du Québec,
Montréal 1988
(2) Voir "Le Monde" du 4 avril 1989
(3) Voir "Le Monde diplomatique" d’octobre 1988 et aussi l’article
d’André Prime dans la GR n° 879
(4) Nous avons assisté à l’une de ces réunions
le 25 avril 1989 à Toulouse, à l’Université des
Sciences Sociales, devant plus de 500 étudiants (5) "Un
monde intolérable, le libéralisme en question", avec
la collaboration de Charlotte Paquet. Editions du Seuil, Octobre 1988.
(6) Organisation des Etats-Unis pour l’agriculture et l’alimentation
(7) Sous l’impulsion de Mme et M. Beaud et de Pierre Calame. Adresse
: rue Bonnette 89450 Vézelay (8) dans la revue mensuelle Clartés,
Avril 1989
(9) Protocole de Montréal du 16 septembre 1987, accord de Bruxelles
du 2 mars 1989 et appel de la Haye du 11 mars 1989 - Voir la GR n°
878
(10) Bilan économique "Le Monde" du 27 décembre
1988
(11) Ne rappelons qu’un chiffre : 15 millions d’hectares dans la CEE
d’ici l’an 2000, soit une production gelée possible de 50 Mt
de blé au moins.
(12) "Halte à la croissance ?’ Editions Fayard 1973
(13) Cela ne les empêche pas de continuer à officier et
de se moquer de nous, pauvres farfelus...
(14) Voir notamment "L’économie à l’institut d’Etudes
Mondialistes" GR n° 871
Le jeudi 6 avril dernier, la Télévision Suisse Romande a donné dans son émission "Temps présent" un reportage intitulé "France : six millions d’analphabètes", et ce à partir de 20 heures, c’est-à-dire à un moment de grande écoute.
A l’Est de l’hexagone, dans la zone limitrophe où
la télévison helvétique peut être captée,
l’indignation fut à son comble parmi les politiciens des cafés
du commerce. De quels droits ces rustauds suisses se sont-ils permis
de nous montrer ainsi du doigt et de gausser de nous ? Qu’ils se mêlent
de leurs propres affaires et soient heureux de servir de têtes
de turcs à nos amuseurs de bas étage, lorsqu’ils n’ont
plus d’histoires belges à raconter. C’était l’indignation
quasi générale parmi nos pseudo-intellectuels.
Du côté officiel, chez nos attachés et observateurs
de la presse et de l’audio-visuel, l’indifférence quasi générale
a certes contrebalancé ces sautes d’humeur et de mauvais voisinage.
Mais si l’on va au fond des choses, on constate que cet événement
a de quoi faire réfléchir, notamment lorsque l’on apprend
que :
a) l’émission suisse en question était la reprise d’un
reportage effectué en collaboration par "Canal +" et
"Flash TV" ;
b) l’enregistrement avait déjà été diffusé
en France, à savoir par "Canal +", le 17 février
dernier, à 21 h. 55 ;
c) des pourparlers seraient en cours en vue du rachat de l’émission
par l’une des grandes chaines nationales françaises.
Ceux qui ont vu cette émission sont tous d’accord
pour affirmer qu’elle est de très bonne qualité et fait
honneur à ses réalisateurs. Elle montre notamment combien
ces six millions de nos concitoyens souffrent de leur marginalisation,
de ce handicap que constitue le fait de ne pas savoir lire, de leur
dépendance par rapport à leur entourage et de la fragilité
de leur situation.
Mais cette privation totale de l’instrument le plus élémentaire
de la communication, de l’accession à la culture et au développement
de l’intelligence, n’est que la partie émergente d’un iceberg
que certains responsables ne ’voient même déjà plus,
plongés qu’ils sont dans les brumes de leur propre autosuffisance.
Le grand danger pour notre avenir culturel et intellectuel provient de l’érosion et de la désertification progressives qui se manifestent déjà dans les couches montantes de la population active, où il n’est pas rare de rencontrer des diplômés qui prétendent accéder à des positions de cadres supérieurs alors qu’ils ignorent les règles élémentaires de l’orthographe et de la syntaxe et sont incapables de rédiger un compterendu cohérent. Les spécialistes en recrutement et sélection de cadres en savent quelque chose.
Quant à la communication orale, il suffit d’écouter certains speakers de la radio et de la télévision pour comprendre combien il est nécessaire de les éduquer. Dans ce domaine notamment, la situation est d’autant plus scandaleuse que des diplômés des cours de diction et phonétique restent, eux, sans emploi.
Tout ceci nous amène à affirmer qu’il
est indispensable que les responsables à tous les niveaux doivent
faire en sorte que l’émission "Six millions d’analphabètes"
passe sur l’une de nos principales chaines de télévision
à une heure de grande écoute après avoir été
annoncée à grand renfort de publicité.
Par ailleurs, il faut prévoir concrètement pour la rentrée
de septembre prochain une campagne de sensibilisation dans les écoles
et d’information sur les dangers de l’illettrisme, non seulement dans
ses formes absolues et totales, mais aussi sous ses aspects sournois
et rampants de la pseudo-instruction et de la semi-culture.
C’est vraiment la Révolution ! Voilà que le gratin de l’économie se met à réclamer une profonde réforme du système monétaire : le prix Nobel 1988 d’économie, Maurice Allais, le gouverneur de la Banque de France, M de Larosière, l’ancien Directeur Général de l’Institut des Finances Internationales, ...Mais où allons nous ?
L’échec de la science économique
Et tout d’abord un constat qui fait la quasi unanimité :
la science économique patine dans la choucroute. C’est ce que
nous dit un économiste de base, Michel Beaud, dans son livre
"L’économie mondiale dans les années 80" (1)
: "La plupart des auteurs continuent à penser en termes
d’économies nationales, territoriales, bien bordées en
leurs frontières, avec un intérieur et un extérieur
bien définis... mais c’est la réalité des économies
nationales, mondiales, interpénétrées et comme
emmêlées, qui se renforce chaque jour. Ainsi nos structures
de pensées, et plus encore, la présentation des informations
statistiques nous empêchent de voir, d’analyser toute une dimension
majeure de la réalité."
Maurice Allais, l’un des rares experts à avoir prévu le
krach d’Octobre 1987, va plus loin (2) : Pour lui, l’économie
mondiale reste potentiellement instable et son évolution à
court terme est largement imprévisible. Pour supprimer cette
instabilité, il convient de réformer profondément
les institutions monétaires et financières. C’est qu’en
effet "l’activité économique a pour objet de satisfaire
les besoins pratiquement Illimités des hommes avec des ressources
limitées dont ils disposent, en travail, en richesses naturelles
et en équipements antérieurement produits, compte tenu
des connaissances techniques limitées qui sont les leurs"...
"La science économique a pour tâche essentielle de
définir correctement les principes généraux du
cadre institutionnel dans lequel doit se dérouler l’activité
économique, si elle veut atteindre son objectif. L’expérience
montre que, tant au plan national que mondial, cette tâche n’a
pû être réalisée, notamment sur le plan monétaire
et financier.
Le problème majeur des économies de marché occidentales
est en effet celui, tout à fait irrésolu aujourd’hui,
des fluctuation conjoncturelles et des variations de la valeur réelle
de la monnaie qui compromettent à la fois l’efficacité
de l’économie, l’équité de la répartition
des revenus, la sécurité de l’emploi et des ressources
et finalement la paix sociale. L’instabilité économique,
la sous-production, l’iniquité, le sousemploi, la détresse
et la misère qui les accompagnent, sont les fléaux majeurs
des économies de marché... Toutes les difficultés
rencontrées résultent de la méconnaissance d’un
fait fondamental, c’est qu’aucun système décentralisé
d’économie de marché ne peut fonctionner correctement
si la création incontrôlée ex-nihilo de nouveaux
moyens de paiement permet d’échapper, au moins pour un temps,
aux ajustements nécessaires. Il en est ainsi toutes les fois
que l’on peut s’acquitter de ses dépenses ou de ses dettes avec
de simples promesses de payer, sans aucune contrepartie réelle,
directe ou indirecte, effective... Qu’il s’agisse des taux de change
ou des cours des actions, on constate le plus souvent une dissociation
entre les données de l’économie réelle et les cours
nominaux déterminés par la spéculation. Partout
cette spéculation, frénétique et fébrile,
est permise, alimentée et amplifiée par le crédit
tel qu’il fonctionne actuellement. Jamais dans le passé elle
n’avait atteint une telle ampleur."
M. Allais dénonce en outre la monétisation accélérée
des dettes, c’est à dire l’utilisation des dettes comme instrument
de liquidité, la confusion croissante entre épargne et
monnaie et, surtout, l’utilisation mondiale, comme unité de valeur,
du dollar dont la valeur réelle sur le plan international est
extraordinairement instable et imprévisible. C’est qu’en effet
"personne ne parait réellement s’inquiéter du fait
que l’utilisation internationale du dollar donne aux Etats-Unis le bénéfice
de la création de monnaie sur le plan international, véritable
tribut payé aux plus riches par les plus pauvres." C’est
si vrai que le niveau de vie moyen américain est maintenu par
des prêts de l’extérieur à une valeur de 3% plus
élevée que celle qu’il aurait dans une situation d’équilibre.
En fait, les Etats-Unis restent le premier débiteur du monde
(3) : les statistiques publiées par le gouvernement américain
le 29 Juin révèlent une dette extérieure nette,
à la fin de 1988, de 532,5 milliards de dollars, soit une hausse
de 41% par rapport à 1987.
Propos de Colloque
Ce n’est pourtant pas de cette dette là qu’ont
parlé les participants au Colloque sur l’endettement international
qui vient de se tenir fin Juin et dont le thème, "Développement
et Démocratie au péril de la Dette" était
déjà en lui-même assez audacieux, pour ne pas dire
affreusement gauchiste, pour l’establishment économique et financier.
A coté de déclarations, somme toute classiques et attendues,
compte tenu de la personnalité de leurs auteurs "Le Brésil
a remboursé avec la faim des pauvres" (Celso Furtàdo,
économiste, ancien ministre) ; "Le remboursement de la dette
se fait au détriment de l’emploi, de la santé, de l’éducation"
(Gustave Marin, économiste chilien), on a pu de manière
plus surprenante et dont il faut se réjouir, entendre le Gouverneur
de la Banque de France affirmer que : "la crise de la dette constitue
un défi pour la démocratie. ’M. André de Lattès
a annoncé pour sa part que "la dette des plus pauvres sera
annulée d’une façon ou d’une autre".
Des tabous sont donc tombés et il est maintenant
évident que le remboursement intégral de la dette est
un concept enterré. Tant mieux ! Et nous devons nous réjouir
que la France sous l’impulsion de son Président, aît depuis
longtemps travaillé à cet enterrement. Du coup, les Américains
commencent à suivre notre exemple.
Toujours à ce même colloque, on a entendu une journaliste,
Susan George, dénoncer les banques qui ont reçu le beurre
et l’argent du beurre, c’est à dire les remboursements et les
capitaux enfuis des pays endettés.
Enfin Lionel Stoléru, Secrétaire d’Etat , chargé
du Plan, a conclu en appelant chacun à oeuvrer pour que "de
sélective ou éphémère, l’indignation face
aux problèmes soulevés par la dette devienne permanente."
Nos lecteurs peuvent donc se réjouir que , d’une façon
ou d’une autre, les thèses que nous avons si souvent défendues
dans nos colonnes commencent à trouver des échos auprès
des plus hautes autorités.
Une réforme indispensable
Mais on ne pourra changer l’état du Monde que
par une profonde réforme de notre système économique
et financier. Bien des économistes commencent à y penser.
C’est ainsi qu’en concluant son ouvrage, M. Beaud déplorait "l’absence
d’une véritable organisation internationale capable de définir
les règles du jeu économique."
Quant à Maurice Allais, il écrit (2) "En fait, sur
le plan national comme sur le plan international, les principes fondamentaux
sur lesquels repose actuellement le système monétaire
et financier doivent être entièrement repensés et
une structure institutionnelle appropriée serait relativement
facile à définir dès lors que les principes à
considérer seraient déduits de l’observation des faits
et non de conceptions a priori. Une réforme convenable du système
monétaire international... impliquerait notamment l’abandon total
du dollar comme monnaie de compte, comme monnaie d’échange et
comme monnaie de réserve sur le plan international,... et finalement,
l’établissement progressif d’une monnaie commune sur le plan
international. "
Bien sûr, on n’en est pas encore à l’Economie Distributive,
mais on voit bien que les choses avancent peu à peu. La révolution
économique n’est peut-être pas aussi loin que ça !
(1) La Découverte,1989
(2) Le Monde, 27 et 29 Juin 1989
(3) Le Monde, 1er Juillet 1989
Comment arriver à l’Economie Distributive lorsqu’on ne la connait pas ? Ce petit livre (1), oeuvre d’un spécialiste de la banque, est un constat lucide et impitoyable d’une réalité que Jacques Duboin avait perçue il y a déjà soixante ans. Les propositions faites par Gilbert Lasserre sont intéressantes mais ne vont pas jusqu’à la révolution intellectuelle du distributisme orthodoxe. G. Lasserre rejoint donc, à mon sens, la position inconfortable des penseurs sortis du sérail, comme J. Riboud, qui remettent trop le système en cause pour que celui-ci accepte leurs réformes, mais qui ne l’apostasient pas assez pour entrer de plain-pied dans la sphère lumineuse des grands réformateurs que nous connaissons déjà.
Il vaut la peine de constater la similitude des conclusions
de G. Lasserre avec nos propres observations, maintes fois exposées
dans "La Grande Relève" : "la spéculation
domine le monde, le capitalisme a perdu la raison". La monnaie
n’apprécie plus les marchandises mais est elle-même appréciée
comme une marchandise, comme une valeur mobilière en soi, par
une "remise en cause de la structure dite libérale, qui
n’est que féodale", et par une
"révolte contre l’incroyable pouvoir de la banque".
La monnaie est un droit, une créance transmissible au porteur, forcément scripturale par construction, valeur en suspens qui attend une production pour avoir sa véritable raison d’être. On ne peut normalement, comme autrefois l’or, être monnaie et bien de consommation ; rapport calculé (entre offre et demande) et jouet pour flambeurs professionnels. La monnaie de transaction constate et apprécie la production de biens et de services, tandis que la monnaie de spéculation anticipe cette production, l’appelle ou l’empêche d’exister, selon ses humeurs ou ses paris.
Monnaie de spéculation.
Cette spéculation est facilitée par le
fait que la création de la monnaie est acte privé, bancaire.
Comme l’écrit J. Riboud, la banque crée la monnaie "ex
nihilo", et la prête contre un intérêt qui n’est
pas encore créé. D’où un appel exponentiel à
produire toujours plus pour acheter un moyen de paiement encore inexistant
; ce qui est par exemple le cas des forêts que l’on brûle
pour éteindre une dette purement comptable et scripturale.
G. Lasserre reconnait, après trente ans de banque, que "la
monnaie naît sur crédits bancaires et disparaît à
leur remboursement". Mais il oublie que les banques créent
jusqu’à 32 fois leurs fonds propres (cas du Canada) et qu’en
plus, elles exigent un intérêt en monnaie d’équilibre
économique (obtenue par transactions). Il s’agit donc de bien
plus que de ce que Riboud appelle un "droit de seigneuriage"
; il faudrait plutôt parler de "droit de cuissage" ou
de "truandage" ! Lasserre qualifie la monnaie de "faustienne",
de "malthusienne", et constate qu’elle est "inflationniste
par sa seule présence". Mais c’est par nature même,
par construction, qu’elle est proliférative, carcinogène ;
car on oublie les multiplicateurs du credit et de l’intérêt
correspondant, sans doute parce que c’est trop énorme. J. Duboin
l’avait bien compris en 1955 lorsqu’il écrivait (2) : "créer
de toutes pièces des ressources financières pour les prêter
à intérêt, n’est-ce pas le rêve ?". Lasserre
constate à juste titre que la monnaie spéculative actuelle
"privilégie la fonction accessoire de conservation de la
valeur par rapport à sa vocation fondamentale d’instrument de
transaction". Il distingue également le prêt-création
du recyclage de monnaie existante (avec dessaisissement) . Neutraliser
la monnaie en la recyclant revient en fait à jouer sur le facteur
vitesse de l’équation de Fisher. Mais "rien n’empêche
les banques de battre monnaie pour leur propre compte sur achats d’actifs
au lieu d’achats de créances", seuls tolérables.
La confusion entre le prêt de deniers existants - pour les réinvestir
dans la production - avec la création ex nihilo, fait entrer
dans un "cercle diabolique", bien perçu par G. Lasserre :
"la monnaie n’est pas la finalité de l’économie.
Il faut la recentrer sur l’activité économique, en dissuadant
l’ultracapital liquide de rester en l’état dans les zones transitoires
où il se délecte de puissance insaisissable et occulte,
croît et embellit en évitant le risque de l’enracinement".
D’où la proposition de Lasserre d’une réforme
essentielle, qui n’est en fait que l’un des éléments de
l’économie distributive ou de l’économie franche : la
suppression de l’intérêt bancaire sur la monnaie créée
ex nihilo et l’admission exclusive de placements participatifs à
des valeurs réelles de production, pour empêcher la monnaie
de se prêter aux jeux qu’on veut lui faire jouer. La valeur de
la monnaie doit se calculer (selon l’équation de Fisher) et non
s’auto-reproduire par paris mutuels. Elle doit être la résultante
des prix et non pas leur déterminant.
La solution libérale, qui paraît refleurir partout comme
la panacée, induit un appel vers le bas des revenus. Les pauvres
produisent sans consommer et les riches consomment sans produire. Les
salaires sont toujours au niveau des besoins les plus élémentaires.
La "débile foire aux changes" flottants transforme
les monnaies en plaquettes de casino.
Monnaies diverses
Après ces constatations très intéressantes, Lasserre établit une savante distinction entre monnaies de l’Est, monnaies suzeraines, monnaies de conquête, monnaies humanistes, monnaies sous tutelle et monnaies-bidonvilles.
Les monnaies de l’Est feraient l’erreur de "rigidifier le pôle trayait’. Le "pôle besoin" serait, d’après Lasserre, une "finalité marxiste" ; comme si le fait d’avoir besoin de manger était une revendication de gauche ! L’auteur fait ici une comparaison bancale entre le "pôle animal’ de la nourriture, qu’il suppose ne pas pouvoir être court-circuité (un peu de végétarisme bien compris lui éclaircirait sans doute les idées)... Pour lui, la monnaie de consommation des pays de l’Est semble être une monnaie-poubelle, ce qui paraît bien être le cas en Pologne lorsqu’on veut payer son taxi en monnaie locale ! L’absurdité d’une monnaie fondée sur le travail humain, alors que celui-ci est remplacé par les robots, n’est pas soulevée dans l’ouvrage, bien que ce soit la raison fondamentale des déséquilibres constatés partout.
Les monnaies suzeraines ou "complètes" se veulent, comme le dollar, à la fois étalons et moyens de transaction, comme l’or dont elles procèdent. Elles sont donc "fondamentalement faustiennes". La monnaie est traitée, comme le dollar, en trésor de caste. C’est ainsi que Keynes, dans sa "Théorie générale de la Monnaie", l’opacifie en prônant de subtils petits jeux avec les taux d’intérêt ; amusements qui ont conduit à l’échec cuisant des accords de Bretton-Woods en 1971, car personne ne saurait confondre papier et or, malgré le fétichisme soigneusement entretenu en faveur du dollar de la Réserve Fédérale, qui n’est qu’une banque privée prêtant à intérêt, comme oublie de le mentionner l’auteur ! Celui-ci constate bien que "l’Amérique est en vente " et que, avec une "dette" de 7000 milliards de dollars envers la Réserve fédérale en 1983, "on serait bien en peine de dire où l’on va".
Les monnaies de conquête sont le mark et le yen : les banques lancent ces pays à la conquête des marchés extérieurs et deviennent, sans doute malgré elles, de véritables services publics d’expansion nationale. Mais cette agressivité conduit à une prise de conscience de Lasserre, lapidairement exprimée ainsi : "c’est dingue, le monde entier a perdu le sens de la vie !
Les monnaies humanistes sont, par exemple, le franc français et l’écu. Ce dernier "préfigure la monnaie de demain, qui se calculera". Mais la France a une monnaie au-dessus de ses moyens : "le coq est le dindon de l’écu".
Les monnaies sous tutelle sont celles du tiers-monde. Les banques prêteuses du monde occidental ne reverront jamais "leur" argent car "on sait que cette monnaie bancaire n’appartient et ne manque à personne... Mais si ce système se respecte, il est acculé à solvabiliser les débiteurs. Il faut pour cela sortir des prix du marché".
Cette fois, Lasserre, sans le savoir, reprend les propres termes de J. Duboin ! Mais on constate vite que cette prise de conscience ne s’accompagne pas d’un véritable distributisme car, pour solvabiliser les producteurs du tiers monde, l’auteur se contente de désolvabiliser les consommateurs en instaurant des relèvements massifs du prix des matières premières importées !
Quant aux "monnaies-bidonvilles", il s’agit des économies souterraines, qu’il faut effectivement prendre en compte dans une analyse approfondie de la monnaie : est monnaie tout ce qui permet un échange, "toute créance reconnue et cessible est monnaie". Cette définition est plus large et plus réaliste que celle de J. Riboud dans "Controverse sur la Banque et la Monnaie". La monnaiebidonville préside, par le marché noir, à une intense activité économique. "On peut lui prédire un bel avenir" déclare Lasserre, qui fait ainsi l’aveu de son impuissance à envisager un véritable changement de société. Le constat du désastre se mesure au fait que "la Banque est techniquement en faillite, passible de sanctions pénales pour publication de faux bilans, pour non-provisionnement de créances compromises". Par exemple, les banques françaises ont 23 milliards de francs à récupérer sur le tiers monde, alors qu’elles n’ont que 6 milliards de fonds propres et seulement 40% de provisions spécifiques. Il y a donc un "trou" d’environ 50% des fonds prêtés. Si ce trou noir n’aspire pas nos créateurs ex nihilo, c’est bien parce que chacun sait bien, en haut lieu, qu’il ne s’agit que d’écritures, d’encre et de papier, et non de valeurs réelles ! Mais, au fait, "qui les empêcherait d’acheter la lune ? ". Il faut "réintégrer la fonction bancaire dans le giron de la puissance publique" car la fonction de réserve s’oppose à celle de transaction. Sacrifier la seconde à la première, c’est sacrifier ceux qui n’ont pas de monnaie au profit de ceux qui en ont. "Le monde est emporté par la frénésie asiatique sous la houlette d’un Japon en guerre totale". Mais c’est le fiasco, matérialisé par la réunion du FMI en octobre 1987 ; suivie, quelques jours plus tard, par le krach boursier du "lundi noir", simple remise du marché monétaire à l’heure des réalités économiques.
Une solution partielle...
Quant aux propositions de G. Lasserre, nous avons
vu qu’elles approchent des solutions prônées depuis longtemps
par nos maîtres, Duboin, Gesell, Douglas : solvabiliser les démunis,
changer la nature de la monnaie pour en faire un simple outil de contrôle,
supprimer l’intérêt spéculatif. Mais, pour lutter
contre le chômage, Lasserre ne trouve soudain rien de mieux que
de revenir à Adam Smith en réduisant les travailleurs
au rôle de robots souspayés, grâce à une dévaluation
massive de la monnaie ! Et il n’hésite pas à enfoncer
ainsi le clou dans la chair du prolétariat travailleur : "il
n’y pas de chômage en Corée". Dur, dur... Il propose
une "Charte de la Monnaie" avec une monnaie calculée
sur un panier de prix de référence (comme Riboud) et un
indice. Pas de rémunération du capital créé,
sauf si recyclage par dessaisissement. Toute rente doit passer par un
réinvestisement "qui ferme l’échange et efface la
monnaie". L’on arrive logiquement à un type de monnaie de
consommation conforme à l’idée de son inventeur (Christen,
1934). Les monnaiesrefuges et monnaies-armes de conquête sont
automatiquement disqualifiées.
La "Charte de la Banque" de Lasserre est un louable effort
d’assainissement qui rejoint partiellement nos idées : la monnaie
ne peut être créée que par un organisme relevant
du secteur public, qui ne peut acquérir de biens que sur fonds
propres et ne peut demander que des "primes de risque" sur
les fonds prêtés par recyclage, le tout sous la surveillance
d’un organisme international de contrôle.
Ce serait ainsi la fin de "l’industrie monétaire". Mais l’auteur reste dans les lois du marché libéral. Sa réforme, il l’avoue d’ailleurs lui-même, "replacerait la compétition dans ses marques authentiques, grâce à un crédit moins cher, une forte relance de la consommation, une plus grande loyauté de comportement". Tout cela n’est pas suffisant pour un véritable distributiste ! Lasserre admet aussi que ses propositions doivent faire l’objet de remises au point : "o n peut toujours rêver’, conclut-il à propos de sa charte...
Mais pas fondamentale...
Le troisième volet de sa réforme est
l’aboutissement logique de sa nonprise de conscience du problème
fondamental, posé par le remplacement de l’homme par la machine,
et donc de sa méconnaissance de la solution distributiste. Pour
sauver le tiers monde, Lasserre ne trouve rien de mieux que de jouer
sur un des instruments les plus éculés du marché
capitaliste : le protectionnisme à outrance. Pour lui, curieusement,
"tout transfert de technologie est suicidaire". Chacun doit
garder ses billes : l’Occident ses idées, le tiers monde son
pétrole ! Il veut une hausse massive des cours des matières
premières et un New Deal mondial, qu’il n’explique pas clairement,
et pour cause !
L’auteur enfonce superbement des portes ouvertes autrefois par Duboin
et par d’autres : "l’Occident porte indiscutablement en lui les
germes de son autodestruction. La France refuse de croire au déclin.
Ni faire, ni laisser faire. La France est tiraillée par deux
conservatismes intellectuels, de droite et de gauche, aussi bâtards
et dogmatiques l’un que l’autre. Le monde ancien est en quête
de valeurs-travail nouvelles permettant de répartir une production
désormais largement banalisée". Tout cela est bien
familier à nos oreilles de distributistes. Mais soudain, l’auteur
nous fait redescendre des hauteurs : pour résoudre la crise,
il ne voit rien d’autre que développer "l’actionnariat populaire
et les petits boulots à visage humain" ! Et pourtant, il
reconnaît que "le véritable problème est celui
de la répartition d’une production industrielle et agricole dont
regorge l’Occident, d’instaurer un équilibre par le haut et non
par le bas. La solution est d’ordre monétaire : il faut créer
monnaie sur le double besoin de consommer et de produire, non celui
d’avoir’. Il n’y a pas de honte à être société
de consommation, source de bien-être. Mais il est absurde d’aboutir
à une "société de non-production, en train
de couler avec des outils gigantesques, inutilisés faute d’irrigation
monétaire". Ce qui nous a fait retrouver le principe physiocratique
fondamental de Quesnay : la monnaie est le sang qui doit irriguer le
tissu social.
Un bon constat, insuffisant
En conclusion, "Autopsie du Désastre" est un bon constat, une prise de conscience intéressante qui ne peut que conforter nos positions. Il faut féliciter l’auteur d’être parvenu à ces sommets à la seule force de ses poignets, mais regretter qu’il n’ait pas plus tôt connu l’Economie distributive, ce qui lui aurait épargné beaucoup de peine. Ses propositions ne sont pas au niveau de ses constatations.
C’est donc un livre de transition et de confirmation de nos thèses, auquel on pourrait appliquer le jugement de Lyautey sur une copie de l’Ecole militaire : "des idées neuves et des idées justes ; mais les idées neuves ne sont pas justes et les idées justes ne sont pas neuves".
(1) "La Monnaie expliquée à ceux
qui n’en ont pas" Gilbert Lasserre, 1987 Editions du Franc-Dire,
78740 Saint Lambert, 100 pages
(2) "Les yeux ouverts" Jacques Duboin
L’alternative acceptable
1.0 Introduction à l’Economie des Ressources
1.1 L’Economie des Ressources (la Réconomie) constitue une structure économique "naturelle" pour les sociétés humaines. On mesure en unité d’énergie la valeur physique de toutes les activités naturelles qui obéissent aux lois inviolables de la thermodynamique. Toutes les espèces animales et végétales utilisent de l’énergie dans l’économie naturelle de leur propre environnement pour atteindre un équilibre, un équilibre dynamique. Seul, l’homme perçoit un sentiment de "valeur" en dehors de ces contraintes naturelles et utilise de l’argent (de la monnaie) pour exprimer cette valeur lorsqu’il veut échanger des biens ou des services.
Avec les règles économiques actuelles, la valeur de la monnaie n’est liée a aucune valeur physique si bien que nous n’avons que peu de liens avec notre environnement naturel. Il n’y a, par suite, que peu de contraintes soit pour l’exploitation des réserves naturelles et des ressources ambiantes soit pour les déchets que l’on remet dans l’environnement. On sait maintenant que, sauf si l’on remet en cause l’idée que l’on se fait de la "qualité de la vie" sur cette planète ( c’est a dire de ce qui constitue la vraie "richesse"), ces tendances effrénées vont limiter le développement et le bienêtre futurs de l’humanité. L’Economie des Ressources lie la valeur de la monnaie a une valeur physique (l’énergie) de façon a atteindre un équilibre naturel dans une "Economie de la Dynamique" humaine.
1.2 Le Projet d’Economie des Ressources (PER) propose un moyen pour passer des systèmes économiques classiques actuels a l’Economie des Ressources, pour créer une économie dynamique. Le PER utilise les institutions, les procédures et les valeurs établies mais en choisit les éléments les plus agréables et les plus bénéfiques qui présentent le plus grand attrait et le plus grand consensus social. Concrètement, la machine est mise en marche en supprimant la TVA et toutes les autres taxes sur la création des richesses. On obtient un revenu équivalent en taxant la consommation des ressources a travers leur constituant commun, l’énergie. A l’évidence, cela encouragera a la fois l’économie et le soin dans l’exploitation des ressources. Il serait cependant catastrophique d’accroître simplement le prix des matériaux : les compensations suivantes sont une part essentielle de l’Economie des ressources.
1.2.1 La taxe sur les ressources remplace toutes les autres taxes. Parce que ces autres taxes ont eu pour effet de promouvoir un investissement en capital, grand consommateur de ressources, suppresseur d’emplois tendant a renchérir le coût du travail et s’accompagnant d’autres distorsions, leur suppression stimulera l’emploi constructif, aura des effets sociaux bénéfiques et protégera les ressources. Les recettes des gouvernements restent en gros les mêmes ainsi que les coûts de production.
1.2.2 Le territoire sur lequel s’applique l’Economie des Ressourcesest manifestement limité par les frontières douanières. L’augmentation ducoût des matériaux doit être répercutée sur toutes les importations etretranchée de toutes les exportations. Ce qui garantît le niveau desprix sur les marchés intérieurs et des prix compétitifs sur les marchés extérieurs. Elle constitue uneincitation tout aussi importante a économiser lesressources dans les autrespays s’ils veulent pouvoirvendre aux pays vivant enEconomie de Ressources.
1.2.3 La taxe sur les ressources doit être unifiée de façon a ce que son coût puisse facilement être mesuré par un étalon commun, quantifié, distingué aux frontières des pays en Economie de Ressources et considéré comme équitable. L’Economie des Ressources se différencie des systèmes de taxation sélective devenue floue... Cependant, si on ne distingue pas aux frontières les taxes "environnementales", la production indigène est placée en position de faiblesse dans les marchés mondiaux et le coût environnemental est simplement répercuté sur les autres.
1.2.4 Un "Revenu de Base" est attribué de manière non sélective a tous les citoyens aux stades ultérieurs (idéalement lorsque les taxes sur les revenus ont été supprimées). La taxe sur les Ressources est progressive ( le niveau de vie est lié a la consommation), mais le revenu de base compense l’accroissement du coût des matières premières tout en maintenant l’incitation a l’économie - contrairement aux subventions pour les combustibles. Le revenu de base doit inclure les allocations sociales jusqu’a un niveau civilisé.
1.3 La mesure fondamentale de toutes les ressources matérielles et de toutes les consommations économiques est l’énergie. La taxe sur les ressources (UNITAXE) est donc calculée non pas par rapport a une valeur de marché (en monnaie) mais par rapport a sa valeur calorique ... Une fois que ces mesures ont été appliquées a la source, on donne une "valeur sociale" a toutes les ressources matérielles, automatiquement, universellement et sans autre intervention bureaucratique.
1.4 Les propositions qui suivent concernent l’économie nationale et européenne avec quelques implications plus étendues. L’Economie des Ressources peut être appliquée localement mais il faut alors introduire d’autres considérations et d’autres options qui ont été traitées en détail lors de la proposition officielle qui a été faite au Royaume Uni de remplacement des taxes locales. Principalement l’échelle plus faible des opérations rétrécit la gamme des énergies définies et peut inclure l’électricité fabriquée et d’autres types d’énergies secondaires.
1.5. Bien qu’ on ne puisse nier la force de la taxation pour changer les choses, et que les taxes soient fréquemment et sélectivement mélangées avec la morale, la Taxe sur les Ressources l’UNITAXE, est égalitaire, universelle et a un taux de référence unifié a chaque instant. Bien que ça soit une taxe environnementale sympathique, elle n’est structurée ni sur les émotions ou la panique du moment mais en tant que partie d’un système économique amélioré et plus sensé. Il n’est pas suffisant de s’attaquer aux symptômes : il faut remonter jusqu’aux causes d’une consommation gaspilleuse et fournir de nouvelles, agréables et pratiques incitations a encourager une réforme de tout notre style de vie, réforme qui soit naturelle, évolutive, sinon radicale. Le nouveau style de vie qui finalement émerge doit être perçu comme une amélioration : pas comme une restriction, une coupe sombre, ou un retour en arrière.
1.6. En un sens, pour se placer dans un contexte politique courant, l’UNITAXE est une taxe faisant véritablement payer les pollueurs parce que toute pollution entraine un gaspillage de ressources. Toutefois, alors que, dans le processus de production, les taxes sélectives, comme toutes les autres taxes, sont simplement répercutées sur le consommateur (il n’y a personne d’autre a qui faire supporter les coûts), l’UNITAXE met tout le monde sur un pied d’égalité, de sorte que le traitement du coût inévitable et universel devient optimal grâce a une utilisation efficace des ressources dans un marché libre et compétitif et a des modèles plus économiques de la demande. A présent que l’on a, au moins, reconnu l’importance de l’environnement, il est bon de souligner que les sources d’énergie "renouvelable" bien qu’elles doivent subir I’UNITAXE au taux normal a la fourniture, (pour les raisons précisées dans cet article), peuvent - et peut-être doivent- recevoir une aide financière publique. Une telle aide, en particulier pendant les étapes de développement, pourrait clairement être considérée comme étant de la responsabilité des gouvernements dont le rôle est de définir les politiques énergétiques (en tant que partie d’une stratégie économique) nécessaires a une planification intelligente du futur.
(traduction Grande Relève, à suivre)
(Il existe un autre document de travail sur l’interprétation globale du Projet d’Economie des Ressources.)
J’ai de la chance, j’ai une place confortable devant l’estrade où Monsieur le Président va nous tenir son discours. Je suis un peu loin, mais on voit bien quand même. La foule est impatiente, car c’est un grand jour. De part et d’autre de l’estrade, les Droits de l’Homme et du Citoyen sont inscrits sur deux grands panneaux. Au frontispice, ces mots majestueux et si prometteurs
LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ
Tout le monde est tendu, on sent qu’il va se passer quelque chose. Enfin il arrive, le voilà, ce petit homme vert, c’est notre Président, c’est Le Président.
Silence impressionnant. La foule est suspendue a ses lèvres. Il parle :
Mes chères électrices, mes chers électeurs,
Comment laisser passer cette journée historique sans vous dire ce que mon coeur de grand révolutionnaire ressent. Aussi ai-je décidé, comme tout bon révolutionnaire qui se respecte, de faire mon auto-critique. Mes adversaires parleront d’autosatisfaction, mais comment faire confiance a ces politiciens ! C’est a moi seul que vous avez fait confiance !(applaudissements)
En 1971, en prenant ma carte du parti, je vous ai dit que celui qui ne luttait pas contre l’ordre établi, contre le régime capitaliste, n’était pas digne de rentrer au PS. C’est ce que j’ai fait (applaudissements nourris)
- En 1981, pendant ces présidentielles qui feront
date dans l’histoire de notre République Une et Indivisible,
je vous ai promis que le chômage ne dépasserait pas les
deux millions. J’ai tenu parole.
- Je vous ai affirmé que j’embaucherai un million de jeunes,
vous m’entendez : un million de jeunes embauchés, pas, comme
pourraient le dire mes contradicteurs, des jeunes mis dans des écoles
ou des tucs, non, ces jeunes ont chacun un emploi et un salaire décent.
Ce n’est pas comme mon petit voisin d’Outre Atlantique, ce cow-boy qui
a transformé les chômeurs misérables en travailleurs
misérables, ce qui a coûté une fortune au peuple
américain (1).
- Je vous ai promis la semaine de 35 heures, comme les ouvriers allemands.
Vous l’avez (applaudissements). Ceci nous a permis, comme nous l’avions
prévu, une embauche de 950.000 chômeurs.
Ainsi, mes chers administrés, faîtes le compte avec moi
. - D’un côté, 2.000.000 de chômeurs.- De l’autre,
un emploi pour un million de jeunes, et plus de 950.000 chômeurs
embauchés. Que reste-t-il ? - 50.000 chômeurs, soit 1/1000
de la population. Quel est le chef de gouvernement capable d’une aussi
belle réussite ? (1)
Je vous ai promis le progrès social. Ayant appris que les mille
plus grosses entreprises françaises avaient vu leurs bénéfices
augmenter de 200 % (2), j’en ai tout de suite fait bénéficier
nos travailleurs. et ainsi nos braves infirmières ont vu leur
salaire augmenter de 4 a 12%. Bien sûr, les infirmières
libérales n’ont rien vu. Mais je m’en occupe.
Et j’ai mis fin à une chose que je considère trop grave pour ne pas la placer en priorité, comme le veut l’idéal de notre mouvement : priorité aux plus démunis. Ayant appris, en prenant les commandes de ce beau pays, qu’il y avait un quart monde,j’ai pris immédiatement les mesures qui s’imposaient, car mes prédécesseurs avaient osé laisser crever de faim des millions de Français dans notre belle France où il y a trop de tout ! J’ai dénoncé immédiatement ces lois scélérates, que dis-je ? Meurtrières, qui consistaient a détruire les excédents agricoles. Comment peut-on parler d’excédents quand des millions d’êtres humains manquent du nécessaire ? Je sais que quelques uns de ces malheureux voudraient être considérés comme des êtres humains (4). Chaque chose en son temps. On y pense.
Devant ces résultats prometteurs, j’ai conseillé a mon écureuil favori de s’occuper activement du progrès social en Europe. Quand on pense que 14 % des européens vivent audessous du seuil de pauvreté, je souffre en pensant à ces excédents européens qui pourraient rassasier ces misérables qui n’ont pas le bonheur de vivre dans un pays socialiste comme la France.
Mon ami, J-M Cavada m’ayant appris que dans le monde 40 millions de personnes meurent de faim chaque année, je crie mon indignation et ma révolte quand je pense encore aux excédents agricoles mondiaux. C’est un scandale ! L’abondance agricole des pays riches tue 50 fois plus de personnes qu’Hitler dans le même laps de temps. Et, tenez-vous bien, mes braves administrés, 1.500 fois plus que la bombe d’Hiroshima !
Alors, tu viens dîner ? me dit ma femme.
Je m’étais assoupi en regardant le bébête-show !
(1) 92.000 dollars par emploi, d’après Dale
Bumpers, Sénateur de l’Arkansas.
(2) 26 milliards en 1986, 77 milliards en 1987.
(3) 5 millions de Français vivent d’aumônes (l’Abbé
Pierre)
(4) entendu à midi sur l’A2 : A un accidenté du travail
qui doit vivre avec 1.200 F par mois, on demande : "Que souhaiteriez-vous
? - Etre considéré comme un être humain.