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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 759 - août-septembre 1978

 

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N° 759 - août-septembre 1978

La répartition du travail : III. Les palliatifs envisagés   (Afficher article seul)

La mère Denis   (Afficher article seul)

Encore un petit effort. M. Leontief !   (Afficher article seul)

Au fil des jours   (Afficher article seul)

Exporter ou mourir   (Afficher article seul)

Agriculture biologique et économie   (Afficher article seul)

Les entreprises et la protection de l’environnement   (Afficher article seul)

Au delà de l’appât du gain   (Afficher article seul)

A nous la Coupe du Monde   (Afficher article seul)

Le point de non retour   (Afficher article seul)

Une approche nouvelle   (Afficher article seul)

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21 mars 1978, date historique

La répartition du travail : III. Les palliatifs envisagés

par M.-L. DUBOIN
août 1978

DANS les deux premières parties (1) de cette étude, nous avons montré que l’accroissement du chômage, amorcé ces dernières années, allait augmenter de façon inéluctable tant en France que dans la Communauté Européenne et les pays semblablement développés. Nous l’avons montré, chiffres officiels à l’appui, pour répondre aux « optimistes » qui parlent de crise cyclique et attendent encore le plein emploi grâce à une miraculeuse relance.
Ce qui nous permet d’affirmer que même une relance générale ne viendra pas à bout du chômage dans la plupart des secteurs de la production, c’est que c’est par l’intermédiaire d’investissements nouveaux qu’économistes et hommes de gouvernements ont d’abord cherché à le résorber. Nous avons montré qu’à chaque fois, ces investissements s’accompagnent de nouvelles suppressions d’emplois. La raison est simple, elle a été expliquée ici- même depuis des années par Jacques Duboin : les investissements les plus rentables sont ceux qui suppriment de la main d’oeuvre. Et comme la rentabilité prime en économie de marché...
C’est sans beaucoup d’effet que certains gouvernements ont conditionné leur aide financière à la création de nouveaux emplois (Belgique, Irlande). En Grande-Bretagne et en Italie, on s’est plutôt tourné vers un allègement des charges salariales pour les entreprises. Le gouvernement néerlandais va même plus loin puisqu’il verse aux entreprises des sommes destinées à compléter les salaires des travailleurs embauchés au-dessous d’un certain traitement (2).
Les efforts les plus grands ont dû être orientés vers l’embauche des jeunes : une loi oblige les entreprises belges à embaucher comme stagiaires des jeunes au chômage ; en Allemagne Fédérale, des programmes d’instruction professionnelle et de formation permanente sont spécialement destinés aux chômeurs et surtout aux jeunes. En France, le gouvernement a pris en charge les cotisations patronales des jeunes. En Irlande, c’est une prime à l’emploi qui est accordée pour l’embauche des jeunes chômeurs.
Parallèlement à ces mesures tendant à augmenter les offres d’emploi (même temporaires...) , on a cherché à restreindre la demande, mais de façon plus timide. En France, en Belgique, en GrandeBretagne on a donné à certains travailleurs la possibilité de prendre une retraite anticipée... mais il faut en contrepartie que l’emploi ainsi libéré soit donné à un chômeur. Aux Pays-Bas, le travail à mi- temps est encouragé. En Allemagne, on a reculé l’âge minimum pour entrer dans la vie active. En France, on a offert une prime de 10 000 F aux travailleurs étrangers acceptant de rentrer dans leur pays. D’autres mesures spécifiques ont été essayées en France, au Danemark et au Luxembourg : relèvement des allocations familiales, possibilité d’interruption prolongée d’activité rémunérée, limitation des heures supplémentaires, extension de congés à salaire réduit.
La communauté européenne contribue à ces efforts. Le fonds de développement régional va être utilisé pour une politique orientée en priorité vers la résorption du chômage. Le fonds social européen, par suite d’une décision du conseil des ministres de juillet 1975, va désormais subventionner l’emploi des jeunes, notamment par le biais de la formation professionnelle (2).

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Toutes ces mesures montrent bien que face au chômage inéluctable, prévisible, voulu par la nature même des recherches effectuées par tant de générations avant nous, il n’y a pas d’autre remède que l’Economie Distributive (3) dont elles sont l’amorce évidente.
Un peu de bon sens, voyons ! De quoi manque-ton ? De rien. On a de quoi produire pour nourrir et entretenir une population bien supérieure à celle du pays. La terre ne demande qu’à produire plus, les usines à tourner, les entreprises à entreprendre et les consommateurs les moins riches à consommer plus. Cependant qu’on détruit des denrées alimentaires pour en maintenir les prix et que le nombre d’entreprises en faillite vient, d’après l’INSEE, d’augmenter de plus de 17 % ces derniers mois ! Alors ? Où est le caillou qui coince l’engrenage ? Il réside dans le fait qu’on continue à évaluer les besoins des gens au contenu de leur porte- monnaie, lequel ne se remplit que si son propriétaire a trouvé un travail à faire. Or depuis que l’homme est sur terre, il cherche les moyens de faire faire le travail nécessaire à son entretien par d’autres que par lui ! Son ingéniosité lui a permis d’abord d’inventer quelques outils rudimentaires puis à domestiquer des animaux. Tant que ces moyens limités ne faisaient que le soulager partiellement, il a dû s’organiser en une société basée sur l’échange, le marché, donc le profit. Mais ces temps sont révolus avec l’automatisation et les procédés modernes. On peut produire suffisamment sans faire travailler tout le monde et toujours. Il est donc nécessaire de dissocier travail et revenus : répartir le travail mais en même temps distribuer des revenus à tous de façon à ce que tout le monde

puisse vivre le mieux possible, héritant ainsi de tant d’efforts déployés dans ce but.

*

Il faudra bien, heureusement, en arriver là. Mais auparavant, tout aura été essayé même l’impossible pour sauvegarder les bonnes habitudes et le sacro-saint profit. Cela devient apparemment de plus en plus difficile. N’est-ce pas le dernier combat que fut à Bonn la conférence au sommet ? Deux chefs d’Etat, dont celui du pays le plus industrialisé du monde, et notre bon V.G.E., cinq chefs de gouvernement, ceux du Canada, du Japon, de l’Allemagne Fédérale, de la Grande-Bretagne et de l’Italie, accompagnés de leurs ministres des Affaires Etrangères, de l’Economie et du Commerce Extérieur, ont déclaré clairement lors de la réunion des 16 et 17 juillet : «  Notre principal souci est le chômage ». Le président Carter a eu beau proclamer que « chacun est allé à la limite de ce qu’il pouvait faire », il n’en reste pas moins que leurs déclarations d’intention n’émeuvent plus personne tant on sait d’expérience que les réunions au sommet passent mais les problèmes demeurent.
Ces déclarations, qu’on veut faire paraître efficaces, pèseront en effet bien peu face à la loi du profit ! On en aura encore la preuve à l’issue des négociations commerciales multilatérales de Genève, dès la fin de cette année...

(1) Voir n°` 757 et 758 de « La Grande Relève  ».
(2) B. Seidel, DIW-Wochenbericht, 21-12-1977.
(3) Voir ci-dessous pages 15 et 16.

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DOSSIER ECOLOGIE

La mère Denis

par M. DUBOIS
août 1978

DEPUIS quelques années, et à une cadence croissante, de nombreux jeunes urbains consacrent leurs vacances à la recherche d’un mode de vie totalement différent, soit en s’incorporant en équipes pour réanimer des villages moribonds, soit en participant sans aucun échappatoire à divers travaux ruraux. Il advient même de plus en plus souvent que des couples prolongent l’expérience bien au-delà des vacances et tentent une adaptation totale incorporant la vie familiale et professionnelle  : remise en état d’habitats plus ou moins abandonnés, puis essais de cultures biologiques (souvent réussies) ou choix d’un artisanat à caractère utilitaire ou artistique (poteries, vêtements tissés à la main, ferronneries, conserves alimentaires, etc...).
Eh bien ces initiatives ne sont pas du goût de Mme Benoîte GROULT qui leur a consacré son « Billet du jour » du 15 février 1978 sur France- Inter.

UN COMPLOT DE MALES

D’après cette éminente journaliste, la plus grande méfiance s’imposerait aux femmes qui seraient tentées par ces aventures écologiques dans lesquelles elle croit pouvoir dénoncer un subtil complot ourdi par les mâles pour mieux remettre sous le joug des compagnes susceptibles d’être subjuguées par les sirènes émancipatrices. A toutes ces jeunes filles ou jeunes femmes toutes prêtes à tricoter, à tirer l’eau du puits, à faire des confitures, Mme Benoîte GROULT lance un solennel avertissement : casse-cou ! Assoiffés de revanche, les hommes ont vu là une occasion inespérée de renforcer les structures patriarcales déclinantes et, en quelques années, de transformer de ravissantes jouvencelles en Mères DENIS !
Evidemment, il fallait y penser...

RETOUR AUX SOURCES

Dans ce journal, nous avons récemment dénoncé l’exploitation éhontée des « modes » écologiques et mis en évidence ce qu’elles pouvaient comporter à la fois d’inefficace et même de dangereux dans la mesure où elles contribuent à endormir l’opinion et à la détourner des vrais problèmes (Voir « G.R. » n°750).
Nous n’en sommes que plus à l’aise aujourd’hui pour inciter les jeunes à persévérer dans ces manifestations, profondément symboliques d’une saine volonté de rejet de nos sociétés de consommation forcenée de produits inutiles et même nuisibles. En réalité ces jeunes cherchent à se prouver à eux- mêmes et aux autres, en payant de leur personne, que l’être humain peut asseoir son bonheur en s’assurant d’abord la satisfaction de ses vrais besoins, équilibre familial, calme, air pur, nourriture saine, logement et environnement à sa mesure, même s’il faut, pour cela, sacrifier provisoirement ou peut-être définitivement certains éléments du confort. Et, à cet égard, il faut bien faire la différence entre des gadgets sans véritable objet, générateurs de profits confortables, et les machines qui permettent une véritable libération féminine par la suppression des tâches répétitives, mécaniques et fatigantes.
Chaque fois que ce sera possible sans sacrifier l’essentiel, oui à la machine à laver et à l’aspirateur, mais non à la nourriture industrielle et chimique, non aux 3 heures d’allées et venues journalières, non à toute cette vie factice, agitée et fébrile qui comble peut-être les émules de Mme GROULT, mais que d’autres femmes ont bien le droit de rejeter sans retomber pour autant dans les pires servitudes moyenâgeuses.
Et d’ailleurs, cette prise de conscience de la jeunesse, ces essais plus ou moins naïfs et réussis de véritables retours aux sources ne constituent- ils pas la meilleure préparation des esprits à ce que pourrait être l’existence au sein d’une économie des Besoins, précisément axée sur la suppression des gaspillages et la réalisation de tous les épanouissements individuels ?

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Encore un petit effort. M. Leontief !

par J. MAILLOT
août 1978

Merci à M. Saillard de nous avoir fait parvenir la photocopie des extraits parus dans la « Revue de l’Entreprise  » de mai 1978, de la communication intitulée « Stratégie pour les années 80 », préparée pour le Congrès Mondial de la Fédération internationale des ouvriers sur métaux, par Wassily Léontief. Professeur à l’Université de New-York, économiste, écrivain et philosophe, il a reçu le prix Nobel de Sciences Economiques en 1973.

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LES « économistes distingués » dont le monde entier est affligé, et plus particulièrement les nôtres, devraient bien se pencher sur ses travaux, Raymond Barre en tête ! Que ressassent-ils depuis des années ? Oui, les machines évincent la main-d’oeuvre, mais d’ajouter aussitôt qu’un nombre égal, voire plus important, de nouveaux emplois sera nécessairement créé dans l’industrie des machines et branches annexes.
Est-ce réellement le cas, demande M. Léontief ? Sa réponse est non. « On peut dire que les machines nouvelles peuvent réduire la demande totale de main-d’oeuvre humaine de la même façon qui, il y a une génération, a conduit au remplacement du cheval de trait par le camion, le tracteur et l’automobile. Prétendre que les travailleurs évincés par les machines trouveront inévitablement de l’emploi pour construire ces mêmes machines n’a pas plus de sens que de s’attendre à ce que les chevaux remplacés par des véhicules mécaniques puissent être utilisés directement dans les différentes branches de l’automobile !!  ».
Evidemment, le passage de l’animal au moteur a provoqué, par " l’action des forces aveugles du marché " bien des désordres, mais la « transition se serait faite sans le moindre accroc dans un système organisé capable d’anticiper le changement et de s’y préparer ». C’est ce que nous nous efforçons de faire comprendre depuis bien longtemps ! En vain, d’ailleurs, il suffit en effet de considérer l’action gouvernementale actuelle.

FAUSSE ROUTE

« Un des moyens de faire face au chômage technologique potentiel réside dans la création de nouveaux emplois et dans la conservation des emplois existants par un accroissement des investissements, c’est-à-dire par la croissance économique. Mais cette possibilité a des limites précises. Dans sa poursuite du plein emploi par un volume sans cesse croissant d’investissements productifs, la société se retrouverait finalement dans la situation du miséreux qui se prive du minimum tout en épargnant de plus en plus et ce nonobstant son revenu annuel qui augmente régulièrement.  »
A vous M. le chef du gouvernement, vous le plus grand économiste de France, et à votre cohorte de ministres, sous-ministres, énarques et technocrates bornés.
A vous Mitterand, Marchais, Séguy, Maire, Bergeron, Attali, Rocard et Cie, révolutionnaires en retard d’une révolution !

QUE FAIRE ?

C’est ici, Wassily Léontief, que vous êtes bien près de la solution, très près, vous brûlez mais passez encore à côté. Que dites-vous : «  Dans une société utopique où chacun combinerait les fonctions de détenteur du capital et de la terre, la substitution de machines à la main d’oeuvre ne poserait aucun problème  : la part du revenu dérivée du travail diminuerait graduellement tandis que s’accroîtrait la part revenant au compte de capital. De plus le revenu global provenant de ces différentes sources croîtrait. »
Eh bien ! Il vous suffit de vous rendre compte que la terre et ses ressources sont propriété de la Nation et que le capital, en l’occurence l’équipement technique, fruit du travail des générations précédentes et de la nôtre en particulier, est donc aussi propriété de la Nation tout entière. La solution coule de source ! Chaque citoyen accomplira sa fonction de travailleur pendant un temps. C’est le Service Social ! De sa naissance à sa mort, il sera crédité au compte de sa part de capital. C’est le Revenu Social !
Je souhaite que ce numéro de « La Grande Relève  » vous parvienne et que vous vous penchiez sur nos solutions. Il y a plus de 40 années que Jacques Duboin mit tous ces faits en pleine lumière, en a tiré toutes les conséquences. La lecture de ses ouvrages éclairerait l’économiste qui ne pourrait qu’apprécier la justesse de ses analyses ; son style ferait l’admiration de l’écrivain, et son humanisme ne saurait qu’émouvoir le philosophe. J’y ajouterai « Looking backward  », titre français « Cent ans après », roman d’un Américain comme vous : Edward Bellamy, écrit à une époque où radio et télévision étaient deux invraisemblables utopies !
Bien sincèrement à vous.

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N.-B.- M. Ulrich Briefs, économiste ouest-allemand, a déclaré au congrès I.F.I.P. de Toronto :
40 % des cols blancs au chômage et 20 % des ouvriers sans emploi le sont du fait de l’informatique, ce qui explique 15 % des suppressions d’emploi depuis 1970 ». Le président de la session, Olaf Engberg, en conclut que « les règles économiques ne fonctionnent plus ; il faut développer de nouvelles attitudes en face de l’emploi ». Le « Computerworld » revue consacrée à l’informatique ajoute : « Il est nécessaire de mettre la question publiquement à l’ordre du jour, même si cela doit être douloureux ».
A vous Monsieur le Président Giscard d’Estaing, et, révérence parler, de grâce, qu’il ne soit plus question d’actionnariat ouvrier, lequel rappelle le vieux slogan de 1936 : « les usines aux ouvriers  », que les travailleurs parisiens faisaient suivre avec humour de : « la mine aux mineurs »... la banque aux banquiers et la ceinture aux chômeurs !! Ils avaient déjà senti que là n’était pas la solution.
Priez donc votre Premier ministre « d’envisager un système capable d’anticiper le changement et de s’y préparer ». Et si dans cette tâche il se montre moins brillant que dans celle d’épigone d’Adam Smith, nous sommes quelques-uns à pouvoir lui donner des idées.

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Au fil des jours

par J.-P. MON
août 1978

Le Bureau International du travail constate que, pour les jeunes, le travail n’est plus une fin en soi. Selon P. Melvyn, chercheur au B. I. T. : « Il est question de réduire progressivement les horaires de travail avant la retraite.
Pourquoi ne pas inverser le processus pour les jeunes, de sorte qu’ils puissent débuter avec des horaires allégés et augmenter progressivement la durée du travail ? On ne tient compte que trop rarement des besoins des travailleurs. La tendance est toujours d’adapter le travailleur à ’emploi et non l’inverse : donc une réorientation fondamentale et en profondeur de l’activité est nécessaire.
On a le droit de reprocher à la société de culpabiliser les jeunes en leur donnant le sentiment que le chômage est une tare et qu’il est toujours synonyme de paresse et d’échec.
La société devrait admettre que, durant la vie professionnelle, il peut y avoir des périodes de chômage, ce qui n’est pas nécessairement négatif. Le chômage n’apparaîtrait plus comme une tare, si, conçu dans un cadre de système de sécurité sociale, qui assurerait un revenu, cette interruption temporaire de l’activité professionnelle était mise à profit pour tin recyclage ou pour des étude... »

*

Dans un article qu’il intitule « Ticket d’entrée  » (Le Monde du 27-6-1978), Pierre Drouin, faisant le point sur les propositions concernant la réduction des inégalités sociales, se demande « comment modifier l’opinion moyenne, rappeler qu’un homme en vaut un autre, fut-il clochard, handicapé de naissance, voué aux travaux les moins « reconnus » par la société  ? ».
Puis P. Drouin nous fait part de l’idée géniale et très simple qu’il vient de découvrir dans le livre de Jean-Baptiste Jeener qui a pour titre : « Délivrer le travail »  : « En attendant qu’une redistribution des revenus par l’impôt ou autrement diminue substantiellement les écarts entre riches et malheureux, il faudrait qu’une « allocation de vie » soit versée à chaque Français. Du seul fait qu’il est né et qu’il a, par là même, des besoins incompressibles, il toucherait mensuellement un millier de Bancs (la somme serait évidemment révisable avec le coût de la vie). Une économie développée doit pouvoir sans trop de dommages verser ce « ticket d’entrée » dans la vie à chaque membre de la communauté. La formule entraînerait en effet la suppression des allocations familiales, les indemnités de chomage, d’une partie des aides aux personnes âgées, aux veuves de guerre, etc...
La réforme suggérée par M. Jean-Baptiste Jeener est radicale et simple : nul n’aurait besoin de faire une déclaration pour obtenir son minimum vital. L’acte de naissance déclencherait automatiquement le versement mensuel qui se poursuivrait jusqu’à la mort. On ne pourrait parler d’assistance puisque le « fils de famille » comme l’enfant d’O.S. toucheraient la même chose. Les parents bénéficieraient de cette prime jusqu’à ce que l’enfant subvienne à ses besoins...
M. Jeener fait des calculs. Compte tenu de l’allègement de certaines charges que supporte aujourd’hui la nation, grâce à cette innovation, l’opération reviendrait en France à quelque 300 milliards de francs par an. Cette somme équivaut au sixième du produit intérieur brut ».
Nos fidèles lecteurs auront reconnu là un certain nombre de principes fondamentaux de l’économie distributive, mais ils s’étonneront avec moi qu’un journaliste économique comme P. Drouin n’ait pas déjà eu connaissance des travaux de Jacques Duboin et ait dû attendre la sortie du livre de J.-B. Jeener pour nous parler de revenu social.
P. Drouin ne semble toutefois pas convaincu, il parle « d’économie-fiction  » ; il ne voit cela possible que dans une génération ou deux. P. Drouin devrait regarder plus attentivement autour de lui.

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Il faudra pourtant bien arriver à l’Economie distributive, car c’est le seul moyen (c’est ça ou la guerre) qui permettra de sortir de « Ce qu’on appelle la crise », crise dont tout laisse présager l’aggravation.
En effet, dans un document établi pour le Commissariat Général au Plan, document intitulé « La France à l’horizon 1983 », l’I.N.S.E.E. annonce à la fois une forte aggravation du chômage, une persistance de l’inflation, une croissance ralentie et une quasi-impossibilité de financer les dépenses croissantes de la Sécurité Sociale.
Malgré une expansion plus rapide qu’à l’étranger, le chômage devrait continuer à s’aggraver en France, le gain de, productivité prévu (4,2 % par an et même 4,5 % à partir de 1979) dépassant sensiblement les progrès de la production. De sorte que, selon l’I.N.S.E.E., le seuil de un million cinq cent mille chômeurs serait atteint avec une moyenne de cent mille sans- emploi supplémentaires chaque année.
Et l’I.N.S.E.E. ne tient pas compte dans ses prévisions des progrès importants de productivité qui se manifestent dans le secteur des services notamment grâce à l’informatisation du travail de bureau.

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SOIT DIT EN PASSANT

Exporter ou mourir

par G. LAFONT
août 1978

De toutes les nationalisations réalisées non sans mal et après des débats passionnés par les gouvernements de la IVe et Ve République, il en est une qui s’est faite discrètement, sans tapage, sans publicité, ni vote du Parlement. Si discrètement qu’elle est passée à peu près inaperçue. C’est, vous l’ignorez sans doute, celle des « marchands de canons ».
Au bon vieux temps de la libre entreprise, que l’on n’appelait pas encore le libéralisme avancé, quand l’Etat ne venait pas fourrer son nez partout, comme aujourd’hui, dans nos affaires, et laissait les citoyens de ce pays se débrouiller sans trop de tracasseries pour gagner leur bifteck, le premier venu, sans connaissances spéciales, pour peu qu’il eut des relations mondaines, son bureau dans un beau quartier et une absence totale de scrupules, pouvait s’installer dans le grand bizeness, celui des armes et autres joujoux guerriers, et y faire fortune. Aussi facilement que dans le prêt-à-porter ou dans la limonade.
Ce temps-là est fini. C’est l’Etat, désormais, qui, soucieux sans doute de moraliser la profession, - en avait-elle donc besoin ? - s’est substitué un beau jour à ceux que l’on appelait les « marchands de canons » pour vendre directement à tous les pays qui en demandent - et ca fait beaucoup de monde - le matériel militaire nécessaire pour s’entretuer. Avec le mode d’emploi  ; service après-vente, et. en prime, un ennemi héréditaire en état de marche et un casus belli garanti sur facture.
La noble industrie du casse- pipes, nationalisée, marche bien, merci. Elle n’est pas en déficit comme la S.N.C.F. Jamais, sauf en temps de guerre déclarée, la fabrication, le commerce et le trafic des armes, en France et dans le monde, n’ont été aussi florissants. Séduits par les modèles de plus en plus sophistiqués que leur offrent les commis-voyageurs des nations occidentales., les pays sous-alimentés du tiers-monde trouvent le moyen de dépenser l’argent qui aurait pu servir à soulager leur misère pour acquérir les joujoux de mort qui les élève au rang d’hommes civilisés.
Et la France, si elle est depuis longtemps à la traîne dans le domaine de la recherche scientifique ou de progrès social, arrive - saluez, Messieurs ! - en troisième position derrière les Etats-Unis et l’U.R.S.S. sur le marché mondial des livraisons d’armes.
C’est plutôt bon signe, non ? Mais n’allez pas le crier sur les toits. Ça pourrait gêner M. Giscard d’Estaing qui vient de proposer à l’O.N.U. son fameux plan, non pas de désarmement, comme on voudrait vous le faire croire - faut quand même pas exagérer - mais de limitation des armements, et lui faire perdre peut-être sa chance de décrocher le prix Nobel, selon le souhait exprimé par un Omar Bongo, président du Gabon.
Ce n’est pas le moment de se vanter. Par contre, gardons-nous de tomber dans le pacifisme bêlant en rappelant inopportunément, comme le faisait « La Grande Relève » dans son numéro

de juin, ces paroles de Jean Rostand prononcées peu avant sa mort :
« Si, pendant la durée de ma vie, tous les Etats du monde avaient consacré à la recherche biologique les sommes qu’ils ont consacrées à l’armement, l’espérance de vie serait aujourd’hui portée à 120 ans et la jeunesse jusqu’à 90 ans ».
Revenons sur terre. Et regardons la réalité en face, au lieu de nous laisser séduire par de dangereux utopistes.
Si le rêve du doux Jean Rostand était réalisé, si l’espérance de vie se trouvait portée à 120 ans et si les hommes restaient jeunes jusqu’à 90 ans, ca poserait des problèmes pour l’Agence nationale de l’emploi, la sécurité sociale, les maisons de retraite, et j’en oublie.
Problèmes insolubles dans le système prix-salaires-profits. Même le meilleur économiste français, le professeur Raymond Barre, en dépit de ses belles promesses pré-électorales, ne réussit pas mieux que ses prédécesseurs à sortir notre pays du marasme dans lequel il patauge et continue de s’enfoncer. M. le professeur se contente d’inviter les Français à se serrer la ceinture : « Le pays, déclare- t-il, ne peut vivre au-dessus de ses moyens. Je le dis aux particuliers et à l’Etat ».
Le moment serait donc mal choisi, comme le voudrait Giscard, de limiter les armements. Ca n’arrangerait pas notre situation économique et aggraverait le malaise social.
Au contraire, nous devons fabriquer et vendre des armes. Le général Méry, tout général qu’il est, en reconnaît la nécessité économique :
« L’indépendance de notre défense exige une industrie d’armement nationale. Or, notre marché intérieur est trop restreint pour la rentabilité de cette industrie. Donc, l’indépendance de notre défense nous oblige à exporter de l’armement  ».
D’ailleurs, nos armes, Giscard nous l’a dit sans rire, sont des armes défensives. Ce qui change tout. Quant à savoir ce qui distingue les armes défensives des armes offensives, je laisse à de plus compétents que moi le soin d’en juger. L’important c’est de continuer à fabriquer et à vendre des armes appelées défensives pour soulager notre conscience, assurer le plein emploi et relancer les affaires.
Ainsi, les éventuels candidats au prix Nobel de la Paix pourront toujours proposer, sans courir de risques, la limitation des armements à la tribune de l’O.N.U.

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Les questions agricoles :

Agriculture biologique et économie

par J. MESTRALLET
août 1978

L’UNE des plaies du métier d’agriculteur est la dépendance en face des marchands d’engrais et de pesticides...
Il faudrait que les services agricoles les renseignent objectivement, fassent contrepoids. Or, pendant longtemps, ils ont enseigné eux-mêmes les classiques méthodes N.P.K. Heureusement, certains d’entre eux ont réagi avec vigueur et divulguent aujourd’hui les méthodes biologiques.
L’I.N.R.A. (Institut National de la Recherche Agronomique) se met aussi à les expérimenter.
Il ne faudrait pas non plus que certains réseaux fournisseurs d’amendements naturels tombent dans le même travers, imposent leurs produits à un prix abusif et leur méthode.
Aux consommateurs d’exiger des produits sains ! Aux électeurs de réclamer une aide particulière en faveur des agriculteurs désireux de se reconvertir et l’enseignement officiel des méthodes biologiques. C’est vrai que la reconversion peut coûter cher, le rendement baisser les premières années. La solitude morale n’est certainement pas non plus un vain mot.
Ici, des associations comme « Nature et Progrès » peuvent jouer un rôle. Mais « Nature et Progrès » (1) n’est pas encore implantée partout. D’autres, comme «  l’Union Fédérale de la Consommation » (Que choisir  ?) devraient l’épauler fortement. Partout, des groupements peuvent se constituer pour l’achat direct aux producteurs.
La spéculation sur le « mode biologique » est une réalité qui peut encourager les intermédiaires  ; mais pas les producteurs, dont le revenu n’augmente pas, alors que les nouvelles méthodes exigent davantage de travail (en maraîchage du moins) . Les groupements d’achat sont un moyen d’éviter cela.
Que les agriculteurs ne s’imaginent pas, cependant, que l’augmentation des prix, suffira à résoudre leurs problèmes. Comme nous l’avons déjà souligné, il n’y aura pas de solution possible tant qu’il restera dans notre pays des millions de pauvres.
Le contrôle de la qualité est un autre moyen de promouvoir la vraie culture biologique. Si les tricheurs ne nous intéressent, pas (2), ils n’en portent pas moins un grave préjudice au mouvement. Là encore, les groupements de consommateurs ont un rôle à jouer : imposer les analyses aux pouvoirs publics ou les faire effectuer eux-mêmes, ce qui revient trop cher à un isolé. Reste le cas des agriculteurs en reconversion : on ne devra pas en exiger des produits irréprochables. En contrepartie, on ne pourra leur donner tout de suite le label.
Sur les divers points que nous venons d’exposer : problèmes de reconversion, fraudes, nécessité de contrôle, nous ne pouvons qu’être d’accord avec Anne Gaillard. Nous ferons remarquer cependant que la diffusion des études biologiques se fait, dans le monde agricole, autant que possible.
A elle de l’amplifier pour vaincre la conspiration du silence. S’il est vrai que certains ouvrages sont difficiles à lire, d’autres sont très clairs. Effectivement. Toutefois, nous gagnerons toujours à un effort dans ce sens.
Que faut-il retenir de tout cela ? Des preuves supplémentaires de la nocivité du profit. Même lorsqu’ils travaillent en faveur de l’agriculture biologique (nouveau marché en perspective), les mécanismes économiques ne le font jamais sans contrepartie  : exploitation des producteurs et des consommateurs.
L’article de Jean MATEU confirme cela et soulève en même temps d’autres questions.
Trop de cultivateurs pensent que la petite exploitation familiale, telle qu’elle existe actuellement, est une condition de liberté.
A vrai dire, ce n’est pas complètement inexact, si l’on se réfère à certaines conditions du travail en usine ou même au bureau.
Mais cette liberté n’est-elle pas payée trop cher, en travail excessif par exemple ? Peu importe. On ne changera pas les structures agricoles si les agriculteurs ont l’impression qu’on leur propose un nouveau marché de dupes.
Un grand pas serait déjà fait s’ils pouvaient se borner à produire, la collectivité assurant l’écoulement. La récolte ne devrait jamais leur rester sur les bras. dans la mesure où ils ont fait le travail demandé pour obtenir la qualité aussi bien que la quantité.
Si la production est surabondante, ils ne doivent cas être pénalisés. Au contraire, leur revenu doit augmenter, sous réserve d’accepter les modifications que l’intérêt collectif peut estimer nécessaires pour l’année suivante. Mais dans ce cas on devra tenir le plus Grand compte de l’avis des cultivateurs et ne pas imposer des plantes ne convenant pas au sol et au climat. En général, les vieux les connaissent bien.
Les consommateurs auront leur mot à dire, surtout au sujet de la qualité. Mais une fois assurée la garantie du revenu, il sera plus facile de trouver des formules convenant à la fois aux agriculteurs et à l’ensemble de la collectivité. Pourquoi nos concitoyens n’auraient-ils à choisir qu’entre la condition de fonctionnaire à l’ancienne mode soumis et résignés, et les « joies de la libre entreprise », joies perfides s’il en fut ?
Ne peut-on envisager des conditions de travail entièrement nouvelles associant les avantages des deux systèmes et évitant leurs inconvénients ? des tâches dans lesquelles les travailleurs se sentiraient pleinement responsables, sans que cette responsabilité devienne écrasante ? C’est à cela que devrait conduire notre « Service Social ». Comme la garantie du revenu agricole devrait conduire au Revenu Social, ainsi que l’indique Jean MATEU.
Actuellement, cette garantie existe déjà. Mais elle assure aux gros exploitants une énorme rente de productivité pendant que les autres surnagent.
Peut-être y aurait-il un moyen d’améliorer la situation agraire dans notre pays en confiant la répartition des terres à des groupements d’agriculteurs. Cela éviterait les cumuls de certains, qui en ont déjà trop et la misère des autres. Cette mesure concerne particulièrement les terres vacantes. Cela peut être aussi obtenu par une loi.
Tout cela doit viser à l’amélioration de la condition paysanne, qui en a bien besoin. Le surmenage demeure fréquent  : si l’on a des machines, on reste seul pour travailler une surface plus grande, avec des journées aussi longues ou presque. Il faut encourager les G.A.E.C. (groupements agricoles d’exploitation en commun) qui permettent à l’agriculteur d’avoir des loisirs. L’éleveur isolé ne les connaît pas.
Ces groupements nous semblent concilier les avantages de la liberté et ceux de l’exploitation collective. Nous aimerions avoir sur ce point l’opinion d’un membre de G.A.E.C. Et pourquoi ne pas les améliorer  ? P. GUILLOT pourrait nous dire ce qu’il en pense. Il ne s’agit pas là d’un problème intéressant seulement l’agriculture biologique, mais l’amélioration du sort des travailleurs nous concerne tous. Nos lecteurs du monde agricole feront bien de nous signaler comment ils la conçoivent.
Souvenons-nous que l’être humain ne peut vivre qu’en société. Cela lui permet certaines libertés mais lui impose en retour des contraintes.
Toute la question est de savoir quelles contraintes on veut accepter et quelles libertés obtenir. Et il n’y aura pas de véritable liberté sans répartition égale des contraintes.
Des contraintes qui ne pèseront plus guère lorsqu’elles seront la source du bien-être général.
Merci encore à Jean MATEU de sa réponse. Nous reviendrons la prochaine fois à des problèmes plus spécifiques du jardinage biologique.

(1) Et les écologistes ?
(2) Sur le plan de l’étude des méthodes.

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Etranger

Les entreprises et la protection de l’environnement

par P. SIMON
août 1978

LES Etats-Unis semblent avoir pris au sérieux les problèmes de l’environnement. Depuis 1970, le gouvernement fédéral a adopté une série impressionnante de mesures destinées à lutter contre la pollution de l’air et de l’eau, l’emploi abusif des substances toxiques et des insecticides. Des textes officiels traitent de la lutte contre le bruit, de la prévention des accidents du travail, de l’aménagement des zones côtières, de l’exploitation des mines à ciel ouvert et de la mise en valeur des terres incultes. De leur côté, les différents Etats ne sont pas restés sans agir et ont, en particulier, réglementé l’emploi des récipients métalliques à jeter, du genre boîtes pour la bière, qui jonchent si agréablement les rues de Londres, par exemple. Il semble que la plupart des domaines ait été explorée.
Cet ensemble de textes contraignants est, évidemment, loin de faire la joie de tout le monde et les dirigeants d’entreprises, par exemple, ont tendance à renâcler contre ce qu’ils considèrent être une série d’entraves à leur activité. C’est ainsi que l’autorité législative, le Congrès, se trouve prise entre le marteau et l’enclume, c’est-à-dire, entre les défenseurs de l’environnement, nombreux et actifs, et les représentants des patrons dont les intérêts sont forcément autres, à moins qu’ils ne fabriquent des systèmes ou des produits destinés à lutter contre la pollution, un marché qui s’annonce fructueux.

L’AGENCE A DES PROBLEMES

Pour promouvoir la protection de l’environnement le gouvernement fédéral a créé une Agence, c’est-à-dire un organisme officiel. La célèbre C.I.A. est une agence. Mais l’E.P.A. (Agence pour la Protection de l’Environnement) n’a pas été dotée d’un personnel suffisant pour faire respecter les décisions du Congrès.
Ainsi, dans le domaine de l’eau, la loi votée en 1972 impose aux installations industrielles de réduire leurs émissions de produits polluants en deux étapes, d’abord en 1978, ensuite en 1983. Mais les modalités d’application, qui doivent être définies par l’E.P.A., sont loin d’être prêtes dans bien des domaines.
D’autre part, bon nombre d’entreprises ont attaqué devant les tribunaux les décisions de l’E.P.A., souvent sans succès, il faut le dire. Mais, ces actions en justice ont eu pour effet immédiat de retarder la mise en vigueur des mesures décidées et, dans un certain nombre de cas, l’E.P.A. a dû modifier ses exigences en attendant la décision des tribunaux. En outre, les différentes dispositions législatives adoptées par le Congrès n’ont pas été suffisamment coordonnées et l’absence de plan d’ensemble rend l’action fédérale moins crédible. Si l’on ajoute que de nouvelles données du problème de la pollution sont constamment versées au dossier (par exemple, l’importance relative sous- estimée des sources non ponctuelles de pollution de l’eau : « pluies acides », érosion, déversement d’insecticides et engrais d’origine agricole) on a une toile de fond parfaitement floue à la faveur de laquelle les entreprises peuvent espérer tirer leur épingle du jeu.

LES ENTREPRISES RESISTENT

C’est ainsi qu’elles espèrent bien faire modifier les priorités, obtenir de nouveaux délais, des taux plus souples de réduction de la pollution qu’elles engendrent, des normes moins strictes. Elles ont le sentiment de pouvoir aboutir dans ce domaine. Elles se sentent, ou se savent, mieux placées que quiconque, E.P.A. comprise, pour dire ce qu’il est possible de faire et quand, car elles sont au contact même de la réalité, des coûts et des avantages de l’opération anti-pollution. Cependant, les entreprises américaines ont bien conscience du risque qu’elles prendraient en se déclarant ouvertement contre une protection accrue de l’environnement ou simplement en cherchant à freiner l’application des mesures décidées. L’opinion publique, dans son ensemble, ne leur pardonnerait pas cette attitude, et elles le savent. Il leur faut donc avancer prudemment. On peut leur faire confiance.

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Dans certaines stations d’essence américaines on utilise maintenant un pistolet qui s’applique hermétiquement sur l’entrée du réservoir, grâce à un embout en caoutchouc. Sans cette précaution, lorsque l’essence coule, elle chasse les gaz qui emplissaient le réservoir vide et qui, normalement. vont se perdre dans l’atmosphère qu’ils polluent un peu plus. Avec le nouveau système, les vapeurs sont recueillies et renvoyées à la cuve du pompiste. Son application paraît intéressante pour l’environnement... et aussi pour la station service.

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Au delà de l’appât du gain

par R. ROCHE
août 1978

Apportant son témoignage à notre «  tribune libre » du numéro précédent, un de nos correspondants, M. R. Roche, nous a transmis son ouvrage «  Mammon », dont le développement s’apparente pour une grande part à nos thèses. Avec son autorisation, nous en extrayons le passage ci-dessous traitant de l’égalité économique.
« ... Un ingénieur acceptera-t-il de matièregriser au salaire du manoeuvre ? Acceptera-t-on de travailler sans espérer mettre un petit pécule de côté pour monter au-dessus de la masse, sortir de la gangue, profiter de sa valeur personnelle  ? Quel espoir aurait- on ?
Je pourrais déjà répondre ceci : quel espoir a-t-on actuellement ? Oui, peut-être quelques-uns, un sur mille ont un espoir de grimper sur les voisins, mais la masse, quel espoir a-t-elle dans le contexte de maintenant ? Quels sont les salaires ? Et pourtant, ils travaillent !
L’on dit encore : qui voudra se donner du souci, que deviendront la production et le rendement dans de telles conditions ? On a l’exemple russe. Qui acceptera d’effectuer les travaux durs et salissants ? Qui fera des études difficiles et compliquées pour finir payé comme un ouvrier (fond de mépris) et qui voudra, surtout, prendre des responsabilités ? C’est là le grand argument !
Qui entreprendra ? Où seront les hommes dynamiques, honneur de notre magnifique société ? Où seront les savants qui s’intéresseront au perfectionnement de nos armes stratégiques et dissuasives ? Où irait-on !!!
Je ferai tranquillement réponse à ces objections passéistes nourrissant en moi-même la plus totale conviction qu’elles ne tiennent pas. Il est en effet faux d’alléguer que, seul, un intérêt pécuniaire sordide pousse les hommes à agir. C’est les méconnaître. Les preuves contraires foisonnent déjà en notre monde actuel si âpre au gain, si avide, où l’on voit cependant des personnes s’occuper gracieusement d’oeuvres ou d’organisations charitables, de comités d’entraide ou de fêtes, de groupes d’idées, etc.... et qui prennent sur leur peu de temps restant après le travail imposé pour vivre. J’en connais autour de moi, et de tous les âges.
Y avez-vous songé ? Si les hommes avaient, réellement, le choix de leur travail, si ce travail n’était pas entaché du fait d’en enrichir d’autres à ses dépens alors que l’on reste pauvre soi-même, ils se présenteraient d’eux-mêmes aux postes. des plus manuels aux plus élaborés.
Et je dis : un homme qui s’en sait capable ne pourra jamais s’empêcher de prendre des responsabilités même à l’-Sil. Sinon, il ne serait pas heureux.
Un savant ne pourra jamais s’empêcher (le se lancer dans la recherche, même à l’-Sil. Sinon, il serait malheureux. PASTEUR, Pierre et Marie CURIE étaient-ils riches ? L’argent était-il leur objectif ?
J’affirme, et j’ose le dire hautement, le tenant pour indubitable : nul ne refuserait d’assumer le rôle pour lequel il se sent habilité au service de la vie sociale dans un contexte de justice et de paix. Il reste évident que ce comportement n’est pas pensable dans notre monde actuel sous l’emprise de l’argent où règne l’injustice, la peur, où rien ne se dessine vers un quelconque idéal.
Après tout, se sortir du commun, pour une tête bien faite, ce serait sûrement de se voir confier une mission en vue, rare ou savante, au dessus, d’en sentir l’estime, d’en être reconnu, quand, par ailleurs, la société donne tout ce qu’il est possible de donner et qu’on le sait...
La plupart du temps, l’ambition s’arrête à ce que l’on peut faire. Il en est se trouvant bien d’oeuvrer tranquillement sans se mettre en évidence ; alors que d’autres, au contraire, tiennent à assumer une fonction en vue, avec des responsabilités. Cela est plus fort qu’eux, ils ont soif de se mettre en avant, d’être reconnus et de faire admirer leur savoir-faire, à prix égal d’ailleurs.
Nous avons évoqué le « ressort » nécessaire pour pousser les hommes à agir, eh bien ! l’estime en est un. Même dans le contexte actuel, montrez à un pauvre bougre de terrassier que personne ne fait mine de le voir, qu’il a bien compris son boulot, qu’il l’a exécuté comme il faut et que vous êtes content de lui et, soyez-en certain, il deviendra votre homme, il fera tout pour continuer à vous satisfaire.
Chaque homme est naturellement créé pour agir, bouger, faire la chose pour laquelle il se sent une propension particulière. Il suffit de l’aiguiller vers la voie qui lui convient le mieux. Il faudrait lui supprimer les livres, le mettre en prison, pour qu’un être disposé à l’étude n’étudie pas ; pour qu’un être scientifique ne se plonge pas dans la physique, la chimie, la biologie, l’astronomie, la médecine, la psychologie... ; pour que les femmes (certaines, tout au moins) ne s’orientent pas vers des activités de coeur, d’humanité : l’hôpital, les soins, les actions sociales. salvatrices.
Dans la société sans finance ils seront tous là, apportant leurs mains, leur tête, leur coeur : savants, romanciers, musiciens, artistes, mathématiciens, menuisiers, architectes, métallos, maçons, bureaucrates, dactylos, cultivateurs, journalistes, couturières, etc., etc...
Une société riche, luxueuse, opulente et nageant dans l’abondance, qui ne permet pas à ses ressortissants de se réaliser, d’extérioriser leurs vocations, ou ce à quoi ils aspirent, ce qu’ils préféreraient tout simplement, ou ce qu’ils sont capables d’assumer si telle est leur complexion, qui, en outre, promet le chômage, est odieuse, brimante, brisante, génératrice d’un climat d’insatisfaction où l’on ne peut se trouver heureux. C’est bien ce que nous voyons dans le système capitaliste de la libre entreprise que vous tenez tant à défendre parce que.. peut-être, vous êtes du bon côté ou pensez l’être... »

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Sport

A nous la Coupe du Monde

par H. de JOYEUSE
août 1978

SUR le score identique de 2 buts à un, l’Italie d’abord, l’Argentine ensuite, ont éliminé l’équipe de France de la Coupe du Monde de football.
Malgré Lacombe, Platini, Bathenay, Trésor, etc., la «  Bande à Hidalgo » (l’entraîneur) est rentrée aux vestiaires puis en France, les valises vides du glorieux trophée.
Mais la F.F.F.A. (Fédération Française de Football-Association) (1) a décidé de foutre tous ces Jean-foutres à la porte et de constituer une nouvelle équipe.
Le capitaine a été trouvé tout de suite. C’est le sautillant Valéry. Un excellent pro qui jouait de l’accordéon et de la cabrette au F.C. Chamalières, Champion du Mont d’or (Ré la pilule).
Il fallait un homme de poids pour assurer les arrières et la défense. On l’a trouvé en la personne de Raymond (Babarre pour les petites Hongroises), un gros qui a barre sur tout. Court sur pattes, un peu lourd sur terrain gras, parfois ladre, toujours porcinet, il est parfait dans la course (aux prix).
En Ponia on avait trouvé un autre arrière postérieurement, mais il a été éliminé sur blessure (d’amour propre) reçue à l’Isle-Adam. Il joue aujourd’hui à Limoges, comme un général de 14.
A l’aile gauche on a fait confiance à Soissons, un bon dribbleur, qui fait rugir les téléspectateurs chaque fois qu’il fait le fayot, dans les petites lucarnes, pour son capitaine. A l’aile droite, à la place de Rocheteau, on a préféré Bébert Poulin, au déboulé irrésistible et qui monte à l’attaque à cheval au Bois de Boulogne.
Comme inter, on avait songé à de petits gabarits : les deux Michel, Jobart et De-Bré, mais on y a vite renoncé pour cause d’incompatibilité d’humeur. On a dû se contenter d’Y. Von Bourges et Ali Perfide, heureusement plus jeunes et plus dynamiques. Ali présente la particularité d’avoir une paire d’oreilles conçues de telle façon qu’elles lui servent de stabilisateurs pendant des rushs. Lancé trop vite, il peut aussi les utiliser comme rétro-freins. Il est également doté d’une protubérance que l’on nomme, en jargon sportif : « épée académique ».
Au centre, naturellement on place : Le Juste, dit « Dents blanches  » (vieille histoire de publicité pour une marque de publicité de dentifrice qui figurait sur son maillot). C’est une recrue du F.C. Rouen où il a toutes les Carmélites derrière lui comme supportrices. Le Juste est assisté par deux joueurs corses  : Dornano et Dédé Rossi, ex coéquipiers de Claude Papi et J : François Larios au S.E.C. Bastia.
Simone, la Merveille, la seule femme de la bande à Valéry, jouera libero. Avec ses grandes guibolles, il faudra qu’on lui passe sur le corps si l’adversaire veut atteindre les filets défendus par Bébert Galleu.
Bébert Galleu, comme son nom l’indique, est détesté par ses camarades. Ex-Légionnaire, grinçant grincheux, sourire en tôle ondulée, il envoie en touche chaque fois qu’il la touche (la balle, pas Simone). C’est pas un goal, disent ses meilleurs amis, c’est une passoire ! Bref, Bébert n’a plus le moral, il parle de rempiler à la Légion.
Néanmoins, telle qu’elle se pointe, notre nouvelle équipe nationale a belle allure. Style d’ensemble un peu rétro qui fait son charme désuet bourgeois. Côté tactique, elle a fait l’amalgame du W.M. et des primes à la Bourse, du «  Catenaccio » et du contrôle de balle, du « talking  » et de la liberté des prix. Elle ne craint personne pour l’indépendance dans l’interdépendance, pour l’immobilisme actif et le dynamisme statique. Si elle parle, c’est de façon muette et si elle se tait, c’est la voix haute. Bref, comme dit son pitaine Valéry « Avec l’équipe adverse, ça serait pareil ». Donc pas de mauvais sang à se faire, dans 4 ans, on aura la Coupe du Monde de la Connerie mondiale, que le Roi des Carlos nous remettra à Madrid en 1982.
Allez la France, Allez la France, Allez !

(1) F.F.F.A. = Fédération Française des Fauchés d’Argentine,

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Le point de non retour

par M. COUTON
août 1978

POUR fonctionner normalement, le régime économique doit être en équilibre. C’est la production qui dispense à la fois les biens de consommation et le pouvoir d’achat nécessaire à leur absorption. Or, depuis l’avènement du progrès matériel, la production, assurée avec des moyens modernes, de plus en plus perfectionnés, a augmenté considérablement les produits de consommation tout en nécessitant de moins en moins de travail humain. Ainsi la production distribue de moins en moins de pouvoir d’achat.
Le progrès matériel est donc à la fois source d’abondance et cause de chômage. Et comme le pouvoir d’achat distribué par la production est insuffisant pour absorber l’ensemble des produits offerts, il en résulte la rupture de l’équilibre économique et le marasme s’ensuit. C’est ce phénomène que nous constatons aujourd’hui.
Tant que la production fut assurée par le travail manuel ou par des moyens mécaniques limités, l’humanité n’est pas sortie de l’époque de la rareté, et par conséquent, il n’y eut jamais de tels problèmes économiques à résoudre.
Au cours de son évolution, ce régime a parfois été perturbé par des crises économiques dites cycliques, du fait qu’elles apparaissaient spontanément et se résorbaient ensuite. Ces crises avaient déjà pour cause l’apparition de l’abondance dans certains secteurs de la production : dès que la production devient abondante, les possibilités de l’écouler, par le jeu de l’offre et de la demande, s’amenuisent car l’offre devient supérieure à la demande et les prix ont tendance à s’effondrer. Le régime ne peut alors retrouver son équilibre que par de nouvelles sources de production. C’est donc en se créant de nouveaux besoins, souvent plus ou moins artificiels, que l’homme a vu se résorber les premières crises.
Cependant, cela n’a pas toujours suffi. C’est le cas de la plus importante des crises, celle de 1929 : cette crise fut à l’origine de la deuxième guerre mondiale. Elle ne fut résorbée que par cette guerre, tant il est vrai que les crises économiques conduisent à la guerre qui les résout momentanément, en raréfiant produits et moyens de production.
Quant aux besoins des hommes, ils paraissent illimités. Ils sont relatifs à tout ce qui concerne son nécessaire vital, puis à son bien-être et à ses loisirs qui ont nécessité le développement d’équipements très importants, tant collectifs que privés et qui nous semblent maintenant indispensables  ; à sa santé qui, en plus des équipements hospitaliers considérables, exige l’emploi d’un personnel nombreux, etc... On comprend donc combien les besoins des hommes se sont multipliés pendant ce dernier demi-siècle.
La création, souvent involontaire pour l’individu, de ces nouveaux besoins, a permis à notre régime économique de se prolonger tant bien que mal en permettant à la production de maintenir un certain rythme. Mais, le progrès ne s’arrêtant jamais, les moyens de production ont, en même temps, continué à se développer intensément : mécanisation très poussée dans toutes les branches de l’activité, voire même automatisation complète de certaines usines de production, assurant l’abondance des produits.
Arrivé à ce stade de développement le régime ne peut donc se survivre qu’à la condition d’être en constante expansion. Mais l’expansion démesurée, créée par cette nécessité, c’est aussi la course infernale vers l’abîme car il n’est plus possible de s’arrêter et cela nous conduit aux pires catastrophes : course aux armements avec les risques de guerre qui en découlent, gaspillages scandaleux, dégradation de la nature, etc...

CE QU’ON APPELLE LA CRISE

Ce que nous appelons actuellement la crise n’est pas dû à de grandes catastrophes naturelles générales, détruisant les ressources de l’humanité. Les tremblements de terre et les raz de marée, sans être exceptionnels, sont cependant géographiquement très limités ; le gel, la grêle, les inondations, la sécheresse et les incendies ne sont pas des catastrophes plus importantes que dans le passé. Bien au contraire, l’homme du XXe siècle est, dans beaucoup de cas, capable de lutter efficacement contre ces fléaux. Dans une certaine mesure les maladies de l’homme et des animaux domestiques dont il fait sa nourriture, ont été vaincues par les découvertes modernes.
Non ! Matériellement rien ne s’est aggravé, bien au contraire. Ce que nous appelons la crise c’est en réalité l’aboutissement logique d’un système économique qui, après avoir eu une marche ascendante et avoir atteint son point culminant, a pris le chemin de la descente et se trouve désormais au bout de sa course. Si le chemin de la montée fut extrêmement lent, celui de la descente, par contre, est d’une rapidité vertigineuse. La crise actuelle est donc, en réalité, la conséquence d’une production pléthorique encore jamais atteinte dans le passé.
Le progrès matériel ayant amené sur le marché l’abondance des produits de consommation sans distribuer la contre partie en pouvoir d’achat, l’équilibre économique, demeuré précaire depuis le début de l’ère de la révolution mécanicienne, s’est rompu. Et du fait que le rythme de développement des moyens de production est plus rapide que celui des moyens de l’écouler, le déséquilibre économique est devenu permanent et ne pourra que s’accentuer au fur et à mesure de l’évolution mécanicienne. Le déséquilibre économique a donc atteint un point de non retour.

(Extrait de « Pour comprendre ce qui ne va pas  »)

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Tribune libre

Une approche nouvelle

août 1978

La plupart de nos lecteurs se demandent ce qu’il faudrait pratiquement entreprendre pour qu’un plus grand nombre de nos contemporains admettent les thèses de J. Duboin.
Nous sommes convaincus de leur justesse.
Il est probable, cependant, que leur application intégrale nécessitera une évolution des faits et, surtout, des esprits.
Cela suppose, hélas ! un délai assez éloigné. Et c’est surtout cela qui découragé nombre de ceux qui nous comprennent.
En attendant, et sans abandonner notre but final, pour lequel nous devons continuer à militer, ne serait-il pas possible de proposer l’utilisation dès à présent de structures actuelles du capitalisme afin d’amorcer certaines thèses d’une Economie Distributive ?
Sans que cela puisse constituer un réformisme, on pourrait, par exemple, imaginer ce qui suit :
La monnaie est actuellement créée par les mécanismes du CREDIT. Utilisons donc ce processus, qui est compris et admis par tout le monde et particulièrement les commerçants. Et modifions-le ainsi :
Les détaillants ne vendront plus qu’aux prix imposés par leurs fournisseurs. Les factures de ces derniers seront ventilées pour permettre à l’Institut d’Emission de créditer les comptes des intéressés.
L’Etat sera une des principales parties prenantes. En conséquence, il disposera ainsi de moyens financiers qui permettront d’attribuer un Revenu Social aux citoyens de toutes catégories ne contribuant pas, ou plus, à la production ou à la distribution.
Ce schéma, très simplifié, mais qui a déjà fait l’objet d’une étude plus détaillée, pourrait constituer ultérieurement une base pour la création d’un « Mouvement Distributiste ».
Il est proposé par un groupe de Camarade des Alpes Maritimes. Il serait heureux de connaître, par l’entremise de « La Grande Relève », l’opinion de nos lecteurs sur cette approche nouvelle d’une réalisation pratique.

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