Le site est passé à sa troisième version.
N'hésitez-pas à nous transmettre vos commentaires !
Merci de mettre à jour vos liens.
Si vous n'êtes pas transferé automatiquement dans 7 secondes, svp cliquez ici
21 mars 1978, date historique
DANS les deux premières parties (1) de cette
étude, nous avons montré que l’accroissement du chômage,
amorcé ces dernières années, allait augmenter de
façon inéluctable tant en France que dans la Communauté
Européenne et les pays semblablement développés.
Nous l’avons montré, chiffres officiels à l’appui, pour
répondre aux « optimistes » qui parlent de crise
cyclique et attendent encore le plein emploi grâce à une
miraculeuse relance.
Ce qui nous permet d’affirmer que même une relance générale
ne viendra pas à bout du chômage dans la plupart des secteurs
de la production, c’est que c’est par l’intermédiaire d’investissements
nouveaux qu’économistes et hommes de gouvernements ont d’abord
cherché à le résorber. Nous avons montré
qu’à chaque fois, ces investissements s’accompagnent de nouvelles
suppressions d’emplois. La raison est simple, elle a été
expliquée ici- même depuis des années par Jacques
Duboin : les investissements les plus rentables sont ceux qui suppriment
de la main d’oeuvre. Et comme la rentabilité prime en économie
de marché...
C’est sans beaucoup d’effet que certains gouvernements ont conditionné
leur aide financière à la création de nouveaux
emplois (Belgique, Irlande). En Grande-Bretagne et en Italie, on s’est
plutôt tourné vers un allègement des charges salariales
pour les entreprises. Le gouvernement néerlandais va même
plus loin puisqu’il verse aux entreprises des sommes destinées
à compléter les salaires des travailleurs embauchés
au-dessous d’un certain traitement (2).
Les efforts les plus grands ont dû être orientés
vers l’embauche des jeunes : une loi oblige les entreprises belges à
embaucher comme stagiaires des jeunes au chômage ; en Allemagne
Fédérale, des programmes d’instruction professionnelle
et de formation permanente sont spécialement destinés
aux chômeurs et surtout aux jeunes. En France, le gouvernement
a pris en charge les cotisations patronales des jeunes. En Irlande,
c’est une prime à l’emploi qui est accordée pour l’embauche
des jeunes chômeurs.
Parallèlement à ces mesures tendant à augmenter
les offres d’emploi (même temporaires...) , on a cherché
à restreindre la demande, mais de façon plus timide. En
France, en Belgique, en GrandeBretagne on a donné à certains
travailleurs la possibilité de prendre une retraite anticipée...
mais il faut en contrepartie que l’emploi ainsi libéré
soit donné à un chômeur. Aux Pays-Bas, le travail
à mi- temps est encouragé. En Allemagne, on a reculé
l’âge minimum pour entrer dans la vie active. En France, on a
offert une prime de 10 000 F aux travailleurs étrangers acceptant
de rentrer dans leur pays. D’autres mesures spécifiques ont été
essayées en France, au Danemark et au Luxembourg : relèvement
des allocations familiales, possibilité d’interruption prolongée
d’activité rémunérée, limitation des heures
supplémentaires, extension de congés à salaire
réduit.
La communauté européenne contribue à ces efforts.
Le fonds de développement régional va être utilisé
pour une politique orientée en priorité vers la résorption
du chômage. Le fonds social européen, par suite d’une décision
du conseil des ministres de juillet 1975, va désormais subventionner
l’emploi des jeunes, notamment par le biais de la formation professionnelle
(2).
*
Toutes ces mesures montrent bien que face au chômage
inéluctable, prévisible, voulu par la nature même
des recherches effectuées par tant de générations
avant nous, il n’y a pas d’autre remède que l’Economie Distributive
(3) dont elles sont l’amorce évidente.
Un peu de bon sens, voyons ! De quoi manque-ton ? De rien. On a de quoi
produire pour nourrir et entretenir une population bien supérieure
à celle du pays. La terre ne demande qu’à produire plus,
les usines à tourner, les entreprises à entreprendre et
les consommateurs les moins riches à consommer plus. Cependant
qu’on détruit des denrées alimentaires pour en maintenir
les prix et que le nombre d’entreprises en faillite vient, d’après
l’INSEE, d’augmenter de plus de 17 % ces derniers mois ! Alors ? Où
est le caillou qui coince l’engrenage ? Il réside dans le fait
qu’on continue à évaluer les besoins des gens au contenu
de leur porte- monnaie, lequel ne se remplit que si son propriétaire
a trouvé un travail à faire. Or depuis que l’homme est
sur terre, il cherche les moyens de faire faire le travail nécessaire
à son entretien par d’autres que par lui ! Son ingéniosité
lui a permis d’abord d’inventer quelques outils rudimentaires puis à
domestiquer des animaux. Tant que ces moyens limités ne faisaient
que le soulager partiellement, il a dû s’organiser en une société
basée sur l’échange, le marché, donc le profit.
Mais ces temps sont révolus avec l’automatisation et les procédés
modernes. On peut produire suffisamment sans faire travailler tout le
monde et toujours. Il est donc nécessaire de dissocier travail
et revenus : répartir le travail mais en même temps distribuer
des revenus à tous de façon à ce que tout le monde
puisse vivre le mieux possible, héritant ainsi de tant d’efforts déployés dans ce but.
*
Il faudra bien, heureusement, en arriver là.
Mais auparavant, tout aura été essayé même
l’impossible pour sauvegarder les bonnes habitudes et le sacro-saint
profit. Cela devient apparemment de plus en plus difficile. N’est-ce
pas le dernier combat que fut à Bonn la conférence au
sommet ? Deux chefs d’Etat, dont celui du pays le plus industrialisé
du monde, et notre bon V.G.E., cinq chefs de gouvernement, ceux du Canada,
du Japon, de l’Allemagne Fédérale, de la Grande-Bretagne
et de l’Italie, accompagnés de leurs ministres des Affaires Etrangères,
de l’Economie et du Commerce Extérieur, ont déclaré
clairement lors de la réunion des 16 et 17 juillet : «
Notre principal souci est le chômage ». Le président
Carter a eu beau proclamer que « chacun est allé à
la limite de ce qu’il pouvait faire », il n’en reste pas moins
que leurs déclarations d’intention n’émeuvent plus personne
tant on sait d’expérience que les réunions au sommet passent
mais les problèmes demeurent.
Ces déclarations, qu’on veut faire paraître efficaces,
pèseront en effet bien peu face à la loi du profit ! On
en aura encore la preuve à l’issue des négociations commerciales
multilatérales de Genève, dès la fin de cette année...
(1) Voir n°` 757 et 758 de « La Grande Relève
».
(2) B. Seidel, DIW-Wochenbericht, 21-12-1977.
(3) Voir ci-dessous pages 15 et 16.
DOSSIER ECOLOGIE
DEPUIS quelques années, et à une cadence
croissante, de nombreux jeunes urbains consacrent leurs vacances à
la recherche d’un mode de vie totalement différent, soit en s’incorporant
en équipes pour réanimer des villages moribonds, soit
en participant sans aucun échappatoire à divers travaux
ruraux. Il advient même de plus en plus souvent que des couples
prolongent l’expérience bien au-delà des vacances et tentent
une adaptation totale incorporant la vie familiale et professionnelle
: remise en état d’habitats plus ou moins abandonnés,
puis essais de cultures biologiques (souvent réussies) ou choix
d’un artisanat à caractère utilitaire ou artistique (poteries,
vêtements tissés à la main, ferronneries, conserves
alimentaires, etc...).
Eh bien ces initiatives ne sont pas du goût de Mme Benoîte
GROULT qui leur a consacré son « Billet du jour »
du 15 février 1978 sur France- Inter.
UN COMPLOT DE MALES
D’après cette éminente journaliste,
la plus grande méfiance s’imposerait aux femmes qui seraient
tentées par ces aventures écologiques dans lesquelles
elle croit pouvoir dénoncer un subtil complot ourdi par les mâles
pour mieux remettre sous le joug des compagnes susceptibles d’être
subjuguées par les sirènes émancipatrices. A toutes
ces jeunes filles ou jeunes femmes toutes prêtes à tricoter,
à tirer l’eau du puits, à faire des confitures, Mme Benoîte
GROULT lance un solennel avertissement : casse-cou ! Assoiffés
de revanche, les hommes ont vu là une occasion inespérée
de renforcer les structures patriarcales déclinantes et, en quelques
années, de transformer de ravissantes jouvencelles en Mères
DENIS !
Evidemment, il fallait y penser...
RETOUR AUX SOURCES
Dans ce journal, nous avons récemment dénoncé
l’exploitation éhontée des « modes » écologiques
et mis en évidence ce qu’elles pouvaient comporter à la
fois d’inefficace et même de dangereux dans la mesure où
elles contribuent à endormir l’opinion et à la détourner
des vrais problèmes (Voir « G.R. » n°750).
Nous n’en sommes que plus à l’aise aujourd’hui pour inciter les
jeunes à persévérer dans ces manifestations, profondément
symboliques d’une saine volonté de rejet de nos sociétés
de consommation forcenée de produits inutiles et même nuisibles.
En réalité ces jeunes cherchent à se prouver à
eux- mêmes et aux autres, en payant de leur personne, que l’être
humain peut asseoir son bonheur en s’assurant d’abord la satisfaction
de ses vrais besoins, équilibre familial, calme, air pur, nourriture
saine, logement et environnement à sa mesure, même s’il
faut, pour cela, sacrifier provisoirement ou peut-être définitivement
certains éléments du confort. Et, à cet égard,
il faut bien faire la différence entre des gadgets sans véritable
objet, générateurs de profits confortables, et les machines
qui permettent une véritable libération féminine
par la suppression des tâches répétitives, mécaniques
et fatigantes.
Chaque fois que ce sera possible sans sacrifier l’essentiel, oui à
la machine à laver et à l’aspirateur, mais non à
la nourriture industrielle et chimique, non aux 3 heures d’allées
et venues journalières, non à toute cette vie factice,
agitée et fébrile qui comble peut-être les émules
de Mme GROULT, mais que d’autres femmes ont bien le droit de rejeter
sans retomber pour autant dans les pires servitudes moyenâgeuses.
Et d’ailleurs, cette prise de conscience de la jeunesse, ces essais
plus ou moins naïfs et réussis de véritables retours
aux sources ne constituent- ils pas la meilleure préparation
des esprits à ce que pourrait être l’existence au sein
d’une économie des Besoins, précisément axée
sur la suppression des gaspillages et la réalisation de tous
les épanouissements individuels ?
Merci à M. Saillard de nous avoir fait parvenir la photocopie des extraits parus dans la « Revue de l’Entreprise » de mai 1978, de la communication intitulée « Stratégie pour les années 80 », préparée pour le Congrès Mondial de la Fédération internationale des ouvriers sur métaux, par Wassily Léontief. Professeur à l’Université de New-York, économiste, écrivain et philosophe, il a reçu le prix Nobel de Sciences Economiques en 1973.
_________________
LES « économistes distingués »
dont le monde entier est affligé, et plus particulièrement
les nôtres, devraient bien se pencher sur ses travaux, Raymond
Barre en tête ! Que ressassent-ils depuis des années ? Oui,
les machines évincent la main-d’oeuvre, mais d’ajouter aussitôt
qu’un nombre égal, voire plus important, de nouveaux emplois
sera nécessairement créé dans l’industrie des machines
et branches annexes.
Est-ce réellement le cas, demande M. Léontief ? Sa réponse
est non. « On peut dire que les machines nouvelles peuvent réduire
la demande totale de main-d’oeuvre humaine de la même façon
qui, il y a une génération, a conduit au remplacement
du cheval de trait par le camion, le tracteur et l’automobile. Prétendre
que les travailleurs évincés par les machines trouveront
inévitablement de l’emploi pour construire ces mêmes machines
n’a pas plus de sens que de s’attendre à ce que les chevaux remplacés
par des véhicules mécaniques puissent être utilisés
directement dans les différentes branches de l’automobile !!
».
Evidemment, le passage de l’animal au moteur a provoqué, par
" l’action des forces aveugles du marché " bien des
désordres, mais la « transition se serait faite sans le
moindre accroc dans un système organisé capable d’anticiper
le changement et de s’y préparer ». C’est ce que nous nous
efforçons de faire comprendre depuis bien longtemps ! En vain,
d’ailleurs, il suffit en effet de considérer l’action gouvernementale
actuelle.
FAUSSE ROUTE
« Un des moyens de faire face au chômage
technologique potentiel réside dans la création de nouveaux
emplois et dans la conservation des emplois existants par un accroissement
des investissements, c’est-à-dire par la croissance économique.
Mais cette possibilité a des limites précises. Dans sa
poursuite du plein emploi par un volume sans cesse croissant d’investissements
productifs, la société se retrouverait finalement dans
la situation du miséreux qui se prive du minimum tout en épargnant
de plus en plus et ce nonobstant son revenu annuel qui augmente régulièrement.
»
A vous M. le chef du gouvernement, vous le plus grand économiste
de France, et à votre cohorte de ministres, sous-ministres, énarques
et technocrates bornés.
A vous Mitterand, Marchais, Séguy, Maire, Bergeron, Attali, Rocard
et Cie, révolutionnaires en retard d’une révolution !
QUE FAIRE ?
C’est ici, Wassily Léontief, que vous êtes
bien près de la solution, très près, vous brûlez
mais passez encore à côté. Que dites-vous : «
Dans une société utopique où chacun combinerait
les fonctions de détenteur du capital et de la terre, la substitution
de machines à la main d’oeuvre ne poserait aucun problème
: la part du revenu dérivée du travail diminuerait graduellement
tandis que s’accroîtrait la part revenant au compte de capital.
De plus le revenu global provenant de ces différentes sources
croîtrait. »
Eh bien ! Il vous suffit de vous rendre compte que la terre et ses ressources
sont propriété de la Nation et que le capital, en l’occurence
l’équipement technique, fruit du travail des générations
précédentes et de la nôtre en particulier, est donc
aussi propriété de la Nation tout entière. La solution
coule de source ! Chaque citoyen accomplira sa fonction de travailleur
pendant un temps. C’est le Service Social ! De sa naissance à
sa mort, il sera crédité au compte de sa part de capital.
C’est le Revenu Social !
Je souhaite que ce numéro de « La Grande Relève
» vous parvienne et que vous vous penchiez sur nos solutions.
Il y a plus de 40 années que Jacques Duboin mit tous ces faits
en pleine lumière, en a tiré toutes les conséquences.
La lecture de ses ouvrages éclairerait l’économiste qui
ne pourrait qu’apprécier la justesse de ses analyses ; son style
ferait l’admiration de l’écrivain, et son humanisme ne saurait
qu’émouvoir le philosophe. J’y ajouterai « Looking backward
», titre français « Cent ans après »,
roman d’un Américain comme vous : Edward Bellamy, écrit
à une époque où radio et télévision
étaient deux invraisemblables utopies !
Bien sincèrement à vous.
________________
N.-B.- M. Ulrich Briefs, économiste ouest-allemand,
a déclaré au congrès I.F.I.P. de Toronto :
40 % des cols blancs au chômage et 20 % des ouvriers sans emploi
le sont du fait de l’informatique, ce qui explique 15 % des suppressions
d’emploi depuis 1970 ». Le président de la session, Olaf
Engberg, en conclut que « les règles économiques
ne fonctionnent plus ; il faut développer de nouvelles attitudes
en face de l’emploi ». Le « Computerworld » revue
consacrée à l’informatique ajoute : « Il est nécessaire
de mettre la question publiquement à l’ordre du jour, même
si cela doit être douloureux ».
A vous Monsieur le Président Giscard d’Estaing, et, révérence
parler, de grâce, qu’il ne soit plus question d’actionnariat ouvrier,
lequel rappelle le vieux slogan de 1936 : « les usines aux ouvriers
», que les travailleurs parisiens faisaient suivre avec humour
de : « la mine aux mineurs »... la banque aux banquiers
et la ceinture aux chômeurs !! Ils avaient déjà senti
que là n’était pas la solution.
Priez donc votre Premier ministre « d’envisager un système
capable d’anticiper le changement et de s’y préparer ».
Et si dans cette tâche il se montre moins brillant que dans celle
d’épigone d’Adam Smith, nous sommes quelques-uns à pouvoir
lui donner des idées.
Le Bureau International du travail constate que, pour les jeunes, le
travail n’est plus une fin en soi. Selon P. Melvyn, chercheur au B.
I. T. : « Il est question de réduire progressivement les
horaires de travail avant la retraite.
Pourquoi ne pas inverser le processus pour les jeunes, de sorte qu’ils
puissent débuter avec des horaires allégés et augmenter
progressivement la durée du travail ? On ne tient compte que
trop rarement des besoins des travailleurs. La tendance est toujours
d’adapter le travailleur à ’emploi et non l’inverse : donc une
réorientation fondamentale et en profondeur de l’activité
est nécessaire.
On a le droit de reprocher à la société de culpabiliser
les jeunes en leur donnant le sentiment que le chômage est une
tare et qu’il est toujours synonyme de paresse et d’échec.
La société devrait admettre que, durant la vie professionnelle,
il peut y avoir des périodes de chômage, ce qui n’est pas
nécessairement négatif. Le chômage n’apparaîtrait
plus comme une tare, si, conçu dans un cadre de système
de sécurité sociale, qui assurerait un revenu, cette interruption
temporaire de l’activité professionnelle était mise à
profit pour tin recyclage ou pour des étude... »
*
Dans un article qu’il intitule « Ticket d’entrée
» (Le Monde du 27-6-1978), Pierre Drouin, faisant le point sur
les propositions concernant la réduction des inégalités
sociales, se demande « comment modifier l’opinion moyenne, rappeler
qu’un homme en vaut un autre, fut-il clochard, handicapé de naissance,
voué aux travaux les moins « reconnus » par la société
? ».
Puis P. Drouin nous fait part de l’idée géniale et très
simple qu’il vient de découvrir dans le livre de Jean-Baptiste
Jeener qui a pour titre : « Délivrer le travail »
: « En attendant qu’une redistribution des revenus par l’impôt
ou autrement diminue substantiellement les écarts entre riches
et malheureux, il faudrait qu’une « allocation de vie »
soit versée à chaque Français. Du seul fait qu’il
est né et qu’il a, par là même, des besoins incompressibles,
il toucherait mensuellement un millier de Bancs (la somme serait évidemment
révisable avec le coût de la vie). Une économie
développée doit pouvoir sans trop de dommages verser ce
« ticket d’entrée » dans la vie à chaque membre
de la communauté. La formule entraînerait en effet la suppression
des allocations familiales, les indemnités de chomage, d’une
partie des aides aux personnes âgées, aux veuves de guerre,
etc...
La réforme suggérée par M. Jean-Baptiste Jeener
est radicale et simple : nul n’aurait besoin de faire une déclaration
pour obtenir son minimum vital. L’acte de naissance déclencherait
automatiquement le versement mensuel qui se poursuivrait jusqu’à
la mort. On ne pourrait parler d’assistance puisque le « fils
de famille » comme l’enfant d’O.S. toucheraient la même
chose. Les parents bénéficieraient de cette prime jusqu’à
ce que l’enfant subvienne à ses besoins...
M. Jeener fait des calculs. Compte tenu de l’allègement de certaines
charges que supporte aujourd’hui la nation, grâce à cette
innovation, l’opération reviendrait en France à quelque
300 milliards de francs par an. Cette somme équivaut au sixième
du produit intérieur brut ».
Nos fidèles lecteurs auront reconnu là un certain nombre
de principes fondamentaux de l’économie distributive, mais ils
s’étonneront avec moi qu’un journaliste économique comme
P. Drouin n’ait pas déjà eu connaissance des travaux de
Jacques Duboin et ait dû attendre la sortie du livre de J.-B.
Jeener pour nous parler de revenu social.
P. Drouin ne semble toutefois pas convaincu, il parle « d’économie-fiction
» ; il ne voit cela possible que dans une génération
ou deux. P. Drouin devrait regarder plus attentivement autour de lui.
*
Il faudra pourtant bien arriver à l’Economie
distributive, car c’est le seul moyen (c’est ça ou la guerre)
qui permettra de sortir de « Ce qu’on appelle la crise »,
crise dont tout laisse présager l’aggravation.
En effet, dans un document établi pour le Commissariat Général
au Plan, document intitulé « La France à l’horizon
1983 », l’I.N.S.E.E. annonce à la fois une forte aggravation
du chômage, une persistance de l’inflation, une croissance ralentie
et une quasi-impossibilité de financer les dépenses croissantes
de la Sécurité Sociale.
Malgré une expansion plus rapide qu’à l’étranger,
le chômage devrait continuer à s’aggraver en France, le
gain de, productivité prévu (4,2 % par an et même
4,5 % à partir de 1979) dépassant sensiblement les progrès
de la production. De sorte que, selon l’I.N.S.E.E., le seuil de un million
cinq cent mille chômeurs serait atteint avec une moyenne de cent
mille sans- emploi supplémentaires chaque année.
Et l’I.N.S.E.E. ne tient pas compte dans ses prévisions des progrès
importants de productivité qui se manifestent dans le secteur
des services notamment grâce à l’informatisation du travail
de bureau.
SOIT DIT EN PASSANT
De toutes les nationalisations réalisées
non sans mal et après des débats passionnés par
les gouvernements de la IVe et Ve République, il en est une qui
s’est faite discrètement, sans tapage, sans publicité,
ni vote du Parlement. Si discrètement qu’elle est passée
à peu près inaperçue. C’est, vous l’ignorez sans
doute, celle des « marchands de canons ».
Au bon vieux temps de la libre entreprise, que l’on n’appelait pas encore
le libéralisme avancé, quand l’Etat ne venait pas fourrer
son nez partout, comme aujourd’hui, dans nos affaires, et laissait les
citoyens de ce pays se débrouiller sans trop de tracasseries
pour gagner leur bifteck, le premier venu, sans connaissances spéciales,
pour peu qu’il eut des relations mondaines, son bureau dans un beau
quartier et une absence totale de scrupules, pouvait s’installer dans
le grand bizeness, celui des armes et autres joujoux guerriers, et y
faire fortune. Aussi facilement que dans le prêt-à-porter
ou dans la limonade.
Ce temps-là est fini. C’est l’Etat, désormais, qui, soucieux
sans doute de moraliser la profession, - en avait-elle donc besoin ?
- s’est substitué un beau jour à ceux que l’on appelait
les « marchands de canons » pour vendre directement à
tous les pays qui en demandent - et ca fait beaucoup de monde - le matériel
militaire nécessaire pour s’entretuer. Avec le mode d’emploi
; service après-vente, et. en prime, un ennemi héréditaire
en état de marche et un casus belli garanti sur facture.
La noble industrie du casse- pipes, nationalisée, marche bien,
merci. Elle n’est pas en déficit comme la S.N.C.F. Jamais, sauf
en temps de guerre déclarée, la fabrication, le commerce
et le trafic des armes, en France et dans le monde, n’ont été
aussi florissants. Séduits par les modèles de plus en
plus sophistiqués que leur offrent les commis-voyageurs des nations
occidentales., les pays sous-alimentés du tiers-monde trouvent
le moyen de dépenser l’argent qui aurait pu servir à soulager
leur misère pour acquérir les joujoux de mort qui les
élève au rang d’hommes civilisés.
Et la France, si elle est depuis longtemps à la traîne
dans le domaine de la recherche scientifique ou de progrès social,
arrive - saluez, Messieurs ! - en troisième position derrière
les Etats-Unis et l’U.R.S.S. sur le marché mondial des livraisons
d’armes.
C’est plutôt bon signe, non ? Mais n’allez pas le crier sur les
toits. Ça pourrait gêner M. Giscard d’Estaing qui vient
de proposer à l’O.N.U. son fameux plan, non pas de désarmement,
comme on voudrait vous le faire croire - faut quand même pas exagérer
- mais de limitation des armements, et lui faire perdre peut-être
sa chance de décrocher le prix Nobel, selon le souhait exprimé
par un Omar Bongo, président du Gabon.
Ce n’est pas le moment de se vanter. Par contre, gardons-nous de tomber
dans le pacifisme bêlant en rappelant inopportunément,
comme le faisait « La Grande Relève » dans son numéro
de juin, ces paroles de Jean Rostand prononcées peu avant sa
mort :
« Si, pendant la durée de ma vie, tous les Etats du monde
avaient consacré à la recherche biologique les sommes
qu’ils ont consacrées à l’armement, l’espérance
de vie serait aujourd’hui portée à 120 ans et la jeunesse
jusqu’à 90 ans ».
Revenons sur terre. Et regardons la réalité en face, au
lieu de nous laisser séduire par de dangereux utopistes.
Si le rêve du doux Jean Rostand était réalisé,
si l’espérance de vie se trouvait portée à 120
ans et si les hommes restaient jeunes jusqu’à 90 ans, ca poserait
des problèmes pour l’Agence nationale de l’emploi, la sécurité
sociale, les maisons de retraite, et j’en oublie.
Problèmes insolubles dans le système prix-salaires-profits.
Même le meilleur économiste français, le professeur
Raymond Barre, en dépit de ses belles promesses pré-électorales,
ne réussit pas mieux que ses prédécesseurs à
sortir notre pays du marasme dans lequel il patauge et continue de s’enfoncer.
M. le professeur se contente d’inviter les Français à
se serrer la ceinture : « Le pays, déclare- t-il, ne peut
vivre au-dessus de ses moyens. Je le dis aux particuliers et à
l’Etat ».
Le moment serait donc mal choisi, comme le voudrait Giscard, de limiter
les armements. Ca n’arrangerait pas notre situation économique
et aggraverait le malaise social.
Au contraire, nous devons fabriquer et vendre des armes. Le général
Méry, tout général qu’il est, en reconnaît
la nécessité économique :
« L’indépendance de notre défense exige une industrie
d’armement nationale. Or, notre marché intérieur est trop
restreint pour la rentabilité de cette industrie. Donc, l’indépendance
de notre défense nous oblige à exporter de l’armement
».
D’ailleurs, nos armes, Giscard nous l’a dit sans rire, sont des armes
défensives. Ce qui change tout. Quant à savoir ce qui
distingue les armes défensives des armes offensives, je laisse
à de plus compétents que moi le soin d’en juger. L’important
c’est de continuer à fabriquer et à vendre des armes appelées
défensives pour soulager notre conscience, assurer le plein emploi
et relancer les affaires.
Ainsi, les éventuels candidats au prix Nobel de la Paix pourront
toujours proposer, sans courir de risques, la limitation des armements
à la tribune de l’O.N.U.
Les questions agricoles :
L’UNE des plaies du métier d’agriculteur est
la dépendance en face des marchands d’engrais et de pesticides...
Il faudrait que les services agricoles les renseignent objectivement,
fassent contrepoids. Or, pendant longtemps, ils ont enseigné
eux-mêmes les classiques méthodes N.P.K. Heureusement,
certains d’entre eux ont réagi avec vigueur et divulguent aujourd’hui
les méthodes biologiques.
L’I.N.R.A. (Institut National de la Recherche Agronomique) se met aussi
à les expérimenter.
Il ne faudrait pas non plus que certains réseaux fournisseurs
d’amendements naturels tombent dans le même travers, imposent
leurs produits à un prix abusif et leur méthode.
Aux consommateurs d’exiger des produits sains ! Aux électeurs
de réclamer une aide particulière en faveur des agriculteurs
désireux de se reconvertir et l’enseignement officiel des méthodes
biologiques. C’est vrai que la reconversion peut coûter cher,
le rendement baisser les premières années. La solitude
morale n’est certainement pas non plus un vain mot.
Ici, des associations comme « Nature et Progrès »
peuvent jouer un rôle. Mais « Nature et Progrès »
(1) n’est pas encore implantée partout. D’autres, comme «
l’Union Fédérale de la Consommation » (Que choisir
?) devraient l’épauler fortement. Partout, des groupements peuvent
se constituer pour l’achat direct aux producteurs.
La spéculation sur le « mode biologique » est une
réalité qui peut encourager les intermédiaires
; mais pas les producteurs, dont le revenu n’augmente pas, alors que
les nouvelles méthodes exigent davantage de travail (en maraîchage
du moins) . Les groupements d’achat sont un moyen d’éviter cela.
Que les agriculteurs ne s’imaginent pas, cependant, que l’augmentation
des prix, suffira à résoudre leurs problèmes. Comme
nous l’avons déjà souligné, il n’y aura pas de
solution possible tant qu’il restera dans notre pays des millions de
pauvres.
Le contrôle de la qualité est un autre moyen de promouvoir
la vraie culture biologique. Si les tricheurs ne nous intéressent,
pas (2), ils n’en portent pas moins un grave préjudice au mouvement.
Là encore, les groupements de consommateurs ont un rôle
à jouer : imposer les analyses aux pouvoirs publics ou les faire
effectuer eux-mêmes, ce qui revient trop cher à un isolé.
Reste le cas des agriculteurs en reconversion : on ne devra pas en exiger
des produits irréprochables. En contrepartie, on ne pourra leur
donner tout de suite le label.
Sur les divers points que nous venons d’exposer : problèmes de
reconversion, fraudes, nécessité de contrôle, nous
ne pouvons qu’être d’accord avec Anne Gaillard. Nous ferons remarquer
cependant que la diffusion des études biologiques se fait, dans
le monde agricole, autant que possible.
A elle de l’amplifier pour vaincre la conspiration du silence. S’il
est vrai que certains ouvrages sont difficiles à lire, d’autres
sont très clairs. Effectivement. Toutefois, nous gagnerons toujours
à un effort dans ce sens.
Que faut-il retenir de tout cela ? Des preuves supplémentaires
de la nocivité du profit. Même lorsqu’ils travaillent en
faveur de l’agriculture biologique (nouveau marché en perspective),
les mécanismes économiques ne le font jamais sans contrepartie
: exploitation des producteurs et des consommateurs.
L’article de Jean MATEU confirme cela et soulève en même
temps d’autres questions.
Trop de cultivateurs pensent que la petite exploitation familiale, telle
qu’elle existe actuellement, est une condition de liberté.
A vrai dire, ce n’est pas complètement inexact, si l’on se réfère
à certaines conditions du travail en usine ou même au bureau.
Mais cette liberté n’est-elle pas payée trop cher, en
travail excessif par exemple ? Peu importe. On ne changera pas les structures
agricoles si les agriculteurs ont l’impression qu’on leur propose un
nouveau marché de dupes.
Un grand pas serait déjà fait s’ils pouvaient se borner
à produire, la collectivité assurant l’écoulement.
La récolte ne devrait jamais leur rester sur les bras. dans la
mesure où ils ont fait le travail demandé pour obtenir
la qualité aussi bien que la quantité.
Si la production est surabondante, ils ne doivent cas être pénalisés.
Au contraire, leur revenu doit augmenter, sous réserve d’accepter
les modifications que l’intérêt collectif peut estimer
nécessaires pour l’année suivante. Mais dans ce cas on
devra tenir le plus Grand compte de l’avis des cultivateurs et ne pas
imposer des plantes ne convenant pas au sol et au climat. En général,
les vieux les connaissent bien.
Les consommateurs auront leur mot à dire, surtout au sujet de
la qualité. Mais une fois assurée la garantie du revenu,
il sera plus facile de trouver des formules convenant à la fois
aux agriculteurs et à l’ensemble de la collectivité. Pourquoi
nos concitoyens n’auraient-ils à choisir qu’entre la condition
de fonctionnaire à l’ancienne mode soumis et résignés,
et les « joies de la libre entreprise », joies perfides
s’il en fut ?
Ne peut-on envisager des conditions de travail entièrement nouvelles
associant les avantages des deux systèmes et évitant leurs
inconvénients ? des tâches dans lesquelles les travailleurs
se sentiraient pleinement responsables, sans que cette responsabilité
devienne écrasante ? C’est à cela que devrait conduire
notre « Service Social ». Comme la garantie du revenu agricole
devrait conduire au Revenu Social, ainsi que l’indique Jean MATEU.
Actuellement, cette garantie existe déjà. Mais elle assure
aux gros exploitants une énorme rente de productivité
pendant que les autres surnagent.
Peut-être y aurait-il un moyen d’améliorer la situation
agraire dans notre pays en confiant la répartition des terres
à des groupements d’agriculteurs. Cela éviterait les cumuls
de certains, qui en ont déjà trop et la misère
des autres. Cette mesure concerne particulièrement les terres
vacantes. Cela peut être aussi obtenu par une loi.
Tout cela doit viser à l’amélioration de la condition
paysanne, qui en a bien besoin. Le surmenage demeure fréquent
: si l’on a des machines, on reste seul pour travailler une surface
plus grande, avec des journées aussi longues ou presque. Il faut
encourager les G.A.E.C. (groupements agricoles d’exploitation en commun)
qui permettent à l’agriculteur d’avoir des loisirs. L’éleveur
isolé ne les connaît pas.
Ces groupements nous semblent concilier les avantages de la liberté
et ceux de l’exploitation collective. Nous aimerions avoir sur ce point
l’opinion d’un membre de G.A.E.C. Et pourquoi ne pas les améliorer
? P. GUILLOT pourrait nous dire ce qu’il en pense. Il ne s’agit pas
là d’un problème intéressant seulement l’agriculture
biologique, mais l’amélioration du sort des travailleurs nous
concerne tous. Nos lecteurs du monde agricole feront bien de nous signaler
comment ils la conçoivent.
Souvenons-nous que l’être humain ne peut vivre qu’en société.
Cela lui permet certaines libertés mais lui impose en retour
des contraintes.
Toute la question est de savoir quelles contraintes on veut accepter
et quelles libertés obtenir. Et il n’y aura pas de véritable
liberté sans répartition égale des contraintes.
Des contraintes qui ne pèseront plus guère lorsqu’elles
seront la source du bien-être général.
Merci encore à Jean MATEU de sa réponse. Nous reviendrons
la prochaine fois à des problèmes plus spécifiques
du jardinage biologique.
(1) Et les écologistes ?
(2) Sur le plan de l’étude des méthodes.
Etranger
LES Etats-Unis semblent avoir pris au sérieux
les problèmes de l’environnement. Depuis 1970, le gouvernement
fédéral a adopté une série impressionnante
de mesures destinées à lutter contre la pollution de l’air
et de l’eau, l’emploi abusif des substances toxiques et des insecticides.
Des textes officiels traitent de la lutte contre le bruit, de la prévention
des accidents du travail, de l’aménagement des zones côtières,
de l’exploitation des mines à ciel ouvert et de la mise en valeur
des terres incultes. De leur côté, les différents
Etats ne sont pas restés sans agir et ont, en particulier, réglementé
l’emploi des récipients métalliques à jeter, du
genre boîtes pour la bière, qui jonchent si agréablement
les rues de Londres, par exemple. Il semble que la plupart des domaines
ait été explorée.
Cet ensemble de textes contraignants est, évidemment, loin de
faire la joie de tout le monde et les dirigeants d’entreprises, par
exemple, ont tendance à renâcler contre ce qu’ils considèrent
être une série d’entraves à leur activité.
C’est ainsi que l’autorité législative, le Congrès,
se trouve prise entre le marteau et l’enclume, c’est-à-dire,
entre les défenseurs de l’environnement, nombreux et actifs,
et les représentants des patrons dont les intérêts
sont forcément autres, à moins qu’ils ne fabriquent des
systèmes ou des produits destinés à lutter contre
la pollution, un marché qui s’annonce fructueux.
L’AGENCE A DES PROBLEMES
Pour promouvoir la protection de l’environnement le
gouvernement fédéral a créé une Agence,
c’est-à-dire un organisme officiel. La célèbre
C.I.A. est une agence. Mais l’E.P.A. (Agence pour la Protection de l’Environnement)
n’a pas été dotée d’un personnel suffisant pour
faire respecter les décisions du Congrès.
Ainsi, dans le domaine de l’eau, la loi votée en 1972 impose
aux installations industrielles de réduire leurs émissions
de produits polluants en deux étapes, d’abord en 1978, ensuite
en 1983. Mais les modalités d’application, qui doivent être
définies par l’E.P.A., sont loin d’être prêtes dans
bien des domaines.
D’autre part, bon nombre d’entreprises ont attaqué devant les
tribunaux les décisions de l’E.P.A., souvent sans succès,
il faut le dire. Mais, ces actions en justice ont eu pour effet immédiat
de retarder la mise en vigueur des mesures décidées et,
dans un certain nombre de cas, l’E.P.A. a dû modifier ses exigences
en attendant la décision des tribunaux. En outre, les différentes
dispositions législatives adoptées par le Congrès
n’ont pas été suffisamment coordonnées et l’absence
de plan d’ensemble rend l’action fédérale moins crédible.
Si l’on ajoute que de nouvelles données du problème de
la pollution sont constamment versées au dossier (par exemple,
l’importance relative sous- estimée des sources non ponctuelles
de pollution de l’eau : « pluies acides », érosion,
déversement d’insecticides et engrais d’origine agricole) on
a une toile de fond parfaitement floue à la faveur de laquelle
les entreprises peuvent espérer tirer leur épingle du
jeu.
LES ENTREPRISES RESISTENT
C’est ainsi qu’elles espèrent bien faire modifier les priorités, obtenir de nouveaux délais, des taux plus souples de réduction de la pollution qu’elles engendrent, des normes moins strictes. Elles ont le sentiment de pouvoir aboutir dans ce domaine. Elles se sentent, ou se savent, mieux placées que quiconque, E.P.A. comprise, pour dire ce qu’il est possible de faire et quand, car elles sont au contact même de la réalité, des coûts et des avantages de l’opération anti-pollution. Cependant, les entreprises américaines ont bien conscience du risque qu’elles prendraient en se déclarant ouvertement contre une protection accrue de l’environnement ou simplement en cherchant à freiner l’application des mesures décidées. L’opinion publique, dans son ensemble, ne leur pardonnerait pas cette attitude, et elles le savent. Il leur faut donc avancer prudemment. On peut leur faire confiance.
*
Dans certaines stations d’essence américaines on utilise maintenant un pistolet qui s’applique hermétiquement sur l’entrée du réservoir, grâce à un embout en caoutchouc. Sans cette précaution, lorsque l’essence coule, elle chasse les gaz qui emplissaient le réservoir vide et qui, normalement. vont se perdre dans l’atmosphère qu’ils polluent un peu plus. Avec le nouveau système, les vapeurs sont recueillies et renvoyées à la cuve du pompiste. Son application paraît intéressante pour l’environnement... et aussi pour la station service.
Apportant son témoignage à notre «
tribune libre » du numéro précédent, un de
nos correspondants, M. R. Roche, nous a transmis son ouvrage «
Mammon », dont le développement s’apparente pour une grande
part à nos thèses. Avec son autorisation, nous en extrayons
le passage ci-dessous traitant de l’égalité économique.
« ... Un ingénieur acceptera-t-il de matièregriser
au salaire du manoeuvre ? Acceptera-t-on de travailler sans espérer
mettre un petit pécule de côté pour monter au-dessus
de la masse, sortir de la gangue, profiter de sa valeur personnelle
? Quel espoir aurait- on ?
Je pourrais déjà répondre ceci : quel espoir a-t-on
actuellement ? Oui, peut-être quelques-uns, un sur mille ont un
espoir de grimper sur les voisins, mais la masse, quel espoir a-t-elle
dans le contexte de maintenant ? Quels sont les salaires ? Et pourtant,
ils travaillent !
L’on dit encore : qui voudra se donner du souci, que deviendront la
production et le rendement dans de telles conditions ? On a l’exemple
russe. Qui acceptera d’effectuer les travaux durs et salissants ? Qui
fera des études difficiles et compliquées pour finir payé
comme un ouvrier (fond de mépris) et qui voudra, surtout, prendre
des responsabilités ? C’est là le grand argument !
Qui entreprendra ? Où seront les hommes dynamiques, honneur de
notre magnifique société ? Où seront les savants
qui s’intéresseront au perfectionnement de nos armes stratégiques
et dissuasives ? Où irait-on !!!
Je ferai tranquillement réponse à ces objections passéistes
nourrissant en moi-même la plus totale conviction qu’elles ne
tiennent pas. Il est en effet faux d’alléguer que, seul, un intérêt
pécuniaire sordide pousse les hommes à agir. C’est les
méconnaître. Les preuves contraires foisonnent déjà
en notre monde actuel si âpre au gain, si avide, où l’on
voit cependant des personnes s’occuper gracieusement d’oeuvres ou d’organisations
charitables, de comités d’entraide ou de fêtes, de groupes
d’idées, etc.... et qui prennent sur leur peu de temps restant
après le travail imposé pour vivre. J’en connais autour
de moi, et de tous les âges.
Y avez-vous songé ? Si les hommes avaient, réellement,
le choix de leur travail, si ce travail n’était pas entaché
du fait d’en enrichir d’autres à ses dépens alors que
l’on reste pauvre soi-même, ils se présenteraient d’eux-mêmes
aux postes. des plus manuels aux plus élaborés.
Et je dis : un homme qui s’en sait capable ne pourra jamais s’empêcher
de prendre des responsabilités même à l’-Sil.
Sinon, il ne serait pas heureux.
Un savant ne pourra jamais s’empêcher (le se lancer dans la recherche,
même à l’-Sil. Sinon, il serait malheureux. PASTEUR,
Pierre et Marie CURIE étaient-ils riches ? L’argent était-il
leur objectif ?
J’affirme, et j’ose le dire hautement, le tenant pour indubitable :
nul ne refuserait d’assumer le rôle pour lequel il se sent habilité
au service de la vie sociale dans un contexte de justice et de paix.
Il reste évident que ce comportement n’est pas pensable dans
notre monde actuel sous l’emprise de l’argent où règne
l’injustice, la peur, où rien ne se dessine vers un quelconque
idéal.
Après tout, se sortir du commun, pour une tête bien faite,
ce serait sûrement de se voir confier une mission en vue, rare
ou savante, au dessus, d’en sentir l’estime, d’en être reconnu,
quand, par ailleurs, la société donne tout ce qu’il est
possible de donner et qu’on le sait...
La plupart du temps, l’ambition s’arrête à ce que l’on
peut faire. Il en est se trouvant bien d’oeuvrer tranquillement sans
se mettre en évidence ; alors que d’autres, au contraire, tiennent
à assumer une fonction en vue, avec des responsabilités.
Cela est plus fort qu’eux, ils ont soif de se mettre en avant, d’être
reconnus et de faire admirer leur savoir-faire, à prix égal
d’ailleurs.
Nous avons évoqué le « ressort » nécessaire
pour pousser les hommes à agir, eh bien ! l’estime en est un.
Même dans le contexte actuel, montrez à un pauvre bougre
de terrassier que personne ne fait mine de le voir, qu’il a bien compris
son boulot, qu’il l’a exécuté comme il faut et que vous
êtes content de lui et, soyez-en certain, il deviendra votre homme,
il fera tout pour continuer à vous satisfaire.
Chaque homme est naturellement créé pour agir, bouger,
faire la chose pour laquelle il se sent une propension particulière.
Il suffit de l’aiguiller vers la voie qui lui convient le mieux. Il
faudrait lui supprimer les livres, le mettre en prison, pour qu’un être
disposé à l’étude n’étudie pas ; pour qu’un
être scientifique ne se plonge pas dans la physique, la chimie,
la biologie, l’astronomie, la médecine, la psychologie... ; pour
que les femmes (certaines, tout au moins) ne s’orientent pas vers des
activités de coeur, d’humanité : l’hôpital, les
soins, les actions sociales. salvatrices.
Dans la société sans finance ils seront tous là,
apportant leurs mains, leur tête, leur coeur : savants, romanciers,
musiciens, artistes, mathématiciens, menuisiers, architectes,
métallos, maçons, bureaucrates, dactylos, cultivateurs,
journalistes, couturières, etc., etc...
Une société riche, luxueuse, opulente et nageant dans
l’abondance, qui ne permet pas à ses ressortissants de se réaliser,
d’extérioriser leurs vocations, ou ce à quoi ils aspirent,
ce qu’ils préféreraient tout simplement, ou ce qu’ils
sont capables d’assumer si telle est leur complexion, qui, en outre,
promet le chômage, est odieuse, brimante, brisante, génératrice
d’un climat d’insatisfaction où l’on ne peut se trouver heureux.
C’est bien ce que nous voyons dans le système capitaliste de
la libre entreprise que vous tenez tant à défendre parce
que.. peut-être, vous êtes du bon côté ou pensez
l’être... »
Sport
SUR le score identique de 2 buts à un, l’Italie
d’abord, l’Argentine ensuite, ont éliminé l’équipe
de France de la Coupe du Monde de football.
Malgré Lacombe, Platini, Bathenay, Trésor, etc., la «
Bande à Hidalgo » (l’entraîneur) est rentrée
aux vestiaires puis en France, les valises vides du glorieux trophée.
Mais la F.F.F.A. (Fédération Française de Football-Association)
(1) a décidé de foutre tous ces Jean-foutres à
la porte et de constituer une nouvelle équipe.
Le capitaine a été trouvé tout de suite. C’est
le sautillant Valéry. Un excellent pro qui jouait de l’accordéon
et de la cabrette au F.C. Chamalières, Champion du Mont d’or
(Ré la pilule).
Il fallait un homme de poids pour assurer les arrières et la
défense. On l’a trouvé en la personne de Raymond (Babarre
pour les petites Hongroises), un gros qui a barre sur tout. Court sur
pattes, un peu lourd sur terrain gras, parfois ladre, toujours porcinet,
il est parfait dans la course (aux prix).
En Ponia on avait trouvé un autre arrière postérieurement,
mais il a été éliminé sur blessure (d’amour
propre) reçue à l’Isle-Adam. Il joue aujourd’hui à
Limoges, comme un général de 14.
A l’aile gauche on a fait confiance à Soissons, un bon dribbleur,
qui fait rugir les téléspectateurs chaque fois qu’il fait
le fayot, dans les petites lucarnes, pour son capitaine. A l’aile droite,
à la place de Rocheteau, on a préféré Bébert
Poulin, au déboulé irrésistible et qui monte à
l’attaque à cheval au Bois de Boulogne.
Comme inter, on avait songé à de petits gabarits : les
deux Michel, Jobart et De-Bré, mais on y a vite renoncé
pour cause d’incompatibilité d’humeur. On a dû se contenter
d’Y. Von Bourges et Ali Perfide, heureusement plus jeunes et plus dynamiques.
Ali présente la particularité d’avoir une paire d’oreilles
conçues de telle façon qu’elles lui servent de stabilisateurs
pendant des rushs. Lancé trop vite, il peut aussi les utiliser
comme rétro-freins. Il est également doté d’une
protubérance que l’on nomme, en jargon sportif : « épée
académique ».
Au centre, naturellement on place : Le Juste, dit « Dents blanches
» (vieille histoire de publicité pour une marque de publicité
de dentifrice qui figurait sur son maillot). C’est une recrue du F.C.
Rouen où il a toutes les Carmélites derrière lui
comme supportrices. Le Juste est assisté par deux joueurs corses
: Dornano et Dédé Rossi, ex coéquipiers de Claude
Papi et J : François Larios au S.E.C. Bastia.
Simone, la Merveille, la seule femme de la bande à Valéry,
jouera libero. Avec ses grandes guibolles, il faudra qu’on lui passe
sur le corps si l’adversaire veut atteindre les filets défendus
par Bébert Galleu.
Bébert Galleu, comme son nom l’indique, est détesté
par ses camarades. Ex-Légionnaire, grinçant grincheux,
sourire en tôle ondulée, il envoie en touche chaque fois
qu’il la touche (la balle, pas Simone). C’est pas un goal, disent ses
meilleurs amis, c’est une passoire ! Bref, Bébert n’a plus le
moral, il parle de rempiler à la Légion.
Néanmoins, telle qu’elle se pointe, notre nouvelle équipe
nationale a belle allure. Style d’ensemble un peu rétro qui fait
son charme désuet bourgeois. Côté tactique, elle
a fait l’amalgame du W.M. et des primes à la Bourse, du «
Catenaccio » et du contrôle de balle, du « talking
» et de la liberté des prix. Elle ne craint personne pour
l’indépendance dans l’interdépendance, pour l’immobilisme
actif et le dynamisme statique. Si elle parle, c’est de façon
muette et si elle se tait, c’est la voix haute. Bref, comme dit son
pitaine Valéry « Avec l’équipe adverse, ça
serait pareil ». Donc pas de mauvais sang à se faire, dans
4 ans, on aura la Coupe du Monde de la Connerie mondiale, que le Roi
des Carlos nous remettra à Madrid en 1982.
Allez la France, Allez la France, Allez !
(1) F.F.F.A. = Fédération Française des Fauchés d’Argentine,
POUR fonctionner normalement, le régime économique
doit être en équilibre. C’est la production qui dispense
à la fois les biens de consommation et le pouvoir d’achat nécessaire
à leur absorption. Or, depuis l’avènement du progrès
matériel, la production, assurée avec des moyens modernes,
de plus en plus perfectionnés, a augmenté considérablement
les produits de consommation tout en nécessitant de moins en
moins de travail humain. Ainsi la production distribue de moins en moins
de pouvoir d’achat.
Le progrès matériel est donc à la fois source d’abondance
et cause de chômage. Et comme le pouvoir d’achat distribué
par la production est insuffisant pour absorber l’ensemble des produits
offerts, il en résulte la rupture de l’équilibre économique
et le marasme s’ensuit. C’est ce phénomène que nous constatons
aujourd’hui.
Tant que la production fut assurée par le travail manuel ou par
des moyens mécaniques limités, l’humanité n’est
pas sortie de l’époque de la rareté, et par conséquent,
il n’y eut jamais de tels problèmes économiques à
résoudre.
Au cours de son évolution, ce régime a parfois été
perturbé par des crises économiques dites cycliques, du
fait qu’elles apparaissaient spontanément et se résorbaient
ensuite. Ces crises avaient déjà pour cause l’apparition
de l’abondance dans certains secteurs de la production : dès
que la production devient abondante, les possibilités de l’écouler,
par le jeu de l’offre et de la demande, s’amenuisent car l’offre devient
supérieure à la demande et les prix ont tendance à
s’effondrer. Le régime ne peut alors retrouver son équilibre
que par de nouvelles sources de production. C’est donc en se créant
de nouveaux besoins, souvent plus ou moins artificiels, que l’homme
a vu se résorber les premières crises.
Cependant, cela n’a pas toujours suffi. C’est le cas de la plus importante
des crises, celle de 1929 : cette crise fut à l’origine de la
deuxième guerre mondiale. Elle ne fut résorbée
que par cette guerre, tant il est vrai que les crises économiques
conduisent à la guerre qui les résout momentanément,
en raréfiant produits et moyens de production.
Quant aux besoins des hommes, ils paraissent illimités. Ils sont
relatifs à tout ce qui concerne son nécessaire vital,
puis à son bien-être et à ses loisirs qui ont nécessité
le développement d’équipements très importants,
tant collectifs que privés et qui nous semblent maintenant indispensables
; à sa santé qui, en plus des équipements hospitaliers
considérables, exige l’emploi d’un personnel nombreux, etc...
On comprend donc combien les besoins des hommes se sont multipliés
pendant ce dernier demi-siècle.
La création, souvent involontaire pour l’individu, de ces nouveaux
besoins, a permis à notre régime économique de
se prolonger tant bien que mal en permettant à la production
de maintenir un certain rythme. Mais, le progrès ne s’arrêtant
jamais, les moyens de production ont, en même temps, continué
à se développer intensément : mécanisation
très poussée dans toutes les branches de l’activité,
voire même automatisation complète de certaines usines
de production, assurant l’abondance des produits.
Arrivé à ce stade de développement le régime
ne peut donc se survivre qu’à la condition d’être en constante
expansion. Mais l’expansion démesurée, créée
par cette nécessité, c’est aussi la course infernale vers
l’abîme car il n’est plus possible de s’arrêter et cela
nous conduit aux pires catastrophes : course aux armements avec les
risques de guerre qui en découlent, gaspillages scandaleux, dégradation
de la nature, etc...
CE QU’ON APPELLE LA CRISE
Ce que nous appelons actuellement la crise n’est pas
dû à de grandes catastrophes naturelles générales,
détruisant les ressources de l’humanité. Les tremblements
de terre et les raz de marée, sans être exceptionnels,
sont cependant géographiquement très limités ;
le gel, la grêle, les inondations, la sécheresse et les
incendies ne sont pas des catastrophes plus importantes que dans le
passé. Bien au contraire, l’homme du XXe siècle est, dans
beaucoup de cas, capable de lutter efficacement contre ces fléaux.
Dans une certaine mesure les maladies de l’homme et des animaux domestiques
dont il fait sa nourriture, ont été vaincues par les découvertes
modernes.
Non ! Matériellement rien ne s’est aggravé, bien au contraire.
Ce que nous appelons la crise c’est en réalité l’aboutissement
logique d’un système économique qui, après avoir
eu une marche ascendante et avoir atteint son point culminant, a pris
le chemin de la descente et se trouve désormais au bout de sa
course. Si le chemin de la montée fut extrêmement lent,
celui de la descente, par contre, est d’une rapidité vertigineuse.
La crise actuelle est donc, en réalité, la conséquence
d’une production pléthorique encore jamais atteinte dans le passé.
Le progrès matériel ayant amené sur le marché
l’abondance des produits de consommation sans distribuer la contre partie
en pouvoir d’achat, l’équilibre économique, demeuré
précaire depuis le début de l’ère de la révolution
mécanicienne, s’est rompu. Et du fait que le rythme de développement
des moyens de production est plus rapide que celui des moyens de l’écouler,
le déséquilibre économique est devenu permanent
et ne pourra que s’accentuer au fur et à mesure de l’évolution
mécanicienne. Le déséquilibre économique
a donc atteint un point de non retour.
(Extrait de « Pour comprendre ce qui ne va pas »)
Tribune libre
La plupart de nos lecteurs se demandent ce qu’il faudrait
pratiquement entreprendre pour qu’un plus grand nombre de nos contemporains
admettent les thèses de J. Duboin.
Nous sommes convaincus de leur justesse.
Il est probable, cependant, que leur application intégrale nécessitera
une évolution des faits et, surtout, des esprits.
Cela suppose, hélas ! un délai assez éloigné.
Et c’est surtout cela qui découragé nombre de ceux qui
nous comprennent.
En attendant, et sans abandonner notre but final, pour lequel nous devons
continuer à militer, ne serait-il pas possible de proposer l’utilisation
dès à présent de structures actuelles du capitalisme
afin d’amorcer certaines thèses d’une Economie Distributive ?
Sans que cela puisse constituer un réformisme, on pourrait, par
exemple, imaginer ce qui suit :
La monnaie est actuellement créée par les mécanismes
du CREDIT. Utilisons donc ce processus, qui est compris et admis par
tout le monde et particulièrement les commerçants. Et
modifions-le ainsi :
Les détaillants ne vendront plus qu’aux prix imposés par
leurs fournisseurs. Les factures de ces derniers seront ventilées
pour permettre à l’Institut d’Emission de créditer les
comptes des intéressés.
L’Etat sera une des principales parties prenantes. En conséquence,
il disposera ainsi de moyens financiers qui permettront d’attribuer
un Revenu Social aux citoyens de toutes catégories ne contribuant
pas, ou plus, à la production ou à la distribution.
Ce schéma, très simplifié, mais qui a déjà
fait l’objet d’une étude plus détaillée, pourrait
constituer ultérieurement une base pour la création d’un
« Mouvement Distributiste ».
Il est proposé par un groupe de Camarade des Alpes Maritimes.
Il serait heureux de connaître, par l’entremise de « La
Grande Relève », l’opinion de nos lecteurs sur cette approche
nouvelle d’une réalisation pratique.