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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles > N° 1030 - mars 2003

 

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N° 1030 - mars 2003

Quel nouvel ordre mondial ?   (Afficher article seul)

Le traitement par la guerre du problème irakien replacé dans l’histoire de l’impérialisme américain.

Rien de nouveau, hélas …   (Afficher article seul)

Pas de programme ??   (Afficher article seul)

Revenu d’existence ou revenu social ?   (Afficher article seul)

S’appuyant sur sa lecture du dernier livre d’André Gorz, « L’immatériel », Marie-Louise Duboin montre à quels mondes opposés mènent revenu d’existence et revenu social.

Un débat public intéressant   (Afficher article seul)

A Strasbourg, un débat public sur le revenu garanti.

Leçon d’économie politique appliquée...   (Afficher article seul)

Étude de la monnaie : FMI et dette du Tiers monde   (Afficher article seul)

Étude de la monnaie : Que cachent certains termes ?   (Afficher article seul)

1 - L’échange : Des trois façons d’échanger biens ou services, notre système économique ne connaît plus que la vente/achat avec une monnaie de dette.

Métaleurop   (Afficher article seul)

Les vraies causes du scandale des licenciements actuels ne sont jamais dénoncées.

Les mots cachent les maux    (Afficher article seul)

ou comment les médias nous font avaler bien des couleuvres.

Nous tentons une expérience   (Afficher article seul)

Essai d’utilisation (avec peu de moyens) d’une monnaie distributive pour inventer des pratiques « solidaristes ».

Vive l’Euro !   (Afficher article seul)

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Éditorial

Quel nouvel ordre mondial ?

par G.-H. BRISSÉ
mars 2003

Il était de bon ton, dans les années 1950-70, de dénoncer “l’impérialisme américain” après avoir encensé “les libérateurs de l’Europe” et les bienfaiteurs de sa reconstruction à travers le Plan Marshall. Mais dans les années 1990, cette dénomination est très mal venue. Peut-être parce que, auparavant, l’anti-impérialisme avait un relent de soufre pro-communiste ou progressiste ? Il faut bien cependant appeler un chat, un chat, et la suprématie planétaire américaine, un impérialisme. L’affaire irakienne vient relancer, à point, le fondement même de la stratégie planétaire d’une superpuissance plus préoccupée de la défense terre-à-terre de ses intérêts propres que de la défense de la démocratie, des droits de l’homme et de la paix mondiale.

Il convient de rappeler que, depuis les accords de Yalta jusqu’à l’effondrement du mur de Berlin fin 1989, la planète était divisée en deux camps hostiles qui ne survivaient que par l’équilibre de la terreur.

Existait bien un troisième camp, celui des pays non-alignés, lesquels, à partir de la conférence afro-asiatique de Bandung en 1955, puis de Belgrade en 1961, tentèrent d’esquisser une troisième voie indépendante des deux blocs en définissant les cinq principes de la coexistence pacifique. Las ! L’évanescence du camp socialiste rendit obsolète le non-alignement tout en consacrant l’hégémonie planétaire de l’hyperpuissance américaine.

Les limites de l’anti-impérialisme

Au cours des années 1960, De Gaulle avait certes affirmé des velléités d’indépendance de la France à l’égard de la puissance dominante. Ce fut l’épopée du fameux “Discours de Phnom Penh”, le 1er septembre 1966 et du slogan : “Vive le Québec libre” !

J’étais présent dans l’enceinte du complexe olympique de la capitale cambodgienne à l’occasion de cette allocution prononcée devant plus de 80.000 personnes. Le président de la République Française mettait alors en garde les États-Unis contre toute aventure guerrière dans la péninsule indochinoise. Et il apportait un soutien sans réserve au Cambodge neutre et effectivement non-engagé.

S’il eut un retentissement considérable à cette époque, le discours de Phnom Penh demeura lettre morte dans les années qui suivirent. La France de G. Pompidou s’est bien gardée d’apporter un soutien ferme, logistique ou simplement moral, au Prince N. Sihanouk, alors chef de l’État du Cambodge, lorsqu’il fut victime d’un coup d’État fomenté et organisé par la CIA américaine.

Les États-Unis eurent pratiquement le feu vert pour poursuivre et amplifier leur sale guerre au Vietnam, au Laos et au Cambodge, au prix de millions de victimes et d’une évolution qui consacra le triomphe de leurs adversaires.

Quant au Québec libre, il n’avait pas progressé d’un iota lors de mon séjour dans la belle province canadienne, en septembre 2000. On peut en dire autant de l’absence de retombées concrètes de la tournée que le Général de Gaulle entreprit en Amérique Latine.

L’appropriation par la France d’une ruineuse force de frappe nucléaire a pu faire, un temps, illusion. Mais force est de constater que, dans la réalité, elle n’a servi à rien. Elle n’a pas contribué à faire dévier de son cours le fleuve tumultueux de l’hyperpuissance américaine.

Aujourd’hui, la souveraineté française navigue entre le poids des fonds de pension américains qui représentent près de 50% des investissements étrangers en France, et la législation européenne qui concerne plus de 40% des lois votées par le parlement français.

Dénoncer l’hégémonisme américain et ses retombées hautement néfastes partout où il s’exerce, est aujourd’hui non seulement opportun, mais nécessaire. À condition que cette action s’inscrive dans la durée.

Cette démarche salutaire rallie un certain nombre d’États qui osent braver le chantage au dollar et une opinion publique mondiale très majoritairement hostile à la guerre contre l’Irak, et qui le manifeste. Et chez nous, en France, elle recueille l’adhésion de la presque totalité des suffrages, de l’extrême droite à l’ultra-gauche, de la majorité comme de l’opposition.

Un conglomérat de lobbies

Lorsque, dans les années 1960, je soutenais que l’intensification de l’engagement belliqueux des États-Unis en Asie finirait par s’étendre au Moyen Orient, créant ainsi les conditions d’une troisième guerre mondiale, je faisais figure de Martien. Bien sûr, je ne pouvais pas prévoir, à cette époque, que l’islamisme relaierait le communisme dans la panoplie des forces opposées à l’impérialisme américain.

Mais, de l’intervention des États-Unis aux côtés du Kuomintang de Tchiang Kaï Shek à la fin des années 40, puis dans le conflit coréen sous le couvert de l’ONU (déjà !) en 1951-53, encore en Indochine et en Indonésie de 1955 à 1975 et sur de multiples théâtres d’opérations de l’Afrique à l’Amérique Latine en passant par le Moyen Orient (Liban), la démarche est la même : celle d’un impérialisme de superpuissance qui n’ose pas dire son nom, et qui, partout où il s’exerce, sème la division, ses cohortes de victimes, et ne laisse que ruines et deuils.

Les gouvernements américains successifs ont des comportements de mafias, ils ne sont que la conjonction des intérêts particuliers défendus par des lobbies dont le mobile n’est autre que la recherche du profit maximum, de la puissance, de l’intolérance sectaire, toutes pulsions incontrôlables (et incontrôlées) qui se diluent dans la barbarie, le racisme, la corruption, la pauvreté organisée, l’absence totale de justice sociale et une ignorance crasse du monde où nous vivons. L’actuel président des États-Unis n’est pas l’élu du peuple, mais d’un aréopage de “grands électeurs”, autrement dit, d’une coterie. En ce sens, la démocratie américaine se ramène à une fiction, et le “modèle” américain est un repoussoir absolu.

La puissance des groupes de pression (pétroliers, lobby militaro-industriel, milieux d’affaires, sectes) est telle qu’à travers sa représentation, elle peut se permettre de bafouer le droit international et l’ONU, de soutenir, en exemple entre mille, le tribunal international chargé de juger l’ancien chef d’État yougoslave Slobodan Milosévitch, mais de mettre son veto à l’élaboration d’une Cour pénale internationale où des responsables américains pourraient être traduits en justice.

Ce constat étant fait, il s’avèrerait dangereux, voire injuste, de réduire l’ensemble du peuple américain à cette analyse réductrice. Au regard de la bannière étoilée plantée ostensiblement, en permanence, devant chaque demeure, j’ai pu constater, à l’occasion de mes séjours successifs au pays de Jefferson et de Lincoln, le patriotisme publiquement affiché de cette mosaïque de peuples où du reste les “latinos”, c’est-à-dire les citoyens originaires d’Amérique Latine, prennent un poids de plus en plus considérable. On a pu constater que des centaines de milliers de pacifistes se sont rassemblés à New York et à San Francisco, bravant toutes les interdictions et le pilonnage d’une propagande officielle relayée largement par les médias, pour manifester leur hostilité à tout engagement guerrier sur le sol irakien.

La politique américaine des dernières années nous a offert les figures très controversées d’un Johnson, d’un Nixon et aujourd’hui, d’un G. W. Bush. Mais nous avons observé aussi le comportement très digne d’un Clinton se rendant en visite officielle au Vietnam ou envoyant en missi dominici à Pyong Yang l’ancien président Jimmy Carter.

Les États-Unis sont passés par des phases de régression telles que la période du McCarthysme et sa “chasse aux sorcières” (progressistes ou communistes) d’après guerre, les exploits hyper-racistes du Ku Klux Klan dans les années 1950. Nous avons connu aussi la phase nixonienne d’engagement à outrance dans la guerre du Vietnam qui s’est diluée dans le scandale du Watergate et plus récemment, dans l’écrasement du peuple afghan sous les bombes, au prétexte de pourchasser le terroriste Ben Laden… qui court toujours.

Aussi longtemps que les Américains avaient le sentiment de vivre dans un sanctuaire inviolable, ils pouvaient impunément acheter ici des régimes politiques ou des dictateurs à leur botte, et là tout aussi bien, en toute impunité, les détrôner ou les assassiner avec les mêmes facilité et désinvolture qu’ils les avaient placés au pinacle.

Les évènements du 11 septembre 2001 qui intervenaient au moment même où G.W. Bush décidait la mise en place de son très coûteux système de missiles-anti-missiles, a changé la donne. L’attaque aérienne concertée contre les Twin Towers n’a pu être réalisée sans de fortes complicités à l’intérieur même du territoire américain.

Incontestablement, l’irruption soudaine et barbare d’un ennemi invisible, hors déclaration de guerre, au cœur de Manhattan met à jour tout à la fois la faiblesse et la puissance réelles du complexe militaro-industriel qui s’est rassemblé derrière le clan Bush, comme dans le passé derrière Joé McCarthy, Johnson ou Nixon.

Des Américains pas comme les autres

Mais l’Amérique, ce n’est pas que cela. La marche décisive de la paix au Vietnam fut réalisée sur le territoire américain par des associations de partisans de négociation manifestant en nombre dans la rue, sur les campus, dans l’esprit du message laissé par Martin-Luther King. Au Congrès, des parlementaires dont les figures de proue étaient Mike Manshels, Wayne Morse, le sénateur Brook, Averel Harriman, Eugène McCarthy, et d’autres encore, faisaient ouvertement campagne en faveur du repli des Gl’s. Ils étaient soutenus par une partie de la presse, en particulier des journalistes du New York Times.

Un très influent réseau associatif animé par Ralph Nader et ses partisans critiquaient ouvertement la société américaine et appelaient leurs compatriotes à s’organiser contre les excès du consumérisme. C’est l’époque où le sociologue Vance Packard projetait sur le marché de l’édition ces petites bombes éditoriales nommées : “Les obsédés du standing” ou encore : “La persuasion clandestine”. Dans “L’art du gaspillage” (Fayard), il écrit en 1962 : « Les gaspilleurs ce sont les Américains, talonnés par la hantise de la crise économique, pris dans la spirale infernale de la consommation obligatoire. Ils s’endettent, achètent, jettent et s’endettent encore pour que les usines accélèrent sans cesse leur rythme. Et pendant qu’ils dépensent pour vivre dix fois plus de matières premières que les autres hommes, le sous-sol des États-Unis, autrefois si fabuleusement riche, se vide en une angoissante hémorragie. Le cuivre est épuisé, il ne reste pratiquement plus de zinc ni de plomb. Dans dix ans, il n’y aura plus de fer ni d’uranium, et dans treize ans, le pétrole manquera. L’eau même fera défaut tandis que, dans les vingt prochaines années, cent millions de consommateurs viendront s’ajouter à la population actuelle ».

Propos prophétiques, en une période où l’on s’interroge outre-Atlantique sur la baisse inquiétante des réserves de pétrole, qui ne couvrent que 40 à 45% des besoins fédéraux.

Que les États-Unis veuillent s’assurer la maîtrise des quelque 1.500 puits de pétrole irakiens (sans compter les réserves jugées abondantes) ne saurait nous surprendre. Sous le règne de Saddam Hussein les compagnies pétrolières américaines sont exclues du pactole, au bénéfice de la France, de la Russie et de la Chine. Cette situation explique mieux que de longs commentaires les manœuvres géo-stratégiques actuelles.

Un autre monde en gestation

Lors des manifestations impressionnantes contre l’engagement américain en Irak, qui ont rassemblé plus de dix millions de personnes dans soixante pays différents, le rapprochement s’est effectué tout naturellement avec les précédentes campagnes contre la guerre au Vietnam.

La situation est un peu différente aujourd’hui. Au Congrès de Washington D.C., les contestataires se sont fait rares. Les médias, aujourd’hui, sont encore plus conservateurs que par le passé. Et le clan Bush entend engranger à son profit tous les dividendes des évènements du 11 septembre. Même s’il est flagrant qu’il n’existe aucune relation entre le régime de Saddam Hussein et l’organisation terroriste de Ben Laden.

Il n’empêche que la réaction contre l’extrémisme belliqueux du clan Bush viendra des Américains eux-mêmes. Cette Amérique-là mérite notre compréhension, notre sollicitude et notre soutien.

L’agression américaine contre l’Irak accouchera inévitablement de profonds bouleversements dans l’élaboration d’un nouvel ordre mondial. Elle nous contraindra à revoir la mondialisation en termes de mondialisme, à réévaluer le rôle et la structure de l’ONU et la représentation, à côté des États, d’une assemblée constituante des peuples devant déboucher sur une Organisation des Peuples Unis.

Elle posera le problème d’une relance d’un désarmement général contrôlé et d’une réforme en profondeur du système monétaire international.

Enfin, elle a fait apparaître la fragilité de la construction européenne telle qu’elle a été conçue, privilégiant l’élaboration d’un grand marché sur sa dimension politique, étendant imprudemment son aire de compétence à une dizaine d’autres États alors qu’il eût été plus prudent de passer des accords de partenariat avec les pays de l’Est européen et du pourtour méditerranéen. Une Europe confédérale des États et des Peuples demeure le gage de la stabilité et de la cohésion face aux séductions d’outre-Atlantique.

Cette expérience nous interroge enfin sur la pérennité de l’OTAN, organisation héritée de la guerre froide, qui aurait dû disparaître dans le même temps que l’on reléguait au passé le Pacte de Varsovie.

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Rien de nouveau, hélas …

mars 2003

— Se rappelle-t-on de qui sont ces paroles :« Naturellement le peuple ne veut pas la guerre : ni en Russie, ni en Angleterre, ni à cet égard en Allemagne. C’est clair. Mais, après tout, ce sont les dirigeants des pays qui déterminent la politique et c’est toujours facile d’influencer les gens, qu’il s’agisse d’une démocratie, ou d’une dictature fasciste ou d’un Parlement, ou d’une dictature communiste. Que les gens aient la parole ou pas, ils peuvent toujours être convaincus de suivre leurs dirigeants. C’est facile. Tout ce que vous avez à faire est de leur dire qu’ils sont en train d’être attaqués, d’accuser les pacifistes de manque de patriotisme et d’exposer le pays au danger. Cela marche de la même façon dans tous les pays. » ?

— Elles sont d’Herman Goering, Ministre de l’aviation et successeur désigné de Hitler, au procés de Nuremberg en 1946…

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Pas de programme ??

mars 2003

« Il n’est pas question aujourd’hui de négocier une coalition hâtive entre quelques restes de gauchisme et des ruines du trotskisme. Il faut changer de perspective : on est aujourd’hui dans un moment de “rupture des temps”. Ce qui apparaît comme une faiblesse de notre mouvement planétaire, ce que l’adversaire qualifie de “revendications négatives” – abolition du FMI, de la Banque mondiale, de l’OMC, interdiction des OGM – est en fait une force. Lorsque ces institutions nous demandent ce que nous voulons et nous reprochent de ne pas avoir de projet et donc de ne pouvoir dialoguer avec nous, je donne l’exemple des révolutionnaires de 1789 : ils savaient ce qu’ils ne voulaient pas, mais n’avaient pas de projet précis. Demander aux altermondialistes quel est leur projet, c’est comme demander, au soir du 14 juillet, à ceux qui avaient pris la Bastille de réciter le premier article de la Constitution de la 1ère République ou de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ! Le programme du mouvement se fait en marchant. »

Jean Ziegler,
auteur de Les Nouveaux Maîtres du monde et ceux qui leur résistent, Fayard, Paris, 2002.
Propos recueillis par Gian Paolo Accardo, pour Courrier International, 12/02/03.

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Lectures et réflexion

Revenu d’existence ou revenu social ?

par M.-L. DUBOIN
mars 2003

L’opposition à la méthode du clan Bush pour régler le problème Irakien ne doit pas faire oublier le débat, plus subtil, autour d’une autre perspective, celle que laisse entrevoir l’orientation de certaines recherches à des fins d’exploitation à longue portée et extrêmement dangereuse. Un tel débat paraît cantonné dans un milieu d’intellectuels, de généticiens ou de philosophes qui s’interrogent sur le clonage humain. Mais loin de concerner une sorte “d’élite“ pensante, c’est bien l’avenir de l’humanité qui est en jeu, et personne ne peut s’en désintéresser.

C’est probablement à André Gorz, que reviendra, aux yeux de l’Histoire, le mérite d’avoir mis en évidence, dans son dernier livre, le lien de ces réflexions d’ordre éthique, philosophique, avec le débat, encore beaucoup trop discret en France, entre revenu d’existence (minimum), et revenu social (optimum). Son dernier livre, intitulé “L’immatériel”, je l’ai dévoré en 24 heures et j’ai eu tort. Il faut en lire et relire chaque page, car chacune, avec clarté et précision, soulève une foule de réflexions. L’auteur cherche à comprendre le sens des transformations actuelles et constate que nous avons le choix de les orienter vers deux nouveaux mondes possibles : une société de l’intelligence ou bien une civilisation déshumanisée.

Nous sommes entrés dans l’ère de l’économie de l’immatériel et il s’agit de comprendre ce que cela signifie. L’informatisation de la société, et d’abord de l’industrie, transforme le travail en gestion d’un flux d’informations. Il en résulte que l’employé « est amené à se produire lui-même ». Ceci parce que, qu’il le veuille ou pas, sa participation dépend maintenant beaucoup de sa personnalité et que celle-ci est faite de tout le bagage culturel qu’il développe en dehors de son emploi, dans ses activités volontaires, gratuites et invisibles, par ses lectures, par les films qu’il voit, par toutes ses relations, amicales ou conflictuelles, syndicales ou politiques, ses pratiques collectives de sport ou de jeu, au cours de ses vacances et de ses voyages. Ainsi le “travail” aujourd’hui ne dépend plus seulement des connaissances acquises, mais de plus en plus de l’aptitude à coopérer, à s’intégrer, à s’exprimer, capacités qui s’acquièrent au quotidien, mais qui ne s’enseignent pas.

Chacun est donc amené à se produire lui-même, à gérer, tout au long de sa vie, son “capital humain”, “la production de soi” est devenue obligatoire. Or cette “mise au travail” totale de la personne est une contrainte qui soulève des résistances. C’est dans ce contexte, pour faire face à la précarité des rapports à l’emploi, pour gérer discontinuités et intermittences, qu’est née la revendication d’un revenu garanti.

Le choix et son enjeu

Mais il y a deux façons de concevoir ce revenu. Soit y voir le moyen de préserver l’individu d’une mise au travail totale et soustraire ainsi la vie à l’idéologie du marché. Soit, à l’opposé, viser à rémunérer le temps hors emploi parce qu’il contribue à la productivité.

Dans le premier cas, le revenu garanti n’exige ni ne rémunère rien ; il permet de distinguer deux sphères d’activités, celle des valeurs marchandes et celle des richesses intrinsèques n’ayant pas de valeur au sens économique. Il facilite le plein développement des personnes, au-delà de leur fonction dans la production marchande.

La seconde conception implique au contraire que la vie entière est un facteur de production (on l’appelle maintenant “le capital fixe humain”), ainsi la production de soi-même est un travail économique et le revenu d’existence, payant ce travail, exige qu’il soit rentable. C’est reconnaître au capital le droit de contrôler le développement des capacités humaines.

L’enjeu du choix entre ces deux conceptions est de savoir si cette ère de l’économie de l’immatériel est celle de « l’épanouissement de toutes les forces humaines comme telles », impliquant « l’accès universel et illimité au savoir et à la culture » ou bien si elle est celle où le capital s’approprie et instrumentalise tant le savoir que la culture.

La première conception mène à ce qu’André Gorz décrit comme la “société de l’intelligence”, dans laquelle le plein épanouissement des facultés de chacun est le but de tous. Faisant une distinction entre richesse et valeur marchande, on débouche sur une autre conception de la richesse et des activités humaines et la production est mise au service du développement humain. On retrouve donc là les aspirations des théoriciens “historiques” du distributisme, et aussi le comportement des artisans des logiciels et des réseaux libres pour qui rien n’est produit en vue d’un échange marchand. Tant dans cette esquisse d’une nouvelle organisation du travail par la communauté Linux (éthique hacker) que dans notre proposition de contrats civiques « démocratiquement et publiquement débattus (une “démocratie par consensus”) » on retrouve « la concertation sur ce qu’il convient de produire, comment et pour quoi » c’est-à-dire une façon nouvelle de vivre en société en gérant ensemble l’économie.

Le chemin vers tous les dangers

Il est temps de prendre conscience vers quelle humanité déshumanisée nous mène la seconde conception. André Gorz lève un coin du voile de cette “société de l’ignorance” dans laquelle la grande majorité des gens connaît de plus en plus de choses mais en comprend de moins en moins. Des spécialistes avalent des connaissances mais ils en ignorent le contexte, la portée et surtout la logique qui, en fin de compte, oriente la technique ; les professionnels revendiquant le monopole de la “vraie” connaissance, rejettent les évidences et les savoirs intuitifs. C’est le règne de la technoscience et de ses exigences : l’homme devient un goulot d’étranglement pour traitement de l’information, et il faut le doter de prothèses, par exemple pour augmenter la capacité de son cerveau. La pensée se libère ainsi du corps et met hors circuit tout ce qui n’est pas indispensable au calcul, y compris besoins, plaisirs, douleurs, craintes et espoirs qui forment le tissu évolutif de la conscience. Il faut fonctionner selon les règles en s’affranchissant de la réalité et de l’expérience !

La perspective ouverte a de quoi effrayer. Refuser la réalité de la vie et ses imperfections mène d’abord à « libérer la femme des servitudes de la grossesse » et préférer « pour que nos enfants potentiels se trouvent là où ils peuvent être surveillés et protégés » que la reproduction humaine soit, grâce à la fécondation in vitro et aux utérus artificiels, l’affaire d’hommes spécialisés. La femme, cet être irrationnel gouverné par les sentiments, doit être dépossédée des pouvoirs que la société pourrait lui confier comme de ceux que la maternité lui confère sur ses enfants. Ceci sera achevé quand le clonage des êtres humains sera pleinement réalisable.

Le meilleur des mondes ?

A. Gorz montre la logique de ces perspectives décrites par J. Fletcher. Il faut éliminer la nature parce qu’elle est source d’aléas et de désordre. Plus loin que le capitalisme du XIXème siècle qui voulait allier la science et le capital dans une civilisation d’ingénieurs, l’objectif du capital au XXIème siècle est de re-créer le monde en substituant aux richesses premières, que la nature offre gratuitement et qui sont un patrimoine commun, des produits artificiels destinés à la vente. Non seulement le capital transforme le monde en marchandise, mais il en monopolise la production et se rend ainsi maître de l’humanité. On constate en effet que nous avons déjà un marché du sperme, un marché de l’ovule, un marché de la maternité (mères porteuses), un marché des gènes, des cellules souches, des embryons et même un marché, encore clandestin, des organes… La tendance conduit à la mise sur le marché d’enfants génétiquement “améliorés”, puis d’êtres humains clonés ou entièrement artificiels, puis de niches écologiques, éventuellement sur une autre planète…

Le capital et la science se servent l’un de l’autre et leurs buts ont beaucoup en commun, constate A. Gorz. Pour lui cette nouvelle ère a commencé au milieu du XXe siècle, d’une part et sans attirer l’attention, par l’invention de machines capables d’imiter le cerveau, et d’autre part, grâce à la découverte de la structure de l’ADN. L’Agence des Projets de Recherche Avancée du Pentagone a financé le premier programme d’intelligence artificielle en 1956, les travaux ultérieurs furent dominés par Marvin Minsky qui, affichant son mépris tant pour le cerveau que pour le corps humain, estimait que la machine à fabriquer la pensée était de la même espèce que l’esprit humain, celle de machines à programme. L’idée que l’esprit immortel peut être téléchargé et vivre éternellement dans le cyberespace apparut en Californie à la fin des années 1970. La croyance qu’on puisse transférer l’esprit humain sur des micro circuits est venue comme un sous-produit de la recherche militaire américaine élaborant un système d’armes avancées basé sur un flux d’informations destiné à localiser les cibles. Vinrent ensuite des robots destinés à la NASA, développés par H. Moravec qui croyait pouvoir transplanter l’esprit en reliant des neurones du cerveau aux câbles d’un ordinateur. C’était tout simplement oublier que l’homme est un sujet conscient, vivant, qui pense et qui choisit, qui poursuit des buts parce qu’il éprouve des besoins, des espoirs et des douleurs et qu’il ne cesse de se reprogrammer lui-même parce qu’il est toujours en devenir, alors que l’intelligence artificielle est figée parce qu’elle ne vit pas.

Qu’à cela ne tienne, les promoteurs de cette société post humaine envisagent d’aller plus loin en donnant aussi un corps artificiel à cette intelligence : ils vont créer la vie artificielle. Leur recherche est orientée vers la conception de machines capables, comme la vie, de s’auto-entretenir, de se réparer, croître, évoluer et même s’auto-créer. La NASA, dès 1980, a projeté d’installer, peut-être sur d’autres planètes, des fabriques de robots capables de « s’emparer de l’univers » et l’US Air Force créa un centre de recherches en 1985 à Los Alamos qui se proposait « de créer de nouvelles formes de vie in silico aussi bien qu’in vitro » ainsi qu’une « super civilisation, au-delà de l’humanité ».

Laisser faire ou résister ?

Même si ces visions sont infaisables, il n’empêche qu’elles témoignent de l’esprit de l’élite intellectuelle américaine qui y voit l’ultime projet de “sa” science et pour qui les droits et la dignité de la personne humaine, de même que les notions de liberté ou d’égalité sont « de méprisables survivances judéo-christiano-kantiennes » et l’évolution biologique de l’homme « une impasse ». Selon Kevin Warwick, au XXIème siècle « les humains, s’ils existent encore, se trouveront dans une position subalterne ». Vers 2020 ou 2030, « les robots qui sortiront des laboratoires domineront ceux qui les ont conçus » écrivait Hugo de Garis (Le Monde interactif, 27/9/2000). C’est donc la fin proclamée des sociétés humaines, seule une “minuscule élite” sera, peut-être, capable d’orienter ces grandes machines et son pouvoir sur “la masse” sera total. La voie est tracée, même si l’ingéniérie génétique n’avance qu’à petits pas et si le clonage humain est présenté sous un jour anodin.

Gorz insiste pour qu’on ne confonde pas ce qui est production de soi par toutes sortes d’exercices personnels d’apprentissage destinés à maîtriser un art, avec ces intentions de faire produire l’être humain par des spécialistes, de modifier son cerveau ou son génome par des interventions extérieures, d’acheter des prothèses pour nous faire « devenir les consommateurs et les acheteurs de l’augmentation de nos facultés », de programmer des enfants en décidant d’avance leur personnalité, en planifiant leur domination tout au long de leur vie.

Imaginer un tel avènement de monstres marquant la fin du genre humain est tout simplement l’abandon du principe que « tous les hommes naissent libres et égaux ».

L’analyse d’André Gorz ne peut pas être prise à la légère et le choix dépend de chacun de nous : réfléchir puis résister ou bien ignorer et continuer à laisser faire ?

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Actualité

Un débat public intéressant

par J.-P. MON
mars 2003

Comme nous l’avions annoncé dans le numéro précédent, nous avons participé le 15 février, au un débat sur le revenu d’existence et le salaire universel organisé par Attac-Strasbourg.

La séance commença par la projection de la vidéo-cassette de Pierre Carles, “Danger Travail !”, qui décrit comment vivent des gens qui ont été exclus du monde du travail par le chômage ou qui, au contraire, ont décidé personnellement de ne plus travailler.

C’était une bonne introduction au débat entre ceux qui considèrent que le travail est une valeur en soi et ceux qui estiment que ce n’est qu’un moyen de se procurer un revenu.

Notons tout de suite un point d’accord entre les débateurs : « Nous sommes globalement dans une société d’abondance […] Elle ne demande qu’un meilleur partage pour que, enfin, la peur ancestrale de manquer disparaisse à jamais de l’esprit des hommes ».

Après ce constat (que de nombreux économistes ou responsables politiques continuent à nier), Arnaud Caron (Conseiller régional Vert de Picardie) présenta sa thèse : héritage de l’après-guerre, la protection sociale connaît en France une crise profonde. Tout d’abord, elle n’a pas réalisé son ambition de couvrir l’ensemble de la population, car, basée sur la solidarité professionnelle elle a été progressivement bâtie, jusqu’à nos jours, par une série de colmatages successifs visant à répondre à des situations nouvelles, au fil des “urgences sociales”. D’où une réglementation que les spécialistes eux-mêmes n’arrivent plus à maîtriser et, a fortiori, la perte par le citoyen de la maîtrise de sa relation avec les diverses administrations. Pour lui, la solution passe par l’instauration d’un revenu minimum d’existence, cumulable avec un revenu du travail. C’est ce que Yoland Bresson et l’association AIRE proposent depuis longtemps.

Bernard Friot (Professeur de sociologie à l’Université Paris X) rappelle tout d’abord la différence entre travail contraint et travail libre : le travail contraint est le travail fait pour un employeur avec une idée de subordination, de compte à rendre à cet employeur, d’organisation décidée par autrui, tandis que le travail libre est celui dans lequel on a le libre usage de son temps, sans compte à rendre : c’est un travail dans lequel on est en situation d’autonomie.

On attend du salaire qu’il soit la rémunération du travail contraint. « Or la réalité est tout autre, le salaire reconnaît aussi le travail libre et c’est une nouveauté, un premier inattendu… » L’exemple type est celui du retraité : le salaire comme reconnaissance du travail libre, c’est le fait du retraité, qui n’est pas un allocataire bénéficiant de la solidarité nationale, ni un rentier qui tirerait sa rente d’une propriété accumulée au cours de son existence ; c’est un salarié qui est payé, non pas par son ancien employeur, mais par les employeurs en général, à partir de la cotisation sociale. Son bonheur tient précisément au fait « qu’il est payé à ne rien faire au sens strict du terme, c’est-à-dire payé à ne rien faire pour un employeur, il est payé pour travailler librement… » Il est tout aussi légitime, pense B. Friot, de revendiquer le maintien de leur salaire aux chômeurs et tout à fait normal que les étudiants soient payés, c’est-à-dire qu’ils « touchent du salaire », comme les retraités.

Ces mesures ne sont pas “utopiques” parce que les gains de productivité du travail, qui sont en moyenne de 2% par an, permettraient d’être à 30 heures par semaine et non pas à 35 heures, étudiants payés, chômeurs payés et, bien entendu, retraités payés. Pour cela, il faut, aujourd’hui, se battre pour le salaire, c’est à dire se battre pour que les gains de productivité du travail ne se transforment pas pour les uns en cauchemar de l’exclusion et en stress pour les autres.

Utilisant la comparaison avec les régimes de retraites qui sont en débat, M-L Duboin exposa brièvement l’économie distributive en la présentant comme une économie de répartition remplaçant l’économie actuellequi est fondée sur la capitalisation, et en soulignant le rôle de la monnaie. Elle démonta au passage l’argumentation d’A. Caron sur le salaire minimum qui, tel qu’il le propose, n’est autre chose qu’une “prime aux employeurs” et la porte ouverte à une plus grande précarisation des travailleurs.

Un long et sérieux débat s’engagea alors avec la salle, qui se révéla globalement d’accord avec les exposés de B. Friot et de M-L Duboin. Le Vert A. Caron essaya vainement de défendre sa position en disant qu’il était venu participer à une discussion sur le revenu minimum d’existence et pas à un débat politique remettant en cause le capitalisme… !!

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La chronique de Roberval

Leçon d’économie politique appliquée...

mars 2003

Supposons que vous ayez deux vaches :

Socialisme : Vos voisins vous aident à vous en occuper et vous vous partagez le lait.

Capitalisme : Vous en vendez une et vous achetez un taureau pour faire des petits.

Démocratie : Un vote décide à qui appartient le lait.

Démocratie représentative : Une élection désigne celui qui décidera à qui appartient le lait.

Communisme : Le gouvernement vous prend les deux et vous fournit en lait.

Fascisme : Le gouvernement vous prend les deux et vous vend le lait.

Anarchie : Vous les laissez se traire en autogestion.

Écologie : Vous gardez le lait et le gouvernement vous achète la bouse.

Féodalisme : Le seigneur s’arroge la moitié du lait.

Bureaucratie : Le gouvernement publie des règles d’hygiène qui vous invitent à en abattre une. Après quoi il vous fait déclarer la quantité de lait que vous avez pu traire de l’autre, il vous achète le lait et il le jette. Enfin il vous fait remplir des formulaires pour déclarer la vache manquante.

Capitalisme européen : On vous subventionne la première année pour acheter une troisième vache. On fixe des quotas la deuxième année et vous payez une amende pour surproduction. On vous donne une prime la troisième année pour abattre la troisième vache.

Monarchie constitutionnelle britannique : Vous tuez une des vaches pour la donner à manger à l’autre. La vache vivante devient folle. L’Europe vous subventionne pour l’abattre. Vous la donnez à manger à vos deux moutons.

Capitalisme à la française : Pour financer la retraite de vos deux vaches, le gouvernement décide de lever un nouvel impôt : la CSSANAB (cotisation sociale de solidarité avec nos amis les bêtes). Deux ans après, comme la France a récupéré une partie du cheptel britannique, le système est déficitaire. Pour financer le déficit, on lève un nouvel impôt sur la production du lait : le RAB (remboursement de l’ardoise bovine). Les vaches se mettent en grève. Il n’y a plus de lait. Les Français sont dans la rue : « Du lait, on veut du lait ! ». La France construit un laitoduc sous la Manche pour s’approvisionner auprès des Anglais. L’Europe déclare le lait anglais impropre à la consommation. Le laitoduc ne servira jamais. On lève un nouvel impôt pour l’entretien du laitoduc !

Capitalisme de Hong Kong : Vous avez deux vaches. Vous en vendez trois à votre société cotée en bourse en utilisant des lettres de créance ouvertes par votre beau-frère auprès de votre banque. Puis vous faites un “échange de dettes contre participation”, assorti d’une offre publique, et vous récupérez quatre vaches dans l’opération tout en bénéficiant d’un abattement fiscal pour l’entretien de cinq vaches. Les droits sur le lait de six vaches sont alors transférés par un intermédiaire panaméen sur le compte d’une société des lles Caïman, détenue clandestinement par un actionnaire qui revend à votre société les droits sur le lait de sept vaches. Au rapport de ladite société figurent huit ruminants, avec option d’achat sur une bête supplémentaire. Entre temps, vous abattez les deux vaches parce que leur horoscope est défavorable.

Capitalisme sauvage : Vous équarrissez l’une, vous forcez l’autre à produire autant que quatre, et vous licenciez finalement l’ouvrier qui s’en occupait en l’accusant d’avoir laissé la vache mourir d’épuisement.

Démocratie de Singapour : Vous écopez d’une amende pour détention de bétail en appartement.

Féminisme : Le gouvernement vous inflige une amende pour discrimination. Vous échangez une de vos vaches pour un taureau que vous trayez aussi.

Nazisme : Le gouvernement vous prend la vache blonde et abat la brune.

Surréalisme : Vous avez deux girafes. Le gouvernement exige que vous leur donniez des leçons d’harmonica.

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Dossier (Étude de la monnaie IVe)

Après avoir montré que la dématérialisation de la monnaie s’est accompagnée de l’évanouissement de toute garantie, notre étude a évoqué l’effet multiplicateur de crédit qui permet aux banques privées de créer la monnaie légale sous sa forme scripturale, sans que cela corresponde à la moindre création de richesse, et montré que ceci donnait aux banques le pouvoir d’orienter l’économie vers leurs intérêts.

Nous avons ensuite tenté d’expliquer l’importance du tournant libéral pris il y a une vingtaine d’années, qui, en libéralisant les marchés donnait à la finance le pas sur la politique.

Nous complètons ici cette partie en l’illustrant par la transformation du rôle du Fonds monétaire international et tirons quelques premières conclusions, avant d’aborder un chapitre de réflexions autour de certains termes, en commençant par celui d’échange.

Étude de la monnaie : FMI et dette du Tiers monde

par M.-L. DUBOIN
mars 2003

En 1944 à Bretton Woods, quand fut créé le Fonds monétaire international (FMI) pour réguler le marché monétaire international, le droit des particuliers et des entreprises à investir leurs capitaux à l’étranger avait été limité par la plupart des pays, dont les États-Unis, pour éviter que la spéculation nuise aux relations commerciales. Mais les gestionnaires de capitaux ont fait pression sur les gouvernements républicains (Reagan puis Bush) soutenus par un électorat fortuné pour que soient levées de telles barrières. Aprés quoi c’est l’administration démocrate (Clinton) qui a saisi cette initiative pour financer ses campagnes électorales : la charte du FMI fut amendée. Elle est devenue, aux dires des plus modérés, le manager du système de crédit, ayant pour objectif, à court terme d’assister les créditeurs internationaux, et, à long terme, d’augmenter le rendement de leurs capitaux.

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On aborde là le problème de la Dette du Tiers monde. En effet, que se passe-t-il quand l’économie d’un pays est malade et que ses entreprises sont amenées à emprunter à l’étranger ?

« En dehors d’un accord conditionné avec le FMI, il n’y a pas de prêt international possible », alors le FMI intervient pour obliger les gouvernements des pays emprunteurs à prendre les mesures nécessaires pour maintenir le cours de la devise locale afin d’assurer le plus vite possible le remboursement des créditeurs internationaux, ces mesures, les "pactes d’ajustement structurel" (PAS) sont privatisations, austérité pour limiter les importations et faciliter les exportations, réduction des dépenses publiques ce qui entraîne aggravation du chômage et baisse de la production, donc des revenus, etc.

Toutes ces mesures sont dans la logique du système de crédit, même si elles sont désastreuses pour les populations car le FMI n’a pas à venir en aide aux habitants des pays en difficulté, mais à veiller à ce que les prêteurs internationaux soient remboursés intégralement et avec intérêt.

Ces investisseurs exigent des intérêts d’autant plus élevés qu’il paraît possible que le pays emprunteur ne soit pas en mesure de les rembourser. Mais le comble est que ce n’est pas eux qui assument ce risque, parce que si, malgré les PAS, un pays ne peut pas payer, c’est le FMI qui paie, aux frais des contribuables !

Voici des chiffres éloquents sur la dette du Tiers monde. En 1979, l’augmentation brutale des taux d’intérêt (passant de 5 à 20 %) obligent les pays du sud à emprunter à ces taux usuraires pour payer les intérêts de leurs dettes précédentes. À elle seule, l’Amérique latine, entre 1980 et 2000, a déboursé un supplément de 106 milliards US$. De façon générale, entre 1981 et 2000, les pays du sud ont transféré vers les pays du Nord 3.450 milliards US$, ce qui correspond à six fois la dette (567 milliards) qu’ils avaient en 1981. En 1999, les pays en voie de développement ont versé 350 milliards US$ pour les intérêts de leur dette. La dette globale des pays du sud reste encore aujourd’hui de 2.000 milliards de dollars .

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Premières conclusions de ces rappels. Depuis qu’elle peut être créée très facilement, par de simples jeux d’écritures, la monnaie-symbole a perdu la garantie que constituait son lien avec une richesse matérialisée. Cette évolution progressive, presque insidieuse, et qui s’est accélérée au cours des dernières décennies, fait qu’on constate aujourd’hui :

— que le choix des bénéficiaires de la création monétaire échappe à toute décision politique (« On ne prête qu’aux riches » !) et la création monétaire n’a pas l’intérêt général pour objectif.

— que ce mode de création monétaire ne permet pas, par exemple, de financer une entreprise d’utilité publique mais non "rentable", parce qu’elle ne pourrait pas rembourser, ni, à plus forte raison, payer les intérêts liés à la création bancaire.

On peut citer mille conséquences dramatiques de la nécessité de rentabilité de tout financement. Par exemple, la recherche fondamentale : il n’y a que l’État qui puisse financer une recherche scientifique qui ne débouche pas sur une application marchande. Dans le domaine médical, de plus en plus de gros laboratoires privés financent la recherche de médicaments dits “porteurs”, attendus par une clientèle riche, et ils en exigent l’exclusivité du marché par des brevets ; par contre, la recherche concernant les maladies dites “orphelines”, parce que rares, est délaissée parce que la clientèle potentielle n’est pas jugée suffisante pour attirer l’investissement !

On rencontre en permanence des situations analogues dans tous les domaines : une commune, ou une région, se trouve en face d’un besoin manifeste, par exemple la construction d’un pont, d’une crèche ou d’une route, pour lesquels existent les compétences, les architectes, les ouvriers disponibles, et tous les matériaux et les machines nécessaires. Ne manque que le crédit. La construction ne peut pas se faire : les besoins humains ne commandent pas la création monétaire et les pouvoirs publics sont obligés de se soumettre.

— que ce mode de création monétaire ne pèse pas seulement de cette façon directe sur la société dans tous les domaines publics, car il oblige toute entreprise qui a besoin de crédits à rembourser plus qu’elle n’a emprunté. C’est donc une obligation générale de croissance.

Cette obligation oriente les choix des entreprises qui sont ainsi amenées à compenser cette augmentation de leurs coûts par des “économies” faites sur les conditions de travail.

Et comme les entreprises calculent leurs prix de vente pour pouvoir payer les intérêts de leurs emprunts, c’est l’ensemble des consommateurs qui paient ces intérêts.

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Ceci devrait amener l’opinion à réfléchir à quelques premières questions :

D’où vient ce choix du mode de création monétaire ? — Nul débat politique n’est à son origine.

A-t-il été spontané ? — L’histoire a montré, en plusieurs circonstances (dont deux coups d’État napoléoniens) la pression exercée sur le pouvoir en place pour imposer les privilèges dont les banques jouissent encore.

Ce choix est-il immuable ? — Rien ne l’est, et surtout pas la monnaie, nous avons vu comment elle a changé tout au long de son histoire…

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Dossier (Étude de la monnaie IVe - Suite)

Étude de la monnaie : Que cachent certains termes ?

par M.-L. DUBOIN
mars 2003
1. L’ÉCHANGE

Pour comprendre comment a évolué l’échange économique, revenons aux trois façons possibles d’échanger des biens ou des services :

A. L’échange pur, sans monnaie.

C’est la façon la plus simple d’échanger : Alice donne des carottes à Brigitte, et Brigitte donne des pommes à Alice. Dès que cet échange a eu lieu, les deux parties sont quittes.

Cet échange direct entre personnes qui ont justement, par hasard, de quoi échanger, ne peut pas s’appliquer à l’ensemble des économies, surtout depuis que la production a cessé d’être artisanale. Il ne reste possible qu’à deux niveaux extrêmes.

— Soit entre individus qui se connaissent assez pour se faire confiance, et qui s’entre-aident. C’est un tel “échange de bons procédés” que les systèmes d’échanges locaux (SEL) organisent entre personnes qui vivent à proximité mais qui, au départ, ne se connaissent pas. Elles n’ont donc aucune garantie que l’échange sera équitable. Bien que les SEL ne concernent qu’une marge de l’économie, ils ont du mal à établir une gestion qui laisse à leurs membres l’initiative de leurs activités.

— Soit entre pays, mais il s’agit alors de contrats d’échanges, impliquant une préparation, des négociations, des clauses et des modalités établies par les deux parties conformément à une juridiction au niveau international dont une Organisation Mondiale des Échanges pourrait, même sans monnaie, assurer l’équité.

B. L’échange par l’intermédiaire d’une monnaie-marchandise.

Dans un premier temps, Alice donne des carottes à Brigitte, qui, n’ayant pas les pommes que cherche Alice, lui donne en contre-partie un autre bien ayant une valeur marchande dont elles estiment toutes les deux qu’elle est équivalente à celle des carottes fournies par Alice.

Après ce premier temps, Brigitte est quitte, par contre, Alice se retrouve avec un objet dont elle n’a pas l’usage, elle n’a que l’assurance qu’il va lui permettre de l’échanger, en sens inverse, contre un autre dont elle a besoin.

Il y a donc un laps de temps pendant lequel celui qui a reçu la monnaie-marchandise n’est pas encore quitte. Pendant ce délai il peut perdre sa monnaie, se la faire voler, le prix des pommes peut augmenter, il peut y avoir pénurie de pommes ou seulement baisse de la valeur de l’objet intermédiaire, parce qu’il est devenu plus abondant, etc.

Ainsi l’intervention d’une monnaie-marchandise retarde le moment où les deux parties sont quittes, mais en attendant elles possèdent toutes les deux un bien dont la valeur est réelle, même si elle peut un peu varier en fonction de la rareté.

Ce type d’échange a disparu en même temps que la monnaie-marchandise.

C. La vente avec une monnaie de dette.

Christian vend des pommes à Denise, qui n’a pas en contre-partie une marchandise de valeur équivalente. Denise reste débitrice, elle remet à Christian un reçu par lequel elle s’engage à lui régler sa dette plus tard. Christian reste créditeur, et, bien qu’il ait fourni sa part, la vente continue à le concerner aussi longtemps que Denise n’aura pas produit la marchandise équivalente au reçu. Or il peut avoir besoin de ce que sa débitrice lui doit. Et quelle garantie a-t-il qu’elle tiendra son engagement ? Elle peut être empêchée de le tenir par un accident, elle peut mourir ou perdre son emploi, et elle peut être malhonnête et disparaître sans être quitte.

Au retard introduit par la monnaie-marchandise, la monnaie de crédit ajoute le risque, car la question se pose de savoir ce que vaut cet engagement à payer. Qui acceptera d’accorder de la valeur à ce morceau de papier qui n’a aucune valeur propre ? Et si quelqu’un l’accepte, est-ce que ce sera bien contre l’équivalent de ce qui a été fourni ?

La perte du lien de la monnaie avec une richesse concrète a introduit en plus du délai avant que les deux parties soient quittes, un risque, celui de ne jamais l’être, et en plus elle a doublement modifié la nature de la transaction :

• D’une part l’un des termes de l’échange a changé de nature, il s’est dématérialisé, et pas l’autre.

• Et d’autre part, les deux échangeurs jouent maintenant des rôles différents, l’un, le vendeur, cède un bien réel (ou efectue un service) dont la valeur est ainsi concrétisée, alors que l’autre, l’acheteur ne cède ni marchandise utilisable, ni service équivalent donc incontestable : le vendeur est payé par une promesse symbolique, dont l’utilisation ensuite dans une opération en sens inverse reste aléatoire. Le bien ou le service ne va donc plus que dans un seul sens, du producteur vers le consommateur, et en sens inverse ce n’est qu’un symbole qui est tranféré.

Depuis des décennies, le métal des pièces est sans valeur, et l’ensemble de cette monnaie divisionnaire est à peine 1% de la monnaie circulante. La Banque centrale, dont le nom d’Institut d’émission peut prêter à confusion, fabrique aussi la monnaie fiduciaire (les billets de banque) qui n’a aucune valeur intrinsèque. Ainsi l’essentiel (presque 87% en 1998) de la monnaie légale est constitué de monnaie scripturale-reconnaissance de dette.

Le système actuel est devenu une généralisation de la vente avec une monnaie de crédit. Il y a en effet généralisation du débiteur et du créditeur que nous avons pris en exemple ci-dessus : d’un côté tous les ressortissants du pays sont débiteurs, puisque la loi les oblige à accepter la monnaie nationale en paiement, ils sont ainsi tenus d’honorer cette dette collective ; d’autre part quiconque possède de cette monnaie-reconnaissance de dette est créditeur de la nation puisqu’il a une créance sur elle.

La monnaie nationale, bien qu’elle soit créée par des institutions privées, est ainsi une reconnaissance de dette collective qui engage la collectivité nationale à fournir l’équivalent de sa valeur nominale !

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Actualité

Minamata (Japon), 1973, pollution au mercure.
Seveso (Italie), 1976, pollution à la dioxine.
Noyelles-Godault (France), 1894 à 2003, pollution au plomb.

Métaleurop

par R. POQUET
mars 2003

J’habite à cinq kilomètres à vol d’oiseau du site Metaleurop, l’une des plus grosses fonderies de plomb de notre continent. Longtemps j’ai cru qu’habiter la campagne verdoyante du nord de la France était une bénédiction des dieux (ne riez pas, il y a moins de sursauts climatiques que dans la plupart des autres régions). Jusqu’au jour où j’ai appris que je vivais au cœur du territoire le plus pollué de notre pays dont Metaleurop représente l’un des fleurons les plus actifs : losque le vent est au nord, mon jardin reçoit “du plomb dans l’aile” et, l’été, mon cerisier et mes deux pruniers sont recouverts d’une fine poussière grisâtre… La fermeture de cette usine me touche à plus d’un titre. Une partie de ma famille y a travaillé, au début du siècle alors que l’usine s’appelait Malfidano - joli nom pour une empoisonneuse ! - et plus récemment lorsque celle-ci était régie par un consortium des Asturies (Espagne) sous le nom de Penarroya, ce n’est que depuis peu qu’elle a pris le nom de Metaleurop ; des proches y travaillent encore et feront bientôt partie de cette cohorte de chômeurs qui enorgueillissent les statistiques françaises. Bien entendu, chacun d’entre nous déplorera le sort des 830 personnes brutalement remerciées. On évoquera pendant quelques jours leur détresse et celle de leurs familles ainsi que la mise en difficulté des quelques entreprises de sous-traitance qui gravitent autour de cette usine : 2.000 emplois au total sont menacés. Dans le même temps, et au hasard d’une information, on apprendra que c’est le même “voyou” qui préside ou a présidé aux destinées ( !) de Metaleurop et du cargo Prestige et qu’il sera bien difficile de l’aborder dans son confortable chalet suisse. (Blanchi par Bill Clinton alors qu’il “devait” 325 années de prison, le dénommé Marc Rich est le deuxième négociant du monde en pétrole). Le maire de Noyelles-Godault (la commune concernée), le député de la circonscription et quelques élus politiques et syndicaux défileront sous la neige, main dans la main, avec la population touchée. Quelques banderoles hésitantes sur lesquelles on devinera les mots “emploi”, “travail”, “vivre” illustreront la dernière marche dans les rues de la commune. On feindra d’oublier que celle-ci est également le fief du groupe Auchan (Auchan, Decathlon, Norauto, Kiabi,…). On précisera, chiffres à l’appui, qu’il sera impossible de dépolluer le site car cela reviendrait trop cher. Comme la douleur est grande, on ira jusqu’à menacer de mort le président de l’association écologiste qui aurait contribué à accélérer la fermeture de l’usine en réclamant des mesures dépolluantes, indispensables pour combattre la maladie du saturnisme qui touche 250 enfants. Car chacun restera convaincu que la solution à tous ces problèmes économiques et sociaux, en quelque endroit que ce soit, passe encore et toujours par l’emploi, la population dût-elle en crever.

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Au risque de choquer certains, j’irai droit au but. Quand donc va-t-on se décider à rechercher les moyens de mettre un terme à cette hypocrite comédie de l’emploi ? Comment espérer redonner un emploi à la plupart de ces ouvriers de Metaleurop, en particulier à ceux qui ont dépassé la quarantaine, alors que le bassin d’activité de cette zone Hénin-Carvin connaît un chômage de 25% ? Est-ce trop demander à la collectivité de prendre en charge ces quelques centaines d’ouvriers en leur allouant 100% de leurs revenus jusqu’à la retraite ? Un fonds spécial ne peut-il être créé à cet effet ? Et que l’on ne vienne pas nous dire que cette mesure accroîtrait sensiblement le déficit budgétaire, que tout revenu passe obligatoirement par un emploi, ou encore que ce serait pure charité. Depuis la fin du XIXème siècle qui a vu s’ouvrir cette usine, a-t-on mesuré à sa juste valeur la contribution à l’essor de l’économie nationale de ces milliers de travailleurs qui se sont succédé, souvent de père en fils ? Oserait-on encore de nos jours faire travailler jusqu’à épuisement tel ou tel mineur silicosé qui, à cent mètres de Metaleurop, a exploité pendant d’interminables années une mine de charbon, autre ancienne richesse de cette région ? Comment qualifier la déclaration inconsidérée du président de la communauté de communes à la presse, qui place sur le même plan la perte de 830 emplois et le manque à gagner de 28% de taxe professionnelle ? Peut-on suivre le président de la région Nord-Pas de Calais lorsqu’il déplore, à l’occasion de ce sinistre, que « 50% du revenu de la population de sa région provient de la protection sociale » ? Et alors ? Comprendra-t-on un jour qu’assujettir les revenus au travail qui se dérobe est devenu un problème sans solution, de même qu’assujettir les retraites au travail, à sa durée et à sa rémunération, renvoie au même problème sans solution ? Admettra-t-on un jour que ce qui compte c’est d’indexer les revenus, tous les revenus, sur la richesse d’un pays et de les distribuer à chacun, indépendamment de la formation, de la durée du travail et même du travail ? Ce jour-là, les élus de tous bords se seront donné une perspective autrement salutaire pour le devenir de nos sociétés dont la richesse globale s’accroît régulièrement et ils auront la satisfaction d’avoir mis fin à une détresse physique et morale qui n’a plus de raison d’être en ce début de XXIème siècle.

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Réflexions

Les mots cachent les maux

par M. DEVOS
mars 2003

Utopique l’économie distributive ? Utopique de vouloir supprimer la misère plutôt que d’éliminer les pauvres ? NON, non et non !

Je pense que si nous acceptons d’être qualifiés de “gentils” utopistes, c’est que nous sommes victimes de la propagande de “méchants” utopistes qui ne voient dans le travail qu’un outil de profit. Ce sont eux les utopistes de penser que cela peut durer sans réaction ou sans violence. Il y a du bon sens dans la réflexion d’un “jeune de banlieue” disant qu’entre travailler ou se faire de l’argent, il faut choisir. Nous ne sommes plus à l’époque où la croyance dominante était que Dieu avait créé les pauvres et les riches, où l’on pendait en Angleterre un “chômeur” qui refusait de travailler, où l’on gagnait son pain à la sueur de son front et où il était politiquement correct de parler de “salauds de pauvres”. Notre nouveau Dieu c’est le marché, qui aboutirait, dit-on, au bien collectif en s’appuyant sur les égoïsmes individuels. Et pour faire avaler cette utopie, il en faut de la propagande !… et un bataillon de dames patronnesses laïques pour excuser les excès du libéralisme quand au cœur d’un pays riche, le mien, la France, on jette les vieux travailleurs à la poubelle. On nous explique froidement que dans dix ans, un retraité sur trois aura une pension équivalente au seuil de pauvreté et je parie que la propagande va réussir à faire passer ça. Voici dans l’actualité des médias deux exemples de cette force de propagande pour nous faire accepter l’exploitation de la misère :

• Infos du JT du 10 janvier : « Irak : Saddam ne peut pas prouver que n’existe pas ce que les inspecteurs ne trouvent pas ». C’est forcément impossible, mais cela permet aux Américains d’attaquer massivement quand ils le voudront. « Venezuela : Chavez a le culot de vouloir gouverner ». Alors qu’il a été élu pour ça ! « Marée noire : plus jamais ça ». Une fois de plus, mais cependant les travaux de dépollution vont faire augmenter le PIB grâce aux dépenses engagées. « Afrique, 14 millions de morts annoncés ». À votre bon cœur. On discute scientifiquement le chiffre, mais pas question de supprimer les subventions aux industriels agricoles occidentaux qui ruinent les paysans des pays en voie de développement et nous empoisonnent. « EDF, les salariés et retraités ne veulent pas qu’on touche à leurs retraites ». Cela sera plus dur à privatiser avec ce boulet !

• Le Diplo est beaucoup plus subtil et je l’aime bien : il donne des informations et Halimi y explique bien comment la presse (les autres journaux) manipule l’opinion mais pas question qu’il regarde le travail autrement ou qu’il s’ouvre aux idées d’économie distributive. Dans le numéro de janvier, bel article sur les retraites : Travailler plus, toucher moins, marché de dupes pour les retraites. J’en cite un passage : « En 1970, 72,8% des richesses créées dans l’entreprise servaient à financer les dépenses salariales ; en 2000, seules 66,2% d’entre elles y sont consacrées. Un partage de valeur ajoutée plus favorable à l’emploi et aux salaires n’aurait rien d’incongru. » Si je sais lire : l’entreprise crée des richesses et elle les partage avec ses salariés, mais en leur en donnant moins. C’est vraiment la vision religieuse de l’entreprise. Si nous l’avalons, nous accepterons de nous serrer la ceinture et remercierons ces bons entrepreneurs qui nous permettent de survivre et la bonne dame patronnesse du Diplo qui fait comprendre au patron que ce ne serait pas incongru de faire un petit geste pour ses salariés. Pour moi, le seul but de l’entreprise est de faire du profit, et pour ce faire, elle utilise le travail, donc avec les mêmes chiffres je dirai : « En 1970 l’entreprise tirait 27,2% de profit du travail de ses salariés, en 2000 elle en tire 33,8%. En quoi serait-ce utopique de mieux répartir cette plus-value ? »

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Initiatives

Ça bouge à Mulhouse. À la maison de la citoyenneté mondiale, on débat des conditions dans lesquelles pourrait être faite une expérimentation de quelque chose qui ressemblerait à une économie distributive en modèle réduit. Roger Winterhalter nous a transmis l’état de leur projet en précisant « que beaucoup d’éléments restent évidemment à approfondir, à discuter et à modifier par la suite en fonction de notre pratique mais aujourd’hui nous pensons que la possibilité existe pour démarrer l’expérimentation. Le texte qui suit, précise-t-il, est inspiré des réflexions faites lors d’un certain nombre de réunions de travail que nous avons tenues avec un groupe informel et en présence parfois des amis allemands et suisses ».

Nous tentons une expérience

par R. WINTERHALTER
mars 2003

Une monnaie solidaire et distributive, qu’est-ce que c’est ? Il convient de retenir de cette monnaie qu’étant distributive, elle n’a pas à être remboursée et ne donne pas lieu à versement d’intérêts, que le montant total de la quantité de monnaie émise doit correspondre à la production, aux marchandises, aux biens, aux services disponibles.

Cette monnaie est mise à la disposition des consommateurs en fonction des apports des uns et des autres. C’est une monnaie de consommation c’est-à-dire qu’elle ne circule pas. La distribution de cette monnaie doit être accompagnée d’une exigence de passer un contrat civique, en d’autres termes, une charte avec les bénéficiaires de la monnaie. Les uns et les autres offrant et recevant des marchandises, des biens, des services.

… Bien que la condition idéale pour mettre en place cette monnaie distributive suppose un changement global de la société, il s’agit non pas d’essayer de mieux gérer l’exclusion et la précarité, mais de tenter des expérimentations laissant préfigurer la solution idéale et globale. C’est dans ce cadre que nous nous situons mais cela n’empêchera pas certaines et certains de nous interpeller en disant : « Oui, c’est bien, mais malgré tout la société dans laquelle nous vivons sera bien contente qu’on invente des solutions de ce type, qu’on donne l’occasion à certains de donner de leur superflu et d’avoir ainsi bonne conscience. En définitive, sous une forme nouvelle, on gère l’exclusion et la précarité. » Nous répondons : « Vous avez raison, ce danger existe bel et bien et il faudra l’avoir certainement à l’esprit. Il faudra se dire et se répéter qu’effectivement (comme nous venons de l’énoncer) il ne s’agit pas de mieux gérer l’exclusion et la précarité mais de tenter des expérimentations laissant préfigurer un autre type de société. » Rappelons-nous que les SCOP de Mondragon, en Espagne, ont été mises en place en plein régime franquiste et qu’elles existent encore et toujours.

N’oublions pas que pour motiver, pour redonner de l’espoir aux pauvres du sous-prolétariat, il faut d’abord qu’ils puissent manger à leur faim sinon ils excluraient à leur tour des plus pauvres qu’eux, ils s’inventeraient des boucs émissaires et on se retrouverait en plein dans ce racisme ambiant qui nous entoure.

Enfin, pour rassurer les plus sceptiques, nous proposons la création d’une commission d’évaluation permanente qui suivra constamment la mise en place et la vie du projet. Cette commission sera composée par des acteurs du projet et un sociologue qui régulièrement analysera l’évolution, le comportement des uns et des autres et nous renverra à nous-mêmes. Car, en fait, il s’agit d’inventer des pratiques qu’on peut qualifier de solidaristes.

Cela est-il possible ?

— Oui. Imaginons un groupe de personnes qui émettent leur monnaie (une monnaie parallèle comme celle des SEL) qui soit une monnaie de consommation, c’est à dire qu’ils la répartissent entre eux afin de consommer eux-mêmes d’abord, leurs propres productions. Une telle gestion distributive, c’est à dire de partage, leur permettrait de mettre en commun les richesses qu’ils sont capables de produire ensemble. Ne peut-on envisager qu’ils mettent en commun des productions, des marchandises, des biens et des services dont ils auraient eux-mêmes besoin ? Pourquoi ne seraient-ils pas les premiers à les acheter ? Pourquoi devraient-ils passer par la monnaie officielle pour se partager entre eux ce qu’ils produisent ensemble ? Il est évident qu’ils ne peuvent pas être autonomes, ils ne produiront, par exemple, jamais toute l’énergie qu’ils consommeront. Et pour acheter à l’extérieur (énergie, services publics, etc.) ils seront amenés à vendre à l’extérieur, par exemple, des spectacles, des objets en bois, etc. Mais cela ne les empêche pas d’avoir entre eux une économie solidaire, c’est à dire distributive (ou de répartition, comme ont dit pour le régime actuel de retraites parce qu’il est basé sur la solidarité et non sur les fruits d’un capital personnel) et non plus basée (entre eux, j’insiste) sur la vente à profit de leurs produits. Même si la vente de leurs produits à l’extérieur pourrait leur apporter un profit qu’ils mettraient dans le pot commun pour payer les dépenses communes faites à l’extérieur. C’est alors que leur comportement économique serait vraiment solidaire.

On se rend compte qu’il s’agit de devenir solidariste. Concrètement cela suppose qu’on pourra par exemple utiliser de la monnaie capitaliste pour acheter des marchandises qu’on mettra à la disposition du groupe, moyennant en contre-partie une monnaie solidaire et distributive. En fait, tout en refusant les contraintes du système classique, on jumellera moyens capitalistes et moyens solidaires.

Cette expérimentation devra faire ressortir l’aspect distributif, la mise en commun, la solidarité, le partage et le lien social qui en découle en d’autres termes une expérience qui ose préfigurer une autre société fondée sur l’abondance et non sur la rareté qui permet le profit. Mais pour être encore plus précis entrons dans le vif du sujet.

Tout en précisant que tout peut être discuté et pourra évoluer en fonction de l’expérience, il convient de définir les besoins par ordre de priorité. Dans un cours d’économie politique quelqu’un m’ayant dit un jour que les besoins se définissent par les 3 S : Soupe, Savon, Salut, nous graduons ces priorités de la manière suivante : 1. les besoins élémentaires, la nourriture de base, 2. les besoins d’hygiène, 3. le toit, le logement, 4. les habits, 5. enfin les loisirs.

En fait, chacune et chacun apportera sa part, quelque chose, si ce n’est pas un produit, un objet, ce sera peut-être un service, c’est à dire sa disponibilité. Ces produits, objets et services seront évalués en fonction de leur valeur capitaliste d’actualité.

En ce qui nous concerne et pour éviter de perdre notre temps et notre énergie en d’inutiles discussions, nous prendrons en compte la valeur moyenne des marchandises et des produits selon l’indice officiel des prix de l’INSEE. Quant à la durée du service rendu, la valeur de base sera le temps et la contre-partie correspondra à 10 unités de valeur ainsi par exemple une heure de ménage = une heure d’enseignement. En d’autres termes, 1 Euro = 1 unité de valeur de monnaie solidaire et distributive.

Ces précisions sont nécessaires pour éviter tout malentendu. Nous partons du principe que nous expérimentons une autre forme de société basée sur la confiance, le respect, la solidarité, ce qui n’empêche pas le contrôle et l’évaluation.

En définitive, ce type de discussion devient inutile et sans effet, puisque tout va dépendre du mode de répartition.

Revenons à notre expérimentation : les uns apporteront ou feront du pain, d’autres de la viande, des légumes, des confitures, d’autres encore des habits usagés ou neufs, d’autres mettront dans le pot commun une chambre, un logement, d’autres proposeront des services (garde d’enfants, cours, écrivain public, etc. À ce niveau il apparaît clairement qu’il faudra se tourner vers des commerçants qui (ceci est primordial) adhèrent à l’idée et à la démarche. Rien ne devrait en effet empêcher les commerçants, les artisans et même certaines entreprises de participer. Nous reviendrons par la suite sur leur façon de s’intégrer.

En fonction des apports des uns et des autres, il s’agira de distribuer de manière équitable sur la base d’une charte et ne l’oublions pas, en ayant à l’esprit qu’il faudra apprendre à donner le plus à celles et ceux qui ont le moins.

Emission et distribution de la monnaie :

Nous distribuerons cette monnaie solidaire et distributive sous l’appellation de PLUS. Cette monnaie sera émise par nos soins, destinée à être détruite au moment de l’utilisation. Une nouvelle émission sera prévue dès la fin du cycle distributif (une durée d’un mois est prévue au départ) en fonction des nouveaux apports.

Pour ce qui est des critères de distribution, nous partons du principe que les 3/4 de la valeur (en monnaie solidaire) à distribuer doivent être partagés à part égale entre tous les participants du groupe.

Ceci est un choix collectif partant du principe que certaines et certains auront peu de choses à mettre dans la balance commune, d’autres y mettront de leur superflu ! Mais chacune et chacun a un minimum de besoins vitaux. Et c’est ainsi que ce mode de distribution permettra de préfigurer un revenu d’existence identique pour les actifs et les inactifs, tous faisant partie de la même humanité.

Quant au dernier quart restant à distribuer, nous avons prévu qu’il constituera le revenu complémentaire, à partager en fonction des besoins propres de chacune et de chacun. En d’autres termes, celle ou celui qui possède le moins aura bien plus que l’autre. Et pour déterminer le mode de répartition il avait été proposé que chacune et chacun indique (déclaration sur l’honneur) son revenu mensuel et qu’on procède ensuite à une répartition inversement proportionnelle aux revenus en question.

En annonçant cela, nous avions conscience que ce mode de répartition donnera lieu à des débats, des discussions et que ce sera difficile sinon impossible de l’imposer au départ. Nous disions que rien n’empêchera non plus aux différents groupes d’avoir des modes de répartition différents. Mais en définitive et pour éviter des discussions interminables et peut-être même des conflits, nous avons pris l’option de répartir le quart restant en fonction des apports de chacune et chacun.

Rien ne devrait nous empêcher par la suite, à l’usage, de revoir ce mode de répartition.

Qui va participer ?

Cet aspect des choses nous semble très important. Le nombre de personnes faisant partie de ce groupe, appelons-le solidariste et distributif doit être assez significatif au départ (ni trop petit, ni trop important) disons entre 20 et 30 personnes, quitte à évoluer par la suite en fonction de l’expérience vécue.

Ajoutons que cette expérimentation, modeste au départ, est prévue à titre incitatif et démonstratif, elle peut être reprise par des groupes d’individus plus grands : quartier, village, ville, région, pays, continent, le monde entier (pourquoi pas ?) l’objectif étant de proposer autre chose que la société spéculative dans laquelle nous vivons.

Par ailleurs, il nous a semblé absolument indispensable qu’au départ la composition sociale du groupe soit très hétérogène, représentant différentes couches sociales, ceci pour éviter la constitution de castes (les précaires, les demandeurs d’asile, les cadres etc.).

Simulation :

Pour être clair, nous avons voulu simuler une petite expérience de répartition :

Admettons qu’un petit groupe de 3 personnes (tout en précisant que plus on sera nombreux plus il y aura de produits à partager) mettent en commun des marchandises, des objets fabriqués (main d’oeuvre + matières premières) et des services. Par exemple : 300 objets à 10 PLUS, 600 objets à 12 PLUS, et 360 services à 5 PLUS,qui font un total de 12.000 PLUS. Le partage se fera donc ainsi : les 3/4 de 12.000 sont distribués en un revenu social identique de 3.000 PLUS et les 3.000 PLUS restants constituent un revenu complémentaire qui tient compte des apports des uns et des autres.

À cela il convient d’ajouter deux exigences fondamentales : les personnes doivent pouvoir choisir leur apport et la monnaie ne sert qu’une seule fois.

Questions complémentaires :

Comment commerçants, artisans, entreprises peuvent participer à ce type d’expérience ?

— C’est très simple. De deux façons :
- soit comme n’importe qui, en mettant dans le pot commun leurs produits, leurs marchandises. La valeur de ces apports est à chiffrer selon leurs propres prix de vente et à soustraire des achats à faire. Ceci passe par une écriture comptable et pour éviter que le commerçant ne soit perdant, la valeur retenue par le système d’échange tiendra compte de la TVA. En compensation, les intéressés recevront comme les autres participants des unités de valeur correspondant à leurs apports et pourront bénéficier comme tout un chacun des produits, marchandises et services qui ont été mis en commun.
- soit en donnant à fonds perdus : ils font don des marchandises, produits, services et n’exigent pas de contre-partie. Le principe comptable et fiscal est le même, mais les intéressés ne perçoivent pas de PLUS en compensation. Et c’est alors que se posera une question qui coule de source : Quel avantage le commerçant, l’artisan, le chef d’entreprise retirent-ils de ce système d’échange ? Nos amis Allemands ont déjà répondu à cette question. Ils estiment que le fait de sponsoriser ce type d’expérience valorise leur image et peut inciter les bénéficiaires à réaliser chez eux d’autres achats, capitalistes ceux-là.

En ce qui concerne notre groupe, nous sommes assez réticents à ces dons à fonds perdus parce que nous voulons éviter d’introduire toute idée de charité (du riche qui se penche sur le malheur du pauvre) mais nous laissons libre évidemment le commerçant, l’artisan, le chef d’entreprise, comme tout un chacun avec les mêmes obligations et les mêmes droits. C’est ainsi qu’on arrivera à se traiter d’égal à égal.

Comment pallier à l’absence de commerçants participatifs ?

— Les premiers contacts pris jusqu’à ce jour sont assez négatifs. Et alors qu’en Allemagne par exemple, il y a des commerçants prêts à jouer le jeu, il n’en est pas de même en France. Compte tenu de cet état de fait, nous proposons aux personnes qui en ont les moyens financiers d’acheter des bons d’achat auprès de certains commerçants ou artisans (ceci ne doit pas poser de grandes difficultés) de les mettre à la disposition du groupe et de recevoir en compensation l’équivalent en monnaie solidaire et distributive.

A titre d’exemple, la personne qui a acheté pour 100 euros de bons d’achat mettra ces bons dans le tronc commun et recevra 100 PLUS lui permettant à son tour de bénéficier de certains biens et services.

Et le Bénévolat ?

— Il sera valorisé comme un service rendu et donnera lieu à un versement en monnaie sociale et distributive en fonction du nombre d’heures mis à la disposition du groupe. Partant du principe qu’une heure correspond à 10 PLUS, la personne qui, pendant un mois, aura par exemple passé 15 heures à assurer ou à faire la comptabilité du groupe aura droit à 150 PLUS.

Comment concrètement et à quel rythme l’opération de distribution va-t-elle se dérouler ?

— Nous prévoyons de commencer par un marché mensuel. Rien ne devrait nous empêcher par la suite de réaliser un marché tous les 15 jours ou toutes les semaines…

Au cours de ce marché, il y aura une première partie réservée aux apports des uns et des autres (détermination des PLUS correspondants à ces apports et distribution de la part en monnaie correspondante) et une deuxième partie consacrée aux achats des produits et des services offerts.

Certains dépenseront tout de suite leur monnaie qui, rappelons-le, sera détruite aussitôt et d’autres échangeront par la suite. À la fin du mois et avant le démarrage du marché suivant, il s’agira de faire l’inventaire des marchandises biens et services en stock qui devront correspondre à la monnaie encore en circulation et non détruite. Ce sera peut-être parfois difficile mais tout ne peut être prévu au départ et nous évoluerons en fonction de notre expérimentation, concrètement.

Une conclusion provisoire : La possibilité existe, il suffit de l’expérimenter. Plus on sera nombreux, plus on sera motivés, mieux ça marchera.

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Vive l’Euro !

mars 2003

Un abonné belge ; désireux d’éviter des frais financiers pour nous régler son abonnement, et ne voulant pas mettre un billet dans une lettre, a choisi un moyen qui parait tout indiqué : faire tout simplement un chèque tiré sur son compte de la Fortis banque belge pour virement à notre compte postal.

Le résultat est à peine croyable : sur les 26,20 euros de son chèque, sa banque a d’abord prélevé la bagatelle de 9,37 euros qualifiée de frais de correspondance, après quoi les chèques postaux français ont à leur tour prélevé 3,50 euros, qualifiés cette fois de frais de remise de chèque étranger. Ainsi la banque de départ prélevant 36% et la Poste, à l’arrivée, 13% de plus, c’est au total la moitié de l’abonnement que nous ont transmis ces “services” financiers. Services pour qui ?

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