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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1026 - novembre 2002 > ...Désintoxication

 

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...Désintoxication

par J.-P. MON
novembre 2002

Nous avons à plusieurs reprises dénoncé le terrorisme que les médias exercent sur les Français, notamment en ce qui concerne les retraites [1]. Je vais néanmoins apporter encore quelques précisions. Les prévisions catastrophiques qui sont annoncées reposent sur le fait qu’il y a aura de moins en moins d’actifs pour un nombre de plus en plus grand de retraités (7 retraités pour 10 actifs en 2040). C’est vrai, mais ce qu’ils oublient de dire c’est que les 10 actifs de 2040 produiront beaucoup plus de richesses que leurs prédécesseurs : avec une croissance modérée, de 1,7% par an, la richesse nationale aura doublé en 2040 tandis que, dans le même temps, la part des retraites dans le PIB croîtra de 6,5 points ; une augmentation de 0,37 point du taux de cotisation par an serait suffisante pour assurer la compensation. En ce qui concerne la retraite des fonctionnaires, la part des pensions dans le PIB en 2040 n’augmentera que de 1,4 points, soit 0,035 points par an, ce qui est négligeable. En fait, cette désinformation distillée continuellement par les médias n’a qu’un seul but : donner aux assurances privées l’énorme marché des retraites par répartition. C’est pourtant loin d’être la solution :
- Au Royaume-Uni où l’effondrement des Bourses mondiales a révélé la crise du système britannique de retraites, le gouvernement chiffre actuellement à 27 milliards de livres (42,2 milliards d’euros) le trou dans l’épargne des Britanniques, pour que ceux-ci puissent jouir d’une retraite confortable [2] ;
- aux États-Unis où les retraites publiques sont notoirement insuffisantes (moins de 40% du revenu d’activité), les salariés dépendent largement du système par capitalisation pour assurer leurs vieux jours et la crise boursière qui sévit depuis quelques mois ampute considérablement le montant de leurs retraites futures [3]. (Le fonds Calpers, qui gère les retraites des salariés de l’État de Californie, a déjà perdu 510 millions de dollars dans la faillite de Worldcom). Quant aux salariés d’Enron, de Global Crossing ou de Worldcom, leurs retraites sont pratiquement réduites à zéro car ils ont souscrit à des fonds d’épargne salariale investis pour plus de 50% en actions de leur propre société.
- en Suisse, à la demande des compagnies d’assurances et des caisses de retraite, qui affirment « être prises à la gorge » à cause de la débâcle des marchés financiers, le gouvernement a décidé d’abaisser le taux de rémunération des fonds de pension de 4 à 3%.

Comment, dans ces conditions, pourrait-on nous faire croire une seule seconde que l’épargne salariale ou les fonds de pension “à la française” feraient mieux que ceux des grands spécialistes suisses ou anglo-saxons ? Alors défendons notre vieux système de retraite par répartition !

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La même mauvaise foi “libérale” est à l’œuvre en ce qui concerne le devenir des entreprises publiques. Stupéfiants en effet, les 12 milliards de pertes rien que pour le premier semestre de 2002 et les 75 milliards d’euros de dette de France Télécom, entreprise qui était prospère naguère quand elle était entièrement publique et pas gérée par des commerciaux et des financiers de “haut-vol” ! Elle alimentait alors généreusement le budget de l’État. La faute à l’État ? Oui, sans doute, mais parce qu’il s’est comporté comme un actionnaire ordinaire faisant une confiance aveugle au marché, en laissant France Télécom faire des acquisitions à l’étranger et acheter des licences UMTS à des prix exorbitants. Imaginez un instant le tollé qu’aurait soulevé dans les médias et chez les “libéraux” l’intervention de l’État-actionnaire-majoritaire s’il avait appelé à attendre que les prix baissent pour effectuer ces acquisitions ! Ces mêmes “libéraux” en sont maintenant à demander à l’État de procéder à une recapitalisation. En fait, une renationalisation totale coûterait moins cher. Notons aussi que France Télécom n’est pas un cas isolé. Parmi les nombreuses entreprises du secteur des télécommunications en grande difficulté, le cas de Worldcom, société américaine, entièrement privatisée, gérée suivant les saines règles du marché, est tout aussi emblématique. Considérée jusqu’ici comme le type même de l’entreprise moderne (se finançant entièrement sur le marché, croissance exponentielle, etc.), elle vient d’être mise en faillite avec des pertes colossales, après avoir reconnu que sa comptabilité avait été truquée. Non, l’échec de France Télécom n’est pas dû à la présence majoritaire de l’État au sein de son capital, mais à la folie qui s’est emparée du monde des “nouvelles technologies” un peu partout dans le monde (voir les dettes pharamineuses de British Telecom, Deutsche Telekom, Alcatel, Ericson…)

Mais apparemment cela n’émeut pas notre gouvernement “libéral” qui persiste à vouloir privatiser (pardon ! “ouvrir le capital”) d’EDF, GDF, Air France … On peut se demander pourquoi.

Air France est une des rares compagnies aériennes mondiales qui continue à faire des bénéfices malgré la récession qui touche le voyage aérien. Sa mise en vente (quand la Bourse ira mieux, a dit le Ministre des finances) ne serait donc destinée qu’à apporter un peu d’argent frais à l’État.

EDF – GDF devrait être privatisés (en partie pour commencer) :
- pour se mettre en conformité avec la législation européenne sur le marché de l’énergie (concurrence oblige !) car, d’après les théoriciens du marché, la concurrence doit faire baisser les prix. Mais la réussite d’EDF et GDF est dans ce domaine exemplaire par rapport aux firmes privées équivalentes !
- le passage au secteur privé devrait favoriser leur développement à l’étranger. Mais c’est déjà le cas et plus rapidement que toutes les autres firmes européennes comparables [4] ! Du coup, des gouvernements “libéraux” étrangers réclament la privatisation d’EDF sous prétexte que son statut public ne devrait pas lui permettre d’acquérir des firmes électriques à l’étranger. En fait, aucun traité européen n’interdit le développement des entreprises publiques à l’étranger. On sait aussi que depuis l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie, les firmes étrangères peuvent intervenir en France et s’y développer pour les fournitures aux entreprises.

Bref, EDF et GDF peuvent parfaitement se développer (si besoin est) avec leur statut actuel et contracter des alliances industrielles avec des partenaires étrangers.

Il n’existe aucune raison sérieuse, si ce n’est idéologique, qui justifie ces privatisations.

Par contre, les inconvénients seraient nombreux : l’ouverture du capital, comme le montre l’exemple de France Télecom, transforme la finalité de l’entreprise qui n’est plus la recherche de l’intérêt général de l’usager et de la collectivité, mais la recherche de la rémunération maximale des capitaux investis par les actionnaires, avec tout ce que cela comporte en risque de hausse des prix, de couverture du territoire, de péréquation des tarifs, d’égalité d’accès au service,…

En fait, la principale motivation (non avouée, évidemment) est incontestablement la volonté de démanteler tout le secteur public pour n’avoir plus affaire qu’à un secteur privé beaucoup plus malléable et facilement précarisable. Alors retraite pour tous après 40 ans de cotisation, en attendant les 42 que propose Balladur, puis 45 ou plus, tandis que les entreprises licencieront à 50 ans. Bref, ça sera enfin le vrai le paradis pour les entreprises et les assurances !

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[1] La Grande Relève, N°989 (juin 1999) et N°1017 (janvier 2002).

[2] Dépêche AFP (Londres) du 03/10/2002.

[3] Le Monde, 02/08/2002.

[4] Dans ce domaine, l’État-encore-patron ferait bien de mieux contrôler leur politique d’acquisition à coup de milliards d’euros dans des opérations qui ne sont pas forcément d’intérêt général.

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