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   Mensuel de réflexion socio-économique vers l’Économie Distributive
 
 
 
 
 
AED La Grande Relève Articles N° 1029 - février 2003 > Au fil des jours

 

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Chronique

Au fil des jours

par J.-P. MON
février 2003

Grande hypocrisie

Selon les gouvernements de gauche comme de droite qui se sont succédé, la privatisation des services publics est inéluctable à cause de la mondialisation et parce que les règlements de l’Union européenne nous l’imposent. En fait il n’en est rien,et c’est le Commissaire européen à la concurrence, Mario Monti, qui le rappelle lui-même [1] : « Nos possibilités d’intervention sont limitées par un principe que je trouve sacro-saint, la neutralité de l’Union et de ses traités par rapport à la propriété publique ou privée des entreprises. C’est la raison pour laquelle je n’accepte jamais qu’on dise en France que l’ouverture du capital d’EDF ou de Gaz de France se fait parce que Bruxelles l’impose. Ce n’est pas vrai. »

Concurrence déloyale

Depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis exploitent leur statut d’unique superpuissance au bénéfice de leurs marchands d’armes. Le phénomène s’est encore accentué avec la politique anti-terroriste développée par Bush. C’est particulièrement sensible dans la zone Asie-Pacifique. Selon l’hebdomadaire Far Eastern Economic Review « les entreprises américaines ont obtenu pratiquement la moitié des 26,4 milliards de dollars d’accords de transfert d’armement signés l’an dernier ». Pour un ex-responsable de l’Australian Submarine Corporation, « si ça continue, il ne restera plus qu’une seule industrie de défense, l’américaine ». Dassault en est l’une des principales victimes : arrivé à Canberra le 27 juin pour négocier la fourniture de 100 avions de chasse (pour un montant de 6 milliards de dollars), le vice-président de Dassault a découvert avec surprise que « le gouvernement australien venait d’abandonner sa procédure habituelle d’appel d’offres pour conclure un accord avec le géant de la défense américaine Lockheed Martin pour participer au développement du Joint Strike Fighter (JSF), la nouvelle génération d’avions furtifs. » [2] Cet avion, qui n’est pourtant pas encore construit ne sera pas livré à l’Australie avant 2015. « Nous nous somme engagés sur quelque chose qui n’existe pas », dit Alan Behm, analyste australien des questions de défense, « il y a des questions techniques et de coût qui ne sont pas encore résolues, et tout système américain coûte cher, nous le savons bien. Nous paierons le prix fort quoi qu’il arrive… » [2].

Déjà, au mois d’avril précédent, la Corée du Sud avait préféré acheter 40 chasseurs à Boeing, bien que les évaluations techniques, de coût et les propositions de transfert de technologie faites par les Coréens aient placé le Rafale devant le F-15K. Dassault essaya d’attaquer le Ministère de la défense coréen en justice pour savoir comment les concurrents avaient été départagés : le tribunal fut incapable de répondre, les délibérations du Ministère de la défense étant classifiées pour des raisons de sécurité nationale. Outre l’Australie et la Corée du Sud, « le Japon est pratiquement un marché captif pour Washington » [2] et Taïwan « est contraint d’acheter la grande majorité de ses armes aux États-Unis parce que les autres fournisseurs ne veulent pas fâcher Pékin ».

Comme si ces déboires ne suffisaient pas, voici que la Pologne, à son tour, juste après sa réception dans l’Union Européenne, préfère les chasseurs américains à ceux de Dassault !

On ne va quand même pas pleurer sur la misère de Dassault, qui se rattrape par ailleurs.

Que la guerre est jolie !

De nombreux journaux et magazines ont entrepris de nous persuader de la nécessité d’une guerre contre l’Irak. L’Express en est un exemple type. Son éditorialiste et patron, Denis Jeambar, y fait constamment allusion : « Pourtant de date historique en date historique, c’est la guerre qui, toujours, recommence… La guerre, toujours la guerre. Comme une implacable activité humaine ou une maladie incurable… Cette nouvelle guerre annoncée contre Saddam Hussein… aura des conséquences considérables et sera aussi notre affaire. Même si nous œuvrons pour en éloigner le spectre, nous ne pourrons y échapper quand elle éclatera. Car notre destin est, à présent, lui aussi, mondialisé » [3]. Un mois plus tard : « Une guerre est, bien sûr, toujours le fruit d’un échec du dialogue humain et se solde, hélas, par des victimes innocentes. Pourtant, y recourir est parfois un moyen de voter un progrès de la liberté du monde. C’est celle-ci qui est en cause en Irak, pas la gloire de M. Bush ni la puissance des États-Unis » [4]. Cela ne s’arrange pas en 2003 : « On peut être contre ce projet de guerre […] Encore faut-il proposer autre chose, un autre dessein pour faire avancer le progrès de la liberté du monde » [5].Toujours dans le même hebdomadaire, Jacques Attali parlant du « dilemme de la gauche » écrit : « Elle devra ensuite accepter, sans complexes, d’être, dans la guerre qui commence, du côté de la liberté et de la démocratie … » [6]

Cela n’a rien d’étonnant si l’on sait que, dans sa très grande majorité, la presse française appartient à des fabricants d’armes [7]. C’est ainsi que Lagardère patron de Matra-défense, contrôle par l’intermédiaire du groupe Hachette Filipacchi Médias dont il est à 100% propriétaire, les quotidiens La Provence, Nice-Matin, Var-Matin, Corse-Matin, et une vingtaine de magazines dont Télé 7 jours, Elle, Paris Match, Le Journal du dimanche, Ici Paris,… De son côté, la maison mère du Figaro, la Socpresse dont le groupe Dassault possède 30% du capital, contrôle entre autres Le Courrier de l’Ouest, Le Maine Libre, Presse Océan, La Voix du Nord, Nord Éclair, Le Soir, France Soir, Le progrès, Le Dauphiné Libéré,… et, depuis le mois d’août, le Groupe Express-Expansion, le groupe L’Étudiant, et la Comareg qui distribue 155 journaux gratuits.

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[1] Le Monde, 19 /11/2002.

[2] Far Eastern Economic Review, Hongkong, 25/ 9/2002.

[3] L’Express, 03/10/2002.

[4] L’Express, 28/11/2002.

[5] L’Express, 02/01/2003.

[6] L’Express, 12/12/2002.

[7] Le Monde, 25/09/2002.

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